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Le tango des crocodiles http://www.tango-crocodiles.com [Document]

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<strong>Le</strong> <strong>tango</strong> <strong>des</strong> <strong>crocodiles</strong><br />

père n’avait pas lâché la sienne et devait, je suppose, conduire de la<br />

main droite. C’est un jour de panne, réparée dans un trou d’eau,<br />

que j’ai dû boire celle qui me donna le virus qui attaqua mes yeux.<br />

Je me souviens <strong>des</strong> chambres noires durant <strong>des</strong> mois, <strong>des</strong> aiguilles<br />

chauffées au rouge, seul remède connu pour soigner l’ulcération.<br />

Mon virus de l’herpès et moi avions depuis ces jours, conscience<br />

de nos rapports de dominance. Il ne me cachait les yeux qu’en <strong>des</strong> cas<br />

exceptionnels. Je sentais sa présence au-delà de l’épuisement le plus<br />

total. Pas de ces fatigues de nuits d’étu<strong>des</strong> ou de dizaines d’heures<br />

de barre. Il fallait une brèche dans la conscience pour qu’il tente un<br />

assaut. Je savais même le repousser. Comme je n’allais pas pleurer<br />

sur mes premières amours mortes et que je ferais gaffe aux trous<br />

d’eaux croupis <strong>des</strong> déserts, cela irait. En mer, je ne risquais rien.<br />

L’inox poli d’une immense pince tient mon œil droit ouvert. Une<br />

aiguille au fond de l’oeil. Je n’ai rien vu venir. C’est la guerre pour la<br />

vie de mon entreprise, la trahison, le terrorisme qui m’ont eu cette<br />

fois. La fabrication du holding, les assauts de <strong>Le</strong>queux, la fourberie<br />

de Flesch, trois millions de francs de traites à payer, un million<br />

cautionné par mes amis. L’agression ne pouvant naturellement se<br />

tourner vers l’agresseur, la fuite étant impossible, c’est contre soimême<br />

que le cerveau construit les molécules de la <strong>des</strong>truction. J’ai<br />

dépassé le bout de moi-même sans m’en rendre <strong>com</strong>pte et je lutte<br />

contre l’impitoyable virus qui essaye de m’empêcher de voir le Pacifique,<br />

les Marquises, une fille qui passe. Cet état là, c’est plus qu’une<br />

alerte. Une dé<strong>com</strong>position totale de mon corps. De mon intelligence<br />

et de ma lucidité. De ma volonté. L’anesthésie locale ne m’ôte pas la<br />

sensation. C’est une question de vue ou de mort, car je ne m’imagine<br />

pas ne pas voir les milliards de couleurs, sans cesse changeantes, <strong>des</strong><br />

vagues dans la baston. C’est ma raison de vivre. <strong>Le</strong> globe dont je ne<br />

pensais qu’à faire le tour est celui de mon œil dans lequel l’aiguille<br />

s’enfonce.<br />

Après le retrait annoncé par lettre AR de Flesch, il ne fallut pas<br />

trois jours pour que Crespeau, son directeur général, vint immédiatement<br />

le remplacer. Pour nous aider. . . Chaque personne a sa façon<br />

de dire pourquoi elle est là. Certains <strong>com</strong>mencent par <strong>des</strong> généralités<br />

sur la vie, d’autres lâchent le morceau après une heure. C’est le<br />

temps qu’il nous fallut attendre. Sa conclusion arriva, une immense<br />

étendue pour un volume que l’on savait déjà, <strong>com</strong>me une couche de<br />

gasoil dans un port de <strong>com</strong>merce, elle irisait ses intentions malsaines.<br />

Je ne pouvais pas le coller au mur.<br />

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