Le tango des crocodiles http://www.tango-crocodiles.com [Document]

Le tango des crocodiles
notre entreprise malade d’une croissance trop rapide est prévue, et
a été signée. En bon gestionnaire, en bon ingénieur de Lyon, en bon
diplômé des affaires de l’Insead, et en bon père de famille, et de ses
trois enfants, il assurera le contrôle. Je m’attends à un affrontement
qui curieusement au fil de cette heure n’à pas lieu.
C’est même étrangement, très étrangement que l’atmosphère se
détend, par une sorte de glissement qui n’est le fruit d’aucun argument
visible. Pour déboucher sur la visite de l’usine de Vermon.
Je suis innocemment content de ce résultat même si j’ai le sentiment
étrange de n’avoir pas saisi quelque chose. Flesch fait visiter la
fabrication des capteurs d’ultrasons, explique qu’il sait les réparer.
Crespeau, le directeur général, marche devant nous, suivi immédiatement
de Claudine et moi, tandis que plusieurs mètres derrière nous,
l’ancien actionnaire et le prétendu futur marchent côte à côte, partageant
une conversation dont je ne peux entendre que quelques bribes,
mais dont le ton semble ne plus rien avoir de commun avec celui des
premiers instants. Même dans le rythme de leurs pas, on peut voir
que les comportements ont changé.
Les auteurs de romans ont un avantage certain pour permettre
au lecteur de suivre quelques fils du tissu de l’intrigue qu’ils proposent
: ils connaissent la fin. Ainsi Alexandre Dumas, dans la vengeance
d’Edmond Dantès qui reste voilée jusqu’à la dernière ligne,
livre au lecteur la conversation entre le banquier Danglars, Fernand,
et l’ivrogne Caderousse, destinée à détruire le marin. Ainsi Balzac,
dans César Birotteau, roman encore d’actualité sur les tribunaux
de commerce et le capitalisme, ainsi que sur l’âme humaine qui n’a
point changé, livre le plan élaboré par l’infâme banquier du Tillet,
ancien employé de Birotteau, et les collusions avec ses complices.
En revanche le rapporteur que je suis, en voulant rester objectif, ne
serait-ce que pour pouvoir publier sans craindre des procès coûteux
en diffamation, n’a pas cette possibilité. Il ne peut que livrer les faits
sans interprétation. Ce n’est même pas à contrecœur que Lequeux
quitte les bureaux.
L’abandon du projet initial de Lequeux a un coût sur lequel
Flesch donne son accord. Officiellement la vente des parts de la
banque qu’il représentait se fit pour 1 F, mais à titre personnel le
montant forfaitaire que l’on devait verser à Gérard Lequeux, encore
actionnaire, fut fixé à 166 000 F payables en trois fois . Peines et
soins fut l’objet de la fausse facture à destination personnelle de Lequeux
(les fausses factures ne sont pas l’apanage des grands groupes).
104