Catalogue - Quand le corps se fait parure - KMKG

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TABLE DES MATIÈRES<br />

I. Se peindre <strong>le</strong> <strong>corps</strong> p. 3<br />

a) Les peintures corporel<strong>le</strong>s p. 3<br />

• Pintadera p. 4<br />

• Roucou et genipa p. 7<br />

• Le henné p. 9<br />

• Le khôl p. 11<br />

• Le harqoûs p. 12<br />

• Pâ<strong>le</strong>ur du teint p. 13<br />

b) Le tatouage p. 15<br />

• La pratique du tatouage p. 15<br />

• Le rô<strong>le</strong> du tatouage p. 20<br />

• Horimono et Ayyasa p. 24<br />

II. Parures de tête p. 28<br />

L’art de la coiffure en Chine et au Japon p. 30<br />

III. Sculpter son <strong>corps</strong> p. 34<br />

a) Corps déformé p. 34<br />

b) Corps transpercé p. 39<br />

IV. Se vêtir d’ornements p. 47<br />

a) Corps idéalisé p. 47<br />

b) Symbo<strong>le</strong> de pouvoir et d’identité p. 51<br />

c) Signe rituel et protecteur p. 59<br />

d) Signe de force p. 68<br />

1


V. Parfumer son <strong>corps</strong> p. 70<br />

Glossaire p. 77<br />

Bibliographie p. 79<br />

2


Au cœur de la brous<strong>se</strong> et de la savane africaine, dans la forêt<br />

amazonienne ou sur <strong>le</strong>s hauts plateaux d’Asie, partout où<br />

l’individu affirme encore p<strong>le</strong>inement son appartenance à la<br />

communauté et au groupe, la <strong>parure</strong> corporel<strong>le</strong> demeure<br />

souveraine. C’est el<strong>le</strong> qui rythme <strong>le</strong>s étapes de la vie, raconte<br />

<strong>le</strong>s naissances et <strong>le</strong>s morts, immortali<strong>se</strong> <strong>le</strong>s mariages, trahit <strong>le</strong><br />

sang et la fortune, exalte l’ardeur viri<strong>le</strong> ou la féminité,<br />

souligne ou corrige la beauté, chante la place de l’homme dans<br />

<strong>le</strong> cosmos et <strong>se</strong>s liens avec <strong>le</strong>s esprits. Le <strong>corps</strong> apparaît<br />

comme un langage à part entière dont <strong>le</strong> vocabulaire est<br />

immen<strong>se</strong> et la grammaire sans limite.<br />

I. SE PEINDRE LE CORPS<br />

a) Les peintures corporel<strong>le</strong>s<br />

« Un <strong>corps</strong> qui n’est pas peint est un <strong>corps</strong> stupide. Il faut être<br />

marqué pour être un homme », di<strong>se</strong>nt <strong>le</strong>s Indiens Caduveo,<br />

une peuplade du Brésil décrite par Lévi-Strauss dans « Tristes<br />

tropiques ». Les Indiens d’Amérique ont, il est vrai, hissé l’art<br />

de la <strong>parure</strong> à des sommets rarement atteints. Et cette pratique<br />

remonte aux temps <strong>le</strong>s plus anciens.<br />

La peinture du <strong>corps</strong> fut sans doute <strong>le</strong> premier geste<br />

ornemental de l’humanité. Statuettes et peintures mura<strong>le</strong>s<br />

provenant d’Amérique centra<strong>le</strong> et d’Amérique du Sud en<br />

témoignent. Le <strong>corps</strong> et <strong>le</strong> visage des individus mais aussi des<br />

divinités sont couverts de motifs géométriques ou naturalistes.<br />

La pa<strong>le</strong>tte est restreinte, il s’agit es<strong>se</strong>ntiel<strong>le</strong>ment d’ocre rouge<br />

3


ou d’hématite (voire de cinabre), de kaolin blanc ou de noir de<br />

suie.<br />

Des sceaux en terre cuite, appelés pintadera, sont utilisés en<br />

Méso-Amérique depuis 1500 av. J.-C., pour imprimer des<br />

dessins sur <strong>le</strong>s tissus, sur <strong>le</strong>s récipients ou sur la peau. À<br />

l’époque des Aztèques (1325-1521 ap. J.-C.), ils connais<strong>se</strong>nt<br />

beaucoup de succès et jouent probab<strong>le</strong>ment un rô<strong>le</strong> important<br />

dans <strong>le</strong>s cérémonies rituel<strong>le</strong>s. Certains sont cylindriques et<br />

roulés sur la peau, d’autres rectangulaires et munis d’un<br />

bouton de préhension au dos, sont appliqués comme des<br />

tampons.<br />

Ce premier exemplaire rectangulaire est orné d’un décor<br />

géométrique ré<strong>se</strong>rvé par incisions : des motifs de spira<strong>le</strong>s<br />

alternent avec des formes géométriques dentelées. Le trait est<br />

régulier et précis. Très différent, <strong>le</strong> <strong>se</strong>cond tampon pré<strong>se</strong>nte<br />

deux figures de singes disposés de part et d’autre d’un motif<br />

central figurant un sceptre appelé chicahuatzli, lui-même<br />

composé d’un disque et de deux flèches dentelées. L’allusion<br />

à Ehecatl, dieu de la fertilité et du vent, est évidente : <strong>le</strong><br />

sceptre central évoque, par sa forme, <strong>le</strong>s rayons du so<strong>le</strong>il<br />

fertilisant la surface de la terre,tandis que <strong>le</strong> singe est assimilé<br />

au courant d’air par son incroyab<strong>le</strong> agilité, son hyperactivité et<br />

son balancement incessant entre <strong>le</strong>s branches des arbres.<br />

Pintadera<br />

Terre cuite<br />

Aztèque, Mexique<br />

1325-1521 ap. J.-C.<br />

L: 8,8 cm ; l: 4 cm<br />

Inv. AAM.48.26. 157<br />

4


Pintadera<br />

Terre cuite<br />

Aztèque, Mexique<br />

1325-1521 ap. J.-C.<br />

L: 8,7 cm ; l: 4,7 cm<br />

Inv. AAM 4118<br />

5


Dans la forêt du Brésil central, vivent <strong>le</strong>s auteurs d’ornements<br />

corporels <strong>le</strong>s plus beaux et <strong>le</strong>s plus insolites d’Amérique du<br />

Sud. La riches<strong>se</strong> de <strong>le</strong>urs peintures, bijoux et ornements de<br />

plumes livre des informations sur <strong>le</strong> statut social, <strong>le</strong> <strong>se</strong>xe, l’âge<br />

et <strong>le</strong>s <strong>se</strong>ntiments des individus.<br />

La vie des Kayapos est marquée par différentes clas<strong>se</strong>s d’âge<br />

qui impliquent des règ<strong>le</strong>s socia<strong>le</strong>s et des ornements bien<br />

définis. Les nourrissons appartiennent à la tranche d’âge des<br />

« Petites personnes » et sont <strong>le</strong>s plus somptueu<strong>se</strong>ment<br />

décorés. Quelques jours après la naissance, <strong>le</strong> père perce <strong>le</strong>s<br />

oreil<strong>le</strong>s et la lèvre inférieure (si c’est un garçon) pour y<br />

introduire des ornements de bois dont la tail<strong>le</strong> ira croissante.<br />

Les mères nouent aux bras, aux chevil<strong>le</strong>s et aux genoux de<br />

<strong>le</strong>urs enfants des bandes de coton rouge qui sont remplacées<br />

régulièrement pendant la croissance. Le <strong>corps</strong> de l’enfant est<br />

couvert de motifs linéaires comp<strong>le</strong>xes appliqués par <strong>le</strong>s<br />

femmes à l’aide d’une fine tige de palmier.<br />

À partir de 3 – 4 ans, l’enfant pas<strong>se</strong> dans une nouvel<strong>le</strong> clas<strong>se</strong><br />

d’âge « Ceux qui sont sur <strong>le</strong> point d’entrer dans la maison des<br />

hommes ». Les <strong>parure</strong>s de l’enfance sont en<strong>le</strong>vées et <strong>le</strong>s<br />

cheveux coupés courts et <strong>le</strong>s peintures réduites. À 8 ans, <strong>le</strong><br />

jeune garçon quitte sa famil<strong>le</strong> pour entrer dans la maison des<br />

hommes située au centre du village. À partir de ce moment, ce<br />

sont <strong>le</strong>s hommes qui <strong>se</strong> chargent de <strong>le</strong> peindre. Il reçoit, à la<br />

puberté, son cache-<strong>se</strong>xe et son premier plateau labial. Il peut<br />

alors <strong>se</strong> lais<strong>se</strong>r pous<strong>se</strong>r <strong>le</strong>s cheveux car la chevelure est liée à<br />

la capacité <strong>se</strong>xuel<strong>le</strong>, tandis que l’étui pénien et <strong>le</strong> plateau labial<br />

symboli<strong>se</strong>nt sa maturité physique.<br />

Devenu père à son tour, il accède à la clas<strong>se</strong> « des Pères ». Il<br />

porte alors un grand plateau labial lié à son ta<strong>le</strong>nt d’orateur et<br />

s’instal<strong>le</strong> dans son propre foyer.<br />

6


Les Kayapos <strong>se</strong> peignent <strong>le</strong> <strong>corps</strong> avec du rouge, du noir et du<br />

blanc extraits de matières végéta<strong>le</strong>s et minéra<strong>le</strong>s. Le rouge,<br />

appelé roucou, est préparé à partir des <strong>se</strong>mences de l’arbre<br />

Bixa Orellana. Le noir, genipapo, provient du fruit de l’arbre<br />

Genipa Americana ou du charbon de bois, tandis que <strong>le</strong> blanc<br />

est obtenu à partir de l’argi<strong>le</strong>.<br />

Le choix des cou<strong>le</strong>urs est lié aux parties du <strong>corps</strong> qu’el<strong>le</strong>s<br />

recouvrent. Ainsi, <strong>le</strong> rouge est-il appliqué aux extrémités du<br />

<strong>corps</strong>, au visage, aux avant-bras et aux mains, au-dessous du<br />

genou et aux pieds : il symboli<strong>se</strong> l’énergie, la santé et la<br />

rapidité. Le noir est toujours appliqué sur <strong>le</strong> tronc et <strong>le</strong>s parties<br />

supérieures des membres, parfois sur <strong>le</strong>s joues et <strong>le</strong> front : il<br />

est associé au fonctionnement biologique interne de l’individu.<br />

Il est aussi une marque de socialisation en reliant l’individu à<br />

la société. Quant au blanc, il n’est utilisé qu’en de rares<br />

occasions rituel<strong>le</strong>s car il est la cou<strong>le</strong>ur des esprits.<br />

Peintures corporel<strong>le</strong>s kayapo<br />

Jabiru Prod ©, Serge Guiraud.<br />

7


Les peintures des Indiens shuar sont spectaculaires. El<strong>le</strong>s sont<br />

exécutées au doigt avec du genipa qui vire au noir profond<br />

quelques heures après l’application et qui ne s’efface qu’au<br />

bout d’une dizaine de jours. Ces peintures, ré<strong>se</strong>rvées aux<br />

hommes, sont composées de bandes noires barrant <strong>le</strong> visage, <strong>le</strong><br />

tronc et <strong>le</strong>s bras. Les peintures au genipa sont associées à des<br />

contextes guerriers. El<strong>le</strong>s valori<strong>se</strong>nt la force et <strong>le</strong>s pouvoirs<br />

des hommes et transforment l’individu en être invincib<strong>le</strong>.<br />

Les peintures corporel<strong>le</strong>s protègent éga<strong>le</strong>ment l’individu du<br />

mauvais œil et des maladies. Ainsi, la victime d’une morsure<br />

de <strong>se</strong>rpent <strong>se</strong> voit-el<strong>le</strong> couverte de motifs sinueux qui<br />

évoquent la peau de l’animal.<br />

Enfin, la cou<strong>le</strong>ur rouge appliquée sur <strong>le</strong> visage des hommes et<br />

des femmes est un puissant philtre d’amour qui augmente <strong>le</strong><br />

pouvoir de séduction.<br />

Motifs peints shuar<br />

Dessins Isabel<strong>le</strong> Hodiaumont<br />

8


Les peintures corporel<strong>le</strong>s jivaro évoquent éga<strong>le</strong>ment <strong>le</strong> lien<br />

avec <strong>le</strong>s esprits des ancêtres.<br />

Dès l’âge de 6 ans, <strong>le</strong> garçon jivaro part avec son père à la<br />

recherche d’une vision dans la forêt. Il y pas<strong>se</strong> plusieurs jours<br />

et consomme des substances hallucinogènes qui lui permettent<br />

de voir son ancêtre protecteur, arutam. Les motifs choisis dans<br />

<strong>le</strong>s peintures corporel<strong>le</strong>s évoquent probab<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s ancêtres<br />

rencontrés lors de ces quêtes de vision.<br />

De l’Inde au Maghreb, <strong>le</strong> henné pare <strong>le</strong>s femmes depuis <strong>le</strong>s<br />

temps immémoriaux. C’est la plante du paradis qui préside à<br />

tous <strong>le</strong>s moments de la vie, de la naissance aux funérail<strong>le</strong>s. On<br />

raconte même, en Mauritanie, qu’el<strong>le</strong> aurait tout d’abord<br />

poussé à l’intention de la fil<strong>le</strong> de Mahomet et qu’el<strong>le</strong> fut la<br />

première femme à s’en couvrir comme d’une <strong>parure</strong>.<br />

La plante de henné est un arbuste au feuillage touffu qui<br />

pous<strong>se</strong> dans <strong>le</strong>s régions chaudes. Avec <strong>se</strong>s f<strong>le</strong>urs blanches et<br />

odorantes, on <strong>fait</strong> des hui<strong>le</strong>s et du parfum, tandis que <strong>se</strong>s<br />

feuil<strong>le</strong>s séchées, pilées et moulues produi<strong>se</strong>nt un pigment qui<br />

est utilisé pour la coloration temporaire des ong<strong>le</strong>s, des doigts,<br />

des orteils, de la paume des mains et de la plante des pieds. Sa<br />

pa<strong>le</strong>tte de cou<strong>le</strong>ur va du rouge au jaune. Avant d’être un<br />

élément de la <strong>parure</strong> et un soin de beauté, <strong>le</strong> henné constitue<br />

une protection contre <strong>le</strong>s forces malfaisantes, <strong>le</strong>s maladies et <strong>le</strong><br />

mauvais œil. Il permet éga<strong>le</strong>ment d’avoir des liens avec <strong>le</strong><br />

monde surnaturel. En outre, <strong>se</strong>s ref<strong>le</strong>ts rougeâtres sont signes<br />

de joie et de bonheur. C’est cette protection que recherchent<br />

<strong>le</strong>s jeunes mères quand el<strong>le</strong>s tracent au henné <strong>le</strong> nom d’Allah<br />

sur <strong>le</strong> front du nouveau-né car cette substance est capab<strong>le</strong><br />

d’écarter tous <strong>le</strong>s dangers.<br />

9


Mais <strong>le</strong> henné peut être éga<strong>le</strong>ment <strong>parure</strong>, protection et<br />

vêtement tout à la fois. Ainsi, la jeune mariée <strong>se</strong> pare-t-el<strong>le</strong> <strong>le</strong>s<br />

mains et <strong>le</strong>s pieds de superbes arabesques qui l’embellis<strong>se</strong>nt<br />

tout en attirant la baraka* et en chassant <strong>le</strong>s mauvais esprits.<br />

En Algérie, à la veil<strong>le</strong> de son mariage, la future épousée pas<strong>se</strong><br />

une soirée de fête avec <strong>le</strong>s femmes des deux famil<strong>le</strong>s. Pendant<br />

que <strong>le</strong>s femmes chantent, <strong>le</strong> henné est appliqué par une femme<br />

âgée. Ensuite, la coupe ayant contenu <strong>le</strong> produit est enterrée<br />

afin de pré<strong>se</strong>rver la jeune mariée des mauvais génies. Jadis,<br />

appliqués avec un bâtonnet effilé, <strong>le</strong>s motifs sont aujourd’hui<br />

dessinés à l’aide d’une <strong>se</strong>ringue et avec une précision<br />

étonnante. Après avoir laissé sécher <strong>le</strong> décor, on tamponne<br />

légèrement <strong>le</strong> motif avec un linge imbibé de jus de citron,<br />

d’ail, de poivre et de sucre. Le henné ne <strong>se</strong>ra retiré que <strong>le</strong><br />

<strong>le</strong>ndemain avec de l’hui<strong>le</strong> d’olive.<br />

Le henné est aussi un soin de beauté, il est d’usage de<br />

s’appliquer sur <strong>le</strong> visage et <strong>le</strong>s membres une pâte composée de<br />

henné, de beurre liquide et de safran. Cette décoction nettoie la<br />

peau de <strong>se</strong>s impuretés, éclaircit <strong>le</strong> teint et lui donne de l’éclat.<br />

Un fragment de voi<strong>le</strong> teinté à l’indigo ajouté à la préparation<br />

donne un léger ref<strong>le</strong>t b<strong>le</strong>uté au visage, ce qui est très apprécié.<br />

Motifs au henné.<br />

10


Quant au khôl, il est <strong>le</strong> fard noir <strong>le</strong> plus répandu dans toute<br />

l’Afrique du Nord et <strong>le</strong> Proche-Orient. À l’origine à ba<strong>se</strong><br />

d’antimoine, il est utilisé à toutes <strong>le</strong>s époques pour soigner <strong>le</strong>s<br />

yeux car il évite <strong>le</strong> dessèchement et <strong>le</strong>s irritations tout en<br />

diminuant considérab<strong>le</strong>ment la réverbération du so<strong>le</strong>il. Mais<br />

l’atout majeur du fard est de renforcer la puissance du regard,<br />

ce qui lui vaut d’être à la fois un objet de séduction et un<br />

puissant rempart contre <strong>le</strong>s mauvais esprits. En Inde, on<br />

maquil<strong>le</strong> <strong>le</strong>s yeux des enfants dès <strong>le</strong>ur naissance pour <strong>le</strong>s aider<br />

à repous<strong>se</strong>r <strong>le</strong>s esprits malfaisants, mais aussi pour <strong>le</strong>s vieillir<br />

artificiel<strong>le</strong>ment de manière à ce qu’ils parais<strong>se</strong>nt moins<br />

vulnérab<strong>le</strong>s que dans <strong>le</strong>ur état de nouveau-né.<br />

Le flacon à khôl et <strong>le</strong> bâtonnet de bois qui <strong>se</strong>rt à l’appliquer<br />

sont de facture très simp<strong>le</strong> : <strong>le</strong> godet de forme cylindrique <strong>se</strong><br />

termine par un col étroit, il est piqueté sur toute sa surface de<br />

petits motifs losangiques et triangulaires. La ba<strong>se</strong> de l’objet est<br />

surmontée d’un doub<strong>le</strong> bandeau profondément gravé dans <strong>le</strong><br />

bois.<br />

Godet à khôl<br />

et bâtonnet à application<br />

Bois<br />

Maroc<br />

XIX e -XX e sièc<strong>le</strong><br />

L : 13,3 cm ;<br />

Diam (ba<strong>se</strong>) : 4,5 cm<br />

Coll. particulière<br />

11


Le harqoûs est <strong>le</strong> produit de la combustion de substances<br />

variées tel<strong>le</strong>s <strong>le</strong> son, l’orge grillé, la gal<strong>le</strong>* de tamaris*, <strong>le</strong>s<br />

clous de girof<strong>le</strong> et <strong>le</strong> noir de fumée récolté chaud et dissous<br />

dans l’hui<strong>le</strong>. On <strong>le</strong> con<strong>se</strong>rve dans une petite corne creu<strong>se</strong>. Il<br />

<strong>se</strong>rt tout d’abord à dessiner <strong>le</strong>s sourcils épilés mais <strong>le</strong>s<br />

femmes <strong>se</strong> plai<strong>se</strong>nt éga<strong>le</strong>ment à <strong>le</strong> tracer, à l’aide d’une fine<br />

brindil<strong>le</strong>, sur <strong>le</strong> front et en travers des joues sous formes de<br />

pointillés, de petites croix ou de V.<br />

Jeune arabe avec sourcils<br />

rehaussés de harqoûs<br />

Carte posta<strong>le</strong><br />

Début XX e sièc<strong>le</strong><br />

H : 14,7 cm ; l : 9,9 cm<br />

Inv. IS 2004.1.2<br />

La pâ<strong>le</strong>ur du teint a été pendant des sièc<strong>le</strong>s synonyme de<br />

fortune. En effet, <strong>se</strong>u<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s personnes de la clas<strong>se</strong> aisée<br />

pouvaient prétendre à l’oisiveté et <strong>se</strong> soustraire aux rayons du<br />

so<strong>le</strong>il.<br />

12


Dès <strong>le</strong> VIII e sièc<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s dames de la cour japonai<strong>se</strong> <strong>se</strong> doivent<br />

d’avoir un teint de porcelaine. Le visage blanc, immatériel,<br />

reçoit quelques rehauts de cou<strong>le</strong>urs : <strong>le</strong> sourcil épilé est<br />

redessiné plus haut sur <strong>le</strong> front à l’aide d’une pâte à ba<strong>se</strong> de<br />

pelures de châtaigne, de charbon, de poudre d’or, de noir de<br />

fumée et d’hui<strong>le</strong> de sésame. La bouche rougie est menue à<br />

l’extrême. Deux catégories de poudre sont utilisées pour<br />

blanchir la peau, l’une à ba<strong>se</strong> de plomb, l’autre de mercure.<br />

Les dents sont laquées de noir pour distinguer <strong>le</strong>s jeunes fil<strong>le</strong>s<br />

des femmes mariées. Plus tard, <strong>le</strong>s dames de compagnie<br />

appelées « geishas » reprennent cet idéal de beauté en <strong>se</strong><br />

couvrant <strong>le</strong> visage et <strong>le</strong> cou de fard blanc. La nuque des<br />

femmes, considérée comme particulièrement érotique, est<br />

ornée de deux prolongements du maquillage blanc en forme de<br />

pointe, comme si l’on apercevait cel<strong>le</strong>-ci entre deux doigts<br />

légèrement écartés.<br />

Utamaro<br />

Concours de beauté entre <strong>le</strong>s<br />

bel<strong>le</strong>s : la courtisane Takigawa<br />

Estampe<br />

1795<br />

Inv. 219<br />

13


En Inde, <strong>le</strong>s femmes mariées ornent <strong>le</strong>ur front d’un point rouge<br />

appelé bindi ou tilak. Il symboli<strong>se</strong>, par sa cou<strong>le</strong>ur, <strong>le</strong> bonheur<br />

et la prospérité et <strong>fait</strong> de l’épou<strong>se</strong> la gardienne du bien-être<br />

domestique. La cou<strong>le</strong>ur rouge est obtenue à partir de la pâte de<br />

santal* rouge.<br />

C’est éga<strong>le</strong>ment par un signe divin, tilaka, apposé sur <strong>le</strong> front,<br />

que <strong>le</strong>s Hindous expriment <strong>le</strong>ur adoration envers <strong>le</strong>s divinités.<br />

Les adeptes de Vishnu portent un emblème en forme de V<br />

divisé par un trait qui illustre <strong>le</strong>s différentes étapes du voyage<br />

du dieu dans l’univers, tandis que <strong>le</strong>s adorateurs de Shiva<br />

préfèrent trois lignes blanches horizonta<strong>le</strong>s associées à des<br />

points rouges, qui rappel<strong>le</strong>nt <strong>le</strong>s trois yeux de la divinité.<br />

Le récipient à bindi adopte la forme d’une amande. Il est muni<br />

d’un couverc<strong>le</strong> coulissant, orné d’un motif floral en relief. À<br />

l’intérieur, cinq cavités de tail<strong>le</strong>s variées <strong>se</strong> répartis<strong>se</strong>nt autour<br />

d’un petit miroir central.<br />

Notre exemplaire con<strong>se</strong>rve encore <strong>le</strong>s traces de la précieu<strong>se</strong><br />

substance rouge qu’il contenait autrefois.<br />

Récipient à maquillage<br />

Bois et pigment<br />

Inde<br />

XX e sièc<strong>le</strong><br />

L : 16 cm ; l : 9,5 cm<br />

Coll. particulière<br />

14


) Le tatouage<br />

De tout temps, <strong>le</strong>s hommes et <strong>le</strong>s femmes <strong>se</strong> sont soumis à<br />

d’étranges pratiques visant à une transformation irréversib<strong>le</strong><br />

du <strong>corps</strong> : <strong>le</strong> tatouage (du mot polynésien tatoo, dessin) et la<br />

scarification.<br />

Tatouage et scarification altèrent, de façon définitive, <strong>le</strong>s<br />

tissus cutanés mais de manière différente. Le premier introduit<br />

dans <strong>le</strong> derme, par petites percussions, des pigments colorés,<br />

tandis que la <strong>se</strong>conde inci<strong>se</strong> l’épiderme avec la vio<strong>le</strong>nce d’une<br />

coupure. Autre différence, <strong>le</strong>s scarifications <strong>se</strong> déploient<br />

volontiers sur <strong>le</strong>s peaux foncées où el<strong>le</strong>s jouent sur une<br />

alternance de boursouflures et de dépressions. Les tatouages<br />

préfèrent, quant à eux, <strong>le</strong>s peaux claires sur <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s ils <strong>se</strong><br />

détachent par contraste.<br />

La pratique du tatouage<br />

La technique la plus courante pour introduire un colorant dans<br />

la peau est la piqûre. El<strong>le</strong> <strong>se</strong> <strong>fait</strong> à l’aide d’un instrument<br />

traditionnel effilé, aiguil<strong>le</strong> de bois ou de métal, épine<br />

végéta<strong>le</strong>, arête ou écail<strong>le</strong> de poisson, dent de requin. La frappe<br />

répétée du battoir sur <strong>le</strong> manche de l’autre instrument<br />

provoque l’enfoncement de la pointe dans la peau.<br />

Dans <strong>le</strong> Sud-Est asiatique, on utili<strong>se</strong> une longue aiguil<strong>le</strong> de<br />

laiton munie d’un contrepoids surmonté d’une figure<br />

mythologique terrifiante aux crocs acérés. Cel<strong>le</strong>-ci défie <strong>le</strong>s<br />

forces du mal de <strong>se</strong>s couteaux.<br />

Les petits trous réalisés par la pointe <strong>se</strong> juxtapo<strong>se</strong>nt sans<br />

vraiment former de lignes continues, ce qui donne un tatouage<br />

en pointillés.<br />

15


Pointe à tatouer avec contrepoids<br />

Laiton<br />

Myanmar<br />

XIX e -XX e sièc<strong>le</strong><br />

L : 51,3 cm<br />

Coll. particulière<br />

Le tatoueur prépare son pigment à partir de substances<br />

anima<strong>le</strong>s (cochenil<strong>le</strong>* réduite en poudre en Nouvel<strong>le</strong>-<br />

Zélande), de végétaux (feuil<strong>le</strong>s de ti* et canne à sucre brûlée à<br />

l’î<strong>le</strong> de Pâques, noix de bancoul* torréfiée aux Marqui<strong>se</strong>s).<br />

Ceux-ci sont con<strong>se</strong>rvés dans des récipients de bambou, de<br />

bois ou de pierre.<br />

16


À Kalimantan, en Indonésie, <strong>le</strong> tatoueur imprime<br />

préalab<strong>le</strong>ment son motif à l’aide d’un cachet enduit de<br />

charbon de bois. L’empreinte laissée par <strong>le</strong> tampon est ensuite<br />

tatouée. Les motifs, en relief sur <strong>le</strong> tampon, repré<strong>se</strong>ntent des<br />

animaux ou des éléments végétaux fortement stylisés sous<br />

forme de spira<strong>le</strong>s.<br />

Tampon de tatouage<br />

Bois<br />

Kayan, Kalimantan<br />

L : 14,4 cm ; l : 1,8 cm<br />

Inv. OE 2750<br />

Aux î<strong>le</strong>s Marqui<strong>se</strong>s, <strong>le</strong> tatouage est un art à part entière,<br />

soumis à un en<strong>se</strong>mb<strong>le</strong> de gestes et de rituels codifiés.<br />

L’opération <strong>se</strong> dérou<strong>le</strong> toujours à la saison sèche, dans une<br />

ca<strong>se</strong>, à l’écart des zones de passage. À cette occasion, on <strong>fait</strong><br />

appel à un spécialiste, <strong>le</strong> tuhuna qui a suivi un long<br />

apprentissage et qui circu<strong>le</strong> d’î<strong>le</strong> en î<strong>le</strong>, acquérant ainsi<br />

expérience et renommée.<br />

Après avoir attiré la bienveillance des divinités par des<br />

offrandes et des chants, <strong>le</strong> tuhuna <strong>se</strong> met au travail. La durée<br />

d’une <strong>se</strong>ssion varie en fonction du sujet et de la comp<strong>le</strong>xité<br />

des motifs. On estime généra<strong>le</strong>ment que <strong>le</strong>s jambes et <strong>le</strong> dos<br />

17


d’un individu peuvent être tatoués en <strong>se</strong>pt jours. Il s’ensuit<br />

alors une pau<strong>se</strong> de trois à six mois avant d’entamer la suite du<br />

décor car il faut lais<strong>se</strong>r <strong>le</strong>s plaies <strong>se</strong> cicatri<strong>se</strong>r. L’opération est<br />

répétée à interval<strong>le</strong>s réguliers jusqu’à ce que <strong>le</strong> <strong>corps</strong> soit<br />

entièrement recouvert c'est-à-dire vers l’âge de trente ans.<br />

Le rituel des Maoris de Nouvel<strong>le</strong>–Zélande est particulièrement<br />

rég<strong>le</strong>menté et tapu (c’est-à-dire soumis à de nombreux<br />

interdits). Lors des séances, <strong>le</strong>s chefs ne peuvent avoir aucun<br />

contact avec la nourriture ni avec <strong>le</strong>s mains ni avec <strong>le</strong>s lèvres,<br />

de peur de perdre <strong>le</strong>ur caractère sacré. Aussi sont-ils nourris à<br />

l’aide d’un entonnoir richement décoré.<br />

Pratiquer une incision dans la peau c’est <strong>le</strong> risque qu’y pénètre<br />

une influence néfaste, une maladie ou la mort. C’est pourquoi<br />

l’individu doit <strong>se</strong> soumettre à toute une série de mesures<br />

prophylactiques* tels un régime alimentaire strict, aucun<br />

contact avec <strong>le</strong>s femmes et l’application sur <strong>le</strong>s plaies d’hui<strong>le</strong>s<br />

protectrices parfumées à ba<strong>se</strong> de pandanus* ou de palme. La<br />

fin des séances de tatouage <strong>fait</strong> l’objet de réjouissances afin de<br />

<strong>le</strong>ver ces interdits et de renouer <strong>se</strong>s liens avec <strong>le</strong>s esprits du<br />

monde surnaturel.<br />

De tous <strong>le</strong>s ornements, <strong>le</strong>s populations d’Océanie considèrent<br />

<strong>le</strong> tatouage comme <strong>le</strong> plus précieux. Aux î<strong>le</strong>s Marqui<strong>se</strong>s, <strong>le</strong>s<br />

hommes <strong>se</strong> tatouent tout <strong>le</strong> <strong>corps</strong>. En Nouvel<strong>le</strong>-Zélande, <strong>le</strong>s<br />

Maoris arborent un visage creusé d’incisions profondes<br />

formant des motifs curvilignes, tandis que <strong>le</strong>s femmes ont<br />

uniquement <strong>le</strong> menton tatoué. En Polynésie, <strong>le</strong>s Samoans et <strong>le</strong>s<br />

Tahitiens ont de magnifiques dessins sur <strong>le</strong>s cuis<strong>se</strong>s et sur <strong>le</strong>s<br />

fes<strong>se</strong>s.<br />

18


Les motifs portés par <strong>le</strong>s Marquisiens s’inspirent du monde<br />

environnant, en particulier de créatures marines -poissons,<br />

tortues ou crabes-, du monde végétal, et, surtout, de<br />

repré<strong>se</strong>ntations d’ancêtres mythiques appelés tiki rendus de<br />

manière très stylisée et très géométrisée.<br />

Le récipient exposé illustre cette grande variété de motifs : des<br />

cerc<strong>le</strong>s concentriques incisés couvrent toute la surface. À<br />

chaque extrémité, deux figures de tiki, placées dos à dos,<br />

forment saillies. Le tiki, symbo<strong>le</strong> ancestral, est, dans ce cas-ci,<br />

à la fois ornemental et protecteur. Chacun d’eux pré<strong>se</strong>nte <strong>le</strong>s<br />

mêmes traits caractéristiques propres à toute figure humaine<br />

des î<strong>le</strong>s Marqui<strong>se</strong>s : de grands yeux en amande, une bouche<br />

étirée et des oreil<strong>le</strong>s <strong>se</strong> terminant par des volutes.<br />

Récipient<br />

Bois<br />

Î<strong>le</strong>s Marqui<strong>se</strong>s<br />

Découvert au XVIII e -XIX e sièc<strong>le</strong><br />

L. 35,4 cm ; H : 16 cm<br />

Inv. ET 50.18 1/2<br />

19


Le rô<strong>le</strong> du tatouage<br />

La recherche de beauté est une des premières fonctions de<br />

l’ornementation corporel<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> rend <strong>le</strong> <strong>corps</strong> plus séduisant et<br />

augmente l’attrait <strong>se</strong>xuel. Les voyageurs occidentaux<br />

racontent qu’aux î<strong>le</strong>s Samoa, Tonga et aux î<strong>le</strong>s Marqui<strong>se</strong>s, <strong>le</strong>s<br />

hommes sans tatouage <strong>se</strong> voyaient autrefois refu<strong>se</strong>r <strong>le</strong>s faveurs<br />

<strong>se</strong>xuel<strong>le</strong>s des femmes et étaient <strong>le</strong> plus souvent méprisés.<br />

À ce propos, G. Turner, un voyageur du XIX e sièc<strong>le</strong>, nous<br />

dit : « Un jeune homme tant qu’il n’était pas tatoué ne pouvait<br />

songer au mariage. Il était constamment exposé à des<br />

rail<strong>le</strong>ries, à être tourné en ridicu<strong>le</strong>, comme un individu pauvre<br />

et de bas<strong>se</strong> extraction n’ayant pas <strong>le</strong> droit de par<strong>le</strong>r dans la<br />

société des hommes ».<br />

Aux î<strong>le</strong>s Marqui<strong>se</strong>s, on raconte qu’ « Hamatakee rencontra <strong>le</strong><br />

dieu Tu qui paraissait fort triste.<br />

- Pourquoi tant de tristes<strong>se</strong> ? Lui demanda-t-il.<br />

- C’est que ma femme m’a abandonné et <strong>se</strong> livre à des<br />

libertins.<br />

– Si tu veux la ramener, fais-toi beau par <strong>le</strong> tatouage dit<br />

Hamatakee. El<strong>le</strong> te trouvera si merveil<strong>le</strong>u<strong>se</strong>ment transformé<br />

qu’el<strong>le</strong> te prendra pour un être nouveau et te reviendra.<br />

- Eh bien ! Mets-toi à l’œuvre ! Hamatakee <strong>le</strong> tatoua et, de<br />

<strong>fait</strong>, Tu parut un être tout nouveau et si attrayant que toutes<br />

<strong>le</strong>s femmes auraient bien voulu l’avoir.<br />

Ce que voyant, sa femme s’empressa de revenir. Et, depuis ce<br />

jour, tout <strong>le</strong> monde voulut <strong>se</strong> faire tatouer ».<br />

20


Siège caryatide en bois<br />

Luba, RD Congo<br />

XIX e sièc<strong>le</strong><br />

H : 52 cm ; Diam : 26,6 cm<br />

Tervuren, Musée royal de<br />

l’Afrique centra<strong>le</strong><br />

Inv. 23478<br />

MRAC Tervuren ©, J.-M.<br />

Vandyck.<br />

Au-delà de la séduction, l’ornement corporel est un appel à la<br />

fécondité. Dans de nombreu<strong>se</strong>s ethnies d’Afrique, <strong>le</strong> ventre,<br />

<strong>le</strong> bas-ventre et la poitrine sont scarifiés de divers motifs afin<br />

de multiplier <strong>le</strong>ur capacité à procréer. Aux î<strong>le</strong>s Marqui<strong>se</strong>s, <strong>le</strong>s<br />

femmes de haut rang s’ornent <strong>le</strong> bas-ventre d’images<br />

d’ancêtres protecteurs et de symbo<strong>le</strong>s discrets de féminité.<br />

Le tatouage et <strong>le</strong>s scarifications sont aussi des signes<br />

d’identité et d’appartenance à une communauté et à un<br />

système social. Dans certains cas, <strong>le</strong> signe ren<strong>se</strong>igne sur la<br />

place de l’individu dans un groupe, son rang, sa clas<strong>se</strong> d’âge.<br />

Il permet éga<strong>le</strong>ment de distinguer l’homme de l’animal. Ainsi,<br />

<strong>le</strong>s anciens Bafia du Cameroun pen<strong>se</strong>nt-ils que sans <strong>le</strong>urs<br />

scarifications, ils ne peuvent être distingués des chimpanzés et<br />

des autres animaux. L’ab<strong>se</strong>nce de marque lais<strong>se</strong> ainsi sans<br />

statut et sans identité.<br />

21


Un médecin de la marine écrit dans la première moitié du<br />

XIX e sièc<strong>le</strong> : « Au lieu d’avoir son arbre généalogique<br />

con<strong>se</strong>rvé sur un parchemin, <strong>le</strong> Marquisien <strong>le</strong> porte sur sa peau<br />

de sorte qu’il ne peut paraître nul<strong>le</strong> part sans que l’on ne<br />

sache immédiatement sa naissance ou sa va<strong>le</strong>ur .».<br />

Les chefs maoris <strong>se</strong> distinguent du reste de la communauté par<br />

un visage entièrement tatoué de spira<strong>le</strong>s appelées moko. Ce<br />

motif de spira<strong>le</strong>s <strong>se</strong> retrouve dans l’architecture et <strong>le</strong>s objets<br />

mobiliers, tel<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s boîtes en bois waka huia. Ces récipients,<br />

suspendus dans <strong>le</strong>s habitations, contenaient autrefois des<br />

objets précieux tel<strong>le</strong>s des <strong>parure</strong>s de plumes ou de jade. Ils<br />

sont décorés d’incisions en relief qui pré<strong>se</strong>ntent un jeu<br />

dynamique de spira<strong>le</strong>s et de motifs d’arêtes. Aux deux<br />

extrémités et au sommet du récipient, des visages grimaçants<br />

protègent son contenu.<br />

Boîte waka huia avec couverc<strong>le</strong><br />

Bois<br />

Maori, Nouvel<strong>le</strong>-Zélande, 1900<br />

L. 47,7 cm ; H. 18,9 cm<br />

Inv. ET 49.71<br />

22


D’usage sacré, <strong>le</strong> tatouage facial maori est ré<strong>se</strong>rvé aux<br />

personnages de haut rang. Ce ré<strong>se</strong>au de lignes constitue<br />

l’identité de l’individu car chaque personne a un motif bien<br />

défini et personnalisé.<br />

Il arrive aussi que <strong>le</strong> tatouage <strong>se</strong> fas<strong>se</strong> symbo<strong>le</strong> d’une<br />

communauté. Ainsi, lorsque <strong>le</strong>s premiers traités territoriaux<br />

furent signés avec <strong>le</strong>s Européens, nombre de chefs maoris<br />

apposèrent-ils au bas de ces actes <strong>le</strong>s motifs de <strong>le</strong>ur moko en<br />

gui<strong>se</strong> de signature.<br />

Mais c’est surtout à la puberté que la pratique du tatouage<br />

trouve son p<strong>le</strong>in épanouis<strong>se</strong>ment. El<strong>le</strong> marque <strong>le</strong> passage d’un<br />

individu à l’âge adulte et confirme son intégration à l’ordre<br />

social.<br />

Dans de nombreu<strong>se</strong>s sociétés traditionnel<strong>le</strong>s, <strong>le</strong> passage de<br />

l’enfance à l’âge adulte est une période pénib<strong>le</strong> qui<br />

s’accompagne de nombreux rites parfois douloureux : <strong>le</strong>s<br />

jeunes gens sont éloignés de <strong>le</strong>ur famil<strong>le</strong> et vivent reclus. Ils<br />

apprennent alors <strong>le</strong>s va<strong>le</strong>urs socia<strong>le</strong>s qui régis<strong>se</strong>nt la<br />

communauté, <strong>le</strong>s règ<strong>le</strong>s religieu<strong>se</strong>s, <strong>le</strong>s mythes fondateurs du<br />

clan et subis<strong>se</strong>nt des épreuves douloureu<strong>se</strong>s tel<strong>le</strong>s <strong>le</strong> tatouage,<br />

la scarification, <strong>le</strong> percement de l’oreil<strong>le</strong>, de la cloison nasa<strong>le</strong><br />

ou de la lèvre. La résistance à la dou<strong>le</strong>ur rend l’initié moins<br />

vulnérab<strong>le</strong> vis-à-vis des épreuves de sa vie d’adulte. Il<br />

manifeste ainsi sa bravoure et accède à la communauté. Il est<br />

devenu un homme !<br />

Le tatouage joue éga<strong>le</strong>ment un rô<strong>le</strong> important lors des<br />

combats. Le guerrier revêt une armure visuel<strong>le</strong> capab<strong>le</strong> de<br />

distraire et de déstabili<strong>se</strong>r l’adversaire. Les motifs modifient<br />

l’aspect de son <strong>corps</strong> et permettent de mieux <strong>le</strong> dissimu<strong>le</strong>r tout<br />

en inspirant la terreur. Le tatouage augmente ainsi son<br />

efficacité. On raconte que « <strong>le</strong>s motifs dessinés sur la poitrine<br />

23


protègent des atteintes de flèches, cel<strong>le</strong>s aux articulations, des<br />

dou<strong>le</strong>urs rhumatisma<strong>le</strong>s tandis que <strong>le</strong>s lignes autour des lèvres<br />

chas<strong>se</strong>nt <strong>le</strong>s maux de bouche ».<br />

Scarifier <strong>le</strong> <strong>corps</strong> dans un but thérapeutique est un acte<br />

courant en Océanie mais aussi en Afrique subsaharienne.<br />

L’entail<strong>le</strong>, l’instrument choisi pour l’opération et <strong>le</strong> principe<br />

médicinal qui va y être introduit obéis<strong>se</strong>nt à des rituels précis.<br />

Ainsi, au Togo, des patients frappés d’épi<strong>le</strong>psie <strong>se</strong> font-ils<br />

scarifier sur <strong>le</strong> front une marque qui joue un rô<strong>le</strong><br />

prophylactique contre la maladie.<br />

Aux î<strong>le</strong>s Marqui<strong>se</strong>s, <strong>le</strong> tatouage a une va<strong>le</strong>ur supplémentaire :<br />

il tient un rô<strong>le</strong> déterminant dans l’équilibre entre <strong>le</strong> profane et<br />

<strong>le</strong> sacré car il protège contre <strong>le</strong>s attaques des forces<br />

maléfiques et iso<strong>le</strong> l’es<strong>se</strong>nce vita<strong>le</strong> (mana) héritée des<br />

ancêtres et dont sont pénétrés <strong>le</strong>s objets et <strong>le</strong>s êtres humains.<br />

Horimono et ayyasa<br />

Au Japon, <strong>le</strong> tatouage ou horimono a une histoire longue de<br />

plusieurs sièc<strong>le</strong>s.<br />

Cette technique est d’abord utilisée pour marquer <strong>le</strong>s criminels<br />

d’un signe discriminatoire. D’exclusion, <strong>le</strong> tatouage devient,<br />

durant la période Edo (1603-1868 ap. J.-C.), signe de<br />

reconnaissance de toute une partie de la population. Artisans,<br />

pompiers, charpentiers, joueurs professionnels, acteurs,<br />

prostituées, l’adoptent sur un mode contestataire et <strong>se</strong> couvrent<br />

<strong>le</strong> <strong>corps</strong> de divers motifs parmi <strong>le</strong>squels <strong>se</strong> reconnais<strong>se</strong>nt des<br />

héros légendaires issus de la littérature.<br />

24


Le tatouage devient alors l’expression de la bravoure et<br />

l’affirmation d’une identité populaire.<br />

Utagawa kuniyoshi<br />

Byotaichu Setsuei luttant contre<br />

Shosharan Bokushun<br />

Série des cent huit héros<br />

populaires du Suikoden<br />

Estampe<br />

1827-1830<br />

H : 37 cm ; l : 25 cm<br />

Inv. 4498<br />

Utagawa kuniyoshi<br />

Roshi En<strong>se</strong>i<br />

Série des cent huit héros populaires du<br />

Suikoden<br />

Estampe<br />

1827-1830<br />

H : 36,8 cm ; l : 25,3 cm<br />

Inv. 2094<br />

25


Le tatouage japonais est une fresque qui couvre <strong>le</strong> dos et<br />

s’étend ensuite sur <strong>le</strong>s flancs et <strong>le</strong>s membres. Visage, cou et<br />

avant-bras ne sont pas décorés pour permettre de porter des<br />

vêtements sans lais<strong>se</strong>r apparaître <strong>le</strong>s motifs tatoués.<br />

Le tatouage est avant tout un ornement et sa dimension<br />

esthétique est es<strong>se</strong>ntiel<strong>le</strong>. Mais il revêt aussi une dimension<br />

symbolique. Aussi, <strong>le</strong> motif du chrysanthème est-il apprécié<br />

pour <strong>se</strong>s vertus médicina<strong>le</strong>s, tandis que <strong>le</strong> cerisier incarne la<br />

force et la beauté. Quant au dragon, animal lié à l’eau et au<br />

feu, il protège <strong>le</strong>s pompiers du danger et symboli<strong>se</strong> la totalité<br />

du monde.<br />

Si <strong>le</strong> monde musulman n’a jamais approuvé <strong>le</strong> tatouage, il ne<br />

l’a jamais formel<strong>le</strong>ment interdit. Cependant, cette pratique<br />

s’est surtout maintenue dans <strong>le</strong>s sociétés traditionnel<strong>le</strong>s<br />

berbères pour <strong>se</strong> prémunir du mauvais œil, des maladies et<br />

des esprits indésirab<strong>le</strong>s. C’est « la ayyasa », « ce qui <strong>fait</strong><br />

vivre » ou « <strong>fait</strong> durer la vie ». Des motifs géométriques, issus<br />

de l’imaginaire berbère, sont tracés sur <strong>le</strong> front, entre <strong>le</strong>s<br />

sourcils, sur <strong>le</strong> menton, <strong>le</strong>s joues, <strong>le</strong>s poignets, <strong>le</strong>s mains, <strong>le</strong><br />

cou, à la naissance des <strong>se</strong>ins, sur <strong>le</strong> pubis et <strong>le</strong>s chevil<strong>le</strong>s. Le<br />

cerc<strong>le</strong> symboli<strong>se</strong> l’absolu et <strong>le</strong>s rosaces, la vie. Le triang<strong>le</strong> en<br />

pointe vers <strong>le</strong> haut repré<strong>se</strong>nte <strong>le</strong> feu et <strong>le</strong> <strong>se</strong>xe masculin ;<br />

pointe en bas, il évoque l’eau et <strong>le</strong> <strong>se</strong>xe féminin. Le point<br />

symboli<strong>se</strong> <strong>le</strong> centre, tandis que la croix <strong>fait</strong> référence à<br />

l’espace et au mouvement. On retrouve des motifs similaires<br />

sur <strong>le</strong>s céramiques, <strong>le</strong>s tapis et <strong>le</strong>s bijoux.<br />

26


Bédouine<br />

Tunisie<br />

Carte posta<strong>le</strong><br />

Début du XX e sièc<strong>le</strong><br />

H : 14,5 cm ; l : 9,9 cm<br />

Inv. IS 2004.1.1<br />

La tatoueu<strong>se</strong> insère dans la peau, suie, noix de gal<strong>le</strong> ou indigo,<br />

qui revêtent des qualités magiques et constituent une<br />

vaccination contre <strong>le</strong> mauvais œil. On raconte que du lait de<br />

femme entrerait parfois dans sa composition afin que <strong>se</strong>s<br />

vertus fortifiantes profitent au porteur du tatouage. La<br />

protection <strong>se</strong> voit encore renforcée si l’on récite, pendant<br />

l’opération, un ver<strong>se</strong>t du Coran.<br />

27


II. PARURES DE TÊTE<br />

Les coiffures, au même titre que <strong>le</strong>s <strong>parure</strong>s, peuvent être des<br />

indices, révélant l’identité d’un individu et <strong>le</strong>s étapes qui ont<br />

marqué son existence.<br />

Dans de nombreu<strong>se</strong>s ethnies, la chevelure est associée à la<br />

force vita<strong>le</strong> d’un individu, el<strong>le</strong> en est l’âme visib<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> est<br />

éga<strong>le</strong>ment indice de la vigueur <strong>se</strong>xuel<strong>le</strong> d’un homme et signe<br />

de fécondité chez la femme.<br />

Dans <strong>le</strong>s oasis du Sud de l’Algérie, <strong>le</strong>s épou<strong>se</strong>s sont choisies<br />

parmi <strong>le</strong>s jeunes femmes qui ont la chevelure la plus<br />

abondante. Les Inuits d’Amérique endui<strong>se</strong>nt de méconium* la<br />

tête des petites fil<strong>le</strong>s afin de favori<strong>se</strong>r la pous<strong>se</strong> des cheveux et<br />

<strong>le</strong>ur assurer ainsi dans l’avenir de nombreux enfants.<br />

En Afrique du Nord, chez <strong>le</strong>s Beni-Amrus, l’homme et la<br />

femme ont des liens étroits avec la terre et <strong>le</strong>s cultures. Ainsi,<br />

durant la période de germination, pour favori<strong>se</strong>r <strong>le</strong><br />

développement des jeunes plantes, <strong>le</strong>s hommes lais<strong>se</strong>nt-ils<br />

pous<strong>se</strong>r <strong>le</strong>urs cheveux et <strong>le</strong>s femmes ne s’épi<strong>le</strong>nt plus, <strong>le</strong> port<br />

du foulard est prohibé pour favori<strong>se</strong>r la pous<strong>se</strong> des épis<br />

comme cel<strong>le</strong> des cheveux sur la tête et l’usage du peigne est<br />

décon<strong>se</strong>illé afin que <strong>le</strong>s carottes sauvages n’étouffent pas <strong>le</strong>s<br />

jeunes pous<strong>se</strong>s.<br />

La vie de l’individu est scandée par de nombreu<strong>se</strong>s étapes<br />

qui <strong>se</strong> marquent par des changements de coiffure. Le moment<br />

du <strong>se</strong>vrage est souvent l’occasion de la première coupe. C’est<br />

<strong>le</strong> cas des Kayapo, en Amazonie, où <strong>le</strong> nouveau-né porte <strong>le</strong>s<br />

cheveux longs jusque trois ou quatre ans car il est considéré<br />

jusque-là comme <strong>le</strong> prolongement biologique de <strong>se</strong>s parents.<br />

Au moment du <strong>se</strong>vrage, <strong>le</strong>s cheveux de l’enfant sont coupés<br />

pour signifier sa séparation avec sa mère et sa pri<strong>se</strong><br />

28


d’indépendance. Ce lien <strong>se</strong>ra rétabli à la puberté, c'est-à-dire à<br />

sa maturité <strong>se</strong>xuel<strong>le</strong>, et <strong>se</strong>s cheveux pourront alors pous<strong>se</strong>r<br />

librement.<br />

Se couper ou <strong>se</strong> lais<strong>se</strong>r pous<strong>se</strong>r <strong>le</strong>s cheveux peut être aussi un<br />

signe de deuil. Au Cameroun, <strong>le</strong>s hommes toupouri ces<strong>se</strong>nt de<br />

<strong>se</strong> ra<strong>se</strong>r <strong>le</strong> visage et <strong>le</strong> crâne en signe de deuil, alors qu’au<br />

Cambodge, couper <strong>se</strong>s cheveux conjure <strong>le</strong> malheur et permet<br />

de <strong>se</strong> détacher de l’impureté occasionnée par <strong>le</strong> contact avec la<br />

mort.<br />

Peigne avec ré<strong>se</strong>rvoir à parfum<br />

Argent<br />

Inde<br />

XX e sièc<strong>le</strong><br />

L : 7,2 cm ; H : 5,2 cm<br />

Coll. particulière<br />

29


Se peigner et <strong>se</strong> bros<strong>se</strong>r nécessitent l’emploi d’ustensi<strong>le</strong>s bien<br />

spécifiques réalisés dans <strong>le</strong>s matériaux <strong>le</strong>s plus variés : bois,<br />

coquillages, matières végéta<strong>le</strong>s, racines, poils et dents<br />

d’animaux, piquants de porc-épic,…<br />

Se peigner est un geste du quotidien qui est profondément<br />

inscrit dans la culture dont chacun relève et qui peut être<br />

exercé différemment. Ainsi, en Europe, on <strong>se</strong> peigne en<br />

maniant l’instrument vers <strong>le</strong> bas, du cuir chevelu vers la<br />

pointe des cheveux. En Afrique, on <strong>fait</strong> <strong>le</strong> mouvement<br />

inver<strong>se</strong> : <strong>le</strong> peigne remonte plus volontiers vers <strong>le</strong> sommet de<br />

la tête.<br />

Outre <strong>le</strong> démêlage, <strong>le</strong> peigne peut <strong>se</strong>rvir aussi à retenir <strong>le</strong>s<br />

cheveux et à <strong>le</strong>s parfumer. Notre peigne en argent <strong>fait</strong> partie<br />

de cette catégorie. De forme rectangulaire, il comporte des<br />

motifs en relief repré<strong>se</strong>ntant végétaux et oi<strong>se</strong>aux stylisés. Audessus,<br />

deux oi<strong>se</strong>aux en ronde-bos<strong>se</strong> encadrent une petite fio<strong>le</strong><br />

à parfum sphérique.<br />

Il arrive aussi que <strong>le</strong>s instruments de coiffure soient porteurs<br />

de message. Au Sri Lanka, ce sont <strong>le</strong>s hommes qui fabriquent<br />

<strong>le</strong>s peignes. Et lorsque une jeune femme préfère un peigne à<br />

un autre, el<strong>le</strong> honore celui qui l’a façonné.<br />

L’art de la coiffure en Chine et au Japon<br />

Les cultures de la Chine et du Japon ont hissé l’art de la<br />

coiffure à un haut degré de raffinement.<br />

Les témoignages des coiffures des dames chinoi<strong>se</strong>s de<br />

l’Antiquité nous ont été livrés par des figurines de terre cuite,<br />

des jades, des peintures et des fresques.<br />

30


Les nob<strong>le</strong>s chinoi<strong>se</strong>s portent de longs cheveux qu’el<strong>le</strong>s<br />

relèvent en chignons très élaborés. Les éping<strong>le</strong>s à cheveux<br />

sont manifestement un accessoire important, comme en<br />

témoigne la tombe de la reine Fu Hao (vers 1200 av. J.-C.),<br />

l’épou<strong>se</strong> d’un roi de la dynastie Shang (1570-1045 av. J.-C.),<br />

qui fut enterrée avec 527 éping<strong>le</strong>s à cheveux.<br />

Les femmes à la mode de la dynastie Tang (618-907 ap. J.-C.)<br />

adoptent différents types de chignons qui portent des noms des<br />

plus étonnant: chignon des diab<strong>le</strong>s volants, chignon inquiet,<br />

chignon doci<strong>le</strong>, chignon enchanté à doub<strong>le</strong> anneau… Les<br />

cheveux sont tressés, enroulés au sommet de la tête, ornés<br />

d’éping<strong>le</strong>s, de peignes, d’éléments de jade et de f<strong>le</strong>urs. La<br />

coiffure est parfois complétée par des postiches qui gagnent en<br />

hauteur avec <strong>le</strong> temps.<br />

Nob<strong>le</strong> dame<br />

Terre cuite glaçurée<br />

Chine<br />

618-907 ap. J.-C.<br />

H : 34,2 cm<br />

Inv. EO 816<br />

31


Une statuette d’une nob<strong>le</strong> dame, en terre cuite glaçurée,<br />

témoigne de l’extravagance des coiffures féminines sous la<br />

dynastie Tang (618-907 ap. J.-C.). La jeune femme est vêtue<br />

d’un gi<strong>le</strong>t moulant à manches longues avec col arrondi et<br />

d’une longue jupe attachée sous la poitrine. Par-dessus, un<br />

gi<strong>le</strong>t à manches courtes descend jusqu’à la tail<strong>le</strong>. Le <strong>corps</strong> est<br />

à peine suggéré par <strong>le</strong> vêtement. La frontalité du personnage<br />

est rompue par son geste : la main droite retient sa robe, tandis<br />

que bras gauche <strong>se</strong> replie au niveau de la tail<strong>le</strong>.<br />

Le visage rond aux joues bien p<strong>le</strong>ines <strong>se</strong> termine par un doub<strong>le</strong><br />

menton. Les traits du visage sont sobrement rendus par <strong>le</strong><br />

relief.<br />

La coiffure en « lame de sabre » est surprenante : <strong>le</strong>s cheveux<br />

sont ramenés en une mas<strong>se</strong> au-dessus de la tête et s’écrou<strong>le</strong>nt<br />

de manière ordonnée à l’arrière, formant ainsi une crête. Un<br />

tel agencement n’est rendu possib<strong>le</strong> que par l’emploi<br />

d’accessoires tels une structure de ba<strong>se</strong> solide et des rubans de<br />

tissus.<br />

Ce chignon rencontre un grand succès au XVIII e sièc<strong>le</strong> auprès<br />

des femmes de l’aristocratie qui <strong>le</strong> nomment alors « coiffure<br />

de la divinité volante » car il res<strong>se</strong>mb<strong>le</strong> « aux apsaras dont <strong>le</strong><br />

vol aux fluides arabesques peup<strong>le</strong> <strong>le</strong>s espaces infinis où <strong>se</strong><br />

meuvent Bouddha et Boddhisattvas ».<br />

En plus d’être <strong>le</strong> ref<strong>le</strong>t de l’identité socia<strong>le</strong> de l’individu, la<br />

chevelure est éga<strong>le</strong>ment associée, en Chine et au Japon, à de<br />

nombreu<strong>se</strong>s croyances religieu<strong>se</strong>s ou superstitieu<strong>se</strong>s.<br />

Les éping<strong>le</strong>s à cheveux chinoi<strong>se</strong>s sont fréquemment ornées<br />

d’un décor de va<strong>se</strong>s et de f<strong>le</strong>urs réalisés en émail de teintes<br />

vives. La cou<strong>le</strong>ur b<strong>le</strong>ue dominante est une imitation à moindre<br />

32


coût des plumes du martin-pêcheur appréciées par la haute<br />

aristocratie pour <strong>se</strong>s teintes irisées mais aussi parce qu’il est<br />

un emblème de beauté et de fidélité conjuga<strong>le</strong>.<br />

Les motifs floraux sont éga<strong>le</strong>ment porteurs d’une grande<br />

va<strong>le</strong>ur symbolique qui renforce <strong>le</strong> lien de l’homme avec la<br />

nature. Les f<strong>le</strong>urs qui prédominent sont <strong>le</strong> chrysanthème (la<br />

longue vie), la pivoine (la riches<strong>se</strong>) et <strong>le</strong> lotus (la pureté,<br />

l’harmonie et la paix).<br />

Le chatoiement des cou<strong>le</strong>urs renvoie à la vibration et au<br />

souff<strong>le</strong> vital de l’univers.<br />

Éping<strong>le</strong><br />

Cuivre doré et émail<br />

Chine<br />

XVII e - XX e sièc<strong>le</strong><br />

L : 14,4 cm ; l : 2 cm<br />

Inv. EO 428<br />

Éping<strong>le</strong><br />

Cuivre doré et émail<br />

Chine<br />

XVII e - XX e sièc<strong>le</strong><br />

L : 10 cm ; l : 1,2 cm<br />

Inv. EO 424<br />

33


Avec <strong>le</strong> Japon de l’ère Edo (1603-1868 ap. J.-C.), l’ornement<br />

de tête devient un véritab<strong>le</strong> objet d’art véhiculant des codes<br />

sociaux spécifiques. D’un <strong>se</strong>ul regard, on identifie une femme,<br />

son statut social et familial, son âge, … et même, dit-on, son<br />

âme ! Trente-cinq sty<strong>le</strong>s de coiffure sont élaborés nécessitant,<br />

dans certains cas, l’usage de plus de 200 peignes à coiffer. En<br />

1720, une loi promulguée contre ces excès de faste veut<br />

restreindre <strong>le</strong>s accessoires de coiffure et notamment <strong>le</strong>s<br />

éping<strong>le</strong>s. Les artisans <strong>se</strong> joueront alors de la loi en recourbant<br />

l’extrémité des éping<strong>le</strong>s pour <strong>le</strong>s transformer en cure-oreil<strong>le</strong> !<br />

III. SCULPTER SON CORPS<br />

a) Corps déformé<br />

Comme <strong>le</strong> dit France Borel : « rien n’est plus obscène aux<br />

yeux des hommes que la nudité. Dès sa naissance, la société<br />

s’empare de l’enfant, <strong>le</strong> manipu<strong>le</strong>, l’habil<strong>le</strong>, <strong>le</strong> forme et <strong>le</strong><br />

déforme, parfois avec une certaine vio<strong>le</strong>nce ».<br />

Dans de nombreu<strong>se</strong>s cultures d’Afrique Noire, la tête est<br />

considérée comme <strong>le</strong> siège de la spiritualité. Ainsi, en RD<br />

Congo, <strong>le</strong>s Mangbetu sculptent-ils littéra<strong>le</strong>ment la tête de<br />

<strong>le</strong>urs enfants, en compressant <strong>le</strong> crâne du nourrisson avec des<br />

bande<strong>le</strong>ttes d’écorce. De cette manière, la calotte crânienne<br />

s’allonge, <strong>le</strong>s paupières s’étirent fortement vers <strong>le</strong>s tempes et<br />

<strong>le</strong> dessin des pommettes s’affirme. Si cette pratique vi<strong>se</strong> tout<br />

d’abord à embellir l’individu, el<strong>le</strong> cherche aussi à transfigurer<br />

la réalité en accomplissant un acte de création.<br />

34


Statuette mangbetu en bois<br />

RD Congo<br />

Tervuren, Musée royal de<br />

l’Afrique centra<strong>le</strong><br />

Inv. 59.21.36<br />

MRAC Tervuren ©,<br />

J.-M. Vandyck.<br />

Le monde amérindien a éga<strong>le</strong>ment laissé de nombreux<br />

témoignages de cette pratique : <strong>le</strong> crâne adopte la forme étirée<br />

d’un pain de sucre ou est aplati en trapèze. On <strong>le</strong> devine sous<br />

<strong>le</strong> haut bonnet d’une statuette d’homme provenant de la<br />

culture Tumaco- La Tolita en Équateur (300 av. J.-C.- 300 ap.<br />

J.-C.).<br />

Le visage, petit et fin, est marqué par un menton pointu, des<br />

yeux étirés et une bouche fine. L’homme porte une <strong>parure</strong> de<br />

nez de forme trapézoïda<strong>le</strong> et des disques cylindriques aux<br />

oreil<strong>le</strong>s. Sa tête, traversée d’un étroit bandeau, pré<strong>se</strong>nte une<br />

déformation crânienne exagérée qui évoque une tiare<br />

pharaonique.<br />

35


Tête<br />

Terre cuite<br />

Tumaco-La Tolita,<br />

Équateur<br />

300 av. J.-C.-300 ap. J.-C.<br />

H : 8,6 cm<br />

Inv. AAM 48.34.1<br />

Cette déformation est obtenue après un long processus décrit<br />

au XVI e sièc<strong>le</strong> par Diego de la Landa : « Quelques jours après<br />

la naissance, on mettait la tête du bébé entre 2 planchettes,<br />

l’une au front, l’autre à l’occiput, <strong>se</strong>rrées avec force, et on <strong>le</strong><br />

tenait dans la souffrance jusqu’à ce qu’au bout de quelques<br />

jours, la tête ainsi moulée restait aplatie suivant <strong>le</strong>ur usage ».<br />

Dans <strong>le</strong> monde maya, ce canon de beauté est <strong>le</strong> signe distinctif<br />

de la clas<strong>se</strong> dirigeante qui <strong>se</strong> veut l’incarnation du Dieu Maïs.<br />

Pour renforcer encore d’avantage l’allusion à cette divinité, <strong>le</strong>s<br />

nob<strong>le</strong>s prolongent l’arête de <strong>le</strong>ur nez avec de la cire d’abeil<strong>le</strong><br />

et portent des coiffes de plumes évoquant <strong>le</strong> panache végétal<br />

de l’épi.<br />

Dans l’Ancien Mexique, l’embellis<strong>se</strong>ment et <strong>le</strong> lien avec <strong>le</strong>s<br />

dieux pas<strong>se</strong>nt éga<strong>le</strong>ment par une mutilation des dents. Les<br />

jeunes gens distingués <strong>se</strong> font limer <strong>le</strong>s incisives et <strong>le</strong>s canines<br />

avec des pierres abrasives, en triang<strong>le</strong> ou en créneaux, ou<br />

encore y creu<strong>se</strong>nt une cupu<strong>le</strong> qu’ils <strong>se</strong>rtis<strong>se</strong>nt d’une pastil<strong>le</strong> de<br />

jade, de turquoi<strong>se</strong> ou de pyrite. Cette pratique n’est pas sans<br />

36


évoquer <strong>le</strong> dieu solaire qui est connu pour <strong>se</strong>s dents limées et<br />

pour son léger strabisme. C’est d’ail<strong>le</strong>urs peut-être pour cette<br />

raison que <strong>le</strong>s Mayas suspendent au-dessus du lit des enfants<br />

un petit objet qui <strong>le</strong>s contraint à loucher.<br />

Ici on pétrit des crânes, ail<strong>le</strong>urs on bande et on atrophie <strong>le</strong>s<br />

pieds pour atteindre un autre idéal de beauté. Ce procédé,<br />

ré<strong>se</strong>rvé aux hautes clas<strong>se</strong>s et apparu en Chine dès <strong>le</strong> X e sièc<strong>le</strong><br />

ap. J.-C., vi<strong>se</strong> à empêcher <strong>le</strong>s pieds des fil<strong>le</strong>ttes de grandir en<br />

<strong>le</strong>s bandant et <strong>le</strong>s comprimant dès l’âge de quatre ans. Les<br />

orteils sont alors pliés vers <strong>le</strong> bas et <strong>le</strong> talon s’avance vers<br />

l’avant formant une fente au-dessous de la voûte plantaire qui<br />

éveil<strong>le</strong> <strong>le</strong>s fantasmes masculins. La forme du pied est donc<br />

inversée : il n’est plus long et droit mais court, triangulaire et<br />

arqué. Ainsi mutilé, <strong>le</strong> pied agit comme une entrave, la<br />

démarche des femmes est contrariée, on dit alors qu’el<strong>le</strong><br />

avance avec « une sage <strong>le</strong>nteur ».<br />

Cette beauté obtenue dans d’horrib<strong>le</strong>s souffrances est <strong>le</strong><br />

résultat d’une véritab<strong>le</strong> maîtri<strong>se</strong> de soi.<br />

Les femmes portent des chaussures pointues adaptées à cette<br />

déformation dont la longueur atteint à peine 14,5 cm. La tige<br />

est recouverte de soie b<strong>le</strong>ue brodée de motifs d’orchidées dans<br />

<strong>le</strong>s tons ro<strong>se</strong>s et verts.<br />

Une bande de soie noire à li<strong>se</strong>ré vert souligne <strong>le</strong> bord<br />

supérieur de la tige. El<strong>le</strong> <strong>se</strong> prolonge jusqu’à la pointe et<br />

souligne la forme de la chaussure. La partie inférieure de la<br />

tige est galonnée d’une bande noire et lilas.<br />

L’intérieur est doublé de coton et de toi<strong>le</strong> cirée.<br />

Une bande de tissu rehaus<strong>se</strong> la <strong>se</strong>mel<strong>le</strong> à la hauteur du talon et<br />

à l’avant de la plante du pied.<br />

37


Chaussures<br />

Coton, soie, toi<strong>le</strong><br />

cirée<br />

Chine<br />

XX e sièc<strong>le</strong><br />

L : 14,5 cm<br />

Coll. particulière<br />

Sous la dynastie Qing (1644-1911 ap. J.-C.), <strong>le</strong>s nob<strong>le</strong>s chinois<br />

et chinoi<strong>se</strong>s <strong>se</strong> plai<strong>se</strong>nt à lais<strong>se</strong>r pous<strong>se</strong>r l’ong<strong>le</strong> de<br />

l’auriculaire de manière démesurée, montrant ainsi qu’ils<br />

appartiennent aux clas<strong>se</strong>s socia<strong>le</strong>s qui n’ont pas besoin de<br />

travail<strong>le</strong>r de <strong>le</strong>urs mains.<br />

Pour éviter qu’il ne <strong>se</strong> cas<strong>se</strong>, il est muni d’un protège ong<strong>le</strong><br />

émaillé pouvant atteindre une longueur de 20 cm. Des motifs<br />

« porte-bonheur » ajourés couvrent sa surface : tortue, poisson<br />

et crabe évoluent au milieu des f<strong>le</strong>urs. Une bordure de<br />

grecques en émail b<strong>le</strong>u complète l’en<strong>se</strong>mb<strong>le</strong> du décor.<br />

Protège-ong<strong>le</strong>s<br />

Cuivre doré, émail<br />

Dynastie Qing, Chine<br />

1644-1911 ap. J.-C.<br />

L: 9,5 cm ; l: 3 cm<br />

Inv. EO 426<br />

38


) Corps transpercé<br />

Sous d’autres latitudes, ce sont <strong>le</strong>s lèvres, <strong>le</strong>s narines et <strong>le</strong>s<br />

oreil<strong>le</strong>s, points du <strong>corps</strong> par <strong>le</strong>squels pas<strong>se</strong>nt <strong>le</strong> souff<strong>le</strong>, la<br />

paro<strong>le</strong> et l’écoute, que l’on allonge de façon irréversib<strong>le</strong> par<br />

<strong>le</strong> port de lourds ornements. Par l’ajout de spectaculaires<br />

artifices, <strong>le</strong> <strong>corps</strong> s’allonge, s’amplifie, <strong>se</strong> prolonge, <strong>se</strong> dilate.<br />

La <strong>parure</strong> s’imprime dans <strong>le</strong> <strong>corps</strong> au plus profond de luimême<br />

et ne forme plus qu’un avec lui. (Bérénice Geoffroy-<br />

Schneiter dans Parures ethniques)<br />

L’origine du labret <strong>se</strong> perd dans la nuit des temps. Il adopte,<br />

en Afrique, des formes très variées : une tige, un plateau ou un<br />

cylindre taillés dans <strong>le</strong> bois, l’os et l’ivoire ou réalisés en<br />

métal, voire en terre cuite.<br />

La manipulation des lèvres est souvent liée aux rituels de<br />

passage des jeunes fil<strong>le</strong>s par <strong>le</strong>squels el<strong>le</strong>s proclament <strong>le</strong>ur<br />

maturité <strong>se</strong>xuel<strong>le</strong>. Ainsi, dans la Vallée de l’Omo en Éthiopie,<br />

<strong>le</strong>s ado<strong>le</strong>scentes mursi <strong>se</strong> percent-el<strong>le</strong>s <strong>le</strong> lobe de l’oreil<strong>le</strong> et y<br />

insèrent-el<strong>le</strong>s des tampons en terre séchée ou en bois. Après<br />

<strong>le</strong>s épreuves initiatiques, vers 20-25 ans, et pour indiquer<br />

qu’el<strong>le</strong>s sont en âge de <strong>se</strong> marier, el<strong>le</strong>s <strong>se</strong> perforent la lèvre<br />

inférieure pour y loger un disque en terre cuite qu’el<strong>le</strong>s ont<br />

confectionné el<strong>le</strong>s-mêmes. Celui-ci est décoré de quelques<br />

traits au pinceau.<br />

Au fil du temps, cet ornement s’agrandit pour devenir un<br />

grand plateau dont el<strong>le</strong>s ne <strong>se</strong> sépareront qu’à la ménopau<strong>se</strong><br />

ou lorsque <strong>le</strong> nombre de <strong>le</strong>urs enfants <strong>se</strong>ra jugé suffisant.<br />

Dans de nombreu<strong>se</strong>s cultures, c’est <strong>le</strong> futur conjoint qui place<br />

<strong>le</strong> labret, signalant ainsi la pri<strong>se</strong> de pos<strong>se</strong>ssion de la femme<br />

par l’homme.<br />

39


Disque labial<br />

Terre cuite, pigment blanc<br />

Vallée de l’Omo, Éthiopie<br />

XX e sièc<strong>le</strong><br />

Diam : 11,4 cm<br />

Coll. particulière<br />

Chez <strong>le</strong>s Bambara, <strong>le</strong> nez et la langue sont responsab<strong>le</strong>s du<br />

bon fonctionnement de la société : <strong>le</strong> premier définit <strong>le</strong>s désirs<br />

et <strong>le</strong>s paro<strong>le</strong>s, tandis que la <strong>se</strong>conde crée <strong>le</strong> verbe. Le port du<br />

plateau labial contrô<strong>le</strong> ainsi <strong>le</strong>s mots qui sortent de la bouche<br />

des femmes qui ne <strong>se</strong>raient pas maîtres<strong>se</strong>s de <strong>le</strong>ur paro<strong>le</strong>.<br />

Dans de nombreux cas, <strong>le</strong> mythe engendre la <strong>parure</strong>. On<br />

raconte, chez <strong>le</strong>s Fali du Cameroun, que « la femme<br />

primordia<strong>le</strong> qui donna naissance à tous <strong>le</strong>s êtres, ne portait<br />

pas de labret et, sur <strong>le</strong>s con<strong>se</strong>ils du crapaud, el<strong>le</strong> prescrivit à<br />

sa fil<strong>le</strong> puis aux autres femmes de s’en munir ». Depuis ce<br />

jour, <strong>le</strong>s femmes portent des plateaux dans <strong>le</strong>urs lèvres qui<br />

rappel<strong>le</strong>nt la forme de la bouche du crapaud. Et lorsque <strong>le</strong>s<br />

deux disques s’entrechoquent, on entend <strong>le</strong> coas<strong>se</strong>ment de<br />

l’animal.<br />

40


Labrets<br />

Obsidienne<br />

Aztèque, Mexique<br />

1325-1521 ap. J.-C.<br />

H : 1,2 cm ;<br />

diam : 1,5 cm<br />

Inv. AAM 3498 et 3501<br />

En Amazonie, <strong>le</strong> port du labret est plutôt une affaire<br />

d’hommes. Quelques jours après la naissance, la lèvre<br />

inférieure des garçons kayapo est perforée. D’abord, on y<br />

insère un fil de coton, remplacé ensuite par un bâtonnet de la<br />

tail<strong>le</strong> d’une allumette. L’élargis<strong>se</strong>ment de cet orifice aura lieu<br />

lorsqu’il fera son entrée dans la maison des hommes, vers<br />

l’âge de 8 ans. À ce moment, <strong>le</strong> bâtonnet est remplacé par un<br />

labret de bois cylindrique. Petit à petit, on <strong>le</strong> remplace par<br />

d’autres labrets cylindriques, puis par des disques labiaux d’un<br />

diamètre supérieur. Lorsque <strong>le</strong> jeune homme peut <strong>se</strong> marier, il<br />

reçoit un disque d’un diamètre de dix centimètres. Ce disque<br />

souligne la paro<strong>le</strong>, la faculté de prononcer des discours qui est<br />

<strong>le</strong> mode de persuasion principal des chefs et des aînés. En<br />

outre, celui qui détient <strong>le</strong> droit d’exhorter par la paro<strong>le</strong> verra<br />

son statut s’é<strong>le</strong>ver au <strong>se</strong>in de la communauté. Comme <strong>se</strong>uls <strong>le</strong>s<br />

hommes prononcent des discours, on comprend aisément<br />

pourquoi <strong>le</strong>s femmes ne portent pas de labret.<br />

Le continent américain pratique éga<strong>le</strong>ment cette coutume.<br />

Nob<strong>le</strong>s mayas, aztèques ou mixtèques portent des labrets<br />

munis à la fois d’un large bourre<strong>le</strong>t qui fixe l’objet dans la<br />

bouche et d’un disque tourné vers l’extérieur. Ces <strong>parure</strong>s sont<br />

réalisées en os, en or, en jade ou en obsidienne, une roche<br />

d’origine volcanique brillante comme <strong>le</strong> verre, parfois<br />

41


ehaussées de turquoi<strong>se</strong>s dont <strong>le</strong>s nuances vertes évoquent la<br />

végétation.<br />

De même que la bouche, <strong>le</strong>s oreil<strong>le</strong>s s’ornent d’éléments qui<br />

<strong>le</strong>s transpercent de part en part. Ils prennent, chez <strong>le</strong>s anciens<br />

Mexicains, la forme d’un volumineux disque de pierre verte<br />

percé d’un trou central que bouche un cylindre. Ce dernier <strong>se</strong>rt<br />

de contrepoids et maintient l’objet dans <strong>le</strong> lobe de l’oreil<strong>le</strong>.<br />

Disque d’oreil<strong>le</strong><br />

Pierre verte<br />

Aztèque, Mexique<br />

1325-1521 ap. J.-C.<br />

H : 1,9 cm ; Diam : 3,5 cm<br />

Inv. AAM 48.26.54.3<br />

Une figure féminine en terre cuite de la culture Chupicuaro<br />

(300-100 av. J.-C.) porte ce type de bouc<strong>le</strong>s d’oreil<strong>le</strong>s. La<br />

jeune femme est tota<strong>le</strong>ment nue, à exception de <strong>se</strong>s bijoux : un<br />

doub<strong>le</strong> collier avec fermoir et un large brace<strong>le</strong>t au bras droit<br />

constituent son unique <strong>parure</strong>. Une raie médiane divi<strong>se</strong> la<br />

mas<strong>se</strong> de <strong>se</strong>s cheveux et une frange couvre son front.<br />

42


Figure féminine<br />

Terre cuite<br />

Chupicuaro, Mexique<br />

300-100 av. J. C.<br />

H : 10,9 cm<br />

Inv. AAM 48.25 2/3<br />

Les mains de la jeune femme repo<strong>se</strong>nt sur son ventre dont la<br />

forme arrondie évoque sa fertilité. Il est possib<strong>le</strong> qu’el<strong>le</strong> ait<br />

porté à l’origine un vêtement de coton, aujourd’hui disparu.<br />

Les détails sont réalisés <strong>se</strong>lon la technique du pastillage et<br />

rehaussés d’engobe rouge et blanc.<br />

Le Préclassique a vu la production d’un grand nombre de<br />

figurines féminines en terre cuite placées sous <strong>le</strong> plancher des<br />

maisons ou déposées dans <strong>le</strong>s sépultures. El<strong>le</strong>s sont associées<br />

à des rites de fertilité et à des croyances dans la vie future.<br />

L’élite maori préfère porter à l’oreil<strong>le</strong> droite un pendant étroit<br />

et allongé appelé kuru. Il est réalisé en néphrite verte, une<br />

pierre qui provient de la côte Poutini et qui est appréciée pour<br />

sa beauté et sa rareté. Cette pierre est à la fois un symbo<strong>le</strong><br />

d’identité et une protection pour l’individu. Ces objets sont<br />

généra<strong>le</strong>ment transmis de génération en génération et <strong>se</strong><br />

chargent au cours du temps d’une grande quantité de mana.<br />

43


Pendant d’oreil<strong>le</strong><br />

Néphrite<br />

Maori, Nouvel<strong>le</strong>-Zélande<br />

Découvert au XVIII e -XIX e sièc<strong>le</strong><br />

L : 11,3 cm ; l : 1,2 cm<br />

Inv. Et 2009.73<br />

Pour <strong>le</strong>s Miao du Sud-Ouest de la Chine, <strong>le</strong>s lobes étirés des<br />

femmes sont signe de beauté et de chance. Aussi portent-el<strong>le</strong>s<br />

des ornements en argent gravés de motifs végétaux qui<br />

peuvent atteindre jusqu’à 21 cm de long. Il existe une grande<br />

variété de modè<strong>le</strong>s. Parmi ceux-ci, spira<strong>le</strong>s et volutes sont <strong>le</strong>s<br />

motifs <strong>le</strong>s plus répandus. Symbo<strong>le</strong> d’unité clanique pour<br />

certains, tourbillons d’eau, source de vie et symbo<strong>le</strong> de<br />

renouvel<strong>le</strong>ment pour d’autres, ils sont communs à toute<br />

l’ethnie miao bien au-delà de la frontière chinoi<strong>se</strong>.<br />

44


Pendants d’oreil<strong>le</strong><br />

Argent<br />

Miao, Chine<br />

XX e sièc<strong>le</strong><br />

L : 18,5cm<br />

Coll. particulière<br />

Si beaucoup de populations pratiquent tous <strong>le</strong>s types de<br />

métamorpho<strong>se</strong>s, d’autres en privilégient. C’est <strong>le</strong> cas des<br />

chas<strong>se</strong>urs de tête asmat qui subliment <strong>le</strong>ur <strong>corps</strong> avec des<br />

<strong>parure</strong>s de nez spectaculaires destinées à aider <strong>le</strong>s hommes<br />

dans <strong>le</strong>ur entrepri<strong>se</strong> guerrière.<br />

Cette <strong>parure</strong> véhicu<strong>le</strong> toute une symbolique. Tout d’abord<br />

parce qu’el<strong>le</strong> est taillée dans un coquillage bipane qui<br />

repré<strong>se</strong>nte la lune, ensuite parce que sa forme en spira<strong>le</strong><br />

évoque, à la fois, la queue du singe couscous et <strong>le</strong>s ai<strong>le</strong>s de la<br />

rous<strong>se</strong>tte, des animaux associés au so<strong>le</strong>il et à la chas<strong>se</strong> aux<br />

têtes.<br />

45


Lorsqu’un Asmat arbore cet ornement de nez, il s’associe au<br />

cosmos, au so<strong>le</strong>il et à la lune et à un puissant chas<strong>se</strong>ur de<br />

tête qui terrifie <strong>se</strong>s ennemis.<br />

Pour <strong>le</strong>s populations du Pacifique, la tête est <strong>le</strong> siège de l’âme<br />

ou de l’es<strong>se</strong>nce de tout être, el<strong>le</strong> est considérée comme la<br />

partie la plus sacrée du <strong>corps</strong>. Prendre et con<strong>se</strong>rver la tête de<br />

son ennemi permet, dès lors, de s’emparer du pouvoir des<br />

individus auxquels el<strong>le</strong> avait appartenu. La chas<strong>se</strong> aux têtes est<br />

donc un moyen d’affirmer son autorité sur un autre. El<strong>le</strong> est<br />

es<strong>se</strong>ntiel<strong>le</strong> et nécessaire pour <strong>le</strong> bien-être, la fertilité et la<br />

survie du groupe.<br />

Parure de nez bipane<br />

Coquillage<br />

Papouasie-Nouvel<strong>le</strong>-Guinée<br />

XIX e -XX e sièc<strong>le</strong><br />

L : 16,6 cm ; H : 8,7 cm<br />

Coll. particulière<br />

46


IV. SE VÊTIR D’ORNEMENTS<br />

a) Un <strong>corps</strong> idéalisé<br />

Vêtements et bijoux rehaus<strong>se</strong>nt la beauté des <strong>corps</strong> en même<br />

temps qu’ils en soulignent <strong>le</strong>s différences.<br />

Dans l’Inde ancienne, <strong>se</strong>ul <strong>le</strong> <strong>corps</strong> paré est considéré comme<br />

véritab<strong>le</strong>ment beau. Dieux et dées<strong>se</strong>s arborent <strong>le</strong>urs <strong>parure</strong>s<br />

comme autant d’attributs de <strong>le</strong>ur puissance, tandis que <strong>le</strong>s<br />

hommes et <strong>le</strong>s femmes en font <strong>le</strong>s symbo<strong>le</strong>s de <strong>le</strong>ur rang en<br />

même temps qu’un gage de fertilité.<br />

C’est cependant sur <strong>le</strong> <strong>corps</strong> de la femme que l’ornement<br />

prend sa forme la plus élaborée : <strong>le</strong>s pieds sont couverts de<br />

laque rouge, <strong>le</strong>s chevil<strong>le</strong>s portent des brace<strong>le</strong>ts chargés de<br />

grelots, bras et cou sont parés de bijoux, la tête est couronnée<br />

de guirlandes de f<strong>le</strong>urs, des dessins sont peints sur <strong>le</strong>s <strong>se</strong>ins et<br />

<strong>le</strong>s joues, <strong>le</strong>s yeux sont passés au mascara.<br />

De toutes ces pratiques, c’est l’embellis<strong>se</strong>ment des pieds qui<br />

recueil<strong>le</strong> toute l’attention car il est un objet d’amour et de<br />

désir érotique.<br />

À chaque fête, <strong>le</strong>s femmes décorent <strong>le</strong>urs pieds de motifs<br />

floraux dessinés au henné et embellis<strong>se</strong>nt <strong>le</strong>urs doigts de pied<br />

de bagues d’argent souvent munies de grelots dont « <strong>le</strong> son et<br />

<strong>le</strong> cliquetis, dit-on, suffi<strong>se</strong>nt à éveil<strong>le</strong>r <strong>le</strong> désir dans <strong>le</strong> cœur de<br />

l’amant ».<br />

Notre exemplaire est orné d’une f<strong>le</strong>ur de lotus ajourée avec<br />

motif de per<strong>le</strong>s sur <strong>le</strong> pourtour. Au centre, <strong>le</strong> bouton de la<br />

f<strong>le</strong>ur <strong>se</strong> dégage en haut-relief. Le lotus est un symbo<strong>le</strong> du dieu<br />

Vishnu, dieu protecteur du monde, et de son épou<strong>se</strong> Lakshmi,<br />

dées<strong>se</strong> de la prospérité et de la bonne fortune. Il est éga<strong>le</strong>ment<br />

un emblème de pureté divine associé au so<strong>le</strong>il.<br />

47


Bague de pied<br />

Argent<br />

Inde<br />

XIX e -XX e sièc<strong>le</strong><br />

L : 7,2 cm ; H : 5,1 cm<br />

Coll. particulière<br />

Amour de la nature et lien intime avec <strong>le</strong> monde animal et<br />

végétal <strong>se</strong> devinent chez <strong>le</strong>s populations d’Amazonie. Dès <strong>le</strong>ur<br />

plus jeune âge, <strong>le</strong>s Kayapos utili<strong>se</strong>nt <strong>le</strong> langage des plumes<br />

pour rehaus<strong>se</strong>r la beauté de <strong>le</strong>ur <strong>corps</strong> et pour exprimer <strong>le</strong>ur<br />

identité. Ils <strong>se</strong> transforment ainsi en homme-oi<strong>se</strong>au capab<strong>le</strong> de<br />

voyager et de dialoguer avec <strong>le</strong> monde des esprits comme <strong>le</strong><br />

font <strong>le</strong>s oi<strong>se</strong>aux de la forêt.<br />

Chaque clas<strong>se</strong> d’âge possède une <strong>parure</strong> spécifique : <strong>le</strong>s<br />

brace<strong>le</strong>ts de plumes ré<strong>se</strong>rvés aux hommes adultes sont réalisés<br />

avec des plumu<strong>le</strong>s d’aras de cou<strong>le</strong>urs vertes, b<strong>le</strong>ues et jaunes<br />

attachées à un fil de coton.<br />

48


Brassards<br />

Plumu<strong>le</strong>s d’ara et fils<br />

de coton<br />

Kayapo, Amazonie<br />

XIX e -XX e sièc<strong>le</strong><br />

Diam : 4,5 cm<br />

Coll. particulière<br />

Dans certaines cultures, c’est l’accessoire qui <strong>fait</strong> toute la<br />

différence. Ainsi <strong>le</strong>s femmes nob<strong>le</strong>s chimus du Pérou fermentel<strong>le</strong>s<br />

<strong>le</strong>ur manteau à l’aide d’une élégante éping<strong>le</strong> d’argent,<br />

tupu, plus ou moins ornée en fonction de <strong>le</strong>ur statut social.<br />

D’une longueur variant de 18 à 26 cm, el<strong>le</strong> <strong>se</strong> compo<strong>se</strong> d’une<br />

fine tige de métal pourvue à son extrémité d’un simp<strong>le</strong> disque<br />

orné ou non ou d’un croissant surmonté de deux spira<strong>le</strong>s.<br />

Certaines de ces éping<strong>le</strong>s sont munies d’une sphère aplatie<br />

dans laquel<strong>le</strong> sont enfermées des petites bil<strong>le</strong>s qui rendent<br />

l’instrument sonore. Le tintement de l’objet accroît alors son<br />

effet visuel.<br />

L’usage de l’or et de l’argent est hautement symbolique pour<br />

<strong>le</strong>s populations andines, <strong>le</strong> premier est associé à la sueur du<br />

so<strong>le</strong>il et <strong>le</strong> <strong>se</strong>cond repré<strong>se</strong>nte <strong>le</strong>s larmes de la lune. En portant<br />

un tel objet, l’individu <strong>se</strong> proclame ainsi de descendance<br />

divine.<br />

49


Tupu<br />

Argent<br />

Chimu, Pérou<br />

1100-1470 ap. J.-C.<br />

H : 26,5 cm et 18 cm<br />

Inv. AAM 46.7.264 24/26<br />

et 46.7.264 25/26<br />

Les femmes touaregs du Nord de l’Afrique préfèrent<br />

l’élégance de la clé de voi<strong>le</strong> : il s’agit d’un contrepoids<br />

particulièrement apprécié pour son esthétisme et sa<br />

fonctionnalité car il embellit la femme tout en empêchant son<br />

voi<strong>le</strong> d’être emporté par <strong>le</strong> vent du dé<strong>se</strong>rt.<br />

Cet objet de <strong>parure</strong> <strong>se</strong> compo<strong>se</strong> de formes géométriques<br />

incisées et ajourées qui <strong>se</strong> superpo<strong>se</strong>nt et s’emboîtent <strong>le</strong>s unes<br />

dans <strong>le</strong>s autres. Des cabochons de métal ponctuent la surface.<br />

Ses lignes élégantes et fluides en font un véritab<strong>le</strong> bijou.<br />

50


) Symbo<strong>le</strong> de pouvoir et d’identité<br />

Clé de voi<strong>le</strong><br />

Fer, laiton et cuivre<br />

Touareg, Maroc<br />

XIX e -XX e sièc<strong>le</strong><br />

L : 8 cm ; H : 24,3 cm<br />

Coll. particulière<br />

Dans toute la Polynésie, vêtement et <strong>parure</strong> reflètent aussi la<br />

sacralité, <strong>le</strong> rang et la fortune de ceux qui <strong>le</strong>s portent. Ils<br />

témoignent éga<strong>le</strong>ment de la virtuosité et de l’ingéniosité des<br />

artisans qui <strong>le</strong>s ont réalisés. Aux matériaux destinés à durer en<br />

raison de <strong>le</strong>ur caractère sacré ou de <strong>le</strong>ur rareté (cheveux<br />

d’ancêtres ou d’ennemis, néphrite, nacre, ivoire de cachalot,<br />

dent de dauphin ou écail<strong>le</strong>s de tortues, ...) s’oppo<strong>se</strong>nt <strong>le</strong>s<br />

matériaux éphémères <strong>fait</strong>s de f<strong>le</strong>urs, de plumes, de graines ou<br />

de racines as<strong>se</strong>mblées.<br />

Une grande puissance est attribuée aux chefs en tant<br />

qu’incarnation du pouvoir divin. Chefs et hauts dignitaires<br />

sont reconnaissab<strong>le</strong>s à <strong>le</strong>urs ornements réalisés avec des<br />

51


matériaux rares et coûteux qui manifestent <strong>le</strong> mana, <strong>le</strong> prestige<br />

et <strong>le</strong>s nob<strong>le</strong>s origines de l’élite.<br />

Collier<br />

Dent de cachalot et cordon<br />

végétal<br />

Î<strong>le</strong>s Fidji<br />

Découvert au XVIII e -XIX e<br />

sièc<strong>le</strong><br />

L : 15,4 cm (dent) ; 60,5<br />

cm (cordon)<br />

Inv. Et 38.15.8<br />

Les matériaux utilisés accrois<strong>se</strong>nt <strong>le</strong> prestige de <strong>le</strong>ur<br />

propriétaire non <strong>se</strong>u<strong>le</strong>ment parce qu’ils sont hautement<br />

appréciés mais aussi parce que, n’étant pas disponib<strong>le</strong>s<br />

loca<strong>le</strong>ment, ils ne peuvent être acquis que dans la cadre d’un<br />

important système d’échange intra-insulaire. Ainsi, la nacre de<br />

Tuamotu est-el<strong>le</strong> exportée vers Tahiti et <strong>le</strong>s î<strong>le</strong>s Austra<strong>le</strong>s,<br />

tandis que <strong>le</strong>s habitants de l’î<strong>le</strong> Tonga commerciali<strong>se</strong>nt <strong>le</strong>urs<br />

dents de cachalot aux î<strong>le</strong>s Fidji.<br />

Faire des échanges est ainsi une manière de s’enrichir et de<br />

renforcer <strong>le</strong>s relations entre <strong>le</strong>s communautés.<br />

52


Dans la remi<strong>se</strong> de cadeaux, <strong>le</strong>s colliers ornés d’une dent de<br />

cachalot occupent une place prédominante. Ils <strong>se</strong> compo<strong>se</strong>nt<br />

d’une dent conique d’une longueur de 15,4 cm pré<strong>le</strong>vée sur la<br />

mâchoire inférieure de l’animal et enfilée ensuite sur un<br />

cordon de fibres végéta<strong>le</strong>s.<br />

Ces pendentifs interviennent tout d’abord dans <strong>le</strong>s échanges<br />

diplomatiques entre chefs de clans voisins pour res<strong>se</strong>rrer <strong>le</strong>s<br />

liens sociaux, réparer une faute, appuyer une requête ou<br />

renforcer une promes<strong>se</strong> de mariage. Ils sont éga<strong>le</strong>ment<br />

échangés dans <strong>le</strong> cadre de cérémonies de naissance pour<br />

honorer <strong>le</strong> nouveau-né et sa famil<strong>le</strong>.<br />

L’offrande d’une dent de cachalot obéit à un rituel bien<br />

défini : <strong>le</strong> donateur prend la dent dans une main, tandis que de<br />

l’autre il tient <strong>le</strong> cordon. Le bénéficiaire prend ensuite l’objet<br />

par <strong>le</strong> cordon ce qui signifie que <strong>le</strong> cadeau est accepté.<br />

Couronne<br />

Plumes teintées en rouge et<br />

jaune, fil de soie, fil blanc.<br />

Î<strong>le</strong>s Hawaii<br />

Découverte au XVIII e -XIX e s.<br />

L : 70 cm<br />

Inv. ET 971<br />

53


À Hawaii, ce sont <strong>le</strong>s plumes qui sont associées au pouvoir et<br />

au prestige car s’envelopper <strong>le</strong> <strong>corps</strong> de plumes c’est<br />

l’assimi<strong>le</strong>r à celui couvert de plumes des dieux. Lors des<br />

cérémonies, <strong>le</strong>s souverains et nob<strong>le</strong>s portent<br />

d’impressionnantes capes et coiffes emplumées qui <strong>le</strong>ur<br />

offrent une protection spirituel<strong>le</strong> et soulignent <strong>le</strong>ur statut divin.<br />

Les femmes de l’aristocratie préfèrent, quant à el<strong>le</strong>s, <strong>se</strong> couvrir<br />

la tête d’une couronne de plumes rouges et jaunes.<br />

Notre exemplaire, d’époque moderne, comporte des plumes<br />

teintées en jaune et en rouge qui évoquent la cou<strong>le</strong>ur des<br />

plumes d’oi<strong>se</strong>aux exotiques chassés autrefois. Ces plumes<br />

provenaient, à l’origine, de pas<strong>se</strong>reaux forestiers, <strong>le</strong>s rouges du<br />

Liwi et <strong>le</strong>s jaunes du Moho d’Hawaii. Le rouge est la cou<strong>le</strong>ur<br />

du sacré car il évoque Ku, <strong>le</strong> dieu de la guerre, tandis que <strong>le</strong><br />

jaune symboli<strong>se</strong> la riches<strong>se</strong> et <strong>le</strong> statut de l’individu. À partir<br />

du XVIII e sièc<strong>le</strong>, peut-être en raison de <strong>le</strong>ur rareté, <strong>le</strong>s plumes<br />

de cou<strong>le</strong>ur jaune prennent l’avantage et <strong>le</strong> jaune devient la<br />

cou<strong>le</strong>ur dominante.<br />

La confection de ces <strong>parure</strong>s demande l’intervention des deux<br />

<strong>se</strong>xes : ce sont <strong>le</strong>s hommes qui capturent <strong>le</strong>s oi<strong>se</strong>aux à la glu<br />

ou au fi<strong>le</strong>t ; certains sont ensuite relâchés, d’autres mangés.<br />

Puis, <strong>le</strong>s épou<strong>se</strong>s des chas<strong>se</strong>urs nettoient et trient <strong>le</strong>s plumes<br />

avant de <strong>le</strong>s attacher à un fi<strong>le</strong>t ou un cordon de fibres<br />

végéta<strong>le</strong>s.<br />

En Amérique centra<strong>le</strong>, la jadéite est la pierre par excel<strong>le</strong>nce<br />

non <strong>se</strong>u<strong>le</strong>ment parce que sa cou<strong>le</strong>ur évoque l’eau, la<br />

végétation et la vie, mais aussi parce que sa rareté en <strong>fait</strong> un<br />

symbo<strong>le</strong> de riches<strong>se</strong> et de prestige. El<strong>le</strong> est éga<strong>le</strong>ment liée à<br />

différentes divinités comme Chalchiutlicue, la dées<strong>se</strong> des<br />

sources des Aztèques, ou encore <strong>le</strong> dieu Maïs chez <strong>le</strong>s Mayas.<br />

54


Les Mayas associent <strong>le</strong> jade aux hautes clas<strong>se</strong>s et à la figure<br />

du roi. La monarchie repo<strong>se</strong> sur une repré<strong>se</strong>ntation<br />

ostentatoire du pouvoir. Lors de <strong>le</strong>ur avènement, <strong>le</strong>s rois<br />

mayas reçoivent des insignes chargés d’énergie qui confèrent<br />

des capacités particulières à celui qui <strong>le</strong>s porte. Le jade est<br />

apprécié pour sa haute va<strong>le</strong>ur symbolique. Ainsi, en <strong>se</strong><br />

couvrant de jade, <strong>le</strong> roi <strong>se</strong> pré<strong>se</strong>nte-t-il comme <strong>le</strong> dieu Maïs,<br />

dispensateur de la vie sur terre.<br />

Ces <strong>parure</strong>s roya<strong>le</strong>s ont une autre symbolique. Les rois portent<br />

de nombreux ornements de jade dans <strong>le</strong>s cheveux et aux<br />

oreil<strong>le</strong>s. Ceux-ci ont fréquemment une forme de f<strong>le</strong>urs qui<br />

symboli<strong>se</strong>nt cel<strong>le</strong>s du Ceiba, un arbre qui occupe <strong>le</strong> centre de<br />

l’univers.<br />

On raconte, en effet, que la création de l’univers décou<strong>le</strong> de<br />

l’as<strong>se</strong>mblage de trois pierres flottant sur l’océan originel. Le<br />

ciel surgit à cet endroit et <strong>le</strong> dieu Maïs plaça un arbre pour <strong>le</strong><br />

soutenir.<br />

En portant de tels attributs, <strong>le</strong> roi devient ainsi l’égal de l’arbre<br />

cosmique. Les ornements de jade de sa coiffe évoquent <strong>le</strong>s<br />

f<strong>le</strong>urs du fromager, tandis que <strong>le</strong>s plumes de quetzal<br />

repré<strong>se</strong>ntent l’oi<strong>se</strong>au cé<strong>le</strong>ste posé sur <strong>le</strong>s branches de l’arbre.<br />

Le roi devient ainsi <strong>le</strong> garant de l’ordre terrestre et cosmique.<br />

Même si notre collier n’a pas la riches<strong>se</strong> et l’élégance des<br />

nob<strong>le</strong>s <strong>parure</strong>s mayas, il n’en est pas moins intéressant par sa<br />

technique de réalisation. Il est constitué de per<strong>le</strong>s irrégulières<br />

de forme sphérique obtenues avec des moyens très simp<strong>le</strong>s. La<br />

pierre est sciée à l’aide de corde<strong>le</strong>ttes, de bois plats ou<br />

d’ardoi<strong>se</strong> que l’on <strong>fait</strong> al<strong>le</strong>r et venir sur une matière abrasive.<br />

La forme est ensuite obtenue par polissage avec de l’hématite<br />

55


ou du jade pulvérisé. Pour confectionner <strong>le</strong>s per<strong>le</strong>s, l’artisan<br />

utili<strong>se</strong> fréquemment des ga<strong>le</strong>ts de jade arrondis par l’eau. Ces<br />

derniers sont ensuite percés à l’aide d’un foret confectionné<br />

avec des os d’oi<strong>se</strong>au ou des joncs.<br />

Collier<br />

Pierre verte<br />

Mixtèque, Mexique<br />

700/800-1521 ap. J.-C.<br />

Diam : 23 cm ; H : 2,8 cm<br />

Inv. AAM 2050<br />

La néphrite, une variété de jade, est éga<strong>le</strong>ment <strong>le</strong> matériau <strong>le</strong><br />

plus vénéré et <strong>le</strong> plus précieux dans la culture chinoi<strong>se</strong>. El<strong>le</strong><br />

est appréciée avant tout pour sa beauté et <strong>le</strong>s clas<strong>se</strong>s aisées la<br />

portent d’ail<strong>le</strong>urs volontiers comme <strong>parure</strong>s personnel<strong>le</strong>s et<br />

insignes de <strong>le</strong>ur rang sous forme de bouc<strong>le</strong>s de ceinture, de<br />

brace<strong>le</strong>ts ou de pendentifs.<br />

56


Mais son importance va bien au-delà de sa va<strong>le</strong>ur distinctive.<br />

En effet, <strong>le</strong> jade est fréquemment associé aux vertus du vrai<br />

gentilhomme tel que nous <strong>le</strong> décrit Confucius (551-479 av. J.-<br />

C.) dans son « Livre des rites » : « (…) Les sages de<br />

l’Antiquité comparaient la vertu au jade. Il est l’image de la<br />

bonté parce qu’il est doux au toucher, onctueux ; de la<br />

prudence, parce que <strong>se</strong>s veines sont fines, compactes, et qu’il<br />

est solide ; de la justice parce qu’il a des ang<strong>le</strong>s, mais ne<br />

b<strong>le</strong>s<strong>se</strong> pas ; de l’urbanité, parce que suspendu (à la ceinture),<br />

il <strong>se</strong>mb<strong>le</strong> descendre jusqu’à terre ; de la musique, parce que<br />

par la percussion on en tire des sons clairs, é<strong>le</strong>vés, prolongés<br />

et finissant d’une manière abrupte ; de la sincérité, parce que<br />

son éclat n’est pas voilé par <strong>se</strong>s défauts ni <strong>le</strong>s défauts par son<br />

éclat ; de la bonne foi, parce que <strong>se</strong>s bel<strong>le</strong>s qualités<br />

intérieures <strong>se</strong> voient à l’extérieur de quelque côté qu’on <strong>le</strong><br />

considère ; du ciel parce qu’il res<strong>se</strong>mb<strong>le</strong> à un arc-en-ciel<br />

blanc ; de la terre parce que <strong>se</strong>s émanations sortent des<br />

montagnes et des f<strong>le</strong>uves ; de la vertu parce qu’on en <strong>fait</strong> des<br />

tab<strong>le</strong>ttes que <strong>le</strong>s envoyés des princes offrent <strong>se</strong>u<strong>le</strong>s (sans <strong>le</strong>s<br />

accompagner de pré<strong>se</strong>nts) ; de la voie de la vertu parce que<br />

chacun l’estime ».<br />

Les taoïstes confèrent à cette pierre des qualités<br />

exceptionnel<strong>le</strong>s supplémentaires : el<strong>le</strong> aurait des pouvoirs<br />

magiques et propitiatoires et apporterait l’immortalité.<br />

Parmi <strong>le</strong>s insignes de rang, <strong>le</strong>s agrafes de ceinture occupent<br />

une place de choix. El<strong>le</strong>s sont rehaussées d’animaux<br />

auspicieux et de créatures mythiques, d’images bouddhiques<br />

ou de décors floraux. L’objet pré<strong>se</strong>nté ici est muni d’un<br />

crochet d’agrafe formé du cou recourbé et de la tête d’un<br />

dragon aux yeux proéminents. En face, un petit dragon à<br />

57


quatre pattes et au <strong>corps</strong> reptilien repo<strong>se</strong> sur la tige de l’agrafe.<br />

Au revers de cel<strong>le</strong>-ci, <strong>se</strong> trouve <strong>le</strong> bouton de fixation.<br />

Le dragon est un animal bienfaisant en Chine, il règne sur <strong>le</strong><br />

ciel et <strong>le</strong>s eaux et est un des animaux symboliques des quatre<br />

points cardinaux, en l’occurrence l’Est. En tant qu’énergie<br />

cosmique, il apporte la prospérité et repous<strong>se</strong> <strong>le</strong>s démons et <strong>le</strong>s<br />

mauvais esprits.<br />

Agrafe de ceinture<br />

Jade<br />

Chine<br />

XIX e -XX e sièc<strong>le</strong><br />

L : 9,5 cm ; l : 1,9 cm<br />

Inv. C 270<br />

58


c) Signe rituel et protecteur<br />

C’est probab<strong>le</strong>ment son caractère inaltérab<strong>le</strong> qui explique que<br />

<strong>le</strong> jade fut très tôt associé, en Chine, au monde funéraire.<br />

Arborées la vie durant, <strong>le</strong>s <strong>parure</strong>s de jade sont souvent<br />

inhumées avec <strong>le</strong> défunt afin de garantir <strong>le</strong> respect postmortem<br />

qui lui est dû.<br />

Sous <strong>le</strong>s Han (206 av. J.-C.-220 ap. J.-C.), <strong>le</strong> <strong>corps</strong> du défunt<br />

de très haut rang est couvert d’un véritab<strong>le</strong> linceul de jade qui<br />

protège et con<strong>se</strong>rve <strong>le</strong> <strong>corps</strong>. Il arrive éga<strong>le</strong>ment que <strong>le</strong>s<br />

orifices naturels soient clos par de petits objets en jade qui<br />

sauvegardent l’énergie vita<strong>le</strong> de l’individu, <strong>le</strong> qi, et la<br />

retiennent à l’intérieur du <strong>corps</strong>. Ainsi, <strong>le</strong> défunt peut-il<br />

ressusciter ultérieurement.<br />

Parmi ces bouchons de jade, retenons la ciga<strong>le</strong> qui est toujours<br />

placée sur la langue de défunt. El<strong>le</strong> est un symbo<strong>le</strong> des cyc<strong>le</strong>s<br />

de transformations de la vie qu’el<strong>le</strong> évoque par <strong>se</strong>s propres<br />

métamorpho<strong>se</strong>s. En plaçant un tel animal dans la bouche du<br />

cadavre, <strong>le</strong>s Chinois espèrent qu’il apportera <strong>se</strong>s propriétés de<br />

pureté et d’inaltérabilité au défunt qui échappe ainsi à la mort<br />

en devenant <strong>se</strong>mblab<strong>le</strong> au jade. Ne dit-on pas, d’ail<strong>le</strong>urs, que<br />

<strong>le</strong>s immortels ont l’apparence du jade ?<br />

Sa forme trapézoïda<strong>le</strong> très stylisée est définie par des sillons<br />

vifs et nets qui confèrent une allure très moderne à l’objet.<br />

Ciga<strong>le</strong><br />

Néphrite<br />

Han occidentaux, Chine<br />

206 av. J.-C.- 8 ap. J.-C.<br />

L : 4,2 cm ; l : 2 cm<br />

Inv. L 62<br />

59


Le disque Bi <strong>fait</strong> partie des <strong>parure</strong>s funéraires de prédi<strong>le</strong>ction<br />

à l’époque des Royaumes Combattants (475-221 av. J.-C.) et<br />

des Hans (206 av. J.-C.-220 ap. J.-C). Placé directement sur <strong>le</strong><br />

cercueil, il apporte longévité au défunt. Le délicat motif de<br />

« grains qui germent » (en raison de sa res<strong>se</strong>mblance avec <strong>le</strong><br />

grain de riz en germination) qui couvre sa surface en font un<br />

objet délicat et raffiné.<br />

Disque BI<br />

Néphrite<br />

Royaumes Combattants-<br />

Han occidentaux, Chine<br />

481 av. J.-C.- 8 ap. J.-C.<br />

Diam : 4,4 cm<br />

Inv. L 21<br />

Il n’y a pas que <strong>le</strong> jade qui possède des vertus protectrices et<br />

magiques. La turquoi<strong>se</strong>, connue éga<strong>le</strong>ment pour <strong>se</strong>s vertus<br />

curatives et apotropaïques*, <strong>se</strong> retrouve dans de nombreu<strong>se</strong>s<br />

parties du monde. Au Ladakh, <strong>le</strong>s femmes la fixent sur <strong>le</strong>ur<br />

coiffure. Les cultures d’Amérique et du Mexique l’apprécient<br />

pour sa cou<strong>le</strong>ur qui évoque l’eau et la pluie, sources de vie.<br />

Les Aztèques l’associent au dieu de la pluie, Tlaloc, et<br />

l’offrent aux divinités de l’inframonde.<br />

60


Depuis <strong>le</strong>s temps <strong>le</strong>s plus reculés, la turquoi<strong>se</strong> joue un rô<strong>le</strong> très<br />

important lors des rituels de passage des ado<strong>le</strong>scentes navajos.<br />

À cette occasion, la jeune fil<strong>le</strong> est couverte de brace<strong>le</strong>ts et de<br />

colliers de turquoi<strong>se</strong> et d’argent qui lui assurent un avenir<br />

heureux.<br />

Notre brace<strong>le</strong>t, d’époque récente, témoigne de la survivance<br />

de ces anciennes croyances. Il <strong>se</strong> compo<strong>se</strong> de quatre fils<br />

d’argent rehaussés de trois grands cabochons de turquoi<strong>se</strong><br />

taillés grossièrement.<br />

En portant un bijou de ce type, on proclame ainsi à tous<br />

l’aisance et <strong>le</strong> prestige de sa famil<strong>le</strong>.<br />

Brace<strong>le</strong>t<br />

Turquoi<strong>se</strong>s et argent<br />

Navajo, États-Unis<br />

XX e sièc<strong>le</strong><br />

H : 5,6 cm ; l : 8,9 cm<br />

Inv. ETAM 2009.6.1<br />

Protégeant el<strong>le</strong> aussi du mauvais œil, l’ambre jaune séduit <strong>le</strong>s<br />

Berbères comme <strong>le</strong>s Mauritaniens, <strong>le</strong>s femmes d’Afrique<br />

comme cel<strong>le</strong>s de Mongolie. Évoquant par sa cou<strong>le</strong>ur<br />

flamboyante, <strong>le</strong> sang, la lumière et la vie, <strong>le</strong> corail est <strong>le</strong><br />

matériau bénéfique par excel<strong>le</strong>nce. Les Kaby<strong>le</strong>s <strong>le</strong> suspendent<br />

sous forme de bâtonnet au cou des nourrissons, <strong>le</strong>s mères s’en<br />

parent pour favori<strong>se</strong>r <strong>le</strong>s montées de lait, <strong>le</strong>s hommes pour<br />

61


stimu<strong>le</strong>r <strong>le</strong>ur ardeur <strong>se</strong>xuel<strong>le</strong>. Chez <strong>le</strong>s peup<strong>le</strong>s bouddhiques<br />

d’Asie, <strong>le</strong> corail <strong>se</strong> faufi<strong>le</strong> dans <strong>le</strong>s ornements des coiffures et<br />

des chape<strong>le</strong>ts, s’immisce dans <strong>le</strong>s brace<strong>le</strong>ts et <strong>le</strong>s bagues. La<br />

cornaline rehaus<strong>se</strong> de son ton chaud l’éclat des <strong>parure</strong>s<br />

féminines touaregs : <strong>le</strong>s jeunes femmes <strong>se</strong> parent de bagues<br />

d’argent incisées et rehaussées d’un chaton de cornaline dont<br />

la forme triangulaire renforce la fécondité et protège contre <strong>le</strong>s<br />

hémorragies, <strong>le</strong>s menstruations douloureu<strong>se</strong>s et <strong>le</strong>s faus<strong>se</strong>s<br />

couches.<br />

Bague<br />

Cornaline et argent<br />

Touareg, Niger<br />

XIX e -XX e sièc<strong>le</strong><br />

L : 11 cm ; l : 4 cm<br />

Coll. particulière<br />

Hautement protecteurs, <strong>le</strong>s clous de girof<strong>le</strong> sont<br />

particulièrement appréciés des populations d’Afrique du Nord.<br />

Portés en collier à l’état brut, ils chas<strong>se</strong>nt <strong>le</strong>s mauvais esprits,<br />

renforcent la virilité des hommes et enveloppent l’individu<br />

d’un parfum épicé.<br />

62


Collier<br />

Clous de girof<strong>le</strong>,<br />

copal,<br />

argent et cuivre<br />

Algérie<br />

XIX e -XX e sièc<strong>le</strong><br />

L : 69 cm<br />

Coll. particulière<br />

Le collier pré<strong>se</strong>nté ici <strong>se</strong> compo<strong>se</strong> d’un pendentif biconique<br />

évoquant un boîtier à amu<strong>le</strong>ttes auquel sont accrochés cinq<br />

grelots coniques. De part et d’autre, plusieurs rangs de clous<br />

de girof<strong>le</strong> sont entrecoupés de deux per<strong>le</strong>s de copal dont la<br />

cou<strong>le</strong>ur chaude rappel<strong>le</strong> cel<strong>le</strong> de l’ambre.<br />

Même si l’ambre, trop coûteux, a été remplacé dans ce cas-ci<br />

par une imitation bon marché de la même cou<strong>le</strong>ur, l’efficacité<br />

de l’objet reste intacte.<br />

Hormis <strong>le</strong>s matériaux utilisés, la forme de l’objet peut, à el<strong>le</strong><br />

<strong>se</strong>u<strong>le</strong>, repous<strong>se</strong>r <strong>le</strong>s forces néfastes et attirer la baraka. La<br />

plus courante dans <strong>le</strong> monde islamique est « la main de<br />

Fatima » ou « khamsa », <strong>le</strong> cinq. Issue d’anciennes croyances<br />

païennes, el<strong>le</strong> est investie de puissants pouvoirs et intervient<br />

dans tous <strong>le</strong>s moments importants de la vie. Ses cinq doigts<br />

évoquent <strong>le</strong>s cinq piliers de l’Islam : la profession de foi, la<br />

prière obligatoire, l’aumône, <strong>le</strong> jeûne pendant <strong>le</strong> mois de<br />

ramadan et <strong>le</strong> pè<strong>le</strong>rinage à La Mecque. Certains l’associent au<br />

63


manteau protecteur du prophète qui <strong>le</strong> couvrait lui, sa fil<strong>le</strong>,<br />

Fatima, son gendre Ali et <strong>se</strong>s deux petits-fils.<br />

Ainsi, en dessinant la main, l’homme <strong>se</strong> protége-t-il du<br />

malheur et du mauvais œil.<br />

Khamsa<br />

Argent<br />

Maroc<br />

XX e sièc<strong>le</strong><br />

L : 12 cm ; l : 9,2 cm<br />

Coll. particulière<br />

Les motifs ci<strong>se</strong>lés sur <strong>le</strong> bijou constituent, eux aussi, un<br />

rempart contre <strong>le</strong> mauvais sort. Animaux et objets aux vertus<br />

bienfaisantes <strong>se</strong> rencontrent, ici et là : poissons et volati<strong>le</strong>s<br />

apportant la fertilité, fer à cheval bénéfique ou encore poignard<br />

à va<strong>le</strong>ur prophylactique alternent avec des motifs végétaux et<br />

géométriques purement ornementaux.<br />

La tête et la poitrine font partie des endroits vulnérab<strong>le</strong>s sur<br />

<strong>le</strong>squels il convient de placer des ornements protecteurs.<br />

Ainsi, de petits étuis enfermant des passages du Coran, des<br />

formu<strong>le</strong>s incantatoires ou des matériaux magiques (piquants<br />

64


de hérisson, vertèbre de poisson, cauris, terre du tombeau d’un<br />

marabout …) sont-ils suspendus au cou, à même la peau, afin<br />

de <strong>le</strong>s rendre plus efficaces.<br />

C’est <strong>le</strong> cas de ce pendentif-amu<strong>le</strong>tte réalisé en verre, de<br />

forme ova<strong>le</strong>, qui pré<strong>se</strong>nte, des deux côtés, une inscription<br />

arabe gravée. Au centre, on reconnaît <strong>le</strong> nom d’Allah, tandis<br />

que sur <strong>le</strong> pourtour <strong>se</strong> dérou<strong>le</strong> une inscription continue tirée du<br />

112 e chapitre du Coran : « Invocation d’Ali qui <strong>fait</strong> apparaître<br />

<strong>le</strong>s prodiges. Votre recours dans <strong>le</strong>s malheurs, dans tous <strong>le</strong>s<br />

soucis, et la peine. Ô Mohamed il n’y a pas d’autres issues<br />

pour toi. Ô Ali, Ô Ali, Ô Ali ». Sur l’autre face, on distingue au<br />

centre <strong>le</strong> mot al-farid , « l’unique ».<br />

L’objet possède <strong>le</strong>s vertus protectrices du jade dont il imite la<br />

cou<strong>le</strong>ur verte.<br />

Amu<strong>le</strong>tte<br />

Verre<br />

Iran<br />

XVIII e -XIX e sièc<strong>le</strong>,<br />

L : 7,6 cm ; l : 6,3 cm<br />

Inv. IS 1058<br />

65


Dans <strong>le</strong> monde berbère, il arrive que <strong>le</strong>s bijoux soient à la fois<br />

talisman et épargne.<br />

Faci<strong>le</strong>ment monnayab<strong>le</strong>, ils constituent une ré<strong>se</strong>rve idéa<strong>le</strong><br />

dans laquel<strong>le</strong> <strong>le</strong> chef de famil<strong>le</strong> pui<strong>se</strong> dès que <strong>le</strong> besoin s’en<br />

<strong>fait</strong> <strong>se</strong>ntir. Ils reflètent éga<strong>le</strong>ment la prospérité d’une famil<strong>le</strong>.<br />

C’est au cours des négociations qui précèdent <strong>le</strong> mariage que<br />

<strong>le</strong> futur époux par<strong>le</strong>mente avec <strong>le</strong> père de la mariée. La dot<br />

consiste en bétail, accompagné d’une certaine somme d’argent<br />

et de bijoux : diadèmes, bouc<strong>le</strong>s d’oreil<strong>le</strong>s, fibu<strong>le</strong>s, colliers,<br />

brace<strong>le</strong>ts, anneaux de chevil<strong>le</strong>s, bagues et amu<strong>le</strong>ttes. La jeune<br />

femme n’exhibera son trous<strong>se</strong>au comp<strong>le</strong>t que lors de<br />

circonstances particulières (naissance, mariage, fête<br />

communautaire, ...). Pour <strong>se</strong>s travaux quotidiens, el<strong>le</strong> ne porte<br />

que des <strong>parure</strong>s simp<strong>le</strong>s et légères.<br />

Ces bijoux restent la propriété de la jeune femme et assurent<br />

sa sécurité matériel<strong>le</strong> même en cas de divorce.<br />

Parmi tous ces éléments de <strong>parure</strong>, la fibu<strong>le</strong> en argent est<br />

particulièrement appréciée par <strong>le</strong>s habitants de l’Atlas parce<br />

que, en plus d’être un élément de <strong>parure</strong> et une marque<br />

d’identité, el<strong>le</strong> a une fonction pratique : cel<strong>le</strong> d’attacher <strong>le</strong><br />

drapé féminin qui <strong>se</strong> veut sans couture et boutonnage.<br />

El<strong>le</strong> est aussi un talisman : tout d’abord parce que l’argent<br />

utilisé est un symbo<strong>le</strong> de chance et de pureté, ensuite, parce<br />

que sa forme étoilée évoque la magie du chiffre 5, un chiffre<br />

hautement protecteur. Quant à la forme triangulaire de ba<strong>se</strong>,<br />

el<strong>le</strong> renvoie à la femme et à la fécondité.<br />

La forme et l’ornementation des fibu<strong>le</strong>s varient en fonction<br />

des régions.<br />

66


La première fibu<strong>le</strong> comporte deux broches triangulaires<br />

munies de cinq branches et d’un cabochon conique au centre.<br />

El<strong>le</strong>s sont reliées entre el<strong>le</strong>s par une chaînette ornée, pour<br />

chacune d’el<strong>le</strong>s, d’une plaque rectangulaire en argent dotée<br />

d’un cabochon en pâte de verre rouge et d’un pendentif<br />

sphérique ajouré. Au centre, une sphère, ajourée el<strong>le</strong> aussi,<br />

rappel<strong>le</strong> par sa forme <strong>le</strong>s boîtiers à amu<strong>le</strong>ttes manuscrites. Le<br />

décor gravé linéaire ou en pointillé est es<strong>se</strong>ntiel<strong>le</strong>ment<br />

géométrique.<br />

Paire de fibu<strong>le</strong>s<br />

Argent, pâte de verre<br />

rouge<br />

Atlas, Maroc<br />

XIX e -XX e sièc<strong>le</strong><br />

L : 78,7 cm ; l : 10 cm<br />

Coll. particulière<br />

La deuxième fibu<strong>le</strong> est d’un sty<strong>le</strong> tota<strong>le</strong>ment différent : <strong>le</strong>s<br />

deux broches ci<strong>se</strong>lées et reliées par une chaînette sont ornées,<br />

au centre, d’un motif en haut-relief en forme d’amande autour<br />

duquel rayonnent huit amandes plus petites. Le pendentif<br />

ova<strong>le</strong> est richement décoré : ro<strong>se</strong>ttes incisées, cylindre de<br />

cornaline et dix per<strong>le</strong>s d’ambre suspendues.<br />

Chacune de ces fibu<strong>le</strong>s est munie d’une paire d’anneaux et<br />

d’ardillons* permettant d’attacher l’objet aux différentes<br />

couches de tissus.<br />

67


d) Signe de force<br />

Paire de fibu<strong>le</strong>s<br />

Cuivre couvert d’un alliage<br />

d’argent et d’étain<br />

Atlas, Maroc<br />

XIX e -XX e sièc<strong>le</strong><br />

L : 88 cm ; l : 10 cm<br />

Inv. IS 83.2.4<br />

Signe de féminité, la <strong>parure</strong> peut aussi, dans certains cas,<br />

exacerber la virilité et renforcer l’agressivité d’un individu.<br />

Ainsi, <strong>le</strong>s guerriers abelam de Nouvel<strong>le</strong>-Guinée <strong>se</strong> plantent-ils<br />

dans la bouche d’étonnants pectoraux, kara-ut, qui<br />

impressionnent <strong>le</strong>ur adversaire lors des combats.<br />

Un ouvrage en vannerie et en coquillage, réalisé par <strong>le</strong>s<br />

hommes, constitue la ba<strong>se</strong> de cet ornement. Il adopte la forme<br />

d’une figure humaine dont <strong>le</strong> visage, marqué par deux grands<br />

yeux de coquillage et un long nez, est encadré de deux<br />

défen<strong>se</strong>s de cochon.<br />

68


Pendant <strong>le</strong> combat <strong>le</strong> guerrier mord <strong>le</strong> bâtonnet fixé au dos de<br />

l’objet de sorte que <strong>le</strong>s défen<strong>se</strong>s de cochon, symbolisant la<br />

combativité et la férocité du sanglier, <strong>se</strong>mb<strong>le</strong>nt sortir de sa<br />

bouche, tandis que <strong>le</strong> personnage figuré, l’ennemi, mordu à la<br />

nuque, pend lamentab<strong>le</strong>ment. Ainsi portée, cette <strong>parure</strong><br />

désarçonne l’adversaire car el<strong>le</strong> exprime toute l’agressivité et<br />

la détermination du guerrier. El<strong>le</strong> revêt aussi une fonction<br />

protectrice : on dit qu’el<strong>le</strong> ôte toute peur à celui qui l’arbore et<br />

rend invulnérab<strong>le</strong> voire invisib<strong>le</strong>.<br />

Pectoral kara-ut<br />

Fibres végéta<strong>le</strong>s, coquillages<br />

Nassa, cauris, dents de<br />

cochon<br />

Abelam, Papouasie-Nouvel<strong>le</strong>-<br />

Guinée<br />

XX e sièc<strong>le</strong><br />

L : 34,4 cm ; l : 16,5 cm<br />

Coll. particulière<br />

69


V. PARFUMER SON CORPS<br />

L’art du parfum a été pratiqué par toutes <strong>le</strong>s civilisations de la<br />

Chine à Cordoue, de l’Antiquité à l’époque moderne.<br />

Les premiers parfums furent sans doute destinés aux dieux.<br />

Dans la Bib<strong>le</strong>, il est dit que Moï<strong>se</strong> <strong>se</strong> <strong>se</strong>rvit de parfum pour<br />

instituer <strong>le</strong> culte du vrai dieu dans <strong>le</strong> dé<strong>se</strong>rt. Et dans « Le<br />

Cantique des Cantiques » (IV, 6), <strong>le</strong>s <strong>se</strong>ins de la bien-aimée<br />

sont désignés par <strong>le</strong>s termes de « collines d’encens » et de<br />

« montagne de myrrhe ».<br />

Le royaume de Saba est alors au cœur du commerce de<br />

l’encens. On y cultive très tôt l’arbre à oliban* et l’arbre à<br />

myrrhe* afin d’en extraire une résine aux odeurs balsamiques,<br />

terreu<strong>se</strong>s et aromatiques, véritab<strong>le</strong>s <strong>se</strong>nteurs divines.<br />

Du monde sacré, <strong>le</strong>s parfums gagnent peu à peu <strong>le</strong> monde<br />

profane.<br />

En Inde, dès <strong>le</strong>s époques <strong>le</strong>s plus anciennes, la beauté n’est<br />

pas <strong>se</strong>u<strong>le</strong>ment une question d’apparence, el<strong>le</strong> tient éga<strong>le</strong>ment<br />

aux <strong>se</strong>nteurs et aux odeurs. Selon <strong>le</strong> fameux texte du Kamasutra<br />

: « l’amoureux doit chaque jour après avoir pris son<br />

bain, s’enduire d’onguents, de parfum, de cire d’abeil<strong>le</strong>,<br />

s’appliquer de la laque et du bétel et prendre un bain de<br />

bouche ». Les parfums utilisés sont fabriqués soit à partir de<br />

résines d’arbre et de plantes : bois de santal, bois d’aloès,<br />

camphre ; soit à partir de sécrétions anima<strong>le</strong>s : musc (extrait<br />

des glandes du chevrotain de l’Himalaya) et hui<strong>le</strong> de civette<br />

(provient d’une glande du chat musqué).<br />

Une grande partie de ces produits viennent de régions fort<br />

éloignées du continent, aussi la plupart des onguents sont-ils<br />

ré<strong>se</strong>rvés à l’élite.<br />

70


Pour <strong>le</strong>s Chinois, la plus bel<strong>le</strong> des femmes est cel<strong>le</strong> dont <strong>le</strong><br />

<strong>corps</strong> dégage un parfum si subtil qu’il <strong>se</strong> confond avec el<strong>le</strong>. La<br />

poursuite de cet idéal est un effort de tous <strong>le</strong>s instants. Au<br />

départ, on <strong>fait</strong> bouillir l’eau du bain avec des arômes naturels<br />

pour <strong>le</strong> parfumer, puis sous <strong>le</strong>s Tang (618-907 ap. J.-C.), une<br />

nouvel<strong>le</strong> pratique émerge : appliquée régulièrement, la poudre<br />

parfumée finit par fusionner avec <strong>le</strong> <strong>corps</strong> dont il émane une<br />

fragrance naturel<strong>le</strong>. Sous <strong>le</strong>s Song (960-1234 ap. J.-C.), on ira<br />

même jusqu’à mélanger la poudre parfumée à cel<strong>le</strong> du<br />

vermillon pour obtenir des tons ro<strong>se</strong>s proches de la cou<strong>le</strong>ur de<br />

la peau. Couvert de cette poudre ro<strong>se</strong>, <strong>le</strong> <strong>corps</strong> féminin est<br />

comparé à une pierre chatoyante. Il fascine <strong>le</strong>s hommes qui<br />

fantasment sur <strong>le</strong>s traces ro<strong>se</strong>s laissées sur <strong>le</strong>s habits et <strong>le</strong>s<br />

mouchoirs et sur l’odeur de parfum et de sueurs mêlés.<br />

Dans <strong>le</strong> Coran, il est dit que <strong>le</strong> fidè<strong>le</strong> doit ob<strong>se</strong>rver et<br />

contemp<strong>le</strong>r la nature et <strong>se</strong>s prodiges. En contemplant la nature,<br />

l’homme exprime son amour pour son créateur. C’est ainsi<br />

que la société musulmane a développé un goût exquis pour <strong>le</strong>s<br />

f<strong>le</strong>urs, <strong>le</strong>s plantes et <strong>le</strong>s baumes aromatiques ainsi que pour <strong>le</strong>s<br />

parfums et <strong>le</strong>s arômes qui en décou<strong>le</strong>nt.<br />

Les parfums envahis<strong>se</strong>nt la vie quotidienne, aussi bien dans<br />

<strong>le</strong>s mosquées que dans <strong>le</strong>s espaces privés.<br />

Ibn Zuhr de Sévil<strong>le</strong> (XII e sièc<strong>le</strong> ap. J.-C.) et Ibn-Al-Khatib de<br />

Grenade (XIV e sièc<strong>le</strong> ap. J.-C.), dévoi<strong>le</strong>nt <strong>le</strong>s <strong>se</strong>crets de ces<br />

fragrances : el<strong>le</strong>s <strong>se</strong> compo<strong>se</strong>nt d’aloès indien et de santal, de<br />

ro<strong>se</strong> et de jasmin, de résines (encens ou myrrhe) et de<br />

substances anima<strong>le</strong>s, comme l’ambre gris et <strong>le</strong> musc, et à<br />

chaque saison correspond un parfum bien défini.<br />

71


Fio<strong>le</strong> à parfum<br />

Verre soufflé<br />

Proche-Orient ou<br />

Moyen-Orient<br />

IX e -X e sièc<strong>le</strong> ap. J.-C.<br />

H : 6 cm ; Diam : 5,2 cm<br />

Inv. IS VE.58<br />

Fio<strong>le</strong> à parfum<br />

Verre soufflé<br />

Moyen-Orient<br />

VIII e -X e sièc<strong>le</strong> ap. J.-C.<br />

H : 6,6 cm ; Diam : 2,4 cm<br />

Inv. IS A.3650<br />

Ces parfums sont précieu<strong>se</strong>ment con<strong>se</strong>rvés dans des fio<strong>le</strong>s de<br />

verre ou de métal, de formes variées : la fio<strong>le</strong> en verre<br />

translucide de cou<strong>le</strong>ur vert olive, est d’une grande simplicité :<br />

el<strong>le</strong> est munie d’une pan<strong>se</strong> pommiforme ornée de côtes<br />

vertica<strong>le</strong>s et qui <strong>se</strong> poursuit par un haut col. L’aiguière a,<br />

quant à el<strong>le</strong>, une forme plus élancée. Sa pan<strong>se</strong> piriforme<br />

repo<strong>se</strong> sur un pied circulaire et est ornée d’un décor<br />

damasquiné or et argent évoquant des f<strong>le</strong>urs et des arabesques.<br />

Son col fin et délicat <strong>se</strong> termine par un élégant bec ver<strong>se</strong>ur<br />

72


fermé par un bouchon en amande. Une fine an<strong>se</strong> en forme de<br />

volutes apporte encore un élan supplémentaire à l’objet.<br />

Aiguière<br />

Acier damasquiné d’or<br />

et d’argent<br />

Per<strong>se</strong><br />

XX e sièc<strong>le</strong><br />

H : 21,5 cm<br />

Inv. EO 548<br />

On raconte dans « Les Mil<strong>le</strong> et Une Nuits » que c’est la<br />

sultane Mourka Hama qui découvrit <strong>le</strong>s hui<strong>le</strong>s es<strong>se</strong>ntiel<strong>le</strong>s.<br />

Alors que l’eau de son bain chauf<strong>fait</strong> au so<strong>le</strong>il, <strong>le</strong>s péta<strong>le</strong>s de<br />

ro<strong>se</strong> dont el<strong>le</strong> avait parfumé l’eau <strong>se</strong> mirent à exsuder une<br />

hui<strong>le</strong> à odeur forte et pénétrante, flottant à la surface. À<br />

compter de ce jour, Mourka Hama <strong>se</strong> parfuma à l’es<strong>se</strong>nce de<br />

ro<strong>se</strong> et dans <strong>le</strong> monde arabe, <strong>le</strong>s femmes ne quittent pas <strong>le</strong><br />

hammam sans en avoir imbibé chevelure et vêtement.<br />

73


Dans l’Inde mogho<strong>le</strong>, l’action des parfums ne <strong>se</strong> limite pas à<br />

la mi<strong>se</strong> en va<strong>le</strong>ur du <strong>corps</strong> mais s’étend au fonctionnement de<br />

l’organisme. Selon la théorie médica<strong>le</strong> Yunani, il faut sans<br />

ces<strong>se</strong> maintenir l’équilibre entre <strong>le</strong>s quatre humeurs<br />

corporel<strong>le</strong>s, et <strong>le</strong>s maladies résultent d’un déséquilibre d’une<br />

de ces humeurs.<br />

Selon <strong>le</strong>s conceptions du médecin Ibn Sina ou Avicenne (980-<br />

1037 ap. J.-C.), <strong>le</strong> cœur, <strong>le</strong> siège de l’esprit vital doit être<br />

renforcé par l’usage de parfums.<br />

Influant à la fois sur la santé physique et mora<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s parfums<br />

sont décrits comme stimulants, capab<strong>le</strong> de vivifier l’esprit et<br />

de restaurer l’équilibre corporel. Ils sont à la fois ornements et<br />

remèdes.<br />

Ibn Sina affirme dans <strong>se</strong>s œuvres « Le canon de la médecine »<br />

et « Le livre de la guérison de l’âme » que l’âme des plantes<br />

réside dans <strong>le</strong>urs parfums subtils et que ces derniers peuvent<br />

avoir des effets salutaires sur l’âme des êtres humains.<br />

Certains parfums sont frottés et pulvérisés sur différentes<br />

parties du <strong>corps</strong>, d’autres sont ingérés sous forme de pilu<strong>le</strong>s,<br />

saupoudrés sur la nourriture ou mâchés avec des feuil<strong>le</strong>s de<br />

bétel pour donner une bonne ha<strong>le</strong>ine. La mauvai<strong>se</strong> ha<strong>le</strong>ine est,<br />

en effet, considérée comme une offen<strong>se</strong> intolérab<strong>le</strong>.<br />

Enfin, <strong>le</strong>s parfums auront aussi, dans certains cas, un usage<br />

politique. Offerts en cadeau diplomatique, ils facilitent <strong>le</strong>s<br />

liens sociaux et <strong>le</strong>s alliances.<br />

Au Niger, <strong>le</strong>s parfums ponctuent tous <strong>le</strong>s grands moments de<br />

l’existence. Ils sont d’ail<strong>le</strong>urs devenus indispensab<strong>le</strong>s aux<br />

rituels de mariage de la jeune fil<strong>le</strong> toubou. La famil<strong>le</strong> du<br />

futur époux offre à la jeune fil<strong>le</strong> de grandes quantités de<br />

74


parfum apportées dans des peaux de chèvre cousues. La future<br />

épou<strong>se</strong> est parfumée <strong>se</strong>lon un rituel comp<strong>le</strong>xe s’étendant sur<br />

plusieurs jours. Un beurre parfumé, constitué d’un bois<br />

aromatique, de beurre et de gomme, est étalé sur la chevelure<br />

de la jeune fil<strong>le</strong> puis, au cours des jours qui suivent, tout <strong>le</strong><br />

<strong>corps</strong> est imbibé de <strong>se</strong>nteurs : visage, cou, dos, poitrine et<br />

membres sont frictionnés de beurres parfumés.<br />

Le jour du mariage, un mélange de beurre fondu et de lait<br />

caillé est versé sur <strong>le</strong>s mains des fiancés. On dit alors que <strong>le</strong><br />

mariage « est attaché ».<br />

Le rituel de parfumer la peau <strong>se</strong> poursuivra encore une<br />

<strong>se</strong>maine après <strong>le</strong>s noces au rythme d’un massage par jour.<br />

75


Supervision scientifique : Sergio PURINI, con<strong>se</strong>rvateur des col<strong>le</strong>ctions<br />

Amérique; Mieke VAN RAEMDONCK, con<strong>se</strong>rvateur des col<strong>le</strong>ctions<br />

islamiques; Il<strong>se</strong> TIMPERMAN, con<strong>se</strong>rvateur des col<strong>le</strong>ctions Japon,<br />

Chine et Corée; Nathalie VANDEPERRE, responsab<strong>le</strong> des Musées<br />

d’Extrême-Orient à Laeken; Miriam LAMBRECHT, con<strong>se</strong>rvateur des<br />

col<strong>le</strong>ctions Inde et Sud-est asiatique; Nicolas CAUWE, con<strong>se</strong>rvateur<br />

des col<strong>le</strong>ctions Océanie<br />

Auteur : Nathalie HALGAND<br />

Textes : Re<strong>le</strong>cture : Dominique COUPÉ<br />

Graphisme : Isabel<strong>le</strong> HODIAUMONT<br />

Traductrice : Mar<strong>le</strong>en CAPPELLEMANS<br />

Mi<strong>se</strong> en page : Aurélie PIÉRART<br />

Photographies : Marc-Henri WILLIOT PARMENTIER, MRAH; Serge<br />

GUIRAUD, Jabiru PROD, J.-M. VANDYCK, MRAC Tervueren.<br />

Éditeur responsab<strong>le</strong> : Michel DRAGUET, 10 Parc du Cinquantenaire,<br />

1000 Bruxel<strong>le</strong>s.<br />

© Musées royaux d’Art et d’Histoire, Service éducatif et culturel.<br />

Dépôt légal : D/2011/0550/1<br />

76


GLOSSAIRE<br />

Apotropaïque : qui conjure <strong>le</strong> mauvais sort et détourne <strong>le</strong>s<br />

influences maléfiques.<br />

Ardillon : pointe métallique <strong>se</strong>rvant à attacher un objet aux<br />

différentes couches de tissus.<br />

Baraka : terme d'origine arabe qui signifie sages<strong>se</strong> ou<br />

bénédiction<br />

Cochenil<strong>le</strong> : in<strong>se</strong>cte parasite qui fournit une teinture rouge, <strong>le</strong><br />

carmin.<br />

Gal<strong>le</strong>: excroissance produite sur une plante suite à la piqûre<br />

d’un in<strong>se</strong>cte parasite.<br />

Méconium : matière contenue dans l’intestin du fœtus et<br />

expulsée après la naissance<br />

Myrrhe : résine aromatique produite par l’Arbre à myrrhe.<br />

Noix de Bancoul : fruit du bancoulier, un arbre originaire de<br />

Malaisie et du Pacifique<br />

Oliban : résine aromatique extraite de l’Arbre à encens.<br />

Pandanus : plante tropica<strong>le</strong> dont <strong>le</strong>s feuil<strong>le</strong>s parfumées sont<br />

utilisées dans la fabrication d’hui<strong>le</strong> et de savon.<br />

Prophylactique : qui a une va<strong>le</strong>ur protectrice.<br />

77


Santal : arbuste originaire de l’Inde, de Malaisie et<br />

d’Australie dont <strong>le</strong> bois est utilisé en parfumerie.<br />

Tamaris : arbuste des régions méditerranéennes.<br />

Ti : arbuste à f<strong>le</strong>urs persistantes, originaire des régions<br />

tropica<strong>le</strong>s.<br />

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