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Le tango des crocodiles http://www.tango-crocodiles.com [Document]

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2. <strong>Le</strong> charter<br />

<strong>com</strong>ment : l’écriture, les média ?<br />

Je survis de trocs précaires, au jour le jour, en fonction de chaque<br />

besoin. Mes jumelles à trois mille balles sont laissées en caution chez<br />

un toubib et à peine récupérées, échangées contre un joint de pompe<br />

à eau à cinq cents balles. Cette pompe à eau qui fuyait était mon<br />

obsession. Mon permis de conduire fut la garantie de deux paquets<br />

de clopes et trois pressions au Café du Port et le lecteur de cd rom<br />

du bord se transforma en deux cartouches d’encre pour finir d’imprimer<br />

le bouquin. La meilleure chose que j’ai faite fut d’échanger<br />

mon sextant*, qui côtait bien six mille balles, contre les freins de ma<br />

Méhari récupérée 11 . <strong>Le</strong> prix de la baguette de pain redécouvert, mon<br />

enfance me rattrape à grands pas pour me faire la peau.<br />

Fond de port. Couleur verte. Vin trop rosé. Filles trop osées.<br />

Rouille <strong>des</strong> cargos. Je n’ai pu freiner la chute. Pas vraiment saoul<br />

en permanence, je me suis trop vite mis à trop boire. Pas les apéritifs<br />

mondains <strong>des</strong> hommes d’affaires vaniteux où glaçons et amusegueules<br />

exorcisent leurs mauvais coups de la journée, sous les regards<br />

rieurs de leurs admiratrices familiales. Dans l’admiration de leurs rejetons<br />

à qui ils travestissent suffisamment leur histoire pour en faire<br />

une réussite. De demi en demi, de solitu<strong>des</strong> en <strong>com</strong>ptoirs, de rages en<br />

dérives, de notes de bars en mendicités à peine voilées, c’est un alcoolisme<br />

d’exclu, discret et pauvre qui diminue chaque jour ma lucidité.<br />

Mon pas dégouline sur quelque trottoir, dans une quête éperdue pour<br />

le meilleur anxiolytique du monde, à la recherche d’une autre vie.<br />

On ne connaît que ce qu’on touche. On ne connaît les pas sur un<br />

trottoir qui dérive, les journées sans boulot, le pillage, le viol économique<br />

par <strong>des</strong> <strong>com</strong>merçants travestis sous l’hermine, qu’en mettant<br />

sa vie et ses mains dedans. La culture, ce n’est pas connaître les gens<br />

et les choses dans les livres mais de mettre les mains dans les choses<br />

et les gens.<br />

Pendant mes rares fenêtres de conscience, je n’ai plus qu’un objectif.<br />

Eviter la saisie de mon refuge marin, de ma maison, de mon<br />

outil de travail, de mon rêve de gosse, du seul bien qu’il me reste.<br />

Et pour atteindre cet objectif essentiel dont dépend ma survie, le<br />

juge <strong>com</strong>missaire Albert et ses invisibles amis, dont il a reproduit au<br />

mot près les consignes d’exécution, ne m’a laissé que peu de moyens.<br />

Certes il ne me faut que peu d’argent au regard de la valeur du<br />

navire sublime que je choie chaque jour. Il me reste cinq cents mille<br />

francs de dettes sur ce yacht, c’est à peine plus de cinq mille balles<br />

par mois sur dix ans. C’est le prix d’un studio parisien plus ou moins<br />

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