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Le tango des crocodiles
« Je voudrais que nous formalisions le plan de continuité. Que
vous nous indiquiez les contraintes. Qui sera commissaire à l’exécution
du plan, je demande, votre cabinet, Joliot, Albert ?
— Le juge commissaire Albert est contre votre plan de continuité,
interrompt Bay. Il est excédé par les réserves de propriété des
banques, qui lui écrivent en lettres recommandées. Il en reçoit des
dizaines par jour.
— Il n’y a pas besoin de réserves de propriété, je dis, qu’est ce
que c’est que cette histoire ?
— Il est excédé et refuse le plan, reprend Bay, il va falloir envisager
une autre solution.
— Il n’est pas là pour être excédé, j’explose, mais pour juger de
la possibilité financière du redressement entrepris depuis six mois,
et réussi. Nous venons de relouer deux machines sauvages issues des
conneries de Flesh et Lequeux, dont une à 800 000 F, en litige depuis
deux mois. Notre gestion est saine et éthique.
— Il ne comprend pas les réserves de propriété. Les lettres recommandées
des banques l’agacent.
— C’est à vous de lui faire comprendre. Il a très bien compris il
y a trois mois.
— Le juge commissaire est souverain. Il veut un plan de cession.
— Ce n’est pas ce qui a été prévu. Je ne suis pas d’accord, j’ai
préparé un plan de continuité. Vous n’avez jamais pris le temps de
l’examiner. On voit un administrateur différent par mois. »
En quelques dizaines de minutes, la visite de routine s’est transformée
en un combat de tranchées. Il faut lever le pied, se calmer.
Prendre en compte que ce cabinet est à la dérive et que nous sommes
probablement leur dernière affaire, dont ils veulent se débarrasser.
« Vous avez fait de l’article 40 1 , coupe Bay.
— C’est faux. C’est votre laxisme, qui a fait de l’article 40, si il
y en a. »
J’explose malgré mes bonnes intentions. Mais tant pis, il faut
ouvrir, ne pas laisser pourrir le non dit. On va à l’abattoir sinon, le
sourire aux lèvres, bercés par le chants des sirènes toulousaines.
« L’argent que vous deviez faire rentrer légalement n’est pas entré
dans l’entreprise : vous ne réclamez pas les loyers de crédit-bail
adossé des clients bordelais.
— Je ne vous permets pas.
— Enfin l’entreprise aurait pu vendre pour un bon million de
francs de contrats aux constructeurs qui voulaient les racheter, mais
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