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TOXINE BOTULIQUE ET CYSTITE INTERSTITIELLE - Lazraq info

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MISE<br />

AU POINT<br />

INTRODUCTION<br />

La cystite interstitielle est une pathologie chronique<br />

caractérisée par un retentissement majeur sur la vie<br />

quotidienne. En l’absence d’une étiologie bien définie,<br />

la prise en charge diagnostique et thérapeutique reste<br />

difficile. Actuellement, de nouvelles modalités<br />

thérapeutiques sont en cours d’investigation, notamment<br />

la toxine botulique.<br />

Le but de notre travail est de déterminer, à travers une<br />

revue récente de la littérature, le rôle de la toxine<br />

botulique dans la prise en charge des cystites<br />

interstitielles.<br />

<strong>CYSTITE</strong> <strong>INTERSTITIELLE</strong><br />

La cystite interstitielle est une pathologie chronique,<br />

rare, très gênante, caractérisée par une cystalgie<br />

importante au remplissage vésical, une pollakiurie, une<br />

nycturie, des urgences mictionnelles et une hématurie.<br />

Aux Etats-Unis, un million de personnes sont atteintes<br />

-5-<br />

J Maroc Urol 2008 ; 11 : 5-7<br />

M. DRISSI, I. LAJI, T. KARMOUNI, K. TAZI, K. EL KHADER, A. KOUTANI, A. IBN ATTYA, M. HACHIMI<br />

RESUME<br />

<strong>TOXINE</strong> <strong>BOTULIQUE</strong> <strong>ET</strong> <strong>CYSTITE</strong> <strong>INTERSTITIELLE</strong><br />

La cystite interstitielle est une pathologie chronique, rare<br />

dont l’étiologie et le traitement ne sont pas complètement<br />

définis. De nouvelles modalités thérapeutiques sont en cours<br />

d’investigation, notamment la toxine botulique qui paraît<br />

prometteuse.<br />

Des essais cliniques non randomisés portant sur des femmes<br />

ayant une cystite interstitielle réfractaire aux traitements<br />

classiques et traitées par la toxine botulique intravésicale,<br />

ont montré une nette amélioration clinique (douleur et signes<br />

urinaires bas) allant de 50 à 70%, et urodynamique<br />

(augmentation de la capacité vésicale cystomanométrique<br />

et de la compliance vésicale) allant de 50 à 80%.<br />

La toxine botulique acquiert actuellement une place de plus<br />

en plus importante en urologie. Son rôle dans le traitement<br />

de la cystite interstitielle est prometteur mais reste à bien<br />

définir son mécanisme d’action, et à démontrer, par des<br />

essais cliniques randomisés, son efficacité.<br />

Mots clés : cystite interstitielle ; traitement ; toxine botulique<br />

Correspondance : Dr. M. DRISSI, Imm 22 bis, Appt 5,<br />

rue oukaimeden, Agdal, Rabat, Maroc. E-mail :<br />

mounirusdoc@yahoo.fr<br />

Service d’Urologie « B », CHU Ibn Sina, Rabat, Maroc<br />

ABSTRACT<br />

BOTULINUM TOXIN AND INTERSTITIAL CYSTITIS<br />

The interstitial cystitis is a chronic and rare pathology among<br />

which the etiology and the treatment are not completely<br />

defined. New therapeutic modalities are in the course of<br />

investigation, notably the botulinum toxin which seems<br />

promising.<br />

Not randomized clinical trials concerning women having a<br />

fireproof interstitial cystitis in classic treatments and treated<br />

by the intravesical botulinum toxin, showed a net clinical<br />

improvement (pain and low urinary signs) going from 50 to<br />

70%, and urodynamic (increase of the capacity and the<br />

compliance of the bladder) going from 50 to 80%.<br />

The botulinum toxin acquires at present a more important<br />

place in urology. His role in the treatment of the interstitial<br />

cystitis is promising but remains to define well its mechanism<br />

of action, and to demonstrate, by randomized clinical trials,<br />

its efficiency.<br />

Key words : interstitial cystitis ; treatment ; botulinum toxin<br />

dont 90% des cas sont des femmes jeunes âgées de<br />

plus de 18 ans [1].<br />

Le mécanisme physiopathologique de la cystite<br />

interstitielle est toujours inconnu [1, 2, 3]. Plusieurs<br />

théories ont été avancées à savoir l’infection, l’allergie,<br />

les maladies auto-immunes, l’hérédité. Tous ces facteurs<br />

peuvent jouer un rôle dans la formation des lésions.<br />

Le déficit en glycosaminoglycanes va augmenter la<br />

perméabilité urothéliale, favorisant alors le passage<br />

dans le chorion et le détrusor de substances irritantes<br />

présentes dans les urines qui vont activer les mastocytes,<br />

provoquant leur dégranulation et la libération de<br />

cytokines, ce qui va déclencher une réaction<br />

inflammatoire et une irritation des terminaisons<br />

nerveuses afférentes (fibres C amyélinisées), générant<br />

ainsi la douleur et les signes urinaires [1]. Cette<br />

pathologie pose des problèmes de prise en charge<br />

thérapeutique en pratique. Les traitements disponibles<br />

sont symptomatiques, leurs taux de succès sont de 50%<br />

en moyenne [1, 2]. Actuellement, de nouveaux<br />

traitements sont proposés comme la neuromodulation,<br />

la Capsaïcine, la Résiniferatoxine (RTX) et les toxines<br />

botuliques [1].


Toxine botulique et cystite interstitielle<br />

<strong>TOXINE</strong> <strong>BOTULIQUE</strong><br />

Découverte en 1897 par Von Ermengem, la toxine<br />

botulique est une neurotoxine produite par une bactérie<br />

Gram négatif, sporulée, anaérobie stricte : le Clostridium<br />

botulinium [2, 3, 4]. Il existe plusieurs sérotypes selon<br />

leurs propriétés antigéniques : A, B, C1, E, F et G. Les<br />

toxines A, B et E sont des botulismes humains [2]. Ces<br />

neurotoxines agissent au niveau des terminaisons<br />

nerveuses cholinergiques où elles bloquent l’exocytose<br />

des vésicules d’acétylcholine, au niveau des<br />

terminaisons nerveuses pré-synaptiques [2, 3, 4, 5]<br />

(fig. 1). Cet effet va induire une paralysie du détrusor<br />

vésical. Or, des études récentes ont montré un certain<br />

effet analgésique de ces neurotoxines, qui peuvent être<br />

utilisées dans le traitement de plusieurs pathologies<br />

douloureuses et inflammatoires, notamment la cystite<br />

interstitielle. Les applications urologiques sont variées,<br />

mais les toxines botuliques n’ont pas encore ni le FDA,<br />

ni l’AMM dans ce domaine. Deux sérotypes sont<br />

actuellement commercialisés : A (Botox, Vistabel,<br />

Dysport), et B (Myobloc, Neurobloc) [2, 3, 4].<br />

Fig. 1. Mécanisme d’action de la toxine botulique. Blocage par<br />

la toxine de la transmission neuromusculaire par inhibition de la<br />

libération quantique d’acétylcholine. Action de la toxine au niveau<br />

des peptides de la couche sous-épithéliale du détrusor.<br />

ATP : adénosine triphosphate ; CGRP : calcitonin gene-related<br />

peptide ; NGF : nerve growth factor [5].<br />

RESULTATS DES <strong>ET</strong>UDES UTILISANT LA<br />

<strong>TOXINE</strong> <strong>BOTULIQUE</strong> DANS LE TRAITEMENT<br />

DES <strong>CYSTITE</strong>S <strong>INTERSTITIELLE</strong>S<br />

Plusieurs essais cliniques, sans groupe contrôle,<br />

comportant des instillations intravésicales de toxine<br />

botulique pour traiter des cystites interstitielles<br />

réfractaires, étaient publiés.<br />

La première étude de Smith et al. en 2004 [6] a porté<br />

sur 13 patientes. Les résultats ont montré une<br />

-6-<br />

M. DRISSI et coll.<br />

amélioration subjective des symptômes chez 69% des<br />

femmes, une amélioration du “interstitial cystitis<br />

symptom index” de 71%, Une amélioration du<br />

“Interstitial problem index” de 69%, une diminution<br />

de la pollakiurie diurne, de la nycturie et de la douleur<br />

selon l’échelle visuelle analogue (EVA), de 44%, 45%<br />

et 79% respectivement et une augmentation de la<br />

capacité vésicale cystomanométrique de 58%. Les<br />

effets bénéfiques ont apparu 5 à 7 jours après l’instillation<br />

et ont duré 3,72 mois en moyenne (1 à 8 mois), sans<br />

rétention urinaire ni reflux vésico-urétéral.<br />

L’étude de Carl et al. [7] a été faite chez 29 patientes<br />

dont les résultats étaient une amélioration subjective<br />

de leurs symptômes (83%), une diminution de la<br />

pollakiurie diurne, de la nycturie, des urgences<br />

mictionnelles et de la douleur selon l’EVA de 50%,<br />

75%, 43% et 81% respectivement, 6 semaines après<br />

le traitement, une augmentation de la capacité vésicale<br />

cystomanométrique de 282 à 360 ml (64%) et une<br />

augmentation de la compliance vésicale de 13 ml/cm<br />

d’eau à 23 ml/cm d’eau (88%). A 6 mois, une réinjection<br />

était faite dans 7 cas (24%) suite à une récidive. Des<br />

effets secondaires étaient observés chez 6 patients<br />

(20%), à type d’hématurie (2 patients), de résidu postmictionnel<br />

supérieur à 100 ml (3 patients), et de rétention<br />

aiguë d’urine nécessitant un sondage intermittent (1<br />

patient).<br />

Enfin, dans l’étude de Ramsay et al. [8], il y avait aussi<br />

une diminution significative de la douleur et des signes<br />

urinaires bas avec un effet maximal entre 10 et 14<br />

semaines.<br />

DISCUSSION <strong>ET</strong> PERSPECTIVES D’AVENIR<br />

La toxine botulique est une des nouvelles modalités<br />

thérapeutiques de la cystite interstitielle, elle est en<br />

cours d’évaluation, mais plusieurs problèmes restent<br />

à résoudre.<br />

• Effet de la toxine botulique sur la douleur<br />

Cet effet analgésique a été démontré chez les rats [9,<br />

10, 11, 12]. Cependant, chez l’homme une question<br />

est toujours posée : est-ce qu’il s’agit d’un effet antiinflammatoire<br />

avec ou sans relaxation du détrusor,<br />

ou plutôt d’un blocage de la libération de<br />

neurotransmetteurs de la douleur (CGRP, substance P,<br />

glutamate… etc) ? Des études sont nécessaires pour<br />

bien comprendre le mécanisme d’action de la toxine<br />

botulique à ce niveau.<br />

• Efficacité de la toxine botulique dans le traitement<br />

de la cystite interstitielle<br />

Les trois études qui étaient faites pour démontrer<br />

l’efficacité de la toxine botulique dans le traitement de<br />

la cystite interstitielle [6, 7, 8], sont des essais cliniques<br />

non randomisés. Certes, elles ont montré une


amélioration clinique (douleur, symptômes urinaires)<br />

et urodynamique (augmentation de la compliance et<br />

de la capacité vésicales), mais des études comparatives<br />

contre placebo sont nécessaires.<br />

• Posologie et sites d’injection (fig. 2)<br />

La posologie n’est pas bien définie, on recommande<br />

actuellement 100 à 200 unités de botox pour les cystites<br />

interstitielles. Pour les sites d’injection, le trigone est<br />

épargné dans le traitement des vessies neurogènes<br />

(risque de reflux vésico-urétéral), mais dans le cadre<br />

de la cystite interstitielle, toute la vessie est malade,<br />

donc faut-il injecter la toxine botulique dans le trigone<br />

[9] ? En plus, dans le traitement de la cystite interstitielle,<br />

l’objectif est de bloquer le système nociceptif (fibres C<br />

présentes notamment dans le chorion), sans induire<br />

nécessairement une paralysie du détrusor, donc peutêtre<br />

des injections sous-muqueuses sont à faire au lieu<br />

des injections détrusoriennes comme dans les<br />

pathologies neurologiques [5, 13, 14].<br />

Fig. 2. Technique d’injection de la toxine botulique.<br />

Une cystoscopie permet de repérer successivement les points<br />

d’injections dans la musculeuse superficielle. Les sites sont :<br />

les faces latérales, la face supérieure et la face postérieure<br />

rétrotrigonale. L’aiguille est insérée sous contrôle visuel.<br />

La tubulure de l’aiguille est reliée à une seringue<br />

de 1 ml remplie de toxine botulique diluée [5].<br />

CONCLUSION<br />

La toxine botulique acquiert actuellement une place<br />

de plus en plus importante en urologie, notamment<br />

dans le traitement de certaines pathologies vésicosphinctériennes.<br />

Son rôle, comme un des traitements<br />

proposés de la cystite interstitielle, est prometteur mais<br />

reste à bien définir son mécanisme d’action et à<br />

démontrer, par des essais cliniques randomisés, son<br />

efficacité sur le plan clinique et urodynamique afin<br />

d’optimiser son utilisation.<br />

-7-<br />

REFERENCES<br />

J Maroc Urol 2008 ; 11 : 5-7<br />

1. Chancellor MB, Yoshimura N. Treatment of interstitial<br />

cystitis. Urology 2004 ; 63 (3 suppl 1) : 85-92.<br />

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applications urologiques. Prog Urol 2006 ; 16 : 263-<br />

74.<br />

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toxin in the management of voiding dysfunction. J Urol<br />

2004 ; 171 : 2128-37.<br />

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Reprod Biol 2007 ; 133 : 4-11.<br />

5. Grise P, Daoudi Y, Tanneau Y, Sibert L. Principes d’action<br />

et indication de la toxine botulique dans le traitement<br />

de l’hyperactivité vésicale. Ann Urol 2005 ; 39 : 105-<br />

15.<br />

6. Smith CP, Radziszewski P, Borkowski A, Somogyi GT,<br />

Boone TB, Chancellor MB. Botulinum toxin A has<br />

antinociceptive effects in treating interstitial cystitis.<br />

Urology 2004 ; 64 : 871-5.<br />

7. Carl S, Grosse J, Laschke S. Treatment of interstitial<br />

cystitis with botulinum toxin Type A. Eur Urol Suppl<br />

2007 ; 6 : 248.<br />

8. Ramsay A, Small D, Conn G. Intravesical botulinum<br />

toxin type A in interstitial cystitis. Eur Urol Suppl<br />

2007 ; 6 : 248.<br />

9. Davies AM, Chahal R, Inman R, Urwin G. Intravesical<br />

botulinum A toxin (Botox) - Does it have a role in the<br />

management of interstitial cystitis ? Eur Urol Suppl<br />

2006 ; 5 : 222.<br />

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12. Welch MJ, Purkiss JR, Foster KA. Sensitivity of embryonic<br />

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neurotoxins. Toxicon 2000 ; 38 : 245-58.<br />

13. Blersch W, Schulte-Mattler WJ, Przywara S, May A,<br />

Bigalke H, Wohlfarth K. Botulinum toxin A and the<br />

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double-blind, placebo-controlled, randomized study. J<br />

Neurol Sci 2002 ; 205 : 59-63.<br />

14. Krämer HH, Angerer C, Erbguth F, Schmelz M, Birklein<br />

F. Botulinum toxin A reduces neurogenic flare but has<br />

almost no effect on pain and hyperalgesia in human<br />

skin. J Neurol 2003 ; 250 : 188-93.

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