30.06.2013 Views

Septembre - Nervure Journal de Psychiatrie

Septembre - Nervure Journal de Psychiatrie

Septembre - Nervure Journal de Psychiatrie

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

4<br />

LE JOURNAL DE NERVURE N° 6 - SEPTEMBRE 2001<br />

LIVRES<br />

Se former à la thérapie<br />

familiale<br />

Eric Trappeniers et Alain Boyer<br />

Dunod<br />

Conçu à partir <strong>de</strong> sessions <strong>de</strong> formation à<br />

l’approche systémique et à la thérapie familiale,<br />

ce livre-reportage, précé<strong>de</strong>mment<br />

publié sous le titre Famille quand tu nous<br />

tiens en 1996, fait l’objet d’une nouvelle édition<br />

revue et complétée. Il présente <strong>de</strong> nombreuses<br />

situations cliniques et traite <strong>de</strong>s<br />

principaux champs d’application relatifs au<br />

couple, à la famille, à l’institution soignante<br />

et à l’intervention au sein d’un réseau.<br />

Père et fille<br />

Une correspondance<br />

(1914-1938)<br />

Françoise Dolto<br />

Lettres choisies et présentées par<br />

Muriel Djéribi-Valentin<br />

Notes <strong>de</strong> Muriel Djéribi-Valentin et<br />

Colette Percheminier<br />

Mercure <strong>de</strong> France<br />

« Je te trouve très bien en capitaine sur la<br />

photographie », écrit Françoise à son père<br />

en novembre 1914. Ce lien épistolaire entre<br />

père et fille se maintient au fil <strong>de</strong>s années<br />

difficiles, décès <strong>de</strong> Jacqueline, la sœur aînée,<br />

dépression <strong>de</strong> la mère, rupture <strong>de</strong>s<br />

premières fiançailles… En juin 1938, après<br />

une crise particulièrement violente, Françoise<br />

éprouve le besoin d’une mise au point :<br />

« Cette lettre (…) brisera peut-être tout entre<br />

nous et alors mieux vaut maintenant car<br />

nous ne pourrions que nous faire plus <strong>de</strong><br />

mal en continuant à nous voir avec <strong>de</strong>s malentendus<br />

entre nous ; mais elle risque aussi<br />

<strong>de</strong> me réhabiliter à tes yeux et <strong>de</strong> sauver<br />

notre affection. Si je suis « ton » enfant, je<br />

ne suis plus « une » enfant. Au lieu d’être<br />

« très triste » <strong>de</strong> m’aimer « malgré tout » tu<br />

comprendras peut-être que je suis une<br />

femme qui te fait honneur...».<br />

Naissance à la vie psychique<br />

Albert Ciccone et Marc Lhopital<br />

2e édition<br />

Dunod<br />

Albert Ciccone et Marc Lhopital, s’ils se réfèrent<br />

aux travaux du courant postkleinien<br />

consacrés au développement du nourrisson<br />

et aux troubles psychiques précoces,<br />

proposent <strong>de</strong>s jonctions et <strong>de</strong>s articulations<br />

entre différents modèles, comme ceux d’Esther<br />

Bick, Didier Anzieu, Donald Meltzer,<br />

Piera Aulagnier, etc. Ils prennent en compte<br />

et discutent les théories actuelles élaborées<br />

dans <strong>de</strong>s champs autres ou connexes à la<br />

psychanalyse. Leur conception <strong>de</strong> la génèse<br />

et <strong>de</strong>s altérations <strong>de</strong> l’appareil psychique<br />

accor<strong>de</strong> une place importante au<br />

lien à l’objet et à sa fonction contenante.<br />

CENTRE HOSPITALIER<br />

MONTPERRIN<br />

à Aix en Provence (13)<br />

Recherche<br />

1 Assistant Spécialiste en<br />

<strong>Psychiatrie</strong> Adultes<br />

Renseignements au :<br />

04 42 16 17 22<br />

Anticipation et psychothérapie<br />

Entretien avec Mario Berta *<br />

par Jean-Clau<strong>de</strong> Benoit<br />

J.-C. Benoit : À propos du thème psychologique<br />

et psychothérapique <strong>de</strong> l’anticipation,<br />

l’apport du professeur Jean-Marie Sutter fut<br />

essentiel. Tu l’as bien connu. Malheureusement,<br />

il nous a quitté en décembre 1998. Il<br />

nous laissait la préface <strong>de</strong> ton livre, L’Epreuve<br />

d’anticipation, paru récemment dans la collection<br />

Relations. Son texte nous donnait<br />

l’image d’un ultime encouragement à suivre<br />

cette voie qu’il avait ouverte en 1956. Vous<br />

aviez d’ailleurs rédigé ensemble un livre également<br />

consacré à ton test, qu’il a pratiqué<br />

dès vos premiers contacts <strong>de</strong> 1976. Peux-tu<br />

évoquer ces rencontres ?<br />

M. Berta : Nous eûmes très rapi<strong>de</strong>ment <strong>de</strong>s<br />

liens amicaux. Face à Sutter, j’ai toujours eu<br />

l’impression <strong>de</strong> me trouver <strong>de</strong>vant un grand<br />

seigneur, non seulement sur le plan <strong>de</strong> la pensée<br />

et <strong>de</strong> ses connaissances en psychopathologie,<br />

mais aussi par la qualité <strong>de</strong>s relations<br />

qu’il nouait. Vis-à-vis d’autrui, il existait,<br />

chez lui une ouverture souriante et authentique,<br />

et une forme <strong>de</strong> noblesse supérieure<br />

dans sa mo<strong>de</strong>stie même. Voici une anecdote<br />

qui illustre un peu ceci. Je l’ai donc rencontré<br />

pour la première fois, à Paris, chez le professeur<br />

Yves Pélicier en 1976, puis il vint à<br />

Montevi<strong>de</strong>o en 1977. Nous nous trouvions<br />

d’emblée vivement intéressés par notre travail<br />

sur cette notion d’anticipation qu’il avait<br />

le premier i<strong>de</strong>ntifiée, si clairement, dans son<br />

article <strong>de</strong> 1956. Nous correspondions également<br />

beaucoup. Bref, pour revenir à l’anecdote,<br />

lors d’un Congrès à Rio <strong>de</strong> Janeiro où<br />

il présentait un rapport, il me prend à part. Il<br />

me dit : « Mon cher Mario, je vous propose<br />

<strong>de</strong> nous appeler désormais Jean et Mario. Je<br />

vous appellerai Mario et vous m’appellerez<br />

Jean, sans aller pour autant jusqu’à nous tutoyer<br />

»... Telle fut sa façon <strong>de</strong> m’introduire<br />

dans son intimité, façon quelque peu étonnante<br />

pour un sud-américain peu habitué à<br />

ces nuances. Celà, c’était Sutter et la qualité<br />

extrême et nuancée à la fois qu’il créait dans<br />

ses relations. Il ne jugeait jamais autrui. Et<br />

l’on sait que, dans son service, malgré son<br />

statut éminent, il consacrait à ses patients une<br />

activité psychothérapique personnelle, ce que<br />

je crois assez rare chez ses collègues.<br />

J.-C. B. : Je peux confirmer ce <strong>de</strong>rnier point,<br />

sa volonté <strong>de</strong> thérapeute, comme on peut le<br />

constater dans son livre fondamental <strong>de</strong> 1986.<br />

Je rend aussi hommage personnellement à<br />

cette attention qu’il portait à autrui, et dont<br />

j’ai pu bénéficier.<br />

M. B. : Avant lui, l’anticipation était un thème<br />

évoqué ici ou là par <strong>de</strong>s philosophes, <strong>de</strong>s<br />

poètes. J’ai saisi d’emblée l’importance <strong>de</strong><br />

ses travaux, compte-tenu <strong>de</strong> ma propre pratique<br />

psychothérapique. J’utilisais initialement<br />

L’épreuve <strong>de</strong> l’expression <strong>de</strong>s désirs<br />

<strong>de</strong> J. Pigem Serra, décrite dans sa thèse <strong>de</strong><br />

mé<strong>de</strong>cine en psychiatrie. J’avais perçu que<br />

ce test conduisait vers une étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> ce fait<br />

psychologique essentiel, l’anticipation. Dans<br />

mon livre <strong>de</strong> 1999, je décris en détail toute<br />

l’évolution <strong>de</strong> cette curieuse histoire. Je peux<br />

rappeler brièvement que pendant la guerre<br />

d’Espagne, sur le front, Pigem rencontrait<br />

souvent Tosquelles, un autre psychiatre. Celui-ci<br />

dut émigrer plus tard en France, où il<br />

réalisa une œuvre d’un intérêt exceptionnel<br />

en psychiatrie institutionnelle, ce que chacun<br />

sait chez vous. Or, Tosquelles utilisait<br />

une sorte <strong>de</strong> blague. Dans les moments <strong>de</strong><br />

repos, sur le front, quand quelqu’un entrait<br />

dans la pièce où il bavardait avec Pigem, il<br />

lui posait cette question : « Si une bombe<br />

nous tombait <strong>de</strong>ssus et que tu meurs, que désirerais-tu<br />

être, tout sauf un être humain,<br />

dans une nouvelle vie ?».<br />

J.-C. B. : La naissance <strong>de</strong> ton Epreuve d’anticipation.<br />

M. B. : Oui. Assez rapi<strong>de</strong>ment j’ai introduit<br />

la recherche du symbole négatif, à mon sens<br />

essentiel au-<strong>de</strong>là du positif. Puis, peu à peu,<br />

j’ai précisé l’ensemble, c’est-à-dire l’obtention<br />

<strong>de</strong> huit images-symboles - quatre positives<br />

et quatre négatives au total - avec leurs<br />

<strong>de</strong>ux niveaux, l’anticipation primaire, plus<br />

consciente et l’anticipation secondaire, certes<br />

cruciale en psychothérapie. Puis <strong>de</strong>s compléments<br />

sont venus, entre autres l’application<br />

au mon<strong>de</strong> vécu, personnel, et l’application<br />

à l’univers <strong>de</strong>s images familiales.<br />

J.-C. B. : Tu étais donc un psychiatre à orientation<br />

psychothérapique prévalente, et aussi<br />

professeur <strong>de</strong> psychologie à Montevi<strong>de</strong>o.<br />

Plus précisément, que pensait Sutter <strong>de</strong> ton<br />

Epreuve ?<br />

M. B. : Je me sentais très soutenu par les<br />

contacts avec Sutter et nous avions une cor-<br />

respondance continue. L’anticipation <strong>de</strong>venait<br />

pour moi une notion-clé. Sutter aimait<br />

beaucoup l’Epreuve, telle qu’elle s’était précisée.<br />

Il l’a écrit : l’Epreuve explorait l’anticipation<br />

telle qu’il l’avait lui-même perçue<br />

et décrite. Il m’envoyait <strong>de</strong>s Epreuves pratiquées<br />

par lui à La Timone, à Marseille. Il en<br />

fait figurer dans son livre <strong>de</strong> 1983. Puis, il<br />

m’a ouvert un accès direct à notre livre en<br />

commun <strong>de</strong> 1991. Nos échanges stimulaient<br />

ma réflexion. Nous partagions cette idée que<br />

l’être humain est capable <strong>de</strong> créer aujourd’hui<br />

l’évènement qui se produira <strong>de</strong>main,<br />

dans sa vie. Cette formule <strong>de</strong> Sutter <strong>de</strong>meure<br />

classique : « L’anticipation, c’est la vie avant<br />

la vie ». C’est avant la vie <strong>de</strong> <strong>de</strong>main mais<br />

je produis l’évènement, ici et maintenant.<br />

J.-C. B. : Quelle différence entre vous ?<br />

M. B. : Ma pratique <strong>de</strong> psychiatre psychothérapeute<br />

en libéral, tout à fait quotidienne,<br />

me montrait certaines nuances. En particulier,<br />

je me suis rendu compte combien est<br />

vaste l’horizon <strong>de</strong>s possibilités futures : <strong>de</strong>main<br />

est immense, vu d’aujourd’hui. Je ne<br />

peux pas anticiper toutes mes possibilités<br />

personnelles. Pour qu’il y ait anticipation,<br />

une possibilité ponctuelle doit avoir déjà été<br />

prévue. L’anticipation dont nous parlons,<br />

psychologique, concerne un évènement envisagé,<br />

en général <strong>de</strong> nature affective et capable<br />

<strong>de</strong> déclancher toute mon affectivité. Et<br />

simultanément à cet évènement prévu, existe<br />

ce même évènement, anticipé. Puis, dans la<br />

réalité, cet évènement surviendra au présent.<br />

Ces trois éléments constituent la séquence<br />

véritable <strong>de</strong> l’anticipation. Ainsi, l’évènement<br />

anticipé aujourd’hui, je l’arrache au futur<br />

<strong>de</strong> <strong>de</strong>main et je le place maintenant, là,<br />

<strong>de</strong>vant moi et en moi. Je l’arrache au futur :<br />

l’anticipation ne va pas dans le sens <strong>de</strong>, la<br />

succession temporelle, mais à l’inverse.<br />

J.-C. B. : L’anticipation humaine positive fait<br />

venir au présent un futur probable et désiré.<br />

M. B. : Voilà. Le fait envisagé <strong>de</strong>vient présent,<br />

arraché au futur et objectivé <strong>de</strong> <strong>de</strong>main<br />

vers aujourd’hui. Ceci est un peu différent<br />

<strong>de</strong> ce qu’envisageait Sutter. Sutter était influencé<br />

par Bergson et par Minkowski. C’était<br />

le thème <strong>de</strong> l’élan vital, allant dans le sens<br />

du flux temporel. L’élan temporel. Mais je<br />

pense que l’anticipation est un contre-mouvement.<br />

J.-C. B. : Elle marque un arrêt.<br />

M. B. : C’est ma métaphore, que je vais développer<br />

maintenant, avec une image concrète.<br />

C’est l’image classique du fleuve, qui coule<br />

toujours dans le même sens, qui change toujours<br />

et, à la fois, qui ne change pas vraiment.<br />

Mais l’anticipation, elle, met un barrage. Elle<br />

arrête le flux continu. Elle introduit un arrêt<br />

dans le mouvement. Ceci n’est pas un processus<br />

<strong>de</strong> nature et c’est<br />

même l’opposé d’un processus<br />

biologique considéré<br />

<strong>de</strong> façon classique.<br />

C’est un processus que<br />

Fernan<strong>de</strong>z Zoïla considère<br />

comme spécifique<br />

<strong>de</strong> l’espèce humaine et<br />

<strong>de</strong> ses cultures. Il appartient<br />

aux processus <strong>de</strong> l’affectivité<br />

humaine. Ma métaphore<br />

du barrage introduit<br />

cette intention volontaire<br />

<strong>de</strong> créer un arrêt, une retenue<br />

d’énergie, toujours<br />

sous la pression <strong>de</strong> l’affectivité.<br />

Une rivière <strong>de</strong>vient<br />

lac artificiel. Le lac<br />

va donner l’énergie retenue,<br />

grâce aux turbines,<br />

etc. Il suffit <strong>de</strong> développer la métaphore pour<br />

trouver l’image d’un projet orienté vers un<br />

<strong>de</strong>venir.<br />

J.-C. B. : Revenons à la psychologie...<br />

M. B. : Dans sa phrase le « la vie avant la<br />

vie », Sutter soulignait l’existence d’un processus<br />

imaginatif, affectif, retentissant sur<br />

l’ensemble <strong>de</strong> l’organisme, psychosomatiques.<br />

Dans l’anticipation, ce ne sont pas<br />

seulement <strong>de</strong>s images, <strong>de</strong>s rêveries. Il s’agit<br />

d’une accumulation <strong>de</strong> désir, ou <strong>de</strong> crainte<br />

aussi bien. Mais <strong>de</strong>main est là, aujourd’hui,<br />

sur un fait précis <strong>de</strong> ma vie. Pour ma part, je<br />

propose d’habitu<strong>de</strong> l’image <strong>de</strong> la femme aimée<br />

qui doit venir <strong>de</strong>main. Là interviennent<br />

le corps, l’âme, l’esprit. C’est un évènement<br />

affectif attendu, précis.<br />

J.-C. B. : Il y a donc ce blocage sur un évènement<br />

précis, émouvant d’emblée.<br />

M. B. : Oui, prévu. C’est la venue <strong>de</strong> la femme<br />

aimée, <strong>de</strong>main à 17 heures. Aujourd’hui, mon<br />

imagination travaille, actualise ici et maintenant<br />

la rencontre <strong>de</strong> <strong>de</strong>main. Je définis l’anticipation<br />

une « actualisation du futur ». Là,<br />

vient un peu <strong>de</strong> tout : les images, les pensées,

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!