30.06.2013 Views

Travail complet au format pdf - Gymnase Auguste Piccard

Travail complet au format pdf - Gymnase Auguste Piccard

Travail complet au format pdf - Gymnase Auguste Piccard

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Le voile, une prison ?<br />

Le voile, entre choix et obligations ou comment la<br />

représentation sociale du voile influence le positionnement des<br />

femmes musulmanes immigrées en France<br />

Mahdia, Tunisie. Été 2007<br />

<strong>Travail</strong> de maturité de Leila Chakroun, 3m1<br />

Sous la direction de B. Bucher-Mayor<br />

<strong>Gymnase</strong> <strong>Auguste</strong> <strong>Piccard</strong><br />

Novembre 2007


Le voile, une prison ? , <strong>Travail</strong> de maturité 2008 Leila Chakroun 3m1<br />

Table des matières<br />

1. Introduction.................................................................................................... 3<br />

2. Contexte ou comment le voile est apparu en France..................................... 5<br />

2.1. C<strong>au</strong>ses principales de l’immigration musulmane du Maghreb............. 5<br />

2.2. Conséquences de l’immigration.............................................................. 5<br />

3. Définitions....................................................................................................... 6<br />

3.1. Les termes-clés ........................................................................................ 6<br />

3.2. Les différentes formes que peut revêtir le voile ..................................... 9<br />

4. Histoire et origine du port du voile .............................................................. 10<br />

4.1. Le voile du temps de Mahomet............................................................. 10<br />

4.2. Citations dans le Coran et interprétations........................................... 12<br />

5. Raisons pour lesquelles elles portent le voile en France.............................. 13<br />

5.1. Les trois significations du voile français .............................................. 13<br />

6. Comparaison entre le vécu des femmes musulmanes en France voilées et<br />

non voilées............................................................................................................. 16<br />

6.1. De celles qui sont voilées, témoignages et commentaires..................... 16<br />

6.2. De celles qui ne sont pas voilées, témoignages et commentaires.......... 17<br />

7. Regard du pays d’accueil ............................................................................. 19<br />

7.1. Points princip<strong>au</strong>x du débat public ....................................................... 19<br />

7.2. Représentation sociale du voile et préjugés ......................................... 22<br />

7.3. Une analyse possible : le point de vue psychanalytique....................... 25<br />

8. Comparaison entre la façon dont la femme se perçoit et celle dont elle est<br />

perçue par la société............................................................................................. 27<br />

9. Conclusion..................................................................................................... 28<br />

10. Bibliographie............................................................................................. 29<br />

10.1. Livres................................................................................................. 29<br />

10.2. Articles............................................................................................... 30<br />

11. Remerciements.......................................................................................... 31<br />

2


Le voile, une prison ? , <strong>Travail</strong> de maturité 2008 Leila Chakroun 3m1<br />

1. Introduction<br />

Mon TM porte sur certaines questions que soulève le voile islamique, lorsque les<br />

femmes le portent dans des pays de confession non musulmane.<br />

Les raisons qui m’ont motivées à faire mon TM sur le voile islamique sont,<br />

premièrement, le lien particulier que j’ai avec ce sujet du fait qu’il a des implications<br />

dans un des pays dont je suis originaire.<br />

Ce sujet m’intéresse également depuis que ma mère est revenue d’Iran et m’a<br />

expliquée que la police l’avait attrapée et obligée à changer de vêtements (elle portait<br />

une jupe). On lui a demandé de cacher son corps à l’exception des mains et du<br />

visage. Je me suis alors demandé comment un pays osait imposer ses coutumes <strong>au</strong>x<br />

touristes alors que l’Occident doit à leurs yeux leur permettre de garder leur voile.<br />

Quelle est donc leur logique ?<br />

En tant que femme, il me révolte car je pensais qu’il n’était qu’un motif de plus pour<br />

soumettre la femme et la rendre inférieure <strong>au</strong>x hommes. Pour moi, il allait à<br />

l’encontre de la liberté individuelle de la femme (je me permets de parler <strong>au</strong> passé<br />

car mon avis est maintenant modéré, grâce <strong>au</strong>x nombreux ouvrages que j’ai pu lire).<br />

Sur un <strong>au</strong>tre plan, comme je ne suis pas croyante, le fait que des femmes exécutent<br />

les obligations d’un soi-disant Dieu, n’ayant à mon avis <strong>au</strong>cune valeur réelle,<br />

m’horripile, car il me fait prendre conscience de l’immense liberté que je possède et<br />

à laquelle elles (ou plus généralement, les croyants) renoncent par amour pour leur<br />

Dieu. Cela m’a donné envie de les comprendre et de savoir ce qu’elles vivent <strong>au</strong><br />

quotidien.<br />

Après mûres réflexions, je décide, non pas de me baser sur le problème qu’il pose<br />

dans les écoles suisses, mon idée de départ, mais sur le débat qu’il a suscité et suscite<br />

toujours en France. Et ceci parce que la documentation sur les problèmes qu’a posé<br />

le port du voile dans ce pays est nettement plus abondante que celle écrite sur ce<br />

sujet en Suisse. De plus, en me basant sur la situation en Suisse, je n’<strong>au</strong>rais eu que<br />

peu, voire pas du tout à parler de la Tunisie, un de mes pays d’origine, vu que la<br />

grande majorité des musulmans immigrés en Suisse est originaire des Balkans.<br />

Plus concrètement, en commençant à me documenter sur le sujet à travers des<br />

articles de journ<strong>au</strong>x, des témoignages de femmes, des livres,… je découvre que le<br />

sujet sur lequel je comptais faire mon TM, la laïcité française et sa répercussion sur<br />

les jeunes musulmanes scolarisées, est un sujet <strong>au</strong>ssi bien politique que<br />

3


Le voile, une prison ? , <strong>Travail</strong> de maturité 2008 Leila Chakroun 3m1<br />

psychologique. Je vais donc centrer la problématique sur la vie et le vécu de ces<br />

femmes voilées, plutôt que sur le conflit entre elles et l’état.<br />

Mais comment vit-on, lorsqu’en tant qu’immigrée, on côtoie ces préjugés<br />

quotidiennement ? Contribuent-ils à l’exclusion, à la marginalisation et à la<br />

stigmatisation de ces femmes? Comment se reconstruire une identité ou ne pas la<br />

perdre du moins, lorsqu’on a immigré et que le pays qui accueille ne considère pas<br />

chacune des personnes immigrées comme individu unique mais uniquement comme<br />

un des membres d’un groupe, groupe qui a en plus le malheur d’être couvert de<br />

préjugés, d’a priori (dans le cas des immigrés d’origine arabo-musulmane)?<br />

Comment sortir de cet étiquetage, cette stigmatisation ? La laïcité française et<br />

l’interdiction de porter le voile dans les écoles qui en découlent aide-t-il à<br />

l’émancipation de la femme musulmane (comme le prétend la France) ou est-il <strong>au</strong><br />

contraire une interdiction de plus ou de trop qui fait office de frein à son<br />

émancipation ? Quelles ont été leurs réactions face à cette loi ?<br />

C’est à ce genre de questions que j’essaierai de répondre par la suite, pour arriver<br />

ensuite à une réponse (ou du moins une éb<strong>au</strong>che de réponse) à ma question<br />

principale. J’arrive ainsi à ma problématique finale : «Quelle influence la<br />

représentation sociale du voile a-t-elle sur le positionnement des femmes<br />

musulmanes immigrées en France ?».<br />

Par ailleurs, lors de mon séjour en Tunisie, je découvre un pays musulman « libre » :<br />

les femmes ont le choix de porter le voile comme de ne pas le porter, du moins <strong>au</strong>x<br />

yeux de la loi. Je décide alors d’interroger quelques femmes de là-bas afin d’enrichir<br />

mes connaissances. Je l’ai fait sans prétention <strong>au</strong>cune et dans l’unique but de les<br />

connaître un peu mieux.<br />

Je souhaite encore souligner que les avis sur le sujet ne sont, on ne peut plus<br />

abondants et chacun d’eux est très différent des <strong>au</strong>tres. Faire un résumé de tous ces<br />

différentes façons d’appréhender le voile est, si j’ose l’expression, « mission<br />

impossible ». L’étendue de ce sujet est immense parce qu’il a des répercutions dans<br />

de nombreux domaines. Mon choix s’est donc porter sur les avis que j’ai trouvés les<br />

plus intéressants et les plus significatifs. J’espère que, malgré ces quelques<br />

délimitations, mon TM restera représentatif d’une certaine réalité et qu’il gardera sa<br />

validité.<br />

4


Le voile, une prison ? , <strong>Travail</strong> de maturité 2008 Leila Chakroun 3m1<br />

2. Contexte ou comment le voile est apparu en France<br />

2.1. C<strong>au</strong>ses principales de l’immigration musulmane du Maghreb<br />

A l’époque des croisades, l’Orient représente pour les Francs, un objet de fascination.<br />

C’est d’ailleurs des textes de l’Islam que les intellectuels occident<strong>au</strong>x s’inspirent.<br />

Mais <strong>au</strong> 18 ème siècle la situation s’inverse : suite <strong>au</strong> développement scientifique de<br />

l’Europe, les Turcs, entre <strong>au</strong>tres, envoient une élite étudier en France.<br />

Au 20 ème siècle, l’Europe est détruite par les deux guerres mondiales et sa<br />

reconstruction crée un grand nombre d’emplois. S’ajoute à cela, le fait que la France<br />

soit en essor économique grâce <strong>au</strong>x progrès qu’amène la révolution industrielle.<br />

La demande croissante de main-d’œuvre va alors déclencher des vagues migratoires<br />

dans le Maghreb et en Turquie. Cette immigration, d’abord temporaire et <strong>au</strong> but<br />

exclusivement économique, va peu à peu se transformer en une immigration de<br />

peuplement. Ce phénomène implique le séjour définitif des immigrés dans le pays<br />

d’accueil. L’homme en quête de travail va alors émigrer, emmenant avec lui sa<br />

femme et ses enfants.<br />

2.2. Conséquences de l’immigration<br />

Si les travailleurs amènent d’abord leur force de travail, ils arrivent <strong>au</strong>ssi avec leur<br />

culture, leurs habitudes, leur religion, etc. Les mouvements migratoires antérieurs<br />

provenaient des pays du sud de l’Europe, qui eux, pratiquaient <strong>au</strong>ssi, pour la majeure<br />

partie, la religion chrétienne. Les immigrés de la seconde partie du 20 ème siècle, <strong>au</strong><br />

contraire, sont de plus en plus nombreux à être de confession musulmane.<br />

L’immigration n’étant <strong>au</strong> départ que temporaire, les travailleurs nord-africains ne<br />

pensent pas à revendiquer des lieux de cultes et encore moins à réclamer le foulard<br />

pour leurs femmes qu’ils ont d’ailleurs laissées <strong>au</strong> pays. Mais, en s’installant<br />

définitivement en France, les populations immigrées vont vouloir recréer leur habitat<br />

d’origine et pratiquer leur religion. Cette rencontre entre deux religions différentes<br />

peut être très enrichissante car elle permet de découvrir d’<strong>au</strong>tres manières de faire et<br />

de penser. Cependant, elle peut devenir problématique car certaines valeurs ne sont<br />

pas les mêmes. Par exemple, le code de la famille véhiculé par les pays musulmans<br />

favorise le patriarcat, alors que celui des pays occident<strong>au</strong>x insistent (du moins<br />

5


Le voile, une prison ? , <strong>Travail</strong> de maturité 2008 Leila Chakroun 3m1<br />

théoriquement, dans la loi) sur l’égalité entre homme et femme. Dans ces pays, on ne<br />

considère pas la femme comme personne majeure à part entière, elle a nettement<br />

moins de droits, a plus d’interdits et de contraintes et doit passer par un intermédiaire<br />

pour la prise de décisions importantes (telle que le divorce).<br />

Grâce à certains dirigeants d’Etat et <strong>au</strong> mécontentement du peuple face à<br />

l’interdiction faite <strong>au</strong>x femmes de s’exprimer dans l’espace public, le statut des<br />

femmes s’améliore peu à peu. Dans la plupart des cas, on a écouté ce qu’elles avaient<br />

à dire et elles regagnent à présent lentement leur liberté perdue (j’utilise cette<br />

expression rousse<strong>au</strong>iste, car je pars du principe qu’à la base tout humain naît libre).<br />

Les immigrés sont donc inévitablement confrontés à la culture du pays d’accueil,<br />

incluant entre <strong>au</strong>tres, un style vestimentaire typique. Ainsi, la femme musulmane,<br />

très souvent voilée comme la plupart des femmes de son pays, arrive dans un pays où<br />

il est quasi inexistant, car il n’est pas (ou plus) inscrit dans les moeurs. De cette<br />

différence vestimentaire découle de nombreux débats publics sur des sujets tels que<br />

la cohabitation de plusieurs religions, l’imposition de contraintes religieuses dans des<br />

lieux partagés comme l’école publique, la laïcité et la loi de 1905, la réelle<br />

signification du port du voile et son lien avec la religion musulmane, ses<br />

répercussions sur le vécu des femmes qui le portent et celles sur la société d’accueil,<br />

l’égalité entre l’homme et la femme, la diabolisation de l’Islam, etc.<br />

3. Définitions<br />

3.1. Les termes-clés<br />

3.1.1. Maghreb<br />

Ce mot d’origine arabe désigne « la région où le soleil se couche » par opposition <strong>au</strong><br />

Machrek, « le Levant ». Il englobe trois pays de l’Afrique septentrionale : le Maroc,<br />

l’Algérie et la Tunisie.<br />

3.1.2. Islam<br />

Ce mot est construit à partir de la racine arabe salam, « paix » et signifie<br />

« soumission à Dieu (Allah) » car celle-ci apporterait la paix intérieure.<br />

6


Le voile, une prison ? , <strong>Travail</strong> de maturité 2008 Leila Chakroun 3m1<br />

Les adeptes de cette religion (les musulmans) suivent et obéissent <strong>au</strong>x lois écrites<br />

dans le Coran, leur livre sacré.<br />

3.1.3. Migration<br />

« Déplacement de populations qui passent d’un pays dans un <strong>au</strong>tre pour s’y<br />

établir. » 1<br />

3.1.4. Identité<br />

Selon le Petit Larousse (1973), l’identité est « l’ensemble des circonstances qui font<br />

qu’une personne est bien telle personne déterminée ».<br />

En psychologie, on distingue trois types d’identité, toutes trois en interaction et<br />

s’influençant mutuellement. On peut définir :<br />

• L’identité personnelle par la façon dont le sujet se perçoit subjectivement.<br />

Elle englobe la conscience et la représentation qu’il a de lui-même.<br />

• L’identité sociale par le fait qu’elle se réfère <strong>au</strong> statut du sujet (sexe, âge,<br />

profession, rôle social, etc.). Elle a donc une valeur plus objective.<br />

• L’identité culturelle par les valeurs que le sujet partage avec sa commun<strong>au</strong>té.<br />

Elle fait référence à des représentations et à des pratiques collectives.<br />

L’identité se construit, évolue, se structure. Elle est toujours en mouvance et ne peut<br />

être considérée comme un produit fini.<br />

3.1.5. Culture<br />

Ce terme est difficile à définir et à délimiter car le concept de culture renvoie à<br />

plusieurs significations.<br />

Le Petit Larousse (1973) définit la culture comme étant « l’ensemble des structures<br />

sociales, religieuses,… des manifestations intellectuelles, artistiques,… qui<br />

caractérisent une société ».<br />

Cependant, cette notion prend des sens différents suivant la discipline qui l’emploie.<br />

Dans ce travail, elle sera utilisée selon l’approche psychosociologique.<br />

On peut donc reprendre les définitions qu’en font les sociologues M. Mead et P.<br />

Foulquié. Ils la définissent respectivement comme étant :<br />

« l’ensemble des formes acquises de comportement d’un groupe<br />

d’individus, unis par une tradition commune, qu’ils transmettent à leurs<br />

1 Le Petit Robert (2002)<br />

7


Le voile, une prison ? , <strong>Travail</strong> de maturité 2008 Leila Chakroun 3m1<br />

enfants et, en partie, <strong>au</strong>x immigrants adultes qui viennent s’incorporer à ce<br />

groupe »,<br />

ainsi que comme étant le concept comportant<br />

« les manières collectives de penser et de sentir, l’ensemble de coutumes,<br />

d’institutions et d’œuvres qui, dans un milieu donné, sont à la fois l’effet<br />

et le moyen de la culture personnelle de ceux qui appartiennent à ce<br />

milieu ».<br />

On peut ainsi se rendre compte de la singularité de chaque culture et par<br />

conséquent observer que leur rencontre peut être à la fois enrichissante et<br />

problématique.<br />

Dans le meilleur des cas, cette confrontation fait prendre conscience à l’individu de<br />

l’arbitraire, du coté construit et non naturel de la culture ainsi que de la relativité de<br />

ses valeurs.<br />

Il s’ensuit, soit une remise en question de la culture d’origine, qui va apprendre à<br />

l’individu en question à être plus tolérant face <strong>au</strong>x différences d’<strong>au</strong>trui, soit une<br />

déstabilisation s’il n’y était pas préparé qui va alors le conduire à dévaloriser l’<strong>au</strong>tre<br />

culture, car elle fait peur. Plus fréquemment, <strong>au</strong> contact d’une culture étrangère se<br />

produit un phénomène d’acculturation, consistant à assimiler tout ou une partie des<br />

valeurs de la culture à laquelle l’individu (le plus souvent un migrant) est confrontée.<br />

Le processus d’acculturation se fait (sur le migrant) par le biais des individus de la<br />

« culture d’accueil », tous porteurs des traits et des caractéristiques de cette dernière.<br />

Redfield, Linton et Herskovits, chercheurs spécialisés dans l’interpénétration de<br />

cultures, l’ont définit en 1936 comme étant :<br />

« [un]ensemble de phénomènes résultant d’un contact continu et direct<br />

entre groupes d’individus appartenant à des différentes cultures, et<br />

aboutissant à des trans<strong>format</strong>ions affectant les modèles culturels origin<strong>au</strong>x<br />

de l’un ou des deux groupes ».<br />

Pour le sujet qui m’intéresse, le terme de culture est essentiel à définir car la source<br />

du problème d’intégration de la femme musulmane réside d’une part dans la<br />

différence entre les cultures musulmanes et occidentales et dans la différence<br />

d’ « exigences normatives » de chacune des deux cultures et d’<strong>au</strong>tre part dans la<br />

difficulté à reconnaître la différence entre ces dernières. En effet, « ce qui fait la<br />

spécificité de chaque culture, ce sont les modèles sur lesquels elle repose et les<br />

8


Le voile, une prison ? , <strong>Travail</strong> de maturité 2008 Leila Chakroun 3m1<br />

degrés d’exigence quant <strong>au</strong> respect de ces modèles » 2 . Le degré de respect varie en<br />

fonction du lieu ; hors du pays d’origine, la culture dans laquelle on a vécu et ses<br />

spécificités ressortent. On s’accroche <strong>au</strong>x habitudes, traditions, coutumes qui lui sont<br />

rattachées.<br />

Dans cette situation d’acculturation, la femme doit réussir à gérer les tensions entre<br />

les valeurs familiales d’origine et les valeurs occidentales. Elle va devoir associer <strong>au</strong><br />

mieux les deux cultures <strong>au</strong>xquelles elle est rattachée afin d’arriver à « un mélange »<br />

plus ou moins cohérent, lui permettant de définir son identité.<br />

3.1.6. Représentation sociale<br />

Elle est décrite dans Le Grand Dictionnaire de la Psychologie (Larousse, 1999)<br />

comme étant :<br />

«[une] façon de voir localement et momentanément partagée <strong>au</strong> sein d’une<br />

culture, qui permet de s’assurer l’appropriation cognitive d’un aspect du<br />

monde et de guider l’action à son propos».<br />

Autrement dit, c’est la compréhension partagée d’un phénomène social. Par<br />

l’éducation, les institutions et l’environnement, on apprend comment est construit et<br />

organisé le monde dans lequel on vit et quelles sont ses caractéristiques. On<br />

considère alors ces données comme étant vraies, universelles et naturelles, alors<br />

qu’<strong>au</strong> contraire, elles ne sont que des « faits de culture » et sont toutes relatives. On<br />

a tendance à les confondre avec la vérité même du monde.<br />

3.2. Les différentes formes que peut revêtir le voile<br />

Il y a en terre d’Islam (Iran, Turquie, Pakistan, Inde, Afghanistan, Sinaï, Arabie<br />

Saoudite, Algérie, Tunisie, Maroc,…) une quinzaine de voiles différents, tous<br />

regroupés sous le terme de « voile islamique ». Les principales différences parmi ces<br />

voiles résident dans ce qu’ils cherchent à couvrir et/ou à cacher du regard extérieur.<br />

Certains doivent recouvrir la totalité du corps (Abaya, dans les pays du Golfe,<br />

Burqua et Chatri/Tchatri, en Afghanistan), certains <strong>au</strong>torisent que l’on découvre<br />

2 GAYMARD, Sandrine. La négociation interculturelle chez les filles franco-maghrébines, Paris :<br />

L’Harmattan, 2003.<br />

9


Le voile, une prison ? , <strong>Travail</strong> de maturité 2008 Leila Chakroun 3m1<br />

uniquement les yeux (Burga, en Inde) alors que d’<strong>au</strong>tres ne consistent qu’en une<br />

voilette devant le visage (Nigab ; il est porté presque partout en terre musulmane,<br />

mais change de noms suivant les régions). Si on trouve tant de variétés de voile, c’est<br />

principalement pour deux raisons. Premièrement, le voile avant la venue du prophète<br />

était une simple coutume populaire et il n’y avait donc ni exigences, ni contraintes<br />

liées à ce dernier. C’est pourquoi on peut trouver <strong>au</strong>jourd’hui différents modèles,<br />

selon l’usage <strong>au</strong>quel il était destiné et suivant le pays dans lequel il était porté.<br />

Deuxièmement, après Mahomet, bien qu’on puisse à présent se référer <strong>au</strong> Coran,<br />

livre sacré régissant la vie de tout musulman, savoir quel type de voile porter reste<br />

problématique. Tout d’abord parce que la compréhension du Coran est difficile (il y<br />

a plusieurs interprétations possibles), mais <strong>au</strong>ssi, parce qu’il n’indique pas clairement<br />

les dimensions que doit prendre le voile.<br />

Au Maghreb, la région étudiée dans ce travail, il y a trois types de voile. Le premier<br />

est un costume marocain qui consiste en une robe large à capuche (Djellaba). Le<br />

second n’est constitué que d’une longue étoffe (Haïk), on le trouve en Algérie. Le<br />

troisième, Safsari, est un voile traditionnel tunisien, couvrant le corps et la tête. Le<br />

Hidjab/Hijab est un voile plus symbolique et plus universel. C’est sous ce terme que<br />

le voile est le plus souvent désigné dans le Coran. Il vient d’un verbe signifiant<br />

« dérober <strong>au</strong>x regards » et on peut en sachant cela deviner son but, cacher et/ou<br />

protéger. C’est par ce mot que sont, à présent, désignés foulards, fichus et <strong>au</strong>tres<br />

tenues musulmanes. Lorsque l’on parle du voile islamique, c’est le plus souvent à ce<br />

voile que l’on fait référence.<br />

4. Histoire et origine du port du voile<br />

4.1. Le voile du temps de Mahomet<br />

Le voile, a bel et bien été cité dans le Coran. Le problème est à présent de savoir à<br />

qui s’adressent les sourates qui en parlent, de quelle époque son port date, dans quel<br />

but il a été recommandé et si c’est une obligation ferme ou une invitation.<br />

Le port du voile est en fait une mode pré-islamique, comparable à la cape<br />

occidentale : ce sont tous deux des vêtements qui permettent de garder l’anonymat et<br />

qui protègent des intempéries (l’effet néfaste soit des grands froids, soit dans notre<br />

cas des grandes chaleurs). Par exemple, les hommes du désert (tels que le peuple<br />

Touareg) se voilent le visage contre les tempêtes de sable.<br />

10


Le voile, une prison ? , <strong>Travail</strong> de maturité 2008 Leila Chakroun 3m1<br />

A l’époque, les femmes mettaient sur leurs cheveux un khimar, un kinâa ou un rida.<br />

Tous trois font partie des vêtements traditionnels portés en péninsule Arabique, mais<br />

ne sont pas spécifiquement islamiques. Le jilbab (mante en français) est lui un<br />

vêtement large, ressemblant à une toge ; les femmes l’utilisaient pour sortir le soir. Il<br />

y a eu plusieurs formes de voiles, car il a subi, à l’instar d’<strong>au</strong>tres vêtements féminins,<br />

des évolutions selon les régions : noir et léger <strong>au</strong> Moyen-Orient, écharpe en Asie et<br />

blanc et épais <strong>au</strong> Maghreb.<br />

A l’époque de Mahomet, la prostitution féminine (admise de ce temps) et le<br />

libertinage de certains hommes a contribué à la création de tensions entre les deux<br />

sexes. Ainsi, l’Islam, religion qui est selon les dires et les écrits, pour la décence, la<br />

pudeur et la délicatesse de sentiments, s’offense de telles pratiques et essaie par le<br />

voilement de différencier ses adeptes, des païens/païennes (les hommes se voilaient<br />

également, <strong>au</strong> moyen du rida).<br />

Ainsi, les femmes voilées jouaient le rôle des représentantes de la nouvelle société<br />

musulmane, et les <strong>au</strong>tres, continuant à afficher des mœurs païennes, furent<br />

cataloguées. De la sorte, lorsqu’un musulman croisait une femme voilée, il pouvait<br />

en déduire qu’elle <strong>au</strong>ssi était croyante et donc, fréquentable. En outre, en cas<br />

d’agression quelconque, il n’hésitait pas à lui venir en aide. Comme le dit d’ailleurs<br />

le Coran, « […] elles seront plus aisément reconnues et ne risqueront pas d’être<br />

offensées […] ».<br />

On arrive par ce moyen à replacer dans son contexte de base, le voile dont on<br />

s’efforce à faire « le symbole d’une religion archaïque et ségrégationnelle » 3 , alors<br />

qu’il apparaît également dans les récits bibliques. En effet, dans le Nouve<strong>au</strong><br />

Testament, Première lettre <strong>au</strong>x Corinthiens 11.5, 6 et 7, il est dit :<br />

« L’homme ne doit pas se couvrir la tête puisqu’il est l’image et la gloire<br />

de Dieu, tandis que la femme est la gloire de l’homme. », « Toute<br />

femme, <strong>au</strong> contraire, qui prie ou qui prophétise, la tête non voilée,<br />

déshonore son chef, c’est comme si elle était rasée. » et « Car si une<br />

femme n’est pas voilée, qu’elle se coupe les cheveux. Or s’il est honteux<br />

pour une femme d’avoir les cheveux coupés ou d’être rasée, qu’elle se<br />

voile. ».<br />

3 BEHI Jelila. Sans Contrainte, Tunis : Editions Nirvana, 2003.<br />

11


Le voile, une prison ? , <strong>Travail</strong> de maturité 2008 Leila Chakroun 3m1<br />

Se couvrir la tête a eu et a toujours plusieurs significations. Celle apportée par les<br />

religions monothéistes est la décence, la discrétion de la femme et sa sujétion à<br />

l’homme.<br />

4.2. Citations dans le Coran et interprétations<br />

Une des grandes questions que soulève le port du voile est de savoir s’il est<br />

réellement exigé par le Coran. En effet, on peut se demander si les habitudes, les<br />

traditions culturelles et même le coté pratique ne sont pas également à l’origine de<br />

cette obligation. Et ceci <strong>au</strong> regard de l’importance attribuée <strong>au</strong>x textes religieux. Le<br />

voile est mentionné plusieurs fois dans le Coran sous divers noms. Le terme Hijab<br />

est utilisé 7 fois, mais ne concerne qu’une seule fois les femmes. Il a un sens<br />

symbolique et général. Il désigne « le ride<strong>au</strong> » qui doit cacher, protéger et séparer<br />

(les deux sexes, par exemple). Dans la sourate « Les Coalisés », il est dit : « Quand<br />

vous demandez (à des épouses) quelque chose, adressez-vous à elles derrière un<br />

ride<strong>au</strong> (hijab) ». Ce qui veut dire que la femme doit se cacher derrière un ride<strong>au</strong> en<br />

présence des hommes. C’est plus tard que le hijab a pris une forme différente<br />

consistant à cacher le corps de la femme des regards extérieurs. On trouve deux<br />

<strong>au</strong>tres termes dans le Coran désignant cette fois-ci le voile objet vestimentaire. Le<br />

Coran a recours à ces mots, jilbab et khimar dans les Coalisés, 59 :<br />

« O prophète, dis à tes épouses et à tes filles et <strong>au</strong>x femmes des croyants<br />

de ramener leurs voiles (jilbab) sur elles. Ce sera pour elles, le moyen le<br />

plus commode de se faire connaître et de ne pas être offensées ».<br />

Mohammed demanda dans cette sourate que les femmes soient couvertes d’un voile,<br />

pour qu’elles soient protégées des regards indiscrets et pour qu’on les reconnaisse en<br />

tant que bonne musulmane pratiquante. On peut sentir une volonté protectrice du<br />

prophète sur la femme. La femme est considérée comme quelqu’un de plus<br />

vulnérable que les hommes du point de vue physique et doit donc, d’après le<br />

prophète, être protégée soit par un homme, soit par un voile. Certains affirment que<br />

cette volonté de protection découle du fait que la femme est divinisée, rendue sacrée<br />

et doit par conséquent être intouchable et inaccessible. Bien que le port du voile ait<br />

<strong>au</strong>jourd’hui, le plus souvent une connotation péjorative, on remarque que cette<br />

pratique partait à la base d’une bonne intention. Mohammed craint qu’on agresse les<br />

12


Le voile, une prison ? , <strong>Travail</strong> de maturité 2008 Leila Chakroun 3m1<br />

femmes, il est donc sous-entendu que certains hommes peuvent être dangereux. Ils<br />

sont des menaces potentielles pour la femme ainsi que pour son mari <strong>au</strong>quel elle<br />

« appartient ». Mais, comme je l’ai dit dans le chapitre précédent, on explique cette<br />

pratique par les mœurs de l’époque. Il f<strong>au</strong>t toutefois noter que si la femme était déjà<br />

considérée comme étant plus vulnérable de nature à l’époque du prophète, il a<br />

toujours régné un climat d’inégalité entre les deux sexes et un pouvoir patriarcal dans<br />

la religion musulmane. Cependant ces inégalités sont non pas le fruit de l’Islam et<br />

des paroles du Coran, mais celui des dirigeants d’états musulmans dont<br />

l’interprétation du livre sacré est douteuse.<br />

Cette sourate est problématique car elle a été et reste sujette à des interprétations<br />

diverses. Elle soulève les questions <strong>au</strong>tour de la coupe de ce voile, de sa longueur, sa<br />

grandeur, ce qu’il doit couvrir et ce qu’il peut laisser voir. Ce que l’on sait, c’est que<br />

le voile khimar est le nom qui désigne le voile de tête. Celui-ci est apparenté <strong>au</strong><br />

fichu, <strong>au</strong> châle et <strong>au</strong> foulard. Le voile jilbab est, lui, <strong>au</strong> contraire du khimar un<br />

vêtement ample couvrant la quasi-totalité du corps. Les problèmes sont, ici, de<br />

déterminer si ce jilbab doit ou non couvrir la tête, le visage et/ou les yeux, ainsi que<br />

de savoir si le voile khimar en fait ou non partie (les deux voiles formeraient alors un<br />

ensemble). On ne trouve en fait dans le Coran <strong>au</strong>cune indication précisant les<br />

caractéristiques et les modalités du port du voile. Le seul aspect abordé est le fait que<br />

les femmes doivent être voiler. En effet, il est uniquement écrit les consignes à<br />

suivre, les « ordres » à exécuter, etc. Il manque un aspect plus concret et plus<br />

pratique qui détaillerait et expliquerait clairement ces consignes. Cela éviterait ainsi<br />

de nombreux débats, portant soit sur la taille, soit sur le port du voile en général. Le<br />

fait que la taille du voile et ce qu’il doit cacher ne soient pas précisés, remet en c<strong>au</strong>se<br />

l’universalité du voile et l’unité religieuse musulmane.<br />

5. Raisons pour lesquelles elles portent le voile en France<br />

5.1. Les trois significations du voile français<br />

En France, be<strong>au</strong>coup de femmes portent le voile islamique bien qu’elles vivent dans<br />

un pays où il n’est pas imposé (et même interdit, dans les écoles, lieux de travail,…<br />

<strong>au</strong> nom de la laïcité française). Ce voile peut prendre différentes significations,<br />

13


Le voile, une prison ? , <strong>Travail</strong> de maturité 2008 Leila Chakroun 3m1<br />

suivant les raisons pour lesquelles les femmes le portent. De ce point de vue, il y a<br />

trois principales sortes de voiles. Le premier, « le voile de l’immigrée », désigne le<br />

voile traditionnel que la femme portait dans son pays et qu’elle a continué à porter<br />

bien qu’elle ait immigré. Ces femmes restent voilées, non pas pour affirmer ou<br />

afficher leur identité dans le pays d’accueil, mais soit pour ne pas entrer en conflit<br />

avec la famille, soit par convictions personnelles religieuses. Elles perpétuent les<br />

pratiques de leurs aïeules (mère, grand-mères, tantes, etc.). Ce voile est un signe de<br />

leur attachement à leur culture d’origine mais n’a <strong>au</strong>cune valeur militante. Il fait<br />

partie intégrante de leur identité ainsi que de leur esthétique.<br />

Le second voile, « le foulard des adolescentes », est celui que l’adolescente<br />

musulmane accepte de porter, le plus souvent sous l’injonction de son père et/ou<br />

d’un frère. Le voile leur donne la liberté de mouvement. Il revêt un caractère<br />

rassurant pour la famille d’une part, car il assure l’islamité de la jeune fille et d’un<br />

<strong>au</strong>tre coté permet à la jeune fille de servir de vecteur de transmission entre l’intérieur<br />

et l’extérieur de la famille grâce à sa liberté conditionnelle. Son port est basé sur un<br />

compromis <strong>au</strong> sein de la famille et sur une concession des adolescentes. Il est<br />

quelque peu paradoxal selon le regard occidental par le fait qu’il consiste en une<br />

restriction (vestimentaire) visant une plus grande liberté (de mouvement).<br />

Le troisième voile est « le voile revendiqué ». Certaines femmes revendiquent le<br />

voile islamique et affirment leur identité par son biais. Ce voile est porté lorsque,<br />

face <strong>au</strong> rejet ressenti dans la société d’accueil, elles se raccrochent à un ou plusieurs<br />

élément(s) de la culture d’origine, pour se reconstituer « une identité particulière et<br />

reconnue comme telle » 4 . Bien que le port de ce voile n’ait plus la connotation<br />

religieuse de base, les femmes l’accompagnent souvent des pratiques musulmanes<br />

(prières, pèlerinage), qui prennent alors elles <strong>au</strong>ssi un caractère militant et<br />

revendicateur. Ces femmes se disent ainsi à la fois musulmanes et citoyennes<br />

françaises. Qu’elles « osent » s’affirmer françaises malgré que la laïcité soit une des<br />

grandes valeurs de la France est paradoxal mais compréhensible, car elles ne voient<br />

en le port du voile qu’une aide a l’affirmation identitaire et non pas un signe de<br />

soumission ou de conformité <strong>au</strong>x traditions imposé par la religion. Alors que les<br />

préjugés enseignent, la plupart du temps, que les femmes voilées sont soumises,<br />

opprimées, emprisonnées et infériorisées, « le voile revendiqué » est lui, <strong>au</strong> contraire<br />

4 ZOUARI, Fawzia. Le voile islamique, L<strong>au</strong>sanne: Favre, 2002.<br />

14


Le voile, une prison ? , <strong>Travail</strong> de maturité 2008 Leila Chakroun 3m1<br />

un moyen de recherche de la liberté individuelle, de la reconnaissance sociale<br />

(facteur indispensable à une bonne intégration dans la société) et de l’<strong>au</strong>tonomie,<br />

lorsqu’on se trouve en milieu hostile, il f<strong>au</strong>t le préciser.<br />

Afin de mieux comprendre cette situation plutôt paradoxale, il est intéressant de<br />

reprendre les points princip<strong>au</strong>x de l’analyse qu’en a fait Fawzia Zaouari, dans son<br />

ouvrage intitulé Le voile islamique. Cette journaliste tunisienne détaille les<br />

répercutions du port du voile volontaire (revendiqué), sur le statut des femmes et sur<br />

le fonctionnement de la société dans les pays musulmans. Ainsi, elle montre<br />

comment le choix de porter le voile interroge tout <strong>au</strong>tant le monde musulman que les<br />

pays occident<strong>au</strong>x.<br />

En effet, dans le Coran et le monde musulman, la femme est traditionnellement<br />

associée à l’espace privé et intérieur. Or, en se voilant volontairement, la femme<br />

musulmane s’impose et s’octroie le droit d’investir l’espace public<br />

(traditionnellement réservé à l’homme). Ainsi le voile a permis à de nombreuses<br />

femmes du monde musulman de faire des études, de travailler et gagner ainsi un<br />

salaire, de prendre la parole,…<br />

F. Zaouri montre également qu’en se voilant, la femme musulmane supprime les<br />

signes extérieurs de la différence sexuelle. Effectivement, les atouts féminins étant<br />

dissimulés (leur longue chevelure sous leur voile, leur poitrine sous d’amples<br />

vêtements), l’homme n’est plus tenté de porter son regard sur la femme, car il n’en<br />

tire pas de plaisirs immédiats. Bien sûr, les deux sexes restes différents et<br />

différentiables, mais les atouts de chacun ne sont plus visibles. De ce point de vue-là,<br />

le voile devient une aide à la neutralité, à l’égalité et à la conquête de l’individualité<br />

de ces femmes, d’une manière paradoxale d’un point de vue occidental. Ces femmes<br />

sèment <strong>au</strong>ssi la confusion en refusant l’occidentalisation mais pas la modernité. Elles<br />

s’affichent voilées et modernes. La modernité est définie dans ce contexte comme<br />

l’accès des femmes à l’espace public. Voilées, elles font mine de se soumettre à la<br />

tradition d’un coté, tout en revendiquant le droit :<br />

• de réfléchir sur le Coran en se définissant comme engagées -acte<br />

révolutionnaire, sachant que l’Islam traditionnel ne les a jamais considérées<br />

comme des êtres pensant.<br />

• de partager les lieux publics, et de troquer son statut d’« être » féminin<br />

contre celui d’individu <strong>au</strong>tonome, ayant un métier, une garantie de salaire,<br />

une position sociale,…<br />

15


Le voile, une prison ? , <strong>Travail</strong> de maturité 2008 Leila Chakroun 3m1<br />

Par le port du voile, elles disent mettre en avant leur humanité et non pas leur<br />

féminité. Elles s’extraient ainsi du pouvoir exercé par l’homme et substituent à la<br />

relation asymétrique homme-femme, celle entre elles et Dieu.<br />

Le port du voile volontaire par les militantes islamistes interrogent l’Occident,<br />

principalement sur sa vision de la liberté individuelle. En effet, en Occident, les<br />

signes extérieurs et la liberté de choisir sa tenue vestimentaire restent des preuves<br />

très importantes de la liberté de la femme. De plus, en Occident, le concept de liberté<br />

est lié à la suprématie de l’individu jusqu’à parfois être en rupture avec la<br />

commun<strong>au</strong>té. Or ces militantes se disent libres, sans renier le lien commun<strong>au</strong>taire.<br />

Un <strong>au</strong>tre point très important, qui a provoqué de nombreux débats en Occident est<br />

l’idée que la libération de l’individu passe par le refus d’une <strong>au</strong>torité divine. En<br />

effet, les sociétés occidentales luttent depuis des décennies pour manifester leur<br />

indépendance par rapport <strong>au</strong> clergé et <strong>au</strong> religieux et annoncer la mort de Dieu<br />

(indépendance appelée laïcité). Or les femmes qui se voilent volontairement<br />

revendiquent leur individualité en s’appuyant, elles, sur leur appartenance religieuse.<br />

6. Comparaison entre le vécu des femmes musulmanes en<br />

France voilées et non voilées<br />

6.1. De celles qui sont voilées, témoignages 5 et commentaires<br />

Nanwel, 17 ans :<br />

« Je veux porter le voile. C’est ma religion, je suis musulmane et je suis<br />

fière de l’être. C’est mon identité, je le sens tout <strong>au</strong> fond de moi, je ne<br />

veux plus me cacher. Je ne veux plus faire semblant, je ne veux plus<br />

faire comme toi maman, jouer les Françaises. Moi, je viens d’ailleurs.<br />

J’en ai marre de toutes ces putes, j’ai honte pour elles. »<br />

Dans la demande de cette jeune femme à sa mère, on peut percevoir le besoin d’une<br />

identité qui se voit et soit en accord avec ses origines ainsi qu’une identité<br />

respectable pour et par les <strong>au</strong>tres. attirer<br />

Imane, 27 ans, se demande à la fin de ses études secondaires :<br />

5 Source : GROSJEAN Blandine, MAURICE Stéphanie. « Leur voile, j’ai envie de l’arracher »,<br />

www.liberation.fr, 10 décembre 2003.<br />

16


Le voile, une prison ? , <strong>Travail</strong> de maturité 2008 Leila Chakroun 3m1<br />

«[…] quelle direction donner à ma vie, sur le plan professionnel, mais<br />

<strong>au</strong>ssi spirituel. J’ai voulu me prendre en main et me rapprocher de la<br />

religion et j’ai vécu le port du voile comme une étape naturelle pour me<br />

rapprocher de Dieu, comme la prière et le jeûne. »,<br />

elle continue :<br />

« Bizarrement, il m’a donné confiance en moi, j’ai travaillé pour<br />

plusieurs banques, sans que le voile ne pose <strong>au</strong>cun problème. Les<br />

barrières sont dans la tête, pas sur la tête. »<br />

Ce témoignage intéressant montre qu’un bout de tissu l’a aidé à se définir une<br />

identité qui lui a permis, selon elle, d’obtenir des places intéressantes.<br />

6.2. De celles qui ne sont pas voilées, témoignages 6 et commentaires<br />

Des femmes maghrébines qui ne portent pas le voile en France expriment les<br />

problèmes qu’elles rencontrent dans la vie quotidienne depuis que le voile islamique<br />

est devenu sujet à une grandissante médiatisation. De Mulhouse à Paris, et pour ainsi<br />

dire, un peu partout en France, des femmes crient l’enfer qu’elles vivent depuis que<br />

ce voile est un des grands sujets de débat public.<br />

Elles ne le portent pas et se sentent, par conséquent, agressées par les voiles qui<br />

« prospèrent <strong>au</strong>tour d’elles » et qui leur renvoient l’image de la m<strong>au</strong>vaise arabe, de la<br />

m<strong>au</strong>vaise musulmane et donc, de la m<strong>au</strong>vaise fille.<br />

« Mon père nous harcelait : « Tu vois la famille unetelle, les filles ont le voile. Ma<br />

sœur s’est pris des torgnoles parce qu’elle ne voulait pas [porter le voile]. »<br />

« Les <strong>au</strong>tres femmes de Quimper sont toutes voilées. Je les connais bien, ça n’a rien<br />

à voir avec la religion, c’est les maris qui les obligent. »<br />

Une adolescente, faisant un apprentissage de coiffeuse dans le sud de la France<br />

confie :<br />

« Tous les jours, des barbus et des garçons connus pour faire des conneries venaient<br />

nous faire la morale : « C’est juste un conseil, tu devrais pas te maquiller, tu offenses<br />

ta famille et la religion ! », dans la famille il y a eu des fugues, des drames. »<br />

Plusieurs maghrébines disent des voilées que « si elles souhaitent s’habiller comme<br />

ça, elles n’ont qu’à vivre dans les pays où c’est la règle ». Samia, une algérienne,<br />

6 Source : GROSJEAN Blandine, MAURICE Stéphanie. « Leur voile, j’ai envie de l’arracher »,<br />

www.liberation.fr, 10 décembre 2003.<br />

17


Le voile, une prison ? , <strong>Travail</strong> de maturité 2008 Leila Chakroun 3m1<br />

reprend deux points importants (repris également dans Lettre à ma fille qui veut<br />

porter le voile de DJITLI Leïla). Elle raconte en parlant de ses vacances en Algérie :<br />

« Les filles là-bas ne comprennent pas les Françaises : « Nous, on pleure pour<br />

l’enlever, on est obligées et vous qui n’êtes pas forcées vous le portez. ». Elle ajoute :<br />

« J’ai le dégoût parce que ma belle-sœur marocaine va mettre le voile à sa fille de<br />

sept ans, on est déjà tous dans la merde dans ces quartiers, et on va s’enfoncer. » Elle<br />

exprime clairement que le voile va l’exclure de la société française.<br />

Fatima, 30 ans, a refusé de porter le voile quand ses parents ont voulu l’y obliger.<br />

Fatima explique :<br />

« Je n’ai jamais aimé qu’on m’oblige à faire quoi que ce soit. Je ne voulais pas le<br />

faire juste pour faire plaisir à mon père. Je voulais m’intégrer, trouver du travail. Ma<br />

foi, elle est en moi, je n’ai pas besoin de l’exhiber [… ]. Après les conflits avec mes<br />

parents, la relation à mon père est devenue meilleure. Il a vu qu’il pouvait me faire<br />

confiance et que je ne partais pas à la dérive. »<br />

Be<strong>au</strong>coup de parents musulmans considèrent le voile comme un moyen de protéger<br />

leurs filles contre une société qui sombre dans la déb<strong>au</strong>che. Ce n’est évidemment pas<br />

le meilleur moyen. Il peut aller à l’encontre d’une bonne intégration car les parents et<br />

par conséquent leurs enfants dénigrent alors la société d’accueil et essaient de se<br />

différencier des habitants de cette société. Ils entrent en conflit avec elle. Le voile<br />

devient à ce moment-là un moyen de se différencier des <strong>au</strong>tres.<br />

Fatima relève une raison importante pour laquelle les familles veulent imposer le<br />

voile à leurs filles. Les protéger des déb<strong>au</strong>chés du pays d’accueil. Cette crainte est<br />

sans doute un signe du fossé entre les valeurs des deux cultures. Si on ne trouve pas<br />

sa place dans la société d’accueil, le moyen le plus fréquent de ne pas oublier qui on<br />

est, est de se raccrocher à la culture d’origine. Le voile deviendrait alors le signe du<br />

trouble de l’identité d’un peuple en perte de repères. En d’<strong>au</strong>tres mots, le fait que les<br />

musulmans ne se sentent pas reconnus en tant que tels dans la société d’accueil, les<br />

contraint à s’affirmer d’une manière plus extériorisée. Ça leur permet, à la plupart du<br />

moins, de se faire reconnaître et respecter comme êtres humains avec ses<br />

ressemblances et ses différences. Serait-ce le lien entre deux générations ayant des<br />

vécus très différents ? Le foulard comme le signe d’une appartenance à la famille, la<br />

culture d’origine ?<br />

Ces extraits de témoignages mettent en évidence entre <strong>au</strong>tres, la récupération du port<br />

du voile par certains hommes islamistes (et non islamiques!) pour reprendre du<br />

18


Le voile, une prison ? , <strong>Travail</strong> de maturité 2008 Leila Chakroun 3m1<br />

pouvoir sur les femmes, qui sont ou paraissent de la commun<strong>au</strong>té musulmane. Il est<br />

intéressant de remarquer que ces femmes expriment finalement comment le « délit de<br />

faciès », tant critiqué, est réutilisé par les Maghrébins pour cataloguer les femmes de<br />

type arabe. Certains témoignages pointent l’opposition entre les revendications des<br />

femmes immigrées en France et celles des femmes restées <strong>au</strong> pays. Cette constatation<br />

a d’ailleurs été faite dans d’<strong>au</strong>tres domaines, à savoir que des immigrés s’accrochent<br />

à des éléments de leur tradition davantage que leurs compatriotes restés <strong>au</strong> pays. Ce<br />

point montre un aspect de la construction (ou reconstruction) de l’identité lorsqu’on<br />

est dans un pays différent : on se raccroche à ses origines et on les revendique<br />

« aveuglement » (sans trop se soucier de l’histoire et des significations que peuvent<br />

avoir leurs actes, leurs traditions, leur religion.)<br />

7. Regard du pays d’accueil<br />

7.1. Points princip<strong>au</strong>x du débat public<br />

Pour la clarté de l’exposé, je ne me suis basée surtout sur le débat public, en France.<br />

Pour plusieurs raisons qui ne seront pas détaillées ici, la France est le pays qui a le<br />

plus été secoué et qui a le plus écrit sur le port du voile en Occident, sur son<br />

implication et ses répercussions. J’ai choisi les points les plus importants à mes yeux<br />

et j’aborderai donc :<br />

• la laïcité<br />

• le port de signe religieux à l’école<br />

• l’intégration des jeunes maghrébins en France<br />

• les motifs politico-économiques qui ont influencé le débat sur le voile<br />

7.1.1. La laïcité<br />

Le débat sur le port du voile dans les écoles a soulevé depuis l’Affaire de Creil en<br />

1989, le principe de la laïcité de la République. Mais déjà en 1905, après de<br />

nombreux et longs débats, le parlement français s’est doté d’une loi :<br />

• qui institue la séparation de l’Eglise et de l’Etat,<br />

• qui garantit la liberté de conscience de culte, de religion et de convictions<br />

ainsi que l’égalité entre religions et convictions,<br />

Il s’agissait de séparer l’Etat et l’Eglise afin que la foi et les églises ne prétendent<br />

pas faire la loi et dominent l’Etat. Il est à noter que cette loi, dans la rédaction de<br />

19


Le voile, une prison ? , <strong>Travail</strong> de maturité 2008 Leila Chakroun 3m1<br />

1905, n’utilise pas le terme de « laïcité », mais de « cultes » et de « séparation ». La<br />

laïcité est un terme moderne et le fait de se rapporter à la loi de 1905 pour la<br />

revendiquer n’est pas justifié. Ainsi, cette loi reconnaissait le pluralisme religieux et<br />

la neutralité de l’Etat.<br />

La plupart des avis émis ont souligné que le port du voile à l’école était une menace<br />

sur la laïcité, voyant le plus souvent dans le voile musulman, une pression d’une<br />

religion sur un État (l’État français en l’occurrence). Ceux-là sont donc pour<br />

l’interdiction du voile dans les établissements scolaires publics. Or d’<strong>au</strong>tres, moins<br />

nombreux certes, ont souligné l’importance d’appliquer d’abord cette loi qui met<br />

toutes les religions sur le même pied et garantit le libre exercice du culte. Pour eux <strong>au</strong><br />

contraire, le voile ne doit pas être prohibé car le choix de le porter fait partie de la<br />

liberté religieuse garantie par cette loi. Mais comme le relève très justement Patrick<br />

Roger 7 :<br />

« D’un siècle à l’<strong>au</strong>tre s’est opéré le passage d’une philosophie basée sur l’unité du<br />

corps social à l’exacerbation de l’épanouissement individuel[…] ».<br />

Effectivement, de 1905 à 2005, le principe de liberté de culte voté il y a cent ans en<br />

France pour garantir « la paix de la société », fait plutôt peur actuellement car le<br />

contexte social est différent. L’individualisme est exacerbé et donc cette liberté de<br />

culte évoque à présent l’éclatement de la société et non plus son unité.<br />

7.1.2. Le port de signes religieux à l’école<br />

En France : L’histoire montre que les débats sur les différents objets vestimentaires à<br />

l’école est un vieux problème. En effet, il y a eu des débats animés <strong>au</strong>tour du port :<br />

• d’insignes bleus, blancs, rouges de l’extrême droite en 1936<br />

• du pantalon par la femme, puis des minijupes<br />

• de la croix scoute<br />

• des insignes de la jeunesse chrétienne<br />

• etc.<br />

Est venu ensuite le fameux débat <strong>au</strong>tour, cette fois-ci, du port du voile islamique, en<br />

1989. Il a été déclenché par trois jeunes filles, qui ont réclamé le droit de garder leur<br />

voile en cours. Cette affaire, source (théorique du moins) du problème, est appelée<br />

« Affaire de Creil ».<br />

7 Dans l’article La laïcité, une religion française, Le Monde, Dossiers et documents, décembre 2005.<br />

20


Le voile, une prison ? , <strong>Travail</strong> de maturité 2008 Leila Chakroun 3m1<br />

Dans de nombreux <strong>au</strong>tres pays européens : On s’étonne et on s’interroge sur les<br />

raisons d’une telle polémique française sur les signes religieux. Par exemple <strong>au</strong>x<br />

Pays-Bas et <strong>au</strong> Roy<strong>au</strong>me-Uni, où le multiculturalisme n’est pas conçu comme une<br />

menace, mais comme le mode normal de l’organisation sociale, le port de signes<br />

religieux ostensibles à l’école n’y fait pas débat. D’ailleurs ni le turban des Sikhs ni<br />

le voile islamique n’y sont interdit. Comme l’affirme Henri Tincq :<br />

« C’est l’histoire de sa relation avec l’Eglise qui distingue chaque pays. »<br />

Or en France, l’Eglise catholique avait un grand pouvoir sur l’Etat. La séparation a<br />

donc été très conflictuelle, mais d’<strong>au</strong>tant plus nécessaire.<br />

Monique Canto-sperber et P<strong>au</strong>l Ricœur essaient de comprendre pourquoi la question<br />

du port de signes religieux ostentatoires s’est concentrée sur le foulard islamique,<br />

alors qu’il concerne tout <strong>au</strong>tant, le turban des Sikhs, la kippa des juifs,… Ce qui<br />

choque et fait peur, ce n’est pas le foulard en tant qu’expression de la liberté<br />

religieuse, mais le foulard telle une provocation et donc menaçant pour l’école et la<br />

République ainsi que le foulard comme la marque de l’asservissement de la femme.<br />

Ces deux dernières significations sont celles qu’appréhendent les Français parce<br />

qu’elles mettent en avant un rapport de forces : français/musulman et<br />

homme/femme. 8<br />

7.1.3. L’intégration des jeunes maghrébins (de deuxième génération) en<br />

France<br />

L’actualité a rappelé ces dernières années que, comme l’écrit David Thomson, « la<br />

guerre d’Algérie n’a pas été digérée <strong>au</strong> nive<strong>au</strong> psychologique, en France ». Ainsi,<br />

après la question du port du foulard par les filles musulmanes, il y a eu le sujet de la<br />

« crise des branchés » et des voitures incendiées. On explique ces faits en<br />

introduisant le concept du besoin de reconnaissance sociale, dont manque souvent<br />

cette part de la population. Le foulard hidjab a été revendiqué et compris par les<br />

femmes et les familles musulmanes comme un symbole d’identité ethnique et<br />

d’affirmation de soi, dans une société où les commun<strong>au</strong>tés musulmanes constituent<br />

une grande partie des p<strong>au</strong>vres et des exclus de la société.<br />

8 Pour un exposé de ces différentes significations du port du voile, il f<strong>au</strong>t se rapporter <strong>au</strong> chapitre<br />

précédent où elles ont été détaillées.<br />

21


Le voile, une prison ? , <strong>Travail</strong> de maturité 2008 Leila Chakroun 3m1<br />

7.1.4. Les motifs politico-économiques qui ont influencé le débat sur le<br />

voile<br />

Le journal français Libération (exemplaire du 18 et 19 septembre 2004) relate que<br />

l’application de la loi sur l’interdiction du port de signes religieux à l’école a été le<br />

plus possible retardée pour ne pas se voir « attribuer la responsabilité d’un<br />

dénouement tragique à la prise d’otages français en Irak ». Ce fait, comme d’<strong>au</strong>tres, a<br />

montré que les prises de position tranchée sur ce sujet, par des hommes politiques,<br />

pouvaient avoir des répercussions sur les relations avec les gouvernements des pays<br />

de confession majoritairement musulmane.<br />

Ce même journal (exemplaire cette fois-ci du 21 mars 2007) explique comment le<br />

gouvernement britannique s’est enfin prononcé sur le sujet du voile intégral dans les<br />

écoles, « en bon acrobate, afin de minimiser les risques de controverses et d’éviter<br />

les foudres de la commun<strong>au</strong>té musulmane ».<br />

7.2. Représentation sociale du voile et préjugés<br />

La France a longtemps compatit avec les femmes ayant l’obligation de se voiler (en<br />

Iran, par exemple). Il n’y avait alors <strong>au</strong>cun conflit car tous deux marchaient vers un<br />

même but : la libération et le dévoilement de ces femmes musulmanes. Ils<br />

revendiquaient les mêmes valeurs de liberté et d’égalité.<br />

Mais depuis quelques années, des femmes immigrées en France ou issues de<br />

l’immigration revendiquent ce voile et se battent pour continuer à le porter. La<br />

France qui « se battait » pour améliorer la condition de ces femmes voilées -<br />

considérées comme moins émancipées selon les critères occident<strong>au</strong>x- se trouve<br />

confrontée à des femmes qui se battent pour un but qui leur semble opposé.<br />

La femme musulmane voilée a toujours intrigué et attiré la curiosité. Mais, le regard<br />

de l’opinion public est devenu progressivement plus suspicieux, plus accusateur<br />

d’intégrisme et donc proche du terrorisme. Cela est dû principalement <strong>au</strong>x<br />

évènements du 11 septembre 2001 et de leur impact médiatique, politique et<br />

psychologique. La représentation sociale de ces femmes et du voile qu’elles portent<br />

est devenue plus péjorative.<br />

Et ceci, entre <strong>au</strong>tres parce qu’elles sont musulmanes et que la France a souvent tenté<br />

de réduire les 5 millions de musulmans français à leurs pratiques, leurs traditions et<br />

de les regrouper tous sous le même terme homogène « Islam ».<br />

22


Le voile, une prison ? , <strong>Travail</strong> de maturité 2008 Leila Chakroun 3m1<br />

Les médias ont largement contribué <strong>au</strong> fait que les musulmans sont dénigrés. En<br />

effet, les journ<strong>au</strong>x représentent souvent l’islam par des femmes voilées et des<br />

mosquées bondées. Ils favorisent ainsi l’amalgame entre l’islam et l’islamisme<br />

proche de l’intégrisme. Selon Christian Jelen, ce mélange serait même accentué et<br />

souhaité par les intégristes pour semer le trouble et la confusion entre ces deux<br />

réalités.<br />

Il y a eu une évolution dans les idées, l’islam qu’on admirait <strong>au</strong>paravant pour ses<br />

arts, sa littérature et sa poésie, son architecture,… est désormais, dans la conscience<br />

collective, relié <strong>au</strong>x termes islamisme, fondamentalisme, intégrisme, et terrorisme.<br />

On image souvent l’islam par une surface de textile couvrant ses femmes, signifiant<br />

« l’étouffement et l’aveuglement », et cela ne fait que renforcer l’image négative<br />

qu’on se fait de cette religion et alimenter l’islamophobie.<br />

On peut remarquer que la société a constamment dénigré la femme musulmane, a tel<br />

point qu’on ne la considère <strong>au</strong>jourd’hui plus ni comme citoyenne française, ni même<br />

comme un être libre. On véhicule l’image de « la femme voilée, naïve victime de la<br />

domination, de l’oppression, des brimades et des diktats des vils hommes<br />

musulmans » 9 . La société critique ainsi deux types de personnes : d’un coté l’homme<br />

musulman qui ose soumettre ses femmes (j’entends par « ses femmes » les femmes<br />

de sa religion) en les obligeant à se couvrir d’un voile et de tenues asexuées. Et, d’un<br />

<strong>au</strong>tre coté, la femme musulmane qui se laisse soumettre et accepte de se voiler sans<br />

broncher. Et, si elle ose le revendiquer, elle est encore plus mal vue par les Français,<br />

car à leurs yeux le voile est signe de soumission, d’emprisonnement et d’aliénation.<br />

Français désigne bien sûr ici non pas les citoyens de la France, dont ne l’oublions pas<br />

font partie ces femmes musulmanes, mais de l’avis partagé de be<strong>au</strong>coup d’habitants.<br />

D’après une enquête 9 , les hommes musulmans sont dans les esprits « des mâles<br />

manipulateurs, barbus et obtus », et par conséquent « les jeunes filles sont terrorisées<br />

par ces dangereux intégristes, et il f<strong>au</strong>t les libérer même contre leur volonté ».<br />

On désigne ces femmes sous des appellations sans substances et sans vie, telles que<br />

« les voilées », « les manipulées », « les foulards ». Elles sont ainsi réduites à des<br />

êtres sans nom, sans âme et sans avenir et perdent leur dimension humaine. On voit<br />

ces femmes comme des êtres manipulés et incapables de choix intelligents. Le voile<br />

est lui perçu comme le symbole de l’aliénation et de l’infériorité de la femme. Dans<br />

9 Enquête de l’hebdomadaire français Le Point, n°1147<br />

23


Le voile, une prison ? , <strong>Travail</strong> de maturité 2008 Leila Chakroun 3m1<br />

l’esprit de be<strong>au</strong>coup de Français, son port va d’ailleurs à l’encontre de<br />

l’émancipation et du bonheur social. Il est, à leurs yeux, un signe agressif <strong>au</strong> regard<br />

et son port est archaïque et s’oppose à la modernité. Et ceci, premièrement, parce<br />

qu’il <strong>au</strong>rait comme fonction de cacher un tabou (le corps si désiré de la femme) et<br />

qu’il rabaisse ainsi la femme <strong>au</strong> seul objet de désir de l’homme. Et deuxièmement,<br />

parce qu’on voit le foulard comme un signe religieux dangereux pour la laïcité. La<br />

France craint même un retour du fait religieux. On le conçoit comme un objet<br />

vestimentaire incompatible avec la liberté, la féminité et l’intelligence.<br />

On peut expliquer que ces femmes sont persécutées par le fait qu’elles soient à trois<br />

reprises (voire même plus) classées dans des minorités : elles sont et immigrées, et<br />

musulmanes, et voilées. Et surtout, elles sont tout d’abord femmes, êtres qui ont<br />

longtemps été considérés comme nettement inférieurs à l’homme, que ce soit dans<br />

les mœurs de l’époque ou dans les religions. Leur statut n’est d’ailleurs toujours pas<br />

l’égal de l’homme, et cela <strong>au</strong>ssi bien en pays musulmans qu’en Occident. On<br />

stigmatise ces femmes voilées comme « des <strong>au</strong>tomates aveugles étouffés dans un<br />

voile ». François Bayrou déclare d’ailleurs que le voile est « un des signes de<br />

l’intégrisme et de la discrimination entre hommes et femmes ».<br />

La grande problématique <strong>au</strong>tour du voile confirme dans les esprits que l’islam n’est<br />

pas compatible avec la laïcité et qu’il est de ce fait un obstacle à l’intégration. Les<br />

jeunes filles voilées chercheraient à provoquer la société et à remettre en c<strong>au</strong>se ses<br />

modèles d’intégration. Pour Wassila Tamzmali de l’UNESCO, le voile désigne « une<br />

idéologie anti-égalitaire et anti-démocratique ». Le voile n’<strong>au</strong>rait d’après elle <strong>au</strong>cune<br />

place dans le système français et les voilées <strong>au</strong>raient en conséquence un avenir assez<br />

sombre.<br />

En résumé de toute cette énumération de préjugés et des in<strong>format</strong>ions sur la<br />

représentation sociale du voile dans la société française, je dirais que pour l’Occident<br />

le voile est le signe distinctif (avec la barbe des hommes) de la religion de<br />

Mohammed. Il reste identifié à la misogynie de l’islam, à l’oppression de ses adeptes<br />

féminins et à leur assujettissement. On le désigne comme le signe du statut inférieur<br />

des femmes et de leur aliénation. Il illustre l’enfermement et s’oppose à la liberté<br />

individuelle.<br />

Il y a dans l’image que l’on se fait de cette femme musulmane voilée du vrai comme<br />

du f<strong>au</strong>x. Une grande partie de ces a priori ne sont que des préjugés non fondés. Le<br />

voile est diabolisé, en partie parce qu’il règne encore en France un climat<br />

24


Le voile, une prison ? , <strong>Travail</strong> de maturité 2008 Leila Chakroun 3m1<br />

d’ignorance à son sujet. La meilleure façon de savoir comment appréhender ce<br />

dernier, celles qui le portent et celui qui l’oblige (Dieu ou l’homme de la famille) est<br />

encore de demander leur avis, leur vécu et leur histoire <strong>au</strong>x concernées. Les<br />

sentiments de soumission, d’enfermement ou de protection voire de bien-être que<br />

leur procure le port du voile est relatif à chaque femme. L’Occident relègue malgré<br />

tout l’ensemble des voilées (et des musulmans) hors de ses catégories et la/les perçoit<br />

comme différent(e/s). Il divise désormais les femmes en deux groupes distincts : d’un<br />

coté, la femme occidentale, dévoilée, libérée et civilisée et de l’<strong>au</strong>tre, la femme<br />

musulmane, opprimée, arriérée et primitive. La femme occidentale est clairement<br />

idéalisée et l’arabo-musulmane diabolisée et marginalisée.<br />

7.3. Une analyse possible : le point de vue psychanalytique<br />

Lors du premier congrès de l’Espace analytique franco-tunisien intitulé<br />

« Psychanalyse et dévoilement », l’un des orateurs, Hager KARRAY, a posé son<br />

regard psychanalytique sur la problématique du voile en Islam et essayé d’expliciter<br />

les mouvements de l’inconscient sous le voile.<br />

Du point de vue de l’homme, si ce voile existe, c’est pour occulter le corps de la<br />

femme. Et s’il (le corps de la femme) doit être exclu du champ de vision de<br />

l’homme, c’est bien parce qu’il attire son regard, qu’il appelle son désir, trouble<br />

l’homme et le détournerait de sa foi et de son Dieu. Ce corps de femme inquiète tant<br />

l’homme, qu’il (l’homme) s’efforce de le maintenir à distance. C’est d’ailleurs pour<br />

cette raison qu’elle a été diabolisée, et cela, il f<strong>au</strong>t le rappeler, par les trois religions<br />

monothéistes.<br />

Du point de vue de la femme, il est intéressant, continue l’orateur, de s’interroger<br />

<strong>au</strong>ssi sur le sens que revêt pour elle, le processus du voilement. En effet, il n’y a pas<br />

de raisons qu’elles se soumettent à un ordre masculin ou plutôt, phallique (ordre des<br />

hommes sous la direction de leur phallus 10 ) sans y trouver leur compte. En les<br />

10 Originairement, le phallus désigne le sexe masculin (pénis) en érection. Ce terme a été érigé <strong>au</strong> rang<br />

de concept par la psychanalyse pour sa dimension symbolique.<br />

Pour Freud (1856-1939), le phallus sera ce que chacun cherche en l’<strong>au</strong>tre dans l’amour. Tandis que le<br />

petit garçon se définirait par ce qu’il a (son pénis), la petite fille se définirait, elle, remarquant ce dont<br />

elle est dépourvue, par ce qui lui manque. Cette situation plongerait le garçon dans l’angoisse de<br />

castration (perte de son pénis, à l’image de la petite fille) et provoquerait chez la petite fille cette<br />

« envie de pénis » pour combler le manque qu’elle ressent.<br />

25


Le voile, une prison ? , <strong>Travail</strong> de maturité 2008 Leila Chakroun 3m1<br />

interrogeant, il a remarqué que les femmes excluaient le mettre pour obéir à leur père<br />

ou leur mari. L’une d’entre elles se révolte même : « N’ai-je pas ma propre<br />

personnalité ? C’est la religion qui le demande pas les hommes ! ».<br />

L’<strong>au</strong>teur relève dans cette réponse que la femme fait référence à L’Autre (Allah), à<br />

La Loi (du Coran), qu’elle reprend à son compte et <strong>au</strong>quel elle décide de se<br />

soumettre entièrement. Elles excluent se soumettre à une injonction masculine<br />

humaine, mais se sentent honorées de se soumettre à un souhait divin. On voit bien<br />

ici que le désir du sujet se fonde exclusivement sur le désir de L’Autre. Elle ne peut,<br />

par conséquent, s’<strong>au</strong>toriser ses propres désirs que dans la mesure où ils sont en<br />

accord avec ceux de L’Autre. Donc, le plus important est que L’Autre soit consentant<br />

à son désir.<br />

Il y a entre la femme voilée et Le Grand Autre, Allah, la religion musulmane, une<br />

très grande proximité, et la demande de L’Autre va être entendue par la femme dans<br />

sa dimension inconditionnelle et absolue. En incorporant la demande de L’Autre, dit<br />

le psychanalyste, la femme incorpore L’Autre tout entier, niant ainsi la castration,<br />

c’est-à-dire le manque propre à la condition féminine sexuée. C’est ainsi que peut<br />

être compris les paroles de certaines femmes voilées, « C’est un plus, je l’ai<br />

gagné[…] ».<br />

De plus pour la femme <strong>au</strong>ssi, la demande de cacher son corps lui passe le message de<br />

la place forte qu’il occupe dans le désir de L’Autre. « C’est un trésor, un trésor à<br />

cacher. », disent certaines, « Depuis que je porte le voile, je vois dans le regard de<br />

l’homme un véritable respect. ». C’est donc par l’image en miroir que lui renvoie le<br />

regard respectueux de l’homme, qu’elle a l’impression d’avoir conquis le mirage de<br />

la totalité. De son coté, l’homme est amené à déifier la femme voilée, niant la<br />

castration de la femme, de la mère en particulier. Le corps de la femme, féminin,<br />

séduisant et en creux est complètement occulté. Le voile cache le féminin rendant le<br />

corps en creux artificiellement <strong>complet</strong>.<br />

Donc, selon cette analyse, le voile est utilisé pour éviter à l’homme d’être troublé et<br />

attiré par le corps féminin, ce trouble lui rappelant qu’il n’est qu’un être fragile, ni<br />

tout puissant, ni <strong>complet</strong>. Et la femme qui se soumet (dans ce cas, activement, de son<br />

propre choix) à ce désir d’un Dieu, se sent déifiée et valorisée. Chacun semblerait<br />

ainsi y trouver son compte […].<br />

26


Le voile, une prison ? , <strong>Travail</strong> de maturité 2008 Leila Chakroun 3m1<br />

8. Comparaison entre la façon dont la femme se perçoit et<br />

celle dont elle est perçue par la société<br />

Après avoir analysé les princip<strong>au</strong>x préjugés portés par la société française sur le<br />

voile, on peut comprendre que de nombreuses femmes vivent le port du voile comme<br />

un moyen supplémentaire d’exclusion et de stigmatisation. L’intériorisation de cette<br />

obligation contre la volonté propre de la femme (imposition par la famille, le plus<br />

souvent) produit en elle un conflit intérieur, un sujet de révolte. En le portant ainsi,<br />

l’image qu’elle va donner d’elle ne sera pas la même que celle qu’elle veut ou croit<br />

donner.<br />

Par contre, il est intéressant pour mieux comprendre la construction du sentiment<br />

d’un tout identitaire unifié, de se demander comment certaines femmes se sentent<br />

bien intégrées et disent avoir plus confiance en elles, alors qu’elles revêtent un objet<br />

vestimentaire dont les préjugés négatifs et dévalorisants sont importants. Le voile<br />

reste à tout œil occidental, le symbole de l’archaïsme islamique, de<br />

l’emprisonnement et de la soumission de ses femmes,…<br />

Dans leur pays d’origine, où le voile est <strong>au</strong>tant un signe religieux qu’une habitude<br />

vestimentaire ancestrale, la femme le porte traditionnellement, sans se poser plus de<br />

question. L’image qu’elle va donner en se voilant sera en accord avec l’image qu’elle<br />

a d’elle-même. Le voile n’est en <strong>au</strong>cun cas un facteur inhibant une bonne intégration<br />

dans la société, car il est là-bas, ancré dans les mœurs. Leur culture étant moins<br />

individualiste que la nôtre, elle tend vers la conformité et non la différentiation<br />

individuelle.<br />

Dans un pays occidental où le voile n’est pas (ou plus) porté culturellement, son port<br />

par de jeunes femmes musulmanes est inévitablement accompagné d’une prise de<br />

conscience de la différence (d’apparence, tout d’abord) qu’il y a entre elles et les<br />

occidentales. Il ne peut être que la résultante d’un choix actif ou d’une obligation<br />

réfléchie et imposée le plus souvent par des membres de la famille. La femme et son<br />

entourage sont par conséquent contraints à se positionner POUR ou CONTRE.<br />

On peut faire l’hypothèse que le fait de se positionner sur un élément culturel<br />

ancestral peut fragiliser ou <strong>au</strong> contraire consolider le sentiment d’identité et le lien<br />

ressenti avec les valeurs de la culture d’origine. Ainsi, le voile choisi permet un<br />

sentiment d’identité personnelle plus harmonieux que le voile imposé et non choisi.<br />

Comme il est imposé, il y a déjà un conflit entre elle et celui qui le lui impose. La<br />

27


Le voile, une prison ? , <strong>Travail</strong> de maturité 2008 Leila Chakroun 3m1<br />

façon dont elle se perçoit n’est donc pas similaire à celle dont la famille (ou la<br />

personne qui le lui a imposé) la voit. Si le voile est perçue par la femme uniquement<br />

comme une obligation et une contrainte supplémentaire, elle risque de ressentir un<br />

mal-être dû à un désaccord intérieur ; ce mal-être sera un élément néfaste pour son<br />

intégration et lui donnera encore moins d’occasions de se sentir acceptée et reconnue<br />

socialement. Elle se sentira écartelée entre son identité culturelle et son identité<br />

personnelle.<br />

Certaines femmes affirment leur personnalité, paradoxalement <strong>au</strong>x femmes<br />

précédemment citées, malgré ce voile sali et taché par les préjugés occident<strong>au</strong>x ou<br />

même <strong>au</strong> moyen du voilement. Elles y arrivent, car elles se distancent des préjugés et<br />

vivent en accord avec leurs convictions religieuses. Leur relation à Dieu a plus<br />

d’importance que le regard extérieur posé sur elle et son voile. Ces femmes prouvent<br />

ainsi, qu’il existe des facteurs de personnalité, de caractère qui influencent la<br />

construction de l’identité.<br />

On peut souligner ici que le milieu socio-économique, à l’instar de son statut dans la<br />

société, sont des facteurs clés qui vont aider à une meilleure intégration ou, du moins,<br />

une marginalisation moins forte. Les milieux favorisés vont ainsi donner à la femme<br />

qui se voilent, plus de chance d’intégration que les banlieues, elles-mêmes<br />

stigmatisées. Il en est de même pour le travail qu’elle pratique et le nive<strong>au</strong> de<br />

<strong>format</strong>ion qu’elle a eu.<br />

9. Conclusion<br />

On peut par la lecture et l’ouverture d’esprit, se rendre compte que le voile, comme<br />

be<strong>au</strong>coup d’<strong>au</strong>tres choses d’ailleurs, n’est ni tout blanc, ni tout noir. Il a une histoire,<br />

une signification, un but précis. Indépendamment d’une culture quelle qu’elle soit, il<br />

ne prend <strong>au</strong>cune valeur péjorative. Cette dernière est inst<strong>au</strong>rée par le regard qu’une<br />

ou plusieurs cultures posent sur le voile. Le regard dépend complètement de la<br />

culture dont il ressort ; un jugement se fait selon l’histoire, les problèmes rencontrés<br />

et surmontés ou pas, la philosophie, le régime politique,… de chacune des cultures.<br />

La représentation sociale d’un élément est un avis partagé <strong>au</strong> sein d’une culture qui<br />

est, on a tendance à l’oublier, relatif à cette culture et non universel.<br />

Ainsi, <strong>au</strong>cun facteur ne peut favoriser à lui seul la représentation, l’intégration,<br />

l’identité,… Le voile n’est pas en lui-même ni facteur d’intégration, ni facteur<br />

d’exclusion. Ces processus se font <strong>au</strong> moyen du voile, mais pas à c<strong>au</strong>se ou grâce <strong>au</strong><br />

28


Le voile, une prison ? , <strong>Travail</strong> de maturité 2008 Leila Chakroun 3m1<br />

voile. Ils dépendent du positionnement de la personne par rapport à ce dernier,<br />

positionnement qui dépend lui des préjugés, de la représentation sociale dans la<br />

société d’accueil ainsi que de la culture d’origine et du lien à celle-ci.<br />

D’un point de vue personnel, ce travail m’a be<strong>au</strong>coup apporté. Prendre conscience de<br />

la multitude des manières de penser qu’on trouve sur la planète Terre est toujours<br />

très intéressant et surtout très enrichissant. On y apprend la relativité de chacune de<br />

ces façons de penser. Ce travail a donc été un réel apprentissage de vie car on se rend<br />

compte bien vite qu’il ne f<strong>au</strong>t pas juger « l’<strong>au</strong>tre », « l’étranger » ou « l’inconnu »<br />

sans le connaître vraiment car la seule chose que l’on peut dire de lui avant ça, c’est<br />

qu’il est tout simplement différent (pas dans le m<strong>au</strong>vais sens du terme, <strong>au</strong> contraire).<br />

Les préjugés resteront toujours des préjugés.<br />

10. Bibliographie<br />

10.1. Livres<br />

BEGAG Azouz. L’intégration, Paris : Le Cavalier Bleu, 2003.<br />

BEHI, Jelila. Sans contrainte, Tunis : Editions Nirvana, 2003.<br />

BOCKEL Alain. L’immigration <strong>au</strong> pays des droits de l’homme, Paris : Editions<br />

Publisud, 1991.<br />

CHEMAMA Roland, VANDERMERSCH Bernard (dir.). Dictionnaire de la<br />

Psychanalyse, Paris : Larousse, 1998.<br />

DEBRAY, Régis. Ce que nous voile le voile, Paris : Gallimard, 2004.<br />

DJAVANN, Chahdortt. Bas les voiles!, Paris : Gallimard, 2003.<br />

DJITLI Leïla. Lettre à ma fille qui veut porter le voile, Lonrai : La Martinière, 2004.<br />

GAYMARD Sandrine. La négociation interculturelle chez les filles franco-<br />

maghrébines, Paris : L’Harmattan, 2003.<br />

GENOT-BISMUTH Jaqueline Lise, DGHIM Chiheb. Du voile, de l’Antiquité à<br />

l’Islam, Paris : Editions de Paris, 2003.<br />

HELVIG Jean-Michel (dir.). La laïcité dévoilée, La Tour d’Aigues : Editions de<br />

l’<strong>au</strong>be, 2004.<br />

KACEM Abdelaziz. Le voile est-il islamique ?, Barcelone : Chèvrefeuille étoilé,<br />

2004.<br />

KARRAY Hager. Psychanalyse et dévoilement, Le voile en Islam : négation du<br />

signe, Tunis : Cérès éditions, 2006.<br />

29


Le voile, une prison ? , <strong>Travail</strong> de maturité 2008 Leila Chakroun 3m1<br />

LARABI HENDAZ Louisa. Le voile humilié, Paris : Editions Marjane, 2005.<br />

MINCES Juliette. Le Coran et les femmes, Paris : Hachette/Pluriel, 1997.<br />

MONGIN Olivier et ROY Olivier. ISLAM, Paris : Autrement, 1990.<br />

ZOUARI Fawzia. Le voile islamique, L<strong>au</strong>sanne: Favre, 2002.<br />

10.2. Articles<br />

GROS, Marie-Joëlle. « Voile : l’Irak en toile de fond », Libération, septembre 2004,<br />

p.19.<br />

MASCLET, Olivier. « Le rendez-vous manqué de la droite et des cités », Le Monde<br />

diplomatique, 598, Janvier 2004, p.4.<br />

VIDAL, Dominique. « Exception française », Le Monde diplomatique, 599, Février<br />

2004, pp.6-7.<br />

TEVANIAN, Pierre. « Une loi antilaïque, antiféministe et antisociale », Le Monde<br />

diplomatique, 599, Février 2004, p.8.<br />

PEÑA-RUIZ, Henri. «Laïcité et égalité, leviers de l’émancipation », Le Monde<br />

diplomatique, 599, Février 2004, p.9.<br />

RUSCIO, Alain. « Des Sarrasins <strong>au</strong>x Beurs, une vieille méfiance », Le Monde<br />

diplomatique, 599, Février 2004. p.10.<br />

WEIL, Nicolas. « Une décennie de débats entre intellectuels », Le Monde, 348,<br />

Décembre 2005, p.6.<br />

CANTO-SPERBER, Monique et RICOEUR, P<strong>au</strong>l. « Le foulard, telle une menace »,<br />

Le Monde, 348, Décembre 2005, p.6.<br />

GIDDENS, Anthony. « L’identité des femmes en première ligne », Le Monde, 348,<br />

Décembre 2005, p.6.<br />

BERNARD, Philippe. « Répondre <strong>au</strong> cri de détresse », Le Monde, 348, Décembre<br />

2005, p.7.<br />

BRONNER, Luc, FORTIER, Jaques et TERNISIEN, Xavier. « Les signes<br />

ostensibles ont pratiquement disparus des écoles », Le Monde, 348, Décembre 2005,<br />

p.7.<br />

30


Le voile, une prison ? , <strong>Travail</strong> de maturité 2008 Leila Chakroun 3m1<br />

11. Remerciements<br />

Je remercie tout d’abord Madame Bucher-Mayor, qui m’a soutenue pendant toute la<br />

durée du travail et qui a réussi grâce à sa minutie et sa science à rendre mon travail<br />

plus structuré et plus précis.<br />

Je tiens ensuite à remercier respectivement mes deux parents, qui m’ont aidé à me<br />

documenter et qui ont tous deux eu l’obligeance de prendre du temps pour<br />

m’expliquer leur point de vue. Un grand merci, donc, tout d’abord à ma mère pour la<br />

précieuse aide qu’elle a pu m’apporter en tant que psychiatre ainsi qu’en tant que<br />

maître de français, pour la structure, la syntaxe et la justesse de mes phrases et de<br />

mon texte, et ensuite à mon père, qui a su m’ouvrir l’esprit, en m’expliquant, entre<br />

<strong>au</strong>tres le relativisme de chaque chose.<br />

Je remercie <strong>au</strong>ssi ma sœur, qui a accepté de se faire photographier et d’être mise en<br />

première page de mon travail et qui n’a cessé de m’encourager et de me motiver.<br />

Pour finir, je remercie Saïda, une Ethiopienne résidant en Tunisie, qui m’a accordé<br />

un peu de son temps pour une courte interview ainsi que ma tante Latifa, qui m’a<br />

gentiment traduit ce que disait Saïda et qui a également répondu à mes quelques<br />

questions.<br />

31

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!