Globe 8.qxp - Faculté de médecine - Université Laval

POLITIQUE Le GGlobbe && MMed - mercredi 28 novembre
Politique sécuritaire ?
Qu’est-ce que la politique sinon la représentation des
opinions de la population dans les décisions du gouvernement?
Selon les principes fondamentaux de démocratie,
est-ce que les politiciens devraient suivre la volonté
de leur peuple ou dicter à leur peuple ce qu’il devrait
penser? Il est évident que les élus ont comme unique
mandat de représenter, dans leur prise de décision et dans
leur gestion du bien public, la pensée de leurs électeurs.
Ces temps-ci cependant, il est permis de douter de la
bonne politique du gouvernement Charest, en se basant
sur le projet de loi sur la sécurité routière récemment
déposé. Ce dernier soulève l’ire de la population aux
quatre coins de la province, et aucune tête dirigeante
parmi les libéraux n’ose renverser la vapeur afin d’éviter
une déconfiture en chambre lorsque les deux partis d’opposition
voteront contre le projet. Disséquons ce projet
aux motivations douteuses.
Le projet de loi sur la sécurité routière prévoit imposer, à
partir de 0,05 d’alcoolémie, la suspension du permis de
conduire. C’est faire fi des études Adélaïde, Grand
Rapids, Vermont et Farris. Les observations de ces
études ont établi que le risque relatif d’accidents en fonction
de l’alcoolémie reste stable jusqu’à 0,09. À cette
valeur, il y a une inflexion significative dans les quatre
courbes. Ces quatre études ont servi à fixer la limite
criminelle de 0,08 d’alcoolémie lors de la conduite.
Donc, est-ce que sanctionner les conducteurs à 0,05
réduira les accidents et les morts par l’alcool? Évidemment
que non. Pendant ce temps, aucune mesure supplémentaire
n’est appliquée contre les récidivistes de l’alcool
au volant. Pourquoi ne pas retirer le permis à ces
criminels pour des périodes de cinq à dix ans? Et puisque
plusieurs récidivistes conduisent sans permis, pourquoi
ne pas imposer des amendes de dix mille dollars et plus?
Le projet de loi comporte aussi une section sur les photoradars.
De véritables presses à argent, ces machines.
Installées sur les autoroutes, elles prennent en photo les
plaques d’immatriculation des automobiles sans pouvoir
identifier le conducteur fautif, et ne tiennent pas compte
des conditions routières. Alors qu’un policier pourrait
émettre un constat d’infraction à un conducteur qui circule
à 105 km/h dans une tempête de neige, tout en laissant
aller un chauffeur qui voyage à 120 km/h par beau
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Rémi Savard-Dolbec
temps, la caméra, elle, ne fera que prendre en photo tout
véhicule dépassant une vitesse seuil. Avec le temps, il est
permis de croire que les conducteurs sauront où les
photo-radars sont et qu’ils modifieront leur conduite à
leur approche. Dans une quinzaine d’états américains et
dans plusieurs régions de l’ouest canadien, les photoradars
ont été installés puis retirés, car ils avaient été sans
effet sur le bilan des morts. Pourquoi le scénario serait-il
différent ici? Les sorties de route et autres collisions
frontales se font bien plus souvent sur des routes secondaires,
voies qui ne s’avéreraient pas assez rentables
pour y installer des photo-radars, de toute façon.
Les caméras feu rouge. Une merveille de technologie
qui consiste à faire en sorte que plus personne ne brûle
un feu rouge, au prix d’une augmentation fulgurante des
collisions par derrière, causées par les automobilistes qui
freinent en catastrophe dès que la lumière passe du vert
au jaune. Ça change le mal de place, comme on dit.
L’interdiction du cellulaire au volant se veut une manière
d’améliorer la concentration des conducteurs. Or, le
main-libre est permis. Quel progrès! Une conversation
main-libre monopolise tout autant l’attention. Aussi,
quelle part de l’inattention d’un conducteur le cellulaire
prend-il? En relativisant, les enfants qui crient, les bébés
qui pleurent, la musique à pleine tête, la radio talk qui
converse avec ses auditeurs, les breuvages et la nourriture
au volant, la consultation de cartes, tous sont des facteurs
qui minent la concentration des conducteurs autant
sinon plus qu’une conversation au téléphone. Mais il faut
bien qu’une tête tombe…
Que ceux qui sont quand même convaincus de l’utilité de
ce projet de loi écrivent au gouvernement Charest. Ils ont
bien besoin d’appui, les pauvres. Ça pourrait leur faire
croire qu’ils représentent tout de même une partie de la
population…