Cours 3è4 – Français – pièces jointes Document 1
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<strong>Cours</strong> <strong>3è4</strong> <strong>–</strong> <strong>Français</strong> <strong>–</strong> <strong>pièces</strong> <strong>jointes</strong><br />
<strong>Document</strong> 1<br />
Les poilus dans les tranchées<br />
Barbusse retrace son expérience de soldat par la voix d’un poilu qui raconte son quotidien. Le début du roman<br />
présente le lever du jour sur le champ de bataille dans la plaine de l’Artois.<br />
Il ne pleut pas, mais tout est mouillé, suintant, lavé, naufragé, et la lumière blafarde(1) a l’air de couler.<br />
On distingue de longs fossés en lacis(2) où le résidu de nuit(3) s’accumule. C’est la tranchée. Le fond en<br />
est tapissé d’une couche visqueuse d’où le pied se décolle à chaque pas avec bruit, et qui sent mauvais autour de<br />
chaque abri, à cause de l’urine de la nuit. Les trous eux-mêmes, si on s’y penche en passant, puent aussi, comme<br />
des bouches.<br />
Je vois des ombres émerger de ces puits latéraux(4), et se mouvoir, masses énormes et difformes : des<br />
espèces d’ours qui pataugent et grognent. C’est nous.<br />
Nous sommes emmitouflés à la manière des populations arctiques. Lainages, couvertures, toiles à sac,<br />
nous empaquettent, nous surmontent, nous arrondissent étrangement. Quelques-uns s’étirent, vomissent des<br />
bâillements. On perçoit des figures, rougeoyantes ou livides(5), avec des salissures qui les balafrent(6), trouées<br />
par les veilleuses(7) d’yeux brouillés et collés au bord, embroussaillés de barbes non taillées ou encrassées de<br />
poils non rasés.<br />
Tac ! Tac ! Pan ! Les coups de fusil, la canonnade. Au-dessus de nous, partout, ça crépite ou ça roule, par<br />
longues rafales ou par coups séparés. Le sombre et flamboyant orage ne cesse jamais, jamais. Depuis plus de<br />
quinze mois, depuis cinq cents jours, en ce lieu du monde où nous sommes, la fusillade et le bombardement ne se<br />
sont pas arrêtés du matin au soir et du soir au matin. On est enterré au fond d’un éternel champ de bataille ;<br />
mais comme le tic-tac des horloges de nos maisons, aux temps d’autrefois, dans le passé quasi légendaire, on<br />
n’entend cela que lorsqu’on écoute.<br />
Une face de poupard(8), aux paupières bouffies, aux pommettes si carminées(9) qu’on dirait qu’on y a collé<br />
de petits losanges de papier rouge, sort de terre, ouvre un œil, les deux ; c’est Paradis. La peau de ses grosses<br />
joues est striée par la trace des plis de la toile de tente dans laquelle il a dormi la tête enveloppée.<br />
Il promène les regards de ses petits yeux autour de lui, me voit, me fait signe et me dit :<br />
- Encore une nuit de passée, mon pauv’ vieux.<br />
- Oui, fils, combien de pareilles en passerons-nous encore ?<br />
Il lève au ciel ses deux bras boulus(10). Il s’est extrait, à grand frottement, de l’escalier de la<br />
guitoune(11), et le voilà à côté de moi. Après avoir trébuché sur le tas obscur d’un bonhomme assis par terre,<br />
dans la pénombre, et qui se gratte énergiquement avec des soupirs rauques, Paradis s’éloigne, clapotant, cahincaha(12),<br />
comme un pingouin, dans le décor diluvien(13).<br />
Henri Barbusse, Le Feu, Journal d’une escouade, 1916.<br />
Vocabulaire :<br />
1. blafarde : pâle.<br />
2. en lacis : en forme de lacets.<br />
3. résidu de nuit : reste d’obscurité.<br />
4. puits latéraux : qui s’étendent d’un côté et de l’autre.<br />
5. livides : pâles.<br />
6. salissures qui les balafrent : les joues portent des traces de saleté.<br />
7. veilleuses : petites lampes qui restent allumées la nuit.<br />
8. poupard : bébé grassouillet.<br />
9. carminées : rougies.<br />
10. boulus : arrondis.<br />
11. guitoune : abri (en argot militaire).<br />
12. cahin-caha : avec peine.<br />
13. diluvien : détrempé (référence au déluge).
Analyse grammaticale (Vers le Brevet)<br />
Les numéros des lignes en rouge se réfèrent au texte distribué en classe avant les vacances.<br />
a) Indiquez la nature et la fonction de « blafarde » (l.1 ou l.2).<br />
b) Indiquez la nature et la fonction de « nous » (l.9 ou l.11).<br />
c) Indiquez la nature et la fonction de « des figures » (l.10 ou l.13).<br />
Exercice de réécriture : Réécrivez les lignes 10 à 12 (ou l.13 à 15), en remplaçant des figures » par « une<br />
figure ». Faites toutes les transformations nécessaires.<br />
Questions préparatoires (à préparer à la maison)<br />
a) Où le narrateur se trouve-t-il ?<br />
b) Quel est le moment de la journée ?<br />
c) Qui le rejoint ?<br />
d) Quelle image le narrateur donne-t-il des poilus et des tranchées ?<br />
Explication du texte<br />
I) Un récit témoignage<br />
1. Montrez que ce récit se présente comme un témoignage vécu. Appuyez-vous sur :<br />
- la personne à laquelle le narrateur mène le récit ;<br />
- le temps utilisé pour raconter ;<br />
- le niveau de langage des personnages.<br />
2. Quel champ lexical caractérise le paysage (l.1 ou l.1-2 et l.28 ou 36) ?<br />
3. Quelles sont les principales caractéristiques des tranchées (l.1 à 5 ou l.1 à 7) ?<br />
4. a) Relevez les termes qui caractérisent les poilus (silhouette, visages). A quoi sont-ils comparés (l.6-7 et l.36<br />
ou l.9 et 36) ? Quelle image est donnée d’eux ?<br />
b) Comment leur fraternité se traduit-elle ?<br />
II) La guerre, un cauchemar<br />
5. Par quelle onomatopée le narrateur évoque-t-il les bruits de la guerre ? Quel effet cela produit-il ?<br />
6. Le sombre et le flamboyant orage (l.14 ou l.17-18) : expliquez et nommez la figure de style.<br />
7. Montrez, à partir des notations de temps, des répétitions et des paroles des personnages, que le cauchemar<br />
de la guerre s’inscrit dans la durée.<br />
8. La portée du texte : Quelle image les poilus donnent-ils de l’héroïsme ?<br />
Vocabulaire<br />
Enrichir son vocabulaire<br />
Le suffixe -ade<br />
la fusillade (l.19) ; la canonnade (l.16)<br />
Classez les mots selon que le suffixe <strong>–</strong>ade exprime une action ou un ensemble.<br />
Ex. : colonnade : ensemble de colonnes ; fusillade : action de fusiller<br />
a) une bousculade ; b) une peuplade ; c) une barricade ; d) une glissade ; e) une noyade ; f) une brimade ;<br />
g) une balustrade.
<strong>Document</strong> 2<br />
Le roman autobiographique d’Erich Maria Remarque, soldat allemand durant la Première Guerre<br />
mondiale, est un roman d’inspiration pacifiste et antimilitariste, un vibrant réquisitoire contre la<br />
guerre : il provoqua, dès sa parution, une immense controverse en Allemagne, amplifiée en 1930<br />
lorsqu’il fit l’objet d’un film de Lewis Milestone. Le film a été interdit par les nazis et brûlé à Berlin.<br />
Remarque s’exila en Suisse puis aux États-Unis.<br />
Son livre est brûlé en 1933 dans de grands autodafés à Berlin. En 1939, Remarque émigra aux États-<br />
Unis, il obtint la nationalité américaine en 1947.<br />
Le face-à-face avec l’ennemi<br />
Le narrateur, un jeune soldat allemand, vient de poignarder un soldat français qui s’était réfugié dans le même<br />
trou d’obus que lui. L’homme agonise toute la nuit et meurt à trois heures de l’après-midi.<br />
Je parle, il faut que je parle. C’est pourquoi je m’adresse à lui, en lui disant : « Camarade, je ne voulais<br />
pas te tuer. […] Nous voyons les choses toujours trop tard. Pourquoi ne nous dit-on pas sans cesse que vous<br />
êtes, vous aussi, de pauvres chiens comme nous, que vos mères se tourmentent comme les nôtres et que nous<br />
avons tous la même peur de la mort, la même façon de mourir et les mêmes souffrances ? Pardonne-moi,<br />
camarade ; comment as-tu pu être mon ennemi ? Si nous jetions ces armes et cet uniforme tu pourrais être mon<br />
frère, tout comme Kat et Albert(1). Prends vingt ans de ma vie, camarade, et lève-toi… Prends-en davantage,<br />
car je ne sais pas ce que, désormais, j’en ferai encore. »<br />
Tout est calme, Le front est tranquille, à l’exception du crépitement des fusils. Les balles se suivent de<br />
près ; on ne tire pas n’importe comment ; au contraire, on vise soigneusement de tous les côtés. Je ne puis<br />
quitter mon abri.<br />
« J’écrirai à ta femme, dis-je hâtivement au mort. Je veux lui écrire ; c’est moi qui lui apprendrai la<br />
nouvelle ; je veux tout lui dire, de ce que je te dis ; il ne faut pas qu’elle souffre ; je l’aiderai, et tes parents<br />
aussi, ainsi que ton enfant… »<br />
Son uniforme est encore entrouvert. Il est facile de trouver le portefeuille. Mais j’hésite à l’ouvrir. Il y<br />
a là son livret militaire avec son nom. Tant que j’ignore son nom, je pourrai peut-être encore l’oublier ; le temps<br />
effacera cette image. Mais son nom est un clou qui s’enfoncera en moi et que je ne pourrai plus arracher. Il a<br />
cette fore de tout rappeler, en tout temps ; cette scène pourra toujours se reproduire et se présenter devant<br />
moi.<br />
Sans savoir que faire, je tiens dans ma main le portefeuille. Il m’échappe et s’ouvre. Il en tombe des<br />
portraits et des lettres. Je les ramasse pour les remettre en place ; mais la dépression que je subis, toute<br />
cette situation incertaine, la faim, le danger, ces heures passées avec le mort ont fait de moi un désespéré ; je<br />
veux hâter le dénouement, accroître la torture, pour y mettre fin, de même que l’on fracasse contre un arbre<br />
une main dont la douleur est insupportable, sans se soucier de ce qui arrivera ensuite.<br />
Ce sont les portraits d’une femme et d’une petite fille, de menues(2) photographies d’amateur prises<br />
devant un mur de lierre. A côté d’elles il y a des lettres. Je les sors et j’essaie de les lire. Je ne comprends pas<br />
la plupart des choses ; c’est difficile à déchiffrer et je ne connais qu’un peu de français. Mais chaque mot que je<br />
traduis me pénètre, comme un coup de feu dans la poitrine, comme un coup de poignard au cœur…<br />
Vocabulaire :<br />
1. Kat et Albert : deux camarades de tranchée du narrateur.<br />
2. menues : petites.<br />
Erich Maria Remarque, A l’ouest, rien de nouveau (1928).<br />
Pensez à numéroter les lignes du texte ci-dessus de 5 en 5 avant de répondre aux questions.
Analyse grammaticale (Vers le Brevet)<br />
a) Indiquez la nature et la fonction de « pauvres » (l.3).<br />
b) Dans la phrase « Pourquoi ne nous dit-on pas … » (l.2), soulignez le sujet, le verbe et le complément d’objet.<br />
Précisez la nature et la fonction de ce complément d’objet.<br />
c) Indiquez la nature et la fonction de « calme » (l.8).<br />
d) Indiquez la nature et la fonction de « à ta femme » (l.11) ; ainsi que de « hâtivement » (l.11).<br />
e) Relevez l’expansion du nom « portraits » (l.24) : quelle est sa nature ? sa fonction ?<br />
Exercice de réécriture : Réécrivez les lignes 19 à 23 en mettant les verbes aux temps du passé (passé<br />
simple, imparfait ou plus-que-parfait + un conditionnel présent).<br />
Explication du texte<br />
Le face-à-face avec l’ennemi<br />
1. Pourquoi, dans un premier temps, le narrateur ne veut-il pas savoir le nom de sa victime ? Appuyez-vous sur<br />
la métaphore de la ligne 16 que vous expliquerez.<br />
2. Quelles réflexions le narrateur se fait-il quant au regard qu’il portait sur l’ennemi ? Appuyez-vous sur<br />
l’emploi du pronom « nous » à la ligne 2 et sur les répétitions de lignes 2 à 4.<br />
3. La portée du texte : « Vers le commentaire littéraire en Seconde »<br />
« Tu pourrais être mon frère » (l.5-6) : quelles réflexions à propos de la guerre et de la violence en général<br />
cette phrase vous inspire-t-elle ?<br />
Organisez votre réponse en paragraphes, pensez à illustrer chacune de vos idées d’un exemple précis et allez<br />
jusqu’au bout de votre réponse en posant systématiquement la question « pourquoi ? ».