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Conservation des aliments - shage

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Les Cahiers de la Brie Française. 1 Saison 2010-2011


SOCIÉTÉ d’HISTOIRE, d’ART, de GÉNÉALOGIE et d’ÉCHANGE. « S.H.A.G.E. ».<br />

Revue<br />

Les Cahiers de la Brie Française.<br />

Président d'Honneur, Fondateur de la SHAGE<br />

Mr Marc HAIRABEDIAN<br />

Présidente d'Honneur<br />

Mme Chantal GUYON<br />

Président Mr Jean-Claude TRISTAN<br />

Responsable de la<br />

Publication Le Bureau<br />

Trésorier Mr Jean-Pierre HUOT<br />

Secrétaire Mr Yves FAYN<br />

Animation généalogique :<br />

Mesdames Annie AUGÉ<br />

Marcelle GRISELLE<br />

Messieurs Yves FAYN<br />

Bruno GOYON<br />

Richard MOLITOR<br />

Maurice SINGLIS<br />

Jean-Claude TRISTAN<br />

Comité de lecture: Madame Micheline TRISTAN<br />

Messieurs Gérald AUGÉ<br />

Michel WALTON<br />

Correspondance<br />

S.H.A.G.E.<br />

Centre Beausoleil 6, rue <strong>des</strong> frères Moreau<br />

1 er étage Salle 102<br />

77380 COMBS-LA-VILLE<br />

Tél/Fax: 01 64 13 08 62<br />

Site: www.genea77-<strong>shage</strong>.info<br />

Courriel : <strong>shage</strong>@orange.fr<br />

Les articles publiés dans NOUVELLES RACINES<br />

n'engagent que leurs auteurs et restent leur<br />

propriété.<br />

Dépôt du titre: janvier 1986<br />

ISSN 0987-1012 (dépôt légal à la Bibliothèque<br />

Nationale)<br />

Déclaration auprès de la CNIL du fichier<br />

informatisé <strong>des</strong> lecteurs: 1989<br />

SOMMAIRE<br />

La conservation <strong>des</strong> <strong>aliments</strong>. 1<br />

Les nouvelles technologies. 4<br />

Nicolas Appert. 5<br />

Les glacières. 12<br />

Les glacières de la Ste-Baume. 14<br />

Le sel. 17<br />

Les métiers du sel en baie de Bretagne. 30<br />

Histoire et origines du foie gras. 32<br />

Les rillons de Touraine. 35<br />

Le sucre. 36<br />

Les confitures. 40<br />

Le vinaigre. 42<br />

Le vinaigrier. 44<br />

La saumure. 45<br />

La fumaison. 47<br />

Des gousses et <strong>des</strong> couleurs. 49<br />

La culture du chasselas 51<br />

Cotisation annuelle :<br />

- pour une personne 34,00 €<br />

- pour un couple 40,00 €<br />

(abonnement à Nouvelles Racines inclus)<br />

Prix de la revue à l’unité 5,00 €<br />

Les Cahiers de la Brie Française.<br />

Saison 2010-2011.<br />

Prix de la revue à l’unité 5,00 €<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 2 Saison 2010-2011


LA CONSERVATION DES ALIMENTS.<br />

Marcelle Griselle, adhérente n° 610.<br />

De tout temps, l'homme a recherché <strong>des</strong> métho<strong>des</strong> pour conserver sa nourriture, entre le<br />

moment où les denrées ont été capturées, cueillies ou récoltées et celui de la<br />

consommation. Depuis <strong>des</strong> siècles, les procédés les plus variés ont été appliqués :<br />

- salage, fumage (salaison)<br />

- boucanage (poissons séchés)<br />

- enrobage (confits)<br />

- sucrage (confitures)<br />

- acidification (conservation au vinaigre)<br />

Associés au froid ou à la chaleur :<br />

- les hommes préhistoriques savaient sécher et boucaner la viande;<br />

- les Romains faisaient venir de la neige <strong>des</strong> monts Apennins, par courriers rapi<strong>des</strong>, pour<br />

rafraîchir les mets délicats;<br />

- au Moyen Âge, l'hiver, la glace <strong>des</strong> lacs et <strong>des</strong> rivières était découpée et conservée<br />

jusqu'à l'été dans <strong>des</strong> puits ou <strong>des</strong> caves profon<strong>des</strong>.<br />

Si le froid et la chaleur interviennent comme agents de conservation, un emballage protecteur,<br />

pour maintenir les <strong>aliments</strong> à l'abri de l'air, est tout autant indispensable et l'association de<br />

plusieurs technologies préserve mieux les qualités originelles <strong>des</strong> produits, tout en améliorant la<br />

sécurité à la consommation.<br />

ALIMENTS CRUS<br />

LES TECHNOLOGIES TRADITIONNELLES<br />

- la salaison<br />

Le sel, le salpêtre, les nitrites, interviennent comme antibactériens, ils dénaturent aussi les<br />

processus enzymatiques. Les <strong>aliments</strong> conservés changent de couleur (vian<strong>des</strong> plus rouges à<br />

brunes) le goût est modifié.<br />

Quelques <strong>aliments</strong> :<br />

-vian<strong>des</strong> (jambonneaux, viande de porc...)<br />

-poissons (anchois, harengs, morue ...)<br />

- le fumage<br />

La fumée produite par combustion lente de bois,<br />

choisis pour leurs propriétés odoriférantes, est<br />

antioxydante, antibactérienne et antifongique.<br />

Cette fumée naturelle est remplacée,<br />

industriellement, par <strong>des</strong> solutions phénoliques ou<br />

par <strong>des</strong> aci<strong>des</strong> organiques qui sont antiseptiques et<br />

qui donnent l'illusion du "goût de fumée".<br />

Quelques <strong>aliments</strong> :<br />

-vian<strong>des</strong> (lard, jambon, bœuf ...)<br />

-poissons (harengs, saumon ...)<br />

Chambre de boucanage →<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 1 Saison 2010-2011


ALIMENTS CUITS<br />

- le confisage dans le sucre<br />

La cuisson, ajoutée à la concentration du sirop de sucre qui pénètre, par osmose, dans les fruits, a<br />

<strong>des</strong> propriétés antibactériennes.<br />

Quelques <strong>aliments</strong> :<br />

-confitures, fruits confits ...<br />

- le confisage dans la graisse<br />

Le confit est cuit dans la graisse avant d'être conservé au froid, bien enrobé dans sa gangue de<br />

graisse, à l'abri de l'air et de la lumière.<br />

Quelques <strong>aliments</strong> :<br />

-volailles (oie, canard...)<br />

-charcuteries (rillettes ...)<br />

LA CONSERVATION BIOLOGIQUE : LA FERMENTATION<br />

- action <strong>des</strong> bactéries<br />

Les sucres contenus dans les <strong>aliments</strong>, se combinent avec les bactéries pour donner <strong>des</strong> aci<strong>des</strong><br />

lactiques et propioniques qui sont antibactériens.<br />

Quelques <strong>aliments</strong> :<br />

-choucroute, navets salés, fromages, saucissons secs ...<br />

- action <strong>des</strong> levures<br />

Les sucres <strong>des</strong> <strong>aliments</strong> se transforment, sous l'action <strong>des</strong> levures, en éthanol avec dégagement<br />

de gaz carbonique. L'action antibactérienne se conjugue avec les propriétés organoleptiques qui<br />

interviennent directement sur la flaveur, la saveur... et la texture <strong>des</strong> produits.<br />

Quelques <strong>aliments</strong> :<br />

-boissons fermentées (vin, bière, cidre ...)<br />

-eaux de vie, fromages ...<br />

- action <strong>des</strong> moisissures<br />

Associées à la fermentation, elles modifient l'aspect du produit (affinage) tout en étant<br />

antibactériennes.<br />

Quelques <strong>aliments</strong> :<br />

-fromages, saucissons secs ...<br />

CONSERVATION PAR LA CHALEUR<br />

LES TECHNOLOGIES ACTUELLES ET INDUSTRIELLES<br />

- appertisation<br />

Les <strong>aliments</strong> sont chauffés entre +100° C et + 140° C, en fonction de la nature <strong>des</strong> produits et du<br />

temps de chauffage. Les germes, les spores et les enzymes sont détruits, pour une conservation<br />

de longue durée, à l'abri de l'air et de la lumière.<br />

Quelques produits :<br />

-légumes et fruits, vian<strong>des</strong>, poissons, plats cuisinés ....<br />

- stérilisation<br />

1/ pasteurisation<br />

La durée de chauffage dépend de l'élévation de la température: 30 minutes à + 63° C ou 12<br />

secon<strong>des</strong> à + 72° C, suivie d'un refroidissement brusque et immédiat jusqu'à +4° C.<br />

Les germes pathogènes et la flore banale sont détruits, mais les vitamines sont préservées.<br />

Maintenus au froid, entre +3° C et +6° C, les <strong>aliments</strong> se conservent de quelques jours à quelques<br />

semaines.<br />

Quelques <strong>aliments</strong> :<br />

- lait, bière, cidre, charcuteries, etc..<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 2 Saison 2010-2011


. 2/ upérisation<br />

C'est la stérilisation à ultra haute température : UHT<br />

Les <strong>aliments</strong> sont chauffés pendant quelques secon<strong>des</strong>; 2 à 3, entre +135° C et +150° C et<br />

refroidis immédiatement jusqu'à +3° C.<br />

Tous les germes sont détruits. La conservation est de longue durée.<br />

Quelques <strong>aliments</strong> :<br />

- lait, jus de fruits, crème ...<br />

CONSERVATION PAR LE FROID<br />

- réfrigération<br />

Les <strong>aliments</strong> sains se conservent quelques jours entreposés à <strong>des</strong> températures comprises entre<br />

0°C et +8°C. L'évolution microbienne est ralentie.<br />

Quelques <strong>aliments</strong> :<br />

-toutes les denrées alimentaires<br />

- congélation<br />

La température <strong>des</strong> <strong>aliments</strong> est abaissée jusqu'à -18° C. Les produits sont stabilisés en l'état et la<br />

durée de conservation varie de quelques semaines à quelques mois.<br />

Quelques <strong>aliments</strong> :<br />

- fruits, légumes, poissons, vian<strong>des</strong> ...<br />

- surgélation<br />

L'abaissement rapide de la température <strong>des</strong> <strong>aliments</strong> jusqu'à -40° C en quelques secon<strong>des</strong>,<br />

favorise la stabilisation en l'état, sans altération <strong>des</strong> cellules pour une durée de conservation allant<br />

de quelques semaines à quelques mois, voire plus d'un an.<br />

Quelques <strong>aliments</strong>:<br />

- fruits, légumes, filets de poissons<br />

- découpes de vian<strong>des</strong> ...<br />

CONSERVATION PAR DESHYDRATATION<br />

On diminue la teneur en eau <strong>des</strong> <strong>aliments</strong> par évaporation. L'activité microbienne est inhibée et les<br />

réactions enzymatiques sont stoppées. Cette technique est appliquée à toutes sortes de denrées:<br />

- vian<strong>des</strong> : bœuf séché, jambon sec ...<br />

- poissons : stockfisch, crevettes<br />

- légumes : haricots verts, fines herbes ...<br />

- fruits : abricots, dattes, figues, pruneaux ...<br />

Mais elle convient parfaitement aux <strong>aliments</strong> de faible volume ou fragmentés en petits morceaux et<br />

aux liqui<strong>des</strong> pulvérisés : lait, café, jus de fruits, boissons diverses, œufs ... réduits en poudre.<br />

La déshydratation permet aussi de conserver <strong>des</strong> <strong>aliments</strong> préparés : flocons de pommes de terre,<br />

sauces en poudres, plats cuisinés.....<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 3 Saison 2010-2011


LES NOUVELLES TECHNOLOGIES<br />

MISE SOUS VIDE D'AIR<br />

Appliquée depuis le début du XX ème siècle pour la conservation <strong>des</strong> <strong>aliments</strong> en l'état, cette<br />

technique est devenue un procédé de cuisson et de conservation qui diffère de l'appertisation par<br />

la nature du conditionnement et la mise sous vide <strong>des</strong> <strong>aliments</strong> avant cuisson:<br />

Après cuisson dans l'emballage et pasteurisation, les germes principaux sont détruits et la<br />

conservation au froid (entre 0° C et +4° C) peut varier d'une semaine à un mois. La plus grande<br />

vigilance doit être observée car ce procédé, mal appliqué, ne détruit pas tous les germes et<br />

certains, parmi les plus dangereux, résistent bien à la chaleur et prolifèrent rapidement en absence<br />

d'air.<br />

Quelques <strong>aliments</strong> :<br />

- plats cuisinés industriels<br />

GAZ ALIMENTAIRES<br />

Au regard de la loi, les gaz alimentaires ne sont pas considérés comme additifs.<br />

1/ l'atmosphère contrôlée<br />

Les <strong>aliments</strong> réfrigérés sont emmagasinés au froid, ensilés, pour certains, dans <strong>des</strong> cuves<br />

hermétiques où l'air a été extrait pour être remplacé par un gaz inhibiteur et bactériostatique,<br />

principalement de l'azote employé seul ou en mélange avec de l'oxygène ou du dioxyde de<br />

carbone dans <strong>des</strong> proportions variables selon la nature <strong>des</strong> denrées. La teneur en gaz est<br />

contrôlée en permanence pour garantir la stabilité de la conservation.<br />

Quelques <strong>aliments</strong> :<br />

- œufs, fruits, légumes ...<br />

2/ l'atmosphère modifiée<br />

Cette technique est associée à la mise sous vide d'air <strong>des</strong> denrées et à la conservation au froid.<br />

Les gaz et mélanges de gaz sont identiques à ceux utilisés pour la conservation sous atmosphère<br />

contrôlée mais la teneur en gaz, définie au moment du conditionnement, n'est plus jamais vérifiée,<br />

jusqu'à la consommation du produit.<br />

Le gaz intervient comme conservateur mais, en plus, il permet d'éviter l'écrasement <strong>des</strong> <strong>aliments</strong><br />

dans leur conditionnement sous vide d'air.<br />

Quelques <strong>aliments</strong> :<br />

-préparations "traiteurs" (quiches, pizza...)<br />

-légumes et sala<strong>des</strong> de 4ème gamme ...<br />

CONSERVATION PAR CONGELATION ET DESHYDRATATION : LA LYOPHILISATION<br />

Après avoir été congelés, les <strong>aliments</strong> sont traités par le vide d'air pour les sécher : c'est la<br />

sublimation, passage direct de l'eau en gaz.<br />

Les caractéristiques <strong>des</strong> <strong>aliments</strong> sont préservées, la prolifération microbienne est inhibée, pour<br />

une conservation de longue durée.<br />

Quelques <strong>aliments</strong> :<br />

-café, thé, boissons aux fruits...<br />

-champignons, crevettes ...<br />

-plats cuisinés... c'est le ravitaillement indispensable pour les grands exploits (courses en<br />

montagne ou en mer, voyages intersidéraux ...)<br />

RAYONNEMENT, IONISATION<br />

En agissant sans danger sur l'A.D.N. <strong>des</strong> cellules vivantes, les rayons ionisants interviennent pour<br />

- la désinfection, débactérisation<br />

- l'inhibition de la germination<br />

- l'élimination de la flore pathogène et de la flore d'altération<br />

C'est un traitement de pasteurisation et de stérilisation à froid, sans altérer les qualités.<br />

Quelques <strong>aliments</strong> :<br />

-pommes de terre, fruits fragiles, ail, échalotes, oignons, charcuteries, vian<strong>des</strong>.....<br />

Source : métiers de l'hôtellerie et du tourisme, Strasbourg<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 4 Saison 2010-2011


Nicolas APPERT (1749-1841).<br />

L'inventeur de la conserve<br />

Chantal GUYON, Adhérente n° 415<br />

Cet homme qui vécut quatre-vingt-dix ans a consacré près de soixante-dix ans à ses recherches<br />

durant la période la plus bouleversée de notre histoire: pas moins de dix gouvernements<br />

successifs comptant cinq rois, la Révolution, l'Empire...<br />

Il n'a ni tombe ni tombeau,<br />

mais il vit chaque jour dans nos assiettes à travers sa découverte: la conserve.<br />

Les Américains, les Anglais, les Japonais et les Russes connaissent et honorent cet inventeur.<br />

Nous, les Français, pour un très grand nombre d'entre nous, nous allons seulement, à travers ces<br />

quelques lignes, découvrir son œuvre importante.<br />

Généalogie réalisée par M. Jean Pierre BARBIER,<br />

Président de l'Association Nicolas APPERT, de Châlons-sur-Marne. (Extraits de "L'art de<br />

conserver").<br />

Le 17 novembre 1749, naissance de Nicolas APPERT à Châlons-sur-Marne. Il est le fils de<br />

Claude, aubergiste à "l'Auberge du Cheval Blanc", puis plus tard, à l'Auberge Royale et sa mère<br />

est Marie HUET. Il a aussi trois frères: Claude, François et Charles.<br />

De 1760 à 1770, il est apprenti dans les caves de Champagne et les brasseries. Il apprend<br />

également son métier de cuisinier-confiseur chez son père.<br />

Après avoir tenté d'installer une Brasserie Royale à Chalons, il quitte la ville en 1772 pour être<br />

élève de la Bouche de Christian IV, duc de Palatinat.<br />

Sources.<br />

Les métiers de bouche: (Extraits du "XVlll ème siècle. Institutions, Usages et Coutumes", Firmin-Didot, Paris 1885).<br />

A la fin du règne de Louis XV et au début de celui de Louis XVI, entre 1770 et 1780, le service de<br />

bouche dans les gran<strong>des</strong> maisons comprenait, en dehors <strong>des</strong> ai<strong>des</strong>, plus ou moins nombreuses,<br />

six classes d'officiers:<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 5 Saison 2010-2011


Le Maître d'hôtel: il dirigeait tous les services de la table. Ce personnage était important et<br />

très richement vêtu.<br />

Le chef de cuisine<br />

Le rôtisseur<br />

Le confiseur<br />

Le sommelier.<br />

Nicolas Appert, entre 1775 et 1781 est officier de Bouche de la princesse de Forbach.<br />

De 1781 à 1794, il s'installe confiseur à Paris, rue <strong>des</strong> Lombards, à l'enseigne "La Renommée".<br />

Dès 1789, il s'engage dans la Révolution. Président de la section <strong>des</strong> Lombards, il est emprisonné<br />

pendant la Terreur.<br />

C'est à cette époque qu'il découvre qu'en faisant chauffer pendant un certain temps <strong>des</strong> <strong>aliments</strong> à<br />

cent degrés dans <strong>des</strong> récipients hermétiquement clos, on peut les conserver indéfiniment.<br />

L'appertisation est née!<br />

Avec l'aide de ses amis Jeandret et Renoult, de 1794 à fin 1802, Nicolas Appert installe une<br />

fabrique de conserves à Ivry. Il devient conseiller municipal et officier municipal (c'est-à-dire,<br />

maire), de 1795 à 1802.<br />

Jean-André SAGET, dit Jeandret : marchand de bouteilles qui venait prendre et livrer les<br />

comman<strong>des</strong> une ou deux fois par mois chez Appert à Paris. Il était fils de vigneron à Ivry.<br />

Cinquième de onze enfants, il a été placé vers l'âge de neuf ans chez un gentilhomme verrier de<br />

Normandie. La verrerie, la fabrication de bouteilles, <strong>des</strong> miroirs et <strong>des</strong> vitres étaient exclusivement<br />

réservées aux gentilshommes. Jeandret apprend son métier de souffleur de bouteilles, métier jugé<br />

vulgaire et abandonné aux roturiers. Sous Turgot, le monopole de la verrerie devient plus souple;<br />

aussi Jeandret revient à Ivry et trouve tout ce qu'il faut pour fabriquer le verre:<br />

Du sable dans les carrières à ciel ouvert<br />

Des mines de calcaire qui affleurent les terres en friche.<br />

Des pierres ou de la glaise à briques pour construire les fours à chaux, les creusets, les fours à<br />

bassins.<br />

Des terrains à bas prix. Dans les années 1779/1780, on n'avait plus le droit de renouveler les<br />

vignes et l'on interdisait d'ouvrir de nouvelles carrières. (Extrait du Conseil de délibérations du<br />

conseil municipal d'Ivry)<br />

Plus de vignerons ni de carriers: la main d'œuvre y était bon marché.<br />

Ces avantages réunis, Jeandret installe sa fabrique de verre à vitres et à bouteilles. Elle<br />

existait encore vers 1860.<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 6 Saison 2010-2011


Antoine Jean-Baptiste RENOULT, originaire d'Athis-Mons, fils de laboureur et placé très jeune à<br />

la ferme de Millepas qui appartenait à l'archevêque.<br />

Quelques années après son mariage, il en deviendra le locataire. Le loyer est excessif, les<br />

paiements en nature (cochons, poulets, œufs, légumes et fruits) prévus dans le bail le font passer<br />

pour le plus riche fermier du village, mais il n'est, en fait, que le moins pauvre parmi les pauvres.<br />

Sa condition, comparée à son ami Saget dont la fabrique de bouteilles prend une importante<br />

ampleur, et au commerce de Nicolas Appert, encore plus florissant, si tout l'argent gagné ne<br />

passait pas en achat de matériel et produits pour ses expérimentations, lui font prendre<br />

conscience que les riches possèdent trop et les pauvres pas assez. Il s'investit et devient officier<br />

municipal. Avec le médecin chirurgien d'Ivry, Jacques Honfroy, ils établissent le cahier <strong>des</strong><br />

plaintes, doléances et remontrances <strong>des</strong> habitants. Ils sont désignés à la majorité <strong>des</strong> voix pour<br />

représenter Ivry en l'Assemblée de la Prévôté de Paris, le 18 avril 1789 (Archives Municipales<br />

d'Ivry). Il devient ensuite Commandant de la garde nationale, membre du Conseil de Surveillance,<br />

puis maire d'Ivry.<br />

La charge de maire devenant trop pesante, l'atelier<br />

trop petit pour répondre à toutes les comman<strong>des</strong>, en<br />

1802, Nicolas Appert, à 60 ans, signe l'acte d'achat<br />

d'une propriété à Massy. Le site comprend:<br />

. Un grand bâtiment longeant la route de Chartres et<br />

qui n'a pas moins d'une vingtaine de fenêtres. Ce<br />

sera l'atelier.<br />

. Un pavillon avec pignon à quatre pour l'habitation.<br />

. Le reste du terrain est occupé par <strong>des</strong> jardins et<br />

divers bâtiments.<br />

De l’autre côté de la rue, <strong>des</strong> lopins de terre bien<br />

situés pour le maraîchage.<br />

Dès 1803, la fabrique tourne à grands feux.<br />

L'atelier est tout juste suffisant pour répondre aux<br />

comman<strong>des</strong> qui grossissent de mois en mois. Les<br />

dépôts <strong>des</strong> ports maritimes, Cherbourg, Bordeaux,<br />

devenaient ses principaux clients. Il commerce avec l'Angleterre, la Russie, l'Italie, l'Espagne, le<br />

Portugal... A Paris, il possède plusieurs dépôts:<br />

Au 14 de la rue du Marché <strong>des</strong> Jacobins, près <strong>des</strong> Tuileries, et le plus important, rue<br />

Boucher, près du Pont-Neuf.<br />

12, rue Saint-Honoré, un ancien dépôt qu'il transforme en magasin de luxe.<br />

Les vertus antiscorbutiques de ses conserves lui attirent une<br />

clientèle de navigateurs et la qualité de ses préparations lui valent<br />

les louanges <strong>des</strong> gastronomes parisiens et de la meilleure table:<br />

Alexandre Balthazar Laurent Grimod de la Reynière qui depuis<br />

vingt ans s'intéresse aux recherches et expériences de Nicolas<br />

Appert. Il fait un tour de France, participe à de nombreuses<br />

expositions de produits de l'Industrie Nationale où il remportera de<br />

très nombreux prix.<br />

Pour soutenir le développement de ses activités, ni capitalisme, ni<br />

banquier, ni mécène. La Reynière dénonce dans son almanach<br />

<strong>des</strong> gourmands". Si la découverte de M. Appert pour la<br />

conservation de toutes les substances végétales, animales, etc.,<br />

avait été faite par un étranger, avec quelle ardeur on l'eût vantée,<br />

préconisée, adoptée en France.<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 7 Saison 2010-2011


Mais elle est l'ouvrage d'un Français, elle a été faite sous nos yeux, nous y faisons à peine<br />

attention; et son immortel auteur qui devrait être millionnaire si la fortune se rangeait du côté <strong>des</strong><br />

vrais savants, vit dans un état de gêne qui ne fait pas honneur à notre patriotisme!... "<br />

En effet, sa notoriété nouvelle n'apporte que <strong>des</strong> soucis qui s'ajoutent aux autres.<br />

"Puisqu'il est célèbre, il est riche", pensent les paysans qui lui fournissent les fruits et les légumes<br />

en augmentant leurs prix qui peuvent doubler ou tripler en l'espace de quelques jours.<br />

Personnage officiel, il ne peut plus consacrer le temps nécessaire à sa fabrique. Il subit <strong>des</strong> vols;<br />

<strong>des</strong> expéditions sont retardées.<br />

Le 1er février 1810, Nicolas Appert reçoit un pli de son<br />

Excellence le Comte de Montalivet, qui fut Préfet de la<br />

Manche, de Seine-et-Oise, Comte d'Empire et actuel<br />

ministre de l'Intérieur: ".., J'ai pensé que votre découverte<br />

méritait un témoignage particulier de la bienveillance du<br />

gouvernement. J'ai, en conséquence, accueilli la<br />

proposition qui m'a été faite par mon bureau consultatif,<br />

de vous accorder un encouragement de douze-mille<br />

francs." Il m'a paru, monsieur, qu’il importait de répandre<br />

la connaissance de vos procédés...C'est pour l'époque,<br />

une somme importante,<br />

"... Vous rédigerez une <strong>des</strong>cription exacte et détaillée de<br />

vos procédés; cette <strong>des</strong>cription que vous remettrez à<br />

mon bureau consultatif <strong>des</strong> Arts et Manufactures, sera<br />

imprimée à vos frais après qu'il l'aura examinée et revue.<br />

Vous m'en adresserez ensuite deux-cents exemplaires,<br />

L'envoi de ces exemplaires étant la seule condition que je<br />

mette au paiement <strong>des</strong> douze mille francs..."<br />

Il doit être constamment à la disposition <strong>des</strong> savants du<br />

Bureau Consultatif <strong>des</strong> Arts et Manufactures, Mais,<br />

autodidacte, inventeur empirique, il ne cesse de mesurer<br />

son ignorance en face du grand chimiste et physicien Louis Gay-Lussac qui s'intéresse à ses<br />

découvertes. Gay-Lussac, savant professeur de l'Ecole polytechnique est spécialisé dans une <strong>des</strong><br />

recherches scientifiques les plus ardues: celle de la combustion <strong>des</strong> gaz, de leur densité, de leur<br />

formule chimique. Pour cela, au péril de sa vie, il s'élève en ballon jusqu'à 7000 mètres dans le ciel<br />

pour "peser les nuages" avec les instruments dont il avait rempli la nacelle. (Expériences du 24<br />

août et 16 septembre 1804).<br />

En mai 1810, moins de quatre mois après la commande, le livre est publié à 6000 exemplaires sur<br />

les presses de l'imprimerie Patris et Cie, quai Napoléon (aujourd'hui quai aux fleurs). On s'arrache<br />

le livre.<br />

Le bulletin de pharmacie du 2 juillet 1810 confirme Appert dans ses convictions: M.<br />

Parmentier, membre de l'Institut, premier pharmacien <strong>des</strong> armées, vante le procédé de M. Appert.<br />

En 1811, une deuxième édition de son livre verra le jour.<br />

En fin d'année 1813, <strong>des</strong> nouvelles s'abattent sur Massy: "Les Prussiens sont entrés en France!<br />

Les Autrichiens aussi !". Entre le 22 mars et le 25 mars 1814, Appert voit débarquer dans sa cour<br />

<strong>des</strong> soldats autrichiens précédant un chariot d'ambulance. Dans les grands ateliers, infirmiers et<br />

blessés démolissent tout ce qui pourrait constituer un obstacle à l'installation d'un hôpital de<br />

campagne.<br />

A 65 ans, l'ouvrage de sa vie est totalement détruit, saccagé, anéanti et pillé, Les magasins sont<br />

vi<strong>des</strong> et les champs dévastés. Il n'a plus de marchandises.<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 8 Saison 2010-2011


La France est devenue pauvre. Il se tourne alors vers les Anglais dans l'espoir de remplir son<br />

carnet de comman<strong>des</strong> et rêve d'exporter vers ce riche pays qui manque de denrées alimentaires.<br />

En Angleterre, il rencontre le sieur Donkin qui lui<br />

fait visiter sa manufacture de Bermondsey dans la<br />

proche banlieue de Londres, L'usine est en pleine<br />

activité et Appert admire les machines à emboîter,<br />

les bains-marie géants, L'industrialisation est en<br />

avance de plus d'un demi-siècle sur les métho<strong>des</strong><br />

très artisanales qu'il se voit contraint, faute de<br />

mieux et de soutien, d'utiliser en France.<br />

En conclusion, Appert revient avec un carnet<br />

parfaitement vide de comman<strong>des</strong>, <strong>des</strong> frais de<br />

voyage qui s'inscrivent aux pertes sans profit, une<br />

paie d'ouvriers à assurer et comme matières<br />

premières pour faire tourner sa fabrique, <strong>des</strong><br />

récoltes aussi maigres qu'en retard.<br />

La belle manufacture et les terrains de Massy sont<br />

hypothéqués afin de payer les ouvriers et les<br />

fournisseurs, tandis que ceux qui lui devaient de<br />

l'argent n'ont pas payé leurs dettes,<br />

Au lendemain <strong>des</strong> Cent-jours, les comman<strong>des</strong> affluent: les hôpitaux, la marine, les épiciers,<br />

La main d'œuvre est présente, mais il faut trouver un local moins éloigné de Paris pour plus de<br />

commodité <strong>des</strong> livraisons. Il le trouve rue Cassette à Paris, C'est un mi-hangar, mi-écurie et il s'y<br />

installe de 1816 à 1818 et y fait transporter le peu de matériel épargné par les saccages<br />

successifs.<br />

BAIL SIGNE PAR LE COMTE CHAPTAL<br />

LE 15 MAI 1815<br />

CONCERNANT L’EMPLACEMENT DE 4.000 M²<br />

Dénommé « clos » ou « enclos <strong>des</strong> Mousquetaires »<br />

Appartenant à l’hospice <strong>des</strong> Quinze-Vingts.<br />

(Loyer de 4.000 francs l’an. Fin de bail en Juin 1824).<br />

A) Bâtiments situés au fond <strong>des</strong> 2 ème et 3 ème cours de l’hospice <strong>des</strong> 15-20.<br />

Rez-de-chaussée : pièces contenues dans le pourtour du bâtiment et composées de :<br />

un très grand atelier ayant vue sur le marais et la 2 ème cour.<br />

une grande pièce carrée, vue sur le marais et la 3 ème cour.<br />

un petit bureau en retour.<br />

un atelier et un petit magasin ayant vue sur les 2 ème et 3 ème cours.<br />

un atelier au-delà du passage de l’escalier ayant vue sur les 2 ème et 3 ème cours et attenant à l’arcade.<br />

Entresol : logement composé de six petites pièces dont trois à cheminée et trois à cabinet au-delà de<br />

l’escalier dont deux à cheminée.<br />

- Plus un petit magasin ayant vue sur le 2 ème et 3 ème cours.<br />

1 er étage :<br />

très grand grenier lambrissé et carrelé ayant vue sur le marais et la 2 ème cour convertie en jardin.<br />

deux ateliers en retour, plus un autre atelier au-delà de l’escalier ayant vue sur la 2 ème et 3 ème<br />

cours et attenant à l’arcade qui donne passage aux deux cours.<br />

B) A l’extérieur :<br />

une petite écurie adossée au mur de clôture du marais, avec cave.<br />

Un atelier adossé au mur du marais avec pièces attenantes et fosses d’aisances et ses cabinets<br />

un atelier adossé au mur de la 3 ème cour.<br />

Un terrain avec divers petits bâtiments isolés avec chambre et grenier.<br />

Le bail de quatre mille francs sera payé en numéraire d’or ou d’argent par chaque année. La vidange <strong>des</strong> fosses d’aisance<br />

devra être effectuée par le bailleur. En fin de bail, le preneur devra les rendre vi<strong>des</strong>.<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 9 Saison 2010-2011


MM. Berthollet, Mathieu de Montmorency, Chaptal sont intervenus pour que le gouvernement lui<br />

accorde ce local gratuit pour lui permettre de poursuivre ses recherches. Il a ainsi pu démontrer,<br />

au cours de visites répétées, les raisons pour lesquelles les Anglais étaient en avance sur nous<br />

lorsqu'ils exploitaient sa propre invention.<br />

Le 24 mars 1819, la séance de la Société d'encouragement pour l'industrie nationale est<br />

consacrée, en grande partie, à l'officialisation, sur le marché français, de la boîte métal et, à<br />

travers elle, à la consécration <strong>des</strong> découvertes d'Appert. A cette occasion on crée un nouveau<br />

substantif. On dit "appertisation" de la méthode Appert, de même que l'on dit "chaptalisation" du<br />

procédé de sucrage <strong>des</strong> vins de M. Chaptal.<br />

A la mort de Louis XVIII, le bail de l'Enclos <strong>des</strong> Mousquetaires venait à terme, remettant en cause<br />

la gratuité accordée.<br />

Charles X, plus occupé de chasse, de retour à la royauté absolue que d'industrie, laissait faire son<br />

ministre Villèle qui n'avait que mépris pour le peuple et les ouvriers. Du côté <strong>des</strong> "ultras", de ces<br />

royalistes qui reformaient les salons à la mode de 1770, au Faubourg. Saint-Germain, on<br />

appréciait la dernière découverte d'Appert: <strong>des</strong> chandelles dépourvues de cette odeur de suint qui<br />

empuantissait l'atmosphère.<br />

Le 1er janvier 1828, le bail de l'Enclos est résilié. Son successeur, un nommé Vazelle, prend sa<br />

place comme sous-locataire. Il ne payera que 5105 F. de loyer au lieu <strong>des</strong> 8320 F précédemment<br />

"imposés" à Appert pour conserver ce local!<br />

En 1828, il s'installe rue de Paradis, au Marais. Ce nouveau déménagement lui permet, une fois<br />

de plus, de moderniser son équipement.<br />

Plan d'un <strong>des</strong> ateliers de Nicolas Appert<br />

vers 1829 alors qu'il atteignait ses 80<br />

ans.<br />

Sa nouvelle fabrique occupe à elle<br />

seule 1500 m2 de bâtiments disposés<br />

tout en longueur pour constituer une<br />

chaîne de fabrication.<br />

Un défaut de manutention pouvant<br />

entraîner la mauvaise conservation du<br />

contenu, Appert a jugé que ses clients<br />

ne devaient pas supporter les<br />

conséquences<br />

A l'âge de 86 ans, il prend une semiretraite<br />

dans sa maison de Massy. "<br />

décède le 1er juin 1841 à 8 h du soir en sa demeure, Grand Rue. Son acte de décès mentionne:<br />

"Le 2 juin 1841 à 1h10 du matin, décès de Nicolas Appert, rentier, âgé de 91 ans passés et veuf<br />

d'Elisabeth Benoist".<br />

Hommage offert à la municipalité de Massy par la National Canners Association, venue en<br />

"pèlerinage" sur les lieux où vécut Nicolas Appert, Les membres de cette délégation furent très<br />

étonnés d'apprendre que cet inventeur n'avait même pas de tombe. Ils firent ériger à leurs frais<br />

cette plaque commémorative qui est apposée sur l'un <strong>des</strong> bâtiments de la fabrique et qui subsiste<br />

encore, (Sa date de naissance est erronée: 1752 au lieu de 1749),<br />

Ni le maire, ni les voisins et encore moins le curé qui n'éprouve que mépris pour ce paroissien si<br />

peu catholique, ne cherchent à ensevelir décemment Nicolas Appert. Pour eux, il n'est qu'un<br />

vieillard pauvre, inutile. Il a le sort posthume de ceux qui ont été recueillis, indigents, à l'Hôtel-Dieu<br />

de Massy: on entrouvre et l'on referme pour lui la fosse commune.<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 10 Saison 2010-2011


En ce même mois de juin 1841, prospèrent les pionniers de l'industrie qu'il avait inventée: les<br />

Rôdel à Bordeaux, les Philippe et Canaud à Nantes, les Caneaux et Pellier frères au Mans, les<br />

Philippe Scheelle puis Chatelin à la Rochelle et d'autres encore.<br />

Tandis qu'également, en ce mois de juin, un jeune étudiant de Besançon, Louis Pasteur,<br />

prépare son baccalauréat-ès-sciences. Dans un quart de siècle il reprendra, en les améliorant, les<br />

expériences de Nicolas Appert pour la conservation <strong>des</strong> vins.<br />

Nous savons tous que Pasteur est l'inventeur de la pasteurisation mais qui aujourd'hui se souvient<br />

qu'Appert, inventeur de l'appertisation, fournit au monde, chaque jour, <strong>des</strong> millions de produits en<br />

conserve?<br />

Nicolas Appert,<br />

par Marion à<br />

Malataverne (26780)<br />

Les sources:<br />

Nicolas Appert, de Rosemonde Pujol, Denoël<br />

L'Art de conserver pendant plusieurs années toutes les substances animales et végétales, par Appert, 1810. Catalogue<br />

"Célébrations Nationales" de 1991 du Ministère de la Culture<br />

Le Quid<br />

Nicolas Appert: inventeur et humaniste de Jean Paul Barbier (Royer, 1994)<br />

La Reynière Grimod, almanach <strong>des</strong> Gourmands, 8 volumes (1803 à 1812),<br />

Les archives:<br />

Archives de l'Institut Appert à Paris<br />

Archives municipales d'Ivry-sur-Seine (Registre <strong>des</strong> délibérations du Conseil municipal, 1794 à 1802), Archives<br />

municipales de Massy.<br />

Archives du Conservatoire <strong>des</strong> Arts et Métiers.<br />

Archives Départementales de l'Essonne à Chamarande.<br />

Remerciements MM, Jean-Marie RIO et Bernard MUNIER pour le prêt de documents et l'aide apportée dans les<br />

recherches.<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 11 Saison 2010-2011


Les Glacières<br />

Yves FAYN, adhérent n° 551<br />

La glace a été un produit utilisé et commercialisé depuis l'Antiquité. Chez les Grecs et les<br />

Romains, elle était utilisée pour soigner certaines maladies. A l'époque romaine, on utilisait de la<br />

glace ou de la neige fondue pour rafraîchir l’eau <strong>des</strong> « frigidaria » (bains froids). La glace était<br />

également utilisée pour rafraîchir les boissons.<br />

C'est grâce à Catherine de Médicis que la mode <strong>des</strong> sorbets fut introduite en France et Henri III et<br />

Louis XIV en étaient très friands. Mais cela restait un produit de luxe.<br />

Le commerce de la glace a connu un essor considérable entre la seconde moitié du XVIIème<br />

siècle et le début du XXème siècle par une réglementation du 21 mars 1705 avec la création de<br />

glacières et le commerce de la glace :<br />

« leur construction pouvait se faire en tous lieux jugés convenables, par achat à l'amiable ou par<br />

expropriation et aucun droits, entrées, péages, ni autres » n'étaient dus pour l'utilisation <strong>des</strong><br />

glacières et les revendeurs avaient la possibilité de prendre la glace dans tous les endroits,<br />

fossés, rivières et autres..... En dédommageant les particuliers ».<br />

Se développe alors chez les puissants du royaume la mode et le subtil raffinement de consommer<br />

glaces et sorbets durant la période estivale.<br />

C'était un produit de luxe que l'on achetait à prix d'or durant les canicules. En attendant la saison<br />

de son utilisation, la glace naturelle <strong>des</strong> étangs et rivières était recueillie au plus froid de l’hiver et<br />

stockée dans <strong>des</strong> puits semi-souterrains hermétiquement fermés à la manière d'une carafe<br />

isotherme. C'est ce que l'on appellera <strong>des</strong> “puits à glace” ou “glacières”.<br />

Ces réservoirs à glace se caractérisaient par une ouverture souvent au ras du sol et située face au<br />

nord. Un court tunnel, parfois muni d'un sas, <strong>des</strong>cendait ensuite en pente douce vers la réserve de<br />

glace proprement dite. Celle-ci était située généralement au fond d'un grand puits circulaire que<br />

pouvait surmonter un joli dôme régulier. Tout cet ensemble admirablement appareillé était parfois<br />

recouvert d'une petite butte de terre boisée pour bien conserver la fraîcheur, ce qui conférait à ces<br />

petits monuments la juste appellation de glacières tumulus. A Versailles, les premières glacières<br />

sont creusées sous le règne de Louis XIV.<br />

C'est à cette époque, lorsque le commerce de la glace fut autorisé, que la mode <strong>des</strong> glaces se<br />

répandit et que toutes les gran<strong>des</strong> demeures construisirent <strong>des</strong> glacières : citons celle magnifique,<br />

du Désert de Retz. Le café Procope (ouvert en 1686 par un italien : Procopio dei Cottelli) fut le<br />

premier à offrir de la glace aux parisiens, il ne proposait pas moins de quatre-vingt sortes de<br />

glaces!<br />

Glacière du désert de Retz avec sa pyramide<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 12 Saison 2010-2011


Glacière du château de Bourron<br />

.<br />

Glacière de Voisenon Glacière du Château à Saint-Prix<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 13 Saison 2010-2011


Les glacières de la Sainte Baume Yves FAYN, adhérent n° 551<br />

Lorsqu’à l’est d’Aubagne, au cours d’une excursion, vous abordez le massif de la Sainte-Baume<br />

par l’est, vous découvrez, à travers la végétation, <strong>des</strong> tours isolées, ron<strong>des</strong> et trapues, dont<br />

certaines sont encore coiffées d’une toiture de tuiles creuses, de faible pente, couronnées d’un<br />

faîteau de pierres.<br />

En cherchant bien, vous en dénombrez une quinzaine. Ce sont les « glacières de Fontfrège ».<br />

Jusqu’à la fin du XIX ème siècle, on y a fabriqué, stocké de la glace à rafraîchir pour ravitailler les<br />

villes de Toulon et surtout de Marseille.<br />

A l’origine de cette « industrie », en décembre 1642, à Marseille, deux commerçants: Pierre<br />

Roman et Louis Roubaud demandèrent au roi Louis XIII, l’autorisation de construire deux<br />

glacières, l’une à Gémenos, l’autre à Mimet, sur la chaîne de l’Etoile, avec privilège de la vente de<br />

la glace pour dix ans.<br />

Cette activité s’étant révélée très rentable, d’autres glacières furent construites, au fur et à mesure<br />

que s’accroissaient les besoins. C’est ainsi que furent édifiées au fil <strong>des</strong> siècles suivants les<br />

glacières de Fontfrège, dont la plupart nous sont parvenues en bon état de conservation.<br />

Voici quel était le procédé de fabrication et celui de conservation de la glace:<br />

Pendant l’hiver, l’eau de source ou de ruissellement était canalisée dans <strong>des</strong> bassins peu<br />

profonds, délimités par <strong>des</strong> murets. On attendait ensuite le gel : trois ou quatre nuits à moins cinq<br />

degrés centigra<strong>des</strong> suffisaient à obtenir une couche de glace de quinze centimètres d’épaisseur.<br />

Cette glace était brisée et les morceaux étaient précipités dans le puits qu’abritait la glacière,<br />

située légèrement en aval <strong>des</strong> bassins. La glace s’y conservait jusqu’à la saison chaude.<br />

Les glacières ou puits de glace, étaient construits au versant d’un coteau, exposés au nord,<br />

précédés du replet où se trouvaient les bassins à proximité d’une source, à une altitude moyenne<br />

de 750 à 800 mètres.<br />

Les puits sont enterrés au tiers de leur profondeur en aval et aux deux tiers en amont. Ceci facilite<br />

le remplissage par le haut et le retrait de la glace par le bas.<br />

La construction <strong>des</strong> glacières a varié suivant les époques, l’importance et le nombre <strong>des</strong><br />

utilisateurs : en effet, l’usage de la glace se répand, pour atteindre son apogée au XIX è siècle. Ce<br />

sont <strong>des</strong> domaines, laïcs ou ecclésiastiques, <strong>des</strong> basti<strong>des</strong> seigneuriales, puis au XIX è siècle, <strong>des</strong><br />

hospices et <strong>des</strong> particuliers qui l’utilisent. Jusqu’à la découverte de la fabrication artificielle de la<br />

glace, les besoins ne feront qu’augmenter...<br />

Examinons de plus près l’un de ces curieux édifices.<br />

La tour ronde aux murs épais, recouvre le puits au fond concave : à une certaine distance du fond<br />

existe une grille en poutres de chêne, supportée par <strong>des</strong> piliers de pierres répartis sur la<br />

périphérie, avec un pilier central de hauteur légèrement supérieure, en sorte que la surface de la<br />

grille soit légèrement convexe. Sur cette grille étaient disposés <strong>des</strong> fagots serrés de broussailles,<br />

recouverts de paille de seigle.<br />

Ainsi, les eaux de fusion étaient évacuées par un tunnel qui, dans les gran<strong>des</strong> glacières, permettait<br />

le passage d’un homme.<br />

A l’époque de leurs constructions, on accédait aux glacières par <strong>des</strong> chemins muletiers, les routes<br />

n’existant pas. Cette difficulté d’accès posait problème pour leur construction et nécessitait<br />

l’utilisation de matériaux trouvés sur place : pierres, sable et chaux. C’est pourquoi on trouve à<br />

proximité <strong>des</strong> traces de carrières, sablières et fours à chaux.<br />

L’exploitation <strong>des</strong> glacières demandait peu de personnel sédentaire. A Fontfrége, où on a recensé<br />

dix-sept puits, on y employait seulement quatre gardiens et quelques valets pour assurer<br />

l’entretien <strong>des</strong> bâtiments et <strong>des</strong> bassins. Par contre, l’été, on y employait quarante ou cinquante<br />

personnes et, certains jours d’hiver, jusqu’à deux-cents...<br />

Sauf quelques gens de métier, tout le personnel était recruté parmi les paysans d’alentour.<br />

Voici comment les choses se passaient.<br />

Quand les bassins de congélation étaient pleins, les gardiens donnaient l’appel en montant sur les<br />

sommets environnants et en soufflant dans <strong>des</strong> trompes. Alors accouraient les villageois <strong>des</strong><br />

communes de Signes, de Mazaugues, de Rougiers et de Nans.<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 14 Saison 2010-2011


On découpait la glace <strong>des</strong> bassins, on la précipitait dans les puits <strong>des</strong> glacières où elle était tassée<br />

avec une dame pour combler les vi<strong>des</strong>. On recouvrait ensuite la glace de paille maintenue par <strong>des</strong><br />

planches sur lesquelles étaient posées de grosses pierres. Enfin, on fermait hermétiquement les<br />

portes, parfois par un mur de maçonnerie jusqu’à la belle saison.<br />

En Provence, la consommation de glace pouvait s’étaler d’avril à septembre.<br />

Lorsque la glacière était ouverte, il fallait en écouler régulièrement le contenu. La perte par fonte<br />

était de 20 à 30% mais l’exploitation en était rentable.<br />

Pour l’évacuer, la glace était moulée en pains de 200 à 300 kg. Elle était chargée sur <strong>des</strong><br />

charrettes portant six à huit pains recouverts de paille et de toile de jute. Transportés de nuit vers<br />

Marseille ou Toulon, ces pains étaient stockés dans <strong>des</strong> glacières-dépôts. Il en existait une dizaine<br />

à Marseille.<br />

Des livraisons plus rapi<strong>des</strong> se faisaient à l’aide de mulets chargés jusqu’à cent-trente kilos de<br />

pains de glace de soixante à soixante-cinq kilos. Le trajet se faisait alors par <strong>des</strong> sentiers plus<br />

rai<strong>des</strong> mais plus directs et plus dangereux.<br />

L’utilisation de la glace, d’abord réservée aux classes sociales aisées, s’était généralisée. Des<br />

glaciers chocolatiers et <strong>des</strong> marchands de sorbets étaient apparus.<br />

Mais, la crédulité publique ayant en 1837 attribué à la consommation de la glace <strong>des</strong> cas de peste<br />

et de choléra, la vente chuta de 50 % et même de 90 % en 1850.<br />

Mais la mode de la glace revint en force à la fin du XIX ème siècle.<br />

La construction particulièrement soignée <strong>des</strong> glacières de la Sainte Baume, leur emplacement<br />

privilégié a permis à cette époque de conserver la glace pendant deux années consécutives. Cela<br />

a profité à leurs propriétaires qui, en spéculant, y ont fait de bonnes affaires.<br />

La dernière glacière de Fontfrège, celle de Pivaut, appelée la « glacière neuve » est la mieux<br />

conservée et celle de plus gran<strong>des</strong> dimensions. Elle a été construite en dix ans, de 1875 à 1885,<br />

et a coûté 160.000 francs or.<br />

Son propriétaire, en une saison, avait amorti les frais de sa construction en en retirant 180.000<br />

francs or de bénéfice. C’est une preuve incontestable de la rentabilité de cette industrie.<br />

Mais cette glacière ne servit qu’une année. La concurrence du chemin de fer qui, à moindres frais,<br />

transportait de la glace de Savoie, puis les premières fabriques de glace artificielle ouvertes à<br />

Marseille dès 1893 mirent un terme à l’épopée de la glace, dont les vestiges à découvrir sont les<br />

pittoresques et indiscutables témoins.<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 15 Saison 2010-2011


Coupe d’une glacière<br />

Principales dimensions d’un puits de glace<br />

hauteur du<br />

puits<br />

14 à 25 m.<br />

Diamètre du<br />

puits<br />

7 à 20,5 m.<br />

ouvertures hauteur extérieure 1,25 à 2,65 m. Hauteur intérieure 0,80 à 1,18 m.<br />

Largeur extérieure 1,42 à 3 m. Largeur intérieure 0,75 à 1,60 m.<br />

Souvent une construction, servant d’atelier, se situait à proximité et où étaient entreposés les<br />

outils, les moules à glace, la paille, etc...<br />

L’outillage se composait généralement de maillets, ciseaux, pelles en bois, tête de cognées,<br />

mailloches, râteaux, pics, wagonnets, brouettes, etc...<br />

Il existait quelquefois une trappe au sommet de la toiture du puits à glace appelée « le modillon »<br />

Glacière du Roi Soleil, à Versailles.<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 16 Saison 2010-2011


LE SEL.<br />

Guy BONNIN, adhérent n° 224<br />

Si dans la période contemporaine certains produits jouent <strong>des</strong> rôles économiques, et politiques<br />

considérables qui influent sur les actions <strong>des</strong> gouvernements, tel le pétrole" or noir", les temps plus<br />

anciens ne sont pas en reste et ont connu, eux aussi, <strong>des</strong> besoins en produits stratégiques qui ont<br />

conditionné <strong>des</strong> comportements, <strong>des</strong> clientèles, <strong>des</strong> alliances qui ont marqué l'histoire et les<br />

populations. Le sel, "or blanc", en est le parfait exemple.<br />

Qui se soucie actuellement de son approvisionnement en sel, denrée <strong>des</strong> plus banales, <strong>des</strong> plus<br />

abondantes, d'un coût minime bien que de première nécessité? Il n'en fut pas de même jusqu'à<br />

deux-cents ans où son commerce, les problèmes financiers, voire judiciaires, qu'il entraînait, ont<br />

marqué la vie de nos ancêtres.<br />

IDENTITE ET VOCABULAIRE DU SEL<br />

Le substantif sel dérive du mot latin sal. Pline a écrit que, "la paie du guerrier lui était versé en<br />

rations de sel et flue salarium (salaire) vient de cet usage lointain". Les mots solde et soldat ont<br />

également leur origine dans cette coutume.<br />

Les gisements de sel sont de deux sortes: dans les mers (sel marin), dans les terres sous forme<br />

de saumure ou solide (sel gemme) aussi bien en surface qu'en sous-sol, les dépôts ou sources<br />

provenant d'évaporation d'anciennes mers ou du lessivage de couches salifères.<br />

Pour l'exploitation du sel le terme de salin s'applique aux productions maritimes et littorales, le<br />

terme saline étant employé pour un site terrestre, aérien ou souterrain.<br />

Le sel marque les lieux, les cours d'eau; de nombreux toponymes lui ont emprunté sa racine:<br />

Salins, Saunier, Sarlat, Salzbourg, Saale, Seille, Salonne, etc.<br />

NECESSITE DU SEL<br />

La physiologie <strong>des</strong> vertébrés, et singulièrement de l'homme, nécessite la consommation de sel. Ce<br />

dernier joue un rôle essentiel dans la rétention de l'eau à l'intérieur du corps; il favorise une<br />

autorégulation compliquée notamment à travers les reins et les poumons.<br />

Un climat chaud entraîne, par transpiration, une perte de sel ce qui exige un rééquilibrage de son<br />

taux. Sous nos climats le maintien en bon état de l'organisme nécessite une consommation de<br />

cinq à six grammes par jour. Pour les animaux les besoins sont nettement supérieurs: vingt-cinq<br />

grammes par jour pour un veau, jusqu'à quatre-vingt-dix grammes, par jour pour une vache.<br />

Depuis les temps les plus reculés l'être humain en a senti l'impérieuse nécessité. Primitivement<br />

l'alimentation camée lui a apporté les sels indispensables, puis la sédentarisation et le<br />

développement de l'agriculture l'ont contraint à rechercher <strong>des</strong> substituts qu'il a trouvés entre<br />

autres dans <strong>des</strong> cendres végétales. Dès le néolithique et jusqu'au Moyen Age les habitants <strong>des</strong><br />

bords de mer ont incinéré <strong>des</strong> algues (vingt-cinq kilogrammes d'algues sèches donnent huit kg. de<br />

cendres et un kg. de sel); durant toute cette longue période les tourbières ont également été mises<br />

à contribution, la tourbe sèche était brûlée ; ensuite les cendres imbibées d'eau de mer étaient<br />

soumises à ébullition. Ce procédé met tellement en danger les tourbières qu'au XIVe siècle les<br />

états l'interdisent.<br />

Outre son rôle incontournable dans la sapidité, le sel est un excellent conservateur. Les<br />

économies, les déplacements d'armées, les voyages de découvertes, la navigation hauturière, les<br />

conditions de survie mêmes sont tributaires <strong>des</strong> salaisons. Il faut attendre le XlX ème siècle pour que<br />

l'industrie devienne la plus grosse consommatrice de sel.<br />

USAGES DU SEL<br />

L'homme, outre son besoin instinctif de sel, lui a toujours reconnu la propriété de rendre<br />

acceptables et gustatives <strong>des</strong> nourritures viles, lour<strong>des</strong> et fa<strong>des</strong>.<br />

Dans la dépression grave qui entraîne famines et peste aux XIV ème et XV ème siècles, il développe<br />

les salaisons, moyens essentiels de survie. On peut estimer qu'à cette époque 60 % du sel est<br />

<strong>des</strong>tiné aux salaisons et 30% à la consommation humaine et animale.<br />

Au XV ème siècle il est présent dans tous les ménages, où il représente près de 7,5% du budget<br />

alimentation.<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 17 Saison 2010-2011


C'est généralement du gros sel, celui <strong>des</strong> salines étant plus pur que celui <strong>des</strong> salins.<br />

Les manuels de cuisine de la Renaissance font grand état de l'usage du sel que les mères<br />

transmettent à leurs filles. Dans les gran<strong>des</strong> maisons un officier est spécialement préposé à l'achat<br />

et à la surveillance du sel. Les armées passent <strong>des</strong> marchés spéciaux pour assurer son<br />

approvisionnement et veillent à ce qu'il suive bien dans les impedimenta : vian<strong>des</strong> et fromages<br />

salés étant la base de la nourriture <strong>des</strong> soldats.<br />

Salière de François I°<br />

L'usage de salières remonte très loin;<br />

les Romains en disposaient déjà lors<br />

<strong>des</strong> sacrifices journaliers aux lares.<br />

Au Moyen Age un simple trou dans le<br />

mur, généralement près de l'âtre ou<br />

du four, fait l'affaire, ou alors un<br />

morceau de bois évidé voire, mais<br />

plus rarement, une petite écuelle en<br />

étain ou en argent. Les inventaires<br />

<strong>des</strong> rois font état de nombreuses<br />

salières, objets d'art, en céramique,<br />

orfèvrerie, émaux.<br />

Dés le XVIe siècle <strong>des</strong> manuels<br />

d'usage précisent l'art de se servir du<br />

sel; on le prend « à la pointe du<br />

couteau et non pas avec .les doigts<br />

qui sont armes de vilains ».<br />

Le saloir est partout, dans les demeures seigneuriales comme dans les masures paysannes. Tous<br />

les possesseurs de bétail et de porcs font leurs salaisons et les pouvoirs publics sont fréquemment<br />

saisis de réclamations de réduction de la gabelle à l'automne, époque où l'on procède à de<br />

nombreux abattages de bêtes avant la Saint-Martin (11 novembre), faute de fourrage pour les<br />

nourrir durant l'hiver et pour constituer <strong>des</strong> réserves.<br />

L'industrie, elle aussi, fait appel au sel. Le tannage, activité florissante et lucrative, est un gros<br />

demandeur; il en faut de 25 % à 50% de son poids pour assurer la préparation d'une peau. Dans<br />

la poterie une poignée de sel humide jetée dans le four provoque une évaporation subite de<br />

vapeur d'eau salée qui, avec le silicate d'alumine de l'argile, forment sur la surface de l'objet une<br />

glaçure imperméable. En métallurgie, le sel sert de décapant pour les soudures; en sidérurgie, au<br />

XVIIIe siècle, il est considéré comme agent de transformation du processus fonte-acier.<br />

Avec une expérience séculaire, qui parfois peut rejoindre la magie, le sel est aussi employé aux<br />

soins du corps; il est un <strong>des</strong> composants de la pharmacopée. On le prescrit, jamais pur, mais dilué<br />

dans de l'eau ou une autre substance, miel en particulier; une fois sur six il est <strong>des</strong>tiné à l'usage<br />

interne sous forme de potions, clystères, suppositoires, le reste du temps c'est comme emplâtre,<br />

onguent, poudre de bains qu'il est utilisé. On lui accorde de nombreuses vertus; le sel est chaud<br />

donc il réchauffe le corps du malade, il est sec donc son pouvoir <strong>des</strong>sicant désinfecte, prévient et<br />

guérit les affections bactériennes et les plaies<br />

purulentes, il a <strong>des</strong> effets contre le venin et la rage.<br />

Cependant, dès le Moyen Age, les médecins<br />

proscrivent les mets trop salés.<br />

La symbolique du sel est reconnue dans de<br />

nombreuses religions. Les sources salées sont<br />

regardées par les Celtes comme <strong>des</strong> lieux sacrés,<br />

saints et inviolables. L'Ancien Testament en fait un<br />

usage pratique ou rituel; il est un <strong>des</strong> composants<br />

<strong>des</strong> sacrifices; il est symbole d'hospitalité et de<br />

purification; il peut être également un instrument de<br />

la justice divine (la femme de Loth changée en<br />

statue de sel. (Voir ci-contre)<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 18 Saison 2010-2011


Également ou de mesures prises contre les ennemis « il rasa la ville et y sema du sel » L'église<br />

catholique, jusqu'à Vatican II, pratique dans la liturgie du baptême l'imposition du sel tant pour<br />

purifier du mal que pour donner le « sel de la sagesse ».<br />

LE SEL A TRAVERS LES PREMIERS TEMPS HISTORIQUES.<br />

La mer Méditerranée « berceau <strong>des</strong> civilisations » a, dès les origines, bénéficié d'atouts majeurs:<br />

eau à forte salinité (40 grammes par litre) et climat favorisant l'évaporation.<br />

Il paraît probable que les Phéniciens introduisent, au sud de ce qui sera la Gaule, dès la fin du<br />

millénaire avant Jésus-Christ, les principes d'exploitation <strong>des</strong> lagunes. Les conserves de poisson<br />

de Marseille ont une grande renommée dans la plus haute antiquité. Par la suite Rome tire son sel<br />

de la Mare Nostrum. Des usages, <strong>des</strong> habitu<strong>des</strong> de sel, ses marchés, ses transports s'organisent<br />

sous le contrôle de la puissance romaine sur tout l'empire jusqu'au consommateur. A partir du<br />

IV ème siècle les invasions bousculent les institutions et, partant, les mo<strong>des</strong> de vie et les voies<br />

commerciales. Les nouveaux venus s'intéressent aux sources salées, encore que le circuit<br />

provenant de la Méditerranée fournisse au sud de la Gaule le sel nécessaire.<br />

Sous Charlemagne et ses successeurs est mis en valeur le principe d'autarcie <strong>des</strong> grands<br />

domaines vassaliques. L'immensité du territoire et la lenteur <strong>des</strong> communications rendent illusoire<br />

une organisation centralisée et publique ; de ce fait l'approvisionnement et la distribution du sel<br />

sont abandonnés aux seigneurs lares ou ecclésiastiques. Les marais et sources font partie d'un<br />

domaine seigneurial ou, plus généralement, d'un monastère lui-même émanation d'un ordre<br />

religieux ou d'une grande abbaye. Leurs possesseurs en font une de leurs meilleures sources de<br />

revenus, les gisements salifères étant exploités par corvées. Les monastères par leur essaimage à<br />

l'intérieur du royaume capétien, organisent <strong>des</strong> circuits du sel entre leurs propriétés d'abord pour<br />

leurs propres besoins, les surplus étant distribués à leurs serfs et paysans et surtout aux voisins<br />

moins favorisés. C'est ainsi que les salins d'Hyères, à l'est de Toulon, relèvent tous au X ème siècle<br />

de l'abbaye Saint-Victor de Marseille.<br />

Déchargement de sel à Paris XV ème siècle.<br />

Le XII ème siècle voit la fin de l'époque domaniale et monastique<br />

pour aborder une phase plus politique. Les grands fiefs<br />

ecclésiastiques passent aux mains laïques. La féodalité met en<br />

place ses privilèges et ses pouvoirs. Mais au sommet le<br />

suzerain s'efforce de récupérer <strong>des</strong> droits régaliens aux<br />

dépens de ses vassaux. Tous profitent de la rareté relative du<br />

sel et de la croissance <strong>des</strong> besoins pour en faire un instrument<br />

politique et fiscal; c'est là que se trouve l'origine du monopole<br />

du sel et de l'impôt spécifique qui lui est attaché « la gabelle ».<br />

Les comtes de Provence en prennent l'initiative au XIIe siècle;<br />

ils disposent <strong>des</strong> marais salants de la Méditerranée et leurs<br />

marchés s'étendent outre le Languedoc et la Provence, aux<br />

Alpes, à la Savoie et au Léman. En 1259, Charles d'Anjou institue définitivement en Provence le<br />

monopole du sel et la gabelle.<br />

Les rois de France lui emboîtent le pas. Par ailleurs, les dirigeants <strong>des</strong> villes qui luttent pour<br />

obtenir <strong>des</strong> franchises, mettent la question du sel au premier plan de leurs soucis. Les villes qui<br />

ont une source saline se comportent comme les princes ; elles y trouvent <strong>des</strong> revenus par <strong>des</strong><br />

taxes locales et <strong>des</strong> exportations.<br />

A ce point on peut valablement se poser la question sur l'origine du "boom" sur le sel à cette<br />

période. De l'an 1000 à 1300, la population de l'Europe a doublé, le cheptel a suivi. Mais les<br />

régions d'élevage, singulièrement les Alpes, et les pays fournisseurs de poisson, essentiellement<br />

les états du nord, ont <strong>des</strong> possibilités de production de sel <strong>des</strong> plus restreintes; or le sel est<br />

indispensable pour assurer la conservation par salaison de ces vivres extrêmement périssables.<br />

Pendant <strong>des</strong> siècles le sel va être un instrument de politique.<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 19 Saison 2010-2011


LE SEL ET LA POLITIQUE.<br />

Jusqu’à la fin du XVIII ème siècle, le sel va marquer les rapports entre les états de l'Europe<br />

occidentale où la France sera constamment impliquée. Pour les pays producteurs, l'objectif est<br />

d'assurer un ravitaillement et une répartition rationnels pour satisfaire les besoins internes,<br />

d'écouler avantageusement les surplus en préservant <strong>des</strong> alliances, dans tous les cas d'en tirer le<br />

meilleur parti fiscal. Les pays demandeurs eux ont, en permanence, le souci d'assurer la sûreté de<br />

leurs approvisionnements au moindre coût, tout en ménageant leur liberté d'action et leur<br />

souveraineté. Les états privilégiés sont ceux qui ont, tout d’abord, <strong>des</strong> régions côtières d'une mer à<br />

salinité suffisante, au relief plat et bénéficiant d'une insolation régulière et d'une pluviosité<br />

moyenne, secondement <strong>des</strong> ressources terrestres la plupart du temps sous forme de sources<br />

salées, quelquefois à partir de mines.<br />

Dès le XII ème siècle, l'activité <strong>des</strong> salins situés à l'est du delta du Rhône se ranime; elle concerne<br />

principalement les sites de Fos, Istres, Berre, Marseille, Hyères qui ont été cédés par les clercs<br />

aux laïcs "seigneurs du sel" que sont les féodaux de Fos et <strong>des</strong> Baux et surtout le comte de<br />

Provence. Ce dernier ne se contente pas seulement <strong>des</strong> droits acquis sur ses propres domaines<br />

mais, avec l'autorisation accordée "à perpétuité" par Frédéric Barberousse, il les étend sur tous les<br />

salins de Provence. Charles d'Anjou invente le premier monopole d'état du sel : il achète d'autorité<br />

l'ensemble de la production provençale et la revend dûment taxée. En 1334, la production est de<br />

30.000 tonnes par an dont les 4/5 sont exportées vers le nord et l'Italie. Mais il va bientôt entrer en<br />

concurrence avec les salins de la rive droite du delta.<br />

La côte languedocienne avec ses graux, ses étiers et ses lagunes présente de larges possibilités<br />

passant par Agde, Béziers, Narbonne. Mais le plus important salin est celui de Peccais entre<br />

Aigues-Mortes, le Petit Rhône, l'étang du Roi, l'étang du Repausset ; son essor date de la<br />

construction d'Aigues-Mortes par Saint Louis. Il appartient primitivement à <strong>des</strong> seigneurs locaux<br />

mais son potentiel de production et les facilités de débouchés vers Lyon, par la voie fluviale que<br />

représente le Rhône, attirent l'attention du roi de France. Philippe le Bel en rachète les droits, en<br />

1290, au plus important propriétaire, le seigneur d'Uzès. Il se comporte en entrepreneur avisé ; il<br />

afferme l'exploitation à <strong>des</strong> hommes d'affaires disposant de soli<strong>des</strong> réserves et réunis en sociétés ;<br />

il a ainsi ses fermiers, <strong>des</strong> maîtres de salins, <strong>des</strong> briga<strong>des</strong> de sauniers. Non content de ses droits<br />

domaniaux, il veut en faire <strong>des</strong> droits régaliens. En 1301, le roi et le comte se répartissent les<br />

zones de distribution, au roi les 2/3 de la fourniture du royaume de Beaucaire à Macon et la moitié<br />

de la fourniture pour l'Empire, d'Avignon au Léman, ce qui lui permet de mettre le pied en Suisse<br />

où il a <strong>des</strong> <strong>des</strong>seins.<br />

Au fur et à mesure <strong>des</strong> années le roi de France, fort de sa puissance, rafle les clients de la<br />

Provence. La décadence <strong>des</strong> salins de l'est du Rhône s'amorce avec la peste noire, au milieu du<br />

XIV ème siècle, le mauvais entretien <strong>des</strong> installations et le rattachement, en 1481, de la Provence au<br />

royaume met fin au sel provençal dans le cadre du commerce international. Dès cette période le<br />

sel, comme le pétrole de nos jours, sert de moyen de pression, de chantage.<br />

Pour la Savoie, un accord est pris en 1335 entre Philippe VI et le comte Aymon de Savoie ; le roi<br />

assure l'approvisionnement de la province et perçoit les 4/5 de la gabelle à Lyon. En 1388<br />

l'annexion de Nice ouvre la mer à la Savoie qui veut y créer un port pour l'importation du sel. Le roi<br />

intrigue, le projet n'a aucune suite. En 1398 il s'assure, par le Rhône, le tirage exclusif du sel vers<br />

la Savoie. Au XV ème siècle, le conflit entre le royaume et le duché de Bourgogne obère les finances<br />

royales; pour renflouer ses caisses, Charles VII lance en 1441 une crue (impôt extraordinaire) sur<br />

le sel donc à percevoir en Dauphiné. La Savoie s'en émeut et se retourne vers les salines du<br />

Comté de Bourgogne (Franche-Comté) dépendant de l'ennemi du roi de France; la mesure est<br />

rapportée. Le même scénario se rejoue sous Louis XI qui, lui aussi, abandonne.<br />

Des accords sont établis en 1559 avec le duché de Savoie-Piémont; Peccais assure<br />

l'approvisionnement de la Savoie à un prix préférentiel ce qui conduit à une dérive. Les<br />

fonctionnaires du duc responsables du rôle du sel (état <strong>des</strong> distributions effectuées) majorent les<br />

quantités, tant pour les personnes que pour le bétail, de 15 à 25%. Cette pléthore entraîne le<br />

renversement du circuit vers la France par la contrebande. L'expédition menée, en 1775, par les<br />

fermiers généraux et qui conduit à l'arrestation de Mandrin, a son origine dans ces errements.<br />

La Suisse est aussi un client recherché de la France qui veut nuire à la Bourgogne, fournisseur<br />

attitré <strong>des</strong> Cantons. Louis XI s'est endetté auprès <strong>des</strong> Suisses.<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 20 Saison 2010-2011


Durant trois siècles, les rois de France auront trois objectifs : engager <strong>des</strong> mercenaires, éponger la<br />

dette, assurer la vente du sel de Peccais. Pour ce faire, ils doivent diminuer sensiblement les droits<br />

du produit <strong>des</strong>tiné à l'exportation. Henri II qui trouve un arriéré de 600.000 écus, somme énorme,<br />

offre aux Cantons le produit de la ferme de Peccais; les Suisses acceptent du sel en paiement de<br />

100.000 écus. Les Français voient d'un mauvais œil les Suisses se tourner vers la Lorraine et la<br />

Franche-Comté; c'est un <strong>des</strong> motifs de la conquête de cette dernière en 1678.<br />

Le XIll ème siècle voit une atténuation de l'hégémonie méditerranéenne. De nouveaux besoins se<br />

sont faits sentir. Ainsi qu'il a été dit précédemment, les pays du nord se lancent dans la grande<br />

pêche. Bien que baignés par <strong>des</strong> mers ou l'Océan, les conditions climatiques ne sont pas<br />

favorables à l'exploitation de salins ; quant aux riverains de la Baltique aucune possibilité ne leur<br />

est offerte, cette mer n'étant pas assez salée. Les Anglais connaissent et pratiquent l'extraction par<br />

cuisson de l'eau de mer, mais à la même époque l'essor de la production textile et drapière<br />

détourne vers ces activités la main-d'œuvre et les investissements. Ils sont cependant maîtres de<br />

la façade atlantique de la France grâce aux fiefs <strong>des</strong> Plantagenets, et là ils inventent le sel de la<br />

baie. La baie est celle de Bourgneuf au sud de l'estuaire de la Loire; ce vocable s'étend très vite à<br />

tous les salins de l'Atlantique et notamment à ceux de Brouage dans les Charentes. Outre<br />

l'Angleterre tous les pays riverains de la mer du Nord, de la Baltique se tournent vers la baie. Des<br />

flottes convoient le sel vers la Scandinavie, la Frise, les villes hanséatiques. Le coût de son<br />

acheminement n'a aucune commune mesure avec les rapports <strong>des</strong> échanges <strong>des</strong> produits <strong>des</strong><br />

pêcheries. Lorsque la France rétablit sa souveraineté sur les côtes ouest, il est procédé à une<br />

répartition de la production: Bourneuf étend sa zone de l'arrière-pays jusqu'à Paris et Rouen; le<br />

centre de la France, les pays de la Garonne sont abonnés à Brouage. Même au cours de leurs<br />

conflits séculaires, la France et L'Angleterre n'interrompront pas le trafic du sel, chacune y trouvant<br />

son intérêt.<br />

"FABRICATION" DU SEL.<br />

Il existe dans la nature <strong>des</strong> gisements de sel pur soit en affleurement, soit en souterrain; ils sont<br />

rares en France. Dès le Neandertal <strong>des</strong> mines ont été exploitées, mais avec les siècles les<br />

galeries ont été noyées et abandonnées. Ce fut cet obstacle insurmontable du ruissellement et de<br />

l'infiltration <strong>des</strong> eaux qui conduisit à substituer, à l'extraction de matière sèche, le traitement par<br />

cuisson de l'eau chargée <strong>des</strong> puits comme celle d'une<br />

source salée.<br />

L'évaporation de l'eau de mer est certainement le procédé<br />

le plus ancien connu de l'homme; au cours <strong>des</strong> siècles, les<br />

règles techniques correspondantes ont été fort peu<br />

modifiées et celles observées actuellement sont<br />

pratiquement celles d'il y a 2000 ans. Le site d'exploitation<br />

se situe le long d'un rivage plat, il est exposé au soleil et<br />

abrité <strong>des</strong> vents intérieurs polluants. Le salin se présente<br />

sous la forme de damiers, chaque case étant délimitée par<br />

une petite digue en terre. L'eau-mère est reçue dans le<br />

premier bassin où elle décante de ses impuretés et subit<br />

une première évaporation. Le deuxième bassin permet<br />

d'obtenir une saumure dont le volume est le 1/10 de celui de<br />

l'eau-mère. Le troisième bassin constitue le salin<br />

proprement dit.<br />

Chaque case n'a que quelques mètres de côté, le sel<br />

précipite et le saunier, sans mettre les pieds sur le fond qui<br />

est en terre battue ou en argile, regroupe les cristaux sur les<br />

bords au moyen d'un râteau constitué d'une planchette fixée<br />

à un long manche. Le sel ramassé est évacué sur la table<br />

saunante où il achève de sécher. Aujourd'hui encore à<br />

Peccais, comme au Xe siècle, les collines de sel sont<br />

appelées « camelles ». La récolte a lieu de juillet à<br />

septembre; elle est soumise aux aléas <strong>des</strong> intempéries; il y a de bonnes et de mauvaises années.<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 21 Saison 2010-2011


La production de Peccais, avec ses seize salins couvrant 1000 hectares, est, vers 1334, de 30.000<br />

tonnes par an dont 4/5 sont exportées.<br />

Le paludier est rarement son propre patron; il est tantôt fermier ou métayer, tantôt salarié sous les<br />

ordres de contremaîtres. Il est de condition sociale inférieure, assimilé à un paysan; comme lui il<br />

est attaché à l'exploitation d'une surface constante et soumis aux caprices de la météorologie.<br />

Le 47e parallèle (niveau de Nantes) est la limite nord <strong>des</strong> salins. Au delà le sel s'obtient par<br />

évaporation de la saumure chauffée au feu. Le long de la Manche l'eau de mer, après décantation<br />

dans un bassin, est versée dans <strong>des</strong> vases d'argile que l'on appuie sur <strong>des</strong> briques réfractaires.<br />

Cette méthode entraîne une énorme consommation de récipients dont on trouve encore <strong>des</strong><br />

dépôts importants le long <strong>des</strong> côtes.<br />

Sous l'empire de la nécessité, les sites de l'intérieur, tombés en léthargie à la fin de l'empire<br />

romain en raison de leur rendement et de leur coût, sont réactivés dès le XII ème siècle; il s'agit<br />

essentiellement de sources salées qui se trouvent en Lorraine et dans le Comté de Bourgogne<br />

(Franche-Comté).<br />

Les sources lorraines s'étirent dans le Saulnois, le bien nommé, le long de la vallée de la Seille,<br />

elle aussi au nom évocateur. Les principaux centres sont: Dieuzé, Moyenvic, Marsal, Château-<br />

Salins. Les eaux souterraines ont une salinité de 15%.<br />

En 802, les sources font partie <strong>des</strong> domaines de Saint Martin de Trêves; au XI ème siècle elles<br />

appartiennent aux chanoines de Saint-Gengoult de Toul. Les ducs de Lorraine en deviennent<br />

ensuite propriétaires: Dieuzé en 1215, ChâteauSalins en 1340. Outre le duché, l'aire commerciale<br />

s'étend aux pays de Moselle et du Rhin où la concurrence est vive avec les produits de France<br />

(ouest), de Bourgogne (sud), de Salzbourg et Bavière (est). Les extractions annuelles sont de<br />

8000 tonnes vers 1600, 2800 tonnes pour Moyenvic en 1661, 25.000 tonnes pour la vallée en<br />

1800. Cette industrie est vitale pour le duché auquel, à la fin du XVI ème siècle, elle apporte près de<br />

45% <strong>des</strong> revenus.<br />

L'évaporation de la saumure par cuisson nécessite énormément de bois. Pour économiser le<br />

combustible une technique immémoriale est remise en pratique. Des pains de marne comportant<br />

plusieurs évidements à leur partie supérieure sont, après avoir séchés au soleil, empilés par<br />

nappes alternées tout en réservant <strong>des</strong> ouvertures pour assurer la combustion; puis les alvéoles<br />

sont remplies de saumure et le feu allumé au-<strong>des</strong>sous <strong>des</strong> empilements. Cette méthode permet<br />

une économie de 25 à 30% de bois. D'immenses tas de tessons attestent de cette pratique.<br />

Le Comté de Bourgogne dispose de deux zones de production: une située au nord sur une ligne<br />

Vesoul-Montbéliard avec les salines de Scey-sur-Saône, de Saulnot, de Saint-Hippolyte et de<br />

Soulce, l'autre au sud sur le rebord du plateau du Jura et s'étirant de Lons-le-Saulnier à Salins.<br />

Les souverains de la Comté voient bien vite l'avantage qu'ils peuvent retirer du commerce du sel et<br />

pour mieux affermir et surveiller leur monopole, provoquent délibérément la fermeture <strong>des</strong> sites<br />

hormis ceux de Salins et de Saulnois, ce dernier appartenant au comte de Montbéliard, seigneur<br />

d'Empire. Marguerite de Flandres ordonne, en 1369, la fermeture de la source de Grozon (près de<br />

Poligny) et interdit la commercialisation du sel de mer dans le diocèse de Besançon. L'utilisation<br />

<strong>des</strong> sources salées est interdite en 1447 pour Tourmont (Poligny) bien qu'ayant « a grande<br />

habundance » en 1460 pour Montmorot (Lons-le-Saulnier). C'est le règne de Salins dont la<br />

production annuelle à la fin du Moyen Age est de 7400 tonnes.<br />

Toute l'exploitation est fondée sur le captage de la saumure et son ébullition. Jusqu'à la fin du<br />

XVI ème siècle aucun problème majeur n'entrave son bon fonctionnement : le bois étant suffisant,<br />

mais ensuite la pénurie de combustible se fait sentir d'autant que d'autres industries xylovores<br />

prennent leur essor et que la salinité <strong>des</strong> sources et puits diminue; les pouvoirs publics prennent<br />

<strong>des</strong> mesures écologiques de sauvegarde. Les salines se retournent vers l'utilisation de la houille<br />

mais les mines de charbon sont trop éloignées. L'ingéniosité pallie l'insuffisance de bois; on<br />

procède à l'épaississage de la saumure. Celle-ci est préchauffée dans un exhalatoire, capacité<br />

placée à proximité immédiate de la cuve à bouillir, par <strong>des</strong> tuyaux véhiculant de l'eau, elle même<br />

portée à haute température par le foyer principal. Mais la véritable découverte pour les économies<br />

d'énergie c’est celle du système de « graduation » appelé, un peu vite, « sel sans feu ».<br />

L'installation consiste en un bâtiment construit en longueur - il a plusieurs centaines de mètres - ne<br />

comportant pas de murs; sous la charpente court un réseau de canalisations percées qui distillent<br />

lentement de minces filets de saumure; celle-ci dégouline sur <strong>des</strong> amas de fagots et de paille où<br />

l'air produit une évaporation intense; la saumure recueillie est alors à saturation.<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 22 Saison 2010-2011


Au XVIII ème siècle le bâtiment de graduation est partout.<br />

SEL ET FISCALITE.<br />

Bâtiment de graduation à Arc-et-Senans<br />

De tout temps les impositions financières liées au sel ont été lour<strong>des</strong>. Les frais de production et de<br />

transport sont <strong>des</strong> charges techniques, les taxes et impôts spécifiques sont <strong>des</strong> charges sociales<br />

et politiques. Le sel a toujours profité à l'Etat et aux monopoles au détriment de la population. Les<br />

apports importants qu'il procure le font considérer comme un impôt constant et constamment<br />

impopulaire.<br />

A toutes les époques le pouvoir s'arroge le droit de fournir, de négocier, de distribuer le sel et<br />

surtout d'en obtenir une contrepartie fiscale, ce qu'il estime d'ailleurs être justice, puisqu'il a la<br />

responsabilité de toute la chaîne.<br />

Qui dit sel, dit gabelle. Selon la plupart <strong>des</strong> auteurs, gabelle viendrait de l'arabe "al-qua ba-la " qui<br />

signifie taxe. Ce mot apparaît en Provence au XIII ème siècle. La gabelle est un impôt indirect <strong>des</strong><br />

plus sophistiqués; il implique un système de vente, régi par l'Etat, à un prix arbitraire qui ne tient<br />

absolument pas compte de la loi du marché. Un édit de 1502 la considère comme <strong>des</strong> plus<br />

équitables puisque « les gens de tous estatz y contribuent ». Sa part dans les rentrées financières<br />

est éloquente.<br />

En 1300 elle entraîne une augmentation de cinq fois du prix à la production mais permet un<br />

bénéfice de 300%. Elle représente, dans les revenus du royaume, une part croissante: 6,25% en<br />

1506, 12% en 1641, 25% à la fin du règne de Louis XV.<br />

Les ordonnances de 1332 et 1343 établissent<br />

le monopole de la vente du sel dont on verra<br />

encore les vestiges en ...1945 !, date à<br />

laquelle sera supprimée la dernière taxe<br />

afférente. Dans chaque bailliage,<br />

sénéchaussée est établi un grenier à sel que<br />

les marchands doivent approvisionner et où<br />

les consommateurs doivent s'en procurer. Il<br />

est mis à profit de ce clientélisme forcé et<br />

canalisé pour taxer chaque opération: à la<br />

production, à l'enlèvement, en cours de<br />

transports, avec les péages et les droits de<br />

douane propres à chaque province ou<br />

généralité, à la livraison et, pour finir, lors de la vente à l'abonné.<br />

Outre son impact sur le coût du sel, la gabelle crée une inégalité dans la ponction fiscale. Elle<br />

conduit à une discrimination sociale par une forte diminution <strong>des</strong> droits, voire de leur exemption,<br />

pour les nobles, les ecclésiastiques, les membres de l'Université, les officiers royaux qui<br />

bénéficient du « franc salé ». Elle entraîne une distorsion dans son montant suivant les régions.<br />

La géographie de la gabelle est celle du royaume au seuil de la guerre de cent ans. Les provinces<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 23 Saison 2010-2011


attachées par la suite au royaume par récupération ou annexion résistent à l'assimilation et<br />

gardent jalousement leur mode de vente de sel.<br />

Il y a six régimes différents.<br />

• Pays de grande gabelle : Ce sont les provinces qui forment le noyau historique du royaume. Le<br />

régime y est draconien. Claque grenier fournit d'office les paroisses de son ressort d'une quantité<br />

fixée arbitrairement en raison du nombre de feux. Au XVIIl ème siècle il est fait obligation d'acheter<br />

une quantité fixe (environ huit livres par tête) de « sel du devoir ».<br />

• Pays rédimés : Les fiefs <strong>des</strong> Plantagenets forment une zone franche. A la fin de la guerre de cent<br />

ans, à leur retour au royaume, le sel y est taxé à la vente de cinq sous, soit 1/4 de livre (monnaie),<br />

par livre (poids). On les appelle les pays de quart sel. En 1544 le roi décide d'assujettir toutes les<br />

provinces à la grande gabelle; les régions concernées s'insurgent, la répression est terrible. Elles<br />

sont autorisées à conserver leurs franchises, moyennant un versement de 450000 livres. En 1553,<br />

devant une nouvelle menace, elles s'entendent pour payer un dédit de 1194000 livres en échange<br />

de la liberté du sel.<br />

• Pays de petite gabelle : On y trouve <strong>des</strong> greniers à sel où la consommation est libre.<br />

• Pays francs : Ils sont exempts de gabelle, soit en application de leurs conditions de rattachement<br />

au royaume, soit que leur position maritime rende la fraude trop facile.<br />

• Pays de salines : L'Etat, producteur de sel, perçoit directement son profit en taxant aux salines.<br />

• Pays de quart bouillon : Le sel y est obtenu en faisant bouillir le sable imprégné d'eau de mer. Le<br />

quart de la production est versé dans les greniers du roi.<br />

A ces diversités administratives s'ajoutent <strong>des</strong> différences, en un même lieu, pour <strong>des</strong> foyers de<br />

même rang social. En Normandie, en Picardie, le pêcheur exempté de gabelle paie son sel vingtsix<br />

fois moins cher que son voisin paysan.<br />

Ce système compliqué et onéreux engendre la fraude. Tous les moyens sont bons : on déclare un<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 24 Saison 2010-2011


sel de mauvaise qualité pour le revendre sous label, on invente <strong>des</strong> avaries en cours de transports<br />

voire dire que le sel à fondu sous les ondées.<br />

La contrebande fait fureur aux limites <strong>des</strong> pays à régimes différents. Les faux -sauniers sont punis<br />

de peines sévères : les galères pour la contrebande simple, la mort pour la contrebande armée;<br />

les animaux eux-mêmes n'y échappent pas, ils sont abattus sur place. Sous Louis XIV on<br />

dénombre une moyenne annuelle de 4500 saisies à domicile, 10000 sur routes, 200<br />

condamnations aux galères. Une déclaration royale du 13 octobre 1725 va jusqu'à stipuler que les<br />

condamnations portées contre les femmes mariées pour crime de faux-saunage seront<br />

exécutoires même contre leurs maris. Inutile de dire que le système est abhorré par la population<br />

comme en témoigne cette épitaphe sur la tombe d’un agent du fisc :<br />

Ci gît le dur sergent Bernard<br />

Qui mourut bien dix ans trop tard.<br />

Il est mort comme il a vécu.<br />

Prier pour lui est temps perdu.<br />

Passant au lieu d’un Libera<br />

Pisse <strong>des</strong>sus et puis t’en vas.<br />

Le commerce du sel est affermé à de riches hommes d'affaires disposant d'une nuée d'agents, les<br />

gabelous, qui soumettent le pays à une véritable inquisition. Les délits afférents au sel sont jugés<br />

par les greniers à sel, juridictions d'exception.<br />

A la fin de l'Ancien régime, tout le monde ressent le besoin de réformer la gabelle. Calonne s'élève<br />

contre cet impôt "qui fait payer <strong>des</strong> provinces vingt fois plus cher que d'autres, ... qui pèse plus sur<br />

le pauvre que sur le riche, ...qui ne rapporte à l'état que le cinquième de son produit, ... qui fait<br />

condamner à la chaîne tous les ans plus de cinq cents chefs de famille ».<br />

Les cahiers de doléances vont réclamer son abolition. Les habitants de Nozay (Essonne)<br />

demandent « la suppression <strong>des</strong> gabelles, le sel rendu marchand suivant un prix uniforme pris<br />

dans les salines, la propriété d’icelle à Sa Majesté». Ceux de Corbeil (Essonne) veulent "que les<br />

impôts comme taille, gabelles, ...soient supprimés. Que le sel et le tabac rentrent dans le<br />

commerce ».<br />

Satisfaction leur sera donnée. Le 15 mars 1790, l'Assemblée nationale décide que « la gabelle et<br />

la vente exclusive du sel,... et les droits de traite... seront supprimés a compter du 1er<br />

avril prochain».<br />

.Le 21 mars de la même année, après avoir écouté le marquis de Lancame qui brosse un tableau<br />

<strong>des</strong> méfaits de la justice <strong>des</strong> greniers où « les fermiers généraux et leurs tribunaux mettaient à<br />

prix la liberté et souvent la vie <strong>des</strong> citoyens. De l'argent ou aux galères, c’est la seule consolante<br />

réponse que l'on .faisait aux malheureux qui imploraient leur clémence », elle adopte une loi dont<br />

l'article 8 stipule que « les procès criminels commencés pour fait de gabelle seront annulés sans<br />

frais. Le roi sera supplié de permettre le retour <strong>des</strong> bannis pour fait de gabelle seulement et de<br />

faire mettre en liberté les détenus en prison ou aux galères qui n’y ont été envoyés que pour la<br />

même cause ».<br />

BREVE HISTOIRE D'UNE SALINE.<br />

Strabon - début de l'ère chrétienne - relève que les salaisons de Séquanie (Franche-Comté) sont<br />

considérées en Italie comme les meilleures de Gaule ; la production locale de sel y contribue<br />

vraisemblablement pour beaucoup.<br />

Le premier texte qui atteste <strong>des</strong> activités <strong>des</strong> salines de Salins (chef-lieu de canton du<br />

département du Jura) remonte au VI ème siècle.<br />

En 1237, Jean de Chalon, seigneur comtois, réalise un coup de maître. Il échange ses<br />

possessions du bassin de la Saône contre la seigneurie de Salins appartenant au duc Hugues IV<br />

de Bourgogne. Salins, dont la prospérité est liée à l'exploitation du sel, est alors une <strong>des</strong> villes les<br />

plus importante du comté; établie au fond d'une reculée, elle est située sur un axe de circulation<br />

reliant la Champagne, la Bourgogne ducale, la Comté, la Suisse, l'Italie.<br />

Elle s'ordonne en deux parties : le Bourg-Dessus appelé aussi Bourg-le-Sire ou Bourg Commun, et<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 25 Saison 2010-2011


le Bourg-Dessous dit Bourg-le-Comte.<br />

On y trouve:<br />

- La Saunerie du Bourg-<strong>des</strong>sus dite Grande Saunerie. Elle reste dans l'héritage <strong>des</strong> Comtes<br />

de Bourgogne jusqu'au XV ème siècle, puis passe aux Habsbourg avec les domaines de<br />

Charles le Téméraire; les Comtes de Bourgogne ont la moitié <strong>des</strong> recettes, le solde étant<br />

réparti entre les autres copossesseurs "les parçonniers ». Elle devient propriété du roi de<br />

France après l'annexion du comté en 1679. Elle comprend deux sources : le Puits d'Amont<br />

ou Grand Puits et le Puits à Grès (à degrés). Initialement la direction de l'exploitation est<br />

confiée aux trois clercs de la table chargés de la surveillance de l'entreprise et du contrôle<br />

<strong>des</strong> opérations et <strong>des</strong> registres, à un portier chargé du service intérieur, à deux clercs de<br />

sel agents commerciaux. Au plan technique on trouve <strong>des</strong> clercs de puits (chefs de puits),<br />

<strong>des</strong> guettes chargés du maintien de l'ordre, <strong>des</strong> poulains chargés <strong>des</strong> transports, <strong>des</strong><br />

benatiers responsables <strong>des</strong> réserves de sel. Jean Sans Peur procède à une réorganisation<br />

de l'entreprise; la direction en est confiée à un officier « le par<strong>des</strong>sus » assisté de trois<br />

clercs de rôles, d'un portier, du clerc ventier (contrôle de l'entrée <strong>des</strong> chariots), du taxeur<br />

(contrôle <strong>des</strong> chargements), du payeur (estimation de la valeur du bois dont la fourniture<br />

incombe aux copropriétaires); <strong>des</strong> moutiers ont en charge la production.<br />

- La chauderette <strong>des</strong> Rosières qui traite la saumure rétrocédée par la Grande Saunerie.<br />

- La Saunerie du Bourg-Dessous qui fonctionne comme une société par actions détenues<br />

par un groupe de nobles, clercs, bourgeois « les rentiers du puits à muire ». Chacun prend<br />

sa saumure et la traite soit directement, comme les Cisterciens, soit par l'intermédiaire de<br />

moutiers.<br />

Le niveau de la nappe salée ayant baissé au cours <strong>des</strong><br />

siècles la muire (saumure) est extraite <strong>des</strong> puits avec le<br />

« griau » système à balancier avec seau et contrepoids ;<br />

elle est ensuite dirigée vers les bernes (bâtiments de<br />

chauffe) et déversée dans <strong>des</strong> bouillons (grands<br />

chaudrons) pour y subir la cuite (évaporation). Le sel est<br />

aggloméré en pains (salignons) séchés à l'ouvroir puis<br />

mis dans <strong>des</strong> paniers (benates) regroupant douze<br />

salignons. Quatre benates composent une charge<br />

équivalente à un peu moins de cent kilogrammes.<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 26 Saison 2010-2011


Maison du par<strong>des</strong>sus XVII ème siècle.<br />

La Saunerie est, dès le Moyen Age, une <strong>des</strong> plus gran<strong>des</strong> entreprises industrielles de l'Europe<br />

occidentale. Tous les officiers sont nommés par le conseil, composé de gens du prince<br />

propriétaire. Pour exercer une surveillance permanente et éviter la fraude, les installations sont<br />

dans une enceinte et constituent une entité dans la ville. Le personnel ouvrier est employé suivant<br />

un régime qui préfigure les 3x8. Par souci d'efficacité, toute préoccupation sociale mise à part, il<br />

est suivi par un physicien attitré; c'est ainsi que le conseil délivre, le 21 novembre 1466, une<br />

commission « pour la visitation <strong>des</strong> officiers, ouvriers et ouvrières à maître Guillaume Fare,<br />

docteur en médecine, aux gages de dix livres par an ». Pour le même motif, le conseil décide, le<br />

30 septembre 1533, de créer dans l'enceinte de la saunerie une taverne à pain et à vin à l'usage<br />

<strong>des</strong> ouvriers et ouvrières afin « qu’ils n’ayent occasion de trainer par la ville ».<br />

La commercialisation du sel de Salins se fait dans les premiers temps à l'intérieur du duché et du<br />

comté de Bourgogne; par la suite les Habsbourg se tournent vers la Suisse, Genève et la Savoie.<br />

La concurrence est vive entre les trois salines et <strong>des</strong> zones de distribution sont définies. Les<br />

transporteurs sont étroitement surveillés; ils doivent emprunter les routes du sel et ne pas aller «<br />

oultre où bon leur semblait ». Une surveillance attentive est exercée dans toute la Comté « pour<br />

rebouter le sel de Lorraine ». Les frictions sont fréquentes avec le comte de Montbéliard,<br />

propriétaire <strong>des</strong> sources de Saulnot et le parlement de Dole doit arbitrer les conflits. C'est ainsi<br />

qu'en 1460, il est saisi d'une affaire dans un village mouvant de Montbéliard où « Pierre Richard,<br />

lors gouverneur de .la salnerle dudit Saulnot, trovit un loppln de sel de Salins sur .la table sur<br />

laquelle il vouIolt boire .le prlnst par d<strong>des</strong>pit et .le gecta contre ung mur en disant bien<br />

furieusement : qui a fait venir ceste sel icy ».<br />

Le déclin va s'amorcer à la fin du XVI ème siècle. La salinité <strong>des</strong> puits allant en diminuant, le bois se<br />

raréfiant (la cuite exige de douze à dix-huit heures de chauffe) et la configuration géographique ne<br />

permettant pas l'installation rationnelle de bâtiments de graduation.<br />

En 1750, la production « de blanc comme .la .neige et agréable au goût » n'est que de 1580<br />

tonnes. Le roi, à court d'argent, confie, en 1773, la « manutention générale <strong>des</strong> salines (de Salins)<br />

» a une société d'entrepreneurs; selon les clauses du bail à long terme, 50% <strong>des</strong> revenus<br />

reviendront à l'Etat. Les hommes d'affaires sont conscients <strong>des</strong> handicaps de Salins et proposent<br />

un nouveau site de transformation de la muire. Le lieu choisi est Arc-et-Senans (vingt km de Salins<br />

dans le Doubs) qui bénéficie de la proximité immédiate de l'immense forêt de Chaux et de la<br />

rivière la Loue (les besoins en eau sont estimés à100.000 tonnes par an).<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 27 Saison 2010-2011


La construction de la nouvelle saline est confiée, en 1773, à l'architecte, et également inspecteur<br />

général <strong>des</strong> salines de Franche-Comté, Claude Nicolas Ledoux. En quelques années celui-ci<br />

réalise une usine modèle tout en<br />

étant un ensemble architectural<br />

remarquable où l'on trouve dans une<br />

même enceinte les bâtiments<br />

techniques (cuisson, stockage,<br />

chargement), les locaux<br />

administratifs, les logements du<br />

directeur comme ceux <strong>des</strong> ouvriers et<br />

jusqu'à une prison.<br />

La saumure est amenée de Salins<br />

par une canalisation en bois. Ce<br />

saumoduc, réalisé en troncs<br />

d'épicéas évidés de diamètre intérieur<br />

de quatre à seize cm, est composé<br />

de deux conduites en parallèle de<br />

21,250 km chacune. Cinq stations de<br />

Maison du directeur.<br />

contrôles fortifiées sont réparties le<br />

long du parcours.<br />

Le bâtiment de graduation, construit 880 mètres avant les salines, est un édifice en bois de 496<br />

(longueur) x 10 (largeur) x 7 (hauteur) mètres. Il est suivi d'un réservoir, <strong>des</strong>tiné à recevoir la<br />

saumure saturée, de 900.000 litres. Une réserve de 30.000 m3 de bois est entretenue. L'entreprise<br />

emploie 290 personnes. Les livraisons sont effectuées soit en tonneaux de sapin de 560 livres, soit<br />

en pains de seize cm de diamètre groupés par paquets de douze.<br />

Dès la mise en service, en 1779, les objectifs de production, 6000 tonnes par an, ne<br />

sont remplis qu'à moitié. Le taux de la saumure tirée à Salins a diminué lui aussi de moitié, le<br />

saumoduc présente de nombreuses fuites, les vents sont peu violents et l'ensoleillement médiocre.<br />

L'exploitation de ces salines d'Etat sera reprise en 1806 par une société privée » Les Salines de<br />

l'Est ». Elles fermeront définitivement en 1885.<br />

QUELQUES OFFICIERS DE LA GRANDE SAUNERIE DE SALINS<br />

1416 MAIRE Jean, vendeur de sel<br />

1421 CHAUZAT Jean, par<strong>des</strong>sus<br />

1437 ROBERT Guillaume, clerc <strong>des</strong> sels<br />

1445 PLEUR Pierre, clerc <strong>des</strong> rôles<br />

1446<br />

PERRET Jean, gaitte de la porte<br />

REGNAULT Matthieu, par<strong>des</strong>sus<br />

1447 CHANTEMERLE (de) Louis, par<strong>des</strong>sus<br />

1449 BOUJATI..LES (de) Estevenin, vendeur de bois 1450 VAUX (de) Etienne, clerc ventier.<br />

1452 CRESTENE Philibert, clerc vendeur<br />

1453 PETRIN (de) Jean, trésorier<br />

VAUCHARD Gui, clerc <strong>des</strong> rôles VIENNOT Jean, fèvre<br />

PLAINE (de) Humbert, par<strong>des</strong>sus<br />

1456 CLOSIER Bernard, moutier<br />

1458 GRANT Jean, clerc ventier<br />

1460 ROCHEBARON (de) Antoine, par<strong>des</strong>sus<br />

1461 UDRESSIER Estevenin, clerc <strong>des</strong> rôles<br />

1463 POUPET (de) Guillaume, par<strong>des</strong>sus<br />

1465 BOUTON Aymar, par<strong>des</strong>sus<br />

1466 CLOUSIER Bernard, moutier<br />

1469 ANDELOT (d') Jean, maître moutier<br />

1472 OISELA Y (d') Antoine, par<strong>des</strong>sus<br />

1474 OISELA Y (d') Antoine, par<strong>des</strong>sus, NOZEROY (de) Guillaume, benatier FALLETANS (de)<br />

Pierre, benatier<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 28 Saison 2010-2011


1476 PREVOSTET Pierre, benatier, VAUX (de) Jean, moutier<br />

1477 BOUCHET Catherin, portier<br />

1478 GRAND Jean, portier<br />

1487 DA YNE Huguenin, clerc ventier<br />

1490 RAINE Jean, clerc taxeur, ANDELOT (d') Jean, receveur de gabelle<br />

1491 VIGOUREUX Jean, clerc <strong>des</strong> ventes<br />

1492 CERTAIN Estevenin, benatier<br />

1493 PREVOSTET Etienne, vendeur de sel<br />

1496 LOYTE Philippe, par<strong>des</strong>sus<br />

1500 DUBOIS Jean, forestier<br />

1511 ORBE (d') Jean, lieutenant du par<strong>des</strong>sus<br />

1516 GUYON Pierre, vendeur de sel de porte<br />

1519 CETRE Guillaume, moutier<br />

1526 POMMEREUR (de) Jean, clerc <strong>des</strong> rôles<br />

1539 GUTI..LEMIN Jean, martre moutier<br />

1548 FONTAINE Pierre, gardien<br />

1555 BRYE (de) Jean, gardien<br />

1556 BELIN Claude, clerc <strong>des</strong> rôles<br />

1569<br />

MERSUIAU Antoine, clerc <strong>des</strong> rôles ALEPY Guillaume, payeur BOUTECHOUX Louis, clerc ventier<br />

FOBERT Pierre, taxeur<br />

COQUELIN Antoine, moutier GUTILAUME Jean, délivreur NOUVEAU Pierre, clerc <strong>des</strong> sels<br />

VIRON Hugues, clerc <strong>des</strong> sels<br />

SEL ET GÉNÉALOGIE.<br />

Si nos ancêtres n'ont pas tous été gabelous, dans leur quasi totalité ils ont été gabellans.<br />

Les renseignements sur le personnel <strong>des</strong> fermes sont à rechercher principalement aux Archives<br />

nationales en série G 1 cotes 63 à 73.<br />

Les dossiers de baux <strong>des</strong> greniers à sel (avec ordre alphabétique <strong>des</strong> adjudicataires) sont<br />

regroupés aux A.N. dossier G1 102. Les états <strong>des</strong> francs-salés sont aux dossiers A.N. Gl 102<br />

et103.<br />

Les dossiers relatifs à la gabelle du sel, tant sur les affaires de justice relevant <strong>des</strong> greniers à sel<br />

que sur les états <strong>des</strong> assujettis, sont à rechercher aux AD, en séries B et C. En série B on trouve<br />

également les contrats passés entre les adjudicataires <strong>des</strong> greniers et les revendeurs locaux. Ne<br />

pas omettre de consulter les procès-verbaux de visite <strong>des</strong> paroisses par les agents de la ferme<br />

qui indiquent les chefs de feux (documents indépendants <strong>des</strong> rôles de sel).<br />

Sources<br />

Archives départementales du Doubs<br />

Archives départementales du Jura<br />

Archives départementales de l'Essonne<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 29 Saison 2010-2011


Les métiers du sel en baie de Bretagne.<br />

Marcelle Griselle, adhérente n° 610.<br />

De tout temps, le sel fut une denrée précieuse. Ses utilisations étaient de tous ordres. Les<br />

Romains comme les Grecs l'offraient à leurs dieux; le "sel de la sagesse" fait partie de la<br />

cérémonie du baptême Au temps <strong>des</strong> navires en bois, le premier voyage s'effectuait avec un<br />

chargement de sel qui assurait à la coque protection et longévité.<br />

Hippocrate recommandait déjà les bains de gros sel qui ont encore leurs adeptes et<br />

certains lui attribuaient <strong>des</strong> vertus thérapeutiques contre les morsures de serpents, les piqûres de<br />

scorpions ou de guêpes, les intoxications par les champignons et les temps ne sont pas si lointains<br />

où l'on jetait du sel dans le foyer pour éloigner les démons, la foudre et toutes sortes de fièvres.<br />

Le sel, principe de vie, purifie tout, mais c'est sans nul doute dans l'alimentation que sa<br />

nécessité est la plus grande.<br />

Le dolium romain, où l'on gardait la nourriture, a évolué vers le charnier, gros pot de terre<br />

ou de grès, où, jusqu'à la première guerre mondiale, on stockait les salaisons.<br />

Avant les marais salants, le sel était produit dans <strong>des</strong> fours, soit en réduisant une saumure<br />

obtenue par lessivage de sables ou de vases salées, soit en conditionnant une bouillie ou une pâte<br />

de sel dans <strong>des</strong> moules d'argile dits augets.<br />

LES SALINES<br />

Les premières salines remonteraient à l'époque de Jules César.<br />

Amorcée dès le Très Haut Moyen Age, la conquête <strong>des</strong> marais maritimes est pratiquement<br />

achevée au XIIIème siècle dans la Baie de Bourganeuf comme au nord de la Loire. Cette<br />

transformation précoce du littoral permet à la Baie de devenir rapidement la principale zone<br />

productrice de sel de la côte atlantique.<br />

Pour creuser une saline, selon Bernard Palissy: "Ce n'est pas assez d'avoir trouvé un platin<br />

ou campagne plus basse que la mer, mais il est aussi requis que les terres où l'on veut ériger<br />

'marez soient tenantes, glueuses et visqueuses, comme celles de quoi on fait les pots, briques ou<br />

tuiles".<br />

La saline a la forme d'un rectangle d'environ deux-cents mètres de long et de trente mètres<br />

de large. Elle comporte trois parties importantes: l'eau de mer arrive par l'étier, passe par un<br />

conduit dans une grande réserve. Dans cette première partie, les matières en suspension dans<br />

l'eau se déposent et un premier réchauffement commence l'évaporation; puis l'eau est introduite<br />

dans <strong>des</strong> bassins de concentration aménagés en chicanes. Il faut que l'évaporation soit poussée<br />

au maximum pour que l'eau entre enfin dans la troisième partie, les œillets, à l'état de saumure.<br />

Ces derniers compartiments, réguliers et plus petits, environ six mètres sur six mètres, sont<br />

réservés à la cristallisation définitive du sel; ils sont établis sur une couche de glaise compacte<br />

empêchant toute infiltration et constituant un fond sombre <strong>des</strong>tiné à capter l'énergie solaire qui<br />

transforme la lumière en chaleur.<br />

Les conditions requises pour une bonne récolte sont bien évidemment: l'eau de mer, le<br />

soleil et le vent.<br />

SAUNIER et PALUDIER<br />

Le saunier ou saulnier est le producteur de sel en baie de Bretagne, mais à Guérande, ce<br />

terme désigne celui qui vend du sel, le nom de paludier étant réservé au producteur.<br />

Dans la plupart <strong>des</strong> cas, les sauniers n'étaient pas propriétaires <strong>des</strong> salines, ils n'en<br />

percevaient que le tiers ou le quart <strong>des</strong> revenus malgré un très dur labeur. Par exemple, pour<br />

creuser un marais de vingt œillets avec ses dépendances, il était nécessaire de creuser la<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 30 Saison 2010-2011


superficie de plus d'un hectare sur une profondeur d’un mètre à un mètre cinquante selon le<br />

terrain, soit environ un millier de mètres cubes d'alluvions à monter à la surface au moyen d'une<br />

pelle assez longue et étroite, seul outil capable de pénétrer et de soulever la vase compacte.<br />

A la belle saison, l'entretien de la saline nécessitait un travail quotidien, mais il fallait aussi<br />

laisser au soleil et au vent le temps d'agir sur la saumure. Généralement, la récolte du sel avait<br />

lieu de juillet à octobre. Au démarrage de la "saumaison", à mesure que l'eau s'évaporait dans les<br />

œillets, on complétait le niveau par de petites quantités d'eau de mer jusqu'au moment où, le point<br />

de saturation atteint, la cristallisation commençait.<br />

Le premier sel obtenu formait une fine pellicule à la surface que l'on prélevait en écrémant<br />

l'eau, puis le gros sel gris se formait au fond de l'œillet, on le brassait avec l'eau pour le laver et<br />

on le ramenait sur de petites plates-formes entre deux œillets. Il était ensuite mis en tas au bord<br />

<strong>des</strong> étiers, couvert de paille ou de boue pour le protéger de la pluie.<br />

Ensuite, la précieuse marchandise devait être acheminée vers les lieux d'embarquement,<br />

où de très nombreux bateaux venus du Nord de l'Europe viendraient l'acheter. Ce travail était<br />

effectué à dos d'homme : les coloyeurs, qui transportaient sur leurs épaules <strong>des</strong> sacs de trente à<br />

quarante kilos parfois sur de longues distances par <strong>des</strong> sentiers fort étroits.- L'utilisation de la<br />

brouette pour ce travail sera assez tardive.- Ils déposaient le sel dans les salorges, sorte<br />

d'entrepôts en bois, ou bien en faisaient de grands tas.<br />

Lorsqu'un bateau était à charger, c'était aux femmes et aux enfants de remplir cette tâche,<br />

chacun avec un sac, à la mesure de ses forces, placé sur les épaules, qu'il fallait vider dans la cale<br />

pour un bien maigre salaire, mais qui apportait un petit complément aux familles de marayons qui<br />

vivaient fort pauvrement.<br />

Le saunier, ni marin ni cultivateur, s'il n'était pas riche, ne mourait pas de faim même lors<br />

<strong>des</strong> gran<strong>des</strong> famines qui ont affecté le pays. Il cultivait quelques légumes autour de sa maison<br />

mais ceci étant très limité, il pouvait surtout compter sur la chasse et la pêche pour apporter la<br />

nourriture nécessaire à sa famille.<br />

L'état de santé <strong>des</strong> habitants <strong>des</strong> marais était dégradé par les fièvres qui sévissaient de<br />

juillet à octobre, engendrées par les miasmes produites par les eaux croupissantes <strong>des</strong> marais mal<br />

entretenus, ainsi que par les nuées de moustiques qui y vivaient. La mortalité <strong>des</strong> bébés y était<br />

très forte et pour soustraire les nouveaux nés aux fièvres, on les envoyait en nourrice dans les<br />

terres.<br />

La GABELLE, les FAUX SAUNIERS et les GABELOUS<br />

Le commerce du sel s'accroît au cours <strong>des</strong> XIIIème et XIVème siècles et cet "or blanc" ne<br />

manque pas d'attirer l'intérêt du pouvoir. Philippe VI de Valois crée donc en 1340 la gabelle (de<br />

l'arabe kabala = impôt).<br />

Cet impôt, le plus injuste et le plus compliqué que l'on puisse imaginer représentait la plus<br />

grosse ressource du fisc royal. Au début, la taxe ne fut pas trop méchante, puisqu'elle représentait<br />

1,66% sur le prix de vente mais dix ans plus tard après la bataille de Poitiers où Jean le Bon fut fait<br />

prisonnier, une importante rançon dut être versée.<br />

A Paris, l'impôt fut accordé pour être levé pendant un an afin d'acheter la liberté du roi. Puis<br />

Charles V ordonna que ce droit fût perçu à perpétuité.<br />

En 1366, le roi prescrit l'établissement de greniers à sel sur "toutes les rivières courant sur<br />

le royaume", notamment à Nantes et Rouen. La Loire devient alors la première route du sel.<br />

La gabelle ne frappe pas tous les Français de la même façon. Le pays se trouve divisé en<br />

plusieurs zones. On en distinguait six, où l'imposition était fort différente. La plus touchée était le<br />

"pays de grande gabelle" où le sel coûtait environ quarante fois plus cher que dans la province<br />

voisine.<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 31 Saison 2010-2011


LE REGIME DES GABELLES<br />

1- Gran<strong>des</strong> gabelles: Dans ces pays, où le sel coûtait le plus cher, les habitants étaient de<br />

plus soumis au "sel du devoir" réservé pour le "pot et la salière". L'état fixait la quantité obligatoire<br />

de sel à acheter par personne. Ce sel devait être pris dans un grenier du roi désigné et ne pouvait<br />

être utilisé pour les grosses salaisons.<br />

2- Petites gabelles: l'impôt atteint cinq à dix fois la valeur du sel, les habitants peuvent<br />

acheter aux greniers de leur choix la quantité qu'ils désirent.<br />

3- Gabelles de salines: la taxe atteint cinq fois le prix de la marchandise et la<br />

consommation est imposée. Ces pays étaient ainsi nommés parce qu'ils tiraient leur sel, non pas<br />

<strong>des</strong> marais salants, mais <strong>des</strong> salines locales.<br />

4- Provinces rédimées : la gabelle y fut supprimée par Henri II moyennant une lourde<br />

indemnité. La consommation était limitée et l'approvisionnement devait se faire dans <strong>des</strong> greniers<br />

désignés.<br />

5- Pays de "quart bouillon": ce nom venait de ce que les sauneries de ces pays, où l'on<br />

faisait bouillir un sable imprégné d'eau de mer, devaient remettre gratis dans les greniers du Roi<br />

un quart de leur fabrication.<br />

6- Pays francs: ne paient pas de gabelle, soit par un acte gracieux lors de leur annexion à<br />

la France pour le Cambrésis, la Flandre, le Hainaut ou le Béarn, soit pour la Bretagne après le<br />

traité passé en 1491 entre Charles VII et la duchesse Anne de Bretagne.<br />

Cette situation poussait forcément à la contrebande, le "faux saunage" qui, en 1675, est<br />

défini comme un crime.<br />

Etait considéré comme "faux saunier" celui qui transportait du sel pris ailleurs que dans les<br />

greniers du Roi, mais y était aussi assimilé celui qui fabriquait clan<strong>des</strong>tinement du sel en volant de<br />

l'eau de mer, celui qui ne consommait pas tout le sel du devoir et celui qui recelait du sel de<br />

contrebande.<br />

Les peines encourues par les faux sauniers étaient très lour<strong>des</strong>, le plus souvent les<br />

galères, parfois la mort.<br />

Pour contrôler les sauniers, furent créés en même temps que la gabelle, les douaniers ou<br />

"gabelous", fonctionnaires <strong>des</strong> fermes du Roi.<br />

On les trouvait sur les lieux de production du sel, mais aussi à la frontière entre pays francs<br />

et pays de 'grande gabelle. Ils étaient nombreux à pied, à cheval ou en bateau. Même si on faisait<br />

belle figure aux gabelous, ils n'en étaient pas moins profondément détestés, ainsi qu'en<br />

témoignent les cahiers de doléances avant la révolution: "Ce corps abhorré de tout le genre<br />

humain est composé en grande partie de la plus vile canaille. Ce corps très nombreux est comme<br />

le foyer du libertinage et du coquinisme".<br />

Quand à la Révolution la gabelle fut supprimée, les gens ne furent pas tous satisfaits: bien<br />

<strong>des</strong> gabelous furent licenciés; quant aux nombreux faux sauniers, ils n'eurent plus de travail.<br />

Sources : La baie de Bretagne d’Emile Boutin site du musée du Pays de Retz<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 32 Saison 2010-2011


Histoire et origines du foie gras.<br />

Annie HUOT, Adhérente n° 1830<br />

D'Octobre à Avril, on trouve chaque jour dans le sud-ouest de la France un marché au "Gras". Ces<br />

marchés mettent en circulation les foies gras, les animaux entiers ou simplement les carcasses<br />

dont on a retiré le foie. C'est le canard qui a le plus de succès ; l'oie, même s'il est reconnu que<br />

son foie a meilleur goût, est plus difficile à vendre en raison de sa grosseur.<br />

En Gascogne, tout est rondeur et douceur autour de ces maisons de briques, basti<strong>des</strong>, bor<strong>des</strong><br />

(bordas) ou métairies. Dans le Gers, l'un de ces départements où l'activité agricole est encore la<br />

plus présente, en été, c'est la marée verte du maïs, base de l'alimentation animale, qui s'étend à<br />

perte de vue avec quelques îlots jaunes de tournesols. Le maïs est partout et là se nichent les plus<br />

belles basses-cours d'où provient chaque hiver cette douceur annonciatrice : le foie gras !<br />

Si traditionnellement, deux régions françaises, le Sud-ouest et l'Alsace, se disputent la paternité de<br />

ce mets de fête, l'origine du foie gras est en réalité très ancienne.<br />

Dans l'Antiquité<br />

C'est du temps de l'Egypte ancienne, sur les bords du Nil, que les hommes se sont rendus compte<br />

que les anatidés se gavaient naturellement en ingurgitant un maximum de nourriture pour pouvoir<br />

traverser la Méditerranée, puis l'Europe, au début du printemps. A l'état sauvage, l'oie et le canard<br />

sont <strong>des</strong> migrateurs et, avant d'entreprendre leur long voyage d'hivernage vers les terres africaines<br />

plus chau<strong>des</strong>, ils se gavent naturellement. Un canard sauvage peut ainsi doubler son poids en<br />

stockant de la graisse dans son foie.<br />

Si l'on en croit les bas-reliefs qui décorent le mastaba de Ti à<br />

Saqqarah, on voit déjà <strong>des</strong> hommes ou <strong>des</strong> femmes de cette<br />

lointaine civilisation gaver <strong>des</strong> oies avec <strong>des</strong> figues (l’Ancien<br />

Empire 2815-2400 avant J.C.) Est-ce pour autant le foie que l’on<br />

dégustait ensuite au pays <strong>des</strong> pharaons ? Aucune certitude en la<br />

matière : peut-être s’agissait-il simplement d’engraisser les<br />

animaux pour la saveur de la viande.<br />

Il est certain toutefois que les Grecs et les Romains prisaient cet abat, évoqué dans certains écrits<br />

d’Homère et d’Horace. Les Romains s'empressèrent de l'importer dans leurs nouvelles provinces,<br />

dont la Gascogne, appelée alors "Novempopulanie".<br />

Peuplée d'un mélange de Celtes et d'Ibères, surtout <strong>des</strong> Elusates, elle était la neuvième province<br />

romaine, avec comme capitale Elus (l'actuelle Eauze) située à égale distance entre Toulouse et<br />

Bordeaux.<br />

Le foie produit s'appelait ficatum qui, lui-même est la traduction du mot grec sukôton (figues) que<br />

l'on retrouve dans l'expression bepar sukôton, foie d'oie engraissée avec <strong>des</strong> figues. Les anciens<br />

ne conservèrent que le terme ficatum ou figue pour sa dénomination, ce qui donna la forme figido<br />

au VIII ème siècle, puis fedie, feie au XII ème siècle et finalement « foie ». Toutefois, cette racine ne<br />

se retrouve qu'en français, italien, portugais, espagnol et roumain.<br />

La tradition du foie gras s'est perpétuée après la chute de l'Empire romain en Europe centrale,<br />

dans les communautés juives. Les juifs utilisaient fréquemment la graisse d'oie pour la cuisson,<br />

car le beurre, avec la viande et le saindoux leur étaient interdits. De plus, les huiles d'olive et de<br />

sésame étaient difficiles à obtenir en Europe centrale et de l'ouest.<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 33 Saison 2010-2011


En France<br />

Si, au Moyen Age, la pratique du gavage avec <strong>des</strong> boulettes de céréales, de pain, de figues<br />

fraiches ou sèches avait presque cessé, elle fut relancée à partir de 1492 grâce à une céréale<br />

nouvelle que ramena Christophe COLOMB d'Amérique : le maïs. Grâce à sa parfaite acclimatation<br />

et à sa forte teneur en gluci<strong>des</strong>, l'élevage et le gavage <strong>des</strong> oies se sont développés à nouveau<br />

notamment en Alsace et dans le Sud-ouest de la France.<br />

En Alsace, dés le XVI ème siècle on trouve une ordonnance de police réglementant l'élevage <strong>des</strong><br />

oies. C'est à la fin du XVIII ème siècle que se répand la recette du pâté de Foie Gras.<br />

L'appellation " Foie Gras " s'appliquait jusqu'au début du XIX ème siècle aux foies de poular<strong>des</strong> et de<br />

chapons.<br />

Il faudra attendre 1835 pour trouver une recette propre au Foie Gras de l'oie gavée.<br />

Le gavage<br />

En fait, le gavage que l'on pratique sur les espèces domestiques repose sur la capacité de ces<br />

animaux à emmagasiner leurs excédents de gluci<strong>des</strong> (les sucres du maïs ou de la figue) en<br />

augmentant la proportion de lipi<strong>des</strong> de leur foie. Le maïs étant originaire d'Amérique centrale, le<br />

gavage au maïs est arrivé tardivement.<br />

Autrefois, l'élevage et le gavage traditionnel<br />

en étaient avant tout l'affaire <strong>des</strong> femmes,<br />

car longtemps considérés comme une<br />

activité complémentaire. La préparation <strong>des</strong><br />

volailles demandait de la main-d'œuvre car il<br />

fallait tuer les volatiles, les ébouillanter puis<br />

les plumer à la main (voir photo du<br />

plumage). A présent cela peut être un travail<br />

à temps plein dans le cadre d'une activité de<br />

production artisanale où l'aide mécanique a<br />

sa place.<br />

Au début du XX ème siècle on gavait encore avec un bâton et<br />

un entonnoir. On procédait généralement avec délicatesse, le<br />

corps de l'animal étant tenu entre les jambes pour éviter qu'il<br />

ne gigote. On ajoutait au maïs, de temps en temps, de l'eau<br />

chaude pour qu'il <strong>des</strong>cende plus facilement dans le jabot<br />

sans blesser l'animal et en faciliter la digestion. Après 1930,<br />

les gavoirs à manivelle et vis sans fin, plus efficaces, plus<br />

rapi<strong>des</strong>, plus pratiques ont éliminé définitivement l'entonnoir<br />

simple.<br />

De nos jours, les gaveuses sont munies d'un mécanisme<br />

électrique, ce qui rend le gavage beaucoup plus facile.<br />

Source : web<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 34 Saison 2010-2011


LES RILLONS DE TOURAINE.<br />

Annie HUOT, adhérente n° 1830<br />

Les cochons étaient souvent durant les siècles passés l'un <strong>des</strong><br />

rares apports de viande dans l'alimentation <strong>des</strong> campagnes et<br />

l'abattage d'un porc n'était pas chose fréquente. Cela relevait du<br />

sacrifice, au sens propre comme au sens figuré (on n’en tuait<br />

guère qu’un ou deux par an).<br />

La conservation de la viande était le souci majeur <strong>des</strong> femmes de<br />

ces époques.<br />

Il fallait faire durer la viande et varier les plaisirs.<br />

Les métho<strong>des</strong> de conservation dans la graisse et au frais en cave<br />

sont nées de cette démarche d'économie domestique.<br />

De ces réflexions sur la conservation sont nées de nombreuses<br />

recettes et celle <strong>des</strong> Rillons de Tours en est un exemple aujourd'hui fameux, même si leur<br />

fabrication relève plus <strong>des</strong> plaisirs de la table que de véritables problèmes techniques.<br />

L'origine du mot provient de "rille" qui désigne un morceau de porc allongé et cuit dans la graisse.<br />

Les Rillons sont <strong>des</strong> morceaux de poitrine de porc maigre gros comme un poing, épicés, rissolés<br />

pour coloration, puis confits à la graisse.<br />

Ils sont encore fabriqués par quelques bonnes maisons dans le respect <strong>des</strong> traditions qui<br />

inspirèrent à Balzac ces quelques lignes: "Les célèbres rillettes et rillons de Tours formaient<br />

l'élément principal du repas que nous faisions au milieu de la journée. (...) Ils se pourléchaient en<br />

vantant les rillons et résidus de porc sautés dans leur graisse et qui ressemblent à <strong>des</strong> truffes<br />

cuites."<br />

Rillots ou Rillons ou Rillaux ou Rilleaus ou Rillauts ou Grillons ou Gros grillons ou Grillons<br />

vendéens, selon les régions. En Bretagne, ils sont plutôt appelés Rillaux. Quant-à Grillons, c'est<br />

plutôt une erreur de langage peu répandue <strong>des</strong> consommateurs, les grillons existant en<br />

charcuterie mais étant tout autre chose.<br />

Il faut rechercher l'origine <strong>des</strong> rillons, une authentique spécialité tourangelle, en se rapprochant de<br />

celle <strong>des</strong> rillettes, et celles de Tours, fameuses, remontent, au moins, au Moyen Age.<br />

Les rillons sont de cette sorte de divine lumière qui jaillit <strong>des</strong> cogitations d'un anonyme de ce<br />

moyen âge. Mais, contrairement à d'autres, celle-ci ne s'est pas perdue, mais ne s'est pas<br />

développée non plus. Les rillons sont encore un fleuron de la gastronomie locale tourangelle et<br />

sortent peu de la région. Les produits industriels que l'on trouve aujourd'hui n'ont rien à voir avec<br />

un lent confit d'artisan.<br />

La recette est la même depuis toujours, c'est une tradition ! On fait rissoler <strong>des</strong> morceaux de porcs<br />

savamment choisis, détaillés en gros dés, aromatisés au vin de Vouvray et cuits dans leur jus ou<br />

plutôt confits dans leur graisse... mais ce n'est qu'une <strong>des</strong> variantes !<br />

On les accompagnera de lentilles vertes tiè<strong>des</strong> ou d'une salade verte aux noix. Certains les<br />

préféreront tiè<strong>des</strong> tandis que d'autres, froids... là encore c'est affaire de plaisir !<br />

Source : web<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 35 Saison 2010-2011


LE SUCRE.<br />

De la canne aux confitures.<br />

Marcelle Griselle, adhérente n° 610.<br />

Grande herbe tropicale, la canne à sucre est originaire de la Nouvelle-Guinée et <strong>des</strong> îles<br />

avoisinantes, dans l’Océan Pacifique. C’est sur ces îles qu’elle a été cultivée pour la première fois,<br />

mille ans avant J.C. avant d’atteindre l’Inde puis la Chine. Ce sont les Indiens qui les premiers<br />

inventent <strong>des</strong> techniques pour extraire le sucre de la canne. A cette nouvelle substance, ils<br />

donnent le nom de "çârkara".<br />

Au VIe siècle avant Jésus-Christ, au cours d’une expédition dans la vallée de l’Indus, les Perses<br />

du roi Darius le Grand font la découverte du "roseau qui produit du miel, sans le concours <strong>des</strong><br />

abeilles". Ils en rapportent en Occident, mais la culture de la canne ne franchit pas encore les<br />

frontières de l’Inde.<br />

Après les Perses, ce sont les Grecs et les Romains qui s’approprient le sucre. Une découverte<br />

qu’ils doivent en partie à un homme, Mégasthénès. Historien et géographe grec né vers 340 avant.<br />

J.C., il passe dix années en Inde, notamment comme ambassadeur à la cour du roi indien<br />

Chandragupta Maurya.<br />

L’usage que Grecs et Romains font du sucre est essentiellement thérapeutique. Médecin et<br />

botaniste grec, Dioscoride (40 ap. J.C. – 90 ap. J.C.) indique qu’il "existe une espèce de miel<br />

concret appelé sucre. Il ressemble au sel par sa consistance et craque sous la dent. Il<br />

recommande l'eau de sucre pour soigner ou purger les reins, l'estomac, les intestins et la vessie.<br />

Pendant l’Antiquité, la culture de la canne reste limitée géographiquement. Entre le IV ème et le<br />

VII ème siècle, elle s’effectue essentiellement dans le delta de l’Indus et le Golfe Persique.<br />

Durant cette période, les Perses ne cessent d’améliorer les techniques de culture et de<br />

transformation. C’est probablement là que sont inventés les pains de sucre, plus aisément<br />

transportables. Dès le VIIe siècle, la conquête arabe va ouvrir de nouveaux horizons, le sucre part<br />

alors à la conquête du monde.<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 36 Saison 2010-2011


Il avait fallu une quinzaine de siècles pour que la canne franchisse l’Inde et s’implante en Iran. Il en<br />

faudra moins de deux pour qu’elle se répande durablement dans tout le bassin méditerranéen. Les<br />

Arabes font sa connaissance en Perse et l’adoptent immédiatement.<br />

Dès lors, la culture de la canne se répand au fil de l’expansion musulmane : la Palestine, puis, au<br />

VIIIe siècle, la Syrie et l’Egypte où les plantations se multiplient le long du Nil. Au IX ème siècle, elle<br />

commence à être cultivée dans le royaume arabo-andalou du sud de l’Espagne. Elle s’installe<br />

aussi dans les îles : Chypre, Crète, Malte et la Sicile.<br />

Si la canne profite <strong>des</strong> espaces conquis par les Arabes, elle bénéficie aussi de leur savoir-faire. Ils<br />

développent les techniques culturales comme l’irrigation et, en bons ingénieurs, ils perfectionnent<br />

les techniques d’extraction et de transformation. Côté "gastronomique", les cuisiniers inventent les<br />

premiers sirops et pâtisseries au sucre.<br />

Les Croisa<strong>des</strong> et la volonté <strong>des</strong> chrétiens d’Occident de reconquérir la Terre Sainte vont contribuer<br />

à diffuser plus largement encore la canne à sucre. Dès la première croisade (1096-1099),<br />

les pèlerins font la découverte du sucre, qu’ils rapportent dans leur pays. Certains deviennent à<br />

leur tour planteurs, notamment dans les îles de la Méditerranée reprises aux Arabes.<br />

Au fur et à mesure que le commerce s’intensifie, l’Europe devient de plus en plus sucrée. À<br />

l’époque <strong>des</strong> Croisa<strong>des</strong>, à partir du XII ème siècle, le sucre est une denrée de luxe, strictement<br />

limitée aux usages médicaux et exclusivement vendue chez les apothicaires. Apprécié pour<br />

ses vertus digestives et pectorales, le sucre est efficace contre la goutte, les rhumatismes, la<br />

dysenterie...<br />

Le XVe siècle constitue un nouveau tournant dans l’histoire trois fois millénaire du sucre. Venise<br />

s’est progressivement octroyé le monopole commercial de cet or brun, et s’appuie sur Bruges et<br />

Anvers pour le diffuser vers l’Europe du Nord. La Cité <strong>des</strong> Doges est d’ailleurs à l’initiative de la<br />

construction de la première raffinerie.<br />

L’insolente réussite de Venise fait <strong>des</strong> envieux. Parallèlement, les rendements sur les îles de la<br />

Méditerranée diminuent. La canne est une plante exigeante qui appauvrit très vite les sols. Il faut à<br />

la fois de nouvelles terres, et <strong>des</strong> capitaux importants pour financer la culture et la transformation<br />

du sucre. Les Génois, les Espagnols, les Portugais, les Flamands investissent…<br />

Les Portugais seront les premiers à tirer profit de ce nouvel essor. Dès la moitié du XV ème siècle,<br />

ils installent <strong>des</strong> plantations et <strong>des</strong> raffineries à Madère, un archipel situé dans l’océan Atlantique<br />

au large du Maroc. Des marchands de Flandre et d’Italie s’installent et assurent l’exportation du<br />

sucre vers La Rochelle, Rouen, Gênes, Venise, Bruges, l’Angleterre. Ils répètent l’expérience sur<br />

l’archipel de Sao Tomé-et-Principe, dans le Golfe de Guinée, au large du Gabon. Des premiers<br />

pas avant le grand saut vers les Amériques…<br />

Excellents navigateurs, les Portugais sont animés par l’esprit <strong>des</strong> gran<strong>des</strong> découvertes. Si<br />

la quête d’or et d’épices <strong>des</strong> Conquistadors ne fut pas un succès, il en alla autrement avec la<br />

canne. Le sucre devint très vite le premier enjeu du commerce international. Avec son corollaire :<br />

le trafic d’esclaves.<br />

À partir de Madère, les Portugais acheminent technologies et<br />

matériel au Brésil dès les premières années du XVI ème siècle. Ils<br />

restent maîtres du jeu jusqu’en 1630. Puis ce sont les Anglais et les<br />

Français, aux Antilles, qui prennent le relais.<br />

Au début du XVII ème siècle, les Antilles françaises sont <strong>des</strong> colonies<br />

de peuplement. Les premières plantations de canne ne voient le<br />

jour qu’en 1643, après l’échec de la culture du tabac. Très vite, les<br />

sucreries se multiplient à la Martinique, la Guadeloupe et Saint-<br />

Domingue.<br />

En métropole, ce sont les raffineries qui fleurissent sous<br />

l’impulsion de Colbert : à Bordeaux et Nantes, mais aussi Marseille,<br />

Rouen, La Rochelle. Elles travaillent d’abord le sucre brut <strong>des</strong><br />

Canaries, de Madère, et du Brésil, puis développent leur activité<br />

grâce à l’expansion <strong>des</strong> cultures de canne dans les îles du<br />

Nouveau Monde.<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 37 Saison 2010-2011


Le Siècle <strong>des</strong> Lumières sera le siècle de la domination française. Le sucre devient l’élément<br />

majeur de l’économie et donc de la politique européenne. La maîtrise du commerce du sucre est<br />

un facteur non négligeable dans le déclenchement de certains conflits, notamment avec<br />

l’Angleterre. C’est le cas de la guerre de 7 ans (1756-1763), à l’issue de laquelle la France<br />

n’hésitera pas à renoncer au Canada au profit <strong>des</strong> Anglais plutôt que de perdre ses "isles à sucre".<br />

Au XV ème siècle, les Français commencent à apprécier l’aigre-doux et le sucré-salé. Le sucre est<br />

jugé plus agréable au palais que le miel, c’est un meilleur conservateur, et son utilisation est plus<br />

facile. On l’emploie donc pour atténuer l’acidité du vinaigre, du jus <strong>des</strong> agrumes et du vin blanc et<br />

pour édulcorer les épices. Progressivement, le sucre se fait de plus en plus présent dans les<br />

préparations culinaires, et notamment dans les <strong>des</strong>serts. Il acquiert un statut privilégié et reste<br />

réservé aux cuisines <strong>des</strong> grands seigneurs.<br />

Ce n’est qu’au XIX ème siècle que le sucre de<br />

betterave va connaître un réel essor. Pendant <strong>des</strong><br />

siècles, il reste méconnu. Si dès 1600, l’agronome<br />

français, Olivier de Serres, remarque que la<br />

"betterave", arrivée d’Italie depuis peu, donne en<br />

cuisant un jus "semblable au sirop de sucre", il faut<br />

attendre 1747 pour qu’Andreas Sigismund<br />

Marggraf, chimiste berlinois, prouve que le sucre de<br />

betterave et le sucre de canne sont identiques.<br />

Élève de Marggraf, Franz Karl Achard produit en<br />

en 1798 le premier sucre de betterave. La première<br />

usine est créée en Silésie avec le soutien financier<br />

de Frédéric-Guillaume III, mais ce n’est pas un<br />

franc succès. Achard a réussi l’essentiel de l’extraction. Sa seule erreur : croire que la teneur en<br />

sucre de la betterave augmente avec le temps de stockage, alors que c’est le contraire. Résultat :<br />

la qualité du produit n’est pas bonne et la rentabilité très insuffisante.<br />

En 1810, l’intérêt pour la betterave revient en France sous l’impulsion de Chaptal, qui travaille<br />

dans la commission de l’Institut de France chargée de vérifier les expériences d’Achard. Cette<br />

commission informe Napoléon de l’intérêt que la France aurait à produire elle-même son sucre.<br />

En 1806, Napoléon promulgue le décret connu sous le nom de “ blocus continental ” : après sa<br />

victoire à Trafalgar, l’Angleterre détient la maîtrise <strong>des</strong> mers et du commerce mondial. Cette<br />

domination maritime empêche les marchandises françaises de sortir et d’entrer dans les ports. Le<br />

sucre <strong>des</strong> Antilles commence à faire cruellement défaut.<br />

Le blocus napoléonien a pour objectif d’empêcher l’entrée de toute marchandise anglaise sur le<br />

continent, de ruiner l’Angleterre et d’assurer à la France la<br />

place de première puissance économique européenne… Le<br />

blocus fut un échec pour la France, mais une aubaine pour la<br />

betterave, qui apparut comme un moyen de remplacer la<br />

canne à sucre.<br />

Convaincu de l’intérêt de la betterave dans la production du<br />

sucre, Napoléon incite les agriculteurs à pratiquer cette<br />

culture et les industriels à améliorer les procédés en leur<br />

octroyant <strong>des</strong> ai<strong>des</strong> financières ou <strong>des</strong> régimes fiscaux<br />

privilégiés. Dès lors, la France se mobilise pour extraire du<br />

sucre à partir de la betterave. Les mesures impériales font<br />

vite effet.<br />

En 1812, Benjamin Delessert présente à l’Empereur<br />

<strong>des</strong> pains de sucre parfaitement réussis. Il est le premier à<br />

réussir l’extraction en grande quantité.<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 38 Saison 2010-2011


BENJAMIN DELESSERT<br />

Industriel, militaire, banquier, collectionneur,<br />

homme politique, philanthrope… né à Lyon en<br />

1773.<br />

C’est à cet homme altruiste que l’on doit<br />

l’extraction industrielle du sucre de betterave.<br />

Fils d'un industriel et banquier, il bénéficie d'une<br />

éducation poussée. A 22 ans, il prend la<br />

direction de la banque fondée par son père. En<br />

1802, il est nommé régent de la Banque de<br />

France et le restera jusqu'à sa mort en 1847.<br />

Mais Benjamin Delessert reste avant tout un<br />

touche-à-tout, un pionnier, un industriel doublé<br />

d’un inventeur. S’il se penche sur l’introduction<br />

de la vapeur dans l’industrie du coton et<br />

modernise l'usine <strong>des</strong> Delessert à Passy, ce sont<br />

les sucreries qui vont le plus profiter de son<br />

talent.<br />

La réussite arrive après six ans de recherches.<br />

Une réussite illustrée par la célèbre visite de<br />

l’Empereur. Le 2 janvier 1812, Napoléon se fait<br />

montrer les ateliers de la sucrerie, bavarde avec<br />

les ouvriers, goûte le sucre… et saisi<br />

d'enthousiasme, conscient d'une grande<br />

découverte, il enlève sa propre légion d'honneur<br />

pour l'épingler sur la poitrine de Benjamin. Le<br />

soir même, il le fait Baron…<br />

Dans la foulée, une vingtaine de manufactures<br />

s'ouvrent dans toute la France sur le modèle de<br />

la sucrerie de Passy.<br />

Enfin, toute la vie de Benjamin Delessert est<br />

marquée par un souci constant de son prochain.<br />

Afin de venir en aide aux plus démunis, il crée<br />

en 1800 les premières soupes populaires. En<br />

1818, il est membre de la Compagnie royale<br />

d'assurance et crée, à l’aide <strong>des</strong> financiers, la<br />

Caisse d'épargne et de prévoyance, fondation<br />

dont il restera le plus fier.<br />

Il meurt le 1er mars 1847. Sur sa tombe est<br />

gravé à sa demande : « Ci-gît l’un <strong>des</strong> cofondateurs<br />

<strong>des</strong> Caisses d’épargne. »<br />

La sucrerie de Connantre (Marne) →<br />

la plus grande d'Europe<br />

source: CEDUS<br />

Centre d'Etu<strong>des</strong> et de Documentation du Sucre<br />

Napoléon s’enthousiasme, le décore,<br />

délivre cinq-cents licences de fabrication et<br />

ordonne la plantation de plusieurs milliers<br />

d’hectares de betterave sucrière. C’est parti<br />

pour la betterave... Les usines se multiplient<br />

et les avancées techniques entraînent une<br />

baisse rapide du prix de revient.<br />

La fin de l’Empire permet le retour sur le<br />

continent du sucre de canne et met un<br />

temps en péril le développement de la<br />

betterave sucrière. Mais la récession ne va<br />

cependant pas durer. En 1828, la France<br />

compte 585 sucreries implantées dans 44<br />

départements. Le gouvernement favorise la<br />

production via un régime fiscal très<br />

avantageux, mais cela n’est guère apprécié<br />

<strong>des</strong> producteurs <strong>des</strong> colonies. Leurs<br />

protestations contre ce régime de faveur<br />

conduisent le gouvernement à supprimer les<br />

exemptions fiscales en 1843. L’abolition de<br />

l’esclavage, au milieu du XIXe siècle, lui<br />

redonne un coup de pouce. Les sucreries se<br />

multiplient en Europe.<br />

En 1900, le sucre de betterave représente<br />

53 % de la production mondiale. La guerre<br />

de 14-18, en transformant les gran<strong>des</strong><br />

plaines betteravières en champs de bataille,<br />

stoppe toute la production en France et en<br />

Belgique et le fait re<strong>des</strong>cendre à 26 %. S’il<br />

remonte pour atteindre 40 % dans les<br />

années 50, il n’est que de 30 % en 1995.<br />

.<br />

En 2007, trois millions de tonnes de sucre<br />

ont été utilisées en France dont<br />

-450000 tonnes pour le sucre de bouche<br />

-590000 tonnes pour les industries<br />

alimentaires<br />

-180000 tonnes pour les industries chimique<br />

et pharmaceutique<br />

-780000 tonnes pour l'alcool et l'éthanol<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 39 Saison 2010-2011


LES CONFITURES. Marcelle Griselle, adhérente n° 610.<br />

Le mode de conservation <strong>des</strong> fruits en confitures est un <strong>des</strong> plus usuels et <strong>des</strong> plus anciens aussi<br />

qui soient au monde.<br />

La cuisine romaine mentionne déjà les fruits confits au miel. La première recette de confiture<br />

connue remonte au tout début de notre ère et se trouve là où on l'attend le moins, à savoir dans<br />

une compilation scientifique plutôt que dans un ouvrage gastronomique. C'est en effet parmi l'un<br />

<strong>des</strong> trente-sept volumes de l'histoire naturelle de Pline, auteur romain du premier siècle de notre<br />

ère, que l'on trouve la recette de coings confits dans le miel.<br />

Les arabes introduisent le sucre dans la pharmacopée comme en cuisine. Ils inventent alors les<br />

techniques du sucre tiré, du sucre pétri et le sirop (sharab en arabe, qui veut dire mélange de<br />

sucre et d'eau). Selon les mélanges de produits, on obtient alors <strong>des</strong> médicaments ou <strong>des</strong><br />

confiseries : bonbons médicaments appelés La'uq, nougats, massepains, confitures stomachiques<br />

(pour digérer), dragées... Avicenne donne plusieurs recettes de fruits confits. La confiserie et la<br />

cuisine se trouvent intimement mêlées à la médecine.<br />

En France ce sont les Croisa<strong>des</strong> qui apportèrent ensemble le sucre de canne et certains fruits<br />

encore inconnus en Europe.<br />

Le mot confiture vient de confire (conficere, préparer). Il apparaît en français au XIII ème siècle pour<br />

désigner les <strong>aliments</strong> cuits dans du miel ou du sucre et regroupe tout ce que nous appelons<br />

maintenant confiserie : fruits confits, pâtes de fruits, nougats, bonbons et confitures. Entre le XII ème<br />

et le XIV ème siècle la confiture proprement dite est appelée en français "letuaire", orthographié<br />

aussi "laituaire", "laituarie", "lectuaire"... Ce mot letuaire, couramment cité dans les traités<br />

médiévaux de médecine en tant que médicament, vient du latin electuarium et désigne un<br />

médicament à lécher ! Pendant tout le Moyen Âge, on fabrique <strong>des</strong> confitures essentiellement pour<br />

cet usage : c'est en tant que médecin que le célèbre Nostradamus rédige un traité sur les<br />

confitures, et c'est pour <strong>des</strong> raisons de santé que Gargantua de Rabelais termine toujours ses<br />

repas avec de la pâte de coings.<br />

Considérée comme remède à la table <strong>des</strong> grands seigneurs et <strong>des</strong> rois, la confiture est servie<br />

pour prévenir les effets non désirés de certains <strong>aliments</strong>. On lui reconnait <strong>des</strong> vertus liées aux<br />

fruits qui la composent. Par exemple, la pâte de coings, deux fois millénaire, était confectionnée<br />

parce qu'elle "allège" le ventre qui souffre de bile et supprime l'amertume de la bouche et excite<br />

l'appétit. Elle empêche aussi les mauvaises vapeurs de monter de l'estomac au cerveau.<br />

Les confitures au Moyen-âge étaient donc, bien sûr une façon de conserver les fruits et légumes.<br />

Mais surtout, on ne consommait pas les fruits crus qui étaient<br />

considérés comme dangereux.<br />

L'une <strong>des</strong> "confitures" les plus anciennes est le<br />

cotignac d'Orléans dont "Le Ménagier de Paris" donne la<br />

recette à la fin du XIV ème siècle: "prenez <strong>des</strong> coings, pelezles,<br />

fendez-les en quartiers, ôtez le nœud et les pépins,<br />

cuisez dans du bon vin rouge et filtrez à travers une étamine.<br />

Prenez du miel, faites-le longuement bouillir et écumez.<br />

Mettez-y vos coings, remuez très bien, faites bouillir jusqu'à<br />

ce que le miel réduise de moitié. Jetez-y alors de la poudre<br />

d'Yprocras et remuez jusqu'à ce qu'il soit complètement froid,<br />

coupez en morceaux et gardez".<br />

Le cotignac figurait régulièrement dans les menus<br />

médiévaux, sans doute en raison de ses propriétés, mais<br />

aussi parce qu'il suscitait la gourmandise. Il fit les délices <strong>des</strong><br />

rois et <strong>des</strong> princes. François 1er en était très friand.<br />

A Orléans, il était de règle d'offrir du cotignac aux<br />

personnalités de passage. Des archives de la ville attestent<br />

la fabrication de cotignacs pour la visite de la reine de<br />

Navarre, en 1546.<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 40 Saison 2010-2011


De même en 1576, la cité en offrit trente huit douzaines au roi et à la reine, ainsi qu'à <strong>des</strong> grands<br />

de la cour.<br />

Au XVII ème siècle, le cotignac comptait parmi les "confitures" à la mode. Confectionnée avec du<br />

"sucre royal" et un peu de vin blanc, la gelée était coulée dans <strong>des</strong> petites boites ron<strong>des</strong> et plates,<br />

en sapin, telles qu'on les trouve toujours aujourd'hui.<br />

Autre façon de conserver les fruits grâce au sucre: le fruit<br />

confit.<br />

Le "confisage" consiste à remplacer très progressivement<br />

l'eau d'un fruit par du sucre.<br />

Voici la recette du fruit confit telle qu’elle nous a été<br />

révélée par Olivier de SERRES au XVI ème siècle : " On<br />

amollit la chair par un rapide bouillonnement jusqu’au<br />

moment où une épingle enfoncée dans le fruit ne puisse<br />

plus le retenir. Et aussitôt mis dans une terrine, vous<br />

l’attaquez par un clair sirop, ayant seulement bouilli une<br />

onde. Au lendemain matin, rebouillez comme <strong>des</strong>sus,<br />

votre sirop reste dans la terrine avec les fruits. Autant en<br />

ferez ensuite six ou sept jours, matin et soir. Par tels<br />

réitérés bouillonnements, avance petit à petit le sucre<br />

dans le fruit et se concentrent les sirops ".<br />

Aujourd'hui, Apt (Vaucluse) est la capitale du fruit confit.<br />

Les fruits les plus couramment utilisés sont les agrumes,<br />

l'angélique, la cerise, les fruits exotiques (ananas,<br />

kumquat) mais aussi melon, prune et poire.<br />

L'occident découvre l'aïeule de la pâte de fruits au retour<br />

<strong>des</strong> croisés, sous forme de "confitures sèches". Faites avec la pulpe <strong>des</strong> fruits et du sucre, elles<br />

étaient à l'origine une façon de conserver les fruits. Mais dès le Moyen-âge, elles sont considérées<br />

comme <strong>des</strong> douceurs de choix.<br />

Tout d'abord les fruits sont passés à l'eau bouillante pour les amollir. Par écrasage sur tamis, ou<br />

par broyage entre cylindres et tamisage, on en extrait la pulpe, qu'on fait réduire par évaporation<br />

jusqu'à moitié de son poids de départ, dans une chaudière chauffée à la vapeur. On ajoute le<br />

sucre en moyenne à poids égal. Puis le mélange est longuement cuit jusqu'à consistance<br />

adéquate. Il est enfin coulé en plaques lissées ou dans <strong>des</strong> moules saupoudrés de sucre, ou bien<br />

encore dans l'amidon.<br />

Après refroidissement, les pâtes de fruits sont découpées, démoulées et passées au sucre en<br />

poudre.<br />

De nombreuses régions produisent cette friandise mais l'Auvergne s'enorgueillit d'une tradition très<br />

ancienne.<br />

Leur renommée n'a cessé de se renforcer depuis le<br />

jour où <strong>des</strong> confiseurs de Clermont-Ferrand et de<br />

Riom lancèrent la mode <strong>des</strong> "confitures sèches"<br />

aux abricots et aux pommes.<br />

Stratèges du marketing avant l'heure, ils eurent<br />

l'idée d'en faire <strong>des</strong> produits d'exception pour<br />

personnalités d'exception : d'un goût exquis et très<br />

facile à transporter, "les pâtes d'Auvergne"<br />

voyagèrent à travers la France pour ravir les plus<br />

grands noms de l'histoire, dès le XV ème siècle.<br />

Elles connurent finalement leur âge d'or sous le<br />

Second Empire, grâce au Duc de Morny (frère<br />

utérin de Napoléon III) qui installa en Auvergne la<br />

sucrerie de Bourdon, fournisseur en sucre <strong>des</strong> fabricants de pâtes de fruits.<br />

On peut dire aujourd'hui que dans l'histoire, aucun comte, duc, prince, empereur, président ou<br />

souverain de passage en Auvergne, n'en est reparti sans ces délicieuses pâtes de fruits !<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 41 Saison 2010-2011


LE VINAIGRE.<br />

Annie AUGÉ, adhérente n° 6.<br />

Le vinaigre est un condiment qui remonte à la même origine que celle du vin. Laissé à l’air<br />

libre, celui-ci se transforme rapidement en vin aigre, d’où son nom.<br />

Il était déjà utilisé comme médicament chez les légionnaires romains. Ils se servaient de<br />

vinaigre pour purifier leur eau.<br />

Le vinaigre est un liquide acide obtenu grâce à l’oxydation de l’éthanol dans le vin, le cidre,<br />

la bière et autres boissons fermentées. Le vinaigre<br />

commun comporte une concentration d’environ 3%<br />

à 5% d’acide acétique. L’acide tartrique et l’acide<br />

citrique se trouvent, en plus faible concentration,<br />

dans les vinaigres naturels. Le degré d’acidité est<br />

en général indiqué sur la bouteille.<br />

Il est possible d’obtenir du vinaigre en<br />

ajoutant de la « mère de vinaigre » au vin ou au<br />

cidre. La mère est un voile léger qui va s’enfoncer<br />

petit à petit et se transformer en une masse<br />

gélatineuse. C’est en fait une bactérie, appelée par<br />

Pasteur en 1864 : le « mycoderme acétique », car il<br />

croyait que c’était un champignon. La « mère de<br />

vinaigre » est comestible et certains l’utilisent en<br />

cuisine, d’autres la filtrent, mais elle demeure un<br />

aliment hautement nutritionnel.<br />

Le vinaigre, en cuisine, joue un rôle<br />

important depuis <strong>des</strong> temps immémoriaux, en particulier pour les vinaigrettes et les marmela<strong>des</strong> et<br />

comme condiment.<br />

Il est aussi utilisé pour conserver fruits et légumes (cornichons, oignons…) ceux-ci doivent<br />

subir une transformation préalable. En effet les uns et les autres transpirent et leur humidité<br />

mélangée au vinaigre en élimine son degré d’acidité et donc son pouvoir de conservation.<br />

Différents types de vinaigres :<br />

le vinaigre de vin fabriqué à partir de vin blanc, rouge ou rosé.<br />

le vinaigre balsamique produit traditionnellement à partir de raisins de la région de<br />

Modène en Italie.<br />

Le vinaigre de Xérès est fabriqué à base de vins de la région de Jerez au sud de<br />

l’Andalousie.<br />

Le vinaigre de cidre, généralement jaune pâle, résulte d’un ajout d’une « mère de<br />

vinaigre » au cidre. Il est moins acide que le vinaigre de vin et a un léger goût de pomme.<br />

Le vinaigre de bière est produit à partir d’une bière spéciale ne contenant pas de houblon.<br />

Il a un goût légèrement amer proche de la bière. Il se nomme aussi vinaigre de malt.<br />

Le vinaigre de riz est issu de la fermentation du riz gluant. Ce vinaigre se caractérise par<br />

sa faible teneur acétique et est utilisé principalement en Asie.<br />

Le vinaigre de sucre était souvent fabriqué à la maison, à partir de cassonade, de<br />

mélasse, de miel, de jus de canne à sucre à environ 8%.<br />

Le vinaigre de miel est un dérivé de l’hydromel.<br />

Le vinaigre de sève est produit à partir de sirop d’érable (Canada) ou de la sève de<br />

palmier-dattier.<br />

Le vinaigre blanc commun est fait soit à partir de la distillation du vinaigre de malt, ou<br />

d’un simple mélange d’acide acétique à de l’eau.<br />

On peut aussi confectionner du vinaigre avec du lait fermenté, dans les pays tropicaux on en fait<br />

à base de fruits tels que le tamarin et le mangoustan.<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 42 Saison 2010-2011


Le vinaigre est utilisé également dans d’autres domaines :<br />

- En cosmétique : rinçage <strong>des</strong> cheveux, vinaigre de toilette.<br />

- Produit d’entretien : il élimine le tartre, la graisse, la cire et fait briller le cuivre, c’est un<br />

adoucissant pour le linge. Il a <strong>des</strong> propriétés désinfectantes. C’est aussi un désodorisant et<br />

un détachant.<br />

- En médecine : comme antiseptique, il ne tue pas les microbes, mais il en stoppe<br />

simplement la prolifération. Le vinaigre est utilisé dans l’industrie de l’alimentation du bétail<br />

pour tuer les bactéries et les virus avant la réfrigération. Il peut être utilisé aussi contre les<br />

piqûres d’insectes.<br />

- Au jardin : pour nettoyer les pots, comme désherbant, pour éloigner les fourmis, pour<br />

conserver la vitalité <strong>des</strong> fleurs cueillies.<br />

- Dans le monde de la petite reine (vélo), le vinaigre est utilisé comme antidérapant. Sur<br />

route humide, les pneus imprégnés de vinaigre adhèrent de façon remarquable.<br />

Sources : sites internet<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 43 Saison 2010-2011


Le VINAIGRIER.<br />

Annie AUGÉ, adhérente n° 6.<br />

La corporation <strong>des</strong> vinaigriers, active et<br />

prospère, datait du XIe siècle. Il était<br />

demandé à l’ouvrier, comme au maître,<br />

d’être « sain de son corps et net en ses<br />

habits ». En 1650, on comptait six-cents<br />

maîtres vinaigriers moutardiers « ayant<br />

chacun trois garçons, ou travaillant chez<br />

eux ou allant par les rues vendre du<br />

vinaigre sur <strong>des</strong> brouettes et de la<br />

moutarde dans <strong>des</strong> moutarderies de bois<br />

faites en forme de petits boisseaux<br />

couverts ». Les maîtres vinaigriers seuls<br />

avaient droit de fabriquer le vinaigre. Il était<br />

interdit aux cabaretiers et taverniers d’en<br />

produire avec leurs vins gâtés. Le sieur Maille était célèbre au<br />

XVIII ème siècle pour avoir inventé quatre-vingt sortes de vinaigres ! La moutarde était également<br />

très populaire. Le vinaigrier vendait, outre les vinaigres et moutar<strong>des</strong>, <strong>des</strong> fruits confits au vinaigre,<br />

également fort prisés<br />

LA MOUTARDE<br />

La moutarde du latin mustumardens« moût ardent » est<br />

un condiment préparé à partir <strong>des</strong> graines d’une plante de la<br />

famille <strong>des</strong> Brassicaceae, appelée aussi moutarde. Ces graines<br />

sont petites, d’un diamètre approximatif de 1mm. Leur coloration<br />

varie entre le blanc jaunâtre et le noir selon les variétés et<br />

participent à la teinte du condiment.<br />

La moutarde est répandue dans plusieurs cuisines<br />

régionales et continentales. C’est le troisième produit le plus<br />

consommé dans le monde après le sel et le poivre.<br />

En France, le condiment connu sous le nom de moutarde<br />

est constitué <strong>des</strong> graines, souvent réduites en farine et<br />

mélangées à du verjus (jus de raisin vert). D’autres ingrédients<br />

peuvent être ajoutés : du sucre, du miel, du vinaigre, du vin ou du lait. La liste <strong>des</strong><br />

ingrédients autorisés en France figurent dans un décret de juillet 2000. Les graines<br />

entières peuvent être submergées de liquide avant le<br />

meulage, si l’on veut produire de la moutarde en grains<br />

dite à l’ancienne.<br />

En France, la moutarde n’était pas seulement<br />

produite à Dijon. Il en était produit à Paris et dans toutes<br />

les régions à vignes, autour de Bordeaux, Tours et<br />

Reims, ceci grâce au vin qui, lorsqu’il tournait, pouvait être<br />

recyclé en vinaigre. Dès le XIVe siècle, la Bourgogne s’en<br />

était faite une spécialité. Petite anecdote, la devise de la<br />

ville de Dijon est « Moult me tarde ».<br />

Après la seconde guerre mondiale, il y avait en<br />

France, quelque cent-soixante fabricants de moutarde. En 2002, il n’en restait plus que<br />

six.<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 44 Saison 2010-2011


LA SAUMURE.<br />

Annie AUGÉ, adhérente n° 6.<br />

La saumure (du latin sal, sel, et muria, saumure) est une solution aqueuse d’un sel dans<br />

l’eau, généralement de chlorure de sodium (sel de cuisine), à une concentration supérieure à celle<br />

de l’eau de mer.<br />

Ses origines :<br />

Saumure naturelle<br />

La saumure se forme naturellement sur les côtes, dans les lagunes, <strong>des</strong> rivières ou <strong>des</strong><br />

lacs salés, par évaporation de l’eau sous l’action du soleil et du vent. Elle se forme également par<br />

lessivage de bancs de sel gemme, lors de l’infiltration d’eau douce à travers <strong>des</strong> couches<br />

perméables du sol.<br />

Parmi les saumures naturelles les plus connues, on peut citer celles de la Mer Morte (dont<br />

la salinité est dix fois supérieure à la salinité moyenne <strong>des</strong> océans) ou du Grand Lac Salé (Utah,<br />

Etats-Unis). La Mère Morte est un lac dont le bassin est fermé et est alimenté par <strong>des</strong> sources<br />

souterraines et les eaux fluviales du Jourdain.<br />

Les saumures originaires <strong>des</strong> lacs salés contiennent essentiellement <strong>des</strong> carbonates et<br />

sulfates. La concentration de chacun d’entre eux varie selon le lieu, mais aussi en fonction <strong>des</strong><br />

conditions météorologiques et fluctue avec le temps. Les saumures sont également le siège de<br />

réactions chimiques, qui modifient en permanence leur composition.<br />

Saumure artificielle<br />

La saumure est généralement fabriquée pour <strong>des</strong> usages spécifiques, principalement pour<br />

la conservation <strong>des</strong> <strong>aliments</strong>, le déneigement ou le transfert de chaleur dans <strong>des</strong> installations<br />

frigorifiques.<br />

Les saumures sont aussi <strong>des</strong> sous-produits de l’industrie du <strong>des</strong>salement de l’eau. Elles<br />

sont rejetées en mer ou injectées dans le sol.<br />

Saumure minière<br />

Pour extraire et transporter aisément le sel <strong>des</strong> montagnes, celui-ci est dissous dans l’eau.<br />

La technique primitive, encore utilisée dans quelques cas, consistait à créer <strong>des</strong> chambres de<br />

lessivage dans le sous-sol et à les remplir d’eau. Le sel passe alors lentement en solution dans<br />

l’eau. Lorsque la saturation est atteinte (pour une teneur en sel d’environ 20%), la saumure est<br />

pompée.<br />

Maintenant, la saumure est obtenue en utilisant <strong>des</strong> son<strong>des</strong> de forage. Pour cela, on<br />

procède au forage d’un puits profond dans le gisement de sel. Deux tubes concentriques sont<br />

alors insérés dans celui-ci. Dans une première phase, de l’eau douce est envoyée par le tuyau<br />

central, celui qui plonge le plus profondément. La saumure qui en résulte est alors repoussée vers<br />

la surface, par l’intermédiaire du tube extérieur (saumuration directe).<br />

Utilisations<br />

Production du sel de cuisine<br />

Les saumures sont utilisées pour la production du sel de cuisine, dans les salines, les<br />

marais salants, les mines de sel ou à partir de l’eau de mer.<br />

<strong>Conservation</strong> <strong>des</strong> <strong>aliments</strong><br />

La saumure est utilisée dans l’industrie alimentaire. En diminuant le taux d’humidité, la<br />

saumure empêche la prolifération de la majorité <strong>des</strong> micro-organismes, notamment les bactéries.<br />

Celles-ci ne supportent, généralement, pas <strong>des</strong> pourcentages en sel supérieures à 12%).<br />

Le saumurage est maintenant moins utilisé, à cause de l’avènement de l’électricité,<br />

permettant la congélation, et de réseaux de distribution rapide, qui diminuent la nécessité de<br />

conserver longtemps les <strong>aliments</strong>.<br />

Le saumurage est utilisé concurremment avec d’autres métho<strong>des</strong> de conservation :<br />

réfrigération, séchage, conserves…<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 45 Saison 2010-2011


Le saumurage<br />

C’est le bain d’eau plus ou moins fortement salé dans lequel on plonge l’aliment. En<br />

fonction de la salinité de l’eau et du type de saumurage à effectuer, on peut y ajouter du sel acheté<br />

dans le commerce.<br />

Traditionnellement, on évalue le degré de salinité par un moyen déjà en usage chez les<br />

anciens Romains : l’œuf frais qui, jeté dans la saumure, surnage et indique ainsi que la<br />

concentration est bonne pour la conservation de la viande (langue, jambon, noix de veau), du<br />

fromage ou du poisson.<br />

Lorsque la saumure est prête, on y immerge totalement l’aliment et on le laisse<br />

s’imprégner. Certains l’y laissent en permanence, d’autres le retirent au bout de quelques<br />

semaines pour le pendre et le sécher. La durée normale est de l’ordre d’un mois à un mois et<br />

demi, mais peut atteindre quatre à huit mois pour les olives.<br />

Saumurage <strong>des</strong> poissons<br />

La saumure est utilisée pour conserver les poissons (morue, anchois et harengs), qui, sans<br />

cela, pourrissent rapidement. Les saumures de poissons ne contiennent ni nitrates, ni poly<br />

phosphates. Les crevettes sont trempées dans la saumure après décongélation, dans les<br />

restaurants, afin de leur rendre leur goût.<br />

Au Viet-Nam, la saumure ayant servi à traiter les anchois est recueillie au bout de trois<br />

mois, mélangée avec du sel de cuisine pendant trois autres mois et commercialisée comme<br />

assaisonnement : c’est le nuoc-mam.<br />

Saumurage <strong>des</strong> fromages<br />

La saumure est utilisée pour laver <strong>des</strong> fromages (le maroilles, la feta…) ou en macération<br />

comme pour le beyaz peynir en Turquie.<br />

La saumure favorise la formation de la croûte.<br />

Le saumurage s’effectue entre 10 et 15°C pour les fromages à pâte dure et mi-dure, un peu<br />

plus pour les fromages à pâte molle et à pâte filée. La durée du saumurage varie entre quelques<br />

heures pour un fromage à pâte molle et trois jours pour un fromage à pâte dure.<br />

Saumurage de la viande<br />

Le bœuf ou le porc peuvent également être conservés dans la saumure (le petit salé, avec<br />

le porc, et le pastrami, avec le bœuf).<br />

Dans l’industrie agro-alimentaire, la saumure contient environ 18% de sel (chlorure de<br />

sodium et nitrate de potassium), 2 à 3% de saccharose et <strong>des</strong> polyphosphates de sodium. La<br />

transformation du nitrate en nitrite est à l’origine de la couleur du jambon. La saumure est souvent<br />

utilisée en charcuterie sous forme d’injection, soit dans les muscles, soit dans les veines,<br />

préalablement à l’immersion. Pour les jambons cuits, on utilise une saumure fraiche ensemencée<br />

de souches sélectionnées.<br />

Dans les pays anglo-saxons, on plonge les poulets dans la saumure durant un jour avant<br />

de les fumer.<br />

Autres <strong>aliments</strong><br />

La saumure peut être additionnée d’aromates (ail, aneth, graines de moutarde, baies de<br />

genièvre, thym, coriandre, piment, laurier…) de vinaigre, de salpêtre ou de sucre.<br />

On utilise la saumure pour les légumes, les œufs, les cornichons, les feuilles de vignes<br />

farcies, les câpres, le poivre, les citrons, la choucroute et les champignons.<br />

La présence d’impuretés dans le sel employé pour la fabrication de la saumure peut avoir<br />

<strong>des</strong> effets sur le goût (amertume <strong>des</strong> sels de magnésium) ou sur la couleur (les ions du cuivre et<br />

du fer provoquent le jaunissement <strong>des</strong> légumes verts et la formation de composés bruns avec les<br />

tanins.<br />

Congélation<br />

La saumure est utilisée pour la congélation <strong>des</strong> vian<strong>des</strong> et <strong>des</strong> poissons. La saumure est<br />

alors refroidie à -35°C et l’aliment y est plongé. Le dioxygène en est alors exclu, ce qui empêche la<br />

prolifération <strong>des</strong> salmonelles.<br />

Les thoniers senneurs utilisent de la saumure réfrigérée dans laquelle ils plongent le thon<br />

capturé pour abaisser sa température aux alentours de -15°C.<br />

La saumure est également utilisée pour la congélation <strong>des</strong> glaces alimentaires.<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 46 Saison 2010-2011


LA FUMAISON.<br />

Guy BONNIN, adhérent n° 224<br />

Le premier souci de tout être vivant est d’assurer sa subsistance. L’homme, depuis les temps les<br />

plus reculés, a mis toute son intelligence et son savoir-faire pour pouvoir disposer, à tout moment,<br />

<strong>des</strong> moyens nécessaires à sa survie surtout dans un environnement hostile. Le problème de la<br />

nourriture, y compris dans notre période contemporaine, a toujours été le sujet majeur, voire<br />

unique, de ses préoccupations. Initialement chasseur, la conservation <strong>des</strong> vian<strong>des</strong> et poissons,<br />

surtout si la prise était importante, a été l’objet de toute son attention. Au fil <strong>des</strong> siècles et<br />

certainement après maints tâtonnements ou même le hasard aidant, il a découvert, par l’utilisation<br />

du feu, la possibilité de conserver le produit de ses chasses ou de ses élevages. La fumaison<br />

avec la salaison et le séchage forment le groupe <strong>des</strong> plus anciens procédés de conservation <strong>des</strong><br />

denrées alimentaires.<br />

La fumaison 1 - le terme fumage est parfois utilisé – est la technique de conservation et<br />

d’aromatisation consistant à exposer les denrées à la fumée qui se dégage lors de la combustion<br />

de certains végétaux. La fumée contient <strong>des</strong> éléments qui inhibent la croissance <strong>des</strong> moisissures<br />

et <strong>des</strong> levures à la surface <strong>des</strong> produits traités ; elle produit également un durcissement de leur<br />

texture et modifie leur goût et leur couleur. Certains peuples ont mis en œuvre une technique<br />

semblable en exposant moins longtemps les denrées à la fumée et en les grillant légèrement ce<br />

qui cependant entraîne une durée de conservation moindre ; c’est le boucanage. Cette dernière<br />

manière de faire a eu son heure de gloire aux XVI ème et XVII ème siècles par l’utilisation qui en a été<br />

faite par les équipages <strong>des</strong> navires croisant principalement dans l’arc antillais, à telle enseigne que<br />

ses utilisateurs reçurent l’appellation de boucaniers.<br />

Cette technique de conservation a fait depuis <strong>des</strong> siècles jusqu’à nos jours, la renommée<br />

<strong>des</strong> produits carnés fumés produits par la région Franche-<br />

Comté (ancienne Séquanie <strong>des</strong> Gaulois et Romains). De<br />

nombreuses installations de fumage et de séchage y ont été<br />

mises à jour comme à Saint-Germain-en-Montagne, dans le<br />

Jura (photo ci-contre) ou à Mandeure : ces sites montrant<br />

également de très importants dépôts d’os de porcs et bovins.<br />

Cette production «industrielle» confirme la réputation <strong>des</strong><br />

vian<strong>des</strong> séquanes vantées par Strabon (contemporain du<br />

Christ). Au cours <strong>des</strong> siècles suivants ces métho<strong>des</strong> «au sol»<br />

ont évolué et ont fait place à <strong>des</strong> ensembles de traitement plus «aériens». La cheminée de la salle<br />

commune a d’abord été mise à contribution pour finalement se terminer par un aménagement<br />

spécifique à la haute montagne jurassienne.<br />

C’est ainsi que la maison en pierre s’organise autour d’une pièce de vingt mètres carrés<br />

surmontée d’une gigantesque cheminée pyramidale en bois le tuyé. Le tuyé - qui peut s’écrire<br />

aussi tuhé, les deux orthographes se prononçant tué - pièce centrale qui recueille les tuyaux de<br />

tous les poêles de la maison. L’âtre où l’on fait brûler<br />

uniquement du sapin, de l’épicéa et du genévrier, est à même<br />

le sol. Au-<strong>des</strong>sus sont fixées de longues perches horizontales,<br />

auxquelles seront suspendues les pièces à fumer. Le corps de<br />

la cheminée est fait de planches d’épicéa emboîtées. Dans <strong>des</strong><br />

temps pas très anciens, lorsque toutes les issues étaient<br />

bloquées par la neige, on sortait par ce conduit. L’orifice qui<br />

dépasse largement la crête du toit peut être ouvert ou fermé en<br />

fonction de la direction du vent à l’aide d’un système de<br />

chaînes manœuvré de l’intérieur qui actionne deux volets - les tourne-vent – l’un côté bise, l’autre<br />

côté vent.<br />

1 A ne pas confondre avec son homonyme qui se rapporte à l’amendement <strong>des</strong> sols avec du fumier ; dans ce cas<br />

l’emploi du mot fumure est préférable<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 47 Saison 2010-2011


La charcuterie fumée est essentiellement à base de bœuf et surtout de porc. Au Moyen-Âge le<br />

porc était, en Franche-Comté, la première viande consommée. Les animaux conduits en<br />

troupeaux étaient essentiellement engraissés dans les forêts. Le marquage au nom de leur<br />

propriétaire était déjà effectué et l’abattage se faisait dans une halle spécialisée et contrôlée quant<br />

à l’hygiène et la fraîcheur de la viande. C’est dire combien les Comtois étaient déjà soucieux du<br />

renom de leur production.<br />

A partir du XVIII ème siècle, les différentes régions géographiques de la Franche-Comté pratiquent<br />

l'élevage de porcs en utilisant les matières premières de l'exploitation agricole : soit de la culture<br />

(céréales, protéagineux, pommes de terre,…) soit de la production laitière (petit-lait).Le mode de<br />

fabrication du fromage au niveau de l'exploitation permettait de produire le "petit-lait" <strong>des</strong>tiné à<br />

l'engraissement <strong>des</strong> porcs. La fumée issue de la fabrication du fromage était utilisée pour le<br />

fumage <strong>des</strong> salaisons qui se trouvaient dans la cheminée dans laquelle on pendait la chaudière.<br />

Parmi toutes ces charcuteries fumées on trouve :<br />

La saucisse de Morteau 2 – Cette saucisse doit répondre à un cahier <strong>des</strong> charges spécifique. Elle<br />

doit être fabriquée à partir de porcs comtois nourris de petit lait et donc élevés dans<br />

l’environnement <strong>des</strong> fruitières. La fruitière est le lieu d’exploitation et de transformation du lait en<br />

fromage. Ces fromageries sont le plus souvent de type coopératif. Déservillers, commune du<br />

Doubs, sur le rebord du deuxième plateau du Jura, s’enorgueillit de posséder la première fruitière<br />

du monde puisque fondée en 1273. La saucisse de Morteau est reconnaissable à sa couleur<br />

ambrée et son odeur caractéristique dues à une fumaison avec de la sciure de sapin, épicéa et<br />

genévrier et sans flamme dans le foyer et ce pendant un minimum de cinq jours. Par ailleurs elle<br />

est commercialisée avec une cheville de bois à une extrémité et à l’autre par une pastille<br />

métallique précisant le producteur. Depuis Août 2010 elle a obtenu de l’Union européenne le label<br />

<strong>des</strong> plus rares Indication géographique protégée (IGP).<br />

Le Jésu de Morteau (sans s à Jésu par respect pour le Christ) – Plus gros que la saucisse de<br />

Morteau (il pèse de six cents à sept cents grammes). Il doit respecter le même procédé de<br />

fabrication de celle-ci. Il était surtout consommé les jours de fête et singulièrement à Noël.<br />

Le brési – Seule viande fumée comtoise non réalisée à partir du porc mais à partir du bœuf. Les<br />

bovins sont de races montbéliar<strong>des</strong> ou pies rouge de l’Est. La chair est rouge foncé, dure et sèche.<br />

Elle s’apparente à la viande <strong>des</strong> Grisons fabriquée en Suisse. Son nom viendrait de sa couleur<br />

rouge sombre et de sa texture très dure rappelant le bois de brésil. La durée de fumaison est au<br />

moins de trois semaines.<br />

Le jambon de Luxeuil 3 - Le jambon de Luxeuil, élaboré à partir de cuisses entières de porcs<br />

élevés dans la région <strong>des</strong> Vosges Saônoises. La fabrication de ce produit salé à la saumure, fumé<br />

et séché. Il est fumé comme la saucisse de Morteau avec de la sciure de résineux ou de souche<br />

de cerisier sauvage ; Cette opération dure quinze jours. La durée de conservation de ce jambon,<br />

même entamé, peut aller jusqu’à dix mois.<br />

2 Morteau – Chef-lieu de canton du Haut-Doubs à proximité de la frontière suisse et du saut du Doubs<br />

3 Ville de Haute-Saône au pied <strong>des</strong> Vosges<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 48 Saison 2010-2011


DES GOUSSES ET DES COULEURS.<br />

Annie HUOT, adhérente n° 1830<br />

A part l’ail, connaissez-vous un seul condiment, un seul légume qui aura marqué de son goût toute<br />

l’humanité ? Son origine remonte à l’Antiquité, à la nuit <strong>des</strong> temps. Louanges piquetées sur les<br />

sarcophages <strong>des</strong> pyrami<strong>des</strong> de Gizeh en remerciement de son efficacité à protéger <strong>des</strong> maladies<br />

les ouvriers bâtisseurs, adulé par les médecins grecs<br />

et romains qui lui reconnaissent toutes les vertus de la<br />

terre. Que de légen<strong>des</strong> n’ont pas été rapportées,<br />

parfois exagérées, sur cette gousse magique.<br />

Si quelques départements du sud de la France se<br />

distinguent dans la culture de l’ail rose, une mention et<br />

une place à part doit être réservée à l’ail fumé d’Arleux.<br />

A partir d’une sélection du cru aujourd’hui variété<br />

« Gayant » et d’une géniale idée de fumage, voilà notre<br />

tresse brune promue au rang de recette régionale.<br />

Au fil <strong>des</strong> saisons<br />

Après l’épiage, l’ail est planté en février en pleine terre ; une surveillance attentive amènera notre<br />

cultivateur à commencer sa récolte en août. Engrangé rapidement, abrité d’éventuelles<br />

intempéries, vient alors l’opération du « bongettage » qui consiste au liage, tressage et calibrage<br />

<strong>des</strong> liens qui continueront à sécher pendus à l’air libre en attente de fumage.<br />

Si ce dernier se pratique toute l’année, c’est plutôt en août qu’il faut aller se promener à Arleux. Le<br />

village se prépare à la fête : odeurs particulières de fumées résineuses, sensations olfactives<br />

inconnues ailleurs, tout un monde s’active autour <strong>des</strong> fumoirs allumés, surveillés, bichonnés,<br />

chacun ayant bien évidemment son tour de main parmi la centaine de producteurs déclarés. Du<br />

petit producteur vendant devant sa maison en complément de revenus au cultivateur rationnel qui<br />

exploite le tiers de ses terres en ail.<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 49 Saison 2010-2011


Le saurissage<br />

Récoltée sur les tourbières <strong>des</strong> environs d’Arleux, la tourbe est mouillée, malaxée, mise en moules<br />

de bois qui lui donneront la forme de briquette pour sécher encore bien longtemps.<br />

Avec de la sciure de résineux (pour la belle couleur marron luisant), de la sciure de hêtre, <strong>des</strong><br />

paillettes de blé, elles serviront à allumer, consumer et entretenir le fumoir appelé autrefois<br />

« sauroir », nom dont l’origine semblerait venir du Boulonnais où le fumage <strong>des</strong> salaisons s’appelle<br />

le saurissage.<br />

Les liens sont ensuite mis à fumer (saurage) tout doucement durant sept à huit jours aux environs<br />

de 35 à 40°. Pas plus pour ne pas tuer le germe, mais assez pour assurer la conservation jusqu’à<br />

la nouvelle récolte, l’élimination d’éventuels parasites, l’aspect si caractéristique et « le sentiment »<br />

comme l’on dit à Arleux.<br />

Nos tresses brunes fumées retrouveront alors les mains expertes <strong>des</strong> journaliers pour être<br />

stockées, pendues mais couvertes à tous vents.<br />

Les tresses de quatre-vingt-dix têtes iront chez les pros de la restauration. Les autres (45, 35, 20<br />

et 15 têtes) se ventileront dans le commerce local où granges, remises, garages, appentis et<br />

celliers seront «réquisitionnés » pour cette grande fête de l’ail qui se tient traditionnellement le<br />

premier week-end de Septembre.<br />

Miss Arleux recevra alors l’équivalent de son poids en précieuses tresses, lui restera alors à faire<br />

valoir le proverbe : « beaucoup d’ail et beaucoup d’amour ajouteront au cœur de nombreux<br />

jours ».<br />

Source : pays du nord n°5<br />

Note :<br />

Dans l'Egypte ancienne, l'ail était très utilisé. L'historien grec Hérodote<br />

rapporte que les égyptiens, employés à la construction <strong>des</strong> pyrami<strong>des</strong>,<br />

recevaient quotidiennement une ration d'ail pour leur donner la force<br />

nécessaire à ce travail épuisant<br />

L'ail était déjà reconnu pour la force et la protection contre les maladies.<br />

On en retrouve sur les sarcophages <strong>des</strong> pyrami<strong>des</strong>, où il aidait le défunt à<br />

effectuer son voyage dans l'au-delà. L'ail s'utilisait également pour la<br />

momification. Il était reconnu pour son action puissante contre les<br />

morsures de serpent.<br />

La déesse, Serket, celle qui veille sur la renaissance et le nouveau souffle<br />

de vie <strong>des</strong> défunts, et qui également protège du venin <strong>des</strong> scorpions,<br />

serpents et autres animaux dangereux, était parfois accompagnée de la<br />

représentation d’une gousse d’ail.<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 50 Saison 2010-2011


LA CULTURE DU CHASSSELAS<br />

à Thomery.<br />

A la fin du XIX ème siècle, il était de bon ton, dans les maisons bourgeoises, d’offrir à la fin du repas<br />

une grappe de raisin de Thomery. Parait-il que même à la table du Tsar de toutes les Russies,<br />

cela était très apprécié.<br />

Quoi de surprenant que cet engouement, si ce n’est que ce raisin était alors considéré comme un<br />

produit de luxe qui se consommait uniquement durant toute la période hivernale et printanière.<br />

C'est cette culture qui a fait, pendant deux siècles, la prospérité de ce village de Seine-et-Marne.<br />

L'origine de cette culture.<br />

Bien avant l'acquisition par François 1 er du domaine <strong>des</strong> Pressoirs du Roy, les coteaux de la Seine<br />

de toute la région, et très particulièrement la rive droite entre Moret et Melun, étaient couverts de<br />

vignes à vin, dont le rendement était supérieur à celui de la culture <strong>des</strong> céréales, et dont le fleuve<br />

permettait le transport facile à Paris.<br />

En 1530, lors d’une chasse à courre, François 1 er découvre les bords de la Seine près de<br />

Samoreau. Charmé par ce site, Il fait construire le château <strong>des</strong> Pressoirs du Roy et étendre le<br />

vignoble pour y planter de nouveaux cépages.<br />

En 1730, un jardinier du château de Fontainebleau fait cadeau d'un plan de vigne de la Treille du<br />

Roy à un viticulteur de Thomery.<br />

Ce viticulteur, dont le nom est François Charmeux, avait manifesté son admiration pour le raisin de<br />

cette treille. Mais le jardinier du château lui avait précisé que cette exceptionnelle qualité était<br />

probablement due à la façon de cultiver cette vigne, non pas en pleine terre, mais contre un mur<br />

exposé au soleil.<br />

François Charmeux suit le conseil, construit un mur, orienté au sud, et y plante les pieds de vigne<br />

de la treille du Roy. Ses voisins comprennent mal cette innovation, de planter contre un mur, alors<br />

que la vigne se développe bien en pleine terre. Mais très vite ils décident de faire de même les<br />

années suivantes, lorsqu’ils constatent la qualité du raisin. D'autant que, contre un mur orienté au<br />

midi ou à l'est, il est possible, sur l'autre face, orientée au nord ou à l'ouest, de planter <strong>des</strong> arbres<br />

fruitiers, pêchers, poiriers, ou pommiers, auxquels la terre du pays convient bien.<br />

Le développement de la culture du raisin et son commerce<br />

C'est ainsi qu'en quelques années, <strong>des</strong> murs s'édifient<br />

sur tout le territoire de Thomery, la seule obligation était<br />

de faire <strong>des</strong> "ouvertures" dans ces murs, pour<br />

permettre le passage de la chasse.<br />

Au moment de la révolution, les jardins de Thomery<br />

contiennent plus de 200 kilomètres de murs.<br />

Le raisin de Thomery est de plus en plus connu et<br />

réputé. Les viticulteurs de Thomery exportent vers Paris<br />

plus de cinquante tonnes de raisin par an.<br />

La proximité de carrières, permettant l'extraction de<br />

pierres à bâtir et de pierres à chaux, facilite grandement la construction de murs. La carrière la<br />

plus exploitée est celle de Veneux-les-Sablons.<br />

Les viticulteurs ont su organiser aussi bien la vente que les transports fluviaux. Ils assuraient euxmêmes<br />

le transport, quatre d'entre eux embarquant sur le bateau et le dirigeant jusqu'à Paris. En<br />

1820, ils s'unissent, non en un syndicat, car ceux-ci n'existaient pas, mais en une confrérie, sous<br />

l'égide du patron <strong>des</strong> vignerons, Saint Vincent<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 51 Saison 2010-2011


La conservation du raisin, désormais fruit de luxe<br />

Ce négoce du raisin allait s'accroître par la "découverte", en 1848, par deux viticulteurs<br />

thomeryons, Rose Charmeux et Georges Valleaux, d'un procédé permettant de conserver les<br />

grappes fraîches et savoureuses, pendant plusieurs mois après sa cueillette.<br />

L'idée leur en aurait été donnée par un habitant du village, Baptiste Larpenteur. Celui-ci, un jour<br />

que sa femme, ayant "ouvert" sa salle à manger pour recevoir <strong>des</strong> amis, et s'étant plainte de<br />

n'avoir pas de fleurs, avait eu l'idée de suspendre, tout autour d'une grande coupe pleine d'eau,<br />

<strong>des</strong> grappes de raisin fraichement cueillies, et dont les sarments trempaient dans l'eau. Après le<br />

départ <strong>des</strong> amis, la salle à manger avait été "refermée".<br />

Plusieurs semaines plus tard, entrant dans la pièce, madame Larpenteur avait eu la surprise de<br />

constater que les grappes avaient conservé toute leur fraîcheur. Elle les montra à son mari. Et<br />

celui-ci, un jour de février, voyant passer devant chez lui les deux viticulteurs, les invite à entrer et<br />

à constater cette extraordinaire conservation.<br />

Très impressionnés par ce résultat, ceux-ci s'ingénient à<br />

trouver un procédé permettant de l'appliquer à toute une<br />

récolte, et à rechercher la composition à donner au liquide<br />

pour obtenir la meilleure conservation. Après divers essais,<br />

leur choix se porte définitivement sur de petites bouteilles<br />

en verre, à large goulot, remplies aux trois quarts d'eau,<br />

contenant un morceau de charbon de bois, pour en éviter<br />

la décomposition. Ce procédé de conservation, dit "à rafles<br />

vertes", par opposition à la conservation antérieure dite "à<br />

rafles sèches" (une rafle n'étant pas autre chose qu'une<br />

grappe), qui permettait de vendre le raisin pendant tout l'hiver, et même jusqu'en mai, c'est à dire à<br />

une période où son prix est beaucoup plus élevé qu'au moment de la<br />

récolte, allait connaître, lui aussi, un engouement prodigieux.<br />

On édifie de nouveaux murs, et il y en aura ainsi, en longueur totale,<br />

près de 350 km ; on fabrique <strong>des</strong> serres importantes, qui sont <strong>des</strong><br />

serres de forçage, permettant une récolte dès le mois de mai; on<br />

commande <strong>des</strong> bouteilles; dans chaque maison de viticulteurs, on<br />

construit <strong>des</strong> "chambres à raisin", dans lesquelles 1200 bouteilles ou<br />

plus, portent les sarments d'une, deux ou trois grappes, dont<br />

certaines pèsent près de 500 grammes.<br />

Les viticulteurs les plus importants ont, dans leurs locaux, 30 000 ou<br />

40 000 bouteilles.<br />

L'apparition du chemin de fer va donner la possibilité d’exporter dans<br />

toute la France et à l’étranger.<br />

Cette fin du XIX ème siècle, c'est l'apogée, c'est la période triomphante. En 1900, plus de 250<br />

familles vivent du raisin. Thomery vit à l'heure du raisin, de sa culture, de son entretien, de sa<br />

cueillette, de sa conservation, de sa surveillance, de son emballage, de son expédition...<br />

Le déclin de la culture du raisin<br />

Monoculture, pour laquelle une mauvaise récolte est une catastrophe, culture artisanale qui<br />

nécessite une main-d’œuvre importante, et enfin culture d'un fruit de luxe: ce sont là les raisons<br />

qui, conjuguées, expliquent ce déclin rapide, aussi rapide que s'était faite l'expansion.<br />

Depuis la fin de la guerre, le déclin s'est poursuivi, progressivement et inexorablement. S'associant<br />

aux difficultés de cette culture artisanale, nécessitant une nombreuse et onéreuse main-d'œuvre,<br />

le développement <strong>des</strong> transports aériens permettant de faire venir de n'importe où <strong>des</strong> fruits frais,<br />

toute l'année, lui a donné "le coup de grâce".<br />

Source : Thomery à travers les âges de Monsieur Raymond Houdart.<br />

Les Cahiers de la Brie Française. 52 Saison 2010-2011


Les Cahiers de la Brie Française. 53 Saison 2010-2011

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