Septembre - Nervure Journal de Psychiatrie
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LE JOURNAL DE NERVURE N° 6 - SEPTEMBRE 2001<br />
LIVRES<br />
Le psychologue surpris<br />
T. Reik<br />
Traduction D. Berger<br />
Préface d’Elisabeth Roudinesco<br />
Denoël<br />
Il est difficile <strong>de</strong> surestimer l’importance <strong>de</strong><br />
Reik pour l’histoire <strong>de</strong> la psychanalyse. Dès<br />
son texte <strong>de</strong> 1933, présenté au Congrès<br />
psychanalytique international <strong>de</strong> Wiesba<strong>de</strong>n,<br />
peu avant l’arrivée <strong>de</strong> Hitler au pouvoir,<br />
il souligne que les véritables et intimes<br />
compréhensions psychanalytiques apparaissent<br />
comme <strong>de</strong>s surprises pour l’analyste<br />
et pour l’analysant (1) .<br />
En vérité, Reik va bien plus loin. Il est le<br />
premier à mettre en cause les principaux<br />
axes <strong>de</strong> la formation analytique tels qu’Eitingon<br />
et l’Institut <strong>de</strong> Berlin les ont établis :<br />
« Il ne faut pas croire que les analystes ont<br />
décidé définitivement <strong>de</strong> la meilleure voie<br />
pour acquérir les connaissances analytiques.<br />
La recommandation <strong>de</strong> suivre la<br />
chaîne : analyse personnelle, étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la<br />
littérature scientifique, analyse <strong>de</strong> contrôle<br />
n’est qu’un schéma grossier et insuffisant.<br />
Bien <strong>de</strong>s doutes <strong>de</strong>meurent chez certains<br />
d’entre nous quant à la meilleure façon<br />
d’étudier la psychanalyse. Chez ceux qui<br />
ne doutent pas, il n’en <strong>de</strong>meure pas moins<br />
toute une série d’incertitu<strong>de</strong>s, relatives aux<br />
postulats, aux conditions régissant les trois<br />
phases qui sont à la base <strong>de</strong> ce schéma<br />
<strong>de</strong>s problèmes concernant leur portée et<br />
la façon dont elles agissent et continuent<br />
à se poser. Bien <strong>de</strong>s questions ne pourront<br />
pas être résolues aussi longtemps que nous<br />
ne disposerons pas <strong>de</strong> l’expérience portant<br />
sur <strong>de</strong>s nombreuses années, sur trois<br />
générations au moins (2) ». Ces générations<br />
se sont succédées et <strong>de</strong>s nombreuses années<br />
se sont passées. Si les problèmes ne<br />
restent pas en l’état, c’est qu ils se sont<br />
aggravés. Ceux relatifs à la formation se<br />
sont multipliés par ceux relatifs à la reconnaissance<br />
<strong>de</strong>s psychanalystes et aux<br />
critères retenus pour le choix <strong>de</strong> ceux qui<br />
auront la responsabilité <strong>de</strong> les former et <strong>de</strong><br />
les reconnaître.<br />
Reik a souligné l’impératif <strong>de</strong> rester accueillant<br />
à l’égard <strong>de</strong> la surprise. Or, les<br />
institutions analytiques se montrent<br />
singulièrement fermées à toute surprise<br />
dans leurs mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> fonctionnement. Au<br />
contraire : l’histoire montre qu’elles se soucient<br />
plutôt <strong>de</strong> la refouler avec violence.<br />
Aussi, du point <strong>de</strong> vue clinique l’actualité<br />
<strong>de</strong> Reik est surprenante : déjà en 1935,<br />
quand son livre est publié pour la première<br />
fois, il critique Reich et ceux qui préten<strong>de</strong>nt<br />
formaliser la cure analytique <strong>de</strong> manière<br />
supposée scientifique. Il signale que<br />
le véritable cheminement <strong>de</strong> la cure est<br />
plutôt erratique, fait <strong>de</strong> déambulations et<br />
<strong>de</strong> surprises, à la faveur <strong>de</strong>s libres associations,<br />
qui, elles, ne supportent aucune<br />
formalisation. De manière étonnante pour<br />
la lecture contemporaine <strong>de</strong> Ferenczi, Reik<br />
l’inclut parmi ceux qui ambitionnent à une<br />
telle formalisation (pp. 126-131 et, plus loin,<br />
p. 198).<br />
En <strong>de</strong>vançant nos théories actuelles et en<br />
prévoyant, en quelque sorte, les paradoxes<br />
cliniques issus <strong>de</strong> ces théories, Reik écrit :<br />
« L’insistance sur le facteur formel est si peu<br />
nouvelle, si peu originale qu’on n’a même<br />
pas osé faire un petit pas <strong>de</strong> plus et aller<br />
jusqu’à affirmer que la forme n’est rien d’autre<br />
que le contenu <strong>de</strong>venu couche externe, le<br />
noyau <strong>de</strong>venu écorce ; que selon le mot <strong>de</strong><br />
Novalis, l’extérieur n’est qu’un intérieur qui<br />
s’est secrètement soulevé (p.133) ».<br />
Dans sa préface, E. Roudinesco déploie<br />
ses larges connaissances historiques et<br />
montre comment Reik a su résister et dé-<br />
Palmarès du 25 ème festival<br />
Ciné-Vidéo-Psy <strong>de</strong> Lorquin<br />
Clé d’Or 2001<br />
ESSABAR ou L’ABRI DE L’ETRE, Zarina<br />
Khan, 2000, 90 minutes.<br />
Thème: Réinsertion<br />
Résumé : En quête d’i<strong>de</strong>ntité, <strong>de</strong> jeunes gens<br />
« marginalisés » découvrent le désert.<br />
Clé d’Argent 2001<br />
AU TEMPS TIC-TAC, Espace Clauzel, 2000,<br />
5 minutes.<br />
Thème : Vidéo clip rap sur le thème du temps<br />
écrit, réalisé et interprété par les patients du<br />
groupe vidéo d’un CATTP.<br />
Clé d’Argent 2001<br />
UNE VIE D’ICI, Lionel Mougin, 2001, 26<br />
minutes<br />
Thème : La vieillesse.<br />
Résumé : Michel a 70 ans, il vit seul dans la<br />
conciergerie d’une usine <strong>de</strong> textile fermée<br />
<strong>de</strong>puis 10 ans dans laquelle il a travaillé toute<br />
sa vie et rencontré sa femme Amélie, morte<br />
<strong>de</strong>puis 2 ans. La vie <strong>de</strong> Michel s’écoule,<br />
monotone ; la ron<strong>de</strong> quotidienne <strong>de</strong> l’usine,<br />
le blanc chez Raymond, le cafetier ... Et puis<br />
en parallèle, il y a les souvenirs <strong>de</strong> Michel :<br />
le travail à l’usine du temps <strong>de</strong> l’activité ...<br />
et le souvenir d’Amélie <strong>de</strong> plus en plus présent...<br />
Clé <strong>de</strong> Bronze 2001<br />
L’ADAPTATION, Marion Walthert, 1998/<br />
1999, 14 minutes .<br />
Thème : Grands brûlés.<br />
Résumé : Adaptation à la suite <strong>de</strong> très graves<br />
brûlures. Cette vidéo porte un regard personnel<br />
sur l’événement et l’adaptation à la<br />
nouvelle vie. Ce n’est pas un documentaire<br />
traditionnel sur un handicap. Tant sur le côté<br />
formel que sur le contenu.<br />
Clé <strong>de</strong> Bronze 2001<br />
L’ONDE DU CHOC, LE STRESS POST-<br />
TRAUMATIQUE (PULSATIONS), Badot<br />
Pierre, 2001, 57 minutes 50.<br />
Résumé : Dans quel état psychologique se<br />
retrouvent les personnes victimes d’un acci<strong>de</strong>nt<br />
<strong>de</strong> voiture, d’un incendie, d’une agression,<br />
d’une violence sexuelle, d’une collision<br />
ferroviaire ? 75% d’entre elles seront<br />
choquées pendant les quelques semaines qui<br />
suivront l’inci<strong>de</strong>nt traumatique. Pour les autres<br />
25 %, l’état <strong>de</strong> choc va se chronifier, on parlera<br />
alors du syndrome <strong>de</strong> stress post-traumatique.<br />
jouer les pressions contre l’exercice <strong>de</strong> la psychanalyse<br />
par les psychologues exercées par<br />
l’International Psychoanalytical Association<br />
en général et l’American Psychoanalytical Association<br />
en particulier. En vérité, comme l’a<br />
souligné Freud à <strong>de</strong> nombreuses reprises, la<br />
psychanalyse est une psychologie <strong>de</strong>s profon<strong>de</strong>urs.<br />
Ou, comme le cite Roudinesco à<br />
partir <strong>de</strong> La question <strong>de</strong> l’analyse profane (p.<br />
26) : « La psychanalyse fait partie <strong>de</strong> la la psychologie,<br />
non pas <strong>de</strong> la psychologie médicale<br />
ou <strong>de</strong> la psychologie <strong>de</strong>s processus pathologiques,<br />
mais <strong>de</strong> la psychologie tout court ».<br />
Toute avancée psychanalytique est un progrès<br />
<strong>de</strong> la psychologie, qui, à ce titre, se renouvelle<br />
sans cesse au cours du siècle précé<strong>de</strong>nt.<br />
L’excellente traduction <strong>de</strong> D. Berger, à qui<br />
l’histoire <strong>de</strong> la psychanalyse en France doit<br />
déjà <strong>de</strong> si belles traductions, mérite d’être si-<br />
Prix spécial du jury :<br />
meilleur outil pédagogique<br />
pluridisciplinaire<br />
LE REGARD DE DELPHINE , Humbert<br />
Nago, 2000, 50 minutes.<br />
Thème : Enfance/Deuil.<br />
Résumé : Sous forme <strong>de</strong> fiction, le film conte<br />
l’histoire d’une lutte commune contre la maladie<br />
et l’inéluctable, menée par la petite Delphine,<br />
ses parents et toute l’équipe médicochirurgicale<br />
qui s’affaire autour <strong>de</strong> la jeune<br />
patiente.<br />
Mention télévision<br />
NAISSANCE DE LA PAROLE, Caillat François,<br />
1999, 56 minutes.<br />
Thème : Le langage chez les bébés.<br />
Résumé : Le langage vient-il dès la naissance<br />
et comment ? Doit-on l’apprendre, et sous<br />
quelles conditions ? La relation avec la mère<br />
est-elle primordiale ? Chercheurs et thérapeutes<br />
s’interrogent sur les conditions d’émergence<br />
<strong>de</strong> la parole. On suit <strong>de</strong>s expériences<br />
avec <strong>de</strong>s nourrissons savants et <strong>de</strong>s séances<br />
<strong>de</strong> thérapie pour grands enfants mutiques...<br />
On écoute <strong>de</strong>s parents, <strong>de</strong>s linguistes, <strong>de</strong>s<br />
mé<strong>de</strong>cins... On assiste au dialogue entre <strong>de</strong>s<br />
psychiatres et <strong>de</strong>s physiologues... En dix questions<br />
fondamentales, le film montre que l’acquisition<br />
du langage exige à la fois une prédisposition<br />
génétique et un échange affectif<br />
et ludique.<br />
gnalée. La lecture <strong>de</strong> cette traduction française<br />
<strong>de</strong> ce livre <strong>de</strong> Reik, non seulement élargit<br />
nos capacités <strong>de</strong> penser, mais est aussi<br />
très agréable.<br />
Prado <strong>de</strong> Oliveira<br />
(1) M. S. Bergmann, The Historical Roots of Psychoanalytic<br />
Orthodoxy, International <strong>Journal</strong> of Psychoanalysis,<br />
1997, 78 : 69-86.<br />
(2) T. Reik, Le psychologue surpris, Denoël, 2001, p.<br />
323, trad. D. Berger.<br />
L’ontologie <strong>de</strong> Gilles Deleuze<br />
Véronique Bergen<br />
L’Harmattan<br />
Cet essai abor<strong>de</strong> l’ontologie <strong>de</strong> Gilles Deleuze<br />
à partir <strong>de</strong>s problèmes <strong>de</strong> l’événement<br />
et <strong>de</strong> la génèse <strong>de</strong> l’être et <strong>de</strong> la pensée. Il<br />
interroge la politique <strong>de</strong> pensée mise en œuvre<br />
Mention jeune<br />
MIROS, Fehner Léa, 2001, 16 minutes.<br />
Résumé : Un documentaire sur les aveugles<br />
et les arts d’images au travers <strong>de</strong> 3 parcours<br />
<strong>de</strong> malvoyants. Un cinéphile, un acteur et un<br />
photographe. Comment une image peut-elle<br />
vivre dans le noir ?<br />
Mention « Parole <strong>de</strong> vie »<br />
PARLEZ-MOI D’AMOUR, Chantal Briet,<br />
1999, 35 minutes.<br />
Thème Adolescence, Amour, Sexualité.<br />
Résumé : Ce film est <strong>de</strong>stiné à la formation<br />
<strong>de</strong>s adultes, en particulier à ceux qui dialoguent<br />
fréquemment avec les jeunes autour<br />
<strong>de</strong> ces sujets. Il propose à travers différents<br />
entretiens une recherche autour du langage<br />
<strong>de</strong> l’amour chez les adolescents. Comment<br />
l’adolescent parle-t-il <strong>de</strong> ses sentiments et <strong>de</strong><br />
ses désirs ? Qu’est ce qui peut être dit ? Qu’est<br />
ce qui doit être tu ? Il est commenté par le<br />
Docteur Hélène Jacquemin-Le Vern.<br />
Prix Roger Camar<br />
LA DEVINIERE, Benoît Dervaux, 2000, 90<br />
minutes.<br />
Résumé : Le 18 février 1976, La Devinière,<br />
un lieu <strong>de</strong> psychothérapie institutionnelle,<br />
ouvrait ses portes à 19 enfants réputés incurables,<br />
refusés par tous. Ni le sens commun,<br />
ni la psychiatrie, ni la pédagogie ne pouvaient<br />
les admettre, les reconnaître. Ces enfants,<br />
comme exilés, La Devinière les a acceptés<br />
définitivement avec comme principe fondateur<br />
<strong>de</strong> ne les rejeter sous aucun prétexte. Le<br />
mot « asile » reprend son sens, un espace sans<br />
grille, ni chimie où l’on donne le droit <strong>de</strong><br />
« vivre avec sa folie ». Durant plus <strong>de</strong> vingt<br />
ans, <strong>de</strong>s liens <strong>de</strong> solidarité se sont forgés entre<br />
ceux que rien ne reliait. Au fil <strong>de</strong>s saisons,<br />
j’ai filmé au plus près ce lieu qui a fait rejaillir<br />
la vie là où tout semblait condamné.<br />
PRIX NICOLAS ABRAHAM ET MARIA TOROK<br />
Le prix Nicolas Abraham et Maria Torok est attribué tous les <strong>de</strong>ux ans par l’Association<br />
Européenne Nicolas Abraham et Maria Torok à un ouvrage ou un travail (livre, thèse,<br />
mémoire ou article) réalisé en français au cours <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux années précédant son attribution<br />
(entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2001 pour la première fois).<br />
Ce prix vient souligner l’intérêt que l’Association porte au travail <strong>de</strong> recherche dans la<br />
continuité <strong>de</strong> l’une <strong>de</strong>s pistes ouvertes par les travaux <strong>de</strong> Nicolas Abraham et Maria Torok.<br />
Les qualités théoriques et l’intérêt clinique <strong>de</strong>s travaux présentés seront pris en considération,<br />
mais aussi leur caractère d’innovation.<br />
Le montant du prix s’élève à 10 000 FF.<br />
L’association Nicolas Abraham et Maria Torok s’engage à faire connaître le travail primé<br />
par tous les moyens qu’elle jugera utiles et, au minimum, par une information dans son<br />
bulletin ainsi qu’une mention à l’occasion <strong>de</strong> ses réunions scientifiques.<br />
Les ouvrages concourant pour le Prix Nicolas Abraham et Maria Torok seront adressés<br />
jusqu’au 31/12/2001 (le cachet <strong>de</strong> la poste faisant foi), en sept exemplaires, au secrétariat<br />
du jury : Jean Clau<strong>de</strong> Rouchy, 40 rue <strong>de</strong> la Bienfaisance, 75008 Paris.<br />
Le jury du prix est composé pour l’année 2002 <strong>de</strong> : Eric Adda, Fabio Landa, Clau<strong>de</strong> Nachin,<br />
Jean-Clau<strong>de</strong> Rouchy, Nicholas Rand, Barbro Sylwan et Serge Tisseron. La décision<br />
du jury est sans appel.<br />
La première attribution du prix aura lieu au second trimestre 2002.<br />
B.L.<br />
par Deleuze en son choix <strong>de</strong> l’immanence<br />
et en sa synthèse <strong>de</strong>s dispositifs philosophiques<br />
produits par les stoïciens, Spinoza,<br />
Nietsche et Bergson essentiellement.<br />
La création <strong>de</strong> ce que Deleuze appelait une<br />
nouvelle image <strong>de</strong> la pensée rejoue ainsi<br />
les questions <strong>de</strong> l’être, du temps et <strong>de</strong> la<br />
différence et passe par la reconsidération<br />
du rapport entre la pensée et le chaos. Le<br />
traitement <strong>de</strong> la question <strong>de</strong> la co-génèse<br />
<strong>de</strong> l’être et <strong>de</strong> la pensée implique la position<br />
d’une pensée <strong>de</strong> la différence séparée<br />
<strong>de</strong> la différence critico-phénoménologique<br />
et <strong>de</strong> la différence dialectique. Par-<strong>de</strong>là<br />
la fin <strong>de</strong> non-recevoir que Deleuze a opposée<br />
à Hegel, il s’agit <strong>de</strong> repérer les affinités<br />
entre dialectique hégélienne et plan<br />
vitaliste <strong>de</strong>leuzien.