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Le tango des crocodiles
bourdonne dans l’essaim Equinoxe, qui occupe la partie droite de
la grande salle. Soudain, en pleine guerre, Flesch vint présenter ses
hommages à Claudine. Elle ne lui serra pas la main. La mienne s’est
tendue sous l’effet de la surprise et de mon système nerveux, qui
comme celui d’une grenouille électrifiée agite sa patte sous l’oeil mi
hagard, mi intéressé des lycéens, et aussitôt je regrettai le réflexe.
Thory avocat défendeur de l’offre commune Equinoxe Doliam
est tout sourire. Pourquoi cette assurance à l’approche de la gueule
du loup judiciaire ? De quels appuis disposent ces gens ? De quels
appuis pour retourner en leur faveur le banquier de Loca Cio qui
les détestait ? Philippe Alazar, du côté gauche, le cessionnaire que
nous avons choisi, faute d’un industriel négligé. Les deux groupes
s’ignorent, ce qui sur l’instant ne me paraît pas si surprenant que
cela.
Dans notre petite assemblée, Colette parle de ses gants de laine
achetés vingt francs, Sylvie les essaye. Ils sont trop petits pour elle.
Rouannet tente de détendre cette atmosphère juridique. Je revis des
instants semblables à ceux des résultats des concours. Notre vie se
joue. Tout est clair dans ma tête. J’ai fait, durant tout ce temps, ce
que j’ai cru juste. Rouannet nous quitte, et revient quelques minutes
plus tard, de son pas lourd caractéristique, la démarche chaloupée.
« Le juge commissaire veut voir les repreneurs.
— C’est normal de voir les repreneurs ?
— Non, mais ça se fait. Il veut les voir un par un. En privé. Sans
le représentant du personnel Sylvie Toral.
— Avec vous ?
— J’y serai répond Rouannet.
— Vous m’aviez dit qu’il était interdit de voir le juge en privé.
Il ne nous a jamais convoqués.
— Je n’ai jamais vu cela, répond Rouannet. »
Qu’est ce que tu voulais qu’on dise, face au souverain.
Les nouveaux alliés, Equimédical, disparaissent à part égales
dans le sillage de Rouannet, comme les mouettes avides des restes
de l’entreprise, s’enfoncent dans le sillage d’un chalutier démaillant
ses filets. On entend les coups de gueule des gouels affamés.
Dehors, dans la grande salle, les cendriers côtoient les panneaux
d’interdiction de fumer. Pour Colette, notre avocate, drapée de sa
toge, mais légère et court vêtue en dossiers, il s’agit d’une formalité.
Elle parle de ses enfants. Sylvie qui s’est vêtue exceptionnellement
pour l’occasion d’un tailleur gris à fines rayures rouges, qui lui sied
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