30.06.2013 Views

Le tango des crocodiles http://www.tango-crocodiles.com [Document]

Le tango des crocodiles http://www.tango-crocodiles.com [Document]

Le tango des crocodiles http://www.tango-crocodiles.com [Document]

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

9. <strong>Le</strong> bloc de papier à lettres<br />

fitte puisqu’il ne voulait pas venir barrer dans les vagues qu’il avait<br />

engendrées. Ce type affichait dans les relations d’affaires la même<br />

lâcheté qu’il avait montré sur la mer.<br />

Son accueil est froid, sans plus. La courtoisie d’affaires dira-ton.<br />

Arrivés dans une brasserie, nous <strong>com</strong>mandons un plat et une<br />

pression. La sensation <strong>des</strong> trop longs quarts qui ne finissent jamais,<br />

m’envahit. J’attends de cette conversation une issue, une place à<br />

quai, même sans eau et électricité. Il prend la parole.<br />

« C’est la première fois qu’un associé m’écrit en re<strong>com</strong>mandé. Je<br />

me retire. »<br />

J’avais pris l’habitude du vacarme du navire, <strong>des</strong> hurlements du<br />

vent qui pisse dans le gréement, et soudain, plus rien, le silence. J’ai<br />

<strong>com</strong>pris que le mât venait de tomber ; les morceaux cassés tentent de<br />

traverser la coque. L’annonce de cette décision de retrait à quelques<br />

jours de notre échéance de remboursement du prêt personnel étaitelle<br />

vraiment une coïncidence ? J’encaisse, malgré le grand vide qui se<br />

répand dans mon estomac brûlant. Mes tempes battent et le garçon<br />

de café devient flou.<br />

« Tu ne feras plus rien. Ni vingt millions, ni même dix. Tu vas<br />

tout perdre, me lance-t-il, avec une expression que j’avais déjà vu<br />

poindre dans son premier rire de la première rencontre.<br />

— Je vends nos parts, lançais-je, <strong>com</strong>me un défi et <strong>com</strong>me un<br />

test, <strong>com</strong>me une réaction instinctive de survie.<br />

— Combien ? demanda-t-il. »<br />

Je tremble de tous mes membres sans le laisser voir. C’est ça<br />

qu’il veut, me mettre dos au mur pour acheter l’ensemble pour dix<br />

balles. La colère me met les larmes au bord <strong>des</strong> yeux. Je les ravale<br />

le plus dignement possible.<br />

« Que <strong>com</strong>ptes-tu faire ? dit-il, sarcastique,<br />

— Me battre et en sortir, répondis-je, amer, ne sachant pas que<br />

je ne tiendrais pas plus de deux jours au choc. »<br />

La première fois que l’attaque du virus a eu lieu, c’était pendant<br />

la guerre. La Dauphine avec laquelle nous traversions l’Algérie, d’Alger<br />

à Bône, en ce début d’année 1958, m’emmenait enfant, allongé<br />

à l’arrière. Toutes les heures environ, ma mère trempait le tissu humide<br />

posé sur mon front, d’une eau tiède. L’eau dégoulinait le long de<br />

mon co. Je me souviens de l’odeur de la pastille de camphre cousue<br />

dans un petit sac de toile que l’on nous faisait porter dans ces pays<br />

là. Dès qu’elle avait arrosé son rejeton pour ne pas qu’il se <strong>des</strong>sèche,<br />

elle reprenait la mitraillette qu’elle posait le long de la portière. Mon<br />

113

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!