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Le tango des crocodiles
Cette base de données contenait toutes les caractéristiques du
marché, de nos contrats. C’était le fruit de mon intelligence, de plusieurs
années de travail personnel, la nuit, le week-end, obstinément.
Il comprit que continuer sur ce terrain ne l’amènerait qu’à prendre
mon poing, ou un téléphone, à travers la gueule. Je cherchais déjà le
meilleur angle d’attaque, une chaise. Ma dernière bagarre remontait
à une sortie de lycée. Pour une fille. J’y avais laissé un morceau de
langue, cicatrice que j’exhibe encore, preuve de l’exploit.
« J’ai gardé toute la compta, il faudra un mandat pour me la
faire rendre, dis-je à l’huissier.
— Ça ne nous intéresse pas, répond Samuzeau. »
Sur la plage, les pillards sont en train de tout prendre. Je cherche
à sauver un peu de matériel, pour que le prochain navire renaisse le
plus vite possible, avec, en mémoire, ces images du naufrage de Gipsy
Moth dans le tour du monde. Puis, ils nous ont poussés sur le trottoir.
J’ai dû demander qu’on me prête ma camionnette une dernière fois
pour ramener ceux des nôtres qui restaient. Sur le chemin du retour,
l’impression d’avoir perdu mon navire sur une grossière erreur de
navigation me submerge. C’est dans ce naufrage là que je me suis
noyé. C’est dans ce naufrage là que je me suis noyé la première fois.
La semaine suivante, il a fallu, ultime humiliation, nous rendre
dans les bureaux parisiens de notre repreneur, un petit local sale de
10 mètres carrés, loué pour l’occasion, dans lequel personne n’avait
encore mis les pieds. Soi-disant pour rendre notre téléphone portable.
« Quand on a su que c’était Alazard, on a bien ri. On se connaît
depuis longtemps, s’exclame Samuzeau. Que comptez-vous faire ?
— Une thalassothérapie, en attendant notre contrat d’agent commercial,
je réponds, même pas agressif. »
Car un tel contrat, compte tenu des plus values à venir dans les
mois qui allaient suivre ans valaient de l’argent.
C’est au président, devenu fantoche, de la Financière d’Imagerie
Médicale, cette société sans objet, pillée de son seul actif,
l’entreprise et son parc, à aller accomplir la formalité de dépôt de
bilan. Avec un espoir, encore, et toujours : celui de tomber sur des
juges qui vont comprendre. Espoir aussi mince qu’un fil de pêche,
moins solide qu’un cheveu, je ne le comprendrai que plus tard, alors
véritable espoir à part entière.
Le tribunal de commerce est celui de Bobigny, siège du holding.
C’est lui qui aurait dû être compétent, comme on l’a vu, pour juger
l’ensemble de l’affaire. À cette époque, je pensais que ce tribunal là
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