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Le tango des crocodiles
qui ne savait pas nager, sans gilet ni ciré flottant était nulle.
Puis ce fut, dans les heures suivantes, immédiatement après cette
série de coups, l’interrogatoire à la gendarmerie maritime. J’ai pas
pu retenir longtemps quelques sanglots bien nerveux. On en est arrivé
aux questions de responsabilités à chaud. Je fus normalement,
le premier suspecté. Etait-ce mon navire ? Avais je déjà navigué ?
quel âge avait le bateau ? Sept années de charter professionnel et
quelques courses au large sur les prestigieux yachts de mes vingt ans
n’avaient pas convaincu ces types de ma compétence minimale à mener
ce convoyage forcé. Je les ai renvoyés à une bande de France
3. Cinquante noeuds établis à la Nouvelle, film du bateau arrivant
en tête, course en solitaire. Images propres.
Je suis passé à ce qui me semblait être, déjà, du domaine de l’inacceptable.
L’histoire de la saisie par Viaud, de la vente le lendemain
à Thierry, de la disparition et du saccage du navire, de mon domicile
personnel violé. J’ai fait état de la plainte déposée à la gendarmerie
de Port Leucate avant le naufrage. Faudrait pas qu’ils croient que
ça m’a pris après pour me justifier. Tout ça le ventre éclaté par la
douleur de mon compagnon d’infortune disparu. Je n’avais pas encore
conscience d’avoir perdu mon yacht, de ne plus tendre la main
vers un livre que je ne trouverai plus jamais, vers un pull que je
chercherai des heures en vain, vers le seul trou que le juge Albert
m’avait laissé pour mieux le voir périr d’un naufrage même pas dans
la tempête.
En réponse à mes plaintes sur les huissiers détourneurs, je n’ai
eu que cent questions sur ma compétence de marin.
« Les gilets, où étaient-ils ? demande un gendarme, l’autre tapant
à la machine ma déposition.
— Ils étaient . . . normalement, je dis, dans le coffre arrière. Mais
les huissiers avaient tout saccagé pour la vente sauvage, et mis le
navire nu. On a rangé comme on a pu en quatre jours.
— Les pompes, combien de pompes y avait il ?
— Il y en avait trois électriques. Mais le navire est resté plusieurs
mois à terre sans entretien. Les batteries étaient vides, donc mortes,
quoique neuves, quelques mois à peine, et chères. J’ai fait recharger
deux jours mais elles étaient mortes. Et une grosse voie d’eau ne
peut. . .
— Le moteur fonctionnait, pourquoi ne pas l’avoir mis en marche ?
— Il y avait un problème. Procurez vous le pv de saisie de l’huissier.
Il y est mentionné que le navire ne doit pas naviguer au moteur.
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