N° 41. Mars 2008. - Centre Régional des Lettres de Basse-Normandie

Éditeurs en basse-normandie
Caen > Editions Nous
Lecteur, auteur et éditeur
Les éditions Nous créées par Benoît Casas
lancent une nouvelle collection dite « Antiphilosophique collection ».
Livre/échange : Une collection antiphilosophique chez
un éditeur de philosophie ! Quelle est l’ambition de
cette nouvelle collection ?
Benoît Casas : « Antiphilosophie » ne s’oppose pas frontalement
à « philosophie ». Le nom même suppose une
distance à la philosophie, mais cette distance n’est pas
une donnée, c’est une conquête. L’antiphilosophie, au
moins depuis Lacan, se fonde d’une traversée d’un certain
corpus philosophique. Il n’est sans doute pas pour
rien que le philosophe majeur de notre temps, Alain
Badiou, ait eu pour maître Lacan et soit un grand lecteur
de poésie. Alors pourquoi le « anti » ? : parce que le philosophe
d’académie passe son temps à céder sur le désir
et le langage. Il n’est jamais ce qu’il écrit et il écrit dans
une langue morte. L’ambition de l’ « Antiphilosophique
Collection » : des textes où l’enjeu théorique est indissociable
de la singularité de la langue (& vice-versa).
L/é : Tour de force que ces trois premiers titres puisque
chacun des trois auteurs y poursuit un projet très personnel.
En quoi ont-ils chacun leur place dans une même
collection ? Qu’est-ce qui les rapproche ?
B. C. : Le rapport entre Mehdi, Jacques Jouet and myself ?
La volonté affirmative. La rupture avec la posture dépressive.
Le souci inventif (qu’il soit conceptuel, langagier,
formel) et exploratoire.
L/é : Diagonale que vous signez dans cette nouvelle
collection s’inscrit dans un projet plus vaste : le traitement
en écriture d’une année de lecture. Pouvez-vous
nous en dire un peu plus ?
B. C. : Je suis engagé dans un très vaste projet d’écriture
qu’on pourrait finalement décrire comme une « autobiographie
en poésie ». J’écris un livre par an. Chacune
de ces « séquences-livres » est écrite à partir d’un corpus
défini de lectures. Des milliers de phrases prélevées
et associées constituent une sorte de tissu langagier
dans lequel je travaille par soustraction (blanchiment)
Livre/échange : Les Presses universitaires de Caen fonctionnent
étroitement avec les composantes, les services
de l’Université. Comment construisez-vous le catalogue
des PUC ?
C. J. : Les Presses universitaires de Caen (PUC) ont pour
mission d’éditer et de diffuser des ouvrages directement
liés aux missions d’enseignement, de recherche et de
partage des savoirs de l’Université de Caen dont elles
sont un service commun. Elles peuvent donc publier aussi
bien des actes de colloques, souvent très spécialisés,
que des ouvrages de vulgarisation ou des instruments
de travail. Selon la nature de la publication, ses lecteurs
appartiendront à une communauté relativement étroite
– même si elle est internationale ! – de chercheurs ou à
un public beaucoup plus large, mais nécessairement
curieux ou aimant apprendre… La mission de service
public des PUC leur impose aussi de se situer sur un
terrain complémentaire, et non concurrentiel, à l’édition
privée et, donc, de prendre en charge des publications
à plus hauts risques en termes de rentabilité économique,
mais dont la parution est cependant indispensable
à l’actualité de la recherche.
L/é : À quels lecteurs s’adressent les ouvrages des PUC ?
C. J. : Les publications des PUC, en très grande majorité,
résultent des activités de recherche conduites à l’Université
de Caen. Le catalogue est donc directement tri-
et conjonction. J’écris avec les yeux. Avec excitation.
L’époque demande (ou plutôt -marchande et abrutie- ne se
demande pas assez) : Comment écrire un livre en plus ?
Ma réponse : par compression, incorporation et subtilisation
de la bibliothèque. La procédure impersonnelle est au
service de l’expression d’une subjectivité et d’une pensée.
« FAIRE EXISTER DES LIVRES,
SE BATTRE POUR QUE CERTAINS LIVRES
PUISSENT ENCORE EXISTER.
FAIRE EN SORTE QUE DES TEXTES
DEVIENNENT DES OBJETS
PARTAGEABLES : S’OFFRENT À DES YEUX,
DES MAINS, DÉLIENT DES
LANGUES, SUSCITENT DES DÉSIRS,
FOMENTENT DES INSOUMISSIONS.
AIDENT À VIVRE EN VÉRITÉ. »
BENOÎT CASAS
Caen > Presses universitaires de Caen
Un éditeur sur les bancs de la fac
Catherine Jacquemard, directrice des PUC, nous présente leur catalogue.
Domaines : Philosophie et poésie
Nombre de titres au catalogue : 16
Année de création : 1999
Adresse : Chemin de Fleury, 14000 CAEN
Téléphone : 02 31 98 80 88
Site : www.editions-nous.com
butaire des programmes contractuels, qui sont passés
entre l’Université et l’Etat et qui définissent, tous les
quatre ans, les thématiques de recherche à retenir. Ces
choix stratégiques sont adoptés après un bilan des
résultats antérieurs, une évaluation des ressources humaines
et matérielles à disposition et une analyse prospective.
Dans ces conditions – et le système devient de
plus en plus contraignant ! – les PUC ont choisi de
construire des collections « typologiques » qui rendent
compte de la nature du travail universitaire en amont de
chaque ouvrage : actes de colloque, ouvrages issus de
thèses… et du niveau d’expertise scientifique qui a
autorisé la publication. À l’intérieur de ce cadre, nous
insérons des séries qui sont, elles, thématiques et plus
parlantes au public : études normandes, série nordique,
série irlandaise, philosophie, lettres…
Domaines : Sciences humaines et sociales,
biologie-médecine, botanique
Nombre de titres au catalogue : 610
Domaines : psychologies
Nombre de titres au catalogue : 10
Année de création : 1984
Année de création : 2005
Adresse : Université de Caen / MRSH
Adresse : La Gouberdière
14032 CAEN
14710 SAINT-MARTIN-DE-BLAGNY
Téléphone : 02 31 56 62 20
Téléphone : 01 42 22 42 87
Site : www.unicaen.fr/puc
Site : www.mjw-fedition.com
mars 2008 - livre / échange VI
Caen > MJW Fédition
Premières
impressions
Mareike Wolf-Fedida responsable
de MJW Fédition revient sur ses
premiers pas en tant qu’éditrice.
Livre/échange : Vous êtes l’une des dernières maisons
d’édition nées en Basse-Normandie. Qu’estce
qui vous a donné envie de franchir le pas ?
Mareike Wolf-Fedida. : Je suis une « Normande
d’adoption », il fait bon vivre en Normandie. C’est
paisible, les Normands ne sont pas nerveux – idéal
pour un travail méditatif. L’existence du Château
de Cerisy-la-Salle a déjà donné la réputation à la
Normandie de haut lieu intellectuel à l’échelle internationale.
J’ai été en poste à l’Université de Caen
et je connais ainsi cette ville dynamique. – J’ai franchi
le pas pour l’indépendance d’écrire et de publier
sans dépendre d’un éditeur. Je connaissais
déjà bien le secteur de l’édition en ayant travaillé
comme secrétaire de rédaction pendant douze ans.
Puis, comme on dit : « On n’est jamais aussi bien
servi que par soi-même ». Enfin, en Normandie, il
y a la place, donc pas de souci de stockage.
L/é : Votre catalogue est très spécialisé : psychologie,
psychanalyse, sociologie… Mais vous
publiez également des romans. À qui s’adressent
vos ouvrages ?
M. W.-F. : Nos ouvrages s’adressent à des publics
différents, lecteurs grand public, spécialistes et
des lecteurs curieux de découvrir la psychologie.
Mais ils ont tous en commun de s’intéresser à la
psychologie pour une raison ou une autre (personnelle
ou en formation). Nous cherchons également
à rompre avec le préjugé que la psychologie
est incompréhensible. Les romans illustrent la théorie
de manière agréable à travers la vie en commun.
On peut les lire à des niveaux différents et
apprendre sur la relation à deux. Il ne faudra pas
oublier que la psychologie a pour l’objet l’homme
et sa capacité de relation avec les autres et avec
soi-même. C’est un sujet qui peut prendre des tournures
drolatique ou dramatique.
L/é : Après ces premiers mois d’existence, quel
bilan dressez-vous ?
M. W.-F. : Cela fait deux ans que nous existons et
nous ne le regrettons pas. On dit qu’il faut trois ans
pour savoir si l’entreprise est viable. Je peux confirmer
ce dicton. C’est à la troisième année que nous
nous développons vraiment. C’est un secteur où la
réputation et l’image de la marque jouent un rôle important.
Désormais, c’est un pari gagné. Des spécialistes
réputés commencent à nous confier l’édition
de leur livre, celui auquel ils tiennent
particulièrement. Ils ont été convaincus par l’ouverture
sur un public plus large à travers une maison
d’édition qui se voue spécialement à ce domaine.
« “ÊTRE ÉDITEUR” » SIGNIFIE BEAUCOUP
DE CHOSES POUR MOI. C’EST AUSSI UNE
PRISE DE POSITION À LA FOIS POLITIQUE
ET ÉTHIQUE, CAR IL FAUT TOUT LE TEMPS
RÉFLÉCHIR SUR L’UTILITÉ ET LES
CONSÉQUENCES D’UNE PUBLICATION. »
MAREIKE WOLF-FEDIDA