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Le tango des crocodiles http://www.tango-crocodiles.com [Document]

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2. <strong>Le</strong> charter<br />

vouloir me vêtir contre le froid social. Cela ne m’avait pas couvert.<br />

J’avais cette fois-çi, sans boulot et sans projets autres, l’impression<br />

d’être libre pour celui-là, mais sans boulot et sans statut social,<br />

la voie m’était fermée. J’aurais dû m’enfuir à la sauvage, sur ce qu’il<br />

me restait encore puisqu’il n’y avait pas de loi. Je me suis mis très<br />

vite à boire, mis à trop boire et lorsque je n’étais pas saoul à cause<br />

<strong>des</strong> quelques verres que l’on voulait bien m’offrir, je l’étais de la vie<br />

que l’on venait de m’arracher.<br />

Au lieu de cela, j’allais tenter de reprendre, avec le charter en<br />

navire à voiles, le métier de mes vingt ans, le boulot dans lequel<br />

j’ai passé les meilleures années de ma vie. Il me restait mon yak. Un<br />

sérieux outil de travail. À dix-sept ans, je courais parfois sur Helisara<br />

III4 . A vingt ans est venu le charter5 .<br />

On a fait passer, Claudine et moi, sans un sou, une pub dans la<br />

revue Îles magazine6 . Comme j’ai raconté notre histoire, que j’étais<br />

resté un <strong>com</strong>mercial hors pair, on nous a financé une pleine page.<br />

On a quitté Saint Cyprien pour aller prendre nos premiers clients à<br />

Cannes, et pour ne jamais y revenir. Cette nuit là, Claudine et moi<br />

avons mangé <strong>des</strong> vents de plus de soixante nœuds7 . Après quelques<br />

heures en fuite à sept nœuds à sec de toile, on a récupéré nos clients.<br />

Des financiers suisses que notre petit canot avait bien fait sourire.<br />

Puis on a été à Saint Tropez où il y a du fric, traquer d’autres clients.<br />

Port de Saint Tropez, hiver 94<br />

Qui dit que la vie en yacht à Saint Trop est hors de prix ? Saint<br />

Tropez est le port le moins cher de la Méditerranée en hiver. Six<br />

mille francs pour six mois, téléphone, électricité donc chauffage et<br />

eau chaude <strong>com</strong>prise. L’été, qui <strong>com</strong>mence avant avril, le loyer passe<br />

à cinq cents francs par nuit, et il faut se tirer et aller vivre de crique<br />

en crique, dans la baie de Canoubiers, sous le cap Camarat.<br />

Saint Tropez est en hiver un paradis qui me fait supporter la<br />

corrosion que j’ai dans le ventre et dans l’âme. Je fais semblant<br />

de goûter autant que je peux les tranches de ma nouvelle vie à la<br />

terrasse du Café de Paris, puis à la terrasse du Café <strong>des</strong> Arts, puis<br />

à la terrasse d’autres troquets. <strong>Le</strong>s nostalgies qu’exhale le Café <strong>des</strong><br />

Arts, vieux bistrot de 1920 remontent <strong>com</strong>me les odeurs de thym<br />

après l’orage. <strong>Le</strong> soir, assis sur la jetée, au-<strong>des</strong>sus de mon navire,<br />

je salue le soleil avant qu’il ne disparaisse derrière les montagnes. A<br />

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