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Un gendarme de base
Port Leucate, 6 Novembre 1995
Alors j’allai, comme je l’avais déjà fait il y a deux ans, après la
cession frauduleuse, déposer une plainte, non pas au Parquet, mais
à la gendarmerie de Port Leucate. Une plainte pour la disparition de
ma maison flottante. Je ne suis pas calme. Me dire enragé c’est sous
estimer la violence que je tente de contenir. Me dire effondré, est
largement en dessous de mon abbatement profond et de ma peine.
Ils sont montés à bord, entrés chez moi on ne sait comment puisque
j’ai les clefs, démarré le moteur on ne sait comment. Ils ont violé
mon domicile. Soustrait mon seul et dernier abri. Car je n’ai aucun
doute, ce ne sont pas des tiers à l’histoire qui ontfait ça.
Philippe Bergail, gendarme de terrain attentif, prends ma déposition,
que je qualifie bien à tort de détournement d’objet saisi 1 .
« Quel était l’objet saisi ? demande le gendarme.
— Ce n’est pas un objet. C’est ma maison, mon domicile, mon
outil de travail. Un voilier de 15 m, je réponds agacé.
— Où ?
— A Saint Tropez.
— Quelle est sa valeur à ce jour ?
— Un million quatre cents mille francs environ.
— Nouveaux ?
— Y a plus d’anciens francs depuis longtemps, je m’énerve.
— Votre profession, continue-t-il en tapant sur un portable moderne,
ce qui m’étonne un peu.
— J’ai plus de boulot, je réponds, avant qu’un mélange d’adrénaline
et de fond de haine viennent me remplir le sang. Le coeur
s’est mis instantanement à frapper.
— Que faisiez-vous auparavant ? »
Je n’ai rien répondu. J’allais pas refaire le coup de l’écrivain. Je
déglutis. Il insiste.
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