Septembre - Nervure Journal de Psychiatrie

LE JOURNAL
LIVRES
DE
Supplément à NERVURE
Journal de Psychiatrie
n° 6 - Tome XIV -
Septembre 2001
(ne peut être vendu séparément)
Pour les mentions légales relatives au
présent supplément consulter l’édi -
tion de Nervure.
Aux portes de la psychiatrie
Pinel, l’Ancien et le Moderne
Jackie Pigeaud
Aubier
Jackie Pigeaud se définit comme un antiquisant
mais aussi comme un historien des
idées et de l’imaginaire. Il aborde, dans ce
livre, la stratégie fondatrice de la psychiatrie
tout en rendant hommage à ce qui revient
à Gladys-Swain et Dora Weiner dans
ce domaine. Pour cela, il tente de mesurer
la culture initiale et la lisibilité de celui, et
cela ne fait aucun doute pour lui, qui a été
le fondateur de la médecine aliéniste. Le
coup de force théorique mené par Pinel ne
s’appuie sur aucune originalité. Il s’agit,
simplement, d’une œuvre lisible qui se
garde bien d’approfondir mais propose une
technique nouvelle qui ne s’inscrit pas dans
les débats médicaux de l’époque. Elle est,
en cela, « la démarche d’un timide d’une
grande audace ». Pinel a été le premier historien
de ce dont il a posé les fondements,
à savoir la psychiatrie et fait partie des médecins
qui pratiquent leur histoire.
Jackie Pigeaud a une connaissance précise
de la médecine de l’antiquité, ce qui
lui permet d’en indiquer la fonction dynamique
dans l’annexion de la folie à la médecine,
annexion dont certains doutent
qu’elle ait été réussie. Mais cela est une
autre histoire...
G. Massé
Psychologie clinique n° 11
L’Harmattan
Coordonné par Olivier Douville et Claude
Wacjman, ce numéro insiste sur les dangers
du réductionnisme en psychologie. La
prétention de la toute puissance de tel ou
tel modèle d’explication n’est pas loin de
conduire à un « continuum entre un totalitarisme
scientifique, un totalitarisme sociopolitique
et un totalitarisme religieux » (Serge
Blondeau). Pour s’en prémunir, il est utile
de rappeler les apports de la phénoménologie
(Nadine Proia), de réinterroger la position
de l’analyste (Regnier Pirard), mais
aussi de se pencher sur l’émergence d’une
nouvelle orientation de la psychologie clinique
et sociale anglo-saxonne : on voit
ainsi les américains sortir du behaviorisme
et revaloriser la recherche qualitative (Marie
Santiago-Delefosse). A signaler dans ce
même numéro un article sur les enfantssoldats
(Mouzayan Osseiran-Houballah) et
un texte dense de Bernard Doray sur la problématique
du traumatisme.
M. Jaeger
P eu
après sa nomination comme médecin-chef
à l’asile de Villejuif, Edouard
Toulouse y installa, en 1898, un laboratoire
de « psychologie expérimentale », inspiré,
vraisemblablement, du laboratoire de « psychologie
physiologique de la Sorbonne, principalement
dans le but de « travailler à la
détermination d’une méthode scientifique,
rigoureuse et précise », qui lui manquait pour
son Enquête médico-psychologique sur les
rapports de la supériorité intellectuelle et de
la névropathie, dont le premier volume, consacré
à Emile Zola, avait paru deux ans plus
tôt et pour laquelle il avait largement utilisé
ce qu’on appelait alors, les mental tests. En
1900, il sollicitera, et obtiendra par arrêté du
1er août 1900, le rattachement de ce laboratoire
à l’Ecole pratique des hautes études.
A cette époque, Nicholas Vaschide étant le
chef des travaux et Henri Piéron, le préparateur,
J.-M. Lahy (1) commencera à participer
aux recherches effectuées dans le laboratoire,
d’abord avec le statut d’élève, ensuite,
en 1907, au titre d’attaché, puis, en 1908, de
chef des travaux, tout comme Henri Piéron.
Nicolas Vaschide quitta le laboratoire de psychologie
expérimentale en 1907 et Henri Piéron,
qui lui avait succédé comme chef des
travaux, s’en ira à son tour, après la mort, en
1911, d’Alfred Binet, directeur du laboratoire
de psychologie physiologique de la Sorbonne.
Pour le remplacer J.-M. Lahy restera
donc le seul collaborateur d’Edouard Toulouse
au laboratoire de psychologie expérimentale.
En 1924, Edouard Toulouse obtient la constitution
d’un « service libre de prophylaxie
mentale » à Sainte-Anne et institue sept laboratoires.
J.-M. Lahy devient chef du laboratoire
de « psychologie et psychotechnique »,
puis, après la création du laboratoire de psychotechnique
de la Société des Transports
Parisiens (STCRP), le premier organisé dans
une entreprise en France, il est promu directeur.
Il est considéré, avec raison, comme le
fondateur de la psychotechnique en France,
un des pionniers de la psychologie du travail,
de l’ergonomie avant la lettre et de
l’orientation professionnelle.
Au début de l’Occupation, alors que J.-M.
Lahy s’était retiré dans le Midi, les autorités
allemandes entreprirent de faire main basse,
dans tous les pays occupés, sur toutes sortes
d’archives, aussi bien publiques que privées.
Ainsi, furent spoliés ministères, organismes
publics et privés, associations, partis politiques,
syndicats, compagnies industrielles
et commerciales, banques, congrégations religieuses,
loges franc-maçonnes, mais aussi
particuliers, hommes d’Etat, personnalités
scientifiques, militaires, hommes d’affaires,
hommes de lettres. Les archives du laboratoire
de psychologie de l’Ecole pratique des
Hautes Etudes et de J.-M. Lahy (2) feront partie
du lot.
Lors de son avancée vers l’Ouest, l’armée
rouge récupéra ces archives et elles furent
transportées à Moscou. Leur classement et
leur inventaire ne furent effectués que plus
tard (août 1953, pour ce qui concerne les archives
du laboratoire de « psychologie expérimentale
», intitulé conservé par les archives
soviétiques, bien que le laboratoire
eût changé d’appellation).
En 1993 (accord Dumas-Kozirev), le gouvernement
français négocia, avec l’Etat russe,
le rachat et le rapatriement en France des précieux
documents saisis sur son territoire.
Si le retour des archives officielles se fit sans
trop de difficultés, il n’en fut pas de même
des archives dites « spéciales », instituées
par le conseil des ministres de l’URSS en
1946, afin de centraliser les documents dispersés
dans différents départements, dont faisaient
partie les archives du laboratoire de
psychologie de Sainte-Anne et dont la restitution
nécessita de nouvelles, difficiles et
longues tractations, qui n’ont abouti que récemment.
C’est ainsi que 69 cartons d’archives, provenant
du laboratoire de psychologie de Saint-
Anne, sont revenus en France.
Un seul de ces cartons a été rendu à Sainte-
Anne, les 68 autres ayant été restitués aux
petits-enfants de J.-M. Lahy, nés de son fils
Pierre. Le carton reçu par Sainte-Anne a été
solennellement remis au président de l’Association
des amis du musée et du centre historique
de Sainte-Anne, le professeur Daniel
Frédy, le 21 février 2001.
Ce carton constituait le fonds 189 et se compose
de 17 dossiers, qui couvrent les années
1911 à 1939. Voici le résumé de leur contenu.
LE JOURNAL DE NERVURE N°6 - SEPTEMBRE 2001 1
Directeur de la publication et de la rédaction : G. Massé
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Commission paritaire n° 70088
Marcel Tubiaux*
Restitution des archives du laboratoire
de psychologie expérimentale
Edouard Toulouse
Documents relatifs à l’activité du
laboratoire
Programmes et rapports d’activité
1/ Psychologie appliquée au travail professionnel,
programmes, thèmes d’examens de
l’Institut de psychologie (1923, 1924, 1928).
2/ Régie départementale des tramways de l’Ain-
Bourg : test AD, fonctionnement des appareils,
examens psychotechniques (1933, 1935).
3/ Etudes sur l’éclairage.
Correspondances
4/ Correspondance (en désordre) de J.-M.
Lahy : avec l’Automobile Club d’Italie (1933) ;
observation de son fils Pierre, âgé d’un mois
et 21 jours (1903) ; correspondance avec la
Société psychotechnique de Varsovie (1929) ;
demandes d’honoraires d’un avocat et d’un
avoué (1920) ; référé au sujet de la garde de
son fils (1925) ; examen de Mlle Friedrich
en psychologie appliquée (1924) ; correspondance
relative à la construction d’un bateau
(1936) ; devis pour ameublement (1938).
5/ Correspondances diverses avec la Marine
nationale (1933) ; réponse reçue à une demande
de renseignements « sur la façon d’entrer
dans le corps du Génie maritime »,
échange de lettres relatives à la sélection psychotechnique
des ouvriers soudeurs de la Marine
nationale.
6/ Correspondance relative à la réalisation
d’un circuit automobile à l’autodrome de
Montlhéry (1937).
7/ Lettre relative aux appareils « Ediphone »
et « Télédiphone » (1939).
Documents personnels et non personnels
du directeur de laboratoire
8/ Lettres adressées par J.-M. Lahy à son fils
Pierre, parfois à son neveu Georges, quelques
lettres de Pierre Lahy (1911-1919).
9/ Documents relatifs au divorce de J.-M.
Lahy et de sa première épouse, Marie-Blanche
Trouillet (1920-1921).
10/ Articles de J.-M. Lahy sur l’emploi des
appareils de mesure des temps de réaction
en psychotechnique : Un appareil nouveau,
le chronographe imprimeur (1935), La psychotechnique
et la psychiatrie (1934). Article
de G.H. Miles : Psychological considerations
involved in the application of motor
driving tests (1933). Liste des incapacités
physiques pour les conducteurs de poids
lourds (1933) ; préparation du Congrès de
Prague (1934) ; travaux publiés par J.-M.
Lahy, Suzanne Korngold et autres.
Documents relatifs à l’activité de
l’Association internationale de
psychotechnique
Statuts 11/ Association internationale de
psychotechnique, statuts et remarques d’I.
*Psychologue, expert du Bureau international du travail,
Rédacteur en chef du Bulletin de psychologie.

2
LE JOURNAL DE NERVURE N° 6 - SEPTEMBRE 2001
LIVRES
Dossier : l’enfant excité
Enfances & Psy n°14
Erès
Dans ce dossier remarquable, R. Voyazopoulos
rappelle que, bien qu’elle aIimente
quotidiennement la plainte des parents et
des professionnels, et les éprouve, l’excitation
des enfants ne semble pas mobiliser
la réflexion autrement que sur des
thèmes phares comme l’hyperkinésie, les
troubles de l’attention et de la concentration,
l’instabilité, la violence, qui en sont
les effets avec lesquels on la confond.
Il est pourtant des enfants réellement malades
de leur excitation et en détresse sous
l’effet de ses conséquences sur leur vie relationnelle,
sur leurs apprentissages et sur
l’idée qu’ils ont d’eux-mêmes. Traitement
chimique (L. Diller), approche corporelle
(A. Saint-Cast), orthophonique (M. Tastenoy),
ou thérapies cognitivo-comportementaIes
(L. Vera) et psychodynamiques,
les choix ne sont pas anodins.
Le territoire et la santé
La transition sanitaire en
Polynésie française
Emmanuel Vigneron
Collection Espaces et Milieux
CNRS Editions
En Polynésie comme ailleurs, l’allongement
spectaculaire de l’espérance de vie, lié aux
progrès de la médecine et de la santé, a
aussi sa rançon : il a relégué au second plan
des inégalités persistantes entre les hommes
et les femmes, entre les catégories sociales
et professionnelles mais aussi entre les
zones géographiques. Les raisons de l’ignorance
ou même du désintérêt pour ces différentes
inégalités et la préémincence d’une
logique de l’offre dans la planification sanitaire
ont, d’ailleurs, des causes multiples
et liées : sources déficientes, difficultés
d’analyse, mais aussi conception jacobine
et égalitariste du Territoire, croyance au caractère
inéluctable et généralisé du Progrès
et, particulièrement, du progrès médical.
Cette conception s’est heurtée à la crise
du financement de la santé et aux drames
de la santé publique. En réponse, apparaît
aujourd’hui une logique de population, fondée
sur l’analyse des besoins, plus centrée
sur le patient et donc plus pragmatique.
Elle conduit à une approche localisée des
questions sanitaires pour faciliter leur prise
en charge. Cette approche impulsée notamment
par les géographes de la santé
est aujourd’hui à l’œuvre dans plusieurs
pays. L’étude qui est faite ici de la Polynésie
française est l’une de celles qui ont initié
ce mouvement tant sur le plan conceptuel
que méthodologique. Elle se fonde sur
un matériel abondant et sur le développement
de modèles d’analyse au premier rang
desquels celui de la transition sanitaire dans
l’espace géographique.
De l’inégalité parmi les
sociétés
Essai sur l’homme et
l’environnement dans l’histoire
Le troisième chimpanzé
Essai sur l’évolution et l’avenir de
l’animal humain
Jared Diamond
Gallimard
Jared Diamond, professeur de physiologie
à la faculté de médecine de l’Université de
Californie rappelle que l’inégalité entre les
sociétés est liée aux différences de milieux,
pas aux différences génétiques, en mobi-
BIOGRAPHIE (suite)
Spielrein (1931-1934).
12/ Rapport su secrétaire général au congrès
de l’Association internationale de psychotechnique
à Moscou (1931), à Prague (1934),
documents divers et correspondance relatifs
à ces congrès.
Documents sur l’activité des congrès
13/ Congrès international de psychotechnique
à Prague (1934), liste des participants, enquête
sur N.W. Tatarinov, agent de Parker
Holliday (1933).
14/ Congrès de Prague, réunion du comité
directeur, préparation des congrès futurs
(1933-1934).
15/ Liste des membres du comité directeur
de l’Association internationale de psychotechnique
(1931), laboratoire de psychotechnique,
rapport sur le travail (mars 1930),
lettre à « ses chers petits » et à son fils Pierre
(septembre 1914, décembre 1916).
16/ Programme de l’enseignement de psychologie
appliquée au laboratoire de psychologie
du service de prophylaxie mentale
(1925), liste des membres du comité directeur
de l’Association internationale de psychotechnique
(1932), description de divers
tests : mémoire des images (test E), mémoire
logique, test de mémoire, attention concentrée
(test de barrage), test de fatigabilité, test
du dynamographe, temps de réaction, test
d’intelligence logique.
17/ Association internationale de psychotechnique,
liste complète des membres par
pays (1932). ■
1/ A l’état-civil, Jean-Maurice Lahy, il ne signera jamais
ses publications que des initiales de son prénom.
2/ J.-M. Lahy aurait lui-même détruit une partie de ses
archives, lorsqu’il fut prévenu par des officiers italiens,
au Lavandou où il se trouvait, de l’arrivée des
Allemands. D’autres de ses archives ont été détruites
par un de ses amis franc-maçon, Georges Refeuil, le
10 août 1944, à Brignoud (Isère). Les archives conservées
à Moscou, si elles ne sont pas les seules, semblent
être les plus importantes.
lisant dans ces deux livres décapants des
disciplines aussi diverses que la génétique,
la biologie moléculaire, l’épidémiologie, la
linguistique, l’archéologie et l’histoire des
technologies. Il montre, notamment, les
rôles de la production alimentaire, de l’évolution
des germes caractéristiques des populations
humaines denses favorisées par
la révolution agricole, de la géographie dans
la diffusion constrastée de l’écriture et de
la technologie, selon la latitude en Eurasie,
mais la longitude aux Amériques et en
Afrique. Le langage, l’art, la technique et
l’agriculture, qui distinguent le chimpanzé
de l’homme, sont le fruit d’une évolution
non pas seulement anatomique, comme
on le dit trop souvent, mais aussi comportementale
: le cycle vital de l’homme se
particularise par le faible nombre de petits
par portée, les soins parentaux bien au-delà
du sevrage, le vie en couple, l’espérance
de vie, la ménopause. Autant de traits qui
soulèvent le problème de l’éventuelle présence
de précurseurs dans le monde animal,
et du stade auquel l’homme eut une
réussite évolutive, non pas avec l’apparition
de l’outil de pierre, voilà deux millions
et demi d’années, mais avec l’acquisition
de l’aptitude au langage, il y a moins de
cent mille ans. Alors l’animal humain a déployé
tous ses traits particuliers, à commencer
par son aptitude à détruire massivement
son genre et sa capacité, manifestée,
elle aussi, dès l’époque préhistorique, à détruire
les écosystèmes, à ruiner la base
même de sa propre alimentation.

Droits formels des
malades mentaux et risque
d’abandon de fait *
« Découverte par un huissier un an après sa
mort ».
C’est le titre qu’affichait récemment un quotidien
relatant la découverte d’une femme de
57 ans, dans son appartement HLM, par un
huissier venu lui réclamer ses loyers impayés.
La malheureuse, momifiée sur le sol, était
décédée depuis plus d’un an dans la plus absolue
des solitudes. « Je lègue mes biens aux
pompiers et aux policiers qui feront l’enquête
», tel est le dernier message laissé par
cette personne qui vivait avec une allocation
aux adultes handicapés. Elle avait bénéficié
dans le passé d’un suivi psychiatrique ambulatoire.
Pas de famille, pas d’amis, pas de
voisins pour s’inquiéter de sa disparition,
perte de contact avec l’équipe soignante, boîte
aux lettres qui déborde de factures impayées
et de recommandés, disparition de la file active
du secteur, service minimum des funérailles
prises en charge par la ville, inhumation
dans le carré des indigents et des anonymes.
Chaque professionnel de la psychiatrie connaît
des faits similaires et mon propos n’est pas
de rechercher des responsabilités. Mais cette
triste histoire illustre l’isolement total dans
lequel peuvent vivre certaines femmes ou
certains hommes malades qui n’intéressent
personne, en 2001, au sein d’une société
confrontée à de multiples phénomènes d’exclusion
frappant certains groupes de la population.
La désinstitutionnalisation des patients
psychiatriques et l’évolution du mode
de leur prise en charge est loin d’avoir soulagé
toutes leurs souffrances et apporté une
meilleure qualité de vie à l’ensemble d’entre
eux.
En 1975 une « charte des internés » était publiée
par un collectif d’associations dont le
GIA, regroupant des personnes psychiatri-
Protection sociale : quelle
réforme ?
Société et représentations
Numéro Hors série dirigé par Catherine
Mills avec le concours de José Caudron
Etudes CREDHESS
Le premier axe porte sur les débats théoriques
et les politiques économiques concernant non
seulement les relations entre coût du travail,
charges sociales et emploi, mais aussi toute
la problématique de la réforme du financement
de la protection sociale. Liêm Hoang-Ngoc
critique les modèles visant à expliquer la montée
du chômage par l’excès du coût du travail
lié aux charges sociales sur les bas salaires.
Thomas Coutrot démontre l’inefficacité des
mesures de réduction des charges sociales
qui prétendent inciter à l’emploi, puis Pierre
Concialdi établit que la spécificité française
n’est pas, contrairement au dogme établi, un
coût excessif du travail (salaire direct et charges
sociales) pour les emplois les moins qualifiés.
Henri Sterdyniak et Catherine Mills débattent
ensuite des orientations actuelles de la réforme
du financement de la protection sociale, comme
celles proposées dans les rapports Chadelat
et Malinvaud.
Henri Sterdyniak critique le rejet d’une assiette
élargie des cotisations employeurs. Il se prononce
contre une compensation des exonérations
de charges sociales sur les bas salaires
par un accroissement des taux de cotisation
sur les salaires des emplois qualifiés ou par
une augmentation de la contribution sociale
généralisée sur les seuls ménages. Il suggère
un accroissement de la CSG sur l’ensemble
sées et des travailleurs militants (soignants
ou non) engagés dans une lutte visant à conquérir
les droits démocratiques les plus élémentaires
pour les personnes internées et rompre
leur isolement. A partir de 1983, le Conseil
de l’Europe s’est engagé dans la promulgation
d’une longue liste de recommandations
invitant les gouvernements à développer une
politique en matière de santé mentale respectant
mieux les Droits de l’Homme, rapprochant
les lieux de soins des lieux de vie
des populations, s’engageant vers une disparition
des concentrations asilaires. A partir
de 1985, la France s’est progressivement
dotée d’outils qui devaient favoriser cette
évolution.
Mais en décembre 2000, la FNAP Psy et la
Conférence Nationale des Présidents de CME
des CHS éprouvent tout de même le besoin
de rappeler dans une « Charte de l’usager
en santé mentale » que cet usager est une
personne à part entière, une personne qui
souffre, qui doit être informée, qui doit participer
aux décisions la concernant, une personne
responsable, citoyenne, qui doit être
aidée à sortir de son isolement. Cette charte
revendique que soit développée à l’intention
des usagers une politique visant à véhiculer
une image moins dévalorisante de la maladie
mentale, afin de favoriser l’insertion sociale
et professionnelle de ces personnes trop
souvent victimes de discrimination.
Malgré les avancées de la chimiothérapie et
le développement de dispositifs de plus en
plus déployés au sein de la communauté, certains
malades mentaux, notamment ceux souffrant
de troubles sévères et persistants sont
confrontés à des difficultés spécifiques limitant
leur insertion sociale et leur intégration
dans la société. Beaucoup de ces per-
des revenus (ménages et entreprises) ainsi que
la création d’une nouvelle cotisation des employeurs
assise sur la valeur ajoutée des entreprises.
Catherine Mills présente un projet
de réforme des cotisations patronales centré
sur la modulation des taux de cotisations en
fonction de la contribution des entreprises à
l’emploi, au développement des ressources
humaines et à l’efficacité sociale.
Les contributions suivantes s’organisent
autour de la recherche de nouveaux mécanismes
de régulation pour chacune des quatre
« branches » de la protection sociale qui ont à
faire face, en même temps qu’à la crise du financement,
à de profondes transformations
socio-démographiques, les trois classiques
- santé, famille et retraite - et la quatrième nouvelle
concernant le risque chômage, l’exclusion,
l’insertion et la formation.
Il s’agit, d’abord, de mener le débat et la réflexion
sur les nécessaires réformes du système
de soins. Les dépenses de santé sont
resituées dans une perspective historique :
Jean-Paul Domin s’intéresse à la croissance
de l’hôpital public dans le système de santé
de 1893 à 1993, et Thierry Fillaut centre sa recherche
sur la fin du XIX e siècle, en procédant
à l’analyse des interactions entre les médecins
et le coût de la santé.
Michel Messu s’interroge sur la définition de
la « famille » de la politique familiale et son évolution
dans la période récente ; Michel Chauvière
procède à l’analyse des discours qui ont
conduit à légitimer la mise sous conditions de
ressources des prestations familiales en 1998,
décision remise en cause par la suite au profit
d’une limitation de l’avantage fiscal procuré
sonnes connaissent de longues périodes de
blocage alternant avec des périodes de crise.
Ce blocage atteint le rapport aux autres et
peut conduire ces personnes à s’isoler de plus
en plus, à couper la communication avec les
autres. Il est source de manque de concentration,
de perte de confiance en soi, de sentiment
que tout échappe, de repli, de tristesse,
et de désespoir.
Les crises engendrent des changements profonds
dans la vie, provoquant des détériorations
parfois irréparables : perte de l’emploi,
du logement, incapacité de prendre soin de
soi, de gérer la vie quotidienne, divorce, éloignement
des enfants, abandon de la part de
l’entourage et des amis, débordement total,
souffrance condensée insupportable, confusion,
et parfois perte totale de l’autonomie.
L’évolution de la pathologie entraîne alors
chez la personne une vulnérabilité occasionnant
des pertes au niveau psycho-social. Elle
conduit à des détériorations, des déficits, des
handicaps majorés par différents évènements
stressants tels que la faiblesse des revenus,
des conditions d’hébergement ou de logement
mauvaises ou inadaptées, une alimentation
mal équilibrée, le chômage dans une société
valorisant le travailleur performant, l’isolement,
le rejet social, la stigmatisation.
Certains, contraints de supporter ces souffrances
sans une aide adéquate ou suffisante,
ont le sentiment de ne pas avoir trouvé dans
la psychiatrie un espace d’écoute dont ils
avaient besoin. Ils se détournent alors des
soins et des divers supports sociaux pour
plonger dans un isolement total, un mal de
vivre tellement insupportable qu’ils poussent
certains à remettre en cause la vie elle-même.
La réflexion sur l’accompagnement, le soutien
social, la nécessité de développer un
mouvement d’entraide en faveur des patients
psychiatriques, usagers et citoyens, doit aussi
devenir une priorité dans le champ de la lutte
contre les exclusions. ■
Jacques Houver**
* Cet article est paru dans le numéro de mars 2001 de
la revue Rhizome de l’ORSPERE.
**Cadre socio-éducatif C. H. Le Vinatier, Lyon.
par le quotient familial. Enfin, Réjane Hugouneng
et Henri Sterdyniak prennent le contrepied
des discours qui sacrifient les objectifs
de redistribution horizontale, que l’on peut symboliser
par la solidarité entre célibataires et
chargés de famille, aux objectifs de redistribution
verticale, une solidarité plus directement
dirigée vers les catégories les plus défavorisées.
Celle-ci aboutit, selon les auteurs,
à financer la lutte contre les inégalités (ou présentée
comme telle) par les seules familles.
Concernant l’avenir des retraites, Alain Euzéby
rappelle les dangers de la mise en place
d’un système par capitalisation et exprime ses
doutes sur la capacité des fonds de pension
à régler efficacement la crise prévisible des retraites.
Puis, Lucy Roberts et Pierre Concialdi
reviennent sur les débats récents qui tendent
à justifier des plans de réformes drastiques, et
la mise en place de fonds de pension « à la
française » censés sauver le système de retraites
fondé sur la répartition.
Les auteurs relativisent l’impact des données
démographiques et critiquent la pénétration
de la logique de l’assurance privée dans les
systèmes de retraite pour défendre l’autre logique,
celle de la solidarité. Selon eux, l’emploi
est la variable-clé pour assurer l’avenir des
retraites par répartition.
Chantal Euzéby, face à l’échec du volet insertion
du RMI, critique les tentatives de lier un
revenu minimum à l’acceptation d’un travail et
réentame le débat sur le principe d’une allocation
universelle de base.
*Université Paris I, CREDHESS, 17 rue de la Sorbonne,
75231 Paris Cédex 05. Tél. : 01 40 46 28 36. Fax :
01 40 46 31 62.
LE JOURNAL DE NERVURE N° 6 - SEPTEMBRE 2001 3
LIVRES
L’histoire véridique de la
séquestrée de Poitiers
Jean-Marie Augustin
Fayard
Cet ouvrage reprend l’affaire dite de « la séquestrée
de Poitiers » qui avait été rappelée
par André Gide dans un livre publié en
1930 dans la collection « Ne Jugez Pas »
chez Gallimard (1) . En 1901, à 52 ans, Blanche
Monnier, est retrouvée à la suite d’une dénonciation
par lettre anonyme, alors qu’elle
était enfermée depuis 25 ans dans une
chambre de la maison de sa mère, au milieu
des ordures et de la vermine. Cette
affaire a suscité de nombreux articles de
presse, et sous la pression de l’opinion publique,
le frère de Blanche, Marcel Monnier,
a été condamné à 15 mois de prison par le
tribunal correctionnel pour privation de soins,
pour être finalement acquitté en appel.
Jean-Marie Augustin conclut son livre en
relevant que « Certains journalistes ont voulu
donner à ce drame une portée sociologique,
mais celui-ci reste un fait divers qui offre
seulement une image pessimiste de la personne
humaine et de sa destinée ». Le fait
divers s’est toujours intéressé à la folie, et
le cas Monnier est plus qu’une affaire judiciaire
ayant défrayé la chronique du début
du XX ème siècle, c’est aussi une très belle
observation psychiatrique. On se garderait
bien de juger de l’exhaustivité des recherches
de Jean-Marie Augustin, ou encore, de
l’analyse sociologique qui a été effectuée,
on peut cependant regretter que sa démarche
n’ait pas été étayée par un avis psychiatrique,
et ce d’autant que l’affaire Monnier
a fait l’objet d’une analyse sémiologique
dans un article de G. Massé et J-M. Vanelle (2) .
Jean-Marie Augustin décrit Blanche comme
une anorexique démente, alors qu’à la relecture
des entretiens elle se présente clairement
comme un cas historique de schizophrénie
paranoïde, puis pseudo-déficitaire
avec repli autistique. Devant ces éléments,
que la seule lecture du livre d’André Gide
permet de préciser, on comprend mal comment
la séquestrée de Poitiers, avec ses stéréotypies
verbales, ses néologismes, ses
propos hermétiques et son maniérisme pourrait
ne pas trouver sa clinique pour qui sait
lire, pas seulement entre les lignes. Pour s’en
convaincre, il suffit de compléter cette lecture
par celle d’André Gide.
Sabine Mouchet
(1) A. Gide, La Séquestrée de Poitiers, Collection « Ne
Jugez Pas », NRF, 1930. Collection Folio 1977.
(2) G. Massé, J-M. Vanelle, La Folle de Poitiers, La
Conception Gidienne du Fait Divers, Synapse, 1984,
1, 67-75.
Sociologie de classe
Lycéens à l’épreuve de l’exclusion
Cédric Frétigné en collaboration avec
Thierry Panel
L’Harmattan
Dans le cadre d’une initiation à l’enquête
sociologique, une classe de 1 re du lycée
Bascan de Rambouillet a mené, tout au
long d’une année scolaire, une étude sur le
thème des logiques d’engagement des bénévoles
d’associations caritatives. Du questionnement
initial à la présentation publique
des résultats, des démarches entreprises
pour « entrer sur le terrain » aux comptesrendus
d’observation, des hypothèses de
travail à l’analyse des entretiens, les lycéens
ont pleinement assumé leur rôle d’ « apprenti-sociologue
». Rendant compte du
projet pédagogique et de la démarche de
recherche qui ont animé enseignant, sociologue
et lycéens, cet ouvrage témoigne
d’une expérience originale croisant regard
sociologique et investissement citoyen.

4
LE JOURNAL DE NERVURE N° 6 - SEPTEMBRE 2001
LIVRES
Se former à la thérapie
familiale
Eric Trappeniers et Alain Boyer
Dunod
Conçu à partir de sessions de formation à
l’approche systémique et à la thérapie familiale,
ce livre-reportage, précédemment
publié sous le titre Famille quand tu nous
tiens en 1996, fait l’objet d’une nouvelle édition
revue et complétée. Il présente de nombreuses
situations cliniques et traite des
principaux champs d’application relatifs au
couple, à la famille, à l’institution soignante
et à l’intervention au sein d’un réseau.
Père et fille
Une correspondance
(1914-1938)
Françoise Dolto
Lettres choisies et présentées par
Muriel Djéribi-Valentin
Notes de Muriel Djéribi-Valentin et
Colette Percheminier
Mercure de France
« Je te trouve très bien en capitaine sur la
photographie », écrit Françoise à son père
en novembre 1914. Ce lien épistolaire entre
père et fille se maintient au fil des années
difficiles, décès de Jacqueline, la sœur aînée,
dépression de la mère, rupture des
premières fiançailles… En juin 1938, après
une crise particulièrement violente, Françoise
éprouve le besoin d’une mise au point :
« Cette lettre (…) brisera peut-être tout entre
nous et alors mieux vaut maintenant car
nous ne pourrions que nous faire plus de
mal en continuant à nous voir avec des malentendus
entre nous ; mais elle risque aussi
de me réhabiliter à tes yeux et de sauver
notre affection. Si je suis « ton » enfant, je
ne suis plus « une » enfant. Au lieu d’être
« très triste » de m’aimer « malgré tout » tu
comprendras peut-être que je suis une
femme qui te fait honneur...».
Naissance à la vie psychique
Albert Ciccone et Marc Lhopital
2e édition
Dunod
Albert Ciccone et Marc Lhopital, s’ils se réfèrent
aux travaux du courant postkleinien
consacrés au développement du nourrisson
et aux troubles psychiques précoces,
proposent des jonctions et des articulations
entre différents modèles, comme ceux d’Esther
Bick, Didier Anzieu, Donald Meltzer,
Piera Aulagnier, etc. Ils prennent en compte
et discutent les théories actuelles élaborées
dans des champs autres ou connexes à la
psychanalyse. Leur conception de la génèse
et des altérations de l’appareil psychique
accorde une place importante au
lien à l’objet et à sa fonction contenante.
CENTRE HOSPITALIER
MONTPERRIN
à Aix en Provence (13)
Recherche
1 Assistant Spécialiste en
Psychiatrie Adultes
Renseignements au :
04 42 16 17 22
Anticipation et psychothérapie
Entretien avec Mario Berta *
par Jean-Claude Benoit
J.-C. Benoit : À propos du thème psychologique
et psychothérapique de l’anticipation,
l’apport du professeur Jean-Marie Sutter fut
essentiel. Tu l’as bien connu. Malheureusement,
il nous a quitté en décembre 1998. Il
nous laissait la préface de ton livre, L’Epreuve
d’anticipation, paru récemment dans la collection
Relations. Son texte nous donnait
l’image d’un ultime encouragement à suivre
cette voie qu’il avait ouverte en 1956. Vous
aviez d’ailleurs rédigé ensemble un livre également
consacré à ton test, qu’il a pratiqué
dès vos premiers contacts de 1976. Peux-tu
évoquer ces rencontres ?
M. Berta : Nous eûmes très rapidement des
liens amicaux. Face à Sutter, j’ai toujours eu
l’impression de me trouver devant un grand
seigneur, non seulement sur le plan de la pensée
et de ses connaissances en psychopathologie,
mais aussi par la qualité des relations
qu’il nouait. Vis-à-vis d’autrui, il existait,
chez lui une ouverture souriante et authentique,
et une forme de noblesse supérieure
dans sa modestie même. Voici une anecdote
qui illustre un peu ceci. Je l’ai donc rencontré
pour la première fois, à Paris, chez le professeur
Yves Pélicier en 1976, puis il vint à
Montevideo en 1977. Nous nous trouvions
d’emblée vivement intéressés par notre travail
sur cette notion d’anticipation qu’il avait
le premier identifiée, si clairement, dans son
article de 1956. Nous correspondions également
beaucoup. Bref, pour revenir à l’anecdote,
lors d’un Congrès à Rio de Janeiro où
il présentait un rapport, il me prend à part. Il
me dit : « Mon cher Mario, je vous propose
de nous appeler désormais Jean et Mario. Je
vous appellerai Mario et vous m’appellerez
Jean, sans aller pour autant jusqu’à nous tutoyer
»... Telle fut sa façon de m’introduire
dans son intimité, façon quelque peu étonnante
pour un sud-américain peu habitué à
ces nuances. Celà, c’était Sutter et la qualité
extrême et nuancée à la fois qu’il créait dans
ses relations. Il ne jugeait jamais autrui. Et
l’on sait que, dans son service, malgré son
statut éminent, il consacrait à ses patients une
activité psychothérapique personnelle, ce que
je crois assez rare chez ses collègues.
J.-C. B. : Je peux confirmer ce dernier point,
sa volonté de thérapeute, comme on peut le
constater dans son livre fondamental de 1986.
Je rend aussi hommage personnellement à
cette attention qu’il portait à autrui, et dont
j’ai pu bénéficier.
M. B. : Avant lui, l’anticipation était un thème
évoqué ici ou là par des philosophes, des
poètes. J’ai saisi d’emblée l’importance de
ses travaux, compte-tenu de ma propre pratique
psychothérapique. J’utilisais initialement
L’épreuve de l’expression des désirs
de J. Pigem Serra, décrite dans sa thèse de
médecine en psychiatrie. J’avais perçu que
ce test conduisait vers une étude de ce fait
psychologique essentiel, l’anticipation. Dans
mon livre de 1999, je décris en détail toute
l’évolution de cette curieuse histoire. Je peux
rappeler brièvement que pendant la guerre
d’Espagne, sur le front, Pigem rencontrait
souvent Tosquelles, un autre psychiatre. Celui-ci
dut émigrer plus tard en France, où il
réalisa une œuvre d’un intérêt exceptionnel
en psychiatrie institutionnelle, ce que chacun
sait chez vous. Or, Tosquelles utilisait
une sorte de blague. Dans les moments de
repos, sur le front, quand quelqu’un entrait
dans la pièce où il bavardait avec Pigem, il
lui posait cette question : « Si une bombe
nous tombait dessus et que tu meurs, que désirerais-tu
être, tout sauf un être humain,
dans une nouvelle vie ?».
J.-C. B. : La naissance de ton Epreuve d’anticipation.
M. B. : Oui. Assez rapidement j’ai introduit
la recherche du symbole négatif, à mon sens
essentiel au-delà du positif. Puis, peu à peu,
j’ai précisé l’ensemble, c’est-à-dire l’obtention
de huit images-symboles - quatre positives
et quatre négatives au total - avec leurs
deux niveaux, l’anticipation primaire, plus
consciente et l’anticipation secondaire, certes
cruciale en psychothérapie. Puis des compléments
sont venus, entre autres l’application
au monde vécu, personnel, et l’application
à l’univers des images familiales.
J.-C. B. : Tu étais donc un psychiatre à orientation
psychothérapique prévalente, et aussi
professeur de psychologie à Montevideo.
Plus précisément, que pensait Sutter de ton
Epreuve ?
M. B. : Je me sentais très soutenu par les
contacts avec Sutter et nous avions une cor-
respondance continue. L’anticipation devenait
pour moi une notion-clé. Sutter aimait
beaucoup l’Epreuve, telle qu’elle s’était précisée.
Il l’a écrit : l’Epreuve explorait l’anticipation
telle qu’il l’avait lui-même perçue
et décrite. Il m’envoyait des Epreuves pratiquées
par lui à La Timone, à Marseille. Il en
fait figurer dans son livre de 1983. Puis, il
m’a ouvert un accès direct à notre livre en
commun de 1991. Nos échanges stimulaient
ma réflexion. Nous partagions cette idée que
l’être humain est capable de créer aujourd’hui
l’évènement qui se produira demain,
dans sa vie. Cette formule de Sutter demeure
classique : « L’anticipation, c’est la vie avant
la vie ». C’est avant la vie de demain mais
je produis l’évènement, ici et maintenant.
J.-C. B. : Quelle différence entre vous ?
M. B. : Ma pratique de psychiatre psychothérapeute
en libéral, tout à fait quotidienne,
me montrait certaines nuances. En particulier,
je me suis rendu compte combien est
vaste l’horizon des possibilités futures : demain
est immense, vu d’aujourd’hui. Je ne
peux pas anticiper toutes mes possibilités
personnelles. Pour qu’il y ait anticipation,
une possibilité ponctuelle doit avoir déjà été
prévue. L’anticipation dont nous parlons,
psychologique, concerne un évènement envisagé,
en général de nature affective et capable
de déclancher toute mon affectivité. Et
simultanément à cet évènement prévu, existe
ce même évènement, anticipé. Puis, dans la
réalité, cet évènement surviendra au présent.
Ces trois éléments constituent la séquence
véritable de l’anticipation. Ainsi, l’évènement
anticipé aujourd’hui, je l’arrache au futur
de demain et je le place maintenant, là,
devant moi et en moi. Je l’arrache au futur :
l’anticipation ne va pas dans le sens de, la
succession temporelle, mais à l’inverse.
J.-C. B. : L’anticipation humaine positive fait
venir au présent un futur probable et désiré.
M. B. : Voilà. Le fait envisagé devient présent,
arraché au futur et objectivé de demain
vers aujourd’hui. Ceci est un peu différent
de ce qu’envisageait Sutter. Sutter était influencé
par Bergson et par Minkowski. C’était
le thème de l’élan vital, allant dans le sens
du flux temporel. L’élan temporel. Mais je
pense que l’anticipation est un contre-mouvement.
J.-C. B. : Elle marque un arrêt.
M. B. : C’est ma métaphore, que je vais développer
maintenant, avec une image concrète.
C’est l’image classique du fleuve, qui coule
toujours dans le même sens, qui change toujours
et, à la fois, qui ne change pas vraiment.
Mais l’anticipation, elle, met un barrage. Elle
arrête le flux continu. Elle introduit un arrêt
dans le mouvement. Ceci n’est pas un processus
de nature et c’est
même l’opposé d’un processus
biologique considéré
de façon classique.
C’est un processus que
Fernandez Zoïla considère
comme spécifique
de l’espèce humaine et
de ses cultures. Il appartient
aux processus de l’affectivité
humaine. Ma métaphore
du barrage introduit
cette intention volontaire
de créer un arrêt, une retenue
d’énergie, toujours
sous la pression de l’affectivité.
Une rivière devient
lac artificiel. Le lac
va donner l’énergie retenue,
grâce aux turbines,
etc. Il suffit de développer la métaphore pour
trouver l’image d’un projet orienté vers un
devenir.
J.-C. B. : Revenons à la psychologie...
M. B. : Dans sa phrase le « la vie avant la
vie », Sutter soulignait l’existence d’un processus
imaginatif, affectif, retentissant sur
l’ensemble de l’organisme, psychosomatiques.
Dans l’anticipation, ce ne sont pas
seulement des images, des rêveries. Il s’agit
d’une accumulation de désir, ou de crainte
aussi bien. Mais demain est là, aujourd’hui,
sur un fait précis de ma vie. Pour ma part, je
propose d’habitude l’image de la femme aimée
qui doit venir demain. Là interviennent
le corps, l’âme, l’esprit. C’est un évènement
affectif attendu, précis.
J.-C. B. : Il y a donc ce blocage sur un évènement
précis, émouvant d’emblée.
M. B. : Oui, prévu. C’est la venue de la femme
aimée, demain à 17 heures. Aujourd’hui, mon
imagination travaille, actualise ici et maintenant
la rencontre de demain. Je définis l’anticipation
une « actualisation du futur ». Là,
vient un peu de tout : les images, les pensées,

les sentiments, et aussi le corps avec toutes
ses manifestations. Dans ses Exercices spirituels,
Ignace de Loyola disait au chrétien :
« L’Enfer, il te faut le vivre vraiment. Sois à
ce moment en Enfer ».
J.-C. B. : Ou au Paradis, peut-être... Je perçois
ton thème, cette intensité de l’anticipation
dans l’intimité de soi et sa recherche,
l’importance de cette attitude active.
M. B. : « Appliquez-là tous vos sens ». Voilà
la femme aimée, je la tiens dans mes bras, je
la possède... C’est cela qu’il faut concevoir :
l’anticipation est un processus global. Sutter
s’est montré d’accord, finalement. En particulier
par sa pratique clinique de l’Epreuve.
J.-C. B. : Nous voici donc aux images vécues,
présentées dans l’Epreuve. À ton école,
j’ai particulièrement apprécié ce type de vécu
avec l’Epreuve, en particulier au niveau des
images négatives et dans l’anticipation secondaire,
ces deux espaces les plus intimes.
M. B. : Au fur et à mesure de la progression
dans ce test, le sujet apporte ses images fortes,
ses symboles, bipolaires, ce qu’il vit au contact
d’autrui aussi. Ce que j’aime dans la bien aimée,
ou au contraire ce que je hais, en elle.
La synthèse de l’ambivalence s’ouvre sur
l’existence. Cela ne peut que nous rappeler,
à toi comme à moi, les expériences vécues,
fortement imagées, du Rêve éveillé dirigé de
Desoille. Sa méthode travaille aux deux niveaux,
le négatif d’en bas et le positif d’en
haut, en tant que vécus universels. Sa méthode
psychothérapique est à la fois d’actualisation
et d’anticipation, faisant revenir
du passé ces images, ces scénarii si affectifs.
Les psychologues l’ont méconnue, mais je
sais qu’elle garde toute sa valeur en tant qu’exploration
affective et thérapie. Rappelonsnous
d’ailleurs les expériences des mystiques,
leurs extases, une fusion parfaite, affective,
voire sexuelle. Ce sont là trois caractéristiques
essentielles de l’anticipation : symbolique,
bipolaire, ouverte à l’existence. Sutter
était d’accord sur ces points.
J.-C. B. : Ce que tu nommes actualisation...
M. B. : Oui, l’actualisation de l’évènement
prévu pour demain, précis et me concernant,
comporte ces processus, imaginatifs, globaux,
psychosomatiques, tout autant que le
mental et le spirituel. C’est la seule possibi-
L a
L’EPREUVE D’ANTICIPATION
Test de l’imaginaire personnel
Mario Berta, Erès
lité de vivre le futur personnel. Si l’on attend
sans anticiper, quand le futur arrive il n’est
plus futur mais présent. L’anticipation permet,
elle, d’explorer le futur dans la mesure
où elle comporte une sorte de projet existentiel.
Il y a toujours quelque chose que je
souhaite fortement de l’avenir.
J.-C. B. : Ces façons de voir et ce thème sont
donc liés aux conceptions existentielles ?
M. B. : En général, tous les existentialistes
ont évoqué ce thème du projet personnel,
Sartre, Merleau-Ponty, Ortega y Gasset, les
phénoménologues allemands... C’est un plan
que l’on se fait inévitablement pour le futur.
Notre futur a la forme d’un projet. J’ai donc
proposé la notion qu’il y a deux inconscients.
Le plus connu est l’inconscient passé - a retro,
celui de la répression freudienne. L’autre
est l’inconscient futur - ab ante, d’anticipation.
Celui-ci est fait de l’immensité dans les
projets de chacun, c’est un futur vaste, illimité.
Je l’appelle « l’Inconscient de Sutter »,
en hommage à celui qui a posé pour la première
fois cette question de l’anticipation humaine,
dans la psychologie actuelle.
J.-C. B. : Ton attitude me paraît juste. Et je
me permets, de même, de te rendre hommage,
à toi, à ton tour. Pour l’Epreuve.
M. B. : Sutter aimait bien cette phrase du
poète Höderling, que je lui avais citée : « Ce
que nous sommes n’est rien, ce que nous
cherchons est tout ». Le grand mérite d’une
conscience d’anticipation existentielle est de
nous placer devant l’ouverture du futur. Sutter
était très ouvert, attentif à toute idée nouvelle.
Un jour, il me transmet son texte d’une
conférence destinée à un congrès sur l’anticipation.
Je lui réponds, entre autres, que tous
les processus psychiques ne sont pas anticipateurs
et que pour qu’ils soient anticipateurs,
il faut intégrer en eux le statut du futur.
Sans celà, ce n’est que rêverie. Il a
immédiatement accepté l’idée et l’a transmise
dans son intervention.
J.-C. B. : L’évènement à venir a une certaine
réalité prévisible et un impact émotionnel
que je pressens.
M. B. : Oui, sinon l’imagination n’est plus
anticipatrice, c’est la folle du logis, n’importe
quoi ! L’anticipation vécue, c’est bien la folle
du logis, mais limitée à certains processus
notion d’anticipation, sous son aspect existentiel, affectif, interpersonnel, fut introduite
par le psychiatre français Jean Sutter en 1956. Elle concerne le thème essentiel
du changement et du développement personnel, dans la mesure où chacun de nous s’engage
émotionnellement dans son avenir et avec son environnement. Ceci est rappelé dans
la préface du Professeur Sutter.
A partir de 1975, Mario Berta, à Montevideo, développe le test projectif le plus performant
qui soit dans ce domaine, l’Epreuve d’anticipation. Face à face avec le sujet, le praticien
conduit la recherche d’images subjectives personelles. Il s’agit d’une part de figurations
tentantes, idéalisées, positives et d’autre part de figurations refusées, effrayantes,
négatives.
La clé de ce test projectif, original et passionnant, à la limite du jeu, réside pour l’auteur
dans une confrontation au fait affectif : « En réalité, je suis celui que je ne veux pas être ».
Toute crise relationnelle, émotionnelle, existentielle nous confronte à cet autre soi, celui
que nous refusons, que nous redoutons, etc. Et pourtant le travail avec cette anticipation
négative latente guidera notre évolution. Huit images symboles constituent le matériel
initial de l’épreuve qui induit cette dialectique active sur le thème de l’évolution possible
du sujet.
Ce test s’adapte à la grande diversité actuelle des champs où s’appliquent des soins psychologiques.
En une vingtaine d’années, Mario Berta a pu affiner sa pratique projective
et donner à son épreuve des procédures complémentaires adaptables à chaque cas. L’intégralité
de cette approche est présente dans cet ouvrage. Dans un contexte psychiatrique,
Jean-Claude Benoit évoque ici l’emploi possible de ces projections anticipatrices chez des
sujets psychotiques, ainsi que l’utilisation du test chez des intervenants en situation d’incertitude
et enfin par la praticien vis-à-vis de lui-même. ■
F.C.
psycho-imaginatifs auxquels s’adjoint la réalité
du futur. Cette rencontre précise va arriver
: c’est le statut du futur. Et l’Inconscient
ab ante.
J.-C. B. : Des applications ?
M. B. : J’en connais trois : pédagogiques,
psychologiques, psychothérapiques. Dans
l’application pédagogique, il faut citer Claparède.
On peut faire anticiper un enfant pour
un apprentissage précis. Traverser une rue ?
Alors le pédagogue, sa mère, son enseignant
lui fait un schéma, lui prend la main, ou lui
montre les images correspondantes. L’enfant
enregistre le message et sait acquérir la prudence
nécessaire, faire les actes convenables
pour traverser les rues, sans risque. Etc. Les
exemples de l’apprentissage anticipateur sont
innombrables. Claparède décrit ces faits dans
son livre L’éducation fonctionnelle. En psychologie,
l’Epreuve d’anticipation offre un
vrai laboratoire d’exploration des faits d’anticipation
affective. Sa pratique régulière te
donne une sorte de sécurité dans l’approche
d’individus soit considérés comme normaux,
soit névrotiques ou psychosomatiques, et
dans une sphère très large de situations où la
rencontre est de ce type, induite par la nécessité
d’un bilan et d’un changement psycho-affectifs.
J.-C. B. : D’emblée apparaissent des inductions
psychothérapiques.
M. B. : Certes. Mais le psychothérapeute peut
aller plus loin, s’engager avec le sujet dans
une anticipation plus directement thérapeutique.
Voici un exemple, une séquence
exploratrice que j’ai mis en forme, avec des
collaborateurs. C’est une structure « polytechnique
», que je nomme « la structure d’anticipation
». Là, je propose au sujet une incorporation
affective et psychomotrice totale
des images. Brièvement dit, cette « structure »
commence par une recherche de relaxation
maximale du sujet, les yeux fermés, assis ou
allongé. Je lui demande de parcourir l’une
après l’autre les sensations de chaque partie
de son corps, de haut en bas, puis de bas en
haut. Puis, toujours les yeux fermés, il doit
tenter d’imaginer une grotte devant lui, avec
là un animal effrayant, agressif. Il doit prendre
contact avec celui-ci. Puis le situer dans une
de ces parties de son corps et vivre, dans cette
partie-là, cette agressivité. En quelque sorte,
il se transforme lui-même en cet animal menaçant.
Je lui demande finalement d’exprimer
le mieux possible avec une partie de son
corps l’animal ainsi somatisé et vécu, les yeux
toujours fermés, et debout - de voir devant
lui telle personne avec qui sa relation est difficile,
de sentir sa propre agressivité et de laisser
manifester l’agression qu’il ressent luimême.
Je l’incite activement à l’action. Il
dévoile alors et identifie lui-même la problématique
relationnelle latente.
J.-C. B. : Tu as développé ainsi nombre de
techniques, dans la continuité de l’Epreuve,
des images latentes puis exprimées. Desoille
est toujours proche.
M. B. : Certes, ce fut mon premier Maître.
Mais aussi, toi et moi, nous avons pu faire
ensemble ces ouvrages de jadis, L’activation
psychothérapique, Le projet psychothérapique
et La pénombre du double, où notre
coopération utilisait la différence de nos statuts
professionnels, moi en privé, toi en institution,
avec le professeur Paul Sivadon en
particulier. C’est d’un passé assez lointain !
Initialement, Desoille m’a aidé, beaucoup,
et en particulier à concevoir le thème de « l’attachement
pathologique ». Ceci m’a guidé
dans la recherche de techniques ou procédures
efficaces pour ouvrir ces zones-là, les
LE JOURNAL DE NERVURE N° 6 - SEPTEMBRE 2001 5
LIVRES
Introduction aux thérapies de
groupe
Théories, techniques et
programmes
Jose Guimon
Masson
L’objectif de cet ouvrage est de présenter
les différents types, modèles et programmes
de psychothérapie de groupe les plus fréquemment
utilisés, en articulant pour chaque
technique les aspects théorique et pratique.
La première partie aborde certains thèmes
historiques en rapport avec le développement
des activités groupales dans le cadre
de la psychiatrie communautaire et rappelle
les modèles théoriques sur lesquels
elles se basent. La deuxième partie explore
les différentes activités cliniques et
les aspects techniques qui président à leur
développement. Sont également décrits
les programmes groupaux que l’on peut
organiser dans des dispositifs ambulatoires,
à mi-chemin, et hospitaliers. Enfin,
la formation et l’évaluation des groupes
sont abordées.
Psychose, autisme et
défaillance cognitive chez
l’enfant
Gabriel Balbo et Jean Bergès
Erès
Cet ouvrage se présente comme la suite
de l’élaboration du concept de transitivisme
que Gabriel Balbo et Jean Bergès
ont initiée dans un livre précédent*. Ils soutiennent
qu’on ne peut plus parler de
psychose, d’autisme ou de défaillance cognitive
chez l’enfant comme d’entités autonomes
qui supposeraient une étiologie
linéaire ou une causalité plurifactorielle,
mais qu’il faut les considérer comme des
modalités de réponses à des facteurs prédéterminés
qui s’organisent de façon complexe
sur le mode d’une topologie en
constante transformation autour de ce point
d’arrimage et de repérage qu’est le grand
Autre pour l’enfant, les parents, l’analyste
et l’institution. Ils sont ainsi amenés à montrer
comment s’articulent les fonctions, les
places et les rapports réciproques du grand
Autre avec les formations de l’inconscient.
*Gabriel Balbo et Jean Bergès, Le jeu de la mère et
de l’enfant, Essai sur le transitivisme, Erès, 1998.
La prise en charge
ethnoclinique de l’enfant de
migrants
Claude Mesnir
Dunod
L’école se révèle souvent moins efficace
dans la transmission des savoirs aux enfants
de migrants. Leurs cultures différentes,
complètement ignorées des enseignants,
provoquent des malentendus,
souvent lourds de conséquences. Afin de
réduire les effets de ces échecs scolaires,
l’auteur expérimente des entretiens ethnocliniques,
impliquant parents, enfants,
équipe psychopédagogique et médiateur
de même langue et de même culture que
la famille. Ces prises en charge ethnocliniques
s’appuient sur un dispositif technique
inspiré de celui de la consultation
d’ethnopsychiatrie. A partir de cinq cas,
l’auteur démontre que les entretiens ethnocliniques
permettent une prévention active,
en assouplissant le clivage entre les
univers culturels.

6
LE JOURNAL DE NERVURE N° 6 - SEPTEMBRE 2001
LIVRES
Thérapie de groupe pour le
trouble bipolaire : une
approche structurée
Mark S. Bauer et Linda McBride
Ed. Médecine & Hygiène
Mark S. Bauer et Linda McBride proposent
dans ce guide diagnostique et thérapeutique
une prise en charge cognitivo-comportementale
de groupe, structurée, pour
des personnes souffrant de la maladie bipolaire.
Ce travail est basé sur la constatation
que la morbidité sociale et occupationnelle
causée par ce trouble ne s’améliore
pas nécessairement une fois que les symptômes
ont diminué ou disparu. L’ouvrage,
traduit de l’anglais par Jean-Michel Aubry,
décrit avec clarté le programme d’objectifs
personnels (POP) dont le but est d’augmenter
les compétences de la personne
pour gérer sa maladie, de collaborer efficacement
avec les soignants et d’améliorer
le fonctionnement social et professionnel.
Il s’agit d’un outil supplémentaire pour
informer au mieux le patient dans une démarche
de soin partenariale.
Composé de trois parties, l’ouvrage fournit
dans un premier temps une vue d’ensemble
du trouble bipolaire comprenant
une revue synthétique des éléments diagnostiques,
de la pathogenèse, et des traitements
pharmacologiques de la maladie.
Les auteurs détaillent en second lieu le
cadre conceptuel du programme en précisant
les éléments comportementaux, cognitifs
et interpersonnels de groupes impliqués.
La dernière partie est consacrée
à la thérapie proprement dite. Elle se déroule
en deux phases. La première, très
structurée, consiste en cinq sessions psycho-éducatives
destinées à mieux connaître
la maladie et identifier, notamment, les
signes précurseurs de rechute (une réunion
d’orientation, deux séances consacrées à
la dépression et deux autres à la manie).
La deuxième phase utilise un cadre semistructuré
et se concentre sur la sélection
d’objectifs personnels utiles et réalistes qui
ont été jusqu’alors perturbés par la maladie.
Les participants apprennent durant
cette phase à développer un plan comportemental
et à utiliser des techniques cognitives
pour augmenter leurs chances d’atteindre
ces buts personnels.
Le matériel didactique, présenté de manière
précise et illustré par des vignettes
cliniques, offre la possibilité aux lecteurs
d’appliquer le programme thérapeutique
et d’en évaluer l’efficacité à l’aide des
échelles proposées. Cet ouvrage s’adresse
à tous les cliniciens soucieux d’élargir leur
palette thérapeutique dans la prise en charge
de la maladie bipolaire.
R. Piette
Travail social et pratiques de
la relation d’aide
Michel Boutanquoi
L’Harmattan
Le travail social n’a cessé d’être l’objet de
discours contradictoires. Souvent remis en
cause pour des pratiques jugées à une
époque imprégnées d’idéologies et aujourd’hui
obsolètes ou, pour le moins, inadaptées,
on ne peut que s’étonner de sa
capacité à survivre. Ce livre s’interroge sur
ses fonctions en tant qu’institution au-delà
du temps présent de ses organisations et
du sentiment de crise. Dans ce contexte,
l’étude de la relation d’aide, en tant que
pratique, peut s’avérer un moyen de saisir
ce qui fait la permanence du travail social
comme un certain rapport à la déviance et
à l’altérité.
faire dépasser à nombre de mes patients -
« activation pictographique », « objectivation
kinétique », « karaté méditatif », etc.,
décrits dans mes livres - et en particulier en
français dans ceux que nous avons publiés
ensemble. Au-delà, l’individu découvre des
zones de liberté et il peut utiliser des compétences
inattendues, relancer des intérêts
personnels jusque-là bloqués.
J.-C. B. : Le réalisme, disons les ouvertures
pragmatiques apportées par l’Epreuve d’anticipation
m’ont toujours frappé. Par cette
voie, la difficulté névrotique - et même psychotique,
dans ma pratique institutionnelle
- s’est montrée comme un conflit actuel, un
obstacle précis, à la limite de la conscience.
L’Epreuve ouvre la voie d’un travail possible
du sujet sur lui-même, d’une « rentabilité
» immédiate pour lui et pour son environnement.
Pour toi comme pour moi,
« l’activation psychothérapique » fut et reste
cette tentative souvent efficace de libérer l’intimité
bloquée, pour un retour à la prise en
main de son destin par le sujet en difficulté.
M. B. : Ce que j’ajouterai c’est que le trouble
latent est en réalité l’attachement du sujet,
un lien qu’il peine à identifier lui-même dans
ses aspects inhibiteurs. N’importe quoi de
prévalent, d’excessif : l’argent, le sexe, le
pouvoir, la possession, etc., etc. La personne
qui consulte souffre dans cette sorte de noyau
cristallisé et obsédant ses actes.
J.-C. B. : Elle a donc pour souffrance une
forme de noyau affectif cristallisé autour
d’une attitude prévalente -désir ou crainte
échec, ou réussite d’ailleurs - qui échappe à
la gestion de sa vie présente et aux changements
inévitables de l’existence. Un blocage
de son imaginaire créatif de ses processus
de liberté, voire de croissance. D’anticipation
active, finalement. Elle ne peut anticiper
un devenir différent.
M. B. : Oui. Au plan imaginaire, imaginatif
actif, bien des sujets ont une véritable addiction
à certaines zones imaginaires et leur
restent attachés indûment. Ce n’est pas seu-
lement la pathologie, mais aussi bien l’alcool,
le sexe, la richesse, les mondanités, le
prestige social, le pouvoir, la dernière voiture
de l’année... Insistons sur cet Inconscient
du futur. C’est autre chose que l’Inconscient
répressif de Freud, qui marque le
passé. Mais il est vrai qu’entre eux, pas de
limite précise. L’Epreuve d’anticipation permet
de percevoir dans un horizon ouvert, aux
possibilités inconnues, la problématique vécue
dans l’actuel.
J.-C. B. : Elle prouve donc et exploite la présence
d’un imaginaire latent, subconscient,
plus proche que l’Inconscient. Le travail au
niveau du transfert parental sur le thérapeute,
chez Freud, ou au niveau des archétypes
chez Jung me semblent se heurter à la
limite des faits les plus latents des sujets. Tu
nous incites à travailler au niveau préconscient,
avec l’adresse et l’efficacité de ta méthodologie
active, incitative, adaptée sur mesure
à chaque sujet, venant directement de
lui. Son anticipation existentielle peut être
libérée, techniquement.
M. B. : Un psychologue américain a dit que
« ce qui préoccupe le plus l’être humain,
c’est moins son passé que son futur ». Le futur
a longtemps été laissé aux mains des devins,
prophètes, mystiques, ou médiums,
voyants, etc. A mon avis, le futur et l’anticipation
se trouvent liés à des zones d’attachement
et il faut trouver les moyens thérapeutiques
pour les ouvrir sur un devenir non
limité. À la limite, je dirai ceci : ils faut traiter
nos clients non dans le sens de ce qu’ils
CENTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PSYCHOLOGIE
11 - 12 - 13 octobre 2001
Institut de Psychologie, Université Paris V
71 avenue Edouard Vaillant, Boulogne Billancourt
Trois jours de débat pendant lesquels alterneront :
Des conférences assurées par Michel Denis, Daniel Stern, Jacques Paillard, Daniel Widlöcher,
Jean-François Le Ny et par Régine Plas, Serge Nicolas, Miche Huteau, Dana Castro,
Patrick Cohen, Jean-Paul Caverni , Michel Sabourin.
Et des tables rondes orientées sur l’évolution et l’état actuel de la psychologie en France
et organisées autour des thèmes suivants : les émotions, l’évolution instrumentale, psychologie
et société, l’intelligence et les activités cognitives, les nouvelles technologies
de l’information et de la communication.
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pensent devenir, mais dans ce que nous souhaitons
et pensons qu’ils peuvent devenir !
C’est moins paradoxal qu’on le pense à première
vue. A travers les indications que nous
donne le patient - comme par l’Epreuve d’anticipation
- nous devons le traiter pour un
avenir que nous percevrons sur la base des
anticipations bloquées. Certains psychothérapeutes
seront surpris par cette affirmation
qui, pourtant, se fonde sur une expérience
clinique confirmée.
J.-C. B. : Ce que dans chaque cas tu tentes
d’explorer et d’induire.
M. B. : Il faut explorer, et activer. La pathologie
ne se trouve pas dans les zones bloquées
elles-mêmes, mais dans le fait que le
sujet ne peut pas se détacher activement
d’elles. Le pathologique n’est ni le sujet, ni
ces zones traumatiques ou autres, mais l’attachement
induit qui peut se prolonger une
vie entière, sans que le sujet en ait conscience.
Parfois, cet attachement précis lui est commode
: « Que voulez-vous que je fasse, tel
est mon destin... Je suis ainsi ».
J.-C. B. : Le contrat que tu présentes au sujet
implique qu’il va être actif.
M. B. : Sans cela, que faire pour lui ou pour
elle ? À cela correspond l’abord par des techniques
activatrices de ce que l’on pourrait
appeler cette âme du patient qui le situe dans
sa vie. Je fais appel à l’initiative et au sens
de la responsabilité personnelle.
J.-C. B. : L’emploi de ta « structure d’activation
» voit son efficacité éclairée par les
résultats de ton Epreuve d’anticipation et ses
images, en particulier négatives ?
M. B. : Je développe en ce moment le concept
suivant. Certaines situations adultes deviennent
pathogènes par un conditionnement extérieur.
Il faut conserver à l’idée le fait des
névroses traumatiques. Elles furent décrites
dans certaines suites de guerre où l’agression
vécue avait été plus psycho-émotionnelle que
physique. L’emploi de la narco-analyse levait
l’inhibition angoissée et le sujet explosait
dans une forme de crise intense mais cathartique.
Au réveil, il avait retrouvé son
équilibre affectif antérieur au traumatisme.
J.-C. B. : Tu peux rappeler que Sutter avait
beaucoup utilisé cette méthode - venue des
Anglo-américains - vers la fin de la seconde
guerre mondiale. Je m’en suis servi aussi
avec un intérêt indiscutable dans des cas civils
similaires, durant les années 50-60.
M. B. : C’est aussi la voie des thérapies comportementales.
C’est l’expérience du behavioriste
Jones, qui a induit puis effacé une
telle névrose exogène dans le cas célèbre de
l’enfant Albert, âgé de 11 mois... Mais je voudrais
préciser ici une idée qui me tient à cœur.
Dans cet exemple, il est évident que le résultat
obtenu signale le processus recherché: gué-
rir pour croître, pour grandir. Cela est bien.
Or il serait absurde, en psychothérapie, de se
limiter à cette définition et aux cas de conditionnement
exogène. Elle est tout à fait insuffisante
quant les faits sont d’origine intime,
endogène, étroitement liés à l’existence
naturelle et à ses conflits, traumatisants en
eux-mêmes et aussi à des actes propres du sujet
qu’il ne parvient pas à bien assimiler affectivement.
Voici Lady Macbeth qui se lave
cent fois les mains. Névrose compulsive ?
Tendances obsessionnelles ? La réalité psychopathologique
est qu’elle connaît parfaitement
son crime, ce meurtre qu’elle a « sur la
conscience ». Il ne s’agit ni de la déconditionner,
ni de la comprendre : il faut qu’ellemême
assume son geste criminel et les sentiments
latents qui l’accompagnent.
J.-C. B. : Il y a une limite évidente aux thérapies
de déconditionnement, ou de déculpabilisation.
M. B. : Il a de même une limite aux thérapies
à visée de croissance. La guérison se
fonde sur un processus intime, souvent cette
idée de grandir. Mais en ce moment, j’étudie
avec un groupe de praticiens cette autre
formule : croître, c’est grandir pour guérir.
Cette inversion des termes me paraît douée
d’un sens crucial. Je cite souvent le cas d’un
adolescent de 19 ans qui dans un cauchemar
poignarde sa mère, avec laquelle il vit seul.
Il ne s’agit pas d’apaiser son angoisse, ou de
l’interpréter selon le modèle du refoulement.
Non. Il s’agit au contraire de ce fait que le
cauchemar lui indique la voie à suivre. Là,
il faut qu’il grandisse pour guérir. Je lui dis :
« Tu dois faire ce que le cauchemar t’indique
». « Quoi, poignarder ma mère ! ».
C’est l’effroi... « Non, bien sûr, pas physiquement,
mais poignarder l’attachement qui
te lie de si près à ta mère ». Il fallait mettre
l’accent, d’emblée, sur croître et croître dès
maintenant. C’était cela guérir, croître pour
guérir. Quelques années plus tard, je le croisais
à l’aérogare de Montevideo. Il me reconnaît.
Nous parlons. Il était devenu stewart
et heureux... Il avait à sa façon, par l’éloignement,
poignardé sa mère. Le cauchemar,
la névrose avaient donc raison.
J.-C. B. : Ainsi le thérapeute doit-il saisir le
message négatif apparent, mais dans son sens
positif latent. C’est comme face aux images
négatives de l’Epreuve d’anticipation.
M. B. : Un autre cas. Un homme d’une trentaine
d’années me consulte pour une impuissance
sexuelle. Celle-ci est brusquement
apparue sur le fond d’une hyperactivité de
ce type, individuelle et souvent en orgies de
groupe, etc. Par ailleurs, il est fiancé et cette
impuissance, dit-il, l’empêche de se marier.
Je lui dis : « Eh bien non ! Tu dois te marier.
Tu dois dépasser ton hypersexualité et te marier
pour guérir ». Il s’est marié et il a guéri.
Il est passé à un plan existentiel plus vrai,
c’est-à-dire plus actuel pour lui, alors. C’est
donc croître pour guérir.

J.-C. B. : Cet apport est convaiquant. Tu
aimes les exemples clairs et les formules prégnantes.
Mais j’ai une autre question, de ce
côté-là. On sait que dans des situations de
risque implicite ou vécues fortement, une mutation
émotionnelle peut aider soudain un
sujet à franchir la pas. C’est le cas typique
de l’acteur qui souvent a l’émotion forte dite
trac, jusqu’au moment même où il entre en
scène, ou la confusion de l’artiste qui cherche
l’ouverture sur une création qu’il sent obscurément.
Puis il lui faut se lancer dans ce
vide et créer ce qui lui était impensable ou
imprévu auparavant. Je me demande si bien
des névrosés n’ont pas ce type d’angoisse,
cette notion latente d’une évolution personnelle
bloquée et qui, à travers leurs symptômes,
les conduit chez le praticien. Ils souffrent
de la rétention en eux de cette croissance
possible. Ils décodent mal leurs symptômes
et même projettent l’origine de ceux-ci sur
leur environnement, concerné certes, mais
pas dans le sens où ils l’entendent en euxmêmes,
au premier niveau. Le névrosé viendrait
en fait dire, sans clairement le savoir :
« Je ne suis pas content de moi ». Le symptôme
va en effet donner au thérapeute une
indication précieuse sur ce point. Ou encore,
le client va te dire : « Il faudrait soigner ma
femme, mon fils, etc. Ils sont difficiles à vivre,
je n’y parviens plus ». Alors que sa démarche
même concerne sa propre croissance.
M. B. : Oui. Ses attachements, ses liens latents
à telle ou telle conduite qu’il serait capable
de dépasser, le maintiennent en fait
dans une situation de blocage affectif et
concret. D’angoisse.
J.-C. B. : Le client ne se sent pas, je crois,
dans l’axe de sa destinée. C’est comme une
certaine menace de « ne pas être moi-même »,
dirais-je.
M. B. : Oui. Ce que je veux dire est très bien
représenté dans ta notion d’OMNIA, ces « objets
métaphoriques négatifs inducteurs d’anticipation
» que tu as rencontré et utilisé efficacement
dans l’approche des patients
psychotiques, vus avec leur famille. Cet objet
bizarre, incongru que le patient ou la patiente
apporte assez discrètement -je dirai
avec une forme de timidité, de peur légitime
d’être incompris - font peur. Dans la séance,
personne ne veut les voir tellement cela représente
la psychose, la menace de l’aliénation
et le fait que le pessimisme a gagné toute
la famille. Tu m’as parlé d’un autiste qui
amenait un parapluie cassé à la séance, lui
mutique. Tu t’es occupé de cet objet repoussant
et pendant une heure vous en avez parlé avec
la famille devant le patient. Et il s’agissait
pour lui de ses promenades libres à l’entour
de l’hôpital. Bref, c’était le symbole maté-
Le Département Mission Enfants
Martyrs de la Ligue Française
pour la santé Mentale
vous informe que
Les actes du colloque des
14 et 15 décembre 2000 à l’UNESCO
Les métamorphoses des traumatismes
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riel même de sa volonté de liberté, au moins
minimale et de sa capacité à devenir responsable
et libre, une ouverture pour lui, enfin.
Comme le cauchemar de ce jeune, où il
tuait sa mère.
J.-C. B. : Je pense, maintenant, au mot « devenir
», comme l’utilise Roger Martin du
Gard, titre même de son premier roman Devenir
! Ce thème de l’autonomie de soi, de
se libérer, de vouloir grandir pour changer,
guérir de son passé en quelque sorte pour
grandir, s’arracher soi-même à un soi passé,
ce thème est très fort dans toute l’oeuvre de
ce grand écrivain. Et l’on voit comment il
peut concerner les relations entre un sujet et
son environnement le plus proche. Oui : grandir
activement pour guérir, plutôt que l’inverse,
nuance subtile mais cruciale dans ton
inversion des termes.
M. B. : La psychothérapie, c’est cette idée
qu’un devenir personnel existe. Et différent
pour chacun. Ce devenir a un passé, un présent,
un futur, et doit être également imaginé
par les autres, imaginable pour eux,
l’entourage.
J.-C. B. : Devenir, se passe aussi en effet avec
d’autres, que l’on a reçus, puis plus ou moins
choisis.
M. B. : Devenir moi-même, avec papa, maman,
mais sans toutes les idées de papa et de
maman. Mon père se disait intimement qu’il
serait très heureux d’avoir un fils médecin,
comme lui. Il pensait lui transmettre toute
son expérience de professeur en médecine.
Moi, le benjamin, je suis seul devenu médecin,
mais pas dans le sens qu’il aurait exactement
voulu. Je lui donnais un quart, un tiers
de son plaisir, en pleine liberté personnelle
vécue. Le verbe croître, c’est devenir. On
guérit par le but de devenir soi-même. Et
croître, pour guérir. Devenir soi-même, c’est
dépasser l’attachement pathologique. Le mot
devenir me convient parfaitement.
COLLÈGE CLINIQUE DE PARIS
Formations Cliniques du Champ Lacanien
118 rue d’Assas - 75006 Paris - Tél. : 01 56 24 14 66 - Association Loi 1901
Le Collège clinique de Paris, créé en 1998, a pris une option dans la psychanalyse
: celle de suivre l’œuvre de Lacan et les principes sur lesquels il avait fondé
la Section clinique à Paris en 1976.
Le thème pour l’année 2001-2002 est : Clinique des pulsions.
Le début des activités est prévu pour le mois d’octobre 2001.
Les enseignements proposés se répartissent ainsi : des Unités cliniques se déroulant
dans des services de psychiatrie, des études de textes, des études de
cas, des séminaires de théorie psychanalytique et les Journées du collège.
Renseignements sur le programme et les horaires :
Josée Mattei - Tél. : 01 56 24 14 66 - Fax : 01 56 24 22 37
E-mail : collegeclinique-paris@wanadoo.fr
Montant de l’inscription : 1 200 F. Etudiants : 700 F. Formation permanente : 2 500 F.
J.-C. B. : Devenir est plus actif que destin.
M. B. : Plus temporel, plus libre, plus changeant.
On lie le mot destin à la fatalité, plus
ou moins. C’est un mot rigide, figé. Il y a des
faits « incontournables » : n’avoir pas une intelligence
brillante, avoir une famille aisée ou
non, un pays calme ou agité, etc. Nous sommes
tous limités à certaines réalités. Et puis, « les
choses de la vie ». Mais elles ne sont pas aussi
changeantes que l’on croit. Défendons aussi
le mot destin à côté du mot devenir. J’ajoute
toujours qu’à côté de la temporalité et de l’écoulement,
il faut penser à la simultanéité. Une
approche psychologique simultanée me semble
nécessaire. Echapper au temps, l’eschatologie.
Tu ne peux jeter cette interrogation hors
de la psychologie. Quel thérapeute ne ressent
ces questions de méta-histoire, de méta-destin
? Je pense à l’extase, à une transcendance.
Les expériences mystiques font aussi partie
des cultures humaines, quelles qu’elles soient.
Le fait métaphysique est une préoccupation
naturelle de l’être humain, que même une société
scientiste ne peut refuser - la divinisation
elle-même de la science le prouve chaque
jour. Dans sa création et son emploi du Rêve
éveillé dirigé, Robert Desoille a découvert
chez les plus incroyants une zone imaginaire
mystique et habituellement très positive, et
aussi les restes latents de cette phase de l’enfance
que bien des psychothérapeutes constatent
à cet âge précoce. Si nous revenons un
moment au grand maître Sutter, je ne peux
oublier qu’il m’a montré une foi catholique
profonde. Ceci peut être une conclusion pour
un entretien consacré au traitement des « âmes
malades ». Pour moi, cette dimension « autre »
est un appui décisif, avec tout ce que Jung m’a
apporté là par son oeuvre. Mais, bien sûr,
aussi Desoille, votre rationaliste explorateur
de l’imaginaire humain, si proche de cet autre
génie des images, Gaston Bachelard. ■
*Psychiatre, psychothérapeute, Ancien professeur de
Psychologie, Avenida Ricaldoni, 2521, 11600 Montevideo,
Uruguay.
Bibliographie
BENOIT J.C. & BERTA M., L’activation psychothérapique,
1973, Bruxelles, Dessart.
BERTA M., Vivir su neurosis, 1986, Montevideo,
Privada.
BERTA M., La sumbra de Jung, 1990, Montevideo,
La Plaza.
BERTA M., La psicoterapia y las exigencias del
mundo actual, 1971, Act. Soc. Psichiatr., Uruguay,
2, 25-62.
BERTA M., Prospective symbolique en psychothérapie.
L’Epreuve d’anticipation clinique et expérimentale,
1983, Paris, E.S.F.
BERTA M., Moradas Humanas, 1996, Montevideo,
Plaza.
BERTA M., Quien soy yo ahora ?, Montevideo,
Plaza.
BERTA M., L’Epreuve d’anticipation. Test de
l’imaginaire personnel, 1999, Ramonville, Erès.
BERTA M. & coll., Confrontacion imagogica activata,
1971, 212-216.
BERTA M. & BENOIT J.C., Le projet psychothérapique,
1976, Paris, Denoël.
FERNANDEZ ZOÏLA A., Communication personnelle.
PIGEM SERRA, L’épreuve d’expression du désir,
1948, Barcelone, Lib. Sc. Medic.
BERTA M. & BENOIT J.C., Imagines que curan.
El « Ensueno Dirigido » de Robert Desoille,
2000, Montevideo, El Toboso.
SUTTER M., L’anticipation. L’Evolution Psychiatrique,
1956, 1, 282-288.
SUTTER M., L’anticipation, 1983, Paris, PUF.
SUTTER J., Champ de conscience et niveaux
d’anticipation, L’Encéphale, 17, 3-9.
SUTTER J. & BERTA M., L’anticipation et ses
applications cliniques, 1991, Paris, PUF.
LE JOURNAL DE NERVURE N° 6 - SEPTEMBRE 2001 7
LIVRES
Troubles dépressifs et
personnes âgées
Henri Loo et Thierry Gallarda
Ed. John Libbey Eurotext
Les personnes de plus de 65 ans représentent
plus de 300 millions d’individus au
niveau mondial. Le vieillissement est un processus
naturel qui s’inscrit dans la destinée
humaine. Pourtant, être un vieillard, et plus
particulièrement en ce début de XXIème siècle,
reste trop souvent synonyme de tourment,
de régression, de dépendance, de survie
sans projet... Avec l’avancée en âge, pointe
une souffrance relative au deuil. Deuil de ce
que l’on était, deuil des proches qui disparaissent,
deuil d’une indépendance et d’une
autonomie qui s’estompent en peau de chagrin...
La maladie dépressive, on le sait, peut
frapper à tout âge de l’existence. Elle survient
cependant plus volontiers dans la seconde
moitié de la vie. S’installent progressivement
une inactivité, une morosité latente,
un déclin des capacités... autant de signes
considérés comme légitimes à ces âges et
qui conduisent à négliger la dépression du
sujet âgé. Pire que la banalisation ou la commisération,
l’ignorance ! Les auteurs nous
proposent un condensé des connaissances
actuelles sur les états dépressifs de la
personne âgée. Un chapitre introductif est
consacré aux données épidémiologiques
récentes qui confèrent au sujet la dimension
d’un problème de santé publique. Les signes
cardinaux de la dépression sont ensuite détaillés
avec le souci de répondre à cette
question essentielle : existe-t-il une symptomatologie
dépressive spécifique chez le
sujet âgé ? La comorbidité, avec la détérioration
des fonctions intellectuelles, est approfondie,
ainsi que la place des plaintes
somatiques dans le discours du patient. Le
suicide de la personne âgée, sujet tabou et
délicat, est traité de manière exhaustive et
dépassionnée. Les instruments d’évaluation
du risque suicidaire sont fournis et pourraient
faire partie d’une meilleure information
dispensée aux médecins généralistes.
Les événements de vie (départ des enfants,
bouleversements physiologiques, deuils,
mise en institution), dont on sait que certains
favorisent indiscutablement l’éclosion
d’états dépressifs, sont largement documentés.
A noter un paragraphe dédié à la
maltraitance, où l’on apprend, entre autre,
que 10% des personnes âgées seraient
soumises à de mauvais traitements. Les
moyens et les stratégies thérapeutiques
concluent l’ouvrage. Les indications et modes
d’utilisation des antidépresseurs sont largement
décrits et commentés. Différentes
formes de psychothérapie sont proposées
et garantissent une prise en charge efficace.
Outre la richesse des données théoriques
classiques, ce livre est truffé des références
bibliographiques des études épidémiologiques
et cliniques les plus récentes. L’ensemble
des données sont en parfaite symbiose
et confèrent à l’ouvrage une originalité
toute particulière. Une réflexion moderne,
pragmatique et didactique.
Eric Hensgen
Le traumatique
Répétition et élaboration
Anna Potamianou
Dunod
Cet ouvrage propose une approche clinique
et théorique du traumatisme qui
aborde la vie psychique en en réinterprétant
son organisation et ses dysfonctionnements.
Sa thèse consiste à éclairer, dans
l’expérience traumatique, les tendances à
l'effacement des représentations d’objet,
et les restrictions corrélatives du moi.

8
LE JOURNAL DE NERVURE N° 6 - SEPTEMBRE 2001
LIVRES
Le psychologue surpris
T. Reik
Traduction D. Berger
Préface d’Elisabeth Roudinesco
Denoël
Il est difficile de surestimer l’importance de
Reik pour l’histoire de la psychanalyse. Dès
son texte de 1933, présenté au Congrès
psychanalytique international de Wiesbaden,
peu avant l’arrivée de Hitler au pouvoir,
il souligne que les véritables et intimes
compréhensions psychanalytiques apparaissent
comme des surprises pour l’analyste
et pour l’analysant (1) .
En vérité, Reik va bien plus loin. Il est le
premier à mettre en cause les principaux
axes de la formation analytique tels qu’Eitingon
et l’Institut de Berlin les ont établis :
« Il ne faut pas croire que les analystes ont
décidé définitivement de la meilleure voie
pour acquérir les connaissances analytiques.
La recommandation de suivre la
chaîne : analyse personnelle, étude de la
littérature scientifique, analyse de contrôle
n’est qu’un schéma grossier et insuffisant.
Bien des doutes demeurent chez certains
d’entre nous quant à la meilleure façon
d’étudier la psychanalyse. Chez ceux qui
ne doutent pas, il n’en demeure pas moins
toute une série d’incertitudes, relatives aux
postulats, aux conditions régissant les trois
phases qui sont à la base de ce schéma
des problèmes concernant leur portée et
la façon dont elles agissent et continuent
à se poser. Bien des questions ne pourront
pas être résolues aussi longtemps que nous
ne disposerons pas de l’expérience portant
sur des nombreuses années, sur trois
générations au moins (2) ». Ces générations
se sont succédées et des nombreuses années
se sont passées. Si les problèmes ne
restent pas en l’état, c’est qu ils se sont
aggravés. Ceux relatifs à la formation se
sont multipliés par ceux relatifs à la reconnaissance
des psychanalystes et aux
critères retenus pour le choix de ceux qui
auront la responsabilité de les former et de
les reconnaître.
Reik a souligné l’impératif de rester accueillant
à l’égard de la surprise. Or, les
institutions analytiques se montrent
singulièrement fermées à toute surprise
dans leurs modes de fonctionnement. Au
contraire : l’histoire montre qu’elles se soucient
plutôt de la refouler avec violence.
Aussi, du point de vue clinique l’actualité
de Reik est surprenante : déjà en 1935,
quand son livre est publié pour la première
fois, il critique Reich et ceux qui prétendent
formaliser la cure analytique de manière
supposée scientifique. Il signale que
le véritable cheminement de la cure est
plutôt erratique, fait de déambulations et
de surprises, à la faveur des libres associations,
qui, elles, ne supportent aucune
formalisation. De manière étonnante pour
la lecture contemporaine de Ferenczi, Reik
l’inclut parmi ceux qui ambitionnent à une
telle formalisation (pp. 126-131 et, plus loin,
p. 198).
En devançant nos théories actuelles et en
prévoyant, en quelque sorte, les paradoxes
cliniques issus de ces théories, Reik écrit :
« L’insistance sur le facteur formel est si peu
nouvelle, si peu originale qu’on n’a même
pas osé faire un petit pas de plus et aller
jusqu’à affirmer que la forme n’est rien d’autre
que le contenu devenu couche externe, le
noyau devenu écorce ; que selon le mot de
Novalis, l’extérieur n’est qu’un intérieur qui
s’est secrètement soulevé (p.133) ».
Dans sa préface, E. Roudinesco déploie
ses larges connaissances historiques et
montre comment Reik a su résister et dé-
Palmarès du 25 ème festival
Ciné-Vidéo-Psy de Lorquin
Clé d’Or 2001
ESSABAR ou L’ABRI DE L’ETRE, Zarina
Khan, 2000, 90 minutes.
Thème: Réinsertion
Résumé : En quête d’identité, de jeunes gens
« marginalisés » découvrent le désert.
Clé d’Argent 2001
AU TEMPS TIC-TAC, Espace Clauzel, 2000,
5 minutes.
Thème : Vidéo clip rap sur le thème du temps
écrit, réalisé et interprété par les patients du
groupe vidéo d’un CATTP.
Clé d’Argent 2001
UNE VIE D’ICI, Lionel Mougin, 2001, 26
minutes
Thème : La vieillesse.
Résumé : Michel a 70 ans, il vit seul dans la
conciergerie d’une usine de textile fermée
depuis 10 ans dans laquelle il a travaillé toute
sa vie et rencontré sa femme Amélie, morte
depuis 2 ans. La vie de Michel s’écoule,
monotone ; la ronde quotidienne de l’usine,
le blanc chez Raymond, le cafetier ... Et puis
en parallèle, il y a les souvenirs de Michel :
le travail à l’usine du temps de l’activité ...
et le souvenir d’Amélie de plus en plus présent...
Clé de Bronze 2001
L’ADAPTATION, Marion Walthert, 1998/
1999, 14 minutes .
Thème : Grands brûlés.
Résumé : Adaptation à la suite de très graves
brûlures. Cette vidéo porte un regard personnel
sur l’événement et l’adaptation à la
nouvelle vie. Ce n’est pas un documentaire
traditionnel sur un handicap. Tant sur le côté
formel que sur le contenu.
Clé de Bronze 2001
L’ONDE DU CHOC, LE STRESS POST-
TRAUMATIQUE (PULSATIONS), Badot
Pierre, 2001, 57 minutes 50.
Résumé : Dans quel état psychologique se
retrouvent les personnes victimes d’un accident
de voiture, d’un incendie, d’une agression,
d’une violence sexuelle, d’une collision
ferroviaire ? 75% d’entre elles seront
choquées pendant les quelques semaines qui
suivront l’incident traumatique. Pour les autres
25 %, l’état de choc va se chronifier, on parlera
alors du syndrome de stress post-traumatique.
jouer les pressions contre l’exercice de la psychanalyse
par les psychologues exercées par
l’International Psychoanalytical Association
en général et l’American Psychoanalytical Association
en particulier. En vérité, comme l’a
souligné Freud à de nombreuses reprises, la
psychanalyse est une psychologie des profondeurs.
Ou, comme le cite Roudinesco à
partir de La question de l’analyse profane (p.
26) : « La psychanalyse fait partie de la la psychologie,
non pas de la psychologie médicale
ou de la psychologie des processus pathologiques,
mais de la psychologie tout court ».
Toute avancée psychanalytique est un progrès
de la psychologie, qui, à ce titre, se renouvelle
sans cesse au cours du siècle précédent.
L’excellente traduction de D. Berger, à qui
l’histoire de la psychanalyse en France doit
déjà de si belles traductions, mérite d’être si-
Prix spécial du jury :
meilleur outil pédagogique
pluridisciplinaire
LE REGARD DE DELPHINE , Humbert
Nago, 2000, 50 minutes.
Thème : Enfance/Deuil.
Résumé : Sous forme de fiction, le film conte
l’histoire d’une lutte commune contre la maladie
et l’inéluctable, menée par la petite Delphine,
ses parents et toute l’équipe médicochirurgicale
qui s’affaire autour de la jeune
patiente.
Mention télévision
NAISSANCE DE LA PAROLE, Caillat François,
1999, 56 minutes.
Thème : Le langage chez les bébés.
Résumé : Le langage vient-il dès la naissance
et comment ? Doit-on l’apprendre, et sous
quelles conditions ? La relation avec la mère
est-elle primordiale ? Chercheurs et thérapeutes
s’interrogent sur les conditions d’émergence
de la parole. On suit des expériences
avec des nourrissons savants et des séances
de thérapie pour grands enfants mutiques...
On écoute des parents, des linguistes, des
médecins... On assiste au dialogue entre des
psychiatres et des physiologues... En dix questions
fondamentales, le film montre que l’acquisition
du langage exige à la fois une prédisposition
génétique et un échange affectif
et ludique.
gnalée. La lecture de cette traduction française
de ce livre de Reik, non seulement élargit
nos capacités de penser, mais est aussi
très agréable.
Prado de Oliveira
(1) M. S. Bergmann, The Historical Roots of Psychoanalytic
Orthodoxy, International Journal of Psychoanalysis,
1997, 78 : 69-86.
(2) T. Reik, Le psychologue surpris, Denoël, 2001, p.
323, trad. D. Berger.
L’ontologie de Gilles Deleuze
Véronique Bergen
L’Harmattan
Cet essai aborde l’ontologie de Gilles Deleuze
à partir des problèmes de l’événement
et de la génèse de l’être et de la pensée. Il
interroge la politique de pensée mise en œuvre
Mention jeune
MIROS, Fehner Léa, 2001, 16 minutes.
Résumé : Un documentaire sur les aveugles
et les arts d’images au travers de 3 parcours
de malvoyants. Un cinéphile, un acteur et un
photographe. Comment une image peut-elle
vivre dans le noir ?
Mention « Parole de vie »
PARLEZ-MOI D’AMOUR, Chantal Briet,
1999, 35 minutes.
Thème Adolescence, Amour, Sexualité.
Résumé : Ce film est destiné à la formation
des adultes, en particulier à ceux qui dialoguent
fréquemment avec les jeunes autour
de ces sujets. Il propose à travers différents
entretiens une recherche autour du langage
de l’amour chez les adolescents. Comment
l’adolescent parle-t-il de ses sentiments et de
ses désirs ? Qu’est ce qui peut être dit ? Qu’est
ce qui doit être tu ? Il est commenté par le
Docteur Hélène Jacquemin-Le Vern.
Prix Roger Camar
LA DEVINIERE, Benoît Dervaux, 2000, 90
minutes.
Résumé : Le 18 février 1976, La Devinière,
un lieu de psychothérapie institutionnelle,
ouvrait ses portes à 19 enfants réputés incurables,
refusés par tous. Ni le sens commun,
ni la psychiatrie, ni la pédagogie ne pouvaient
les admettre, les reconnaître. Ces enfants,
comme exilés, La Devinière les a acceptés
définitivement avec comme principe fondateur
de ne les rejeter sous aucun prétexte. Le
mot « asile » reprend son sens, un espace sans
grille, ni chimie où l’on donne le droit de
« vivre avec sa folie ». Durant plus de vingt
ans, des liens de solidarité se sont forgés entre
ceux que rien ne reliait. Au fil des saisons,
j’ai filmé au plus près ce lieu qui a fait rejaillir
la vie là où tout semblait condamné.
PRIX NICOLAS ABRAHAM ET MARIA TOROK
Le prix Nicolas Abraham et Maria Torok est attribué tous les deux ans par l’Association
Européenne Nicolas Abraham et Maria Torok à un ouvrage ou un travail (livre, thèse,
mémoire ou article) réalisé en français au cours des deux années précédant son attribution
(entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2001 pour la première fois).
Ce prix vient souligner l’intérêt que l’Association porte au travail de recherche dans la
continuité de l’une des pistes ouvertes par les travaux de Nicolas Abraham et Maria Torok.
Les qualités théoriques et l’intérêt clinique des travaux présentés seront pris en considération,
mais aussi leur caractère d’innovation.
Le montant du prix s’élève à 10 000 FF.
L’association Nicolas Abraham et Maria Torok s’engage à faire connaître le travail primé
par tous les moyens qu’elle jugera utiles et, au minimum, par une information dans son
bulletin ainsi qu’une mention à l’occasion de ses réunions scientifiques.
Les ouvrages concourant pour le Prix Nicolas Abraham et Maria Torok seront adressés
jusqu’au 31/12/2001 (le cachet de la poste faisant foi), en sept exemplaires, au secrétariat
du jury : Jean Claude Rouchy, 40 rue de la Bienfaisance, 75008 Paris.
Le jury du prix est composé pour l’année 2002 de : Eric Adda, Fabio Landa, Claude Nachin,
Jean-Claude Rouchy, Nicholas Rand, Barbro Sylwan et Serge Tisseron. La décision
du jury est sans appel.
La première attribution du prix aura lieu au second trimestre 2002.
B.L.
par Deleuze en son choix de l’immanence
et en sa synthèse des dispositifs philosophiques
produits par les stoïciens, Spinoza,
Nietsche et Bergson essentiellement.
La création de ce que Deleuze appelait une
nouvelle image de la pensée rejoue ainsi
les questions de l’être, du temps et de la
différence et passe par la reconsidération
du rapport entre la pensée et le chaos. Le
traitement de la question de la co-génèse
de l’être et de la pensée implique la position
d’une pensée de la différence séparée
de la différence critico-phénoménologique
et de la différence dialectique. Par-delà
la fin de non-recevoir que Deleuze a opposée
à Hegel, il s’agit de repérer les affinités
entre dialectique hégélienne et plan
vitaliste deleuzien.

Les infractions sexuelles:
prévention des récidives et
assistance aux mineurs victimes *
La loi du 17 juin 1998, ses circulaires et
décrets d’application trois ans après
L a
Fédération « La Voix de l’Enfant »,
créée le 20 juillet 1981, est une association
sans but lucratif, sans appartenance politique
ni confessionnelle. Elle a soutenu et
financé l’ouverture de Permanence d’Accueil
d’Urgence pour les enfants victimes d’agressions
sexuelles dans six villes en France et
offre un accueil téléphonique, des conseils
juridiques, un suivi et un soutien des familles
en difficultés. La Fédération organise aussi
l’étude épidémiologique, la collecte et la diffusion
des informations, la formation, le partenariat,
la mise à disposition de compétences,
la promotion des Droits de l’Enfant, l’étude
sur l’application de la législation nationale
et internationale. Au travers de ses associations
membres elle est présente dans 70 pays.
Les textes légaux
Martine Brousse et Bernard Cordier ont présenté
la brochure qu’ils ont rédigée « Les infractions
sexuelles : prévention des récidives
et assistance aux mineurs victimes ». Elle est
divisée en deux parties : un résumé des textes
légaux sur la prévention des récidives des infractions
sexuelles et l’assistance aux mineurs
victimes de ces infractions. Les deux
chapitres, après un rappel historique, analysent
l’esprit de la loi, son application et ses
conséquences pratiques. Le texte intégral de
la loi et les circulaires figurent en annexe. La
loi du 17 juin 1998 prévoit trois groupes de
mesures : préventives (suivi socio-judiciaire
avec ou sans injonction de soins, fichier national
automatisé des auteurs d’infractions
sexuelles), répressives (aggravation des peines
pour infractions sexuelles contre des mineurs
de moins de 15 ans, sanction des infractions
sexuelles à travers Internet, vidéocassette,
vidéodisque ou jeux électroniques, création
du délit de bizutage) et d’assistance (l’allongement
du délai de prescription civile,
l’administrateur ad hoc, expertise médicopsychologique).
La loi dissocie nettement les
mesures préventives d’ordre social et les mesures
thérapeutiques.
Les mesures thérapeutiques
Un traitement ne doit jamais être une sanction
et ne peut être imposé à une personne
détenue. Pourtant, tout est fait pour inciter le
condamné à commencer son traitement en
détention. L’injonction des soins peut être
prononcée par la juridiction de jugement ou,
ultérieurement, par le juge d’application des
peines, toujours après expertise médicale.
Celle-ci exige une compétence spécifique.
C’est le médecin expert qui prend la responsabilité
de dire si le condamné nécessite
des soins. Malheureusement, on ne relève
pas assez d’experts, peut-être du fait de la rémunération
qui ne correspond pas au temps
investi ou des réactions contretransférentielles
que l’expertise peut induire. Pour inciter
le condamné à s’engager dans un traitement,
au moins une fois tous les six mois,
le juge d’application des peines lui propose
de suivre un traitement, dont l’observance
peut donner droit à des réductions des peines
supplémentaires. Un médecin coordonnateur
invite le condamné à choisir un médecin trai-
tant, il transmet au juge d’application des
peines les éléments nécessaires au contrôle
du suivi de l’injonction des soins. Les médecins
traitants ne peuvent pas prendre en
charge tous les auteurs d’infractions sexuelles,
mais seulement ceux qui ont des troubles
sexuels. Le médecin traitant doit être volontaire
et indépendant. Une équipe pluridisciplinaire
apparaît indispensable. La durée du
suivi socio-judiciaire peut aller jusqu’à 20
ans s’il s’agit d’un crime.
La procédure d’assistance
En ce qui concerne la procédure d’assistance
aux mineurs victimes, le procureur de la République
ou le juge d’instruction a l’obligation
d’informer, dès l’ouverture de cette procédure,
le juge des enfants de l’ouverture
d’une procédure pénale. « Lorsque la protection
des intérêts de l’enfant n’est pas complètement
assurée par ses représentants légaux
», par exemple, lorsque l’auteur des
agressions sexuelles est un parent de l’enfant
victime, ce qui est le plus souvent le cas, le
procureur de la République et le juge d’instruction
sont obligés de désigner pour l’enfant
victime un administrateur ad hoc. Celui-ci
a pour mission de protéger les intérêts
de l’enfant, d’exercer en son nom les démarches
lui permettant d’obtenir la réparation
du préjudice qu’il a subi.
La loi systématise l’enregistrement audiovisuel
ou audio de la première audition des
enfants victimes avec leur consentement.
D’après Martine Brousse et Claude Aiguesvives
chaque entretien représente un traumatisme
en soi que l’enregistrement permet
L es
d’éviter. Peu de juges les utilisent.
Selon Claude Aiguesvives la moitié des enfants
victimes a accès à la justice.
Il n’existe pas de recueil systématique ni de
recherche épidémiologique sur les infractions
sexuelles qui sont plus fréquentes chez
les filles (environ 60%) surtout chez les jeunes
enfants en fin de maternelle et chez les préadolescents.
Certaines mères, du fait d’une
inquiétude liée à leur propre vécu traumatique,
amènent l’enfant en consultation.
Les consultations sont souvent demandées
lors d’une procédure de divorce. En général,
l’enfant n’est pas fabulateur (les fausses allégations
sont de l’ordre de 10 à 15%).
L’abus sexuel entraînerait chez la victime
des troubles à type de dépression, de troubles
anxieux et du comportement, des troubles
alimentaires à type de boulimie et d’anorexie,
de troubles de la personnalité. La majorité
des victimes porte plainte après leur adolescence
quand ils ne sont plus sous l’autorité
de leurs parents.
Pendant la discussion, Bernard Cordier a relevé
qu’une partie des agresseurs est présentée
par leur défense comme victimes pour
alléger leurs peines. Il souhaite la création
d’une équipe pluridisciplinaire par département
pour la prise en charge des victimes et
a souligné que les anti-androgènes ont une
efficacité sur la modification du comportement
sexuel, alors qu’ils n’ont pas d’autorisation
en France dans cette indication, bien
que les patients demandent eux-mêmes ce
traitement qu’ils ne vivent pas comme une
punition ou une castration. Les médecins peuvent
les prescrire sous leur propre responsabilité.
En conclusion Carole Bouquet a affirmé que :
« Le respect des Droits des Enfants aujourd’hui
est la seule garantie des Droits de
l’Homme de demain ». ■
LE JOURNAL DE NERVURE N° 6 - SEPTEMBRE 2001 9
Vesselin Petkov
*Conférence de presse. Paris, Hôtel Lutetia, 19 juin
2001. Intervenants : Jean-Paul Beauvais, pour Solvay
Pharma ; Bernard Cordier, Psychiatre des Hôpitaux ;
Martine Brousse, directrice de la Fédération « La Voix
de l’Enfant » ; Claude Aiguesvives, psychiatre et psychanalyste,
Président de la Fédération ; Carole Bouquet,
porte-parole de la Fédération.
LES AFFECTIONS PSYCHIATRIQUES,
PREMIÈRES CAUSES DES PENSIONS D’INVALIDITÉ
VERSÉES PAR L’ASSURANCE MALADIE
affections psychiatriques ont été, en 1998, au premier rang des causes médicales
à l’origine d’une attribution de pension d’invalidité, selon une étude du département
statistiques de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM)*. Ces affections concernaient
13 591 personnes, soit 26,7% de l’effectif. Parmi elles, près de 11% de l’effectif
total souffraient d’état dépressif ou de troubles névrotiques, tandis que près de 6% souffraient
de psychoses.
En 1997, sur une population salariée estimée pour le régime général de l’assurance maladie
à 15,1 millions de personnes, 443 599, soit 2,9% bénéficiaient de pensions d’invalidité.
Celles-ci sont versées en compensation de la perte de salaire résultant d’une réduction
d’au moins des deux tiers de la capacité de travail pour une raison médicale.
Ces personnes ont perçu au total plus de 17 milliards de francs en 1997 à ce titre. En
1998, les maladies du système ostéo-articulaire, essentiellement l’arthrose, les affections
rachidiennes et discales, représentaient la deuxième cause d’invalidité avec 20,2% de
l’effectif (soit 10 309 personnes). Les tumeurs malignes étaient à l’origine d’une invalidité
pour 6 397 personnes, soit 12,5% de l’effectif. Les cancers des voies aériennes et digestives
supérieures, bronchopulmonaires et de la trachée, concernaient 1 354 personnes,
soit 2,7% de l’effectif, tandis que les cancers du sein touchaient 1 590 personnes, soit
3,1% de cette population. Les hépatites virales et les infections VIH ont été à l’origine
d’une invalidité pour 1 053 personnes, soit 2,1% de l’effectif. Cette dernière population
était essentiellement masculine avec un sex-ratio homme/femme à 4% pour les patients
atteints d’infections à VIH.
Parmi tous les bénéficiaires, 28,9% touchent la catégorie de première invalidité, accordée
aux salariés qui ne sont pas capables d’exercer une activité rémunérée. Près de 70%
touchaient l’invalidité de deuxième catégorie, versée à ceux qui sont absolument incapables
d’exercer une profession. 1,4% de l’effectif s’est vu attribuer une invalidité de
troisième catégorie, attribuée à ceux qui sont incapables de travailler mais qui ont besoin
d’une assistance dans leur vie quotidienne. ■
F.C.
*Les causes médicales des pensions d’invalidité nouvellement attribuées en 1998, CNAM, 63 pages.
LIVRES
Sexualité et handicap :
le paradoxe des modèles
D’Alter à Alius, du statut d’adulte
au statut d’handicapé
Martine Barillet-Lepley
Préface de Pierre Nègre
L’Harmattan
Les discours sur les pratiques institutionnelles
liées à la sexualité des adultes accueillis
en Foyer d’hébergement sont révélateurs
de l’une des caractéristiques du
statut d’adulte handicapé mental : celle
d'être paradoxal où s’affrontent et coexistent
statuts d’adulte et d'handicapé,
cet ouvrage interroge la gestion de ce paradoxe,
et des références implicites de
l’action des professionnels. De la logique
d’intention à la logique d’action, du statut
d’adulte au statut d’handicapé, d’Alter à
Alius, de l’autre comme moi-même ou de
l’autre différent, au-delà du regard porté
sur les pratiques, une démarche éthique
est précisée.
Hypothèse amour
Jean Jacques Moscovitz
Calmann-Lévy
Rencontre avec un autre, jouissance, rupture,
différence des sexes... Tout ce qui
cerne l’amour semble intéresser la psychanalyse.
Les textes de Freud (Sur le plus
général dès rabaissements de la vie amoureuse),
les séminaires de J. Lacan (Encore)
ou de F. Perrier (L’amour) sont là pour en
faire la preuve. Dans ce livre, Jean-Jacques
Moscovitz, psychiatre et psychanalyste,
reprend cette question en élaborant une
réflexion sur l’Hypothèse amour.
Une hypothèse qui interroge, notamment,
les signifiants homme et femme, la régulation
inconsciente entre pulsion de vie et
pulsion de mort, le transfert ou la filiation.
Selon l’auteur, nos liens d’amour, et plus
généralement les rapports homme-femme,
parent-enfant, ne peuvent s’écouter aujourd’hui
sans une référence à un passé
toujours actuel : la Shoah, c’est-à-dire « l’injusticiable
». En effet, cette haine collective
irreprésentable, véritable rupture de
l’Histoire, a transgressé les normes et le
droit. Elle a surtout brisé l’interdit du meurtre
et de l’inceste. En cela, la Shoah a atteint
la fonction paternelle, et sa place symbolique
de représentant de la loi, de garant
d’une transmission du nom. Si la fonction
paternelle est au fondement du lien social
mais aussi de la subjectivité de chacun,
on comprend alors que la Shoah, au-delà
des effets sur le collectif, a des répercussions
au niveau individuel. C’est tout notre
rapport individuel à la vie, à la mort, à nos
origines, à nos liens d’amour qui se trouve
bouleversé. Si l’extermination nazie était
d’ordre biologique, J.J. Moscovitz montre
bien le danger actuel d’ « objectivation »
et de « biologisation » de la vie qui en découle
: victoire du mesurable, de la génétique,
ou de la vision de l’enfant « pur »
sans sexualité. Ce risque actuel oblige,
sans cesse, à rappeler l’importance d’une
prise en compte de la parole et d’un savoir
inconscient positionnant l’homme à
une place non définie scientifiquement.
Ce livre, à la croisée de l’individuel et du
collectif, montre un sujet lié aux crimes
contre l’humanité. De là, c’est toute une
pratique psychanalytique, tout un rapport
à la vie, à la mort, à l’amour qui s’en trouve
changé. L’Hypothèse amour permet en fait
de repenser et de retravailler, dans l’actuel,
le Malaise dans la civilisation cher à
Freud.
Edouard Bertaud

10
LE JOURNAL DE NERVURE N° 6 - SEPTEMBRE 2001
LIVRES
Maternité, affaire privée,
affaire publique
Sous la direction de Yvonne
Knibiehler*
Préface de Françoise Héritier
Bayard
Jusqu’ici, les sciences sociales ont plutôt
contribué à une occultation involontaire de
la maternité en l’enveloppant dans des
thèmes plus vastes (natalité, famille, vie privée,
émancipation des femmes), en l’incorporant
dans une situation sociale : la
paysanne, la bourgeoise, la dame des beaux
quartiers, la prolétaire du quart-monde, l’immigrée
ou, encore, en l’observant sous
l’angle du travail : les tâches domestiques
gratuites opposées aux tâches professionnelles
rémunérées. Quant aux sciences
médicales, elles découpent la maternité en
séquences qui ne s’enchaînent pas nécessairement
: contraception, procréation
assistée, grossesse, avortement, accouchement,
allaitement.
Les coauteurs réunis ont permis la diversification
souhaitée, sans ressusciter les anciens
clivages. Les textes ont été, pour plus
de clarté, organisés en trois groupes. Les
uns, rassemblés sous le titre « Questions
d’identité », invitent à réfléchir sur le rôle
que joue la maternité dans la construction
de l’identité féminine. Le deuxième groupe
de textes intitulé « Questions de transmission
» ouvre la porte d’un domaine encore
fort peu exploré : que se passe-t-il d’une
génération à l’autre, d’une mère à ses enfants
et surtout d’une mère à ses filles ?
Comment s’opère le transfert ? Le troisième
évoque certaines des « Questions de société
» que l’actualité met en vedette.
*avec les contributions de Françoise Thébaud, Henri
Leridor, Agnès Fine, Anne Cadoret, Marie-Josèphe
Dhavernas-Lévy, Sylviane Ciampino, Bertrand Cramer,
Janine Mossuz-Lavau, Françoise Collin, Elisabeth
G. Sledziewski, Bernadette Avon, Marie-France
Culet, Claire Neirinck, Claude Martin, Irène Théry.
Guide de la protection sociale
Michel Larocque
Dunod
Cet ouvrage synthétise de manière structurée
et concrète les dispositifs institutionnels
et juridiques qui régissent l’ensemble
complexe de la protection sociale. Il s’efforce,
par une approche méthodologique
et pluridisciplinaire, d’en offrir un panorama
complet à travers plusieurs approches. Une
première partie cerne les origines et la
construction des concepts essentiels. Une
seconde partie présente l’organisation financière
et administrative nationale et locale
du système de protection sociale. Une
troisième partie analyse, par catégorie de
population (enfants, handicapés, personnes
âgées, chômeurs...), les différents types de
droits sociaux. Une quatrième partie présente
les principaux prestataires de l’action
sanitaire et sociaIe. Enfin, une cinquième
et dernière partie analyse les fondements
internationaux et européens de la protection
sociale. On relève, en outre, de nombreux
tableaux, un barème rappelant le
montant des principales prestations et cotisations
sociales.
Effets des jeux langagiers de
l’oral sur l’apprentissage de
l’écrit
François Pouëch
L’Harmattan
La rééducation des troubles du langage
écrit par les orthophonistes évacue encore
souvent la dimension socio-historique de
la lecture et de l’écriture (les genres tex-
Ensemble la
schizophrénie *...
L es
intervenants étaient Dominique Friard,
infirmier de secteur psychiatrique au
Centre Hospitalier de Laragne ; Bertrand Escaig,
vice-président de l’Unafam ; Lucien,
qui se définit comme « porteur de schizophrénie
» ; Claude Finkelstein, Présidente de
la FNAP Psy ; Philippe Quintin, psychiatre,
médecin de recherche clinique à l’Institut
Lilly et Pierre-Ludovic Lavoine, psychiatre
de secteur à l’Hôpital de la Queue-en-Brie.
Philippe Quintin a ouvert le symposium en
parlant de la prise en charge de la schizophrénie
qui nécessite un dialogue entre les
usagers et les professionnels médicaux et paramédicaux.
Les psychiatres ont souvent l’impression
que donner trop d’information peut
nuire et qu’ils sont restreints par le secret professionnel.
L’Institut Lilly a conçu des brochures
qui permettent aux infirmiers d’aborder
avec les patients le sujet de leur maladie.
Alors que le modérateur a demandé à Lucien
s’il a été informé de sa maladie, ce dernier
décrit l’angoisse qu’il a éprouvée lors de son
premier épisode psychotique. On lui a dit qu’il
devait être hospitalisé. Il ne comprenait pas
pourquoi. A l’hôpital, il se sentait emprisonné
dans un « camp de concentration ». On lui a
pris ses affaires. Il se sentait menacé par les
autres patients qui lui paraissaient étranges.
Le fait qu’on ne lui ait pas expliqué le contexte
ni les raisons de son hospitalisation et qu’il
n’ait pas vu de médecin a renforcé une impression
que tout était bizarre. Il devenait de
plus en plus méfiant et se sentait persécuté.
Ne supportant plus l’angoisse croissante, il a
agressé un infirmier.
A la question : à quel moment vous a-t-on
parlé de votre maladie ?, Lucien a répondu
qu’il ne savait pas pouvoir poser des questions.
Il est sorti de l’hôpital sans aucune information
sur son état et a reçu un bulletin
d’hospitalisation avec des codes qu’il ne comprenait
pas et il s’est dit que cela devait être
grave. La représentante de l’association des
usagers, atteinte d’une dépression, a relevé
que les patients apprennent leur diagnostic
par leurs médicaments. Au début elle avait
arrêté son traitement parce qu’elle se croyait
guérie. Selon elle, les usagers mettent environ
trois ans à apprendre qu’ils sont malades,
cinq ans pour le comprendre et accepter et
dix ans pour commencer à vivre avec la maladie.
Pour elle, c’est très important de connaître
cette dernière, d’être écouté, de savoir qu’on
n’est pas le seul à en souffrir et de voir que
son médecin connaît et comprend son état.
Le représentant des familles a parlé du choc
lié à l’annonce de la maladie et du déni des
troubles. C’est une épreuve pour la famille.
tuels en circulation) et leur « préhistoire »
(les pratiques langagières de l’enfant dans
l’oralité et en particulier celle du récit de fiction
dans le « comme si » du jeu symbolique).
Dans cet ouvrage, la réflexion porte
sur la production-réception de textes d’un
point de vue socio-historique en adaptant
à l’enfant les notions d’intertextualité, d’« horizon
d’attente », de mimésis, d’« effet esthétique
» ; sur la façon dont trois enfants,
aux styles contrastés dans le récit et le jeu
en maternelle, entrent dans l’apprentissage
de l’écrit en CP et vivent l’écrit en CE1.
Leur comparaison à travers différentes activités
langagières orales et écrites tend à
montrer que la capacité à se dédoubler dans
le « comme si », à monogérer un récit, à différencier
les modes d’énonciation favorise
l’entrée dans l’écrit. Cette démarche permet
une alternative aux tests d’évaluation
du langage oral et écrit chez l’enfant.
Les proches sont amenés à rencontrer des problèmes
jusque dans leur travail, sont « à bout
de souffle » et deviennent souvent dépressifs.
Ils s’inquiètent de savoir qui prendra en charge
leur proche quand ils ne seront plus là. Il trouve
que la famille est aussi usager et appelle à un
partenariat et un accompagnement, parce que
la famille passe le plus de temps avec les patients.
Dominique a restitué l’histoire d’un patient
psychotique chronique qui a battu sa mère
pour de l’argent. Après cet épisode, il s’est
considéré comme fils indigne, se sentait observé
et accusé. Il se demandait s’il était schizo :
« Je prends un traitement antipsychotique
donc je suis psychotique ». Il se demandait
s’il pouvait avoir des enfants. Pour Dominique,
la notion de la maladie est amenée à
structurer la vie : « Tout est marqué par la
schizophrénie ». Comme s’il n’y avait plus
de place pour la personnalité en dehors d’elle.
Il souligne la différence entre la prise en charge
de la personne qui a une schizophrénie et de
celle qui est considérée comme schizophrène
dans sa totalité et donc inchangeable. Il insiste
sur la confiance et l’espace que les infirmiers
doivent créer pour aborder le sujet
de la maladie.
Pierre-Ludovic Lavoine a rappelé l’importance
de l’aspect relationnel quand on donne
des informations sur la maladie et les effets
secondaires des médicaments. Il s’oppose à
l’information totale et brute donnée sans tenir
compte des capacités à intégrer cette information.
Pour lui, le schizophrène est une
personne psychotique et non pas une personne
avec schizophrénie. Il pense qu’on ne peut
pas donner une information universelle et
qu’il faut en parler au cas par cas. Il n’est pas
simplement question de donner une information
mais aussi de contenir le patient. Pour
y arriver les professionnels médicaux et paramédicaux
ont besoin de parler entre eux. Il
trouve que les psychiatres ne parlent pas assez
du diagnostic pour des raisons idéologiques
et humaines. Ils prennent en compte
le désarroi de la famille. Ils ont aussi le fantasme
que s’ils livrent toute l’information, les
patients vont refuser le traitement et les soins.
Cette peur peut venir du narcissisme et de
l’omnipotence liés à l’image du psychiatre
comme guérisseur et sauveteur qui ne peut
pas nuire ou frustrer. Le message que le psychiatre
adresse au patient est qu’il peut vivre
et faire avec la psychose. Durant la discussion
quelqu’un a demandé à Lucien ce qui lui
a permis d’avancer malgré la maladie. C’est
le travail adapté et le soutien. Maintenant il
est en retraite.
Une intervenante a reproché au psychiatre
d’avoir dit que le psychiatre se « coltine » le
patient. Elle a expliqué que le psychiatre doit
d’abord accepter l’angoisse du patient, puis
la transformer et la rendre pour qu’il puisse
se reconstituer.
Une autre participante a expliqué qu’elle avait
17 ans quand elle a appris la maladie de sa
sœur. Elle est devenue d’abord secrétaire médicale,
puis infirmière pour mieux connaître
et faire avec la maladie qui lui faisait peur.
Sa sœur a eu deux enfants qui ont été placés
parce qu’elle n’a jamais su construire une famille
et « vit toujours dans le vide ».
La discussion a été vive et nourrie et s’est terminée
sur l’idée des usagers que même les
personnes délirantes ont une part d’eux-mêmes
à laquelle on peut et on doit s’adresser.
L’information, l’échange et le soutien facilitent
pour le patient l’acceptation de la maladie
et lui permettent de vivre avec elle. ■
V. Petkov
*Symposium de l’Institut Lilly en partenariat avec la
revue Santé Mentale, organisé dans le cadre du Salon
Infirmier 2001 à Paris Expo-Hall 7, le 17 mai 2001.
L’IGAS PRÉCONISE UN PLAN DE SANTÉ MENTALE
Dans son rapport annuel 2001 « Institutions sociales face aux usagers », l’Inspection générale
des affaires sociales (IGAS) consacre une quinzaine de pages à la psychiatrie sous
deux aspects.
La présence aux urgences générales d’un infirmier psychiatrique ou l’astreinte d’un psychiatre
est citée en exemple d’une bonne organisation du service public, afin de toucher
le public « là où il se trouve ». « Une bonne prise en charge aux urgences et l’orientation
rapide vers un service hospitalier ou ambulatoire psychiatrique de bon niveau permettent
un meilleur pronostic pour la suite des soins ».
L’IGAS souligne « la nécessité d’offrir des structures de soins extra-hospitalières facilement
accessibles, certaines étant accessibles sans rendez-vous ni adressage, les autres
avec des délais d’obtention de rendez-vous qui ne soient pas dissuasifs, tant pour la première
consultation avec un psychiatre que pour les psychothérapies avec des psychologues
». Soulignant les problèmes d’effectifs, L’IGAS préconise l’élaboration d’un plan
pour la santé mentale dégageant des objectifs, pour le moyen et le long termes, « en termes
de réponse à la demande des usagers en termes de qualité des soins, de travail en réseau,
supposant de fournir aux équipes les moyens en personnels nécessaires ».
Adolescents : structurer la prise en charge
Le rapport consacre quelques pages à la prise en charge des adolescents, qui souffre d’un
manque d’actions coordonnées entre l’Education nationale, les services de pédiatrie, la
protection maternelle et infantile, les services sociaux et familiaux et le secteur de psychiatrie
infanto-juvénile. S’appuyant sur plusieurs témoignages, l’IGAS recommande la
création dans chaque zone sanitaire d’un « projet commun et partagé d’accueil et de
prise en charge spécifiques des adolescents par les équipes de psychiatrie infanto-juvénile
et adulte ».
Une « équipe d’intervention en santé mentale pour les adolescents » devrait être constituée
pour un secteur géographique déterminé, dont l’action serait relayée par un centre
de crise et des consultations médico-psychologiques spécifiques pour adolescents (séparées
des structures pour enfants ou pour adultes). Le rôle de chaque intervenant institutionnel
devrait être défini précisément, au sein d’un réseau institutionnalisé. Actuellement,
l’isolement des parents est important, tant en raison de l’incompréhension de la
maladie psychiatrique que des difficultés à trouver une prise en charge adaptée.
Ayant enquêté dans quatre secteurs de psychiatrie, les inspecteurs de l’IGAS notent que
psychiatrie adulte et psychiatrie infanto-juvénile « s’ignorent » et que les relations entre
la psychiatrie et les services de la protection judiciaire de la jeunesse et de l’aide sociale
à l’enfance ne sont pas satisfaisantes en termes de coordination. ■
F.C.
* Les institutions sociales face aux usagers, rapport annuel 2001 de l’IGAS, disponible à la Documentation
française, tél : 01 40 15 70 00, prix: 150,87 F.

LIVRES
Mathématiques, ma chère
terreur
Anne Siety
Calmann Lévy
ou
Tout ce que vous avez toujours voulu savoir
sur les mathématiques, sans jamais
osé le demander…
Qui n’a jamais ressenti ce moment de vacillement
devant un énoncé mathématique
quand la pensée se brouille et le « blocage »
s’installe ?
Le paradoxe même du titre indique d’emblée
que le livre d’Anne Siety explore le lien
complexe, ambivalent et intense, qui inscrit
chacun de nous dans le monde mathématique.
Les mathématiques, science exacte,
dite aussi « science dure », matière froide,
inhumaine, ne seraient-elles pas, au contraire,
trop humaines ?
Son expérience de clinicienne - les vignettes
cliniques foisonnent tout au long du livre -
lui permet de faire le chemin qui, partant de
l’abstraction mathématique, remonte aux origines
corporelles d’où elle est issue. C’est
en comptant sur ses doigts que l’enfant entre
dans le code mathématique qui en garde
cette trace fondamentale que nous comptons
en base dix parce que nous avons dix
doigts.
Les élèves qui viennent consulter pour un
« blocage en mathématique » souffrent : sur
un point précis leur pensée les lâche, cette
discipline leur devient hostile, inaccessible,
radicalement étrangère. L’écart semble irréductible
et l’élève est lui-même étranger à
ses propres difficultés : c’est la matière qui
est en cause, elle est d’un autre monde. Pour
la plupart des « traumathisés », l’horreur mathématique
c’est l’abstraction. Et pour cause,
accéder à l’abstraction passe par un travail
douloureux de séparation. Anne Siety en décrit
les étapes dont elle retrouve les stigmates
chez ses élèves. L’apprentissage des mathématiques
exige d’abandonner successivement
différents supports : pour concevoir
un nombre il faut se détacher des objets qui
l’ont d’abord incarné (passer de trois pommes
au chiffre trois) ; puis le chiffre lui-même doit
céder sa place à la lettre pour accéder au
calcul littéral (n).
Le travail « psycho-pédagogique » que mène
l’auteur, consiste à rétablir les liens entre les
mathématiques et leurs coordonnées humaines.
Considérant que l’abstraction fait
violence à l’élève en l’obligeant à se séparer
des données concrètes, elle réintroduit de
la vie sous forme de contes, de jeux, d’émotions.
Elle abordera le mystère de l’équation
à une inconnue (x), en l’incarnant par le biais
de billes cachées dans la main : c’est l’étape
du « mi-abstrait, mi-concret ». Travailler un
problème mathématique peut déboucher sur
l’évocation du conflit avec le grand frère et,
à contrario, ces évocations personnelles en
décollant l’élève de l’énoncé qui suscite le
blocage en permettent la résolution. Rétablir
ce lien passe par la parole du thérapeute
qui évoque, explicite, commente ce passage
et invite l’élève à dire ce qu’il ressent. Bien
que l’auteur, dans un souci de rigueur, précise
qu’il ne s’agit pas de psychothérapie
mais bien de mathématiques, on perçoit audelà
de l’effet pédagogique les incidences
psychologiques sur l’angoisse et l’inhibition,
en général. « Les métaphores, récits et autres
inventions construits à propos d’un énoncé
mathématique offrent en eux-mêmes une
ouverture sur la vie. Ils permettent de désenkyster
le message humain dissimulé dans
l’erreur mathématique ».
Anne Siety nous éclaire sur ces impasses
mathématiques - qui résonnent vivement
chez certains d’entre nous - avec un humour
constant. La composante ludique de son
abord des mathématiques et son inventivité
permanente au service de ses élèves rendent
la lecture de son livre réjouissante.
Isabelle Andreu
Freud et la tradition mystique
juive
Dacid Bakan
Petite Bibliothèque Payot
« L’œuvre psychanalytique de Freud fut une
magnifique explosion de peu de durée, dans
une vie qui, comme le dit Freud lui-même,
quand il parle de ses études et de ses activités
médicales, était engagée dans une toute
autre direction. L’hypothèse que nous avons
proposée (...) est que dans cette période de
transition, Freud prit contact avec la tradition
mystique juive, en tant que partie intégrante
de sa personnalité et de sa culture ». Voici
l’idée de base du livre de David Bakan, qui
est paru en traduction française pour la première
fois en 1963. Il s’agit pour l’auteur de
réexaminer les origines de Freud, son appartenance
à un milieu socio-culturel tout à
fait unique de la Vienne de la fin du 19 ème et
du début de 20 ème siècle, en complétant
quelques aspects moins développés dans
la biographie de référence (E. Jones). La famille
de Freud était une famille de migrants.
De la Galicie, en passant par la Moravie du
sud, où est né Sigmund, puis à Vienne, il aurait
persisté, selon D. Bakan, une tradition
empreinte de mysticisme juif. Cette tradition,
quoique jamais clairement exprimée par lui,
pourrait être intimement liée chez Freud à
ses découvertes majeures concernant la psychanalyse.
Sa façon de s’exprimer de manière
obscure sur certaines de ses motivations,
conscientes ou inconscientes, ou sa
pratique de la psychanalyse didactique, ressemblent
à la tradition orale de la transmission
de la Kabbale. Cette attitude de Freud,
peut-être consciente seulement en partie,
la « dissimulation » des influences mystiques
juives, malgré une acceptation claire et maintes
fois exprimée de sa judéïté, a pu être conditionnée
par l’antisémitisme ambiant de la société
viennoise.
Le milieu mystique juif et son évolution au
cours de l’histoire sont décrits avec beaucoup
de clarté et un excellent sens de synthèse,
puisant dans l’œuvre princeps de G.
Scholem (Les grands courants de la mystique
juive, Payot, 1983). Au sein de chaque
période, Bakan extrait les courants de pensée
qui auraient pu influencer Freud dans
l’élaboration de la pensée psychanalytique.
Ainsi, depuis la gnose juive des premiers
siècles, jusqu’à l’âge d’or de la Kabbale moderne,
au 13 ème et 16 ème siècles, est présente
l’idée d’un certain danger pour l’étudiant
solitaire et non initié, d’être submergé
par cette nouvelle connaissance. Les méthodes
de méditation, montrant une certaine
analogie avec la méthode d’associations
libres, mènent à « une extase intellectuelle
qu’on peut identifier à la connaissance psychanalytique
». L’objet de l’interprétation kabbalistique
est d’abord la Thora, puis le processus
s’élargit sur la personne du Messie,
mais aussi à tous les mots et gestes des
hommes saints des hassids. La psychanalyse
élargit l’interprétation à tout individu. Les
terribles pogroms d’Europe orientale au 17 ème
siècle ont amené le mouvement mystique
sabbataïque : le renouveau du messianisme
et l’encouragement à l’exploration des régions
interdites de l’expérience humaine.
Puis, le concept hassidique de liberté individuelle
a contribué à forger, pour la génération
de Sigmund Freud, le pont vers le grand
courant de la civilisation occidentale.
La nature bisexuée de l’homme, l’importance
de l’interprétation des rêves dans la tradition
kabbalistique, le symbole « surmoïque » du
Diable sont autant d’exemples d’autres liens
que D. Bakan trouve entre les pensées mystique
et psychanalytique.
Une partie importante du livre concerne la
figure de Moïse, qui domine en quelque sorte
les personnages auxquels Freud fait appel
dans ses œuvres. Comme le remarque M.-
A. Ouaknin (Bibliothérapie, Seuil, 1994), la
question du Moïse est celle de l’identité. Estil
égyptien ou hébreu ? Freud est-il juif fidèle
(même inconsciemment) à la tradition mystique
ou juif autrichien cultivé ? Voici l’interrogation
identitaire qui traverse ce livre intéressant.
Interrogation qui, au-delà de la
personne de Sigmund Freud, garde son actualité.
Eva Hemon
La destructivité chez l’enfant et
l’adolescent
Clinique et accompagnement
Jean-Yves Hayez
Dunod
Dans cet ouvrage, J.-Y. Hayez décrit la nature
des transgressions et des destructions,
et leur rapport avec les pulsions agressives
et sexuelles. Il analyse les réactions qu’elles
provoquent chez les adultes et propose de
stimuler le désir d’une vraie convivialité, qui
permette à chaque jeune de développer, dans
un projet de vie personnel, ce qui ne nie pas
autrui. Il montre que l’accompagnement d’un
jeune auteur de transgressions préoccupantes
se répartit sur trois axes : sanctionner
ses actes et l’intentionnalité, manifester
de la sollicitude, afin d’amplifier les ressources
positives et de remédier à la pathologie, manifester
la même sollicitude avec les mêmes
visées pour ses systèmes de vie. Enfin, une
troisième partie montre comment les transgressions
s’ordonnent autour des pôles de
fonctionnement de la personnalité.
L’empathie et la rencontre
interculturelle
Sous la direction d’Adam Kiss
L’Harmattan
L’empathie ou intropathie (Einfühlung) se définit
dans la psychologie philosophique de
l’idéalisme romantique comme la connaissance
esthétique d’objets auxquels on attribue
des sentiments, puis comme autoprotection
sentimentale, « sympathie symbolique »
(V. Basch). L’empathie apparaît, dans le dic-
LE JOURNAL DE NERVURE N° 6 - SEPTEMBRE 2001 11
tionnaire de Laplanche et Pontalis à l’entrée
« identification ». Pour C. Rogers, la compréhension
empathique crée l’atmosphère
qui permet l’épanouissement et le développement.
Selon J. Broome, l’empathie construit
une troisième culture entre ceux qui, d’origines
différentes, se mettent à communiquer.
Mais la souffrance, le désespoir chez l’autre
et certains affects réveillés peuvent limiter,
voire empêcher, l’empathie (J. Cosnier) qui
n’est qu’une condition préalable, nécessaire
mais insuffisante de la rencontre (G. Marandon).
Les études présentées ici invitent à
l’approche critique des situations où l’empathie,
éprouvée, s’exprime ou, au contraire,
fait défaut. Elles appellent, et commencent
à instrumentaliser l’observation du rapport
entre l’empathie ressentie (en situation thérapeutique
et en dehors, lors d’autres rencontres,
notamment interculturelles).
Avec la participation de D. Bertrand, A.M.C. Cacou, A.
Lamessi, G. Marandon, B. Martinelli, J.P. Paillas, G.
Pirlot, O. Reveyrand-Coulon.
Usagers de la psychiatrie : de la
disqualification à la dignité
L’Advocacy pour soutenir leur
parole
Martine Dutoit-Sola et Claude Deutsch
Erès
Le terme « advocacy » désigne un mode
d’aide à l’expression de personnes qui
s’estiment victimes d’un préjudice, qui se
sentent mal écoutées et insuffisamment
respectées par leurs interlocuteurs institutionnels,
ou qui rencontrent des obstacles à
l’exercice de leur pleine citoyenneté. Il s’agit
d’une pratique de médiation sociale qui introduit
un tiers, amplifiant la demande du patient
usager, sans parler à sa place, et qui
permet ainsi aux différents points de vue de
trouver un ajustement dans un dialogue respectueux.
L’association Advocacy-France a
pour but de soutenir les recours dans les situations
d’exclusion, de ségrégation, de mesures
privatives de liberté individuelle. Composée
d’usagers et de professionnels de la
santé mentale, elle développe des actions
collectives, coopératives et solidaires aussi
différents soient-ils, dans leurs statuts ou
leur expérience. Dans l’Europe du nord, la
pratique de l’advocacy s’est largement développée
depuis une dizaine d’années, sous
des formes variées, à travers les collectifs
d’usagers ou par l’intermédiaire d’une personne
advocate, ou de l’ombudsman. En
France, le stigmate de la maladie mentale
est fort et la tradition paternaliste du soin dominante.
Les auteurs exposent ici leurs actions
pour convaincre de la crédibilité des
objectifs et des moyens mis en œuvre par
l’association.
LE CENTRE HOSPITALIER SPÉCIALISÉ
Roger Prévot
Recherche pour le secteur de psychiatrie adulte
de Levallois-Perret (92)
Un praticien Hospitalier à temps plein à titre provisoire
pour des responsabilités intra et extra-hospitalières
Adresser candidature et CV à :
Monsieur le Directeur
Centre Hospitalier Spécialisé Roger Prévot
52 rue de Paris, 95570 Moisselles
Tél. : 01 39 35 65 23 ou 22

12
LE JOURNAL DE NERVURE N° 6 - SEPTEMBRE 2001
LIVRES
Manuel de soins palliatifs
Coordonné par Dominique Jacquemin
2 e édition
Dunod
Cette nouvelle édition mise à jour et augmentée,
témoigne d’une volonté interdisciplinaire
et transversale avec pour but d’embrasser
l’ensemble des aspects de la
démarche d’accompagnement et de donner
aux soignants et aux accompagnants
(médecins, infirmières, aides-soignantes,
psychologues, kinésithérapeutes, bénévoles,
religieux), les outils qui permettent
de faire face à la douleur « totale » des patients
en fin de vie. Cet ouvrage rappelle
aux professionnels que leur fonction est non
seulement de guérir, mais également d’accompagner.
La rencontre, singulière et douloureuse,
avec celui qui meurt, nécessite
de plus en plus une collaboration, qui rend
possible la communication entre les différents
intervenants auprès du malade et la
prise en charge globale de ce dernier.
Animer un groupe d’entraide
pour personnes en deuil
Annick Ernoult et Dominique Davous
L’Harmattan
Ce livre qui s’adresse, en priorité, aux futurs
animateurs de groupes d’entraide qu’ils
soient professionnels ou non, leur fournit
des repères et des outils. Il est le fruit du travail
d’une équipe, réalisé entre 1993 et 2000,
par les animateurs de groupes pour parents
en deuil : Apprivoiser l’absence, créés dans
le cadre de l’association « Choisir l’espoir ».
Ont également participé à ce livre plusieurs
associations impliquées dans l'accompagnement
du deuil : l’association « Naître et
Vivre », l’association « Vivre son Deuil » et le
Centre François-Xavier Bagnoud.
Observer un bébé avec
attention ?
Sous la direction de Michel Dugnat
Erès
Cet ouvrage dresse un panorama des méthodes
d’observations de bébés dans toutes
leurs dimensions et en mesure les enjeux.
Il va de l’observation selon la méthode d’Esther
Bick (qui intègre la subjectivité de l’observateur)
à l’observation éthopsychologique
et aux diverses méthodes objectivantes
(ADBB...), en passant par l’observation inspirée
de l’approche d’Emmi Pikler à Loczy
(Budapest) et l’observation de l’allaitement
selon Eva Sulcova (Prague) traduite pour
la première fois en français. L’accent est
mis sur la nécessité de la formation à ces
techniques, sur leurs objectifs et leurs limites,
mais aussi sur l’éthique de l’observation
et ses implications institutionnelles.
Léger-Marie Deschamps
Un philosophe entre lumières et
oubli
Sous la direction de Eric Puisais
L’Harmattan
Deschamps prend, au sein de l’histoire de
la philosophie des Lumières, une part importante
que, pourtant, on ne lui accorde
que rarement. Cet ouvrage, sans prétendre
rendre la part qui est due au philosophe,
tente de mieux le faire connaître. Son système
philosophique, proche de celui des
matérialistes, dont on a prétendu qu’il était
précurseur de celui de Hegel, met en avant
une grammaire métaphysique visant à réformer
radicalement la société, la libérant
des lois tant civiles que religieuses, pour
établir un « état de mœurs » nouveau.
ANNONCES EN BREF
19 au 21 septembre 2001. Lille. Congrès du
GFEP et du GEPS sur le thème : Résiliences
et facteurs de santé à l’école, au travail, au
lendemain du geste suicidaire. Inscriptions :
Mlle Sophie Sueur,286 rue Kléber, 59155
Faches Thumesnil. tél. : 03 20 62 07 28. Fax :
03 20 96 32 10. E-mail : ssueur@epsm-lillemetropole.fr.
29 septembre 2001. Chambéry. XIV ème Journée
de Chambéry organisée par le Cercle
d’Etudes Psychanalytiques des Savoie, l’Association
grenobloise de psychanalyse et le
Groupe Lyonnais Société Psychanalytique
de Paris, sur le thème : L’hystérie aujourd’hui.Sa
clinique, ses frontières, l’apport de
la psychanalyse. Renseignements : fax :
04 79 85 34 11. E-mail : CEPS-SPP@netcourrier.com.
4 octobre 2001. Boulogne sur Mer. Rencontres
médico-psychologiques de Boulogne
sur Mer sur le thème : L’infirmier en psychiatrie,
aujourd’hui. Renseignements et inscriptions
: Secrétariat, Mme Wacogne. Tél :
03 21 99 30 36. Fax : 03 21 99 60 58.
4 au 6 octobre 2001. Caen. XVIII e Congrès
de la Société Française de Psycho-Oncologie
sur le thème : Place des groupes en psycho-oncologie.
Renseignements et inscriptions
: Caen Expo-Congrès, Congrès de
Psycho-Oncologie, Marine Brochereaux, BP
6260, 14065 Caen Cedex. Tél. : 02 31 85 10 20.
Fax : 02 31 50 15 12.
5 et 6 octobre 2001. Clermont-Ferrand.
Congrès « Europadolescence » sur le thème :
Forum de l’adolescent, famille et société. Modernités
de l’Adolescence, organisé par Les
Cahiers de l’Enfance et de l’Adolescence publication
de SB Organisation, 33 rue de la
Chapelle, 75018 Paris. Tél. : 01 42 09 99 18.
Fax : 01 40 38 01 08. E-mail : s.b.o.@wanadoo.fr.
13 octobre 2001. Paris. Le Groupe International
du Rêve-Eveillé en Psychanalyse organise
une journée d’étude sur le thème :
Imaginaire et inconscient. Renseignements
et inscriptions : GIREP, 80 rue de Vaugirard,
75006 Paris. Tél. : 01 42 22 75 14. E-mail :
girep@girep.com. Site web : www.girep.com.
20 et 21 octobre 2001. Paris. Colloque organisé
par le Collège International de Psychanalyse
et d’Anthoropologie sur le thème :
D’un siècle à l’autre : La violence en héritage,
perspectives psychanalytiques et anthropologiques.
Renseignements et inscriptions :
Henri-Pierre Bass, 7 rue de Madagascar,
75012 Paris. Tél. : 01 43 40 57 84.
25 octobre 2001. Villejuif. 4 ème Colloque National
organisé par l’Association Nationale
des Hospitaliers, Pharmaciens et Psychiatres
LE JOURNAL
✂
DE
sur le thème : L’hygiène hospitalière et accrédition.
Des pratiques aux procédures entre
formalisme et réappropriation. Inscription :
M. Mounier-Sibeud, Trésorier de l’ANHPP,
Pharmacie, EPS Perray-Vaucluse, 91360 Epinay
sur Orge. Tél. : 01 69 25 42 88. Fax :
01 69 25 42 82.
1 au 4 novembre 2001. Londres. 1 st European
Psychoanalytic Film Festival organised
by The British Psychoanalytical Society.
Enquiries : (+44) (0) 20 7563 5017.
113367.3602@compuserve.com. www.psychoanalysis.org.uk/epff.
8 au 10 novembre 2001. Nice. 20 èmes Rencontres
Franco-Maghrébines de Psychiatrie
sur le thème : Culture et psychopathologie.
Secrétariat : Pr G. Darcourt, 19 rue Rossini,
06000 Nice. Tél./Fax : 04 93 82 12 59. E-mail :
guy.darcourt@wanadoo.fr.
24 novembre 2001. Paris. Journée organisée
par l’Institut d’Etude des Systèmes Familiaux
sur le thème : Approches familiales
éco-systémiques en psychiatrie publique. Inscription
: Gisèle Béquet, 6 rue Deroisin, 78000
Versailles.
7 et 8 décembre 2001. Lyon. 12 ème Congrès
de l’Association ANCRE-PSY sur le thème :
Secrets et confidences. Renseignements :
Secrétariat du Dr Angelo Poli, Centre Hospitalier,
rue H.B. Porret, 69450 St Cyr au Mont
d’Or. Tél. : 04 78 22 00 06. Fax : 04 72 42 20 65.
Communication libre à adresser au Dr Dominique
Brengard, CMP, 12 rue Chomel, 75007
Paris. Tél. : 01 42 22 70 70. Fax : 01 42 22 33 58.
14 et 15 décembre 2001. Paris. 29 èmes Journées
Scientifiques de Thérapie Comportementale
et Cognitive. Renseignements et inscriptions
: AFTCC, Secrétariat administratif,
29 èmes Journées Scientifiques, 100 rue de la
Santé, 75674 Paris Cedex 14.
14 et 15 décembre 2001. Paris. Forum Européen
avec la participation de ASUD (Auto
Support des Usagers des Drogues), coordinateur
scientifique François Xavier Colle, sur
le thème : Un autre regard sur les drogues.
Inscription : SB Organisation, Un autre regard
sur les drogues, 36 rue Jacques Kellener,
75017 Paris. Tél. : 01 58 60 25 35. Fax :
01 58 60 25 40. E-mail : sborg@wanadoo.fr.
25 et 26 janvier 2002. Pau. 13 èmes Journées
de l’AFERUP sur le thème : Urgences psychiatriques
et violences plurielles. Renseignements
et inscriptions : Dr H. Villeneuve,
Mlle M.P. Tallon, Mlle Ch. Bedout, SAAU, 29
ave. Maréchal Leclerc, BP 1504, 64039 Pau
Cedex. Tél. : 05 59 80 94 60. Fax : 05 59 80 95 01.
3 au 9 février 2002. La Havane, Cuba. Congrès
de Psychiatrie sur le thème : Le corps en psychiatrie.
Président Pr M. Ferreri, coordinateur
Dr Ph. Nuss. Renseignements et inscriptions :
Groupe Equatour, Isabelle Anne Autret,
57 bd de Montmorency, 75016 Paris. Tél. :
01 53 92 59 55. Fax : 01 53 92 59 50. E-mail :
isabelle.autret@equatour.net.
6 et 7 mai 2002. Damas, Syrie. VII ème Colloque
International de Psychosomatique
organisé par le Centre International de Psychosomatique
sur le thème : Psychosomatique
: nouvelles perspectives. Renseignements
et inscriptions : CIPS, 56 avenue Mozart,
75016 Paris, les mardi, jeudi et vendredi. Tél. :
01 42 30 99 41. Fax : 01 45 20 28 75. E-mail :
c.i.p.s@free.fr.
15 et 16 mars 2002. Pau. Sur le thème Art-
Thérapies et Personnes Agées : de l’expression
au lien social, Rencontres de la Société
Internationale de Psychopathologie de l’Expression
et d’Art-Thérapie. Information et proposition
de communication : Dr Guy Roux,
SIPE, 27 rue du Maréchal Joffre, 64000 Pau.
Tél./Fax : 05 59 27 69 74. E-mail : sipearther@aol.com.
12 au 14 juin 2002. Avignon. Journées de l’Association
Nationale de Recherche et d’Etudes
en Psychiatrie (ANREP) sur le thème : La psychiatrie
est-elle politiquement correcte ?
Renseignements : Association Nationale de
Recherche et d’Etudes en Psychiatrie, 3 rue
Limasset, 84000 Avignon. E-mail : barbier @
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Fax : 04 90 51 19 14.
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Le déprimé et l’amour
Cent Psychiatres
L’Esprit du Temps
La collection « Les imaginaires » nous offre
une œuvre originale sur le thème du deprimé
et l’amour. Originale, car les nouvelles
qui constituent ce recueil ont été
écrites par des psychiatres et choisies par
un jury constitué à parts égales de psychiatres
et d’écrivains. Cela donne un livre
mosaïque, composé de récits, le plus souvent
collectifs, écrits par des spécialistes
de l’émotion, sur un thème universel, l’amour,
vu et déformé à travers le prisme de la dépression.
Et les émotions que renvoient ce
prisme nous offrent des récits, certes imaginaires
mais d’un réalisme poignant.
Réaliste, cette analyse que n’aurait pas démenti
Flaubert, de l’amour défaillant que
porta Charles à Emma Bovary, Amour défaillant
qui la poussa au suicide, selon une
brillante analyse attribuée... à Sigmund
Freud, lui-même. Poignante, enfin, la conclusion
du même Freud sur l’amour du déprimé
: « Pour l’homme triste, la relation est
toujours intransitive, ne pouvant se faire
confiance, il projette sur l’être aimé le manque
de confiance qu’il a en lui-même, et en cela
précisément il ne ne l’aime pas ».
Françoise Le Coz