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Le saccage
Port Pin Roland, 6 janvier 1996
On est arrivés à l’extrémité de cette immense crique qu’est la rade
de Toulon, pour un rendez vous avec un huissier contacté au téléphone,
et appellé Fradin.. Claudine m’a donné son dernier chèque.
Un chèque en blanc. Je voulais un inventaire. Je voulais un constat
de cette violation de domicile.
Ma haine, mélange de vieille huile usée et de gasoil pourri, rouillait
le fond de mon estomac. Nous sommes entrés dans le navire après
l’huissier loué pour la séquence. Là, est apparu, dans toute sa vulgarité,
le spectacle que j’appréhendais depuis les premiers instants 1 .
Ordinateurs de bord jetés en vrac, robes de Claudine éparpillées,
livres les plus aimés de Gerbault et de Monfreid salis, déchirés. Le
moteur en maladie, ne devant pas faire le moindre tour d’hélice avait
servi à amener le navire chez les pilleurs. Ils voulaient vendre vite.
Il nous est interdit de remonter à bord. Il m’est interdit de rentrer
chez moi. Monnier, commissaire priseur, seul interlocuteur du
chantier n’a pas donné la consigne, me dit-on.
La pluie d’hiver inclinée à 45 degrés par le vent d’est qui ne se
calme pas et balaye les rues désertes de ce coin perdu ne parvient pas
à faire baisser ma température. La bagarre va commencer. Je hurle
et vais exploser la gueule de ce type à coup de docksides. Je me
calme, ravale ma rage, m’affale, négocie encore et encore et encore
une fois de trop.
Il faut trouver une piaule et on a pas un rond. Pour tout paiement,
à l’hôtel Lamy, sur la plage. je laissai mon Macintosh portable
en caution. Sylvestre et moi partageons une chambre. Allongé à côté
de lui, alors que dehors le vent soufflait avec violence et que la pluie
torrentielle dévalait depuis des jours les fleuves et les rivières, je me
souvenais de cette nuit décrite par Melville dans les premières pages
de Moby Dick : entre Queekek, le grand harponneur païen, et Ismaël,
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