N° 41. Mars 2008. - Centre Régional des Lettres de Basse-Normandie

Éditeurs en basse-normandie
Urville-Nacqueville > Møtus
Vingt ans hors des sentiers battus de l’édition
La maison d’édition créée par François David s’apprête à fêter ses vingt ans.
Sa renommée dans les domaines de la littérature jeunesse
et de la poésie dépasse de loin la région.
Livre/échange : Les éditions Møtus ont
vingt ans cette année. Quel bilan dressez-vous
aujourd’hui ?
François David : Etonnamment pour
Møtus, les choses ont toujours avancé
progressivement : l’intérêt croissant et
régulier des lecteurs est pour nous à la
fois encourageant et rassurant. Bien sûr,
nous avons avancé par étapes mais en
gardant notre préoccupation artistique.
Mais Møtus fonctionne de façon atypique,
tout ici est inattendu. Les lecteurs
nous ont suivi. Les professionnels aussi.
Plus d’un livre sur deux a été réimprimé.
Et certains l’ont été à plusieurs reprises.
L/é : Votre façon de pratiquer ce
métier a-t-elle changé ?
F. D. : Nous travaillons avec une plus
grande souplesse. Nous avons plus
d’expérience mais nous sommes aussi
davantage exigeants. Nos tirages sont
plus importants aujourd’hui. Aujourd’hui,
le marketing, la pression commerciale
sont très présents dans l’édition.
À Møtus, nous ne fonctionnons
pas comme ça. Mais pour la première
fois depuis vingt, nous venons de
prendre un distributeur.
L/é : Comment a évolué le catalogue
des éditions Møtus ?
F. D. : Les premières années, nous éditions
de la poésie adulte. Au bout de
quatre ans, nous avons pris le virage de
la littérature jeunesse. Mais la poésie
reste pour nous une priorité. Møtus est
hors-circuit. Nous avons toujours privilégié
le côté littéraire et artistique et non
l’aspect commercial. Cela nous permet
de laisser une certaine liberté à l’auteur
ou de publier un coup de cœur. Seule la
qualité d’un texte, sa recherche nous importent.
Je dirais même que ce ne sont
pas les qualités humaines d’un auteur
qui priment mais celles de son texte. Par
exemple, nous travaillons avec l’illustrateur
Henri Galeron. Et lui semble nous
dire qu’il trouve à Møtus un espace de
liberté où créer des choses différentes.
Nous essayons aussi d’échapper à la
philosophie de la collection qui, selon
moi, limite la créativité, que ce soit à
propos de la présentation ou du
nombre de signes. Entrer dans une collection,
c’est entrer dans un cadre,
même éthiquement. Or un auteur ne
doit pas entrer dans un cadre, il devrait
au contraire sortir des cadres. Si un texte
nécessite tant de signes pour sa réalisation,
c’est que c’est important. L’éditeur
doit chercher à servir au mieux ce
texte.
L/é : Møtus rayonne largement audelà
de la Basse-Normandie. Expositions,
rencontres, salons : votre maison
d’édition est très souvent sollicitée.
Comment expliquez-vous ce succès ?
F. D. : À vrai dire, je n’ai pas de recettes !
Emettons une hypothèse. Aujourd’hui,
la production éditoriale tend à être de
plus en plus conforme, identique, répétée.
À Møtus, nous faisons des livres
différents, des livres hors collection.
L/é : Quelle opportunité représente le
Salon du livre de Paris pour vous ?
F. D. : C’est l’occasion pour les lecteurs,
les professionnels de venir nous voir
directement. Les salons sont toujours
des lieux, des temps importants pour
nous : non seulement en termes de vente,
mais aussi pour nous faire connaître.
Nous avons des retombées impalpables
et visibles à la fois en fait.
L/é : Editeur en région, est-ce un
handicap ?
F. D. : On pourrait penser que c’est un
handicap irrémédiable, mais pas du
tout ! Face à un certain parisianisme,
c’est seulement parfois contraignant
en termes de logistique, de déplacements
! Etre un petit éditeur, c’est une
très grande difficulté. Etre un éditeur
jeunesse, c’est multiplier les difficultés
! Un livre jeunesse coûte bien plus
cher. Nous utilisons la quadrichromie,
du beau papier. Et pourtant, il coûte
souvent moins cher pour le lecteur.
Je pense que si l’on voit tant de petits
éditeurs disparaître, c’est notamment à
cause des retours. Aujourd’hui, nous prenons
un distributeur, c’est nouveau pour
nous et nous sommes dans l’inquiétude.
Jusqu’à présent, nous avions 1 % de
retour. On espère que les libraires n’en
feront pas plus… Toutefois, nous continuons
à assurer la diffusion nous-mêmes.
Les lecteurs peuvent commander nos
livres chez n’importe quel libraire.
L/é : Vous êtes vous-même auteur.
Est-ce que cela modifie votre façon
d’éditer ?
F. D. : La démarche n’est pas si différente.
J’espère écrire des livres sans concessions.
Parfois, je modifie, je jette.
Constamment dans le travail d’écriture,
je suis dans l’exigence, le doute. Finalement,
c’est la même chose pour l’édition.
Domaines : Littérature jeunesse et poésie
Nombre de titres au catalogue : 100
Année de création : 1988
Adresse : Landemer, 50460 Urville-Nacqueville
Téléphone : 02 33 03 55 38
Site : www.editions-motus.com
Des mots à suçoter…
L’édition de livres-objets est l’autre savoir-faire de Møtus.
Les Bonbons-Mots d’Aline Pires sont l’un des derniers parus.
Présentés telles des friandises dans un sachet, ce sont des « petits
poèmes à suçoter pour déguster le titre caché », avec 0 % de matière
grasse contre 100 % de matière grise ! Dix douceurs emballées
comme des sucres d’orge qui sont en réalité des énigmes aux
définitions alléchantes ! « Au matin, brune vagabonde, tu t’en vas,
fuyant mes bras ouverts, promener tout autour du monde tes boucles
de réglisse et les reflets de ta robe prune. » Qui est-ce ? La nuit bien
sûr ! Des sucreries à partager entre petits et grands et un cadeau
gourmand et poétique à offrir.
mars 2008 - livre / échange VII I
Les Bonbons-Mots, Aline Pires (Møtus, 2007)
« ÉDITER, C’EST CHOISIR
ENTRE TOUS LES CHAMPS DES
POSSIBLES. FRAYER DES VOIES,
PRENDRE DES RISQUES.
C’EST ÊTRE CURIEUX,
ALLER CHERCHER. »
FRANÇOIS DAVID