Anguillulose
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<strong>Anguillulose</strong><br />
L’anguillulose ou strongyloïdose est une parasitose<br />
intestinale due àunnématode. Cette helminthiase des<br />
régions chaudes et humides touche 50 à60millions<br />
d’individus àtravers le monde. Son observation n’est<br />
pas rare en France métropolitaine en raison de développement<br />
du tourisme exotique, des cas d’importation de<br />
nos départements d’outre-mer et de l’existence de<br />
quelques cas autochtones.<br />
Agent causal<br />
Strongyloides stercoralis est un nématode de 2à3mm<br />
de long, qui parasite principalement l’homme mais<br />
aussi le chat et le chien. Ce parasite existe sous trois<br />
états de développement, adulte, larve rhabditoïde et<br />
strongyloïde :<br />
• la femelle parthénogénétique qui mesure environ<br />
2,5 mm et vit dans la muqueuse du duodénum et du<br />
jéjunum chez l’homme ;<br />
• la femelle libre stercorale de 1mm;<br />
• le mâle libre plus petit :0,7 mm ;<br />
• les larves rhabditoïdes qui mesurent 250 à300 μ met<br />
se trouvent dans les selles ;<br />
• les larves strongyloïdes qui sont infestantes et<br />
mesurent 600 à700 μ msur 12 μ m.<br />
L’anguillule du singe Strongyloides fulleborni peut se<br />
rencontrer chez l’homme. La symptomatologie est identique.<br />
Cycle évolutif<br />
Strongyloides stercoralis présente deux modes de multiplication<br />
qui expliquent la persistance de la parasitose,<br />
une multiplication sexuée dans le milieu et, chez<br />
l’homme, une reproduction parthénogénétique :<br />
• chez l’homme, la larve strongyloïde infestante (L3)<br />
pénètre àtravers la peau et, par le système lymphatique<br />
et la circulation, gagne le cœur droit puis les<br />
poumons (capillaires pulmonaires et alvéoles). Elle<br />
remonte ensuite les voies aériennes par les bronches<br />
et la trachée pour être déglutie. Après avoir franchi le<br />
pylore et au terme de deux autres mues, elle devient<br />
une femelle parthénogénétique dans l’intestin grêle,<br />
où elle s’enfonce dans la muqueuse duodénale pour<br />
pondre des œufs. Ceux-ci éclosent sur place et<br />
donnent des larves rhabditoïdes de première génération<br />
(LR1) qui vont gagner la lumière intestinale pour<br />
être éliminées par les selles. Ce cycle est rapide :la<br />
pénétration de la peau dure 3à5minutes, la phase<br />
pulmonaire se situe entre le 6 e et le 9 e jour, les intestins<br />
sont atteints vers le 17 e jour et les larves apparaissent<br />
vers le 27 e jour dans les selles ;<br />
• sur le sol, les larves rhabditoïdes se transforment en<br />
adultes libres mâles et femelles, s’accouplent et<br />
donnent des œufs qui par éclosion donnent des larves<br />
rhabditoïdes de deuxième génération. Ces dernières<br />
se transforment en larves strongyloïdes infestantes si<br />
les conditions d’humidité et de chaleur sont favorables<br />
;<br />
• dans le milieu extérieur, si les conditions sont défavorables<br />
(température inférieure à20°C, humidité<br />
insuffisante), les larves émises dans les selles se transforment<br />
directement au bout de 36 heures en larves<br />
qui peuvent traverser la peau de l’homme ;<br />
• il existe un troisième cycle interne àl’homme, avec<br />
transformation directe des larves rhabditoïdes en<br />
larves strongyloïdes infestantes sans maturation dans<br />
le milieu extérieur. Il s’effectue dans le tube digestif<br />
ou au niveau de la marge anale. Les larves pénètrent<br />
àtravers la muqueuse intestinale pour rejoindre la circulation<br />
sanguine et le poumon. Enfin, elles gagnent<br />
l’intestin au stade adulte. Ce cycle particulier explique<br />
la ténacité et la durée (jusqu’à 20 ans et plus) de cette<br />
parasitose et les formes malignes de la maladie.<br />
Épidémiologie<br />
Strongyloides stercoralis abesoin d’humidité (> 60 %)<br />
et de chaleur (> 16 à20°C). L’anguillulose s’observe<br />
dans tous les pays tropicaux et subtropicaux :Afrique<br />
noire, Antilles, Amérique centrale et du Sud, Asie du<br />
Sud-Est. Elle atteint le sud de l’Europe :Italie, Espagne<br />
et Portugal, et les pays de l’Est :Roumanie, Hongrie,<br />
Bulgarie, Tchécoslovaquie, Pologne.<br />
En France, la majorité des cas sont importés :Antilles,<br />
Réunion, réfugiés du Sud-Est asiatique, sujets originaires<br />
d’Afrique noire… La contamination autochtone<br />
aété décrite.<br />
La contamination de l’homme et des animaux se fait<br />
par le sol pollué par les matières fécales ;elle est transcutanée.<br />
La contamination sexuelle est possible et sousestimée.<br />
Des transmissions par transplantations rénales<br />
ont été rapportées.<br />
Clinique<br />
L’anguillulose est la plus polymorphe des helminthiases.<br />
Asymptomatique ou peu symptomatique dans<br />
20 à50%des cas, elle peut aussi prendre des formes<br />
malignes.
—<strong>Anguillulose</strong> de l’immunocompétent<br />
• Phase de pénétration cutanée<br />
Elle se traduit par une dermatite d’inoculation avec sensation<br />
de brûlure ou de picotements puis par l’apparition<br />
d’une éruption érythématomaculeuse prurigineuse<br />
qui persiste 24 à48heures.<br />
• Phase pulmonaire<br />
La migration pulmonaire des larves irrite l’arbre<br />
trachéobronchique et provoque une simple toux irritative,<br />
une dyspnée avec parfois des signes généraux :<br />
fièvre, arthralgies et céphalées.<br />
Des crises d’asthme peuvent s’observer.<br />
• Phase digestive<br />
Elle est définie par une triade constituée de symptômes<br />
digestifs – douleurs abdominales, diarrhées, parfois<br />
nausées et vomissements –, de signes cutanés –prurit<br />
anal, éruptions urticariennes et larva currens –, et enfin<br />
de signes pulmonaires –toux irritative, douleurs thoraciques<br />
intermittentes, crises asthmatiformes, syndrome<br />
de Löffler. Des signes généraux peuvent se rencontrer :<br />
asthénie, anorexie, amaigrissement ;dans certains cas,<br />
la perte de poids peut atteindre 10 à20kg. Cette symptomatologie<br />
peut persister durant de nombreuses<br />
années en se renouvelant àintervalles irréguliers.<br />
—<strong>Anguillulose</strong> de l’immunodéprimé<br />
Il existe des formes graves parfois mortelles qui surviennent<br />
habituellement dans un contexte de déficit<br />
immunitaire. L’action des immunosuppresseurs et des<br />
corticothérapies est bien connue. D’autres facteurs<br />
interviennent :cancer, hémopathie, greffe rénale, infection<br />
àHTLV1.<br />
Ces formes malignes regroupent deux aspects :<br />
• l’hyperinfection des appareils digestif et pulmonaire<br />
avec une majoration des signes cliniques :douleurs<br />
abdominales intenses et diffuses, vomissements,<br />
diarrhée avec parfois un syndrome de malabsorption,<br />
des pneumonies alvéolaires, des abcès et des pleurésies.<br />
Les larves sont retrouvées dans le liquide d’aspiration<br />
bronchique et les expectorations ;<br />
• l’anguillulose disséminée se caractérise par un envahissement<br />
de l’ensemble des tissus, ycompris ceux qui<br />
sont normalement épargnés par ce parasite. L’issue<br />
est fatale dans 50 à90%des cas par complication<br />
infectieuse et/ou défaillance multiviscérale. L’atteinte<br />
neurologique par diffusion cérébrale des larves aété<br />
montrée.<br />
Diagnostic biologique<br />
—Hémogramme<br />
Il montre une hyperéosinophilie souvent très élevée, 50<br />
à60%,enpériode d’invasion ou de réinfestation, et<br />
plus modérée, 10 à 30 %, dans les formes latentes.<br />
L’évolution est fluctuante, entretenue par les cycles<br />
d’auto-infestations. Une éosinophilie normale n’écarte<br />
pas le diagnostic, surtout dans des formes disséminées.<br />
—Diagnostic parasitologique<br />
Il permet de poser le diagnostic de certitude par la<br />
découverte de larves de Strongyloides stercoralis dans<br />
les selles fraîchement émises. Cependant, la faible ponte<br />
des femelles et l’irrégularité de l’élimination des larves<br />
exigent de répéter les examens et de pratiquer la<br />
méthode d’enrichissement-extraction de Baermann.<br />
Cette technique utilise l’hygrotropisme et le thermotropisme<br />
des larves. Des techniques de coproculture sur<br />
boîte de Pétri sont possibles, qui donnent de très bons<br />
résultats. Mais les résultats sont plus longs (2 à7jours).<br />
Les œufs et les larves peuvent aussi être mis en évidence<br />
dans le liquide d’aspiration duodénale, dans les crachats<br />
ou les prélèvements bronchoalvéolaires et LCR au<br />
cours des formes disséminées.<br />
—Sérologie<br />
Elle montre la présence d’anticorps chez 80 à90%des<br />
sujets. Des techniques d’immunofluorescence indirecte,<br />
d’agglutination conditionnée ou d’immunoenzymologie<br />
utilisant des antigènes de larves de Strongyloides<br />
stercoralis ou de Strongyloides ratti ont été développées.<br />
La spécificité varie de 73 à95%selon les études ;<br />
de nombreuses réactions croisées sont observées chez<br />
des patients infestés par d’autres nématodes (ascaris,<br />
ankylostomes, filaires) ou par des trématodes (douves<br />
et schistosomes). Ces examens n’apportent qu’un diagnostic<br />
présomptif et doivent être confirmés par l’examen<br />
parasitologique. Il faut noter que les anticorps<br />
peuvent persister plusieurs années après un traitement,<br />
même bien conduit.<br />
Traitement<br />
Le thiabendazole (Mintezol ® ) a été le traitement de<br />
référence, mais deux cures sont souvent justifiées ;cette<br />
molécule est assez mal tolérée.<br />
L’albendazole (Zentel ® )aaussi été proposé comme une<br />
alternative, car mieux toléré, mais il est moins actif et<br />
trois cures sont nécessaires.
L’ivermectine (Stromectol ® )est actuellement proposée<br />
àlaposologie de 200 μ g/kg/j en prise unique et par<br />
cures de 2à3jours consécutifs.<br />
Nicolas X, Chevalier B, Klotz F.<br />
Anguillule et anguillulose.<br />
EMC –Maladies Infectieuses 2004 ;8-514-A-60, 11 p.<br />
Rey Ph, Debonne JM, Bredin Ch, Klotz F.<br />
Colites parasitaires et immunodéficiences.<br />
Acta Endoscopica 2006 ;36/3 :343-355.