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Les affichistes - Musée des beaux-arts de Rennes

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Raymond Hains<br />

<strong>Les</strong> noms <strong><strong>de</strong>s</strong> nouveaux réalistes éclatés au verre cannelé, 1960<br />

4 ème <strong>de</strong> couverture du catalogue <strong>de</strong> l'exposition réalisée à la galerie Apollinaire, Milan, mai 1960<br />

Dossier pédagogique<br />

<strong>Les</strong> Nouveaux réalistes : les <strong>affichistes</strong><br />

[le langage]<br />

<strong>Musée</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>beaux</strong>-<strong>arts</strong><br />

20, quai Emile Zola – 35000 <strong>Rennes</strong>


Dossier réalisé<br />

en 2006<br />

Nous remercions chaleureusement Madame Valérie Lagier ainsi que le FRAC Bretagne, qui, par la<br />

rédaction <strong><strong>de</strong>s</strong> notices d'œuvres et d'une partie <strong><strong>de</strong>s</strong> textes contenus dans ce dossier ont collaboré à la<br />

mise en place <strong>de</strong> cet outil pédagogique.<br />

<strong>Musée</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>beaux</strong>-<strong>arts</strong> <strong>de</strong> <strong>Rennes</strong> - www.mbar.org > 2


SOMMAIRE<br />

CONTEXTE HISTORIQUE<br />

Dada<br />

La typographie<br />

<strong>Les</strong> affiches<br />

<strong>Les</strong> nouveaux réalistes<br />

<strong>Les</strong> éléments constitutifs du langage<br />

Chronologie<br />

LES SIGNATAIRES DE LA DECLARATION DU NOUVEAU REALISME<br />

Yves Klein<br />

Arman<br />

Jean Tinguely<br />

Daniel Spoerri<br />

Martial Raysse<br />

François Dufrêne (biographie et textes)<br />

Raymond Hains (biographie et textes)<br />

Jacques Villeglé (biographie et textes)<br />

NOTICES DES ŒUVRES DU MUSEE DES BEAUX-ARTS<br />

. Jacques Villeglé, <strong>Les</strong> Nymphéas, 1957<br />

. Raymond Hains, Affiches lacérées sur tôle, 1959<br />

. Jacques Villeglé, Boulevard du Montparnasse, 1964<br />

. François Dufrêne, Thé + odorat ... qui s’ébaudit ? - Nono !, 1973<br />

OUTILS PEDAGOGIQUES<br />

<strong>Musée</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>beaux</strong>-<strong>arts</strong> <strong>de</strong> <strong>Rennes</strong> - www.mbar.org > 3<br />

[ 04]<br />

[ 12]<br />

[ 18]<br />

[ 26]<br />

[ 34]<br />

- Matériel pédagogique [ 45]<br />

Valise <strong><strong>de</strong>s</strong> mots (prêt à <strong><strong>de</strong>s</strong>tination du Premier <strong>de</strong>gré)<br />

Quatre panneaux <strong>de</strong> présentation (prêt à <strong><strong>de</strong>s</strong>tination du Premier <strong>de</strong>gré)<br />

Valisette " <strong>Les</strong> avant-gar<strong><strong>de</strong>s</strong> au XXe siècle " (prêt à <strong><strong>de</strong>s</strong>tination du Second <strong>de</strong>gré)<br />

- Animations proposées aux écoles maternelles et élémentaires [ 48]<br />

- Parcours-découverte " Le paysage urbain " <strong><strong>de</strong>s</strong>tiné aux collèges et lycées [ 49]<br />

PROPOSITIONS PEDAGOGIQUES<br />

A <strong><strong>de</strong>s</strong>tination <strong><strong>de</strong>s</strong> écoles maternelles et élémentaires<br />

BIBLIOGRAPHIE - OUTILS MULTI MEDIA<br />

[ 39]<br />

[ 44]<br />

[ 50]<br />

[ 54]


CONTEXTE HISTORIQUE<br />

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Dada<br />

La guerre <strong>de</strong> 1914, par sa brutalité et son absurdité, provoque chez <strong>de</strong> nombreux artistes européens<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> réactions <strong>de</strong> violente contestation. <strong>Les</strong> formes classiques d'expression artistique se révèlent pour<br />

eux impuissantes à donner une vision du mon<strong>de</strong>, alors bouleversé par la guerre. En 1916, <strong><strong>de</strong>s</strong> artistes,<br />

écrivains, musiciens se réunissent sous le nom <strong>de</strong> Dada, inventé par l'un d'eux, Tristan Tzara. <strong>Les</strong><br />

premières rencontres ont lieu à Zurich au cabaret Voltaire. A la même pério<strong>de</strong>, New York <strong>de</strong>vient aussi<br />

une ville d'accueil pour les dadaïstes. Dès la fin <strong>de</strong> la guerre, Dada essaime dans d'autres métropoles<br />

européennes : Berlin, Cologne, Hanovre, Paris.<br />

Tous ces artistes expriment par leurs œuvres un, même désir <strong>de</strong> puiser dans la réalité la plus banale,<br />

d'utiliser <strong><strong>de</strong>s</strong> matériaux ordinaires ou récupérés. <strong>Les</strong> limites entre les différents genres artistiques,<br />

peinture, sculpture, photographie, musique, écriture… volent en éclat.<br />

A l'image du chaos qui semble s'être emparé du mon<strong>de</strong> occi<strong>de</strong>ntal, la fragmentation <strong><strong>de</strong>s</strong> images, <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

matériaux, <strong><strong>de</strong>s</strong> mots et <strong><strong>de</strong>s</strong> sons <strong>de</strong>vient élément <strong>de</strong> base <strong>de</strong> réalisations aux formes multiples :<br />

collages, assemblages, photomontages, installations, poèmes phonétiques.<br />

Enfin, le hasard et le non-sens interviennent largement dans la création <strong><strong>de</strong>s</strong> œuvres.<br />

Ecoutez " Dritter teil " <strong>de</strong> Kurt Schwitters<br />

sur http://www.ac-creteil.fr/crdp/artecole/<strong>de</strong>-visu/mzk-ap/mzk-ap-exemples.htm<br />

[2' 43'']<br />

Gran<strong>de</strong> figure du dadaïsme, il élabore au cours <strong><strong>de</strong>s</strong> années vingt <strong><strong>de</strong>s</strong> poésies sonores basées sur le<br />

rapprochement incongru <strong>de</strong> lettres ; sorte <strong>de</strong> collage vocal, ces compositions sont un écho à ses<br />

créations Mertz.<br />

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La typographie<br />

Dès la fin du XIXème siècle, <strong><strong>de</strong>s</strong> écrivains cherchent à dépasser le sens direct <strong><strong>de</strong>s</strong> mots pour envisager<br />

l'écriture comme un tout, phonétique et visuel. Ainsi le poète Stéphane Mallarmé lorsqu'il écrit Un coup<br />

<strong>de</strong> dé jamais n'abolira le hasard insiste sur l'importance <strong><strong>de</strong>s</strong> blancs autant que sur celle <strong><strong>de</strong>s</strong> surfaces<br />

imprimées ; il surveille les alignements, la disposition <strong><strong>de</strong>s</strong> lignes et <strong><strong>de</strong>s</strong> caractères, leur épaisseur. Cette<br />

conception représente en quelque sorte l'un <strong><strong>de</strong>s</strong> actes <strong>de</strong> naissance <strong>de</strong> la typographie mo<strong>de</strong>rne.<br />

Celle-ci <strong>de</strong>vient l'architecture <strong>de</strong> la page : la répartition <strong><strong>de</strong>s</strong> blanc et <strong><strong>de</strong>s</strong> noirs doit favoriser la lecture<br />

tout en créant une composition originale. Pour cela, le <strong><strong>de</strong>s</strong>sin <strong><strong>de</strong>s</strong> caractères (épaisseur, taille) et leur<br />

utilisation (espacement <strong><strong>de</strong>s</strong> lettres, <strong><strong>de</strong>s</strong> mots, <strong><strong>de</strong>s</strong> lignes, <strong><strong>de</strong>s</strong> paragraphes et rapport du texte au format<br />

<strong>de</strong> la page) sont essentiels.<br />

La typographie est une discipline importante car elle est aussi à l'origine <strong>de</strong> la publicité contemporaine.<br />

<strong>Les</strong> premières années du XXème siècle marquent le début d'une pério<strong>de</strong> très favorable au<br />

développement <strong>de</strong> cette activité. En effet, à travers l'Europe, plusieurs mouvements artistiques<br />

remettent en cause les formes et les moyens traditionnels <strong>de</strong> l'art.<br />

Bon nombre d'artistes s'efforcent <strong>de</strong> briser les frontières entre les différents domaines <strong>de</strong> l'activité<br />

humaine. Le poète russe Maïakowsky déclare alors :<br />

" L'art ne doit plus rester confiné dans les sanctuaires <strong>de</strong> la mort que sont les musées. Il doit se diffuser<br />

partout, dans les rues, les tramways, les usines, les ateliers, chez le travailleurs. "<br />

Cet état d'esprit pousse les créateurs à collaborer avec les éditeurs ou les industriels. El Lissitsky,<br />

Schwitters, Rodtchenko, Van Doesburg, Arp et bien d'autres participent à la conception <strong>de</strong> livres, <strong>de</strong><br />

catalogues, <strong>de</strong> publicité ou même élaborent <strong><strong>de</strong>s</strong> règles <strong>de</strong> base pour une bonne typographie ; par<br />

exemple, Kurt Schwitters écrit dans sa revue Merz :<br />

" Dans certaines circonstances la typographie peut aussi être <strong>de</strong> l'art "<br />

" <strong>Les</strong> parties non imprimées <strong>de</strong> la page imprimée constituent également <strong><strong>de</strong>s</strong> valeurs positives pour la<br />

typographie "<br />

" Qualité <strong><strong>de</strong>s</strong> caractères signifie simplicité et beauté. La simplicité inclut les notions <strong>de</strong> clarté, d'évi<strong>de</strong>nce<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> formes correspondant aux besoins, d'élimination <strong>de</strong> toute fioriture superflue "<br />

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<strong>Les</strong> affiches<br />

Dans l'antiquité déjà, on connaît l'usage d'avis placardés sur les murs pour informer la population.<br />

Cependant la diffusion en gran<strong>de</strong> quantité <strong>de</strong> textes parfois illustrés s'est faite avec l'apparition <strong>de</strong><br />

l'imprimerie au XVème siècle.<br />

L'Eglise, les souverains, tout comme les commerçants, les artisans reconnaissent très vite les<br />

avantages <strong>de</strong> cette nouvelle technique et l'utilisent abondamment. Des tracs sont ainsi régulièrement<br />

diffusés pour influencer l'opinion publique autant que pour l'informer.<br />

Durant la <strong>de</strong>uxième moitié du XXème siècle, le développement <strong>de</strong> la société industrielle, la production<br />

en quantité <strong>de</strong> toutes sortes <strong>de</strong> nouveaux objets, mais aussi d'importants bouleversements sociaux et<br />

politiques favorisent une expansion extraordinaire <strong>de</strong> l'affichage urbain.<br />

" L'affiche publicitaire est fille <strong>de</strong> la révolution industrielle et sa prolifération est le reflet <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

transformations économiques et sociales <strong>de</strong> l'époque. "<br />

Pierre Restany<br />

<strong>Les</strong> affiches <strong>de</strong>viennent un baromètre <strong><strong>de</strong>s</strong> événements et <strong><strong>de</strong>s</strong> rapports sociaux, économiques,<br />

politiques et culturels.<br />

" L'affiche est en quelque sorte l'histoire au jour le jour et constitue le seul vrai journal du mon<strong>de</strong> par son<br />

caractère direct, son texte volontairement concis <strong><strong>de</strong>s</strong>tiné à être vite lu et à frapper l'opinion. "<br />

Marc Vincent<br />

Peu à peu, les affiches envahissent les murs <strong><strong>de</strong>s</strong> villes et modifient notre environnement. Afin<br />

d'organiser ces placardages sauvages, différents moyens sont utilisés. En 1881, par exemple, une loi<br />

importante est votée le 29 juillet : elle interdit l'affichage libre et impose <strong>de</strong> coller les affiches sur <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

emplacements réservés à cet effet. Ceux-ci peuvent être <strong>de</strong> simples panneaux ou <strong>de</strong> véritables petites<br />

constructions (kiosques, colonnes Morris…).<br />

L'importance <strong>de</strong> la publicité dans le paysage urbain est telle, déjà dans les premières années du<br />

XXème siècle qu'elle suscite l'enthousiasme <strong>de</strong> certains. L'écrivain Blaise Cendrars adresse ainsi ces<br />

réflexions au célèbre créateur d'affiches Cassandre :<br />

" La publicité est la fleur <strong>de</strong> la vie contemporaine ; elle est une affirmation d'optimisme et <strong>de</strong> gaieté ; elle<br />

distrait l'œil et l'esprit.<br />

… Avez-vous déjà pensé à la tristesse que représentaient les rues, les places, les gares, le métro, les<br />

palaces, les dancings, les cinémas, le wagon-restaurant, les voyages, les routes pour automobiles, la<br />

nature sans les innombrables affiches, sans les vitrines…, sans les enseignes lumineuses, sans les<br />

boniments <strong><strong>de</strong>s</strong> hauts-parleurs, et concevez-vous la tristesse et la monotonie <strong><strong>de</strong>s</strong> repas et <strong><strong>de</strong>s</strong> vins sans<br />

les menus polychromes et sans les belles étiquettes ?<br />

Oui, vraiment la publicité est la plus belle expression <strong>de</strong> notre époque, la plus gran<strong>de</strong> nouveauté du<br />

jour, un art. "<br />

Au len<strong>de</strong>main <strong>de</strong> la <strong>de</strong>uxième guerre mondiale, la pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> reconstruction <strong><strong>de</strong>s</strong> années cinquante, puis<br />

le boom économique <strong><strong>de</strong>s</strong> années soixante accélèrent prodigieusement l'invasion <strong><strong>de</strong>s</strong> murs <strong>de</strong> la ville<br />

par les affiches publicitaires. <strong>Les</strong> événements politiques majeurs ou les conflits sociaux sont également<br />

propices à l'éclosion <strong>de</strong> campagnes d'affichage.<br />

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<strong>Les</strong> nouveaux réalistes<br />

Le jeudi 27 octobre 1960, huit artistes et un critique<br />

se réunissent au domicile <strong>de</strong> l'un d'eux pour signer<br />

une déclaration qui propose une définition commune<br />

<strong>de</strong> leur pratique artistique. Le Nouveau Réalisme<br />

nommé par le critique Pierre Restany est né.<br />

" <strong>Les</strong> Nouveaux Réalistes ont pris conscience <strong>de</strong> leur<br />

singularité collective.<br />

Nouveau Réalisme = nouvelles approches<br />

perceptives du réel. "<br />

<strong>Les</strong> signataires <strong>de</strong> ce manifeste sont Arman,<br />

Dufrêne, Hains, Klein, Raysse, Spoerri, Tinguely,<br />

Villeglé et Restany. Plus tard, César, Rotella, Niki <strong>de</strong><br />

Saint-Phalle et Christo se joignent au mouvement.<br />

Ces artistes rejettent chacun à leur manière le travail<br />

du peintre.<br />

Ils préfèrent puiser dans le mon<strong>de</strong> quotidien <strong>de</strong> la société <strong>de</strong> consommation, particulièrement prospère<br />

durant les années <strong>de</strong> reconstruction <strong>de</strong> l'immédiat après-guerre. La ville est leur terrain <strong>de</strong> prédilection.<br />

<strong>Musée</strong> National d'Art Mo<strong>de</strong>rne, Paris<br />

Arman, Villeglé, Dufrêne, Restany et Hains chez Yves Klein,<br />

14 rue Campagne Première, Paris, le 27 octobre 1960.<br />

Ils s'approprient ainsi toutes sortes d'objets banals, usés<br />

ou <strong>de</strong> matériaux récupérés qu'ils soumettent à diverses<br />

manipulations :<br />

Décollage :<br />

Dufrêne<br />

Hains<br />

Rotella<br />

Villeglé<br />

Compression :<br />

César<br />

Accumulation :<br />

Arman<br />

Empaquetage :<br />

Christo<br />

" Ce qui est la réalité <strong>de</strong> notre contexte quotidien, c'est la ville ou l'usine (…) L'appropriation directe du<br />

réel est la loi <strong>de</strong> notre présent.<br />

Certains artistes actuels ont pris sur eux d'en assurer le parti pris. Ce sont <strong><strong>de</strong>s</strong> naturalistes d'un genre<br />

spécial : bien plus que <strong>de</strong> représentation, nous <strong>de</strong>vrions parler <strong>de</strong> présentation <strong>de</strong> la nature mo<strong>de</strong>rne. Il<br />

y a en effet dans toutes ces expressions objectives une évi<strong>de</strong>nte et inexorable finalité : celle <strong>de</strong> nous<br />

faire poser un regard neuf sur le mon<strong>de</strong> (...) Le mon<strong>de</strong> du produit standard, <strong>de</strong> la poubelle ou <strong>de</strong><br />

l'affiche est un tableau permanent. "<br />

Pierre Restany<br />

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<strong>Les</strong> éléments constitutifs du langage<br />

François Dufrêne, Raymond Hains et Jacques Villeglé sont communément regroupés sous la<br />

dénomination d'" Affichiste ". Ce terme est adopté par Raymond Hains et Jacques Villeglé dès 1949<br />

alors qu'ils commencent à récolter <strong><strong>de</strong>s</strong> affiches lacérées par <strong><strong>de</strong>s</strong> mains anonymes. Cependant,<br />

l'ensemble <strong>de</strong> ces artistes s'est intéressé à d'autres domaines artistiques visuel, sonore et littéraire.<br />

<strong>Les</strong> rencontres et collaborations entre ces artistes révèlent <strong><strong>de</strong>s</strong> préoccupations communes telles que le<br />

Lettrisme, la poésie sonore et les idéaux politiques. Elles contribuent à l'élaboration <strong>de</strong> pratiques<br />

artistiques originales face au contexte artistique <strong>de</strong> l'immédiate après-guerre.<br />

Photo André Morain<br />

Dufrêne, Villeglé, Rotella, Hains<br />

à la soirée "Poésie Sonore Poésie Action" <strong>de</strong> l'atelier d'Annick Le Moine en 1976.<br />

Le recours aux expositions collectives et l'adhésion au mouvement Nouveau Réalisme en 1960<br />

favorisent la diffusion et la promotion <strong>de</strong> leurs activités et répon<strong>de</strong>nt à la nécessité d'exercer et<br />

d'affirmer leur position sur la scène artistique nationale et internationale, alors monopolisée par les<br />

membres <strong>de</strong> l'Ecole <strong>de</strong> Paris, le Néo-Dadaïsme et le Pop-Art. Cependant le Nouveau Réalisme et les<br />

différentes manifestations qui l'accompagnent orientent et minimisent la perception <strong><strong>de</strong>s</strong> travaux <strong>de</strong><br />

François Dufrêne, Raymond Hains et Jacques Villeglé.<br />

En 1963, la dissolution du Nouveau Réalisme ne modifie en rien la poursuite artistique <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

décollagistes. Ainsi, en 1969, Jacques Villeglé élabore un nouveau langage à partir <strong><strong>de</strong>s</strong> " signes sociopolitiques<br />

", Raymond Hains approfondit et conceptualise ses expériences photographiques vers 1976.<br />

Avec l'avènement du Minimalisme, <strong>de</strong> l'Arte Povera, du Land Art et <strong>de</strong> l'Art Conceptuel, à la fin <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

années 1960, la pratique du décollage d'affiches lacérées et le Nouveau Réalisme en règle générale,<br />

passent sans transition du statut d'avant-gar<strong>de</strong> à celui <strong>de</strong> référence historique.<br />

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A seize ans, François Dufrêne rejoint le mouvement Lettriste fondé en 1945 à l'initiative d'Isidore Isou. Il<br />

se <strong><strong>de</strong>s</strong>tine alors à la poésie phonétique qui a pour particularité d'utiliser le mot non pas pour son sens<br />

grammatical ou conceptuel mais pour sa seule sonorité. En 1952, il crée, avec Marc'o et Yolan<strong>de</strong> du<br />

Luart le Soulèvement <strong>de</strong> la Jeunesse, un journal politique révolutionnaire et fon<strong>de</strong> l'Internationale<br />

Lettriste qu'il quitte l'année suivante car jugé trop conservateur. Il se consacre à ce qu'il appelle les<br />

crirythmes " ultralettristes ", forme <strong>de</strong> musique concrète créée directement et sans partition au<br />

magnétophone.<br />

L'artiste offre une nouvelle structuration du langage où les mots donnent naissance à <strong><strong>de</strong>s</strong> calembours,<br />

contrepétries... dans <strong><strong>de</strong>s</strong> associations verbales et musicales. Dès son adhésion au groupe <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

Décollagistes, il cherche, par les revers d'affiche, à traduire visuellement ses préoccupations poétiques.<br />

François Dufrêne, à travers ses différentes activités artistiques, a toujours voulu combattre l'arbitraire<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> règles du langage afin <strong>de</strong> mettre en évi<strong>de</strong>nce les possibilités illimitées qu'il peut offrir.<br />

L'intérêt <strong>de</strong> Jacques Villeglé est éveillé, lorsqu'en 1969, il voit les murs du métro parisien se couvrir <strong>de</strong><br />

graffiti lors <strong>de</strong> la visite <strong>de</strong> Richard Nixon à De Gaulle. Il découvre un nouveau système d'écriture qui<br />

s'élabore progressivement dans l'espace public. <strong>Les</strong> graffiti font appel à un co<strong>de</strong> <strong>de</strong> lecture spécifique,<br />

dans lequel interviennent <strong><strong>de</strong>s</strong> données politiques, sociales, religieuses, économiques... Après s'être<br />

approprié ce mo<strong>de</strong> d'expression anonyme, Jacques Villeglé recense, juxtapose et combine ces<br />

graphismes sur <strong><strong>de</strong>s</strong> toiles et <strong><strong>de</strong>s</strong> affiches. Il invente alors un nouveau langage.<br />

Ainsi le graphisme change <strong>de</strong> statut : sa valeur plastique est révélée et modifie le regard que l'on porte<br />

habituellement sur lui. Cependant, l'intention <strong>de</strong> Jacques Villeglé n'est pas d'élever un art <strong>de</strong> la rue au<br />

rang <strong>de</strong> grand art. Il met simplement en évi<strong>de</strong>nce un nouveau langage qui, outre les messages qu'il<br />

véhicule, possè<strong>de</strong> une indéniable valeur plastique. Jacques Villeglé souhaite questionner ces formes<br />

d'expression anonymes qui sont autant <strong>de</strong> discours. Il démontre en effet que tout système d'écriture<br />

constitue une forme <strong>de</strong> pouvoir.<br />

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Chronologie<br />

1945 : Rencontre <strong>de</strong> Raymond Hains et <strong>de</strong> Jacques Villeglé à l'Ecole <strong><strong>de</strong>s</strong> Beaux-Arts <strong>de</strong> <strong>Rennes</strong><br />

1946 : Dufrêne rejoint le groupe lettriste. Premières photographies hypnagogiques <strong>de</strong> Raymond Hains.<br />

1947 : Villeglé collecte <strong><strong>de</strong>s</strong> fragments du mur <strong>de</strong> l'Atlantique.<br />

1949 : Premières collectes d'affiches lacérées par Hains et Villeglé à Paris.<br />

Rotella compose ses premiers poèmes phonétiques.<br />

1953 : Premiers collages <strong>de</strong> Rotella à partir d'affiches lacérées.<br />

Rupture <strong>de</strong> Dufrêne avec les lettristes et premiers crirythmes ultralettristes enregistrés au<br />

magnétophone.<br />

Raymond Hains et Jacques Villeglé publient Hépérile éclaté, d'après un poème <strong>de</strong> Bryen.<br />

1954 : Rencontre <strong>de</strong> Dufrêne avec Hains et Villeglé. Vostell réalise ses premiers décollages d'affiches.<br />

1957 : Première exposition <strong><strong>de</strong>s</strong> affiches lacérées <strong>de</strong> Hains et Villeglé, galerie Colette Allendy, intitulée<br />

Loi du 29 juillet 1881.<br />

Dufrêne réalise ses premiers <strong><strong>de</strong>s</strong>sous d'affiches lacérées.<br />

1958 : Vostell réalise son premier happening <strong>de</strong> rue, Le théâtre est dans la rue à Paris.<br />

1959 : Première Biennale <strong>de</strong> Paris. Dans la salle <strong><strong>de</strong>s</strong> Informels, Hains expose la Palissa<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

emplacements réservés, Villeglé <strong><strong>de</strong>s</strong> affiches lacérées, et Dufrêne occupe le plafond avec <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>sous<br />

d'affiches.<br />

1960 : Signature <strong>de</strong> la Déclaration Constitutive du Nouveau Réalisme.<br />

Arman, Raysse, Klein, Tinguely, Spoerri, Hains, Villeglé, Dufrêne se rassemblent autour du critique<br />

Pierre Restany.<br />

César et Rotella les rejoignent presque aussitôt.<br />

Vostell rencontre les " <strong>affichistes</strong> " qui refusent <strong>de</strong> l'intégrer au groupe <strong><strong>de</strong>s</strong> Nouveaux-Réalistes.<br />

1961 : Rotella réalise ses premiers reports photographiques sur toile.<br />

1963 : Dissolution du groupe <strong><strong>de</strong>s</strong> Nouveaux-Réalistes.<br />

1964 : Dufrêne expose le Mot Nu Mental.<br />

Raymond Hains éclate les affiches <strong>de</strong> la Biennale <strong>de</strong> Venise.<br />

1969 : Premiers graphismes socio-politiques <strong>de</strong> Villeglé.<br />

1973 : Dufrêne réalise <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>sous <strong>de</strong> stencils, et les premières bibliothèques en ouate <strong>de</strong> cellulose.<br />

1982 : Mort <strong>de</strong> François Dufrêne.<br />

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LES SIGNATAIRES<br />

DE LA DECLARATION<br />

DU NOUVEAU REALISME<br />

(du jeudi 27 octobre 1960)<br />

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François Dufrêne (Paris, 1930 - Paris, 1982)<br />

Dès 1946, François Dufrêne qui se <strong><strong>de</strong>s</strong>tine à la poésie phonétique, rejoint le Mouvement Lettriste né à<br />

Paris en 1945.<br />

Sept ans plus tard, après avoir présenté en 1952 Tambours du Jugement Premier (film imaginaire<br />

sans écran ni pellicule) au festival <strong>de</strong> Cannes, il quitte cette école afin <strong>de</strong> prolonger les concepts<br />

symboliques surréalistes <strong>de</strong> poésie vers une évolution linéaire.<br />

Après cette rupture, il invente ce qu'il appelle les " crirythmes ultralettristes " (musique concrète<br />

vocale créée directement et sans partition au magnétophone) et les poèmes " infralettristes " comme<br />

dans Le Tombeau <strong>de</strong> Pierre Larousse.<br />

En 1957, trois ans après sa rencontre avec Raymond Hains et Jacques Villeglé, l'artiste commence son<br />

activité <strong>de</strong> décollagiste en travaillant sur les envers d'affiches, ce qui le distingue <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux<br />

compagnons. En fonction du dos d'affiche et <strong>de</strong> l'effet recherché, Dufrêne intervient par décollage ou<br />

grattage successifs, ou se livre à <strong><strong>de</strong>s</strong> collages. Parfois, il n'apporte aucune transformation.<br />

La pièce maîtresse <strong>de</strong> son œuvre plastique reste probablement le Mot Nu Mental <strong>de</strong> 1964.<br />

François Dufrêne est le co-fondateur et le co-signataire du Manifeste <strong><strong>de</strong>s</strong> Nouveaux Réalistes en<br />

1960.<br />

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" François Dufrêne : le Mallarmé <strong>de</strong> l'après-<strong>de</strong>main d'un phonème "<br />

R. HAINS<br />

Raymond Hains, entretien réalisé par Au<strong>de</strong> Bo<strong>de</strong>t, à Paris, le 3 mai 1988.<br />

François Dufrêne avait un nom qui t ' intéressait à plusieurs titres je crois ?<br />

Un jour, du vivant <strong>de</strong> Dufrêne, j'ai rencontré Wolman et sa femme sur la place <strong>de</strong> Vence où pousse un<br />

grand frêne. On s'est dit en regardant la plaque qui donnait son nom " Tiens, c'est drôle, on est place du<br />

Frêne ". Sur la place, tu as aussi le <strong>Musée</strong> Carzou (qui nous ramène aux fresques qu'il a peintes au<br />

café du Dôme) et, chose curieuse quand on sait l'amitié que Gérard Matisse portait à Dufrêne, on<br />

aperçoit dans le lointain la chapelle <strong>de</strong> Matisse.<br />

Evi<strong>de</strong>mment n'importe qui peut appeler la place du frêne, place Dufrêne, mais quand tu sais que le nom<br />

<strong>de</strong> l'hôtel " Au Lion d'or ", qui se trouve <strong>de</strong> l'autre côté <strong>de</strong> la place, signifiait autrefois " au lit on dort ", la<br />

place du frêne <strong>de</strong>vrait être la place François Dufrêne avec, pourquoi pas, un <strong>Musée</strong> Dufrêne... J'ai<br />

d'ailleurs pris <strong><strong>de</strong>s</strong> photos <strong>de</strong> la plaque indiquant le nom <strong>de</strong> la place.<br />

Mais lui aussi s'intéressait à son nom, puisqu'un jour il avait décidé d'acheter un parapluie en frêne et<br />

qu'il avait pris l'habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> nous appeler ses vieilles branches, quand il parlait <strong>de</strong> ses amis, Villeglé et<br />

moi !<br />

Le fait que Dufrêne était né rue Vercingétorix, est une chose à laquelle j'ai attaché <strong>de</strong> l'importance plus<br />

tard, au moment <strong>de</strong> la constitution du groupe <strong><strong>de</strong>s</strong> Nouveaux Réalistes (quand on a signé la déclaration,<br />

César était à Londres) puis lors <strong>de</strong> l'exposition chez Eric Fabre, en photographiant la plaque <strong>de</strong> la rue<br />

Vercingétorix, que l'on a ensuite montré dans l'exposition du Marquis <strong>de</strong> Bièvre.<br />

Avec le Marquis <strong>de</strong> Bièvre on a compris l'importance <strong><strong>de</strong>s</strong> calembours. Mais lorsqu'il écrivait, Dufrêne<br />

utilisait surtout les allitérations ; il n'a jamais vraiment écrit en prose. Même son article " Demi-tour<br />

gauche, pour un cri automatique " n'est pas un simple texte en prose et c'est cela qui à mon avis, le<br />

distingue <strong><strong>de</strong>s</strong> autres lettristes...<br />

et nous ramène à la lettre I du pot à lait et à la laiterie du Marquis <strong>de</strong> Bièvre.<br />

Cela me fait penser à un journaliste que Villeglé et moi connaissions, un ami <strong><strong>de</strong>s</strong> drui<strong><strong>de</strong>s</strong>. Il disait qu'il<br />

fallait boire <strong>de</strong> l'hydromel et il passait rue <strong>de</strong> Tolbiac, rue Vercingétorix, en disant " Buvez gaulois, buvez<br />

<strong>de</strong> l'hydromel et pas du coca cola " ! II a par ailleurs publié un livre assez intéressant sur le culte<br />

d'Apollon qui a surpris beaucoup <strong>de</strong> gens.<br />

Au <strong>Musée</strong> <strong>de</strong> Saint-Malo j'ai aussi découvert les navigations d'un malouin nommé Dufresne avec un S.<br />

Ce Dufresne avait découvert l'Ile Maurice qui aurait pu <strong>de</strong>venir une île anglaise à cause d'une frégate<br />

d'Angleterre qui avait failli arriver avant et qui finalement était arrivée 1/4 d'heure après... Si donc<br />

Dufresne n'était pas arrivé pour planter le drapeau fleur<strong>de</strong>lysé sur l'Ile Maurice, cela aurait<br />

complètement changé le <strong><strong>de</strong>s</strong>tin <strong>de</strong> Paul et Virginie, et celui du docteur Allendy qui était natif <strong>de</strong> l'Ile<br />

Maurice. Quant à Raymond Radiguet il avait à juste titre coutume <strong>de</strong> dire que l'Ile Maurice c'était aussi<br />

l'Ile <strong>de</strong> France, sachant qu'elle avait porté ce nom au XVIIe siècle et que son ancêtre illustre, Joséphine<br />

<strong>de</strong> Beauharnais était elle-même originaire <strong>de</strong> l'lle Maurice.<br />

Quand as-tu entendu parler du lettrisme ?<br />

En 1947, j'avais lu un grand article sur le lettrisme par Gaston Criel - que j'ai eu l'occasion <strong>de</strong> revoir par<br />

la suite et qui a écrit une petite plaquette sur le jazz, à l'époque où l'on commençait à en parler. Dans<br />

cet article il donnait <strong><strong>de</strong>s</strong> extraits d'un poème d'Isidore Isou qui m'avait beaucoup intéressé. Et j'ai<br />

l'impression que ce premier contact avec la poésie phonétique s'est fait dans un train entre la Bretagne<br />

et Paris, peut-être avec Villeglé qui achetait toujours beaucoup <strong>de</strong> revues et <strong>de</strong> journaux.<br />

<strong>Musée</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>beaux</strong>-<strong>arts</strong> <strong>de</strong> <strong>Rennes</strong> - www.mbar.org > 14


Dufrêne avait lui aussi lu cet article. Il m'a raconté plus tard, qu'en découvrant en 1946 <strong><strong>de</strong>s</strong> poèmes<br />

d'Isou, il s'était dit " mais c'est cela que je rêvais <strong>de</strong> faire ". Il écrivait <strong><strong>de</strong>s</strong> poèmes <strong>de</strong>puis son plus jeune<br />

âge et, à l'époque, il avait 16 ans et était encore élève au Lycée Louis le Grand. Il avait alors écrit à Isou<br />

qui lui proposa <strong>de</strong> participer aux manifestations lettristes et d'adhérer au groupe lettriste. En ce qui me<br />

concerne, j'ai assisté à une soirée qui <strong>de</strong>vait être le <strong>de</strong>uxième ou le troisième récital lettriste.<br />

Venons-en à ta rencontre avec Dufrêne...<br />

C'était en 1954. Je suis parti du Café Moineau avec le fils d'un pasteur, André Conord, un <strong>de</strong> ses<br />

anciens amis <strong>de</strong> lycée. Comme il avait ren<strong>de</strong>z-vous avec Dufrêne, je l'ai accompagné. On a remonté à<br />

pied la rue Guynemer, on est arrivé au café du Dôme boulevard du Montparnasse où Dufrêne était en<br />

train <strong>de</strong> lire Marx. Car <strong>de</strong>puis quelques temps il s'était plongé (pour <strong><strong>de</strong>s</strong> raisons sentimentales) dans les<br />

ouvrages <strong>de</strong> Marx et d'Engels. Peu <strong>de</strong> temps après François m'a présenté au même café Yves Klein qui<br />

revenait du Japon. Comme j'étais un peu fatigué du café Moineau, j'étais content <strong>de</strong> connaître Dufrêne<br />

et Klein, qui étaient sobres ! et qui avaient <strong><strong>de</strong>s</strong> préoccupations passionnantes.<br />

La poésie lettriste t'intéressait parce que tu y voyais un rapport avec les ultra-lettres ?<br />

J'étais passionné par la poésie et la littérature. Quand je suis arrivé à Paris, j'ai assisté à la soirée<br />

d'Artaud au Théâtre du Vieux Colombier, avant même d'avoir entendu parler du lettrisme.<br />

Mais les premiers poèmes lettristes que j'ai lus m'ont fait découvrir la poésie phonétique. Ce qui<br />

m'intéressait chez les lettristes c'est le côté poétique et parfois exotique <strong><strong>de</strong>s</strong> mots qu'ils choisissaient.<br />

Je me suis intéressé à la question <strong><strong>de</strong>s</strong> lettres éclatées en faisant <strong>de</strong> la photo. <strong>Les</strong> verres cannelés<br />

m'avaient procuré une sorte <strong>de</strong> vertige, à regar<strong>de</strong>r les lettres déformées. *<br />

Dufrêne lui, trouvait que les premiers poèmes d'Isou avaient un côté un peu impressionniste et il voulait<br />

se débarrasser <strong>de</strong> cet aspect du lettrisme. Il se rapprochait davantage <strong>de</strong> Wolman qui à ce moment-là<br />

avait rompu avec la poésie d'Isou en créant la Megapneumie.<br />

Dufrêne proposait aussi tout un programme qu'ils avaient publié dans le Soulèvement <strong>de</strong> la jeunesse<br />

" le plan Dufrêne <strong>de</strong> la réforme <strong>de</strong> l'enseignement ", un texte plutôt drôle. Il y avait même le Doyen du<br />

Collège Philosophique qui avait écrit un texte dans ce numéro...<br />

Lorsque j'ai découvert la glossolalie en lisant un livre chez Villeglé, puis le livre <strong>de</strong> Philippe <strong>de</strong> Félice<br />

" Foules en délire, extases collectives " cela m'a tout <strong>de</strong> suite séduit. Félice évoque ces danses<br />

collectives que ce soit en Afrique ou ailleurs pendant lesquelles les gens en transe répètent un mot ou<br />

poussent <strong><strong>de</strong>s</strong> cris inarticulés. J'avais signalé ce livre à Dufrêne notamment parce que Félice avait<br />

reproduit phonétiquement certaines " phrases " prononcées pendant ces séances <strong>de</strong> danse collective.<br />

Je savais comme Dufrêne que Debord avait fait un film qui s'appelait " Hurlements en faveur <strong>de</strong> Sa<strong>de</strong> ",<br />

ce qui m'a évi<strong>de</strong>mment fait penser au tableau du Marquis <strong>de</strong> Sa<strong>de</strong> <strong>de</strong>vant la Bastille, <strong>de</strong> Man Ray.<br />

Comme cela tombait au moment <strong><strong>de</strong>s</strong> Colloques <strong>de</strong> la Biennale, j'ai commencé à faire plein<br />

d'élucubrations, j'ai pensé à <strong><strong>de</strong>s</strong> palissa<strong><strong>de</strong>s</strong> en faux bois... Mais maintenant je vois plutôt la palissa<strong>de</strong> en<br />

palissandre comme une palissa<strong>de</strong> polissonne.<br />

Dufrêne avec ses activités poétiques n'avait-il pas une situation un peu à part au sein du<br />

Nouveau Réalisme ?<br />

Peut-être s'est-il intéressé aux affiches parce qu'il aimait retourner les mots... Je pense qu'il a été<br />

préoccupé par le rapport entre ses envers d'affiches et sa poésie notamment lorsqu'il a fait le Mot Nu<br />

Mental. Il s'est servi à ce moment-là <strong><strong>de</strong>s</strong> envers d'affiches auxquels on l'i<strong>de</strong>ntifiait désormais et il y a<br />

découpé <strong><strong>de</strong>s</strong> lettres pour former le Mot Nu Mental.<br />

* Raymond Hains m'a conseillé d ' ajouter un petit " asterix " pour qu ' à mes risques et périls je parle d'Hépérile éclaté.<br />

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Il a toujours cherché ce lien, ce rapport entre la parole et ses œuvres. Pour la Cantate <strong><strong>de</strong>s</strong> Mots Camés,<br />

Raph le Directeur <strong>de</strong> la galerie Pavé l'a encouragé à faire quelque chose d'original pour l'illustrer.<br />

On ne peut pas sous-estimer le rôle qu'a joué Restany pour le Nouveau Réalisme, mais je ne le vois<br />

toujours pas comme un groupe. On peut avoir <strong><strong>de</strong>s</strong> liens avec <strong><strong>de</strong>s</strong> artistes autres que les Nouveaux<br />

Réalistes. Au moment <strong>de</strong> la signature du Manifeste, j'avais l'impression d'assister à un petit coup d'état.<br />

Mais cela ne me dérangeait pas dans la mesure où ce genre <strong>de</strong> rencontres m'intéressait.<br />

En revanche, j ' ai été un peu déçu quand j'ai vu l'invitation <strong>de</strong> la galerie J - que l'on inaugurait - et le titre<br />

<strong>de</strong> l'exposition " à 40° au-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus <strong>de</strong> Dada ". Le coup <strong>de</strong> revolver sur le mot Dada avait un petit côté<br />

jeunot avant-gar<strong>de</strong>, qui se rapprochait bien plus <strong><strong>de</strong>s</strong> situationnistes. Je me souviens que pendant la<br />

préparation <strong>de</strong> l'exposition c'était la bouscula<strong>de</strong>, la galerie était très petite, il n'y avait pas assez<br />

d'espace. Dufrêne avait fait une œuvre très gran<strong>de</strong> La brèche pour Brecht qui a été perdue <strong>de</strong>puis et<br />

qui remplissait une partie <strong>de</strong> la galerie, <strong>de</strong> mon côté j'avais dû renoncer à présenter à cette exposition<br />

une palissa<strong>de</strong> qui aurait fait suite à celle <strong>de</strong> la Biennale. On assistait à la naissance du phénomène<br />

d'appropriation <strong><strong>de</strong>s</strong> monochromes par Yves Klein, du plein par Arman... et <strong><strong>de</strong>s</strong> envers d'affiches par<br />

François Dufrêne. Tout à coup Dufrêne a bénéficié <strong>de</strong> ce que j'appelle un droit d'aubaine sur les envers<br />

d'affiche.<br />

Mais je crois que cette histoire d'appropriation vient <strong>de</strong> Restany. Quand il dit " prendre une affiche dans<br />

la rue, c'est le geste immédiat <strong>de</strong> l'appropriation directe ", je dirais qu'il s'agit plus d'une question<br />

d'i<strong>de</strong>ntification que d'appropriation. En tous cas, c'est intéressant d'y penser par rapport aux petits<br />

drapeaux <strong>de</strong> Remo Bianco. Aujourd'hui on pourrait dire que Restany a planté un petit drapeau sur un<br />

groupe d'artistes, que cela n'a rien <strong>de</strong> gênant, mais que l'on n'est pas forcé pour autant <strong>de</strong> se sentir<br />

approprié.<br />

Dans toute l'histoire du Nouveau Réalisme, il y a eu <strong><strong>de</strong>s</strong> affaires <strong>de</strong> cohabitation. Certaines personnes<br />

se sont arraché <strong><strong>de</strong>s</strong> choses et d'autres se sont cantonnées dans une seule chose : Klein la<br />

monochromie, Spoerri les tableaux-pièges (on a à ce propos jamais beaucoup parlé du Croûtisme, <strong>de</strong><br />

Jacqueline Rossignon et du premier tableau croûtiste que Dufrêne m'avait offert et qui annonçait en<br />

même temps les tableaux-pièges)... et maintenant Buren avec ses ban<strong><strong>de</strong>s</strong>. Or il est évi<strong>de</strong>nt qu'on<br />

réussit plus facilement quand on ne s'occupe que d'une seule chose.<br />

On aurait très bien pu imaginer un artiste qui se serait spécialisé dans les persiennes ou dans les<br />

radiateurs. On pourrait dire, chaque fois que l'on voit <strong><strong>de</strong>s</strong> persiennes, " c'est un Tel qui a fait ça "...<br />

L'histoire du Nouveau Réalisme c'est une histoire d'i<strong>de</strong>ntification qui continue à m'intéresser beaucoup.<br />

On s'aperçoit aujourd'hui qu'il est peut-être temps d'écrire <strong><strong>de</strong>s</strong> préfaces pour Félix Potin.<br />

Sans parler du poème <strong><strong>de</strong>s</strong> grenouilles qu'avait cité Apollinaire lors <strong>de</strong> sa conférence au Théâtre du<br />

Vieux Colombier, dans lequel Aristophane avait transcrit (en grec évi<strong>de</strong>mment) le coassement <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

grenouilles.<br />

C'est à ce moment-là que je lui ai parlé d'un disque que j'avais entendu chez <strong><strong>de</strong>s</strong> amis à Saint-Brieuc,<br />

I'Orestie <strong>de</strong> Darius Milhaud, un chœur parlé très étonnant. J'ai voulu l'imiter avec une seule voix, pour<br />

expliquer à Dufrêne ce que cela donnait... Il était mala<strong>de</strong> <strong>de</strong> rire.<br />

J'avais aussi acheté un électrophone, c'était le début <strong><strong>de</strong>s</strong> disques microsillons. On pouvait passer les 78<br />

tours, changer la vitesse <strong><strong>de</strong>s</strong> disques...<br />

A cette époque-là, on s'était d'ailleurs amusé à enregistrer avec Klein et Eliane Brau, un petit disque<br />

qu'on <strong>de</strong>vait envoyer à Dufrêne.<br />

Je m'amusais aussi à faire ce que Brion Gysin appelait le " cut-up ", je déformais les mots en passant<br />

les disques à l'envers, je changeais les vitesses... Et je faisais écouter à Dufrêne qui venait rue<br />

Delambre <strong><strong>de</strong>s</strong> disques africains, <strong><strong>de</strong>s</strong> disques pygmées, <strong><strong>de</strong>s</strong> disques d'Australie et du Dahomey, et <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

berceuses touareg.<br />

Et puis un jour, Dufrêne a pris à la lettre une déclaration d'Artaud disant : " on ne sait plus crier en<br />

Europe ". En 53, il a annoncé sa découverte du " crirythme ". Je lui aurais facilement dit qu'il fallait faire<br />

<strong>de</strong> la gymnastique aller crier en plein air - et c'est pour cela que j'aimais ces disques avec <strong><strong>de</strong>s</strong> cris<br />

<strong>Musée</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>beaux</strong>-<strong>arts</strong> <strong>de</strong> <strong>Rennes</strong> - www.mbar.org > 16


naturels - mais le crirythme c'était la preuve même qu'on ne pouvait plus crier en ville.<br />

Après il s'est acheté un petit magnétophone qui était une espèce <strong>de</strong> casserole et il a crié <strong>de</strong>vant un<br />

micro. Il aimait d'ailleurs beaucoup la radio et les enregistrements. Il aurait très bien pu au lieu d'aller au<br />

ministère, travailler pour la radio, faire <strong><strong>de</strong>s</strong> émissions littéraires.<br />

La poésie lettriste pour moi c ' est ce qui correspondrait à la peinture abstraite ; je pensais d'ailleurs : si<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> peintres font <strong><strong>de</strong>s</strong> vitraux (et même <strong><strong>de</strong>s</strong> peintres peu pratiquants comme Fernand Léger) pourquoi<br />

ne verrait-on pas <strong><strong>de</strong>s</strong> Petits Chanteurs à la Croix <strong>de</strong> Bois réciter <strong><strong>de</strong>s</strong> poèmes lettristes à Notre-Dame ?<br />

C'est " La Golonne Fantome ", son premier envers d'affiche...<br />

Je ne sais pas s'il s'appelle comme ça... De mon côté, j'ai aussi ramassé un envers d'affiche, un curieux<br />

estampage <strong>de</strong> briques. Mais d'une manière générale je trouvais les envers trop proches <strong>de</strong> la peinture<br />

informelle.<br />

Ce que Dufrêne appelait les <strong><strong>de</strong>s</strong>sous d'affiches, ce n ' était pas exactement <strong><strong>de</strong>s</strong> envers d'affiches mais<br />

plutôt <strong><strong>de</strong>s</strong> estampages, ce que l'on trouve au dos <strong><strong>de</strong>s</strong> affiches. Il en a tiré un parti extraordinaire avec<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> couleurs où l'on retrouve un peu le goût qu'il avait pour Bonnard et la peinture figurative que<br />

présentait son père, les Van Gogh qu'il avait eu à vendre et les collections d'œuvres qu'il voyait chez les<br />

amis <strong>de</strong> son père. Grâce à lui il connaissait aussi à l'époque Camoin, Marie Raymond, la mère <strong>de</strong> Klein,<br />

les fils Pissarro...<br />

Il est cependant possible que les tôles galvanisées m'aient intéressé davantage en voyant le parti que<br />

Dufrêne tirait <strong><strong>de</strong>s</strong> envers d'affiche. Cependant, les affiches qui ont été présentées à ce moment-là, sont<br />

probablement ce qu'il y a <strong>de</strong> plus proche du Nouveau Réalisme.<br />

Il y avait une certaine complicité entre toi et Dufrêne notamment avec la palissa<strong>de</strong> que tu as<br />

présentée à la Biennale <strong>de</strong> 59 ?<br />

Un jour il est arrivé en me parlant d'une " Palissa<strong>de</strong> en palissandre pour les Cendres <strong>de</strong> Sa<strong>de</strong> " et d'une<br />

" Palissa<strong>de</strong> à palissons pour Lissac Frères et polisseurs "...<br />

Extrait <strong>de</strong> François Dufrêne, Cahiers <strong>de</strong> l'Abbaye <strong>de</strong> Sainte Croix, <strong>Les</strong> Sables d'Olonnes, 1988<br />

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LITTÉRAIRES<br />

Comptinuum I<br />

1958 - 1969<br />

Mort à Vie<br />

- mots ravis -<br />

Vie Père<br />

Mort sûre<br />

Vie mère<br />

Vie ragots Mort dorure<br />

Vie nègre<br />

Vie rage<br />

Vie DANGER<br />

Mort ose Vie sciée<br />

Mort gant<br />

Mort gaine<br />

Vie serre Mort bi<strong>de</strong><br />

Mort <strong>de</strong>nt<br />

Mort haine<br />

Go mort Vie ri<strong><strong>de</strong>s</strong> Vie Go ! Art Mort<br />

Vie laine<br />

Mort fil<br />

Mort veut Vie gît<br />

re - mort<br />

Vie bis<br />

Remets MORT<br />

Mort fine<br />

Vie chnouf.<br />

*<br />

Artaud du Tarot<br />

Artaud du Marat<br />

Artaud tu m ' as eu<br />

Artaud tu m'auras<br />

Artaud <strong><strong>de</strong>s</strong> tarahumaras<br />

COMPTINES<br />

Qui empêchera<br />

l'heure <strong>de</strong> me leurrer,<br />

le gemme <strong>de</strong> gémir<br />

le thym <strong>de</strong> tinter<br />

l'emblème <strong>de</strong> blêmir<br />

le phare d'effarer<br />

l'écart d'équarrir<br />

la rue <strong>de</strong> ruer<br />

le Caire <strong>de</strong> quérir<br />

la chair <strong>de</strong> chérir<br />

la plage <strong>de</strong> plagier<br />

la haine <strong>de</strong> hennir<br />

le thème <strong>de</strong> t'aimer ?<br />

ou même<br />

<strong>de</strong> gémir le thym<br />

<strong>de</strong> tinter l'emblème<br />

<strong>de</strong> blêmir le phare<br />

d'effarer l'écart<br />

d'équarrir la rue<br />

<strong>de</strong> ruer le Caire<br />

<strong>de</strong> quérir la chair<br />

<strong>de</strong> chérir la plage<br />

<strong>de</strong> plagier la haine<br />

<strong>de</strong> hennir le thème<br />

<strong>de</strong> t'aimer ?<br />

et même...<br />

*<br />

La sœur d'Ane à poil<br />

Sardonique, au pôle,<br />

En sourdine appelle<br />

La sardine opale<br />

Et danse la sardane<br />

De Sardanaple.<br />

Extrait <strong>de</strong> François Dufrêne, Cahiers <strong>de</strong> l'Abbaye <strong>de</strong> Sainte Croix, <strong>Les</strong> Sables d'Olonnes, 1988<br />

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Extraits <strong>de</strong> : Texticules ou Fodrakjlanot<br />

sella (Déclarations <strong>de</strong> futilité publique).*<br />

- Ce mon<strong>de</strong> doit être bien mala<strong>de</strong>. Depuis le temps qu'on le dit ré-alité !<br />

- <strong>Les</strong> fiches mécanographiques ont, elles aussi, <strong><strong>de</strong>s</strong> trous <strong>de</strong> mémoire. Vacance du souvenir.<br />

- Que l'ouvrage <strong>de</strong> Pénélope ne soit qu'un tissu <strong>de</strong> mensonge, voilà sur quoi l'amant table.<br />

- Le Père <strong>de</strong> Pound était contrôleur <strong><strong>de</strong>s</strong> Poids et Mesures.<br />

- Elle est <strong>de</strong> SOFIA ? Quelle Bulgarité.<br />

- A Paul Armand Gette<br />

On ne peut pas dire : sur pattes comme lors <strong>de</strong> tes lectures publiques, tu n'es pas court, Gette<br />

(variation, cela, sur le thème bien connu : je suis tôt mat).<br />

- C'est dimanche que lundi gène car, on a beau avoir dimanche <strong>de</strong>vant soi, on n'a pas, pour autant,<br />

dix bras.<br />

- Et puis ne jamais rien prêter, pas même attention (celle là on ne vous la rend jamais).<br />

- Inutile <strong>de</strong> recomman<strong>de</strong>r à ceux qui alimentent le Théâtre <strong>de</strong> Boulevard un projet absur<strong>de</strong> : le canal<br />

Yonne-Escaut.<br />

- Projet d'action : Aller à Ussel et en repartir en marchant.<br />

- Du dé à coudre au dé cousu.<br />

Projet d'objet : un dé pliant (touristique).<br />

- Perhapsychology :<br />

Que Loques cite Annie, Ben (1) ne nous le reprocherait sûrement pas, mais serait bien capable, en se<br />

le grattant, <strong>de</strong> trouver Loques si pute !...<br />

(1) Ben Vautier, l'Artiste. Et le meilleur critique français actuel.<br />

* Cahiers loques. Paris 1983.<br />

Extrait <strong>de</strong> François Dufrêne, Cahiers <strong>de</strong> l'Abbaye <strong>de</strong> Sainte Croix, <strong>Les</strong> Sables d'Olonnes, 1988<br />

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Zoom François Dufrêne :<br />

L'inconnue (série l'art c'est le vol)<br />

1961 (Collection Ginette Dufrêne, Paris)<br />

Mot Nu Mental<br />

1964 (Collection Ginette Dufrêne, Paris)<br />

Le Pop ? Tintin !<br />

1964 (Collection particulière, <strong>Rennes</strong>)<br />

Encore<br />

1965 (FRAC Bretagne)<br />

Consultable sur http://www.fracbretagne.fr/collection.html<br />

<strong>Les</strong> Félons <strong>de</strong> la rue Gît-le-Cœur<br />

1972 (FRAC Bretagne)<br />

Consultable sur http://www.fracbretagne.fr/collection.html<br />

Thé + odorat... qui s’ébaudit ? - Nono !<br />

1973 (<strong>Musée</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>beaux</strong>-<strong>arts</strong>, <strong>Rennes</strong>)<br />

Notice page 43 <strong>de</strong> ce dossier<br />

La Bibliothèque à Géo<br />

1975 (FRAC Bretagne)<br />

Consultable sur http://www.fracbretagne.fr/collection.html<br />

Cantate <strong><strong>de</strong>s</strong> mots camés<br />

1977 (planche 11) (Galerie <strong>de</strong> Paris)<br />

Sites Internet pour plus d'informations :<br />

http://www.dufrene.net/francois (site très bien documenté consacré au travail <strong>de</strong> l'artiste)<br />

http://www.ubu.com/sound/dufrene.html (site avec les créations sonores <strong>de</strong> l'artiste)<br />

<strong>Musée</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>beaux</strong>-<strong>arts</strong> <strong>de</strong> <strong>Rennes</strong> - www.mbar.org > 20


Raymond Hains (Saint-Brieuc, 1926 - Paris, 2005)<br />

En 1945, il s'inscrit à l'Ecole <strong><strong>de</strong>s</strong> Beaux-Arts <strong>de</strong> <strong>Rennes</strong> où il fait la connaissance <strong>de</strong> Villeglé. Dès le<br />

mois d'octobre, il s'installe à Paris et travaille à la revue <strong>de</strong> photographie France Illustration.<br />

Ses premiers travaux artistiques utilisent l'appareil photographique muni d'un objectif en verre cannelé,<br />

produisant <strong><strong>de</strong>s</strong> images abstraites, qu'il expose notamment à la librairie <strong><strong>de</strong>s</strong> Nourritures Terrestres à<br />

<strong>Rennes</strong>.<br />

La même année, il décolle sa première affiche lacérée (avec Jacques Villeglé), boulevard du<br />

Montparnasse à Paris.<br />

Il collabore jusqu'en 1954 avec Villeglé à la réalisation <strong>de</strong> films abstraits (il porte un intérêt particulier à<br />

la déconstruction du langage).<br />

En 1959, il expose à la première Biennale <strong>de</strong> Paris où il présente une palissa<strong>de</strong> <strong>de</strong> chantier recouverte<br />

d'affiches déchirées qui fait scandale. A partir <strong>de</strong> cette époque, Hains va s'intéresser à la question <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

noms propres en créant <strong><strong>de</strong>s</strong> œuvres qui fonctionnent par association d'idées.<br />

L'année suivante, il signe le Manifeste du Nouveau Réalisme aux côtés <strong>de</strong> Klein, Tinguely, César,<br />

Arman.<br />

Hains va délaisser les affiches à partir <strong>de</strong> 1964. A partir <strong>de</strong> 1976, Hains travaille essentiellement sur le<br />

langage et les lieux au travers <strong>de</strong> photographies dans lesquelles l'aspect pratique a laissé place à une<br />

démarche plus conceptuelle.<br />

<strong>Musée</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>beaux</strong>-<strong>arts</strong> <strong>de</strong> <strong>Rennes</strong> - www.mbar.org > 21<br />

© Photo Galerie Patricia Dorfmann


Texte <strong>de</strong> Christian Schlatte<br />

ENTRETIEN AVEC RAYMOND HAINS<br />

DIT 1<br />

« Le cri pur <strong>de</strong> ma raison-tique ?<br />

Ou, peut-être mieux, le cripure <strong>de</strong> ma raisontique ?<br />

Ne pourrait-on pas donner ce titre à ma contribution à l'exposition <strong>de</strong> la Vieille Charité ?<br />

Hommage à Cripure, le surnom donné par ses élèves au professeur <strong>de</strong> philosophie du roman <strong>de</strong> Louis<br />

Guilloux, Le Sang noir. Cripure parlait souvent <strong>de</strong> Kant et <strong>de</strong> la Critique <strong>de</strong> la raison pure, le véritable<br />

modèle <strong>de</strong> Guilloux était Georges Palante.<br />

Hommage, également, puisque l'on est à Marseille, à Marcel Maréchal qui a joué le rôle <strong>de</strong> Cripure.<br />

On pourrait montrer les échelles optométriques, la couverture d'Hépérile éclaté sur émail, le Martini<br />

déformé ; d'un autre côté, nous aurions <strong><strong>de</strong>s</strong> documents <strong>de</strong> cette époque. Et puisque François Dufrêne<br />

est représenté par la Cantate <strong><strong>de</strong>s</strong> mots camés, je pourrais, en hommage cette fois à son poème le<br />

Tombeau <strong>de</strong> Pierre Larousse, montrer le Larousse déformé par les verres cannelés. »<br />

<strong>Les</strong> hasards <strong><strong>de</strong>s</strong> rééditions viennent <strong>de</strong> faire découvrir ou <strong>de</strong> rappeler à Raymond Hains un trait d'esprit,<br />

une attitu<strong>de</strong> du jeune Nietzsche face aux Grecs : « Nous autres, philologues... ». Raymond Hains<br />

propose immédiatement un titre pour une exposition qui aurait pu avoir lieu et sur laquelle « il a<br />

beaucoup travaillé » : « Nous autres, philologues <strong>de</strong> La Garenne-Lemot ». Nous sommes alors dans la<br />

« fabrique » du sculpteur Lemot à Clisson, qui est la terre d'Olivier <strong>de</strong> Clisson, mais Clisson est aussi<br />

une œuvre littéraire <strong>de</strong> Napoléon Bonaparte. L'on sait, par un témoignage <strong>de</strong> Renouvier, que Lemot est<br />

parti en Italie avec le sculpteur Calamar ; Olivier <strong>de</strong> Clisson, lui, nous amènerait aux « aboyeuses » <strong>de</strong><br />

Notre-Dame-du-Roncier, à Josselin, et donc à <strong><strong>de</strong>s</strong> questions <strong>de</strong> glossolalie ; mais récemment aussi les<br />

lettristes, poètes <strong>de</strong> la lettre, ont exposé dans la <strong>de</strong>meure <strong>de</strong> Lemot.<br />

Raymond Hains s'intéresse aux noms propres, aux noms <strong>de</strong> pays, aux circonstances et à leurs<br />

rapprochements ; il en retire <strong><strong>de</strong>s</strong> étrangetés, elles sont quelquefois « inquiétantes », quelquefois<br />

bizarres, elles nous « ramèneraient », dit Hains qui use du conditionnel, car au fond, avant<br />

d'approfondir, il ne sait jamais où exactement pourrait conduire cette expérience du mon<strong>de</strong>, celle <strong>de</strong> ces<br />

événements, celle <strong>de</strong> ses lectures, <strong>de</strong> ce à quoi il a assisté. Il y a cependant <strong><strong>de</strong>s</strong> moments absolus ou<br />

primordiaux, même si l'on ne peut les « classer » - même s'il le faut toujours (Hains se règle ici sur une<br />

page <strong>de</strong> La Pensée sauvage <strong>de</strong> Lévi-Strauss) : il y aurait, le 13 janvier 1947, Antonin Artaud au théâtre<br />

du Vieux-Colombier, c'est Tête-à-Tête : le retour d'Artaud le momo, Contre-mère et Patron minet, la<br />

Culture indienne, l'inconditionné. Hains est dans la salle, il en retient le cri, celui qui dit on ne « sait plus<br />

crier en Europe ». L'impression faite par Tête-à-Tête sur Hains lui fera différer la proposition <strong>de</strong> Colette<br />

Allendy, celle <strong>de</strong> rencontrer Antonin Artaud. Mais Hains gar<strong>de</strong>ra d'Artaud une marque beaucoup plus<br />

durable qu'il évoque pour « expliquer un peu » ce qu'il fait artistiquement, vit, lit, éprouve, son usage du<br />

mon<strong>de</strong> et <strong><strong>de</strong>s</strong> événements : « Quelquefois, dit l'auteur du Pèse-Nerfs, c'est la vie elle-même qui est plus<br />

surréelle que tout surréalisme. »<br />

DIT 2<br />

<strong>Les</strong> verres cannelés...<br />

« J'ai découvert les verres cannelés dans l'atelier <strong>de</strong> vitrerie <strong>de</strong> mon père qui s'appelait Fernand Hains ;<br />

il m'avait dit : " Il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> verres qui pourront peut-être te servir ". J'avais déjà commencé à faire <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

photos, je découvris dans cet atelier du verre soleil, du verre goutte d'eau, du verre cathédrale. J'ai<br />

ramassé un morceau <strong>de</strong> verre cannelé avec <strong><strong>de</strong>s</strong> taches <strong>de</strong> peinture, et c'est en regardant la Chimère<br />

d'Arezzo - sa reproduction dans un livre <strong><strong>de</strong>s</strong> éditions Alpina - que j'ai eu une sorte <strong>de</strong> vertige né du<br />

passage <strong><strong>de</strong>s</strong> lettres du lisible à l'illisible. J'aurais pu appeler ce vertige la lettre et le néant.<br />

Mais j'avais lu aussi dans le livre <strong>de</strong> Prinet 1 une phrase qu'il rapportait <strong>de</strong> Paul Valéry : " Enfin,<br />

Daguerre vint... au moment où la photographie apparut, le genre <strong><strong>de</strong>s</strong>criptif menaçait d'envahir les<br />

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lettres..." »<br />

On se trompe lour<strong>de</strong>ment en réduisant Raymond Hains à une figure calembouriste. Assurément, il<br />

accor<strong>de</strong> son importance au marquis <strong>de</strong> Bièvre, mais ce marquis qui écrivit l'article « kalembour » dans<br />

L'Encyclopédie <strong>de</strong> Di<strong>de</strong>rot ne peut en aucune façon se réduire à cette activité. Le calembour est une<br />

figure, celle du « mot d'esprit et <strong>de</strong> ses rapports avec l'inconscient », selon le titre <strong>de</strong> l'ouvrage <strong>de</strong><br />

Freud. Raymond Hains a sorti la page 59 <strong>de</strong> ce livre où Freud cite un mot d'esprit du marquis, celui <strong>de</strong><br />

sa réponse à Louis XV lui <strong>de</strong>mandant <strong>de</strong> faire un mot d'esprit sur lui-même : le « courtisan » répondit<br />

par ce bon mot : « Le roi n'est pas un sujet ». Le calembour, simple effet <strong>de</strong> surface, marque du mot<br />

d'esprit, ne doit pas dissimuler les forêts du langage, les « problèmes <strong>de</strong> la langue ». Puisqu'il faut ici<br />

aller vite mais qu'il faut aussi esquisser ce point <strong>de</strong> vue à partir duquel Raymond Hains serait un peu<br />

plus près, je proposerai une page d'Exil, celle où Saint-John Perse nous apprend beaucoup sur lui mais<br />

qui ici pourrait servir d'éclaireur. Y revenant, souvent je me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> si un peu <strong>de</strong> la réalité Hains ne s'y<br />

éclaire point : « [...] l'homme mi-nu poursuit un singulier <strong><strong>de</strong>s</strong>sein où les mots n'ont plus prise... voyageur<br />

à la néoménie dont la conduite est incertaine et la démarche aberrante ; voici que j'ai <strong><strong>de</strong>s</strong>sein d'errer<br />

parmi les plus hautes tranches phonétiques : jusqu'à <strong><strong>de</strong>s</strong> langues très lointaines, jusqu'à <strong><strong>de</strong>s</strong> langues<br />

très entières... comme ces langues dravidiennes qui n'eurent pas <strong>de</strong> mots distincts pour " hier " et pour<br />

" aujourd'hui ". Nous remontons ce pur délice sans graphie où court l'antique phrase humaine ; nous<br />

nous mouvons parmi les claires élisions, <strong><strong>de</strong>s</strong> résidus d'anciens préfixes ayant perdu leur initiale, [...]<br />

nous nous frayons nos voies nouvelles jusqu'à ces locutions inouïes, où l'aspiration recule au-<strong>de</strong>là <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

voyelles et la modulation du souffle se propage au gré <strong>de</strong> telles labiales mi-sonores, en quête <strong>de</strong> pures<br />

finales vocaliques ». Œuvres poétiques, I, in Exil, Gallimard, 1953, pp. 276-277.<br />

(Exil fut publié pour la première dans la revue Poetry <strong>de</strong> Chicago en mars 1942.)<br />

Où sommes-nous donc avec Raymond Hains ? Quelquefois, l'impression d'être dans un jardin ; jardin<br />

très particulier, celui du Songe <strong>de</strong> Poliphile, un jardin herméneutique qui bruisse <strong>de</strong> toute la culture<br />

hermétique. <strong>Les</strong> artistes sont-ils <strong><strong>de</strong>s</strong> " abstractions personnifiées " ? Une question <strong>de</strong> Raymond Hains<br />

qu'il faudrait éclairer <strong>de</strong> ses généalogies successives : celle <strong><strong>de</strong>s</strong> Grecs et <strong><strong>de</strong>s</strong> Latins dans leur tendance<br />

commune à « personnifier <strong><strong>de</strong>s</strong> abstractions » (cf. le beau livre <strong>de</strong> Jean Seznec, La survivance <strong><strong>de</strong>s</strong> dieux<br />

antiques dans l'humanisme et dans l'art <strong>de</strong> la Renaissance, 1940 ; réédition Flammarion, 1980). Celle<br />

aussi <strong><strong>de</strong>s</strong> séries Jupiter, Mars, Quirinus et <strong><strong>de</strong>s</strong> Mythes romains <strong>de</strong> Georges Dumézil que lisait Hains en<br />

1949 et dont Villeglé parle dans son Urbi & Orbi (p. 40).<br />

DIT 3<br />

« Si on pense, à la fois, que Francis Ponge a écrit Pour un Malherbe, que je suis allé écouter sa<br />

Tentative orale 2 - peut-être la même semaine où j'ai entendu Isidore Isou pour la première fois à la<br />

Salle <strong><strong>de</strong>s</strong> Sociétés Savantes 3 (où j'ai vu François Dufrêne pour la première fois en compagnie <strong>de</strong><br />

Gabriel Pomerand en 1947) -, on a alors, d'un côté, la poésie phonétique <strong><strong>de</strong>s</strong> lettristes, mais, <strong>de</strong> l'autre,<br />

on a Francis Ponge qui parle la langue française, <strong>de</strong> la langue latine et <strong>de</strong> " la raison au plus haut<br />

point ".<br />

Mais on a encore un troisième côté avec l'article <strong>de</strong> Jean-Paul Sartre, L'homme et les choses, ou<br />

commentant Le Parti pris <strong><strong>de</strong>s</strong> choses où Ponge revient sur cette assimilation <strong><strong>de</strong>s</strong> mots à une coquille<br />

sécrétée par l'homme et " s'enchante d'imaginer ces coquilles vidées après la disparition <strong>de</strong> notre<br />

espèce, aux mains d'autres espèces qui les regar<strong>de</strong>raient comme nous regardons les coquillages sur le<br />

sable ". Situation, I, Essais critiques, Gallimard, 1947, pp. 251-252.<br />

Ce que je retirais à l'époque <strong>de</strong> ces manifestations et <strong>de</strong> mes lectures était le plaisir d'entendre parler<br />

une langue sans chercher à en comprendre les significations ou le sens.<br />

Le texte <strong>de</strong> Sartre m'avait intéressé et j'avais été frappé par la Tentative orale, mais je ne savais pas<br />

encore qui était Francis Ponge. »<br />

Raymond Hains est un herméneute hermétique au sens <strong>de</strong> la tradition, celle qui se lève avec Aristote et<br />

le premier livre <strong>de</strong> l'Organon, celle <strong>de</strong> la tradition que Yates, une <strong><strong>de</strong>s</strong> lectures <strong>de</strong> Raymond Hains, a<br />

éclairé <strong>de</strong> ses lumières ; celle moins connue d'une autre lecture, <strong>Les</strong> kabbalistes chrétiens <strong>de</strong> la<br />

Renaissance <strong>de</strong> François Secret qui a traduit le livre <strong>de</strong> Georges Weill sur Guillaume <strong>de</strong> Postel, une<br />

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autre référence <strong>de</strong> Hains.<br />

De la fréquentation <strong>de</strong> Raymond Hains, on retire une impression tenace, celle pour assigner un lieu<br />

littéraire, dont on ne peut se déprendre en lisant A la recherche du temps perdu. L'idée qu'il y a <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

« côtés » dans l'œuvre littéraire - qui est la « vraie vie » - et que, parce que nous sommes rentrés par<br />

ce « côté » qui a nom, pour Proust, Guermantes et Swann, nous avons vu <strong><strong>de</strong>s</strong> choses que nous<br />

n'aurions pas vues en entrant par l'autre côté et réciproquement. Cette entrée explique, aussi, ce qui est<br />

souvent dit par le narrateur <strong>de</strong> la Recherche, « ceci je ne <strong>de</strong>vais le comprendre que beaucoup plus<br />

tard ». Certes, il faut du temps pour s'accommo<strong>de</strong>r au mon<strong>de</strong> en général, ce temps est celui d'une vie.<br />

Un jour, Raymond Hains m'a dit quelque chose comme « la vie est bien curieuse, on a le temps <strong>de</strong> lire<br />

quelques livres et c'est déjà fini... », on a à peine le temps <strong>de</strong> « débrouiller quelques histoires ». Un dit<br />

<strong>de</strong> Raymond Hains s'accompagne <strong>de</strong> la reconnaissance qu'il est nécessaire parce qu'il est le seul à<br />

pouvoir le continuer ; ces rebondissements sont incontrôlables et imprévisibles : une lecture, un<br />

événement, une rencontre, un détail d'actualité (dont il faut toujours tenir compte), tel est le kaîros <strong>de</strong><br />

Raymond Hains et la nécessité <strong>de</strong> se régler sur son état du moment - ce dont il veut parler, ce qu'il veut<br />

faire, ce qu'il vient <strong>de</strong> lire, <strong>de</strong> voir, son rapport au mon<strong>de</strong> dans l'instant présent font qu'il dira certaines<br />

choses et en taira d'autres. Mais qu'en toute occurrence, il faut savoir que rien, absolument rien, ne<br />

pourra être considéré comme clos et achevé.<br />

Ainsi, par exemple, à la Biennale <strong>de</strong> Lyon, Raymond Hains montre une photographie où l'on peut lire<br />

Papaï ; il la choisit, outre sa relation entre la sculpture <strong>de</strong> Louis XIV par Le Bernin et celle <strong>de</strong> Lemot sur<br />

la place Bellecour, parce que ce nom est celui <strong>de</strong> jeune fille d'une amie. Travaillant sur la glossolalie, ce<br />

parler en bouche, que l'on connaît à travers l'Epître aux Corinthiens mais qui débor<strong>de</strong> largement ce<br />

cadre chronologique (voir la note sur l'Hymne à Apollon <strong>de</strong> l'homéri<strong>de</strong> dans les notes accompagnant<br />

l'entretien avec Isidore Isou), je fus conduit à relire l'Agamemnon d'Eschyle.<br />

Clytemnestre se prépare à rencontrer pour la première fois la captive Cassandre ; elle avertit le chœur<br />

<strong>de</strong> ses inquiétu<strong><strong>de</strong>s</strong> et <strong>de</strong> ses exigences, elle l'écoutera « si elle n'a pas un langage inconnu et barbare,<br />

comme l'hiron<strong>de</strong>lle » (vers 1050-1053). Cassandre rassure le chœur, « Je sais pourtant assez bien<br />

parler le grec » (vers 1254). Le coryphée pourtant l'interroge : « Quel art <strong>de</strong> la parole t'inspire ainsi ? »<br />

Mais qu'a donc dit Cassandre, comment a-t-elle parlé ? Cassandre crie : « Rien ne peut rendre ces<br />

onomatopées du grec, ces lam<strong>beaux</strong> <strong>de</strong> phrase, ces visions <strong>de</strong> cauchemar où l'histoire <strong><strong>de</strong>s</strong> Atri<strong><strong>de</strong>s</strong><br />

défile... » (A.J. Festugière, L'enfant d'Agrigente, <strong>Les</strong> îles d'or, 1950). Or, par quoi commence cette<br />

longue incantation en glossolalie que crie Cassandre, elle crie : « Papaï » (vers 1256). Derrière ce nom<br />

<strong>de</strong> jeune fille d'une amie <strong>de</strong> Raymond Hains, secondaire dans le choix d'une photographie, là pour<br />

démêler une question <strong>de</strong> cheval <strong>de</strong> bronze et <strong>de</strong> marbre, celui du Louis XIV du Bernin et celui <strong>de</strong><br />

Lemot, se dissimulait pour mieux se lever la guerre <strong>de</strong> Troie et Troyes, les prétendues origines<br />

troyennes <strong>de</strong> Rome, l'Ilia<strong>de</strong> et l'Odyssée, l'Enéi<strong>de</strong> <strong>de</strong> Virgile, l'opéra <strong>de</strong> Berlioz, <strong>Les</strong> Troyens, le nouvel<br />

opéra Bastille, l'affichiste Cassandre et la Cassandre d'Homère et Eschyle, son cri dans l'histoire qui<br />

commençait par Papaï.<br />

Avec ce cri, c'était tout un pan <strong>de</strong> l'histoire <strong>de</strong> Raymond Hains et <strong>de</strong> ses thèmes qui se trouvait<br />

brutalement convoqué, ramené brutalement à la surface d'une photographie. <strong>Les</strong> visiteurs <strong>de</strong> la<br />

Biennale croyaient voir, parce qu'ils étaient à Lyon, le socle <strong>de</strong> la sculpture du Louis XIV <strong>de</strong> Lemot, il<br />

voyait celui du Bernin ; pourtant la vidéo, elle, montrait les passants <strong>de</strong> la place Bellecour regardant la<br />

sculpture <strong>de</strong> Lemot et se reposant au pied du socle <strong>de</strong> son Louis XIV. Papaï est un exemple d'une<br />

approche, cette fois ésotérique, d'une photo <strong>de</strong> Raymond Hains. Son herméneutique est récurrente, il<br />

faut connaître le papaï <strong>de</strong> Cassandre, la traduction <strong>de</strong> ce cri par Eschyle, l'œuvre est alors « révélée »<br />

au sens photographique que Marcel Proust donnait à ce verbe. Papaï est en abrégé ce qui est une<br />

préoccupation constante <strong>de</strong> l'œuvre <strong>de</strong> Raymond Hains : <strong><strong>de</strong>s</strong> « choses bizarres » naissent <strong>de</strong><br />

rencontres, d'éclaircissements qui se produisent plus tard, toujours au fil <strong><strong>de</strong>s</strong> coïnci<strong>de</strong>nces auxquelles il<br />

faut être attentif si l'on veut les surprendre dans leur étrangeté.<br />

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DIT 4<br />

« Ce qui est bizarre, ce sont les choses auxquelles je pensais...<br />

Lorsque je faisais mes premières photos en 1946, j'imaginais un rapport possible entre ces photos et<br />

une préface en lettres déformées. J'avais l'intention d'écrire un texte moi-même ou d'en <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r un à<br />

Charles Estienne. Il aurait été reproduit en français et en anglais, le texte aurait eu une partie lisible et<br />

une autre déformée, <strong>de</strong> plus en plus illisible. Cela ne s'est jamais fait. Mais j'ai rencontré Camille Bryen<br />

chez Colette Allendy en 1948 à la suite <strong>de</strong> mon exposition Photographies Hypnagogiques ; je lui avais<br />

offert son nom en lettres déformées comme je le fis à Villeglé, à Goetz et à quelques autres. C'est à ce<br />

moment-là que Bryen m'a proposé <strong>de</strong> déformer son petit poème Hépérile 4 . On en a parlé au moins<br />

pendant <strong>de</strong>ux ans. Bryen voulait <strong>de</strong>venir un poète volontairement illisible. Dans sa préface à Hépérile<br />

éclaté 5, il écrit : " Vive le courant d'air <strong>de</strong> l'illisible, <strong>de</strong> l'inintelligible, <strong>de</strong> l'ouvert. " Mais, d'un autre côté,<br />

ce qui m'intéressait c'était aussi bien le lisible que l'illisible. Même si à cette époque je m'enchantais <strong>de</strong><br />

la sensation d'entendre une langue, un poème, <strong>de</strong> la glossolalie 6 sans savoir ce que cela voulait dire.<br />

J'étais dans cet état d'esprit au début <strong><strong>de</strong>s</strong> années 50. Je remarquais que Matisse, Léger, Manessier<br />

décoraient <strong><strong>de</strong>s</strong> chapelles, faisaient <strong><strong>de</strong>s</strong> vitraux ; je me <strong>de</strong>mandais pourquoi alors les petits chanteurs à<br />

la Croix <strong>de</strong> bois ne faisaient pas <strong>de</strong> la glossolalie : j'imaginais <strong><strong>de</strong>s</strong> petits chanteurs lettristes ! L'Eglise<br />

acceptait <strong><strong>de</strong>s</strong> vitraux faits par <strong><strong>de</strong>s</strong> peintres abstraits, ne <strong>de</strong>vrait-on pas accepter alors qu'un poète<br />

lettriste puisse réciter un poème phonétique dans une chapelle ? Plus tard, m'intéressant à la langue<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> oiseaux et à la kabbale phonétique, je me disais : " L'Eglise rencontrant ses problèmes <strong>de</strong> passage<br />

<strong>de</strong> la messe dite en latin à la messe dite en français, c'est bizarre qu'elle ne pense pas à la dire en<br />

javanais ou en toute autre langue inconnue <strong>de</strong> ses fidèles. " Je m'enchantais <strong>de</strong> ne pas comprendre ;<br />

c'était la musique <strong><strong>de</strong>s</strong> langues qui m'intéressait. Il y avait <strong><strong>de</strong>s</strong> poèmes d'Isidore Isou que j'aimais<br />

beaucoup, comme : " Guianne ! liquidanne liquidanne barre " 7 . François Dufrêne, lui, considérait sa<br />

Danse <strong>de</strong> lutins 8 comme une œuvre <strong>de</strong> jeunesse, il cherchait autre chose. Il trouvait cette phonétique<br />

trop impressionniste, comme si l'on parlait phonétiquement d'un tableau abstrait, était la comparaison<br />

qu'il prenait. Il préférait la mégapneumie <strong>de</strong> Gil Wolman dont il se rapprocha. J'avais raconté à Dufrêne<br />

la conférence d'Antonin Artaud au Vieux-Colombier et imité pour la lui faire comprendre les cris<br />

d'Artaud ; un ami <strong>de</strong> Saint-Malo m'ayant fait découvrir le chœur <strong>de</strong> l'Orestie <strong>de</strong> Darius Milhaud, je l'avais<br />

également imité. Dufrêne en riait beaucoup. J'avais acheté un magnétophone - à l'époque il était grand<br />

comme cette table ! - mais je n'ai jamais été capable <strong>de</strong> m'en servir ; Dufrêne ne voulait pas entendre<br />

parler <strong>de</strong> magnétophone. Mais un jour il a décidé du contraire et a commencé à travailler à ses<br />

Crirythmes.<br />

D'un autre côté, il m'est arrivé avec Dufrêne ce qui m'est arrivé avec Daniel Spoerri. Après L'Entremets<br />

<strong>de</strong> " La Palissa<strong>de</strong> " <strong>de</strong> l'Encyclopédie " Clartés " présenté au salon Comparaison en 1960, j'avais<br />

tendance à regar<strong>de</strong>r les vitrines <strong><strong>de</strong>s</strong> charcuteries et à en considérer les tranches <strong>de</strong> saucisson comme<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> œuvres tachistes. Finalement, lorsque Spoerri s'est mis à faire <strong>de</strong> la cuisine et que, d'autre part, j'ai<br />

trouvé la phrase du marquis <strong>de</strong> Bièvre : " Nous mangeons <strong><strong>de</strong>s</strong> chevaux tout crus fur leur parole ",<br />

Vercingentorixe, vers 26, ces <strong>de</strong>ux faits conjugués m'ont délivré <strong>de</strong> la tentation <strong>de</strong> m'intéresser à la<br />

gastronomie.<br />

Avec Dufrêne, c'est un peu pareil, outre ce que je viens <strong>de</strong> raconter, j'avais trouvé boulevard Raspail un<br />

magasin qui vendait <strong><strong>de</strong>s</strong> 78 tours édités par le musée <strong>de</strong> l'Homme, j'y avais acheté notamment <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

chants pygmées pour la chasse à l'éléphant ; j'aurais pu m'orienter vers ce type <strong>de</strong> recherche<br />

phonétique, poétique ou musicale, voie qu'allait prendre Dufrêne. Voie d'autant plus facile pour moi que<br />

j'avais avancé un certain type <strong>de</strong> recherche par un premier disque, puis un second fait avec Yves Klein,<br />

que nous avions envoyé à François lorsqu'il était au Maroc. Peut-être est-ce, comme Spoerri pour la<br />

cuisine, Dufrêne qui m'a délivré <strong>de</strong> la tentation phonétique. »<br />

Extrait <strong>de</strong> Poésure et Peintrie, d'un art l ' autre, <strong>Musée</strong>s <strong>de</strong> Marseille, RMN, 1993, pp. 267- 272<br />

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1 Combien <strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>criptions exotiques ont été écrites dans un fauteuil, d'après <strong><strong>de</strong>s</strong> photographies ? Le 29 juin 1858, Flaubert, par exemple,<br />

préparant Salammbô, <strong>de</strong>mandait à Fey<strong>de</strong>au d'aller lui acheter, rue <strong>de</strong> Richelieu, une vue <strong>de</strong> Medragen, près d'Alger. Mais le jeu était<br />

dangereux et bientôt, d'alliée, la photographie <strong>de</strong>vint rivale. « Elle engage à cesser <strong>de</strong> vouloir décrire ce qui peut <strong>de</strong> soi-même s'inscrire »,<br />

disait Paul Valéry qui notait cet événement <strong>de</strong> l'histoire littéraire : « Au moment où la photographie apparut, le genre <strong><strong>de</strong>s</strong>criptif commençait<br />

d'envahir les lettres. Enfin Daguerre vint… » Le poète ne dissimule pas sa joie.<br />

Jean Prinet, La photographie et ses applications, P.U.F., 1945, p. 86.<br />

2 Francis Ponge, Tentative orale, in Le grand recueil, tome II, Métho<strong>de</strong>, Gallimard, 1961.<br />

3 Salle <strong><strong>de</strong>s</strong> Sociétés Savantes, Quatrième manifestation lettriste sur le thème, Conclusions sur la pègre littéraire <strong>de</strong> la Résistance et du<br />

surréalisme.<br />

4 Hépérile, poème phonétique (16 lignes) <strong>de</strong> Camille Bryen, est publié en 1950 par P.A.B. à Alès.<br />

5 Hépérile photographié à la chambre cannelée par Raymond Hains et Jacques <strong>de</strong> la Villeglé est publié sous le titre Hépérile éclaté par la<br />

librairie Lutécia en 1953.<br />

6 A cette « parole en langues », selon la définition <strong>de</strong> Paul dans son Epître aux Corinthiens, il faut ajouter <strong>de</strong>ux livres références pour<br />

Raymond Hains : celui <strong>de</strong> Théodore Flournoy, Des In<strong><strong>de</strong>s</strong> à la planète Mars, 1899 (étu<strong>de</strong> d'un cas <strong>de</strong> somnambulisme avec glossolalie -<br />

l'étu<strong>de</strong> d'Hélène Smith) ; celui <strong>de</strong> Philippe <strong>de</strong> Félice, Foules en délire, extases collectives, Albin Michel, 1947. A titre d'exemple <strong>de</strong><br />

glossolalie, celui <strong>de</strong> la page 179 :<br />

« Schua ea, schua ea<br />

O tschi biro tira pea<br />

Akki lungo ta ri fungo. »<br />

7 Ce poème fut publié dans la revue Fontaine (cf. note suivante) sous le pseudonyme <strong>de</strong> Jérôme Arbaud. Il est en effet d'Isidore Isou. Son<br />

titre est Rituel somptueux pour la sélection <strong><strong>de</strong>s</strong> espèces.<br />

Guianne ! liquidanne<br />

liquidanne barre<br />

liquidinne liquidinne bine<br />

guyangosson gyarre<br />

guyangossonne<br />

..............<br />

in Précisions sur ma poésie et moi, Dix poèmes magnifiques, 1947-1950. Aux Escaliers <strong>de</strong> Lausanne.<br />

8 François Dufrêne, Danse <strong>de</strong> lutins.<br />

Dolce ; dolce<br />

Yaâse folce<br />

Dolce, dolce,<br />

Yoli <strong>de</strong>line...<br />

Premier poème lettriste publié dans la revue Fontaine, n° 62, 1947.<br />

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hépérile éclaté<br />

nous sommes saturés <strong>de</strong> communiqués, <strong>de</strong> lectures, d'humanisme.<br />

vive le courant d'air <strong>de</strong> l'illisible, <strong>de</strong> l'inintelligible, <strong>de</strong> l'ouvert !<br />

en écrivant hépérile en mots inconnus, je criais organiquement sans référence au vocabulaire - cette<br />

police <strong><strong>de</strong>s</strong> mots...<br />

aujourd'hui, grâce à raymond hains et à jacques <strong>de</strong> la villeglé, les <strong>de</strong>ux christophe colomb <strong><strong>de</strong>s</strong> " ultralettres<br />

", voici le premier livre heureusement illisible.<br />

un américain invente une machine électronique <strong><strong>de</strong>s</strong>tinée à rien.<br />

moi-même fus l'inventeur d'objets inutiles.<br />

hépérile éclaté, nouveau <strong>de</strong>gré poétique, fait réapparaître le non-humain inexplicable à travers le<br />

machinisme dépassé.<br />

le premier poème à dé-lire.<br />

camille bryen<br />

l'intrusion du verre cannelé<br />

en voyant débarquer christophe colomb, les indigènes se dirent :<br />

" alors sommes-nous découverts, cette fois-ci ? ".<br />

anecdote chère à camille bryen<br />

nous n'avons pas découvert les ultra-lettres. nous nous découvrons plutôt en elles.<br />

l'écriture n'a pas attendu notre intervention pour éclater. il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> ultra-lettres à l'état sauvage.<br />

notre mérite - ou notre astuce - c'est d'avoir vu <strong><strong>de</strong>s</strong> ultra-lettres, là où nous étions habitués à voir <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

lettres déformées.<br />

enfin nous nous servons <strong>de</strong> trames <strong>de</strong> verres cannelés qui dépossè<strong>de</strong>nt les écrits <strong>de</strong> leur signification<br />

originelle. - par une démarche analogue, il est possible <strong>de</strong> faire éclater la parole en ultra-mots<br />

qu'aucune bouche humaine ne saurait dire.<br />

le verre cannelé nous semble l'un <strong><strong>de</strong>s</strong> plus sûrs moyens <strong>de</strong> s'écarter <strong>de</strong> la légèreté poétique.<br />

hépérile éclaté est un livre bouc-émissaire.<br />

raymond hains<br />

jacques <strong>de</strong> la villeglé<br />

dans la poésie<br />

Extrait <strong>de</strong> Poésure et Peintrie, d'un art l ' autre, <strong>Musée</strong>s <strong>de</strong> Marseille, RMN, 1993<br />

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Zoom Raymond Hains :<br />

Le Co<strong>de</strong>x hypnagogique<br />

1948 (Collection <strong>de</strong> l'artiste)<br />

Cet homme est dangereux<br />

1957 (Collection Ginette Dufrêne, Michel Marcuzzi, Paris)<br />

Affiches lacérées sur tôle<br />

1959 (<strong>Musée</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>beaux</strong>-<strong>arts</strong>, <strong>Rennes</strong>)<br />

Consultable sur http://www.mbar.org/collections et notice page 41 <strong>de</strong> ce dossier<br />

Affiches pour la biennale <strong>de</strong> Venise<br />

1968 (FRAC Bretagne)<br />

Consultables sur http://www.fracbretagne.fr/collection.html<br />

Palissa<strong>de</strong> Sainte Ra<strong>de</strong>gon<strong>de</strong><br />

1974-1988 (FRAC Poitou-Charentes)<br />

Saint Jacques <strong>de</strong> Compostelle<br />

1995 (FRAC Bretagne)<br />

Consultable sur http://www.fracbretagne.fr/collection.html<br />

Œuvres <strong>de</strong> Raymond Hains et <strong>de</strong> Jacques Villeglé :<br />

Ach alma manetro<br />

1949 (MNAM, Paris)<br />

Consultable sur http://www.centrepompidou.fr (rubrique Ressources en ligne, Collection en ligne)<br />

Hépérile éclaté<br />

1953, Librairie Lutétia, Paris (Documentation MNAM, Paris)<br />

Sans titre (planches <strong>de</strong> Pénélope)<br />

1950-1953 (FRAC Bretagne)<br />

Consultable sur http://www.fracbretagne.fr/collection.html<br />

<strong>Musée</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>beaux</strong>-<strong>arts</strong> <strong>de</strong> <strong>Rennes</strong> - www.mbar.org > 28


Jacques Villeglé (né à Quimper, 1926)<br />

En 1944, Jacques Villeglé entre à l'Ecole <strong><strong>de</strong>s</strong> Beaux-Arts <strong>de</strong> <strong>Rennes</strong> où il se lie d'amitié avec Raymond<br />

Hains.<br />

En 1947, il commence à Saint-Malo une collecte d'objets trouvés : fils d'acier, déchets du mur <strong>de</strong><br />

l'Atlantique... Deux ans plus tard, il s'installe à Paris et déci<strong>de</strong> alors <strong>de</strong> limiter ses appropriations aux<br />

affiches lacérées.<br />

En 1957, lors d'une exposition chez François Dufrêne, l'artiste définit sous l'appellation générique <strong>de</strong> "<br />

Lacéré Anonyme " les différents inconnus qui contribuent à modifier le sens premier <strong>de</strong> l'affiche.<br />

En 1993, Villeglé expose à la Biennale d'art contemporain <strong>de</strong> Lyon <strong><strong>de</strong>s</strong> graphismes socio-politiques<br />

peints.<br />

Commencé en 1969, ce travail fut ponctué par une intervention directe dans l'espace public en 1982 : à<br />

<strong>Rennes</strong> et Paris. Des panneaux d'affichages habituellement réservés à la publicité furent utilisés pour<br />

présenter les symboles socio-politiques découverts ou inventés par Villeglé.<br />

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BIENNALE DE LYON 1993<br />

A LA CROISÉE DES ECRITURES<br />

« Quand l'homme a voulu <strong><strong>de</strong>s</strong> hommes-dieux, il a fallu qu'il entassât <strong><strong>de</strong>s</strong> générations en une personne, qu'il<br />

résumât en un héros les conceptions <strong>de</strong> tout un cycle poétique. »<br />

J. Michelet<br />

Avant-propos à l'Œuvre <strong>de</strong> Vico, 1827<br />

Walker Evans, lecteur <strong>de</strong> Bau<strong>de</strong>laire, <strong>de</strong> Flaubert, commença à diriger l'objectif <strong>de</strong> son appareil<br />

photographique dans le flux <strong>de</strong> la ville américaine en pleine expansion économique à la veille du Krach<br />

<strong>de</strong> 1929. Il le dirigea sur le peuple anonyme qui va et vient, sur ce qu'il regar<strong>de</strong>, sur ce qu'il voit aux<br />

fenêtres, dans la rue, autour <strong>de</strong> lui, sur ce qu'il porte, transporte, sur sa manière <strong>de</strong> se déplacer.<br />

L'auteur <strong>de</strong> l'Idiot <strong>de</strong> la Famille, Jean-Paul Sartre, dans une impulsion antiproustienne en cette décennie<br />

qui inaugura la semaine <strong><strong>de</strong>s</strong> congés payés, s'exclame : « Finalement tout est <strong>de</strong>hors, tout, jusqu'à<br />

nous-même : <strong>de</strong>hors, dans le mon<strong>de</strong>, parmi les hommes. Ce n'est pas dans je ne sais quelles retraites<br />

que nous nous découvrirons : c'est sur la route, dans la ville, au milieu <strong>de</strong> la foule, chose parmi les<br />

choses, homme parmi les hommes. »<br />

L'œuvre sélective d'affiches lacérées que, dans un même esprit extraverti, j'ai rassemblé, <strong>de</strong>puis 1949,<br />

m'a semblé être une trace murale <strong>de</strong> cet homme <strong><strong>de</strong>s</strong> foules que, subjugué, Edgar Poe suivait au milieu<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> Eupatri<strong><strong>de</strong>s</strong> et <strong>de</strong> l'ordinaire banal <strong>de</strong> la société.<br />

C'est à Liberté <strong>de</strong> Parole (6-7 mai 1969) au Théâtre du Vieux Colombier, que j'exposai une première<br />

fois un graphisme politique qui m'avait surpris le 28 février précé<strong>de</strong>nt, pour attirer l'attention <strong>de</strong> tous sur<br />

une autre trace métis <strong>de</strong> la société marginalisée.<br />

De Gaulle recevait alors Nixon, sur le mur d'un couloir <strong>de</strong> métro j'avais donc vu : les <strong>de</strong> l'ancien<br />

parti socialiste, la gaullienne, la nazie, la celtique inscrite dans le <strong><strong>de</strong>s</strong> mouvements Jeune Nation,<br />

Ordre Nouveau, Occi<strong>de</strong>nt, etc... puis à nouveau les dynamiques et barreuses <strong>de</strong> Tchakhotine<br />

indiquant sans autre commentaire le nom du prési<strong>de</strong>nt américain. L'impact <strong><strong>de</strong>s</strong> idéogrammes politiques<br />

ainsi assemblés primait sur tous les autres slogans anti-yankees <strong>de</strong> l'heure.<br />

<strong>Les</strong> A encerclés, les N zébrés, les O coupés en quatre, les S striés, les I doublement barrés, les V<br />

étoilés, la courbe <strong><strong>de</strong>s</strong> G, faucille <strong><strong>de</strong>s</strong> soviets inversée, brochée du marteau, les S redoublés inscrits<br />

comme <strong>de</strong>ux éclairs parallèles,... ces surcharges emblématiques <strong><strong>de</strong>s</strong> bas-fonds parisiens généralisent<br />

la guérilla <strong><strong>de</strong>s</strong> symboles qu'avait imaginée en 1931 le chef <strong>de</strong> la propagan<strong>de</strong> du Front d'Airain lorsqu'il<br />

conçut les pour les jeunes ouvriers socialistes en opposition à la <strong><strong>de</strong>s</strong> Chemises Noires 1 .<br />

L'écriture latine, par amalgame, au sens alchimique du terme, avec ces idéogrammes fasciste,<br />

capitaliste, socialiste, communiste ou gauchiste s'inscrivait en filigrane dans les pages blanches <strong>de</strong><br />

l'histoire.<br />

Cette invention graphique sur laquelle, en bon ravisseur, j'ai spéculé, est millénaire. En 1854 le Père<br />

Raphaël Garrucci a relevé et décrit un emblème amoureux gravé sur une muraille <strong>de</strong> Pompéi : Psycé<br />

dans un cœur, une feuille <strong>de</strong> vigne « dont le sein intérieur est formé par les lignes sinueuses <strong>de</strong> l'Y ».<br />

Mais elle est <strong>de</strong>venue, après l'aimable révolution portugaise <strong><strong>de</strong>s</strong> œillets du 25 avril 1974, internationale.<br />

L'exploration du visualisme fit fleurir sur les bâtiments publics et les murs <strong>de</strong> clôtures le graphisme <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

combinateurs populaires. E.M. <strong>de</strong> Melo e Castro 2 , un proche <strong>de</strong> Fluxus, un releveur <strong>de</strong> traces <strong>de</strong><br />

civilisation aurait peut-être dit Walter Benjamin, attentif à la chose politique dans son inci<strong>de</strong>nce<br />

quotidienne étudia et releva photographiquement <strong><strong>de</strong>s</strong> centaines d'exemples <strong>de</strong> ces ensembles<br />

combinatoires en s'interrogeant sur l'art populaire et l'ignorance créatrice que défendait le napolitain<br />

Giambattista Vico - Scienza Nuova ?, 1725 - dans l'intention <strong>de</strong> restituer au génie <strong><strong>de</strong>s</strong> masses tout ce<br />

dont on faisait honneur à quelques individus. C'est <strong>de</strong> cette énergie populaire contenue sous une<br />

oppression cinquantenaire que témoignera l'explosion subite : le pays, les routes, les villes, les villages<br />

furent « couverts d'inscriptions d'un jour à l'autre et, dans une nation d'analphabètes, on est passé très<br />

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api<strong>de</strong>ment à un climat où la lecture <strong>de</strong> ces inscriptions et <strong>de</strong> leurs interventions réciproques <strong>de</strong>venait<br />

évi<strong>de</strong>nte et active ».<br />

N'est-ce pas, en effet, un exemple <strong>de</strong> ce que formulait celui dont les étu<strong><strong>de</strong>s</strong> comparatives<br />

enthousiasmèrent le jeune Michelet concevant une philosophie <strong>de</strong> l'histoire : Vico ? Sans doute celui-ci<br />

penserait-il <strong>de</strong> nos jours que ces idéogrammes détournés dialectiquement ont été employés par un<br />

peuple muet, leur utilisation rejoignant l'usage primitif <strong><strong>de</strong>s</strong> hiéroglyphes. Aussi bien les affrontements<br />

naissent et se développent entre <strong><strong>de</strong>s</strong> classes et <strong><strong>de</strong>s</strong> générations qui parlent <strong><strong>de</strong>s</strong> langues différentes ; en<br />

conséquence chacun restant sourd à l'autre, elles sont pour ainsi dire muettes et contraintes <strong>de</strong> se faire<br />

entendre par signes. Ainsi Vico expliquait-il l'origine, lors <strong><strong>de</strong>s</strong> guerres entre clans ou nations en<br />

formation, <strong><strong>de</strong>s</strong> armoiries, <strong><strong>de</strong>s</strong> armes et <strong><strong>de</strong>s</strong> emblèmes <strong>de</strong> familles. N'est-ce pas lors <strong>de</strong> leur déca<strong>de</strong>nce<br />

dans les Temps Mo<strong>de</strong>rnes que les armes <strong>de</strong>viendront parlantes ?<br />

Raymond Abellio pour sa part, s'inquiétant <strong>de</strong> la fin <strong><strong>de</strong>s</strong> ésotérismes et rapportant que Gi<strong>de</strong> se<br />

<strong>de</strong>mandait naïvement comment les chrétiens pouvaient adorer un , oppose l'idéogramme, langage<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> structures et <strong><strong>de</strong>s</strong> nombres, au symbole imagé, dévergondage <strong>de</strong> I'imagination. Le langage <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

mots par l'écriture alphabétique serait, quant à lui, le lien entre l'image symbolique et l'idéogramme qui,<br />

dans son abstraction <strong>de</strong>rnière, nous offre en quelque sorte un concentré <strong>de</strong> révélation ou <strong>de</strong><br />

connaissance.<br />

Dans ses entretiens Sur l'Art et la Vie (1936), un philosophe comme Herman <strong>de</strong> Keyserling aurait-il<br />

enseigné cette concentration 3 typographique et manuscrite anonyme européenne que j'ai relevée en<br />

1969 ? A ses yeux eût-elle été douée <strong><strong>de</strong>s</strong> mêmes vertus que l'idéogramme chinois qui, pensait-il,<br />

pouvait en cinquante pages réincarner la volumineuse Critique <strong>de</strong> la Raison pure sans omission<br />

aucune 4 ? « C'est que, disait-il, tout idéogramme, en tant que symbiose <strong>de</strong> relation, implique par la<br />

simple juxtaposition avec d'autres idéogrammes la teneur <strong>de</strong> pages entières ». Et il ajoutait : « L'idéal<br />

<strong>de</strong> toute littérature <strong>de</strong>vrait être analogue ».<br />

Autant mon appétence morale fut merveilleusement aiguisée, comme aurait dit l'observateur <strong>de</strong><br />

l'Homme <strong><strong>de</strong>s</strong> foules, par la généralisation tous azimuts <strong>de</strong> cette guérilla <strong><strong>de</strong>s</strong> écritures, réalité sociale,<br />

autant m'a vite lassé la graphomanie pariétale <strong><strong>de</strong>s</strong> taggers du subway new-yorkais puis <strong><strong>de</strong>s</strong> graffeurs<br />

européens qui investissent un espace par un comportement égocentrique, par une signature qu'ils<br />

pensent magnifiées. Leur expression graphique dans laquelle se ressentent tous les tics individuels<br />

s'est, en conséquence, stéréotypée encore plus rapi<strong>de</strong>ment que la peinture gestuelle <strong>de</strong> l'abstraction<br />

lyrique, autre saturation <strong><strong>de</strong>s</strong> énergies psychiques.<br />

Au cours <strong>de</strong> ma première mise au point, en 1958, sur la lacération d'affiches, j'évoquais la manifestation<br />

spontanée, par la suite, en diapason lors du regroupement <strong><strong>de</strong>s</strong> nouveaux réalistes, Pierre Restany parla<br />

d'expressivité directe. Depuis ce temps, les graffitis suscitent l'expression médiatique, démocratie<br />

directe, j'aimerais pour ma part employer à propos <strong><strong>de</strong>s</strong> graphismes socio-politiques les termes que<br />

Francis Ponge, poète cherchant à établir un lien entre connaissance intuitive et connaissance<br />

discursive, utilisait lorsqu'il <strong>de</strong>vait discourir en société. Il avait l'habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> ne pas préparer son<br />

intervention, comptant que <strong>de</strong> son rapport avec le public se créerait spontanément une communication<br />

directe.<br />

M'appliquer à retranscrire au pinceau, au feutre, à la bombe, ces signes <strong>de</strong> la spontanéité populaire,<br />

n'est-ce pas <strong>de</strong> ma part me contredire ? Ravisseur d'affiches lacérées n'ai-je pas pris et gardé <strong>de</strong>puis<br />

plus <strong>de</strong> quarante ans mes distances envers les peintres et leur métier ? Peut-être, toutefois tout en<br />

ayant ce comportement <strong>de</strong> distanciation vis-à-vis <strong>de</strong> la peinture-transposition je me suis refusé dès<br />

l'origine à établir toute échelle <strong>de</strong> valeur entre l'objet créé, le banal ready-ma<strong>de</strong> et l'objet trouvé dans sa<br />

plénitu<strong>de</strong>. L'artiste coordinateur <strong><strong>de</strong>s</strong> fantasmes et <strong>de</strong> l'efficacité <strong>de</strong> la société, même s'il ne prend pas<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> Esseintes pour modèle, fait sien le mensonge à la Di<strong>de</strong>rot avant-goût <strong>de</strong> l'artifice bau<strong>de</strong>lairien pour<br />

un droit d'afficher les contradictoires, nul homme ne <strong>de</strong>vant s'enfermer dans un caisson étanche.<br />

J'espère que le regar<strong>de</strong>ur sera plus sensible aux constantes <strong>de</strong> ma vision, <strong>de</strong> mes intentions, qu'aux<br />

contradictions que j'assume dans la mise en œuvre <strong>de</strong> la transcription et <strong>de</strong> la présentation <strong>de</strong> ces<br />

idéogrammes enchevêtrés brouillant l'écriture.<br />

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<strong>Les</strong> scripteurs anonymes, pour leur part, n'ont aucune ambition personnelle et stylistique, simplicité que<br />

je partage. Ils ne recherchent, en masquant les slogans, les noms <strong><strong>de</strong>s</strong> puissants, nullement l'élégance<br />

du trait mais une certaine efficacité contestataire. Pour ma part, témoin, je cherche à faire connaître la<br />

guérilla <strong><strong>de</strong>s</strong> signes avec l'application du <strong><strong>de</strong>s</strong>sinateur <strong>de</strong> planche encyclopédique et <strong>de</strong> l'archaïque<br />

teneur <strong>de</strong> livre d'ordre, et <strong>de</strong> registre commercial. La manière par laquelle je <strong>de</strong>viens l'intermédiaire,<br />

(c'est <strong><strong>de</strong>s</strong> intermédiaires que naît l'impureté), est en la matière secondaire. Si je parviens à mettre en<br />

valeur ces cryptogrammes controversant les manipulations <strong><strong>de</strong>s</strong> lea<strong>de</strong>rs <strong>de</strong> tout poil, les informations<br />

truquées, dévoyées, l'usage massif <strong><strong>de</strong>s</strong> techniques <strong>de</strong> communication, commencerais-je à prêcher la<br />

surréaction ?<br />

………………………………………………………………………………..<br />

1 Pr. Serge Tchakotine, Le Viol <strong><strong>de</strong>s</strong> Foules, Paris, 1939, réédition Gallimard, 1972. La tactique <strong>de</strong> Tchakotine était <strong>de</strong> lutter<br />

contre la propagan<strong>de</strong> d'intimidation avec les mêmes armes que l'adversaire ; ainsi aux cris <strong>de</strong> Heil Hitler répondront Freiheit<br />

et au salut nazi celui du poing levé. Il accusa d'avoir <strong>de</strong> mauvais réflexes ceux qui tel Heartfield dénonçant les atrocités et<br />

l'esprit d'agression <strong><strong>de</strong>s</strong> fascistes servaient objectivement (inconsciemment) et par là même l'esprit <strong>de</strong> la propagan<strong>de</strong> à<br />

combattre.<br />

2 E. M. De Melo e Castro, Po<strong>de</strong>-se escrever com lsto, « Colòquion », n°32, Fondation Catouste Gulbenkian, Lisbonne, 1977.<br />

3 Du haut <strong>de</strong> son écriture (Paris, Gallimard, coll. Idées, 1973) Etiemble jugeait la désécriture <strong>de</strong> Hépérile Eclaté comme « une<br />

incarnation digne <strong>de</strong> Vichnou, une illustration du nihilisme généralisée qui, tout autant que la relativité généralisée, peut-être<br />

plus encore, marquera le XXème siècle, et dont il semble que les camps hitlériens <strong>de</strong> concentration n'aient pas épuisé<br />

l'horreur ». Je lui dédie en retour par le biais <strong>de</strong> son jeu <strong>de</strong> mots, si mauvais que je dois le souligner, les citations qui<br />

précè<strong>de</strong>nt, et la suivante d'un universitaire dijonnais qui poursuit le même discours du mythe d'Hépérile avec toutefois une<br />

désespérance nuancée : « ... picturalement disloqué, Dionysos nage au sein <strong>de</strong> puzzles <strong>de</strong> toute sorte dans lesquels<br />

s'exerce sa frénésie : il plonge dans le chaos pour rechercher les remembrements et les synthèses inouïes que, pense-t-il,<br />

tous les gouffres abritent. » (Jean Brun, Le Retour <strong>de</strong> Dionysos, Paris, Ed. Le Berger et les Mages, 1976).<br />

4 Donc sans dé-Kanter Kant son auteur, aurait dit, peut-être, un onomaturge <strong>de</strong> mes amis, François Dufrêne.<br />

Extrait <strong>de</strong> A la croisée <strong><strong>de</strong>s</strong> écritures (texte <strong>de</strong> Jacques Villeglé), Biennale <strong>de</strong> Lyon 1993<br />

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Zoom Jacques Villeglé :<br />

<strong>Les</strong> Nymphéas<br />

1957 (<strong>Musée</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>beaux</strong>-<strong>arts</strong>, <strong>Rennes</strong>)<br />

Notice page 40 <strong>de</strong> ce dossier<br />

Tapis Maillot<br />

1959 (MNAM, Paris)<br />

Consultable sur http://www.centrepompidou.fr (rubrique Collection en ligne)<br />

Rue <strong>de</strong> Tolbiac - Le crime ne paie pas<br />

1962 (FRAC Bretagne)<br />

Consultable sur http://www.fracbretagne.fr/collection.html<br />

Boulevard du Montparnasse<br />

1964 (<strong>Musée</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>beaux</strong>-<strong>arts</strong>, <strong>Rennes</strong>)<br />

Consultable sur http://www.mbar.org/collections (rechercher à : La Villeglé) et notice page 42 <strong>de</strong> ce dossier<br />

Rue <strong>de</strong> l'Echaudé Saint-Germain, Paris<br />

1965 (FRAC Bretagne)<br />

Consultable sur http://www.fracbretagne.fr/collection.html<br />

Lycanthrope<br />

1992 (FRAC Bretagne)<br />

Consultable sur http://www.fracbretagne.fr/collection.html<br />

Site Internet pour plus d'informations :<br />

http://bi.adagp.fr (banque d'images <strong>de</strong> l'ADAGP : entrer le nom <strong>de</strong> l'artiste)<br />

Œuvres <strong>de</strong> Jacques Villeglé et <strong>de</strong> Raymond Hains :<br />

Ach alma manetro<br />

1949 (MNAM, Paris)<br />

Consultable sur http://www.centrepompidou.fr (rubrique Ressources en ligne, Collection en ligne)<br />

Hépérile éclaté<br />

1953, Librairie Lutétia, Paris (Documentation MNAM, Paris)<br />

Sans titre (planches <strong>de</strong> Pénélope)<br />

1950-1953 (FRAC Bretagne)<br />

Consultable sur http://www.fracbretagne.fr/collection.html<br />

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Yves Klein (Nice, 1928 - Paris, 1962)<br />

Yves Klein a grandi dans un milieu artistique, ses parents étaient peintres.<br />

Cependant il n'a suivi aucune formation spécialisée. Pendant plusieurs années, il se consacre à l'étu<strong>de</strong><br />

et à la pratique du judo ; il passe même un an au Japon pour se perfectionner. Après quelques<br />

tentatives d'enseignement <strong>de</strong> cette discipline à Madrid, puis à Paris, il déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> s'intéresser<br />

exclusivement à la peinture.<br />

Ses premières œuvres sont <strong><strong>de</strong>s</strong> toiles monochromes (rouge, orange, jaune, bronze, vert ), <strong>de</strong><br />

dimension rectangulaire, uniformément peintes au rouleau et montées sur <strong><strong>de</strong>s</strong> panneaux <strong>de</strong> bois aux<br />

bords arrondis. Soucieux d'éliminer toute interprétation décorative <strong>de</strong> son travail, Klein met au point vers<br />

1955 une couleur très particulière et la fait breveter en 1960 sous le nom d'International Klein Blue<br />

(IKB). La composition <strong>de</strong> ce bleu outremer permet au pigment d'apparaître sous sa forme la plus pure.<br />

L'artiste déclare alors :<br />

" Je cherche à montrer la couleur " ; il affirme la volonté " d'atteindre ce <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> contemplation où la<br />

couleur <strong>de</strong>vient pleine et pure sensibilité ". Il peint aussi en bleu <strong><strong>de</strong>s</strong> matériaux bruts (tubes, tiges <strong>de</strong><br />

bois, fil <strong>de</strong> fer), <strong><strong>de</strong>s</strong> objets (paravents, éponges, globes terrestre, moulages <strong>de</strong> plaire...). Klein poursuit<br />

sa recherche d'une expression <strong>de</strong> la sensibilité pure qui " imprègne l'univers " par <strong><strong>de</strong>s</strong> actions plus<br />

radicales : en 1958, à la galerie Iris Clert il organise l'exposition le Vi<strong>de</strong>. <strong>Les</strong> visiteurs sont conviés à<br />

pénétrer dans un espace entièrement peint en blanc, à l'exception <strong><strong>de</strong>s</strong> fenêtres recouvertes <strong>de</strong><br />

l'International Klein Blue.<br />

Cependant Yves Klein utilise d'autres moyens pour incarner cette notion <strong>de</strong> sensibilité picturale ; il fait<br />

appel à <strong><strong>de</strong>s</strong> modèles, véritables pinceaux vivants qu'il enduit <strong>de</strong> peinture au cours <strong>de</strong> séances<br />

publiques. Ces femmes plaquent ensuite leur corps contre <strong><strong>de</strong>s</strong> feuilles <strong>de</strong> papier, ne laissant plus visible<br />

que la trace <strong>de</strong> leur présence. Le critique Pierre Restany baptise ces œuvres, les Anthropométries.<br />

A partir <strong>de</strong> 1960, les quatre éléments fondamentaux <strong>de</strong> la nature <strong>de</strong>viennent pour l'artiste les matériaux<br />

privilégiés <strong>de</strong> son travail. La terre est symbolisée par l'or dont <strong><strong>de</strong>s</strong> feuilles recouvrent différents supports<br />

; <strong><strong>de</strong>s</strong> monochromes exposés à l'extérieur enregistrent les traces laissées par le vent et la pluie ; enfin, le<br />

feu, par l'usage <strong>de</strong> brûleurs à gaz, provoque l'altération <strong>de</strong> toiles et <strong>de</strong> cartons. La carrière d'Yves Klein<br />

est prématurément interrompue par sa mort suite à une crise cardiaque en 1962.<br />

Zoom Yves Klein :<br />

Monochrome bleu sans titre<br />

(IKB 63), 1959 (Collection Van Abbemuseum, Eindhoven)<br />

Anthropométrie <strong>de</strong> l'époque bleue<br />

1960 (MNAM, Paris)<br />

" Klein et ses femmes pinceaux "<br />

Performance à la Galerie internationale d'art contemporain, le 9 mars 1960 : Anthropométries et<br />

Symphonie monotone.<br />

Symphonie d'environ 20 minutes, composée sur une seule note et pour une dizaine <strong>de</strong> musiciens.<br />

Ecoutez-la sur http://www.ac-creteil.fr/crdp/artecole/<strong>de</strong>-visu/mzk-ap/mzk-ap-klein.htm<br />

[1'00""]<br />

Peinture feu sans titre<br />

(F2), 1961 (Collection particulière, Suisse)<br />

L'Arbre, gran<strong>de</strong> éponge bleue<br />

(SE 71), 1962 (MNAM, Paris)<br />

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Arman (Nice, 1928 - New York, 2005)<br />

Arman peint <strong><strong>de</strong>s</strong> œuvres abstraites jusqu'au milieu <strong><strong>de</strong>s</strong> années cinquante, puis délaisse complètement<br />

la peinture pour s'intéresser à l'objet. Sa première expérience, radicale, consiste à marquer la surface<br />

d'une série <strong>de</strong> toiles avec un tampon encreur. <strong>Les</strong> traces <strong><strong>de</strong>s</strong> cachets recouvrent ainsi tout l'espace à la<br />

manière du all over pratiqué par Jackson Pollock. La répétition est également l'élément essentiel qui<br />

déclenche la production <strong>de</strong> ces oeuvres. Très vite, Arman choisit d'utiliser directement les objets plutôt<br />

que leur empreinte. Ceux-ci sont généralement usagés voire réduits à l'état <strong>de</strong> déchets.<br />

" J'affirme que l'expression <strong><strong>de</strong>s</strong> détritus, <strong><strong>de</strong>s</strong> objets possè<strong>de</strong> sa valeur en soi, directement, sans volonté<br />

d'agencement esthétique les oblitérant et les rendant pareils aux couleurs d'une palette ; en outre,<br />

j'introduis le sens du geste global sans rémission ni remords. Dans les inutilisés, un moyen d'expression<br />

attire tout particulièrement. mon attention et mes soins ; il s'agit <strong><strong>de</strong>s</strong> accumulations, c'est-à-dire la<br />

multiplication et le blocage dans un volume correspondant à la forme, au nombre et à la dimension <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

objets manufacturés. "<br />

Il réalise ainsi <strong><strong>de</strong>s</strong> accumulations <strong>de</strong> toute sorte d'objets ; la plus spectaculaire est sans doute celle qu'il<br />

prépare pour la galerie Iris Clert en 1960 : prenant le strict contre-pied d'Yves Klein qui avait auparavant<br />

conçu le vernissage du Vi<strong>de</strong>, Arman remplit complètement l'espace <strong>de</strong> la galerie <strong>de</strong> détritus. Il intitule<br />

l'exposition le Plein. Selon la même logique, il produit la série <strong><strong>de</strong>s</strong> " poubelles ". Des déchets en vrac<br />

sont entassés dans <strong><strong>de</strong>s</strong> cuves en plexiglas.<br />

L'artiste a plusieurs façons <strong>de</strong> concevoir ses accumulations : elles peuvent être libres, structurées,<br />

vissées, soudées, prises dans le béton, fixées sur du plexiglas ou même encore moulées dans du<br />

bronze.<br />

A ce goût <strong>de</strong> la collection, il oppose <strong><strong>de</strong>s</strong> gestes beaucoup plus violents : les objets sont soumis à la<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong>truction, la brûlure, le découpage. Ces séries sont nommées les colères.<br />

Zoom Arman :<br />

Portrait-robot d'Yves Klein, le Monochrome<br />

1960 (Collection particulière)<br />

Le Plein, à la Galerie Iris Clert<br />

Reconstitution réalisée par le MNAM, Paris, 1994<br />

La poubelle <strong>de</strong> Jim Dine<br />

1961 (Collection Sonnabend, New York)<br />

L'Affaire du courrier<br />

1961-62 (Collection particulière, Rueil)<br />

Le Village <strong>de</strong> grand-mère<br />

1962 (Galerie Beaubourg, Vence, Marianne et Pierre Nahon)<br />

Chopin’s Waterloo<br />

1962 (MNAM, Paris)<br />

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Jean Tinguely (Fribourg, 1925 - Berne, 1991)<br />

Jean Tinguely s'est toujours intéressé aux machines et au mouvement. Dès la fin <strong><strong>de</strong>s</strong> années 30, il<br />

s'amuse à construire, dans la forêt <strong>de</strong> Bâle <strong><strong>de</strong>s</strong> mécanismes simples :<br />

" Alors, j'ai commencé à faire une chose très bizarre : plusieurs samedis et dimanches <strong>de</strong> suite j'ai<br />

commencé à construire <strong>de</strong> jolies petites roues en bois, bricolées comme ça le long d'un ruisseau (...)<br />

J'ai fait jusqu'à <strong>de</strong>ux douzaines <strong>de</strong> petites roues dont chacune avait sa propre vitesse, et parfois celte<br />

vitesse était variable selon la vitesse <strong>de</strong> l'eau, variable elle aussi. "<br />

Ses premières machines, au début <strong><strong>de</strong>s</strong> années 50, sont <strong><strong>de</strong>s</strong> tableaux dont les formes géométriques<br />

sont animées par un moteur. Tinguely refuse l'idée d'une œuvre stable et éternelle. Il préfère insister sur<br />

le caractère aléatoire et précaire <strong>de</strong> toute composition.<br />

Le mouvement, la machine, le hasard et l'éphémère sont les principaux matériaux <strong>de</strong> son travail.<br />

En 1959, il conçoit les Méta-matics, véritables machines à <strong><strong>de</strong>s</strong>siner. Ces drôles <strong>de</strong> mécaniques, <strong>de</strong><br />

dimensions et d'apparences variables, réclament la complicité du visiteur qui peut en régler le<br />

fonctionnement (choix <strong>de</strong> l'outil, du papier, <strong>de</strong> la fluidité <strong>de</strong> la couleur) et la vitesse.<br />

Ces machines <strong>de</strong>viennent <strong>de</strong> plus en plus gran<strong><strong>de</strong>s</strong> et complexes au fil du temps. Elles sont faites <strong>de</strong><br />

divers matériaux : éléments mécaniques, objets quotidiens, bruits, gaz (...) Elles tentent d'englober<br />

l'univers tout entier. Tinguely déclare d'ailleurs en 1966 :<br />

" L'art est total car il peut être fait <strong>de</strong> n'importe quoi : pierre et pétrole, bois et fer, air et énergie,<br />

gouache, toile et situation, imagination et entêtement, ennui, bouffonnerie, colère, intelligence, colle et<br />

fil <strong>de</strong> fer, opposition et appareil photo. "<br />

Certaines machines donnent lieu à <strong><strong>de</strong>s</strong> événements spectaculaires, proches du happening : il s'agit<br />

d'immenses mécaniques qui s'autodétruisent sous les yeux du public, au milieu <strong>de</strong> projections,<br />

d'explosions et <strong>de</strong> bruits impressionnants.<br />

Zoom Jean Tinguely :<br />

Méta-matic n°8 (Méta-Moritz)<br />

1959 (Stockholm, Mo<strong>de</strong>rna Museet)<br />

L’Hommage à New York (photo David Gehr)<br />

installée dans le jardin <strong>de</strong> sculptures du Museum of Mo<strong>de</strong>rn Art <strong>de</strong> New York le 17 mars 1960 ; à cette<br />

occasion, Marcel Duchamp a composé un <strong>de</strong> ses plus <strong>beaux</strong> aphorismes :<br />

" Si la scie scie la scie<br />

Et si la scie qui scie la scie<br />

Est la scie que scie la scie<br />

Il y a Suisssci<strong>de</strong> métallique ".<br />

Baluba XIII<br />

1961 (Wilhelm-Lehmbruck Museum <strong>de</strong>r Stadt, Duisburg)<br />

Rotozaza I<br />

1967(Collection Bénédicte Pesle, Paris)<br />

Fontaine Stravinsky<br />

1983 (place Stravinsky, Paris) en collaboration avec sa compagne Niki <strong>de</strong> Saint-Phalle<br />

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Daniel Spoerri (né à Galati – Roumanie - en 1930)<br />

Daniel Spoerri a exercé toutes sortes d'activités : danseur, metteur en scène <strong>de</strong> théâtre, poète,<br />

cuisinier... Son travail d'artiste débute en 1959 lorsqu'il invente les tableaux-pièges. Il les décrit luimême<br />

ainsi :<br />

" <strong><strong>de</strong>s</strong> objets trouvés au hasard, en ordre ou en désordre, (sur <strong><strong>de</strong>s</strong> tables, dans <strong><strong>de</strong>s</strong> boîtes ou dans <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

tiroirs), sont fixés, piégés tels quels. Par exemple, les restes d'un repas sont collés sur la table même<br />

où le repas a été consommé et la table est accrochée au mur. "<br />

Spoerri ne modifie pas les objets ni leur agencement ; il les fait seulement passer du plan horizontal au<br />

plan vertical provocant ainsi un sentiment d'étrangeté, un regard nouveau chez le spectateur :<br />

" les tableaux-pièges sont une information, une provocation, une indication pour l'œil <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

choses qu'il n'a pas l'habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> voir "<br />

Par cette appropriation du réel, l'artiste refuse l'idée d'une création individuelle ; il considère ses œuvres<br />

comme les instruments d'une " leçon d'optique " qui permet au spectateur <strong>de</strong> transformer sa vision du<br />

mon<strong>de</strong>.<br />

A la suite <strong><strong>de</strong>s</strong> tableaux-pièges, d'autres formes <strong>de</strong> manipulation <strong><strong>de</strong>s</strong> objets ont été utilisées par Spoerri :<br />

les tableaux-puces, éventaires d'objets du marché aux puces prélevés sans subir aucune modification,<br />

les détrompe-l'œil, tableaux souvent classiques et figuratifs, sur lesquels il fixe un objet bien réel venant<br />

transformer et perturber l'image,<br />

les collections, démonstration <strong>de</strong> l'évolution d'un objet à travers le temps. Ustensiles <strong>de</strong> cuisine,<br />

chaussures, outils... sont ainsi accrochés au mur ; le visiteur peut les utiliser.<br />

Zoom Daniel Spoerri :<br />

Salle III <strong>de</strong> l'exposition Dylaby Dynamisch Labyrinth<br />

1962 (Ste<strong>de</strong>lijk Museum, Amsterdam)<br />

" Pendant la manifestation <strong>de</strong> groupe Dylaby (dynamic labyrinth) au musée Ste<strong>de</strong>lijk à Amsterdam en<br />

septembre 1962, j'ai transformé 2 pièces du musée. Dans l'une, transformée en labyrinthe obscur, les<br />

spectateurs étaient soumis à <strong><strong>de</strong>s</strong> expériences sensorielles (surfaces chau<strong><strong>de</strong>s</strong> et humi<strong><strong>de</strong>s</strong>, différents<br />

sons, o<strong>de</strong>urs et textures variées) exactement comme s'ils étaient aveuglés par les lunettes noires<br />

plantées d'aiguilles, ils <strong>de</strong>vaient faire appel à leurs sens pour appréhen<strong>de</strong>r l'environnement. Dans l'autre<br />

salle un <strong><strong>de</strong>s</strong> principes du tableau-piège (le changement <strong>de</strong> plan) fut appliqué à l'ensemble <strong>de</strong> la pièce<br />

qui renfermait une exposition <strong>de</strong> peintures fin <strong>de</strong> siècle et <strong><strong>de</strong>s</strong> sculptures. Des tableaux furent accrochés<br />

sur le véritable plancher <strong>de</strong> façon à le transformer en mur ; les sculptures furent posées sur l'un <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

véritables murs <strong>de</strong> façon à le transformer en plancher et les autres murs se situèrent en rapport avec le<br />

nouveau sol. "<br />

La Douche (détrompe-l’œil)<br />

1962 (Collection Arturo Schwarz, Milan)<br />

Repas hongrois (tableau-piège)<br />

1963 (MNAM, Paris)<br />

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Martial Raysse (né à Golfe-Juan en 1936)<br />

Après avoir commencé <strong><strong>de</strong>s</strong> étu<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> lettres, Martial Raysse déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> se consacrer à la peinture.<br />

Ses premières oeuvres sont <strong><strong>de</strong>s</strong> toiles plutôt traditionnelles mais à partir <strong>de</strong> 1957, il élabore <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

sculptures avec <strong><strong>de</strong>s</strong> fils <strong>de</strong> fer, <strong><strong>de</strong>s</strong> déchets trouvés dans <strong><strong>de</strong>s</strong> terrains vagues. Petit à petit ces<br />

éléments <strong>de</strong> métal sont remplacés par <strong><strong>de</strong>s</strong> morceaux <strong>de</strong> plastique, puis par <strong><strong>de</strong>s</strong> assemblages d'objets<br />

neufs, puisés directement dans les vitrines <strong><strong>de</strong>s</strong> magasins .<br />

" Ce qui m'intéresse, c'est la profusion colorée <strong>de</strong> l'article en série, l'afflux quantitatif <strong><strong>de</strong>s</strong> étalages, la<br />

marée <strong>de</strong> produits neufs dans les grands magasins. L'art actuel, c'est une fusée dans l'espace.<br />

<strong>Les</strong> Prisunics sont les musées <strong>de</strong> l'art mo<strong>de</strong>rne.<br />

(...) J'ai eu l'idée très simple <strong>de</strong> présenter <strong><strong>de</strong>s</strong> objets tels qu'ils étaient car ils exprimaient notre mon<strong>de</strong>.<br />

Je ne faisais plus <strong>de</strong> sculpture avec <strong><strong>de</strong>s</strong> objets trouvés dans les étalages <strong><strong>de</strong>s</strong> Prisunics, c'est l'étalage<br />

lui-même qui était la sculpture. "<br />

On a coutume <strong>de</strong> rassembler cette série d'œuvres sous le titre <strong>de</strong> Hygiène <strong>de</strong> la vision.<br />

Martial Raysse s'intéresse aussi à l'imagerie publicitaire, aux stéréotypes et aux artifices que produit la<br />

société <strong>de</strong> consommation ; il choisit les images anonymes <strong><strong>de</strong>s</strong> pin-up <strong>de</strong> magazines, <strong><strong>de</strong>s</strong> objets<br />

clinquants <strong>de</strong> bazar ; il utilise également les techniques <strong>de</strong> la publicité : agrandissements<br />

photographiques, couleurs fluorescentes et criar<strong><strong>de</strong>s</strong>, néons <strong><strong>de</strong>s</strong> enseignes lumineuses.<br />

" J'ai découvert le néon. C'est la couleur vivante, rare couleur par-<strong>de</strong>là la couleur. La plume et le<br />

pinceau sont dépassés. Le néon exprime plus fidèlement la vie mo<strong>de</strong>rne, il existe dans le mon<strong>de</strong><br />

entier."<br />

Ses sujets <strong>de</strong> prédilection, au début <strong><strong>de</strong>s</strong> années soixante, tournent autour <strong>de</strong> la station d'un idéal<br />

féminin. Il combine ainsi un thème traditionnel <strong>de</strong> la peinture et l'une <strong><strong>de</strong>s</strong> préoccupations essentielles <strong>de</strong><br />

la plupart <strong><strong>de</strong>s</strong> magazines <strong>de</strong> mo<strong>de</strong> qui vantent allègrement les mérites <strong>de</strong> toutes sortes <strong>de</strong> cosmétiques.<br />

<strong>Les</strong> œuvres <strong>de</strong> Martial Raysse oscillent sans cesse entre une fascination pour les mirages <strong>de</strong> la société<br />

<strong>de</strong> consommation et une dénonciation <strong>de</strong> ses clichés.<br />

Zoom Martial Raysse :<br />

Etalage, hygiène <strong>de</strong> la vision<br />

1960 (Collection particulière)<br />

Etalage <strong>de</strong> Prisunic, Hygiène <strong>de</strong> la vision n°1<br />

1961 (Collection Sophie et Bob Calle, Paris)<br />

Souviens-toi <strong>de</strong> Tahiti<br />

1963 (Louisiana Museum of Mo<strong>de</strong>rn Art, Humlebaek)<br />

America, America<br />

1964 (MNAM, Paris)<br />

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NOTICES DES ŒUVRES<br />

DU MUSEE DES BEAUX-ARTS<br />

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Jacques MAHE DE LA VILLEGLE (Quimper, 1926)<br />

<strong>Les</strong> Nymphéas<br />

novembre 1957<br />

Affiches lacérées marouflées sur toile<br />

38,5 x 247 cm<br />

acquis en 1997<br />

Jacques Mahé <strong>de</strong> La Villeglé conçoit son travail comme celui d'un collectionneur, qui prélève et choisit<br />

chacune <strong>de</strong> ses " œuvres " dans la réalité en raison <strong>de</strong> ses qualités plastiques ou par la force <strong>de</strong> son<br />

message, détourné ou télescopé.<br />

<strong>Les</strong> Nymphéas <strong>de</strong> 1957 est probablement l'œuvre la plus importante <strong>de</strong> la pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> " La lettre<br />

lacérée " qui, <strong>de</strong> 1949 à 1962, réunit <strong><strong>de</strong>s</strong> affiches où la lettre, rendue illisible par les lacérations, <strong>de</strong>vient<br />

un élément purement abstrait. Entièrement typographiques, les affiches <strong>de</strong> cette courte pério<strong>de</strong>,<br />

recouvertes et déchirées chaque jour, révèlent leurs multiples couches semblables et décalées, dans un<br />

dialogue souvent monochrome.<br />

C'est avec <strong>Les</strong> Nymphéas que ce jeu <strong>de</strong> la lettre illisible approche <strong>de</strong> plus près la peinture abstraite. <strong>Les</strong><br />

gran<strong><strong>de</strong>s</strong> lettres bleues dansent dans l'œil du spectateur comme les nymphéas dans les toiles liqui<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong><br />

Monet, dans un format gigantesque qui n'est pas sans rappeler cette œuvre exceptionnelle.<br />

<strong>Les</strong> nouveaux concepts typographiques qui marquent l'affiche dès 1964 ren<strong>de</strong>nt les collectes <strong>de</strong> Villeglé<br />

radicalement différentes. L'homogénéité <strong>de</strong> l'écriture disparaît, l'impression <strong>de</strong> all-over qui marque <strong>Les</strong><br />

Nymphéas ne se retrouvera plus jamais.<br />

Boulevard du Montparnasse <strong>de</strong> 1964, présent dans les collections du musée permet <strong>de</strong> saisir cette<br />

évolution et <strong>de</strong> montrer <strong>de</strong>ux moments <strong>de</strong> l'art <strong>de</strong> Villeglé.<br />

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Raymond HAINS (Saint-Brieuc, 1926 - Paris, 2005)<br />

Affiches lacérées sur tôle<br />

1959<br />

Affiches lacérées sur tôle<br />

100 x 100 cm<br />

acquis en 1990<br />

Breton d'origine, Raymond Hains découvre en 1949, avec son ami et compatriote Villeglé, le pouvoir<br />

suggestif <strong><strong>de</strong>s</strong> affiches lacérées. Las <strong><strong>de</strong>s</strong> techniques traditionnelles <strong>de</strong> la peinture, tous <strong>de</strong>ux inventent un<br />

nouveau mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> production artistique, qui n'est pas sans évoquer la démarche <strong>de</strong> Marcel Duchamp.<br />

En effet, les <strong>affichistes</strong> prélèvent dans l'univers urbain <strong><strong>de</strong>s</strong> œuvres « toutes faites », <strong><strong>de</strong>s</strong> affiches<br />

déchirées par <strong><strong>de</strong>s</strong> mains anonymes. Choisis et recadrés par l'artiste, ces fragments du réel s'élèvent<br />

alors au rang d'œuvres d'art.<br />

C'est en 1957 que Raymond Hains déniche, dans les entrepôts Bompaire à Paris, une série <strong>de</strong><br />

panneaux <strong>de</strong> tôle galvanisée, rouillée et recouverte d'une multitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> couches d'affiches maltraitées<br />

par les intempéries. Datée <strong>de</strong> 1959, c'est donc à sa pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> « tôlard », comme l'appelle Hains,<br />

qu'appartient l'œuvre du musée. <strong>Les</strong> caractéristiques plastiques <strong>de</strong> ces tôles, où l'affiche n'est présente<br />

que par lam<strong>beaux</strong>, les rapprochent en apparence <strong><strong>de</strong>s</strong> peintures abstraites lyriques si prisées dans les<br />

années cinquante. On y retrouve un même souci <strong>de</strong> la matière riche, un goût pour une abstraction<br />

hasar<strong>de</strong>use, où les formes, les couleurs organisent la surface sans aucun schéma géométrique. « Mes<br />

œuvres existaient avant moi, mais on ne les voyait pas parce qu'elles crevaient les yeux », dit-il. On<br />

reconnaît là le goût <strong>de</strong> Raymond Hains pour une certaine provocation, qui se traduit entre autres, à<br />

partir <strong>de</strong> 1963, par un recours aux jeux <strong>de</strong> mots, aux bouts-rimés et autres calembours.<br />

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Jacques MAHE DE LA VILLEGLE (Quimper, 1926)<br />

Boulevard du Montparnasse<br />

1964<br />

Affiches lacérées marouflées sur toile<br />

97 x 130 cm<br />

acquis en 1980<br />

Villeglé, originaire <strong>de</strong> Bretagne, participe avec son ami Raymond Hains à l'aventure du Nouveau<br />

Réalisme à laquelle il apporte un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> création original : la collecte d'affiches lacérées, choisies,<br />

recadrées et marouflées sur toile. <strong>Les</strong> affiches politiques, où les messages se télescopent par le seul<br />

jeu <strong><strong>de</strong>s</strong> lacérations, celles où les lettres per<strong>de</strong>nt leur lisibilité à force <strong>de</strong> superpositions, toutes ces<br />

œuvres qui doivent leurs qualités plastiques aux lacérateurs anonymes <strong>de</strong>viennent le sujet <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

collectes <strong>de</strong> Villeglé.<br />

Promeneur infatigable et patient observateur, Villeglé donne toujours à ses affiches lacérées la date et<br />

le lieu <strong>de</strong> leur prélèvement. C'est le cas ici avec ce Boulevard du Montparnasse, dérobé à son lieu<br />

d'origine le 4 juin 1964.<br />

<strong>Les</strong> déchirures révèlent différentes strates <strong>de</strong> papiers aux couleurs vives et aux messages<br />

publicitaires privés <strong>de</strong> leur sens initial. <strong>Les</strong> lettres et les mots (OLYMP... VEAU P... CONTRE LE...)<br />

n'existent plus qu'en qualité <strong>de</strong> formes colorées qui participent bien involontairement à la composition<br />

<strong>de</strong> l'image. Traces d'archéologie urbaine, fragments d'histoire quotidienne <strong>de</strong> la rue, les affiches<br />

lacérées ainsi élues par l'artiste pour leurs valeurs esthétiques entrent dans le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'art et<br />

renouvellent le langage abstrait, lui ajoutant une pointe d'humour.<br />

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VL


François DUFRENE (Paris, 1930 - Paris, 1982)<br />

Thé + odorat... qui s’ébaudit ? - Nono !<br />

1973<br />

Affiches lacérées marouflées sur toile<br />

114 x 146 cm<br />

acquis en 1995<br />

Poète lettriste, François Dufrêne occupe une place particulière au sein du groupe <strong><strong>de</strong>s</strong> Affichistes. Il est<br />

le seul en effet à exploiter le <strong><strong>de</strong>s</strong>sous <strong><strong>de</strong>s</strong> affiches lacérées, et à donner un titre à ses œuvres qui révèle<br />

son goût pour les jeux <strong>de</strong> mots.<br />

Thé + odorat... qui s'ébaudit ? - Nono ! montre l'attention particulière que Dufrêne accor<strong>de</strong> dans son<br />

œuvre au motif <strong>de</strong> la lettre, rendue illisible parce qu'il n'en montre que l'envers, préoccupation qui trouve<br />

un parallèle dans la poésie phonétique qu'il pratique tout au long <strong>de</strong> son parcours, où la valeur<br />

expressive <strong><strong>de</strong>s</strong> sons prime sur le sens <strong><strong>de</strong>s</strong> mots.<br />

Cette œuvre <strong>de</strong> 1973 est proche plastiquement <strong><strong>de</strong>s</strong> effets obtenus par les stencils et <strong><strong>de</strong>s</strong>sous <strong>de</strong><br />

stencils qu'il collecte la même année dans les bureaux du Ministère où il travaille, et expose à la Galerie<br />

Weiler.<br />

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OUTILS<br />

PEDAGOGIQUES<br />

<strong>Musée</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>beaux</strong>-<strong>arts</strong> <strong>de</strong> <strong>Rennes</strong> - www.mbar.org > 44


MATERIEL PEDAGOGIQUE en prêt aux établissements scolaires<br />

(Premier <strong>de</strong>gré)<br />

· Valise <strong><strong>de</strong>s</strong> mots<br />

(dimensions : 53 x 34 x 16 cm)<br />

Le langage et ses jeux <strong>de</strong> mots ont<br />

intéressé les trois <strong>affichistes</strong><br />

représentés au musée, cette valise<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> mots propose donc d’approfondir<br />

par le jeu leurs expériences<br />

linguistiques.<br />

François Dufrêne joue avec les mots et leur sens. Sur le principe <strong>de</strong> son Mot Nu Mental, les enfants <strong>de</strong><br />

classes élémentaires composent <strong><strong>de</strong>s</strong> mots en combinant d’autres mots d’une ou <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux syllabes. Pour<br />

les enfants <strong>de</strong> classes maternelles, le jeu consiste à déchiffrer <strong><strong>de</strong>s</strong> rébus.<br />

La valise comporte aussi un livre d’Alain Finkielkraut sur les mots-valises, ainsi que “La belle lisse poire du<br />

prince <strong>de</strong> Motordu”, <strong>de</strong> Pef.<br />

Raymond Hains décompose les affiches, les co<strong><strong>de</strong>s</strong> barres ou les écrits poétiques en regardant à travers<br />

ses verres cannelés. Grâce à différents verres, les enfants déforment le nom <strong>de</strong> Hains, le nom et les<br />

co<strong><strong>de</strong>s</strong> barres <strong>de</strong> célèbres gâteaux nantais, ainsi que Hépérile, un poème <strong>de</strong> Camille Bryen.<br />

Jacques Villeglé crée un répertoire <strong>de</strong> graphismes sociopolitiques<br />

en notant les graffiti recouvrant les murs (le<br />

signe : $, dollar , est mis pour la lettre S). Dans un premier<br />

temps, la valise pédagogique permet aux enfants <strong>de</strong><br />

réaliser <strong><strong>de</strong>s</strong> mots croisés avec ces lettres bizarres. Dans<br />

un second temps, les enfants utilisent un jeu <strong>de</strong> dominos<br />

dont les points habituels ont été remplacés par ces<br />

graphismes socio-politiques.<br />

Réservation au 02 23 62 17 41,<br />

tous les vendredis <strong>de</strong> 8h45 à 11h45 et <strong>de</strong> 13h30 à 16h30.<br />

Prêt d'une durée <strong>de</strong> 10 jours.<br />

<strong>Musée</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>beaux</strong>-<strong>arts</strong> <strong>de</strong> <strong>Rennes</strong> - www.mbar.org > 45


MATERIEL PEDAGOGIQUE en prêt aux établissements scolaires<br />

(Premier <strong>de</strong>gré)<br />

· Quatre panneaux <strong>de</strong> présentation<br />

(dimensions : 100 x 60 cm, chaque)<br />

Utilisés en classe, ces panneaux permettent <strong>de</strong> présenter aux enfants les différents travaux <strong>de</strong><br />

Raymond Hains, Jacques Villeglé et François Dufrêne. <strong>Les</strong> trois <strong>affichistes</strong> représentés au musée<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>beaux</strong>-<strong>arts</strong> <strong>de</strong> <strong>Rennes</strong> ont travaillé sur les affiches lacéres, mais aussi sur <strong>de</strong> multiples supports<br />

et <strong>de</strong> différentes manières sur le vocabulaire, les signes ou l'écriture.<br />

> " Quand la rue entre au musée "<br />

<strong>Les</strong> affiches récoltées à l'origine dans les rues <strong>de</strong>viennent <strong><strong>de</strong>s</strong> œuvres d'art.<br />

> Raymond Hains<br />

Vision déformée <strong>de</strong> co<strong><strong>de</strong>s</strong> barres ou d'écrits poétiques.<br />

> Jacques Villeglé<br />

Nouvel alphabet créé par les graphismes socio-politiques.<br />

> François Dufrêne<br />

Jeu sur les mots, leur sens et leur sonorité.<br />

L'emprunt <strong>de</strong> ces panneaux peut être complémentaire à celui <strong>de</strong> la Valise <strong><strong>de</strong>s</strong> mots (page précé<strong>de</strong>nte).<br />

Réservation au 02 23 62 17 41,<br />

tous les vendredis <strong>de</strong> 8h45 à 11h45 et <strong>de</strong> 13h30 à 16h30.<br />

Prêt d'une durée <strong>de</strong> 10 jours.<br />

<strong>Musée</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>beaux</strong>-<strong>arts</strong> <strong>de</strong> <strong>Rennes</strong> - www.mbar.org > 46


MATERIEL PEDAGOGIQUE en prêt aux établissements scolaires<br />

(Second <strong>de</strong>gré)<br />

C'est avec la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle que la notion d'avant-gar<strong>de</strong> est née,<br />

synonyme <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rnité et <strong>de</strong> rupture. Car l'évolution <strong>de</strong> la peinture <strong>de</strong>puis les<br />

Impressionnistes s'est faite par révolutions successives. (…)<br />

<strong>Les</strong> années soixante inventent le Nouveau-Réalisme, où l'artiste, s'inspirant <strong>de</strong> Marcel<br />

Duchamp et ses ready-ma<strong>de</strong>, fait entrer sur la scène artistique les productions manufacturées<br />

et l'univers urbain qui l'entoure. Ainsi, les <strong>affichistes</strong>, Hains, Villeglé et Dufrêne, collectent les<br />

affiches lacérées par les passants anonymes, œuvres collectives élues et élevées au rang<br />

d'œuvre d'art par le seul choix <strong>de</strong> l'artiste.<br />

Réservation au 02 23 62 17 41,<br />

tous les vendredis <strong>de</strong> 8h45 à 11h45 et <strong>de</strong> 13h30 à 16h30.<br />

Prêt d'une durée <strong>de</strong> 15 jours.<br />

NB : Découvrez une valise pédagogique sur les Affichistes (histoire et mouvement artistique)<br />

au FRAC Bretagne à Châteaugiron (02 99 37 37 93)<br />

<strong>Les</strong> avant-gar<strong><strong>de</strong>s</strong> au XXe siècle<br />

(dimensions : 36 x 27 x 12 cm)<br />

Pour appréhen<strong>de</strong>r les œuvres<br />

(analogies, construction...) dans les<br />

salles du musée avec les élèves <strong>de</strong><br />

collèges et lycées, cette valisette est<br />

un véritable appui <strong><strong>de</strong>s</strong>tiné aux<br />

enseignants souhaitant faire vivre à<br />

leurs élèves une visite différente et très<br />

bien documentée.<br />

<strong>Musée</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>beaux</strong>-<strong>arts</strong> <strong>de</strong> <strong>Rennes</strong> - www.mbar.org > 47


ANIMATION<br />

<strong>Les</strong> <strong>affichistes</strong><br />

écoles maternelles et élémentaires,<br />

par Carole Houdayer<br />

Gran<strong>de</strong> section-CE2<br />

Découverte <strong>de</strong> l'appropriation du réel<br />

par les artistes du Nouveau Réalisme.<br />

Par un jeu <strong>de</strong> questions-réponses, les enfants décrivent les œuvres <strong><strong>de</strong>s</strong> trois <strong>affichistes</strong> représentés au<br />

musée <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>beaux</strong>-<strong>arts</strong> <strong>de</strong> <strong>Rennes</strong>.<br />

Durant ces 30 minutes <strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>cription, différentes notions sont abordées : matériau, épaisseur, couleurs<br />

primaires, vocabulaire, titre explicatif ou non... et surtout lieu <strong>de</strong> collecte.<br />

Ensuite, les enfants remplissent un document pédagogique sur lequel ils repèrent les outils utilisés par les<br />

<strong>affichistes</strong> ainsi que les panneaux d'affichage, sources <strong>de</strong> collecte.<br />

Ensuite, les enfants, en connaisseurs, retrouvent le nom <strong>de</strong> l'artiste ayant créé une œuvre reproduite dans<br />

le document pédagogique.<br />

Dans un <strong>de</strong>rnier temps, à partir <strong><strong>de</strong>s</strong> mots " déchirés " du Boulevard du Montparnasse, les enfants créent<br />

leur propre affiche aux crayons pastels.<br />

En fin d'heure, un jeu <strong>de</strong> détail est mis en place : chaque enfant tire un détail (d'une <strong><strong>de</strong>s</strong> trois œuvres<br />

du musée) et va se placer face à l'œuvre correspondant à son détail.<br />

CM1-CM2<br />

A travers les rues <strong>de</strong> la ville,<br />

parcours imaginaire jalonné d'énigmes.<br />

Un jeu <strong>de</strong> détail permet <strong>de</strong> répartir les enfants en trois groupes différents : en tirant un détail dans une<br />

boîte, l'enfant se place face à l'œuvre correspondant. <strong>Les</strong> trois groupes ainsi constitués remplissent un<br />

questionnaire sur le Nouveau Réalisme. Ensuite, ils accè<strong>de</strong>nt au jeu (sorte <strong>de</strong> jeu <strong>de</strong> l'oie)… sur un grand<br />

plan <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> <strong>Rennes</strong>, chaque groupe déplace une petite automobile à travers les rues en répondant à<br />

différentes questions concernant leur artiste (pour faciliter les réponses à certaines questions, une feuille<br />

" indices " leur est donnée).<br />

Réservation <strong><strong>de</strong>s</strong> animations au 02 23 62 17 41, le lundi, le mercredi, le jeudi et le vendredi toute la journée.<br />

<strong>Musée</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>beaux</strong>-<strong>arts</strong> <strong>de</strong> <strong>Rennes</strong> - www.mbar.org > 48


PARCOURS –DECOUVERTE<br />

Le paysage urbain<br />

collèges et lycées,<br />

Le paysage urbain, comme le paysage en général, entre<br />

tardivement dans la représentation picturale. La cité <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

hommes <strong>de</strong>vient alors le décor <strong>de</strong> l'événement sacré ou<br />

mythologique. Dans les pays du Nord où les peintres<br />

mettent en scène la vie quotidienne, le décor urbain<br />

prolonge naturellement la scène. Sous l'influence <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

cartographes et <strong><strong>de</strong>s</strong> voyageurs, la représentation <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

villes <strong>de</strong>vient plus précise. Il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> villes fréquentables<br />

et d'autres qui le sont moins : Venise, Sodome,<br />

Babylone, Jérusalem. <strong>Les</strong> architectures ont certes<br />

souvent une valeur documentaire mais il faut aussi les<br />

voir comme <strong><strong>de</strong>s</strong> métaphores éclairant le propos <strong>de</strong><br />

l'œuvre.<br />

Mis en place par Andrée Chapalain, professeur d'<strong>arts</strong> plastiques<br />

détachée <strong>de</strong> l'Education Nationale.<br />

Ce parcours-découverte <strong>de</strong> 4 pages (1Mo) permet aux enseignants <strong>de</strong> faire <strong><strong>de</strong>s</strong> collections permanentes un outil<br />

pédagogique.<br />

Accompagné d'une fiche d'exploitation utilisable par les élèves, il est une piste <strong>de</strong> travail élaborée à partir d'un<br />

regroupement d'œuvres sur un thème.<br />

Simple d'utilisation, le parcours-découverte vous permet d'organiser une visite au musée (avec les élèves) <strong>de</strong><br />

façon tout à fait autonome !<br />

1. téléchargez, 2. imprimez, 3. photocopiez<br />

Pour télécharger cet outil, il suffit <strong>de</strong> se rendre sur le site Internet du musée :<br />

www.mbar.org/telechargement<br />

ou/et www.mbar.org/services (rubrique Supports pédagogiques, parcours découverte)<br />

<strong>Musée</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>beaux</strong>-<strong>arts</strong> <strong>de</strong> <strong>Rennes</strong> - www.mbar.org > 49


PROPOSITIONS<br />

PEDAGOGIQUES<br />

<strong>Musée</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>beaux</strong>-<strong>arts</strong> <strong>de</strong> <strong>Rennes</strong> - www.mbar.org > 50


Propositions pédagogiques – école maternelle et/ou élémentaire<br />

ateliers à l'école<br />

[Travail sur la notion d'affiches lacérées]<br />

Récupérez <strong><strong>de</strong>s</strong> affiches sur les panneaux d'affichage libres<br />

(choisissez les affiches avec <strong>de</strong> multiples couches superposées, le<br />

résultat final n'en sera que plus intéressant).<br />

Divisez ces immenses affiches en morceaux <strong>de</strong> 40 x 40 cm<br />

environ, et <strong>de</strong>man<strong>de</strong>z aux enfants <strong>de</strong> choisir le morceau qu'ils<br />

souhaitent lacérer (à la fin <strong>de</strong> l'atelier, ils se rendront compte que le<br />

morceau choisi en fonction <strong>de</strong> l'existence <strong>de</strong> telle ou telle image, ne<br />

laisse plus apparaître cette image !)<br />

Chaque élève doit définir un sens <strong>de</strong> lacération pour son affiche (vertical, horizontal, diagonal)… ensuite, le<br />

travail <strong>de</strong> lacération-découverte commence ! (attention, veillez à ce que les enfants ne déchirent pas<br />

complètement leur affiche). Enfin, les artistes signent et datent leur travail.<br />

[Travail d'après François Dufrêne, Mot Nu Mental, 1964]<br />

Il s'agit dans un premier temps <strong>de</strong> couvrir plusieurs feuilles <strong>de</strong> papier d'un grand nombre <strong>de</strong> lettres majuscules au<br />

feutre ou au marqueur, afin qu'elles soient visibles sur l'envers. Puis, dans le revers <strong>de</strong> chacune <strong><strong>de</strong>s</strong> feuilles, <strong>de</strong><br />

découper ou <strong>de</strong> déchirer les lettres d'un mot choisi, en utilisant une feuille par lettre. Il est intéressant pour<br />

chaque lettre <strong>de</strong> jouer sur les découpes (qui peuvent être linéaires comme le M <strong>de</strong> Mot, et les déchirures comme<br />

dans le T <strong>de</strong> Mental).<br />

Le Mot Nu Mental <strong>de</strong> Dufrêne est gigantesque, comme son nom l'indique ! Pourquoi ne pas réaliser <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

associations <strong>de</strong> ce type ?<br />

Quelques exemples : GRAND PETIT minuscule rond<br />

[Travail d'après François Dufrêne, La Bibliothèque à Géo, 1975]<br />

Sur une feuille <strong>de</strong> papier calque, photocopier le motif <strong>de</strong> la bibliothèque évoquant les reliures <strong><strong>de</strong>s</strong> livres. <strong>Les</strong><br />

enfants colorient une reliure sur <strong>de</strong>ux afin <strong>de</strong> créer le motif suivant :<br />

Mais, même après cela, leur bibliothèque sera vi<strong>de</strong>. Il faut donc la remplir en plaçant <strong>de</strong>rrière <strong><strong>de</strong>s</strong> cartes <strong>de</strong><br />

géographie ou tout autre document, visible en transparence <strong>de</strong>rrière les reliures <strong><strong>de</strong>s</strong> livres. Il s'agit donc pour<br />

chacun <strong>de</strong> créer sa propre bibliothèque : bibliothèque d'art, bibliothèque culinaire…<br />

bibliothèque <strong>de</strong> jardinage bibliothèque <strong>de</strong> livres <strong>de</strong> cuisine<br />

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d'après François Dufrêne, La Bibliothèque à Géo, 1975<br />

Ouate <strong>de</strong> cellulose sur fond <strong>de</strong> carte géographique marouflée sur toile<br />

116 x 89 cm<br />

Collection du FRAC Bretagne, 2004<br />

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[Travail d'après les verres cannelés <strong>de</strong> Raymond Hains]<br />

Il s'agit, grâce à <strong><strong>de</strong>s</strong> verres cannelés <strong>de</strong> différents types, <strong>de</strong> déformer <strong><strong>de</strong>s</strong> lettres, <strong><strong>de</strong>s</strong> mots, <strong><strong>de</strong>s</strong> morceaux <strong>de</strong><br />

textes ou d'images à la manière <strong>de</strong> Raymond Hains. Il vous faut donc vous procurer <strong><strong>de</strong>s</strong> verres déformants,<br />

disponibles dans <strong><strong>de</strong>s</strong> miroiteries, et si vous souhaitez gar<strong>de</strong>r la trace <strong><strong>de</strong>s</strong> éclatements, vous pouvez utiliser du<br />

papier photosensible ou papier solaire.<br />

[Travail d'après Jacques Villeglé, La Guérilla <strong><strong>de</strong>s</strong> écritures, 1981]<br />

Photocopiez La Guérilla <strong><strong>de</strong>s</strong> écritures (simplifiée) et <strong>de</strong>man<strong>de</strong>z aux enfants<br />

d'agrémenter chaque lettre d'un graphisme particulier.<br />

Ensuite, ils écriront leur prénom avec leur propre alphabet.<br />

d'après Jacques Villeglé, La Guérilla <strong><strong>de</strong>s</strong> écritures, 1981<br />

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BIBLIOGRAPHIE<br />

OUTILS MULTIMEDIA<br />

(le Nouveau Réalisme)<br />

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Bibliographie jeunesse<br />

Revue DADA, Yves Klein, N°121, éditions Mango (septembre 2006)<br />

Revue DADA, L'art dans la rue, N°119, éditions Mango (avril 2006)<br />

Sophie Curtil, Milos Cvach, L'art par 4 chemins, Milan jeunesse, 2003<br />

Véronique Antoine-An<strong>de</strong>rsen, Régis Fellner (illustrations), L'art pour comprendre le mon<strong>de</strong>, Actes Sud junior,<br />

2003<br />

Elizabeth Amzallag-Augé, Bleu zinzolin et autres bleus, Collection Zigzart, Editions Centre Pompidou, décembre<br />

2002<br />

Marie Déchery, Découvre la magie <strong>de</strong> l'objet avec Arman, Editions du Chêne, Hachette Livre, 1995<br />

Marie Déchery, Découvre la matière avec César, Editions du Chêne, Hachette Livre, 1994<br />

Catherine Prats-Okuyama, Kimihito Okuyama, Yves Klein, L’Arbre, Gran<strong>de</strong> éponge bleue, L'art en jeu, Centre<br />

Georges Pompidou, 1994<br />

Joël Martin, Rémy le Goistre, Contrepétara<strong><strong>de</strong>s</strong>, Seuil, 1994<br />

Le travail <strong><strong>de</strong>s</strong> sculpteurs, <strong>Les</strong> racines du savoir, Arts, Gallimard Jeunesse, 1993<br />

Pef, Dictionnaire <strong><strong>de</strong>s</strong> mots tordus, Gallimard, 1983<br />

Pef, La belle lisse poire du prince <strong>de</strong> Motordu, Gallimard, 1980<br />

> Bibliographie adulte<br />

Stéphanie Lemoine, Julien Terral, In Situ, éditions Alternatives, 2005<br />

Clau<strong>de</strong> Mollard, <strong>Les</strong> nouveaux réalistes, Découvrons l'art, XXe siècle, Cercle d'art, 2002<br />

Michael Archer, L’art <strong>de</strong>puis 1960, Thames & Hudson, 1998<br />

Catherine Francblin, <strong>Les</strong> nouveaux réalistes, Editions Du Regard, 1997<br />

Pierre Restany, 60/90 : trente ans <strong>de</strong> nouveau réalisme, Editions La Différence, 1990<br />

> Monographies<br />

Nicolas Charlet, Yves Klein, Editions Adam Biro<br />

Philippe Forest, Raymond Hains un romans, Gallimard, 2004<br />

Iléana Cornéa, Raymond Hains, I<strong><strong>de</strong>s</strong> et calen<strong><strong>de</strong>s</strong>, 2004<br />

Raymond Hains, Marc Dachy, Langue <strong>de</strong> cheval et facteur temps : entretien au café du Palais, Reims, le 8 avril<br />

1998 dans l'après-midi, Actes sud, 1998<br />

Arman, Beaux-<strong>arts</strong> magazine (Hors série), 1998<br />

Niki <strong>de</strong> Saint-Phalle, Tableaux éclatés, <strong>Musée</strong> d'art mo<strong>de</strong>rne <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> Paris, Editions <strong>de</strong> la Différence, 1993<br />

Niki <strong>de</strong> Saint-Phalle, Mon secret, Editions <strong>de</strong> la Différence<br />

> Vidéo<br />

Alain Vollerin, Michel Ragon, Histoire <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>arts</strong> plastiques <strong>de</strong> 1945 à nos jours, Mémoire <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>arts</strong>, Lyon (<br />

5 volumes - environ 54 min. chacun)<br />

Marc Petitjean, César, Centre Georges Pompidou, RMN, Série Mémoire, 1995 (45 min.)<br />

Alain Jaubert, Klein, Editions Montparnasse, ARTE, RMN, Palettes, 1997 (30 min.)<br />

> CD-Rom<br />

Arman, collectionneur d'art africain, Hypervision, Arte éditions, Série Passion Collection, 1996<br />

> Liens Internet<br />

Jacques Villeglé : http://bi.adagp.fr (banque d'images <strong>de</strong> l'ADAGP : entrer le nom <strong>de</strong> l'artiste)<br />

François Dufrêne : http://www.dufrene.net/francois (site très bien documenté consacré au travail <strong>de</strong> l'artiste)<br />

http://www.ubu.com/sound/dufrene.html (site avec les créations sonores <strong>de</strong> l'artiste)<br />

Arman : http://www.arman-studio.com<br />

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Service culturel<br />

Andrée Chapalain, conseiller-relais<br />

Carole Houdayer, animatrice<br />

> Informatique documentaire<br />

Jean-Charles Subile<br />

> Atelier photographique<br />

Patrick Merret<br />

> Bibliothèque<br />

Béatrice Lambart<br />

Marie-Josée Tétrel<br />

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