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Le Tribunal de Commerce
L’entrée du tribunal de commerce de Narbonne est gardée par la
Justice, oxydée au fil des ans et des routines, par les orages autant
que par le soleil presque espagnol. Les yeux bandés, une balance
dans une main, un glaive dans l’autre. Sans y voir le moindre signe,
nous entreprenons l’ascension de l’escalier semblable à celui d’un
théâtre de province. Au troisième étage, derrière une porte, dans
un petit couloir large d’à peine plus d’un mètre, toutes sortes de
gens, errants ou immobiles ; ceux que l’on devine être des maçons
honnêtes, des patrons de boîtes de nuit douteux, des hommes dits
d’affaires, attendent. Je tombe sur un comptoir au fond de ce pâle
couloir.
« C’est pour un dépôt de bilan, dis-je, comme on aurait dit c’est
pour une chambre d’hôtel ou pour un mal aux dents. »
La fille me tend, sans un mot, un formulaire qui interroge sur le
ca. Il est supérieur à vingt millions cette année, ce n’est pas dans
les cases qu’on nous propose de cocher. Serait-on traité à part ? On
n’est pas du pays, même si c’est notre pays. On griffonne, on coche.
« Quel est le plus gros chiffre d’affaires de l’entreprise ? monocorde
la fille.
— Quarante-trois millions, dis-je, pensant que le chiffre d’affaires
ne veut rien dire pour une entreprise comme la nôtre.
— De nouveaux francs ? vraiment ?
— Que dois-je faire ? demandais-je
— Cocher une case. Soit demander la liquidation immédiate, et
le dossier est traité tout de suite, soit,
— Sinon ?
— Un plan de continuité. C’est rarissime. C’est accordé par le
tribunal à la demande des dirigeants. »
La convention mise en place avec Equinoxe et Lequeux implique
qu’il faut pousser à la liquidation immédiate de la société vidée de sa
substance. Nous avions été managés pour en rajouter dans le genre :
le marché s’est effondré, avec l’immobilier, notre parc ne vaut plus
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