N° 41. Mars 2008. - Centre Régional des Lettres de Basse-Normandie
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Livres<br />
PUBLICATIONS<br />
La Critique littéraire du XX e siècle<br />
en France et en Italie - Collectif<br />
Les Presses universitaires <strong>de</strong> Caen publient les<br />
actes d’un colloque qui s’est tenu à Caen en 2006<br />
sur la critique littéraire du XX e siècle en France et en<br />
Italie. Un apport théorique remarquable et d’une<br />
gran<strong>de</strong> clarté pour les férus <strong>de</strong> littérature.<br />
L’approche comparatiste associant sources<br />
italienne et française ajoute à l’intérêt <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
questions soulevées. Sont évoquées notamment<br />
les métho<strong><strong>de</strong>s</strong> d’interprétation du texte (stylistique,<br />
psychanalytique, formaliste, sémiotique,<br />
anthropologique, thématique, historique,<br />
sociologique). Certains intervenants ont étayé leur<br />
propos sur <strong><strong>de</strong>s</strong> exemples ou <strong><strong>de</strong>s</strong> auteurs bien<br />
précis : Umberto Eco, Tzvetan Todorov ou encore<br />
Italo Calvino, la littérature jeunesse italienne<br />
(Mariella Colin) ou l’écriture féminine italienne<br />
(Clau<strong>de</strong> Cazalé Bérard), la question <strong>de</strong> la traduction<br />
(Viviana Agostini-Ouafi)… Trois ambitions ont<br />
présidé à ce colloque : « revenir sur l’histoire <strong>de</strong> la<br />
critique littéraire au XX e siècle […] ; réfléchir à la<br />
situation présente – à la crise actuelle et aux<br />
perspectives nouvelles ; envisager les rapports<br />
franco-italiens <strong>de</strong> ce point <strong>de</strong> vue particulier qu’est<br />
le nôtre ». Certes adressés à un lectorat<br />
universitaire, ces actes <strong>de</strong> colloque n’en restent pas<br />
moins une parution accessible à tous. Un seul<br />
regret toutefois : les interventions <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
universitaires italiens n’ont pas été traduites en<br />
français dans la publication.<br />
<br />
Presses universitaires <strong>de</strong> Caen, 2007.<br />
Colloque <strong>de</strong> Cerisy. Science-fiction<br />
et imaginaires contemporains - Collectif<br />
Les actes du colloque qui s’est déroulé en 2006 au<br />
<strong>Centre</strong> culturel international <strong>de</strong> Cerisy-la-Salle avec<br />
le soutien du CRL viennent <strong>de</strong> paraître aux éditions<br />
Bragelonne. « Les étu<strong><strong>de</strong>s</strong> réunies ici veulent<br />
poursuivre la saisie <strong><strong>de</strong>s</strong> changements ou <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
évolutions dont la science-fiction, à la fois genre<br />
littéraire et registre esthétique, est le théâtre <strong>de</strong>puis<br />
les années 1980. Sur le plan interne, malgré<br />
certaines constantes, les thématiques propres <strong>de</strong> la<br />
science-fiction ont évolué, son langage s’est<br />
diversifié, <strong>de</strong> nouveaux sous-genres sont apparus.<br />
Sur le plan externe, tandis que l’imaginaire<br />
scientifique se modifiait, la science-fiction a multiplié<br />
les échanges avec les autre genres littéraires, et<br />
s’est affirmée davantage dans différentes formes<br />
d’art –notamment les arts visuels. » Des<br />
interventions d’écrivains parmi lesquels Georges-<br />
Olivier Châteaureynaud, François Coupry ou encore<br />
Elisabeth Vonarburg permettent <strong>de</strong> compléter les<br />
différentes approches <strong><strong>de</strong>s</strong> chercheurs.<br />
<br />
Editions Bragelonne, 2007.<br />
La <strong>Normandie</strong><br />
vue du ciel -<br />
Frank Mulliez et<br />
Corinne Targat<br />
Les ouvrages photographiques sur la <strong>Normandie</strong><br />
sont légion. Celui-ci publié aux éditions De Borée a<br />
le mérite <strong>de</strong> proposer une nouvelle approche : la<br />
<strong>Normandie</strong> (<strong>Basse</strong> et Haute) vue du ciel ! Celle<br />
nature, celle historique et celle <strong><strong>de</strong>s</strong> hommes. Les<br />
photographies <strong>de</strong> Frank Mulliez, collaborateur<br />
régulier du magazine Géo, renouvellent<br />
véritablement notre perception <strong><strong>de</strong>s</strong> paysages<br />
normands pourtant archi-connus : l’alignement<br />
géométrique parfait <strong><strong>de</strong>s</strong> tombes dans les<br />
cimetières militaires, les courbes généreuses <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
côtes, les merveilles architecturales (abbayes,<br />
cathédrales, châteaux), la rigueur linéaire <strong><strong>de</strong>s</strong> ports<br />
et l’agencement <strong><strong>de</strong>s</strong> villes, les fonds marins… Un<br />
très bel ouvrage servi par les textes <strong><strong>de</strong>s</strong>criptifs et<br />
explicatifs <strong>de</strong> Corinne Targat.<br />
<br />
Editions <strong>de</strong> Borée, 2007.<br />
Un jeune homme triste - Fayard<br />
Les renoncements nécessaires<br />
Deauville. Entre le casino et les plages norman<strong><strong>de</strong>s</strong>, un jeune couple se délite,<br />
dans l’été finissant. Thibault <strong>de</strong> Montaigu dit bien les tergiversations<br />
<strong>de</strong> celui qui ne veut pas grandir…<br />
Un week-end amoureux à Deauville.<br />
Presque un cliché. Emmanuel et Camille assistent, passifs,<br />
à l’usure <strong>de</strong> leur couple. La ville sonne faux, aussi<br />
faux que leur amour. Démissionnaire <strong>de</strong> sa propre vie,<br />
Emmanuel se laisse porter. Camille voudrait tout contrôler.<br />
On ne dit pas « Défaire l’amour ». Et pourtant… Même<br />
dans leurs <strong>de</strong>rnières étreintes, Camille et Emmanuel ne<br />
se rejoignent plus. Tous les moments heureux portent<br />
déjà en eux l’amertume <strong>de</strong> leurs fins. Ce week-end est<br />
une illusion, le temps d’arrêter le temps. Mais nul n’en<br />
a le pouvoir. « Le temps est bien fainéant. On le donne,<br />
on le perd, on le cherche sans cesse. » Ne pas le voir,<br />
c’est refuser <strong>de</strong> grandir. Emmanuel est encore un grand<br />
enfant, jouant <strong><strong>de</strong>s</strong> blagues puériles à <strong><strong>de</strong>s</strong> inconnus ;<br />
perdant et gagnant <strong><strong>de</strong>s</strong> sommes folles au black-jack…<br />
« L’alcool, le jeu, la gaudriole. Ces éternels allers-retours<br />
vers l’enfance. » Il faudrait plutôt terminer ce livre,<br />
prendre ren<strong>de</strong>z-vous avec cet éditeur, trouver un job…<br />
Tous ces « faudrait »….<br />
Une soirée au casino tient la place centrale dans ce roman<br />
habilement écrit. Aimer l’autre comme on joue aux<br />
jeux <strong>de</strong> hasard. On avance un premier jeton hésitant.<br />
Confiant, on mise plus gros. On perd, on recommence.<br />
On calcule, on suppute, on se rassure… Gagnant ou bredouille,<br />
c’est selon. Il faut être <strong>de</strong>ux pour avancer, gagner.<br />
Lorsque Hailey, une amie anglaise <strong>de</strong> Camille rencontrée<br />
à Deauville, le rejoint à la table <strong>de</strong> jeu, Emmanuel<br />
l’emporte…<br />
Peur <strong>de</strong> perdre, peur <strong>de</strong> gagner. D’avancer. Entre l’enfance<br />
trop dure à quitter et l’avenir fantasmé, impos-<br />
Le Musée Malraux au Havre, a accueilli jusqu’à<br />
la fin janvier <strong>de</strong> cette année une exposition consacrée<br />
à Othon Friesz (1879-1949), peintre souvent négligé.<br />
Son titre Othon Friesz, le<br />
fauve baroque nous rappelle<br />
que ce peintre, originaire du<br />
Havre, est surtout connu comme<br />
acteur <strong>de</strong> ce mouvement, le<br />
fauvisme.<br />
Un ouvrage (Gallimard, 2007)<br />
accompagnait l’exposition, il reproduit<br />
les divers moments <strong>de</strong><br />
la rétrospective proposée par<br />
le Musée Malraux. D’abord<br />
proche <strong><strong>de</strong>s</strong> continuateurs <strong>de</strong><br />
l’impressionnisme, ce peintre<br />
saute le pas et <strong>de</strong>vient une figure<br />
majeure du fauvisme. Son<br />
œuvre est alors flamboyante,<br />
dramatiquement colorée, nourrie<br />
par <strong><strong>de</strong>s</strong> séjours méditerranéens.<br />
Méditant l’œuvre <strong>de</strong> Cézanne,<br />
il revient à un souci <strong>de</strong><br />
la composition. Un séjour au<br />
Portugal le conforte dans cette<br />
voie. Après le premier conflit mondial, comme d’autres<br />
fauves, tels Derain et Vlaminck, il participe à une certaine<br />
restauration <strong>de</strong> l’académisme, dans le cadre <strong>de</strong> ce<br />
que l’on a appelé le retour à l’ordre.<br />
Les Bas-Normands découvriront dans cet ouvrage<br />
mars 2008 - livre / échange 14<br />
sible <strong>de</strong> saisir l’instant présent. « Décidément tous ces<br />
conditionnels m’allaient bien. Ils désamorçaient le présent,<br />
éludaient l’avenir. Un temps idéal pour l’enfance,<br />
la paresse, les longs étés immobiles, toutes ces choses<br />
que je me refusais encore à perdre. Ou plutôt, <strong>de</strong> ne plus<br />
jamais pouvoir perdre. » Une frontière que l’on confond<br />
avec une fêlure. Se tenant sur le bord <strong>de</strong> sa vie d’adulte,<br />
Emmanuel éprouve une sensation <strong>de</strong> vertige. Alors<br />
il négocie, marchan<strong>de</strong>, tente <strong><strong>de</strong>s</strong> compromis. Il faudrait<br />
prendre sa vie en main. Faire <strong><strong>de</strong>s</strong> choix. Prendre, renoncer.<br />
Grandir. Grand-Dire. « Les mots m’effraient. […]<br />
Et malgré tout, il faut en user, puisque c’est le seul moyen<br />
dont on dispose pour prendre possession <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong>.<br />
Dire aux autres qu’ils comptent, qu’on les aime, et<br />
déjà ce mot ne veut pas dire assez ou en dit trop, ce mot<br />
nous corrompt, alors l’on choisit <strong>de</strong> se taire. » L’enfance<br />
a quelque chose <strong>de</strong> si confortable que l’on préfère<br />
ne pas voir le malheur dans lequel on <strong>de</strong>meure englué.<br />
La lucidité viendra d’Hailey, amie anglaise. « Mais quand<br />
on songe à se séparer d’une chose, c’est qu’il faut déjà<br />
en finir. »<br />
Accepter <strong>de</strong> laisser s’en aller l’été et l’adolescence, quitter<br />
la plage <strong><strong>de</strong>s</strong> vacances et les dorures qui masquent<br />
pour laisser surgir ce qui s’impose : le temps qui passe,<br />
la vie qui va.<br />
Nathalie Colleville<br />
Un jeune homme triste, Thibault <strong>de</strong> Montaigu (Fayard, 2007)<br />
Othon Friesz le fauve baroque - Gallimard<br />
Othon Friesz, peintre méconnu<br />
qu’Othon Friesz s’est plu à peindre Falaise et Honfleur.<br />
Il séjourne à Falaise dans les années 1903-1904. Il peint<br />
le château, l’étagement <strong><strong>de</strong>s</strong> toits <strong>de</strong> cette petite ville,<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> scènes <strong>de</strong> marché, il noircit<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> carnets <strong>de</strong> croquis avec<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> figures <strong>de</strong> paysans, dans<br />
une certaine proximité avec Armand<br />
Guillaumin et Camille Pissarro,<br />
<strong>de</strong> grands aînés qui perpétuent<br />
une façon <strong>de</strong> peindre.<br />
Durant l’été 1906, Friesz est à<br />
Anvers avec Braque. Il renonce<br />
à l’impressionnisme tardif. De<br />
retour dans sa famille havraise,<br />
il peint Honfleur et la côte<br />
<strong>de</strong> Grâce. Ses toiles sont portées<br />
par une énergie vibrante,<br />
une célébration du don du<br />
mon<strong>de</strong>.<br />
Honfleur en 1951 (au musée),<br />
en 1971 (au Grenier à sel) avait<br />
présenté <strong><strong>de</strong>s</strong> œuvres <strong>de</strong> Friesz<br />
qui retrouvait ainsi son « Doux<br />
Honfleur ». Le Havre a proposé<br />
une rétrospective dont l’ouvrage<br />
cité gar<strong>de</strong> la mémoire, nous révélant un peintre attentif<br />
aux formes et aux coloris.<br />
Gérard Poulouin<br />
Othon Friesz le fauve baroque, David Butcher (Gallimard, 2007)