Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

REVUE DE PR~SSE-PRESS REVI~-BERHEVOKA ÇAPÊ-RIVISTA STAMPA-DENTRO DE LA PRENSA-BASlN ÖZETi
Anatolie: sanglant anniversaire pour le PKK
Depuis 1984, les combats entre troupes d'Ankara et Kurdes du PKK ont tué quelque 8 000
civils. Dans le Sud-Est turc, la fureur de la répression répond au dogmatisme des rebelles.
Le 20 mal'S dernier, la célébration du nouvel an kurde a fait une centaine de morts.
Au moins 250 rebelles kurdes du PKK
ont été tués par l'armée turque lors
d'opérations aéroterrestres contre un
groupe de 350 à 400 maquisards dans
le Sud~Est anatolien. Ce bilan
provisoire, non officiel, porte à au
moins 295le nombre des morts au
cours du week-end où le PKK
célébrait le neuvième anniversaire de
son «insurrection».
Diyarbakir, envoyé spécial
e vol Istanbul-Diyarbakir atterrit.
L'avion deligneseglisse
sur l'aérodrome de la «capitale»
du sud-est de la Turquie
dans un paysage d.: chasseursbombardiers
et d'hélicoptères
Cobra et Sikorsky. Les trentesept
revolvers des soixante-neuf passai
gers sont rendus à leur propriétaire. Le
, port d'arme est un statut et une habitude,
dans une région où ]a «sale
56
guerre» entre les forces de sécurité
turques et les rebelles kurdes a tué en
une décennie plus de 8 000 personnes,
pour l'essentiel des civils.
Plus-d'un quart du budget national est
consacré, dans celle région. à la répression
de la rébellion kurde, qui
entre dans sa di xième année. Le 15
août ]984, le PK K (Parti des travailleurs
du Kurdislan), alors groupuscule
marxiste~léniniste, lançait ]a lulle
armée «conlre le.\'w/oilia/isles turcs»:
Chaque année, cet anniversaire est
commémoré par des actions d'éclat
comme ]a fête de Newroz, le nouvel an
kurde, célébré le 21 mars. Deux dates
qui mettent sur les dents les forces de
sécurité turques quadrillant la région.
Aux 200 000 hommes de la gendarmerie
et de l'armée s'ajoutent quelque
4000 «commandos» des forces spé" .
cia]es, et les 40000 «protecteurs de vi]~
lages», milice progouvemementale
formée d'habitants de la région.
La ville de Diyarbakir a toujours été
la capitale politique du nationalisme et
du séparatisme kurde, depuis les rébe]lions
armées de 1925. Elle est le siège
de hi. «superpréfecture», ]e cœur du
dispositif de l'Etat d'urgence en vigueur
depuis 1987 dans ces onze départements
du sud-est du pays, une
zone frontalière de ]a Syrie, l'Irak et
l'Iran où vivent 6 millions d'habitants
à majorité kurde. Avec des interruptions
plus ou moins longues, cette ré- .
gion a vécu en état de siège depuis ]a
fondation de ]a République kémaliste
en 1.923. Sur les mu.rs de]a plus grande
ville du Sud-Est anatolien, les affiche;
du Parti de ]a démocratie (] 8 députés
kurdes au Parlement d'Ankara) réclament«
la paix lout de suite» et «une solution
démocralique conlre la guerre».
La police a saisi les tracts et les affiches
de cette campagne de« (apaix tous azimuts».
Le directeur de la sûreté est catégorique:«
Ils sollt laus pro-PKK.»
Au café du coin, le journal télévisé annonce
«la marI de 50 terrorisles séparali,He.I'»lors
d'une opération de l'armée
dans le district de Hakkari (à la
frontière turco-irako-iranienne). «Ils
menlcnl' où solllies cadavres? », lance
l'un des consommateurs. Un jeune renchérit:
«Mêmc s'il yen a 50 qui onl élé
lués, 50 autres valli gagner les montagnes.»
Un autre intervient: «Oui,
mais hadji Abdul/ah (littéralement:
saint Abdullah, surnom sarcastique
donné au président et leader charisma- ,
tique du PKK. Abdullah Ocalan, éga-
Iement appelé Apo) a commencé el exagérer
... Tam de sang pour rien ... » La
, discuss.ion se poursuit à bâtons rompus.
C'est nouveau, car, il y a un an,]e nom
même du PKK n'était pas prononcé en
public. Par peur. Les Kurdes de ]a région
usaient de surnoms transparerits:
les Montagnards, les Cousins, les Copains
annés, l'Organisation ou le Parti.
Nesim Sevinç, secrétaire géiiéral de
!'Association des hommes d'affaires
du Sud-Est anatolien (Gunsiad), garde
le silence sur ces questions: «Certains
mots sont interdits iei.» Lesque]s? Il
change de sujet, mais tout ]e monde les
connaît: «le Kurdistan, le terrorisme
d'Elat, le colonialisme turC». D'autres ,
expressions comme« l'indivisibilité de '
la nation et de l'Etat », «terroristes séparatistes»
ou «lraÎlres à la nation»
nourissent la langue de bois oficielle.
Mais très peu de Kurdes les prononcent.
Deux mondes vivent en parallè]e ..
Celui de l'Etat turc et de ses policiers,
gendarmes et fonctionnaires. Et celui
d'une population qUt voudrail.voir sa
langue reconnue et enseignée, songe à
une certaine autonoinie, et se trouve
prise en étalf entre ]a répression étatique
et les actions terroristes du PKK.
Autre fait nouveau: 'Je PKK commence
à être ouvertement critiqué, y
compris par des personnalités loca]es
connues pour leurs «sympathies». La
défaite militaire du PKK en Irak du
Nord, l'automne dernier, grâce aux efforts
conjugués de l'armée turque et
des peshmergas kurdes irakiens de
Massoud Barzani, a été le révélateur
d'une faillite stratégique. Le PKK,
d' abord,n' a toujours pas su devenir un
parti politique et garde encore une
structure et une mentalité d'organisation
purement militaire imprégnée de
marxisme-léninisme dogmatique. Aux
yeux des cadres du PKK, un petit paysan
de 12 ans qui gagne les rangs de la
guérilla est beaucoup plus important
qu'un écrivain, artiste ou intellectuel
kurde. Le fonctionnement du groupe
n'est guère démocratique. «Le PKK,
c'est enfait Apo et sesjidèles », estime
un ancien prisonnier de Diyarbakir détenu
pour ses sympathies. Le pouvoir
, d'un seul leader dans une organisation
qui a au moins 50000 membres «est
une grande comradiction, malgré la
clandestinité de ce parti ».
L'homme de la rue critique toujours
plus ouvertement l'impasse de la violence,
mettant dans le même sac ]e
PKK et les forces de sécuri té (appelées
«forces d'insécurité» parmi les
Kurdes). «Offieiellemem je suis progouvernemental
et je n'ai pas le choix,
car, pendant loule la journée, les gendarmes
IIOUS suivent de très près. Mais
quand tombe la nuit et quand arrivelll
chez IIOUS des guérilleros, on ne peut
pas refuser de les aider; alors,je suis
pro-PKK pendant la nuit », avait déclaré
Huseyin Ka]an, en mai 1992, devant
le juge de la Cour de sûreté de
l'Etat de Diyarbakir. Agé de 67 ans, il
ne parlait pratiquement pas le turc et
était accusé d'aider un groupe de terroristês
séparatistes. Il a été acquitté en
première audience, après quarante-six
jours de garde à vue.
RagipDURAN
'~J/JERA nON
li7 f\OÛT 1993