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3. Le second jugement
à eau sur la table à cartes, note sur le procès verbal : Bateau ne
pouvant se déplacer au moteur.
Tandis que le commissaire de police et l’associé dépouillent du
regard mon navire de façon obscène, comme s’ils étaient chez eux.
« J’ai une solution pour le paiement de la créance, je poursuis.
Une vente à l’amiable à un de mes amis.
— Il est solvable ou comme vous ? dit il avec ce ton particulier
qui va me devenir familier. Montre en or, gourmette épaisse en or,
chaussettes trouées. Il a investi dans l’apparence sans penser qu’on
ôte ses chaussures avant de monter sur un pont en teck. Il y a un
panier en osier dehors pour cela.
— Il dirige la filiale de la Lyonnaise des Eaux à Londres. Son
épouse est cadre de la Générale des Eaux. Ils sont tous les deux
ingénieurs Agro Paris. Ca va ? je réponds très agacé. »
C’est vrai que moi je ne suis plus rien pour eux.
« Bien. Soit. Donnez-moi votre parole de marin de ne pas quitter
le port à la voile, et je vous laisse à bord. Demain, vous passerez à
l’étude, dit Viaud.
— Donnez-moi votre parole d’huissier que vous ne ferez rien sans
m’en avertir, je lui réponds pas un poil agressif et presque détendu,
du coup.
— Vous l’avez, dit l’huissier. Et il ressort le procès-verbal et note
très précisément : le navire ne peut manœuvrer au moteur. »
Que peut-il faire d’ici demain ? je me dis. J’ai gardé l’acte de
francisation, les clefs, et donc la maîtrise du navire. C’est mon domicile,
mon outil de travail. Dès qu’ils sont partis, j’ai tout de suite
pensé me tirer dans la nuit vers l’Algérie où personne ne viendrait
me chercher. J’avais donné ma parole à Thierry et son plan avait l’air
de marcher car, lui, ne se dédierait pas de son engagement, j’en étais
certain. J’ai du m’endormir, pour la première fois depuis huit jours,
mais toujours persuadé que j’aurais dû m’enfuir. Je passe cette nuit
à mûrir la décision de mettre les voiles pour toujours.
Je me lève. Le vent est favorable. Je peux larguer et sortir à la
voile sans un bruit, imperceptiblement poussé par la trinquette à
moitié enroulée.
Je n’ai pas pris cette décision là. Par ce que mes décisions intempestives
nous avaient menés là et qu’il fallait que je choisisse, pour
une fois, la voix de la sagesse.
Le piège
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