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Vapeur Mauve
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1968. La scène psyché anglaise et américaine survivante du Summer of Love continue ses
expérimentations lysergiques et soniques. Pendant que les power trio virtuoses de Clapton et
Hendrix déroulent White Room et Voodoo Chile, que Jimmy Page fourbit ses armes et que les
Beatles veulent faire la Révolution, débarquent de la Frisco Bay Area trois musiciens chevelus
qui vont graver un disque majeur, considéré comme une des pierres angulaires du hard rock :
Vincebus Eruptum. Six morceaux dont 3 reprises et 32 minutes de musique, de déluge sonore
pour être plus précis.
Dès les premières notes de la reprise d’Eddie Cochran, Summertime Blues, l’auditeur est saisi
par ces guitares accordées très bas, cette batterie métallique et pesante, cette basse vrombissante,
tous ces tics qui seront utilisés plus tard par Black Sabbath et bien plus tard encore par
toute la scène Stoner (Kyuss notamment). Impressionné par les performances de Hendrix, notamment
au Monterey Pop Festival l’année précédente, le trio s’essaie également à une reprise
du Rock Me Baby de BB King. Là encore, aucune fioriture dans la mise en place du titre, solos
grinçants et drumming monolithique alourdissent un peu plus ce blues lancinant.
Doctor Please, un des 3 morceaux originaux de l’album, livre un chant halluciné du bassiste Dickie
Peterson soutenu par une distorsion monstrueuse. Out of Focus, avec son air faussement
pop et son gimmick de guitare, donne l’impression de pouvoir enfin respirer, juste l’impression,
le titre monte en intensité et vous étouffe par sa puissance rentrée. Le trio propose ensuite une
version peu inspirée du Parchment Farm de Bukka White, reprise bien moins intéressante que
les versions de Cactus ou Johnny Winter. L’album se clôt avec Second Time Around, titre un peu
brouillon, avec ses nappes de guitare hystérique et son solo de batterie directement inspiré des
hommes de Néanderthal. Malgré ses nombreux défauts, ce disque ouvre une brèche abyssale
dans laquelle vont plonger de nombreux musiciens, de Black Sabbath à Kyuss en passant par
les Stooges et les Ramones.
Philou
Vapeur Mauve a donc décidé de se pencher sur Blue Cheer, cas épineux. J’entretiens plus de
relations avec ses superbes satellites (Kak, Oxford Circle ou Randy Holden) et les deux premiers
albums suffisent à mon bonheur auditif. Pour tout vous avouer, il y a même un sacré bout
de temps qu’Outside inside dormait sur mes étagères. Après un Vincebus Eruptum cassant
la vaisselle baba à coups de marteau pilon (mais avec dix fois plus de charme que les veaux
de Grand Funk), le deuxième essai risquait, au mieux, de pédaler sec dans les côtes. Au pire
d’abandonner avant la fin de l’étape.
Ce qui emporte ici l’adhésion, c’est qu’on sent vraiment le groupe se battre pour survivre, en
dépit de capacités instrumentales limitées, et de la voix plutôt typée de Dick Peterson. Les compositions
sont bien construites, la production ambitieuse permet à Leigh Stephens d’extraire
sa guitare du magma sonique, tandis que Paul Whaley se signale comme un sacré cogneur.
Cerise sur le gâteau acide, une reprise fracassée de Satisfaction, servie encore plus teigneuse
que l’originale
Superbe mauvaise herbe sur les trottoirs d’un rêve américain déjà en perdition au Vietnam, cette
poignée de chansons vaut vraiment qu’on y passe du temps, surtout que le reste sera franchement
saumâtre, jusqu’à la renaissance boogie lourd, quarante ans plus tard.
Laurent