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Le tango des crocodiles http://www.tango-crocodiles.com [Document]

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<strong>Le</strong> fil rouge<br />

Je ne me souviens de rien et je me souviens de tout.<br />

Ni <strong>des</strong> bulles, ni <strong>des</strong> bras que j’ai dû ouvrir à quelques mètres<br />

sous l’eau, de la remontée à la surface. Ou alors je me souviens que<br />

j’ai ouvert les bras à quelques mètres sous l’eau. Ou que j’ai dû le<br />

faire car c’est toujours <strong>com</strong>me ça que je remonte en surface. Je ne<br />

me souviens plus de ce dont je me souviens vraiment. Comme les<br />

souvenirs d’enfant dont on ne sait si on nous les a racontés ou si on<br />

les a vécus.<br />

Lorsque je sors la tête de l’eau, il fait nuit mais on y voit assez<br />

bien. Je scrute le remous, la main tendue. Rien ne vient. Impatient<br />

de récupérer mon nègre, laissé échapper, je plonge en ciré et bottes<br />

dans l’eau d’encre. Pour voir quoi ? On ne voit rien. J’ai crié son nom<br />

plusieurs fois dans le noir. J’ai crié, encore. J’ai crié jusqu’à n’en plus<br />

pouvoir. La surface de l’eau n’est même pas totalement noire. Rien<br />

n’est jamais noir en mer. Entre tout à l’heure et la surface, il a bien<br />

dû se passer <strong>des</strong> choses. Peut-être violentes, peut être lentes. C’est<br />

<strong>com</strong>me si il n’y avait jamais eu d’avant, <strong>com</strong>me si ma condition<br />

avait été depuis toujours de flotter ainsi. Seul. Il ne fait pas froid et<br />

je n’éprouve aucune sensation. Ni celle de mouillé, de gêne, de froid.<br />

Je n’ai aucun problème <strong>com</strong>me ça. Simplement, je scrute le moindre<br />

remous, la moindre main tendue. En hurlant mais cela ne fait presque<br />

aucun bruit. <strong>Le</strong> vent doit tout emporter sous lui. Je plonge dans l’eau<br />

d’encre sans trop de peine. <strong>Le</strong>s bottes ne me gênent même pas. Trois<br />

fois. Pour voir quoi ? Sous cetteeau, on ne voit rien. J’ai crié son<br />

nom plusieurs fois dans le noir la tête en l’air, face à une mer même<br />

pas trop grosse. J’ai déduit tout ça <strong>des</strong> questions qu’on m’a posé<br />

plus que de mes souvenirs. Tu as dû avoir froid, l’eau en janvier,<br />

et puis, plonger avec <strong>des</strong> bottes. En fait tout ça a dû se passer très<br />

naturellement. La réponse à mes cris fut un petit sifflement. Un peu<br />

<strong>com</strong>me celui d’un pneu crevé. J’ai tourné la tête en direction de ce<br />

bruit dont je me souviendrai toujours et qui n’en était même pas<br />

un. <strong>Le</strong> canot de survie est venu du fond de l’ombre se gonfler devant<br />

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