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De l'importance des manuels lors d'une inspection Yves Audard ...

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1 – INTRODUCTION<br />

Observatoire <strong>des</strong> Programmes<br />

et <strong>des</strong> Manuels scolaires<br />

www.enseignement-et-religions.org/<br />

_______________<br />

<strong>De</strong> l’importance <strong>des</strong> <strong>manuels</strong> <strong>lors</strong> d’une <strong>inspection</strong><br />

<strong>Yves</strong> <strong>Audard</strong>, septembre 2010<br />

Chacun sait combien l’<strong>inspection</strong> est un moment craint et attendu. Désirée pour de multiples<br />

raisons professionnelles et d’évolution de carrière, mais aussi redoutée par les remises en cause<br />

qu’elle implique, elle dépasse souvent le cadre professionnel pour toucher parfois au plus profond<br />

de la personne et de son identité.<br />

Ce moment clé est d’autant plus redouté qu’il est peu familier et ne se produit qu’un nombre limité<br />

de fois dans la carrière, ce qui est en train de changer pour quelques disciplines mais reste<br />

globalement encore vrai pour une majorité de professeurs. L’attente énigmatique d’un inspecteur<br />

inconnu ou peu rencontré, les rumeurs sur son attitude ou les propos tenus <strong>lors</strong> de l’<strong>inspection</strong> de<br />

collègues, tout cela génère du stress et une inquiétude légitimes par rapport aux pratiques<br />

pédagogiques qui vont être observées de l’extérieur. Heureusement, de plus en plus fréquemment,<br />

c’est ensuite un soulagement pour l’enseignant d’avoir affronté et surmonté cette évaluation<br />

critique de ses pratiques, et il est fréquent qu’en découle une stimulation nouvelle pour les mois et<br />

les années à venir.<br />

Au cours de l’<strong>inspection</strong>, et notamment pendant l’entretien, les programmes et les <strong>manuels</strong> utilisés<br />

sont évoqués, discutés, critiqués, relativisés, contestés… Une confusion existe souvent dans<br />

l’esprit de jeunes professeurs entre le statut <strong>des</strong> programmes et celui <strong>des</strong> <strong>manuels</strong>. Ces quelques<br />

lignes apporteront peut-être <strong>des</strong> éclaircissements.<br />

2 - LE STATUT DES PROGRAMMES<br />

Disons très clairement que seuls les programmes ont un statut indiscutable. On peut certes trouver<br />

matière à les critiquer, mais à partir de leur publication officielle –et en général après une période<br />

de consultation pour leur ajustement avant leur rédaction définitive– ils sont applicables à la lettre.<br />

Et au cours de l’<strong>inspection</strong>, c’est le seul document officiel auquel tant l’inspecteur que l’inspecté<br />

pourront légalement se référer.<br />

Les documents d’accompagnement (qui doivent être connus <strong>des</strong> professeurs) ne relèvent pas du<br />

même statut et sont <strong>des</strong> outils complémentaires <strong>des</strong>tinés à faciliter la mise en œuvre <strong>des</strong><br />

programmes. Plus incitatifs qu’obligatoires, la même rigueur d’application ne peut en être exigée.<br />

Ils seront plutôt un support de réflexion pédagogique, de débat ou de justification <strong>des</strong> pratiques.<br />

Fréquemment, les inspecteurs pédagogiques sont producteurs de documents réalisés par euxmêmes<br />

ou en collaboration avec un groupe de professeurs de leur académie. Les sites<br />

académiques sont fréquemment porteurs de ces productions qui ont vocation à aider la réflexion<br />

<strong>des</strong> professeurs, leur apporter <strong>des</strong> exemples (plus que <strong>des</strong> modèles), leur donner une méthode de<br />

travail harmonisée avec l’ensemble <strong>des</strong> professeurs de la discipline, soit au niveau académique,<br />

soit au niveau national. Les <strong>inspection</strong>s générales sont également amenées à formuler <strong>des</strong><br />

préconisations et <strong>des</strong> orientations relayées par les Inspecteurs Académiques - Inspecteur<br />

Pédagogique Régional (IA-IPR) et mises en application selon <strong>des</strong> modalités variées.<br />

Tout cela relève d’un accompagnement, d’une aide pédagogique et logistique très appréciable et<br />

que les professeurs ne peuvent ignorer. Mais le référent constant de toute l’activité pédagogique,<br />

ce sont les programmes en vigueur. C’est là le cadre légal de toute <strong>inspection</strong>.<br />

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Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2010 1/6


3 - LE STATUT DES MANUELS<br />

Selon la discipline enseignée, le manuel a peu ou prou d’importance. L’utilisation servile d’un<br />

manuel, fut-il le meilleur, ne saurait à elle seule justifier d’un satisfecit <strong>lors</strong> d’une <strong>inspection</strong>. Et <strong>des</strong><br />

professeurs peuvent être parfois surpris de la mise en pièce de leur pratique s’appuyant sur un<br />

manuel donné, a<strong>lors</strong> qu’ils pensaient se trouver dans le droit fil <strong>des</strong> attentes de l’<strong>inspection</strong>. Cela<br />

mérite quelques éclaircissements.<br />

− Le manuel ne peut avoir le même statut que les programmes : même si ses rédacteurs se<br />

réclament de la stricte observance <strong>des</strong> programmes en vigueur –la publication du manuel<br />

pouvant d’ailleurs être synchrone avec la parution de nouveaux programmes– le manuel n’est<br />

qu’un outil que le professeur doit utiliser avec un esprit critique et raisonné : est-il en<br />

conformité avec les programmes en vigueur ? Dans la lettre, ou seulement dans l’esprit ?<br />

Illustre-t-il toutes les démarches pédagogiques attendues par les programmes ? Accorde-t-il<br />

une place équilibrée à tous les chapitres du programme ? Est-il adapté dans ses contenus<br />

comme dans ses attentes (exercices notamment) au niveau concerné ? etc Dans l’<strong>inspection</strong>,<br />

c’est normalement moins le manuel que l’usage pédagogique qu’en fait le professeur qui sera<br />

évalué et discuté.<br />

− Le manuel n’est pas forcément représentatif <strong>des</strong> choix pédagogiques du professeur :<br />

dans nombre de situations, un professeur nouvellement arrivé dans un établissement ne peut<br />

"qu’endosser" le ou les <strong>manuels</strong> choisis par ses prédécesseurs. Voir apparaître dans un<br />

rapport d’<strong>inspection</strong> une remarque négative par rapport au manuel utilisé sera évidemment<br />

perçu comme injuste. Et le professeur se dira ensuite qu’il aurait bien mieux fait d’avoir recours<br />

à la duplication et de constituer son propre cours avec <strong>des</strong> photocopies distribuées aux élèves.<br />

Je reviendrai un peu plus loin sur cette pratique, ses avantages et ses inconvénients.<br />

Inversement, un professeur peu familiarisé avec un manuel imposé peut arguer de sa difficulté<br />

à rentrer dans la logique pédagogique d’un outil qui lui est étranger, et de la nécessité pour lui<br />

d’utiliser <strong>des</strong> photocopies antérieures (éventuellement inspirées d’autres <strong>manuels</strong>) durant une<br />

période intermédiaire pour s’approprier son nouveau support pédagogique.<br />

− Le manuel imposé pose <strong>des</strong> problèmes déontologiques au professeur : particulièrement<br />

par rapport à <strong>des</strong> questions éthiques, morales ou relevant de ses convictions, un professeur<br />

peut se trouver en difficulté avec les contenus d’un manuel. S’il est clair que les convictions<br />

personnelles d’un professeur ne l’autorisent pas à réfuter publiquement (ou à modifier)<br />

certains éléments du programme (darwinisme par exemple), un professeur peut rencontrer<br />

face à certains choix de textes, d’exercices, ou de positionnements pédagogiques <strong>des</strong> cas de<br />

conscience qui l’inviteraient à exprimer une certaine distance et rechercher <strong>des</strong> ajustements<br />

relativisant <strong>des</strong> assertions trop marquées. L’<strong>inspection</strong> sera un excellent moment pour aborder<br />

ces questions et recueillir l’avis de celui qui est l’expert de la discipline concernée et le garant<br />

<strong>des</strong> positionnements pédagogiques et scientifiques <strong>des</strong> professeurs. Peut-être même serait-il<br />

plus sage encore d’anticiper par une question écrite à son IPR, afin de se trouver en phase<br />

avec son appréciation de la question <strong>lors</strong> d’une rencontre (<strong>inspection</strong> ou réunion <strong>des</strong> équipes<br />

pédagogiques, journée pédagogique, stage de formation…).<br />

− Le manuel est inutilisé et ignoré du professeur… et cela bien que les élèves doivent<br />

l’amener dans leur cartable à chaque cours !... Cet aspect caricatural existe plus souvent<br />

qu’on ne le pense. Petite expérience : examinez la tranche du manuel et la zone de salissure :<br />

il n’est pas rare de constater que les premiers chapitres ont été manifestement visités et<br />

noircis, mais que plus de la moitié de l’ouvrage témoigne ensuite d’une virginité édifiante. La<br />

question de l’abandon du manuel par les professeurs sera abordée plus loin. Mais<br />

raisonnablement, face à un enseignement mal construit, confus, sans progression apparente<br />

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Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2010 2/6


ni réinvestissement organisé <strong>des</strong> acquis, un inspecteur ne peut que s’étonner que l’on ait<br />

négligé le fil rouge d’un bon manuel ayant fait les preuves de son efficacité.<br />

4 - DOIT-ON ENCORE UTILISER UN MANUEL AUJOURD’HUI ?<br />

<strong>De</strong> multiples facteurs ont nettement fait évoluer la question touchant à l’utilisation <strong>des</strong> <strong>manuels</strong><br />

depuis une décennie (les cahiers de travaux pratiques pouvant y être associés).<br />

− Une certaine paupérisation <strong>des</strong> moyens a progressivement limité la confection <strong>des</strong> <strong>manuels</strong> et<br />

<strong>des</strong> ouvrages type travaux-pratiques, car leur acquisition aussi bien par les établissements<br />

que par les élèves s’est fortement infléchie. Ce n’est un secret pour personne que la richesse<br />

<strong>des</strong> contenus autant que l’épaisseur <strong>des</strong> ouvrages ont fondu considérablement au fil <strong>des</strong><br />

décennies depuis les années 70.<br />

L’achat <strong>des</strong> livres par les établissements, leur remplacement de plus en plus fréquent<br />

(changements ou évolutions <strong>des</strong> programmes, manque de soin <strong>des</strong> utilisateurs avec une<br />

dégradation ou perte galopante <strong>des</strong> livres qui leur sont confiés), le nombre croissant d’élèves<br />

relevant d’une aide sociale à qui on ne peut plus demander l’acquisition personnelle d’un cahier<br />

de travaux pratiques, l’attitude <strong>des</strong> familles etc. … ont progressivement limité un marché qui fut<br />

probablement jadis juteux pour les éditeurs, mais qui aujourd’hui pose simplement la question de<br />

leur survie.<br />

− Le passage d’une formation <strong>des</strong> enseignants <strong>des</strong> ex- Ecoles Normales aux IUFM, avec <strong>des</strong><br />

évolutions plutôt universitaires dans la relation aux savoirs, a valorisé davantage les<br />

recherches personnelles <strong>des</strong> enseignants pour leurs cours que l’exploitation de documents<br />

pédagogiques "prêts à consommer". Il en a résulté un désir "créatif" croissant de la part de<br />

professeurs qui ne veulent plus du clé-en-mains mais éprouvent une satisfaction non<br />

négligeable dans leur activité à concevoir, organiser, sélectionner eux-mêmes toute la matière<br />

et la présentation de leur enseignement. Les ouvertures sur la création en classe, la<br />

pluridisciplinarité ont par ailleurs favorisé ces démarches très personnalisées.<br />

− L’incitation grandissante par les corps d’<strong>inspection</strong> à construire <strong>des</strong> séquences pédagogiques<br />

du crû même du professeur, en s’appuyant sur les programmes mais encore davantage sur<br />

les "modèles" fabriqués par <strong>des</strong> équipes pédagogiques concrétisant souvent les choix et<br />

orientations de l’IPR en place, ou de l’Inspection générale, a laissé s’installer l’idée qu’il était<br />

préférable d’être dans la tendance pédagogique voulue par l’IPR et qu’un manuel ne pouvait<br />

que faire écran à cet alignement idéologique. Avec toutes les conséquences que cela<br />

représente <strong>lors</strong> d’une <strong>inspection</strong>.<br />

− Le désir de faire prioritairement "ce qui plaît aux élèves" ou ce qui ne pose pas de difficulté<br />

pour le plus grand nombre (pour <strong>des</strong> raisons autant sociales que pédagogiques) a invité à<br />

s’éloigner de ce qui dans les <strong>manuels</strong> nécessite un trop grand approfondissement ou une<br />

rigueur dans les progressions, indispensables pourtant pour agréger les savoirs solidement et<br />

durablement. A l’idée d’un itinéraire pédagogique et scientifique rigoureux (ce qui correspond à<br />

un apprentissage construit) a succédé le désir de réaliser <strong>des</strong> "plats du jour" attractifs, vite<br />

assimilés et toujours diversifiés. Cette logique a installé toutes les disciplines dans un aléatoire<br />

qui fait que d’un professeur à l’autre, d’un établissement à l’autre, et même d’une académie à<br />

l’autre, elles peuvent prendre <strong>des</strong> aspects très différents, à se demander parfois s’il s’agit bien<br />

de la même. Quant aux contenus, il n’est pas question d’y retrouver un "socle commun", qu’il<br />

va donc falloir prendre la peine de restaurer par la suite…<br />

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Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2010 3/6


− Les nouvelles technologies offrent et induisent <strong>des</strong> évolutions fondamentales dans la relation<br />

au savoir et dans ses mo<strong>des</strong> de transmission. Avec néanmoins la grande illusion qu’elles<br />

seraient éminemment facilitatrices de l’acquisition <strong>des</strong> connaissances, tout comme on crut<br />

jadis que les métho<strong>des</strong> audio-visuelles ou les métho<strong>des</strong> dites "actives" feraient apprendre<br />

sans effort. On sait ce qu’il en fut et on devine ce qu’il en sera : toute acquisition de savoir<br />

suppose qu’on veuille d’abord l’acquérir et qu’on mobilise ensuite les efforts nécessaires pour<br />

y parvenir. Si faire "apprendre le résumé d’un livre" est devenu aujourd’hui obsolète, voire anti<br />

pédagogique, est-ce que l’ordinateur offre, dans la compulsion de l’information, une<br />

structuration et une mémorisation pérenne <strong>des</strong> savoirs ? Tout dépend de la méthode diront<br />

avec force raison certains !<br />

L’outil informatique est -et a été voulu par les responsables du système éducatif- au centre <strong>des</strong><br />

métho<strong>des</strong> nouvelles d’enseignement. Vecteur de recherche et de compilation, objet de<br />

manipulation et de création, incarnant la modernité, il offre certainement <strong>des</strong> possibilités<br />

considérables, mais ne saurait remplacer ni le professeur, ni une construction didactique solide,<br />

structurée et suffisamment centrée pour parvenir aux objectifs visés. Fabuleux outil<br />

complémentaire de toutes les pratiques antérieures, il ne saurait par son seul usage garantir quoi<br />

que ce soit au niveau de la qualité <strong>des</strong> acquis et de leur solidité. Paul Valéry dans "Regards sur le<br />

monde actuel" ne disait-il pas : "l’homme moderne est l’esclave de la modernité : il n’est point de<br />

progrès qui ne tourne pas à sa complète servitude".<br />

<strong>De</strong>puis quelques années, la mutualisation sur <strong>des</strong> sites académiques, soit par <strong>des</strong> disciplines<br />

isolées, soit dans <strong>des</strong> projets transversaux ou transdisciplinaires, de "leçons modèles avec les<br />

TICE" ou de réservoirs de ressources pédagogiques plus ou moins contrôlés par les IPR, prend le<br />

pas sur la documentation pédagogique imprimée. C’est incontestable et les éditeurs tout comme<br />

les différentes structures du SCEREN-CNDP ou <strong>des</strong> CDDP en ont ressenti fortement le<br />

contrecoup. En même temps, la pensée pédagogique unique s’installe insidieusement, puisque<br />

hormis l’usage <strong>des</strong> TICE et <strong>des</strong> modèles présentés, on a tendance (entendez par "on" les<br />

inspecteurs en tête, mais aussi l’aréopage <strong>des</strong> formateurs et responsables NTCE à tous les<br />

niveaux) à considérer toutes les pratiques antérieures improductives, décalées, dépassées et donc<br />

forcément inefficaces. C’est une dérive idéologique grave dont on trouve la marque jusque dans la<br />

réécriture <strong>des</strong> nouveaux programmes d’un certain nombre de disciplines.<br />

Question : est-ce qu’un professeur enseignant de façon traditionnelle avec un livre, <strong>des</strong> cahiers et -<br />

grossissons le trait ! - un tableau et <strong>des</strong> craies, est moins productif qu’un enseignant assis à un<br />

bureau transformé en poste de commandement informatique avec toutes les ressources de la<br />

vidéo-projection, du tableau numérique interactif, de la connexion directe à internet et du pilotage<br />

informatisé <strong>des</strong> documents présentés ?<br />

Question caricaturale certes, mais question… Peut-être que la formation scientifique et didactique,<br />

la culture générale et la "vocation" à enseigner de l’enseignant en question pourraient aussi avoir<br />

de l’importance ?<br />

En tout cas, il n’est point besoin d’en parler davantage pour percevoir le statut du "manuel"<br />

classique dans ce contexte : autodafé assuré !<br />

5 - CE QU’IL FAUDRAIT CONSERVER DE L’USAGE DU MANUEL<br />

Le professeur –surtout s’il est jeune et inexpérimenté– ne peut à la fois "concevoir" un<br />

enseignement solide, efficace et adapté à ses élèves. C’est d’ailleurs la plus grande difficulté d’un<br />

jeune enseignant sortant de l’université, de comprendre le niveau réel <strong>des</strong> élèves qu’il a en face de<br />

lui. Il y parviendra d’ailleurs plus ou moins rapidement, car la réalité du terrain s’impose vite. Mais<br />

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Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2010 4/6


entre temps, quelques classes et générations d’élèves auront essuyé les plâtres et fait les frais,<br />

pour certains, de cette inadéquation pédagogique. Ainsi, il n’est pas rare d’entendre s’esclaffer <strong>des</strong><br />

professeurs sur les contenus <strong>des</strong> <strong>manuels</strong> : "mais c’est faux ! Ce n’est absolument pas comme<br />

cela, vision simpliste, déformation historique, notion scientifique édulcorée inculquée aux<br />

élèves…". Laissons encore parler Paul Valéry : "Tout ce qui est simple est faux, tout ce qui n’est<br />

pas simple est inutilisable".<br />

Sauf dans le cas ou le manuel a été rédigé par <strong>des</strong> imbéciles ou <strong>des</strong> personnes dénuées de toute<br />

expérience professionnelle éducative –ce qui doit être rarement le cas, car les éditeurs ne sont pas<br />

à ce point suicidaires– on peut supposer qu’un manuel a fait l’objet d’un travail approfondi de<br />

réflexion, de recherche, de réalisation, croisant les regards et les conceptions de plusieurs auteurs<br />

avec celui également critique d’un comité d’édition. Avec, in fine, l’adhésion ou le rejet <strong>des</strong><br />

utilisateurs, ce qui n’est pas sans conséquences économiques. La comparaison avec la<br />

concurrence n’est pas stérile non plus. Il peut néanmoins subsister <strong>des</strong> coquilles, erreurs mineures<br />

et parfois problèmes techniques d’impression qui aboutissent ici et là à <strong>des</strong> errata plus ou moins<br />

justifiés. Mais quel professeur livrant à ses élèves <strong>des</strong> photocopies peu lisibles, parfois rédigées à<br />

la hâte, peut prétendre mieux respecter son public scolaire que les <strong>manuels</strong> imprimés ?<br />

Une enquête de l’Inspection générale dans les années 90 a clairement mis en évidence que la<br />

photocopieuse et l’abandon <strong>des</strong> <strong>manuels</strong> avaient une responsabilité importante dans l’échec<br />

scolaire. Le cours "bidouillé" du professeur lambda aboutit à la perte de la notion <strong>des</strong> progressions<br />

et <strong>des</strong> repères, autant pour les élèves que pour lui-même : rythmes d’acquisition relâchés, savoirs<br />

inadaptés, présentations confuses ne permettant pas un travail efficace de la mémoire visuelle.<br />

Sans parler de la perception dévaluée de feuilles volantes (faciles à perdre) par rapport à un<br />

ouvrage de référence imprimé, à la conception esthétiquement accomplie. Le manuel est un gardefou<br />

pour les fondamentaux de l’enseignement.<br />

Si c’est une chose salutaire et libératrice de s’en éloigner de temps en temps, c’en est une autre de<br />

se jeter complètement à l’aventure et de ne plus pouvoir s’assurer de la présence <strong>des</strong> valeurs<br />

essentielles. Enfin, n’oublions pas comment le document imprimé se conserve dans notre<br />

mémoire, quand la seule vision de la jaquette d’un livre en bibliothèque nous restitue<br />

spontanément ce que nous y avons jadis découvert. Et l’ouvrir devient a<strong>lors</strong> d’heureuses<br />

retrouvailles. Parodiant Charles Trenet, je chanterais bien : "Que reste-t-il de nos classeurs ?...".<br />

Les livres, eux, sont toujours là.<br />

Le cartable électronique ne change rien à la problématique du manuel. Que les <strong>manuels</strong> papiers<br />

soient dans un futur proche – déjà présent – numérisé, ne pose pas en soi de problème, sauf la<br />

pérennité et la capacité de lecture du document ultérieurement. Il faudrait évoquer aussi l’énergie<br />

que cela consomme, la fatigue visuelle face aux écrans… Mais, depuis longtemps on consulte sur<br />

microfilm puis par fichier numérique scanné foultitude d’ouvrages imprimés. Si ce cartable n’est<br />

une fois de plus que constitué <strong>des</strong> fichiers "idéologiquement conformes", ayant reçu l’imprimatur<br />

restrictive d’une autorité institutionnelle quelconque, ou de fichiers réalisés par <strong>des</strong> pédagogues<br />

empiriques, sans vérification pédagogique sérieuse, a<strong>lors</strong> les risques demeurent les mêmes<br />

qu’avec la machine à alcool ou la photocopieuse de jadis : appauvrissement, perte de sens,<br />

confusion, durée éphémère <strong>des</strong> documents et <strong>des</strong> savoirs seront au rendez-vous.<br />

6 - POUR CONCLURE<br />

M. Xavier Darcos, a<strong>lors</strong> Ministre de l’Education nationale avait rappelé que si les professeurs se<br />

doivent d’obéir aux programmes, ils gardent néanmoins toute latitude pour le choix <strong>des</strong><br />

démarches pédagogiques dans leur enseignement. Il avait dit cela à l’occasion du débat sur les<br />

métho<strong>des</strong> de lecture imposées par <strong>des</strong> inspecteurs, à l’école élémentaire. Ce me semble une fort<br />

bonne conclusion. Il relève du professeur de choisir ses outils, ses métho<strong>des</strong> pourvu qu’ils<br />

aboutissent aux résultats attendus. Une <strong>inspection</strong> peut – et doit – interroger sur la pertinence<br />

d’une démarche pédagogique, et à l’occasion sur l’usage qui est fait du manuel. Elle doit mettre en<br />

garde sur certaines orientations induites par certains <strong>manuels</strong>, mais l’usage de tel ou tel manuel ne<br />

saurait être en soi une justification pour porter un jugement définitif sur un enseignant.<br />

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Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2010 5/6


Il faut encore rappeler que le cours observé ne saurait être le seul critère d’appréciation dans une<br />

<strong>inspection</strong> : l’engagement du professeur dans ses missions dans l’établissement et en dehors –<br />

missions académiques, tutorats, partenariats par exemple – son rayonnement auprès <strong>des</strong> élèves,<br />

<strong>des</strong> collègues, etc… doivent être pris en compte et figurer dans le rapport, justifiant le cas échéant<br />

une proposition de promotion ou d’avancement.<br />

Utiliser un excellent manuel n’assure donc pas grand-chose. Ne pas en utiliser du tout,<br />

probablement pas davantage !<br />

_______________<br />

<strong>Yves</strong> <strong>Audard</strong><br />

IA-IPR honoraire<br />

FORMIRIS<br />

OPM<br />

Septembre 2010<br />

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