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26. Virement de bord vent debout
à merveille, elle qui ne fréquentait le bureau qu’en jeans, entretient
le dialogue. Claudine et moi nous nous regardons parfois. On fume.
Une. Deux. Trois cigarettes. Bientôt, mon paquet acheté le matin
même est vide. Cela fait plus d’une heure que l’entretien dure entre
le juge commissaire et Thory. Rouannet sort la première de l’entretien.
Elle est tendue. De m’avoir obligé à une cession avec des offres
dérisoires ? De n’avoir pas envoyé les éléments demandés par Kontron
Instruments ? D’avoir accepté de recevoir l’offre d’un associé
en connaissance de cause ? Est-ce sa solitude et son peu de compétence
dans ce dossier si rude, l’abandon de son patron à qui elle
demeure fidèle ? Pelissier et Alazar partent à leur tour. Cela durera
dix minutes.
Puis nous entrons tous dans la salle d’audience. La solennité de
ce lieu, la chape de plomb déposée par la noirceur des habits des
juges et des avocats me fait taire. Comme dans les églises, je n’ose
pas respirer, ne sachant s’il faut me lever au son de cloche, m’asseoir,
lire à voix haute ou à voix basse. Les tribunaux de commerce
deviendront-ils un jour un lieu de travail, ou resteront-ils à jamais
un prétoire empreint de sacré ? Dans les trente premières minutes,
chacun se présente dans l’ordre de sa position dans la pièce, ce qui
doit, je le suppose, correspondre à un protocole. Flesch est là, derrière
moi. Debout, à côté de lui, Thory, et les autres. Je n’ai aucune
visibilité sur mon arrière hostile. Sur mon avant, ce n’est pas mieux
car les juges sont trop loin, et ne se sont pas présentés. Qui est Président
? Que font les autres ? Le greffier greffe-t-il la composition de
cette assemblée ? Où sont tous les dossiers que j’ai remis au cabinet
Vilanou ? Je voudrais d’une table ronde où les gens puissent se regarder.
Ce simulacre de bonne tenue entre voyous m’est intolérable.
Je vais me lever, hurler, on le sent, elle le sent.
« Ne dites rien, me chuchote Rouannet, qui sent mes frémissements
comme je sens ceux du vent, et elle prend la parole à ma
place.
— Monsieur le Président, nous avions dès le début pensé mettre
en place un plan de redressement, et nous sommes finalement tournés
vers un plan de cession. Vous trouverez nos conclusions dans
le rapport que nous vous avons remis, et sommes favorables à une
solution de reprise par la société Novamédical, ici représentée.
— Messieurs, si cette solution permet de préserver les emplois, je
suis pour. Ce sera déjà cela, reprend Joliot, représentant des créanciers.
»
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