Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

REVUE DE PRESSE-PRESS REVIEW-BERHEVOKA ÇAPÊ-RNISTA STAMPA-DENTRO DE LA PRENSA-BASIN ÖZETi
LE NOUVEAU QUOTIDIEN - 30 SEPTEMBRE 1993
Le chef du PKKmenace les touristes en
Turquie: «Cette fois, ily aura des morts!»
Abdullah Öçalan, protégé de la Syrie, déclare une guerre totale à Ankara. Et à l'Occident: le PKK attaquera
les centres touristiques et s'en prendra aux investissements étrangers sur sol turc,
AlAIN CAMP10m
MASNM, PLAINE DE LA BEKAA
Le Parti des travailleurs du
Kurdistan soigne sa pub de
guerre. Il avait donné rendez-vous
à Beyrouth à une poignée
de journalistes en leur promettant
une rencontre avec «Apo»
(Oncle), Abdullah Öçalan, l'incontestable
cheCde la guérilla kurde
du PKK qui défie depuis près de
dix ans l'armée d'Ankara dans le
Sud-Est turc, au prix de milliers
de morts, d'arrestations, de tortures,
et avec récemment quelques
rapts de touristes et des démonstrations
suscitées en Europe,
en particulier a Berne, on le sait
trop bielt. Abdullah Öçalan voulait
répandre un message d'escalade
militaire, et de menace contre tout
soutien extérieur à la Turquie, et
d'abord par l'apport touristique.
«Apo» avertit les voyageurs: désormais,
sur les plages turques, ils
risqueront la mort.
Loin de toute nuance,
le propos d' «Apo»
est brutal
Le cheCdu PKKréside généralement
à Damas, et la rencontre devait
avoir lieu dans la plaine de la
Bekaa, ce grand jardin du Liban
derrière la montagne - sous
étroit contrôle syrien - redevenu
presque fréquentable depuis que
la terreur guerrière s'est calmée.
Jeu de pistes, dans la nuit, qui fmit
par conduire à une villa obscure et
isolée, près du poste Crontière syrien
de Masnaa.
Des militants kurdes, ayant
sorti des armes du coffre d'une
voitt1re, patrouillent autour de la
maison comme des chats. Encore
une heure, et des phares se rapprochent
par un petit chemin à
travers champs. «Apo» en sort,
aussitôt entouré par des gardes"
monte un escalier vers une pièce
où des drapeaux du PKK ont été
tendus derrière un bureau et des
micros.
Avec sa Corte nuque, ~n
épaisse moustache, ses sourcils en
bataille sur des grands yeux
ronds,l'homme a l'air d'un paysan
kurde.à mi-chemin d'une vie rude.
Une existence qui semble rendre
allergique à l'humour. Sa chemise
kaki porte, sur la poche gauche,
une sorte d'étoile contenant
l'inscription «President Stone».
Commeje lui demande's'il Cautattacher
de l'importance à cet insi.
gne Oe cheC du PKK serait-il un
«président de pierre» comme Staline
était un «homme d:acier»?), il
me regarde, interloqué: «Mais
c'est la marque de la chemise!»
Loin de toute nuance, le propos
d'«Apo» est brutal. Affaibli l'an
passé par les coups que lui avait
portés l'armée turque dans It:
nord de l'Irak avec l'appui des
faux frères kurdes du clan Barzani,
le PKKest reparti à l'offensive,
sans merci, après un cessezle-Ceuoffert
à Ankara, mais resté
sans réponse. Öçalan promet une
guerre à outrance, en défi à l'étatmajor
turc qui s'engageait récemment
à écraser la guérilla avant le
printemps. Le PKK, assure son
chef, Cerapasser en un an l'effectif
de ses combattants de quinze à
trente mille.
Mais le vrai message d'Abdullah
Öçalan est pour l'Occident. La
Turquie, dit-il, a toujours été un
instrument entre les mains des
puissances de l'Ouest: pour combattre
le communisme aussi bien
que le radicalisme arabe. Et après
l'écroulement de l'Union soviétique,
les Turcs sont apparus (encore
des instruments) comme
d'utiles intermédiaires pour pénétrer
dans le Caucase et l'Asie centrale,
chez les cousins turcophones.
Mais la puissance russe est
déjà de retour: elle a défait l'alliance
privilégiée que la Turquie
avait commencé de nouer avec
l'Azerbaïdjan.
Reste alors, selon Öçalan, un ultime
rôle utile d'Ankara aux yeux
de l'Occident: éliminer la déstabilisante
contestation kurde, qui
cherche à retrouver la dignité et
l'identité qu'avaient étouffées les
empires, le colonialisme, puis 1er.
régimes autoritaires de ce
deuxième demi-siècle. Une preuve
de la connivence occidentale avec
la répression pratiquée par l'armée
turque? «Dix morts en Somalie,
dit Öçalan, Contvos gros titres;
mais cent tués chez nous passent
inaperçus.» Alors, «Apo» menace.
«Le PKK, dit-il, avait averti qu'il
pourrait s'en prendre aux intérêts
occidentaux en Turquie (dans le
tourisme, dans l'industrie ...), Désormais,
il va passer aux actes. Il y
aura des attaques contre les hôtels,
les villages de vacances, les
investissements étrangers dans le
pays, parce qu'ils sont la principale
composante du soutien à
l'économie turque en lutte contre
nous. Et s'il y a cinquante morts
parmi les touristes, dit-il la moustache
luisante de sueur, nous ne
serons pas responsables. Vous
êtes avertis!»
Mais ce fils de paysan au verbe
rude est aussi un intellectuel. C'est
sur les bancs de la faculté de
sciences politiques d'Ankara que
lui était venue l'inspiration d'un
projet qui à l'époque (dans les années
septante) semblait Cou: puisque
la conscience kurde est effondrée'
en voie d'assimilation, il faut
la réveiller par une ambition
maximaliste - la conquête d'un
Kurdistan indépendant, les armes
à la main. Le projet politique se
heurtait à celui de toutes les
autres Corceskurdes et à la passivité
Catiguée de la population du
Sud-Est. Mais une vingtaine d'années
plus tard, par la violence
donnée et reçue, «Apo» a obtenu
le réveil qu'il voulait: le Kurdistan
turc lui est désormais largement
acquis.
Et maintenant, il voit plus
grand. La question kurde lui apparaît
aussi comme un levier pour
secouer tout le Proche-Orient, y
amener une révolution sociale
(Öçalan sort du moule communiste)
et, dit-il, démocratique, ce
qui surprend bien sûr venant d'un
parti monolithique et intolérant.
Mais cette visée maximaliste
n'empêche pas un p'eu de pragmatisme.
Abdull~h Oçalanr~pète,
comme au pnntemps, qu'Il est
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