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3. Le second jugement
à d’Aboville, à Mandela, aux types qui sont sortis des coups les plus
durs. Ce toubib avait décidé de me sauver, si ce n’est de la vie, au
moins du grand plongeon. J’explique avec ce sourire amer et hautain,
ce sourire de dépression 4 , la saisie de mon navire qui venait de
survenir. Je suis au delà de mes limites physiques depuis plusieurs
années à présent. Socialement défait, économiquement un mendiant
de luxe, rongé par ce viol économique. Je hurle en permanence d’un
cri que personne ne comprend, n’entend, ne veut entendre surtout.
« Votre histoire est naufragée, me dit le toubib.
— Pas sûr, je réponds, les épaves, ça se renfloue.
— De toute façon, dans votre état, la meilleure solution est que
je vous hospitalise.
— Combien de temps cela prend, hospitaliser, je demande, plein
de bonne volonté.
— Un mois est un minimum. Dans votre état reprend-il, un mois
au moins.
— C’est impossible, j’ai du boulot, je lui dis : il faut que je termine
mon récit pour faire valoir mes droits.
— Alors venez quand vous voulez. Prenez ça deux fois par jour,
et ça le matin. Revenez en chercher lorsque vous n’en aurez plus. »
Cette décision de refuser de mouiller* dans un lit blanc était une
connerie. Comme les victoires et les succès, les rires et l’amour, les
conneries s’appellent l’une l’autre, s’amassent pour former de vastes
galaxies. Il y a une loi d’attraction universelle.
J’ai analysé mes choix sur une nappe en papier du bistrot du
port. Deux solutions restaient possibles :
La première solution, c’est de décrocher de ce monde, de me tirer
de l’autre côté de la mer, dans mes contrées de naissance. C’était la
bonne d’un certain point de vue, celle que mon instinct et mon impulsivité
me dictaient. J’ai réfléchi. Vivre traqué n’était pas une vie,
et les rappels de l’enfance m’ont confirmé cette sensation profondément
enfouie. Si j’étais né dans une petite ville de province avec un
père médecin, une mère institutrice, dans un pavillon joli, je me serais
sûrement tiré. C’était le premier argument que je dessinais sous
la forme d’un cercle. Et puis, j’allais pas faire ça à mon associé de
bateau, Sablayrolles, je ne voulais pas faire le salaud. J’ai mis un
carré dans le cercle et gribouillé l’intersection.
La seconde, légale et économiquement propre et viable, faire appel
à mon ami Thierry, le seul qui me restait depuis que mon monde
était composé d’ivrognes sans le sou, car Thierry et Marine navi-
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