Le tango des crocodiles http://www.tango-crocodiles.com [Document]

31. Le jugement d’exclusion
demandé, respectueux des habits noirs des juges, révolté quand il
le fallait. Un vrai tango des comportements humains. Ce n’est déjà
plus ma vie. Me voici tout à coup hors de mon propre sillage, dans
une sensation totalement indescriptible dont je ne connaîtrai le nom
et les effets que bien plus tard, dans la connaissance par les gouffres
que j’allais acquérir à partir de cet instant. Je n’ai plus aucune peur,
plus aucune rage, plus aucune envie de combattre encore. En neuf
tours de manège du redressement, j’ai été incapable d’arracher le
pompon, ma spécialité de gamin à l’affût d’un tour gratuit, et nous
nous sommes faits exclure par ceux là mêmes qui avaient conduit
l’entreprise devant ce tribunal qui leur fut soumis.
« L’affaire est cédée à Equinoxe pour six cents mille francs, dit
le président en se levant. »
Touché par le harpon de la justice, je reprends de l’air avant de
plonger, droit vers le fond, comme un cétacé. Les odeurs de poudre et
de sang mélangées ont envahi ma gorge. On a pourtant vu des cétacés
retourner d’un coup de queue les embarcations qui les harponnaient.
Je suis remonté de la surface. Verticalement. Pour crever la surface
de l’eau, et ces types, le plus violemment possible, dans un dernier
élan puisé au delà de mes réserves.
« On se retrouvera devant un autre Tribunal, dis-je à Thory à la
barre. »
L’ultime menace, qui se vérifiera, n’a pas réveillé les momies
noires qui osent se nommer tribunal. L’avocat incestueux n’a pas
répondu à l’agression.
Tous méprisent ceux qui ont perdu, quelles que soient les règles,
fussent-elles contraire au droit et à la procédure la plus élémentaire.
Megly a sorti son chéquier. Leur investissement serait remboursé
dans le mois qui allait venir par la vente de trois machines. Ils leur
en resterait deux cent pour leur fortune personnelle et leurs accords
occultes de collusés.
J’en avais livré des bagarres depuis l’enfance, dans ma vie d’homme,
j’en avais gagné des combats perdus d’avance, j’en avais perdu des
batailles que je devais gagner. L’adrénaline était ma came, j’avais
su résister parfois à toutes les pressions, à chaque fois que j’étais
tombé, je m’étais relevé. Toujours contre des adversaires palpables
que je pouvais contenir, en face desquels je pouvais succomber sans
honte lorsque je perdais. Cette défaite là était ma première d’un
nouveau genre, elle faisait naître un sentiment inconnu jusqu’alors,
m’engrossait d’Alien que je porterai dans mon sein jusqu’à sa nais-
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