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Le tango des crocodiles http://www.tango-crocodiles.com [Document]

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8. La barre<br />

tchouc qui recouvre les touches du clavier. Ce n’est plus trente pour<br />

cent de la valeur neuve que je peux revendre un truc <strong>com</strong>me ça. Mais<br />

trente pour cent en <strong>des</strong>sus. Et, crise oblige, la souplesse de la location<br />

fera passer cela <strong>com</strong>me une lettre à la poste. Lui s’était payé<br />

une grande partie de tout ça pour pas cher. C’est la loi.<br />

C’est quand même plein d’optimisme que je suis parti pour trois<br />

jours de pleine mer afin de rejoindre Malte. Une jolie dépression nous<br />

cueille à la sortie du golfe de Corinthe, dans le canal de Malte, à deux<br />

heures du matin. Je barre. Je m’endors aussi parfois au volant immense<br />

qu’est cette barre ronde en inox couverte de cuir, maintenant<br />

totalement imbibé d’eau. En face de moi, <strong>des</strong> camions d’eau de mer<br />

déboulent tous feux éteints dans la nuit sombre. Certains me dépassent<br />

dans de grands grondements. Ils allument alors au sommet<br />

de leur toit une lumière verdâtre, à peine visible, un peu fluorescente<br />

et translucide. <strong>Le</strong> vacarme de cette circulation est épuisant. Je désire<br />

la campagne, qui la nuit se tait parfois. La vague qui m’a tiré de<br />

ces rêveries d’un barreur solitaire m’est tombée <strong>des</strong>sus. Elle venait<br />

directement d’En Haut. Je ne sais pas pourquoi, ni <strong>com</strong>ment c’est<br />

possible. Mais elle venait, non pas de côté mais d’en haut. Comme<br />

quand votre voisine du <strong>des</strong>sus arrose trop largement son jardin suspendu.<br />

Jamais vu aussi abrupte. Je ruisselle d’eau de mer et de<br />

bonheur salé mélangés. <strong>Le</strong> navire, lui, ne bronche pas. Il est large, et<br />

appuie ses deux pieds dans la mer bouillonnante, y trouve de quoi<br />

s’accrocher, y prend ses appuis pour les cavalca<strong>des</strong> suivantes. Il est<br />

puissant et pousse devant lui les masses liqui<strong>des</strong> qui contrarieraient<br />

sa trajectoire. Il est souple et s’incline lorsque le vent fait entendre<br />

qu’il tient à rester maître chez lui. Il est tout simplement puissant.<br />

Lui seul me fait tout supporter depuis maintenant six ans.<br />

Je suis seul. Je <strong>com</strong>mence à fatiguer. Glacé, trempé, affamé. Je<br />

crains que le vent ne monte encore, je crains la vague traîtresse, je<br />

crains la casse. Je n’arrive pas à retrouver le bout de saucisson que<br />

m’a jeté Flesch avant de disparaître dans sa cabine, pour aller dormir.<br />

Lorsque, ré<strong>com</strong>pense de l’aube, La Valette, forteresse mythique, le<br />

plus grand port naturel du monde, laisse tomber le voile sombre dont<br />

la nuit l’avait couvert, et ses pans de fortifications dans l’eau violette.<br />

<strong>Le</strong>s cargos font la queue devant la bouche du port, irisée par le vent<br />

de Nord-Ouest qui <strong>com</strong>mence à faiblir. Comme sur toutes les sorties<br />

d’autoroute, il y a du monde au péage. Flesch est sorti à ce moment<br />

là de SA cabine. Presque pimpant.<br />

« J’étais malade, lâcha-t-il le plus naturellement du monde. »<br />

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