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Le tango des crocodiles http://www.tango-crocodiles.com [Document]

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<strong>Le</strong> <strong>tango</strong> <strong>des</strong> <strong>crocodiles</strong><br />

une semaine entière. Un cormoran est là lors de notre sortie dans le<br />

petit matin. Nous le regardons plonger. À peine sortis de la darse,<br />

de petits grains se succèdent, arrivant de l’Ouest, tandis que derrière<br />

nous, à l’Est, le soleil se met à jouer sous les ombres <strong>des</strong> cumulus.<br />

Sylvestre, l’exclu, attaché au navire par son harnais de sécurité, vit<br />

sa première aventure de mer, et moi je savoure ma liberté retrouvée.<br />

Je n’ai encore jamais vraiment vécu avec ce navire. <strong>Le</strong> boulot. <strong>Le</strong>s<br />

dépressions successives. Faudra arrêter ça. Guérir de ces conneries et<br />

passer à autre chose. On a fait cinq cents mètres et j’ai hissé la grande<br />

voile. Des mois. Des mois qu’on m’a mis à la porte de chez moi. Jeté<br />

de l’entreprise pour avoir dénoncé au Parquet le pillage organisé.<br />

Jeté hors de ma maison pour avoir négocié avec un huissier. On va<br />

partir pour <strong>des</strong> pays sans tout ça. J’ai attendu que la grand voile<br />

soit établie pour éteindre le moteur. Une suédoise* à laquelle j’ai<br />

laissé un petit ris. Au cas. Dix nœuds de vent même pas froid, de<br />

travers. Passé le cap Sicié, on l’aura dans le cul jusqu’à la maison.<br />

C’est l’enterrement de Tonton. De François Mitterrand, je veux dire.<br />

Celui <strong>des</strong> années 80. Comme ça, on s’en souviendra longtemps, de<br />

ce voyage de retour. Ça met <strong>des</strong> marques au parcours. Dix ans plus<br />

tard on se dira encore : c’était le jour de l’enterrement de Tonton.<br />

Une façon de ne pas oublier. J’ai ponctué le sillage de notre solide<br />

navire par <strong>des</strong> requiems diffusés par France Inter. Des pensées de<br />

bistrot sur la mort, du genre phare élevé en face de nous, vers lequel<br />

nous nous dirigeons, sans même qu’il guide nos pas.<br />

« C’est chiant ton truc, tu ne pourrais pas mettre autre chose,<br />

m’apostrophe Sylvestre depuis la <strong>des</strong>cente où je l’ai attaché, surveillant<br />

<strong>com</strong>me du lait sur le feu, chacun de ses déplacements au<br />

bout de sa longue laisse de corde.<br />

— Même si j’aime bien Rhaled et Kassav, on ne peut pas non<br />

plus n’écouter que de la musique de nègre.<br />

— C’est vrai. C’est beau. J’avais jamais fait gaffe, répond Sylvestre.<br />

»<br />

A midi, il fait presque beau et je pense à envoyer le spi. Mais<br />

seul avec Sylvestre, c’est pas une bonne idée. Surtout que le pilote<br />

déconne. <strong>Le</strong>s batteries sont basses. <strong>Le</strong> navire, démarré sans les clefs,<br />

est resté <strong>des</strong> mois abandonné. <strong>Le</strong> sondeur ne fonctionne plus. Je<br />

garde mon ris dans la voile suédoise et nous rentrons doucement. Vers<br />

14 heures, de mémoire, nous passons à quelques miles de l’immense<br />

phare du Planier qui surveille Marseille. On a ainsi navigué toute la<br />

journée jusqu’à la tombée de la nuit où le phare de Faraman nous<br />

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