D'UN TEXTE À L'AUTRE : LA RÉÉCRITURE DE CERVANTÈS PAR ...
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D’un texte à l’autre : la réécriture de Cervantès par Robert Challe 5<br />
On peut se rendre compte, après ce bref aperçu, de la complexité de la tâche<br />
du continuateur de Saint-Martin. C’est un véritable tour de force<br />
qu’accomplit Challe. Il s’arrange pour mettre en relation les deux intrigues<br />
suspendues. La bande de voleurs menée par le deuxième beau-frère de la<br />
première intrigue se trouve être celle-là même qui a attaqué les voyageurs de<br />
la deuxième histoire. Ces gens attaquent Deshayes puis l’abandonnent, grièvement<br />
blessé, pour poursuivre des proies plus intéressantes parmi lesquelles<br />
l’imprudente comtesse de la première histoire, qui se jette ainsi entre les<br />
griffes de son beau-frère dont l’avait délivré Don Quichotte. Le méchant<br />
beau-frère est tué, la comtesse sauvée par l’arrivée providentielle d’un groupe<br />
de personnes. Tout le monde, y compris Deshayes mourant, se retrouve à<br />
l’auberge où se sont réfugiés les nobles français de la deuxième intrigue. La<br />
demoiselle française peut reprendre sa narration interrompue. Mais, au tome<br />
V, si elle n’avait que la femme de l’aubergiste comme auditrice, la situation<br />
ici est bien différente et amorce celle que l’on retrouvera dans Les IF, à savoir<br />
une noble assemblée d’auditeurs. Les fils de la narration ainsi renoués,<br />
Challe est maître de la situation et peut à nouveau conduire ses héros vers de<br />
nouvelles aventures jusqu’au désenchantement de Dulcinée et à la mort de<br />
DQ.<br />
1.2. La rupture entre les tomes V et VI<br />
Le tome VI commence par un chapitre assez déroutant qui s’intitule :<br />
« Comment on a découvert ces nouvelles aventures qu’on donne au public. »<br />
Il y a donc arrêt de la narration que les co-éditeurs de la dernière édition,<br />
Jacques Cormier et Michèle Weil, analysent comme une préface déguisée,<br />
une « revendication camouflée d’une propriété littéraire ». 9<br />
Cette sorte de préface, ici inutile à l’action et la retardant, rappelle étrangement<br />
l’« Avertissement au lecteur » du Journal de voyage 10 . On retrouve le<br />
scénario du manuscrit qui court le risque de se perdre, qui est sauvé in extremis,<br />
et peut enfin être donné au public :<br />
« Ses héritiers [...] traitèrent les papiers qui regardaient les héritiers de la<br />
Manche avec le plus grand mépris du monde. Mais un valet, qui avait lu une<br />
partie de l’histoire, les ramassa; et de celui-ci sont passés à un autre, qui<br />
[...]. » 11<br />
9. Op.cit., p. 29.<br />
10. Robert Challe, Journal d’un voyage fait aux Indes orientales, Paris, Mercure de<br />
France, 1983, tome 1, p. 55.<br />
11. Op. cit., pp. 83-84.