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Le lit de fer
Narbonne - Hôpital psychiatrique, janvier 1996
Mes amis sont venus, de Londres, de Paris, d’en bas du village.
J’y mets du mien. Thierry, propriétaire du navire qui vient de sombrer,
fait un point technique sur ma situation.
« Tu ne peux pas rester comme ça.
— Rester comment, je demande. Que veux tu que je fasse ?
— Sans boulot, sans bateau, sans protection sociale.
— J’en avais pas plus hier, de la protection sociale, du boulot, je
dis. J’avais que mon bateau hier.
— Mais là, t’as plus de bateau, mais t’en auras un autre, c’est
sûr, me réconforte l’ami.
— Que veux tu que je fasse de plus ? je lui demande.
— Vas t’inscrire au rmi Alain. Tu dois aller t’inscrire au rmi. »
Je me rangeais à sa sagesse économique et nous partons à la
mairie chercher un dossier de rmi , presque en riant. Il me reste la
dérision totale, et Thierry prendra cette photo, dans mon gros pull
en laine qui restait dans un placard de Claudine. Plus un autre, un
bleu, un vieux. Le dossier de rmi sous le bras, je suis aussi raide
que si je venais de signer le contrat du siècle, de rentrer les Rotschild
dans mon capital social. Depuis l’exclusion d’Albert, je ne l’avais pas
rempli ce dossier, qui m’aurait donné une existence sociale, ou tout
au moins permi de payer l’assurance de mon yak.
Parce que Rmiste, vivant sur un bateau coté un million et demi
de francs était une situation que je trouvais absurde. J’étais pas un
piqueur de pognon de l’ État. Ni de personne d’ailleurs.
Rmiste après des études d’ingénieur chèrement payées, était pour
moi une situation intellectuelle, affective, impossible à envisager. Je
ne remplirai pas plus celui là.
Le déséquilibre qui me collait à la peau comme une fine couche
de gasoil s’infiltre au plus profond de tout. Je le sens pénétrer tout
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