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Thèse <strong>de</strong> doctorat <strong>de</strong> l’Université Paris 7 - Denis Di<strong>de</strong>rot<br />
UFR <strong>de</strong> Physique<br />
Spécialité :<br />
Interface Physique-Biologie<br />
Présenté par :<br />
Aurélien ROUX<br />
pour obtenir le gra<strong>de</strong> <strong>de</strong> DOCTEUR <strong>de</strong> l’UNIVERSITE PARIS 7<br />
Sujet <strong>de</strong> la thèse :<br />
Tubes <strong>de</strong> membrane dans le trafic<br />
intracellulaire : aspects physiques et<br />
biologiques<br />
Jury composé <strong>de</strong><br />
M. François Gallet, Prési<strong>de</strong>nt<br />
M. Bruno Antonny, Rapporteur<br />
M. L<strong>au</strong>rent Bourdieu, Rapporteur<br />
M. Bruno Goud, Directeur <strong>de</strong> thèse<br />
Mme Patricia Bassere<strong>au</strong>, Co-directrice <strong>de</strong> thèse<br />
M. Gerrit Van Meer, Examinateur<br />
M. Owe Orwar, Membre invité
Remerciements :<br />
Tous les manuscrits <strong>de</strong> thèse commencent par ce qui termine généralement le travail<br />
<strong>de</strong> thèse, les remerciements. Et comme pour tous les remerciements, il me f<strong>au</strong>t commencer<br />
par les initiateurs <strong>de</strong> ce projet que j’ai creusé pendant presque quatre ans. Là s’arrêteront les<br />
« comme tout le mon<strong>de</strong> » car rien d’<strong>au</strong>tre que l’encadrement que j’ai eu durant ces années n’a<br />
été plus original. Patricia et Bruno m’ont permis d’évoluer entre leur <strong>de</strong>ux laboratoires, et ont<br />
su tisser un dialogue unique sans lequel rien <strong>de</strong> mon travail n’<strong>au</strong>rait été possible. J’ai pu ainsi<br />
saisir les profon<strong>de</strong>s différences entre l’approche scientifique <strong>de</strong>s physiciens et celle <strong>de</strong>s<br />
biologistes, mais ils ont su eux, dépasser leur différences pour s’intéresser <strong>au</strong>x recherches <strong>de</strong><br />
l’<strong>au</strong>tre, et forger une collaboration dont la force a porté le projet. Et il est peu <strong>de</strong> dire que cette<br />
collaboration essentielle pour mon travail n’<strong>au</strong>rait été possible sans les qualités scientifiques<br />
et surtout humaines <strong>de</strong> Patricia et Bruno. J’ai travaillé entre un laboratoire <strong>de</strong> physique et un<br />
laboratoire <strong>de</strong> biologie, entre une jeune équipe en formation et une équipe déjà bien rodée, et<br />
cela <strong>au</strong>rait pu être très déstabilisant sans leur soutien scientifique et humain. Cela a été <strong>au</strong><br />
contraire une expérience qui n’<strong>au</strong>rait pas pu être plus enrichissante, et je crois sincèrement<br />
qu’ils ont tout <strong>au</strong>tant appris que moi.<br />
Je ne peux que remercier Jacques pour les discussions que nous avons eu où en quelques<br />
minutes j’ai eu du boulot pour 20 ans ! L’essentiel <strong>de</strong> mon travail <strong>de</strong> thèse est souvent parti <strong>de</strong><br />
quelques points essentiels débattus avec Jacques. Et son enthousiasme venant à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> sa<br />
créativité, il ne me restait plus qu’à faire les manips.<br />
L’institut Curie est un cadre merveilleux pour faire <strong>de</strong> la recherche, mais il ne le serait pas<br />
sans les personnes qui y travaillent. Ils restent néanmoins séparés par leur discipline, et choisir<br />
<strong>de</strong> commencer par les physiciens ou les biologistes qui m’ont tant apportés <strong>au</strong> cours <strong>de</strong> ces<br />
années a été trop dur. Je les remercie tous sans avoir à choisir.<br />
Giovanni a été un collègue avant qu’on ne se serre la main, <strong>de</strong>ux minutes après s’être<br />
rencontrés, et un ami <strong>de</strong>puis ! Sans lui, be<strong>au</strong>coup <strong>de</strong>s subtilités <strong>de</strong> la physique expérimentale<br />
et <strong>de</strong> la Dolce Vita Italienne (croustillante !) me seraient encore inconnues. Ses explications<br />
lumineuses l’ont rendu indispensable pour mon travail, et <strong>au</strong> travail <strong>de</strong> be<strong>au</strong>coup.<br />
Les explications non moins lumineuses <strong>de</strong> Clément et Franck en ont fait <strong>de</strong>s partenaires horsnormes<br />
pour comprendre la biologie moléculaire et cellulaire à la paillasse. Sans compter tous<br />
les coups <strong>de</strong> main décisifs qu’ils m’ont apportés pour les purifications et expériences <strong>de</strong><br />
biochimie, et une vision large <strong>de</strong>s problématiques cellulaires, ce qui est rare et précieux.<br />
Un <strong>de</strong> mes premiers contacts directs avec les problèmes théoriques en physique a été en<br />
compagnie d’Imre, qui a su m’expliquer simplement <strong>de</strong>s formalisations qui me seraient<br />
probablement restées opaques <strong>au</strong>trement. Avec sa gentillesse et sa patience, il a été l’artisan<br />
du dialogue entre expériences et théorie pour mon projet.<br />
D’<strong>au</strong>tres ont participés à ma compréhension <strong>de</strong> la théorie, ici à Curie, et tout particulièrement<br />
Jean-François dont la curiosité et la perspicacité ont été <strong>de</strong>s atouts pour me faire comprendre<br />
certains <strong>de</strong>s aspects les plus abstraits <strong>de</strong> la physique. Cornélis, dont le travail a été directement<br />
relié <strong>au</strong> mien, a, par ses simulations numériques, été d’un grand secours dans ma<br />
compréhension <strong>de</strong>s phénomènes physiques.<br />
Enfin, Damien et Pierre pour leur ai<strong>de</strong> quotidienne, et leur capacité à me supporter, doivent<br />
recevoir <strong>de</strong> moi <strong>de</strong> chaleureux remerciements, et <strong>de</strong> nombreuses excuses, que je ne sais pas ou<br />
mal dire. Ils forment un tan<strong>de</strong>m d’une efficacité rare, et leur dynamisme y est pour be<strong>au</strong>coup
plus qu’ils ne le croient dans la réalisation <strong>de</strong> mon travail. Toujours la bonne question,<br />
toujours la bonne réponse, ils iront loin et leur amitié me manquera.<br />
Je ne peux que remercier tous les gens <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux équipes qui m’ont accueilli d’avoir été d’une<br />
ai<strong>de</strong> constante et précieuse durant ces quatre années, merci à Aurélie pour son ai<strong>de</strong><br />
enthousiaste, Cécile pour la recette <strong>de</strong>s cookies, Jérôme pour les leçons d’histoire du foot,<br />
Jacques pour son ai<strong>de</strong> si nécessaire en informatique, Philippe pour la cuite mémorable <strong>au</strong><br />
Génépi et Otger (Viva Cataluña). Merci <strong>au</strong>ssi à Florence (encore désolé pour les pipettes…),<br />
Annick pour tous les produits qu’elle a toujours su trouver pour moi, Sandrine pour avoir<br />
toujours LA solution, Solange pour tout l’intérêt qu’elle a porté à ce que je faisais, Arn<strong>au</strong>d<br />
pour m’avoir initier <strong>au</strong>x joies <strong>de</strong> la paillasse (c’est déjà loin !), Valérie pour avoir supporter<br />
d’être ma voisine durant un an et <strong>de</strong>mi (pas facile !), Francesca pour son fabuleux Tiramisu,<br />
Jean pour son ai<strong>de</strong> précieuse et professionnelle sur tous les microscopes <strong>de</strong> l’institut,<br />
Stéphanie pour toute la bonne humeur qu’elle diffuse, Elaine pour toute la joie sud-américaine<br />
qu’elle communique et merci à Raphaëlle pour son ai<strong>de</strong> quotidienne. Merci à Jean Baptiste<br />
pour m’avoir permis d’utiliser sa thèse et bonne chance pour la suite ainsi qu’à tous les<br />
nouve<strong>au</strong>x.<br />
Merci <strong>au</strong>ssi à Annie Rousselet pour la tubuline, Lucien et Ahmed pour les ai<strong>de</strong>s précieuses en<br />
biochimie et culture cellulaire, et merci à Jean-Baptiste, Vincent et Jean pour la qualité du<br />
service <strong>de</strong> microscopie.<br />
La science m’a permis d’interagir avec <strong>de</strong> nombreuses personnes et groupes en France et en<br />
Europe. Ca a été une aventure tellement enrichissante <strong>de</strong> discuter et travailler avec chacun<br />
d’eux, que je ne peux que les remercier tous ensemble, avant <strong>de</strong> les remercier<br />
individuellement.<br />
Je voudrais remercier François et Thomas, à Hei<strong>de</strong>lberg, Allemagne, qui les premiers m’ont<br />
permis <strong>de</strong> faire avancer ce qui n’était alors qu’un projet <strong>de</strong> thèse, en nous donnant <strong>de</strong> la<br />
kinésine et les moyens <strong>de</strong> la purifier. De même, je voudrais remercier Stefania et Alberto, à<br />
Santa Maira Imbaro, Italie, pour les produits et les nombreux conseils qu’ils m’ont donnés.<br />
Je voudrais remercier chaleureusement l’équipe <strong>de</strong> Marileen, AMOLF, Amsterdam, et en<br />
particulier Gerbrand et Martijn, pour les heures passées à discuter <strong>de</strong> physique et <strong>de</strong> biologie,<br />
et à manipuler ensemble. Nos <strong>de</strong>ux projets étaient si proches que nous <strong>au</strong>rions pu être<br />
concurrents directs, mais leur honnêteté scientifique et leur recherche d’interactions avec nous<br />
nous ont poussés à la collaboration, qui reste un <strong>de</strong>s meilleurs souvenirs <strong>de</strong> ma thèse.<br />
Une <strong>au</strong>tre équipe qui m’a be<strong>au</strong>coup apporté pour mon travail <strong>de</strong> thèse est celle <strong>de</strong> Jean à<br />
l’IJM, Paris, qui m’a accueilli dans la chaleureuse ambiance <strong>de</strong> son laboratoire pour y<br />
apprendre les bases <strong>de</strong> la microscopie électronique. Je remercie en particulier Jean, Marie-<br />
Aline et Michel qui m’ont particulièrement aidé pour les expériences, et tout le labo pour le<br />
merveilleux accueil que j’y est reçu.<br />
J’ai découvert la puissance <strong>de</strong> la chimie organique et le professionnalisme <strong>de</strong>s chimistes<br />
grâce à Pascale et Line, à l’IBL, Lille. Tant pour les questions scientifiques que pour les<br />
problèmes techniques, leurs questions et leurs réponses ont permis <strong>de</strong> faire avancer à pas <strong>de</strong><br />
géant un projet qui serait probablement embryonnaire sans elles. C’est une collaboration qui,<br />
je l’espère apportera be<strong>au</strong>coup <strong>au</strong> reste <strong>de</strong> l’équipe <strong>de</strong> Patricia.<br />
Je dois <strong>au</strong>ssi remercier Bruno à Valbonne, ainsi que toute son équipe, pour son accueil et tout<br />
le temps qu’il a passé avec moi <strong>au</strong> téléphone ou à la paillasse pour faire avancer un projet qui<br />
n’a finalement pas marché. Quand il m’avait dit qu’on voyait le Mercantour et la Baie <strong>de</strong>s<br />
Anges <strong>de</strong>puis son bure<strong>au</strong>, je ne l’avais pas cru, mais je n’ai pu que constater la be<strong>au</strong>té du site<br />
et la gentillesse <strong>de</strong>s gens. Jean-Baptiste reprend ici le flambe<strong>au</strong> <strong>de</strong> cette collaboration, et j’ai<br />
bon espoir <strong>de</strong> voir <strong>de</strong> be<strong>au</strong>x résultats en sortir, ainsi que <strong>de</strong> bons moments en perspective dans<br />
l’équipe <strong>de</strong> Bruno. Je veux remercier Bruno <strong>au</strong>ssi pour nous avoir ai<strong>de</strong>r pour notre article,<br />
mais <strong>au</strong>ssi pour être rapporteur <strong>de</strong> ma thèse.
De même, je dois remercier L<strong>au</strong>rent, à Strasbourg pour être le <strong>de</strong>uxième rapporteur <strong>de</strong> ma<br />
thèse. Comme lui, je commence par étudier les membranes, et peut-être que l’avenir me<br />
rapprochera <strong>de</strong> ses thématiques neuro-physiques.<br />
Je voudrais remercier Gerrit qui me fait l’honneur <strong>de</strong> faire partie du jury <strong>de</strong> ma soutenance, et<br />
que j’ai eu l’occasion <strong>de</strong> rencontrer dans l’un <strong>de</strong>s congrès les plus enthousiasmant <strong>de</strong> ma très<br />
jeune carrière dans la science.<br />
C’est <strong>au</strong>ssi un honneur d’avoir dans mon jury Owe, dont la maîtrise expérimentale <strong>de</strong>s tubes<br />
m’a toujours impressionnée : les quelques discussions animées et chaleureuses que nous<br />
avons eu me laissent penser que ses questions ne seront pas <strong>de</strong>s plus faciles.<br />
Enfin, je voudrais remercier François que j’ai eu comme professeur, pour être membre <strong>de</strong><br />
mon jury, et j’apprécierai une fois <strong>de</strong> plus sa perspicacité et la finesse <strong>de</strong> ses questions le jour<br />
<strong>de</strong> ma soutenance.<br />
Je dois ici avoir une pensée pour ma famille, qui m’a soutenu et me soutiens jusque la dans<br />
chacun <strong>de</strong> mes choix. Merci à tous mes frères et sœurs, Guill<strong>au</strong>me, Adrien, Manon, Julia et<br />
Lucie, et merci à leur parents, maman, Marie-Lise, papa et Bernard.<br />
Je ne pourrais terminer sans penser à Solène, qui m’a accompagné chaque jour dans<br />
mon travail, chaque jour dans mon cœur. Elle m’a fait découvrir un <strong>au</strong>tre façon <strong>de</strong> voir le<br />
mon<strong>de</strong>, ce qui est essentiel pour être un scientifique.<br />
A tous merci,
Table <strong>de</strong>s matières<br />
TABLE DES MATIERES ....................................................................................................... 1<br />
INTRODUCTION GENERALE ............................................................................................ 3<br />
CHAPITRE 1 TRAFIC INTRACELLULAIRE ET MEMBRANES : PROTEINES<br />
ET LIPIDES NECESSAIRES POUR DEFORMER, TRIER ET COUPER LES<br />
MEMBRANES………………………………………………………………………………..9<br />
I.1 DEFORMATION DE LA MEMBRANE ............................................................................. 11<br />
I.1.1 Déformation par les mante<strong>au</strong>x............................................................................. 12<br />
I.1.2 Déformation par les éléments du cytosquelette.................................................... 20<br />
I.1.3 Déformation liée <strong>au</strong>x lipi<strong>de</strong>s et <strong>au</strong>x enzymes agissant sur les lipi<strong>de</strong>s.................. 27<br />
I.1.4 Conclusion............................................................................................................ 31<br />
I.2 TRI D’ELEMENTS MEMBRANAIRES ............................................................................. 32<br />
I.2.1 Tri par interaction <strong>de</strong> cargos avec les mante<strong>au</strong>x................................................. 33<br />
I.2.2 Tri par séparation <strong>de</strong> phase : Importance <strong>de</strong>s ra<strong>de</strong><strong>au</strong>x lipidiques, ou « rafts ».. 37<br />
I.3 COUPURE DE MEMBRANE OU FISSION ........................................................................ 46<br />
I.3.1 La dynamine, ressort moléculaire........................................................................ 46<br />
I.3.2 Rôle <strong>de</strong>s lipi<strong>de</strong>s et <strong>de</strong>s acyls transférases............................................................. 49<br />
I.3.3 Conclusion............................................................................................................ 50<br />
I.4 DEFORMATION, TRI ET FISSION : QUE CONCLURE ? ................................................... 51<br />
CHAPITRE 2 PHYSIQUE DES BIOMEMBRANES : PARAMETRES<br />
IMPORTANTS POUR DEFORMER, COUPER LES MEMBRANES LIPIDIQUES ET<br />
TRIER LES LIPIDES............................................................................................................ 53<br />
II.1 DESCRIPTION CLASSIQUE DE CANHAM-HELFRICH : LA MEMBRANE EST UN CHAMP DE<br />
COURBURE............................................................................................................................. 56<br />
II.1.1 Les trois déformations possibles d’une surface ............................................... 56<br />
II.1.2 La représentation <strong>de</strong> Monge : la membrane faiblement fluctuante ................. 59<br />
II.1.3 Vérification expérimentale du modèle <strong>de</strong> Canham-Helfrich............................ 65<br />
II.2 TUBES DE MEMBRANE. .............................................................................................. 68<br />
II.2.1 Expression d’Helfrich dans le cas <strong>de</strong>s tubes <strong>de</strong> membrane ............................. 69<br />
II.2.2 Forme précise <strong>de</strong>s tubes................................................................................... 71<br />
II.2.3 Une transition dans la forme correspond à une transition dans la force ........ 72<br />
II.2.4 Faisce<strong>au</strong>x <strong>de</strong> tubes ou tubes uniques ? ............................................................ 74<br />
II.3 EXEMPLES THEORIQUES ET EXPERIMENTAUX DE PHENOMENES PHYSIQUES<br />
IMPORTANTS POUR DEFORMER, TRIER ET COUPER LES MEMBRANES...................................... 75<br />
II.3.1 Déformations <strong>de</strong>s membranes .......................................................................... 76<br />
II.3.2 Séparation <strong>de</strong> phase induite par la courbure <strong>de</strong> la membrane : rôle potentiel<br />
dans le tri et la fission. ..................................................................................................... 88<br />
II.4 CONCLUSION............................................................................................................. 91<br />
CHAPITRE 3 MISE EN PLACE D’UN SYSTEME MINIMAL REPRODUISANT<br />
LA FORMATION DE TUBES DE MEMBRANES TIRES PAR DES MOTEURS<br />
MOLECULAIRES. ................................................................................................................ 93<br />
III.1 PROTOCOLES ET DETAILS TECHNIQUES...................................................................... 96<br />
1
III.1.1 Description du système in vitro........................................................................ 96<br />
III.1.2 Purifications <strong>de</strong> la kinésine et <strong>de</strong> la tubuline ................................................... 99<br />
III.1.3 Vésicules Géantes et membranes Golgiennes ................................................ 101<br />
III.1.4 Protocoles pour la formation <strong>de</strong> tubes <strong>de</strong> membrane par <strong>de</strong>s moteurs<br />
moléculaires ................................................................................................................... 104<br />
III.2 RESUME DE L’ARTICLE N°1 : ROUX ET COLL . PROC. NATL. ACAD. SCI. U.S.A., 16<br />
AVRIL 2002: 99 (8): 5394-9. A MINIMAL SYSTEM ALLOWING TUBULATION WITH MOLECULAR<br />
MOTORS PULLING ON GIANT LIPOSOMES. ........................................................................... 113<br />
III.3 ARTICLE N°1........................................................................................................... 117<br />
III.4 DISCUSSIONS ET EXPERIENCES COMPLEMENTAIRES................................................. 125<br />
III.4.1 Nombre <strong>de</strong> moteurs nécessaires et rôle <strong>de</strong>s agrégâts <strong>de</strong> moteurs dans la<br />
formation <strong>de</strong>s tubes. ....................................................................................................... 125<br />
III.4.2 Rôle <strong>de</strong>s agrégats <strong>de</strong> moteurs dans l’extraction <strong>de</strong> tubes à partir <strong>de</strong><br />
membranes golgiennes ................................................................................................... 131<br />
III.5 CONCLUSION........................................................................................................... 137<br />
CHAPITRE 4 ETUDE DU TRI DE LIPIDES PAR COURBURE ET DE LA<br />
COUPURE DE TUBES TIRES A PARTIR DE VESICULES A DEUX PHASES. ...... 139<br />
IV.1 RESUME DE L’ARTICLE 2 : ROUX ET COLL. ROLE OF CURVATURE AND PHASE<br />
SEPARATION IN LIPID SORTING AND FISSION OF MEMBRANE TUBULES. (SOUMIS)................. 142<br />
IV.2 ARTICLE N°2........................................................................................................... 147<br />
IV.3 EXPERIENCES COMPLEMENTAIRES ET DISCUSSION .................................................. 177<br />
IV.3.1 Tri <strong>de</strong> lipi<strong>de</strong>s et courbure............................................................................... 177<br />
IV.3.2 Séparation <strong>de</strong> phase et coupure ..................................................................... 182<br />
IV.3.3 Couplage tri-coupure ..................................................................................... 186<br />
IV.3.4 Conclusion...................................................................................................... 193<br />
CONCLUSION GENERALE ............................................................................................. 195<br />
BIBLIOGRAPHIE............................................................................................................... 199<br />
ANNEXES............................................................................................................................. 209<br />
ANNEXE 1 : PROTOCOLE DE PURIFICATION DE LA KINESINE BIOTINYLEE<br />
................................................................................................................................................ 211<br />
ANNEXE 2 :PURIFICATION DE LA TUBULINE......................................................... 217<br />
2
Introduction générale<br />
agrégats <strong>de</strong> membranes golgiennes biotinylées et marquées à la streptavidine fluorescente.<br />
3
C’est <strong>au</strong> milieu du 19 ième siècle que la chimie particulière du mon<strong>de</strong> vivant a été<br />
révélée. Les constituants majoritaires en sont le carbone, l’oxygène, l’hydrogène et l’azote, et<br />
<strong>de</strong>puis, toute une série <strong>de</strong> réactions et <strong>de</strong> propriétés chimiques particulières ont été<br />
découvertes, fondant les bases <strong>de</strong> la chimie organique et <strong>de</strong> la biochimie. Louis Pasteur, après<br />
avoir défini la chiralité (une même formule chimique peut dans certains cas correspondre à<br />
<strong>de</strong>ux composés, appelés énantiomères, images l’un <strong>de</strong> l’<strong>au</strong>tre dans un miroir), montra que les<br />
molécules du vivant étaient constituées d’éléments chir<strong>au</strong>x d’un seul type d’énantiomère.<br />
La structure <strong>de</strong> la matière vivante fut découverte dans la première partie du 19 ième<br />
siècle, grâce à l’amélioration <strong>de</strong>s techniques <strong>de</strong> microscopie. La définition <strong>de</strong> l’unité vivante<br />
minimale, ou cellule, fut donnée vers 1830, et reste à ce jour un <strong>de</strong>s critères génér<strong>au</strong>x pour<br />
définir le vivant. La cellule est la plus petite partie <strong>de</strong> tout organisme vivant qui en possè<strong>de</strong><br />
toutes les caractéristiques à savoir, une chimie particulière, la capacité <strong>de</strong> se reproduire à<br />
l’i<strong>de</strong>ntique, la capacité <strong>de</strong> s’<strong>au</strong>to entretenir et d’être un système thermodynamique ouvert.<br />
Mais il a fallu attendre presque un siècle avant <strong>de</strong> tout juste commencer à entrapercevoir la<br />
structure interne <strong>de</strong>s cellules.<br />
C’est le célèbre cytologiste italien Camillo Golgi qui le premier, grâce à un colorant<br />
cellulaire à base <strong>de</strong> nitrate d’argent, découvrit la première structure subcellulaire qui porte<br />
<strong>au</strong>jourd’hui son nom : l’appareil <strong>de</strong> Golgi. Il découvrit cette structure réticulée car elle fixait<br />
particulièrement bien le colorant dans certaines cellules nerveuses [1,2]. Golgi ne chercha<br />
jamais à étudier précisément les structures sub-cellulaires, et son travail fut centré sur l’étu<strong>de</strong><br />
du rése<strong>au</strong> que forment les neurones. Il n’y attribua donc pas <strong>de</strong> rôle particulier à ce<br />
compartiment sub-cellulaire, et ce fut un <strong>au</strong>tre biologiste qui <strong>au</strong> cours <strong>de</strong> la même pério<strong>de</strong><br />
donna les premiers éléments qui montraient l’existence <strong>de</strong> compartiments intracellulaires<br />
possédant une composition et une fonction particulière. Elie Metchnikoff, tout comme Golgi,<br />
ne chercha pas à percer la structure <strong>de</strong>s cellules : il eut le prix Nobel pour la découverte <strong>de</strong><br />
l’immunité cellulaire [3]. Mais il étudia la phagocytose, <strong>au</strong> cours <strong>de</strong> laquelle il remarqua que<br />
les éléments phagocytés étaient exposés à un pH aci<strong>de</strong> avant d’être digérés. Ce fut un premier<br />
pas vers le concept <strong>de</strong> la compartimentalisation <strong>de</strong>s cellules eucaryotes.<br />
Il a fallu attendre le milieu du 20 ième siècle pour que la mise <strong>au</strong> point <strong>de</strong> la microscopie<br />
électronique et <strong>de</strong>s premières ultra-centrifugeuses permette l’étu<strong>de</strong> approfondie <strong>de</strong>s<br />
compartiments cellulaires. De nombreux organites fut alors découverts et isolés, comme les<br />
lysosomes, usines <strong>de</strong> recyclage <strong>de</strong>s cellules, le réticulum endoplasmique, les vésicules <strong>de</strong><br />
sécrétions. Les tests biochimiques sur ces organites isolés par centrifugation permirent <strong>de</strong><br />
montrer que la composition <strong>de</strong> ces organites était différente du reste <strong>de</strong> la cellule et adaptée à<br />
5
une fonction cellulaire comme la dégradation <strong>de</strong>s protéines pour les lysosomes riches en<br />
protéases. Le concept <strong>de</strong> compartimentalisation (la cellule est constituée d’organites délimités<br />
par une membrane, ayant une composition et une fonction particulières dans la cellule)<br />
émergea réellement à cette époque.<br />
Mais ce fut l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la biosynthèse <strong>de</strong>s protéines qui permit <strong>de</strong> faire émerger ce qui<br />
représente <strong>au</strong>jourd’hui un thème dominant <strong>de</strong> la recherche en biologie cellulaire : le trafic<br />
vésiculaire. De nombreuses expériences, parmi lesquelles les plus décisives furent sans doute<br />
celles du groupe <strong>de</strong> Christian <strong>de</strong> Duve et George Pala<strong>de</strong>, montrèrent l’existence d’un trafic<br />
intracellulaire. Grâce à un précurseur radioactif <strong>de</strong>s protéines, ils montrèrent que les enzymes<br />
sécrétées par les cellules acineuses du pancréas étaient d’abord synthétisées dans le réticulum<br />
endoplasmique, puis passaient à l’appareil <strong>de</strong> Golgi, pour enfin se retrouver dans les grains <strong>de</strong><br />
sécrétion avant d’être sécrétées dans la lumière <strong>de</strong> l’acinus. Aujourd’hui, <strong>de</strong> nombreuses<br />
<strong>au</strong>tres voies ont été découvertes (voir figure 1), permettant <strong>de</strong> faire le lien entre tous les<br />
organites <strong>de</strong> la cellule, mis-à-part les mitochondries, qui communiquent essentiellement par<br />
transport transmembranaire. Les <strong>de</strong>ux voies principales restent la voie dite antérogra<strong>de</strong> (ou<br />
sécrétion, découverte par <strong>de</strong> Duve et Pala<strong>de</strong>), et la voie rétrogra<strong>de</strong> (en sens inverse, passant <strong>de</strong><br />
la membrane plasmique <strong>au</strong>x endosomes, puis <strong>de</strong>s endosomes <strong>au</strong> Golgi et enfin <strong>au</strong> réticulum<br />
endoplasmique).<br />
La mise en évi<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> ce trafic intracellulaire posa immédiatement le problème <strong>de</strong> sa<br />
réalisation : comment <strong>de</strong>s protéines ne traversant pas les membranes biologiques pouvaient<br />
voyager à travers plusieurs organites délimités par <strong>de</strong>s membranes ? L’idée d’un trafic médié<br />
par <strong>de</strong> petites vésicules <strong>de</strong> membrane, bourgeonnant d’un compartiment donneur, diffusant<br />
jusqu’à un compartiment dit accepteur avec lequel elles fusionnent fut émise [4] et étayée par<br />
la découverte en microscopie électronique <strong>de</strong> petites vésicules d’environ 50 nm attachées ou<br />
proches <strong>de</strong> la membrane plasmique [5].<br />
6
Mais ce trafic par petites vésicules, <strong>au</strong>ssi appelées intermédiaires <strong>de</strong> transport, posa<br />
plusieurs questions très simples mais dont les réponses prirent plusieurs décennies à être<br />
découvertes : comment la membrane se déforme-t-elle en vésicule ? Comment la vésicule se<br />
sépare-t-elle <strong>de</strong> la membrane donneuse ? Comment les éléments à exporter sont-ils triés dans<br />
la vésicule en formation ? Comment la vésicule voyage-t-elle jusqu’<strong>au</strong> compartiment<br />
accepteur ? Comment fusionne-t-elle avec ce compartiment ? Et enfin, comment la vésicule<br />
qui bourgeonne à partir d’un compartiment donneur est spécifiquement adressée <strong>au</strong><br />
compartiment accepteur ? Nous verrons dans un premier chapitre les réponses que les<br />
biologistes ont pu donner à ces questions <strong>de</strong>puis les années soixante.<br />
Figure 1 : Principales voies du trafic intracellulaire impliquant ou non <strong>de</strong>s mante<strong>au</strong>x protéiques. Endosome :<br />
compartiment d’arrivée <strong>de</strong>s vésicules d’endocytose. Lysosomes : organite <strong>de</strong> dégradation <strong>de</strong> certains<br />
constituants cellulaires. Endoplasmic reticulum, organite où à lieu la biosynthèse <strong>de</strong>s protéines non<br />
cytosoliques. Appareil <strong>de</strong> Golgi, orienté, les protéines arrivant du réticulum entrant par la face cis et sortant<br />
par la face trans (dans l’hypothèse classique). D’après [6].<br />
Un aspect important <strong>de</strong> ce trafic est qu’il fait intervenir un élément <strong>au</strong>x propriétés<br />
mécaniques particulières : la membrane lipidique. La nature lipidique <strong>de</strong> la membrane et son<br />
organisation en <strong>de</strong>ux feuillets d’épaisseur moléculaire est connue <strong>de</strong>puis très longtemps [7,8].<br />
Mais sa nature flui<strong>de</strong> à 2D, qui est une caractéristique assez rare, ne fut découverte<br />
qu’<strong>au</strong> début <strong>de</strong>s années 70, lorsque l’on découvrit que les protéines membranaires provenant<br />
7
<strong>de</strong> cellules ayant fusionnées pouvaient diffuser librement d’une cellule à l’<strong>au</strong>tre. Le modèle<br />
dit <strong>de</strong> Singer et Nicolson, ou modèle <strong>de</strong> la membrane mosaïque flui<strong>de</strong> à <strong>de</strong>ux dimensions fut<br />
proposé <strong>au</strong> début <strong>de</strong> l’année 1972 [9]. Les caractéristiques particulières <strong>de</strong> la membrane<br />
cellulaire sont en partie liées à sa nature chimique : les phospholipi<strong>de</strong>s qui la composent<br />
s’organisent spontanément en bicouche <strong>de</strong> quelques nanomètres d’épaisseur. Cette association<br />
spontanée explique <strong>au</strong>ssi une <strong>au</strong>tre caractéristique <strong>de</strong>s membranes lipidiques : elles sont <strong>au</strong>to-<br />
cicatrisantes. Si un pore vient à apparaître, il se referme spontanément. De plus, la majorité<br />
<strong>de</strong>s phospholipi<strong>de</strong>s cellulaires ont <strong>de</strong>s insaturations sur leurs chaînes carbonées, garantissant<br />
la fluidité <strong>de</strong> la membrane à la température physiologique. Cette fluidité est <strong>au</strong>ssi garantie par<br />
un <strong>au</strong>tre composant majeur <strong>de</strong>s membranes cellulaires, le cholestérol.<br />
Les membranes lipidiques ont très tôt intéressés les physiciens, à la fois pour leur<br />
propriété d’<strong>au</strong>to organisation, mais <strong>au</strong>ssi et surtout car leur fluidité bi-dimensionnelle leur<br />
confère <strong>de</strong>s propriétés mécano-élastiques particulières. Le premier modèle décrivant<br />
quantitativement les propriétés <strong>de</strong> la membrane fut proposé par W. Helfrich en 1973, soit<br />
juste après la <strong>de</strong>scription proposée par Singer et Nicolson [10]. Ce modèle ne tient compte<br />
que <strong>de</strong>s déformations possibles <strong>de</strong> la membrane et <strong>de</strong> sa fluidité, et ne tient pas compte <strong>de</strong> sa<br />
structure moléculaire. Nous verrons dans un <strong>de</strong>uxième chapitre que ce modèle, avec quelques<br />
modifications ajoutées par la suite, décrit qualitativement et quantitativement la quasi-<br />
majorité <strong>de</strong>s comportements mécaniques <strong>de</strong> la membrane.<br />
L’objet <strong>de</strong> cette thèse a été d’essayer <strong>de</strong> comprendre quels paramètres physiques et<br />
propriétés mécaniques étaient importants dans le cadre du trafic vésiculaire. Autrement dit,<br />
quelles sont les propriétés physiques <strong>de</strong>s membranes cellulaires qui sont exploitées par les<br />
cellules pour mener à bien le trafic vésiculaire. Pour cela, nous avons mis en place un système<br />
in vitro très simple, décrit dans le chapitre 3, permettant <strong>de</strong> mimer la formation d’un type<br />
d’intermédiaire <strong>de</strong> transport, les tubules, ou tubes <strong>de</strong> membrane, dans <strong>de</strong>s conditions<br />
suffisamment maîtrisées pour en comprendre les propriétés physiques. Ce système n’est<br />
constitué que <strong>de</strong> trois éléments, parmi lesquels <strong>de</strong>s vésicules (liposomes) géants, dont la<br />
composition est modifiable et maîtrisée. Dans le chapitre 4, nous montrerons qu’en modifiant<br />
la composition pour s’approcher d’une composition plus proche <strong>de</strong> celle <strong>de</strong>s membranes<br />
cellulaires, nous avons pu obtenir un système ayant les trois caractéristiques nécessaires à la<br />
formation <strong>de</strong>s intermédiaires <strong>de</strong> transport : déformation <strong>de</strong> la membrane, tri <strong>de</strong>s éléments<br />
membranaires et coupure <strong>de</strong> l’intermédiaire <strong>de</strong> transport <strong>de</strong> sa membrane donneuse.<br />
8
chapitre 1 Trafic Intracellulaire et<br />
membranes : protéines et lipi<strong>de</strong>s<br />
nécessaires pour déformer, trier et<br />
couper les membranes.<br />
vésicules géantes recouvertes <strong>de</strong> Sar1p marqué à l’Oregon Green.<br />
9
La découverte du parcours <strong>de</strong>s protéines néosynthétisées à travers les différents<br />
organites cellulaires à permis d’émettre l’hypothèse d’un transport <strong>de</strong> ces protéines par<br />
bourgeonnement/fusion <strong>de</strong> petites vésicules selon le schéma présenté sur la figure 2. Les<br />
étapes <strong>de</strong> ce processus restent dans l’ensemble et dans certains détails vérifiées<br />
expérimentalement sur <strong>de</strong> nombreuses voies intracellulaires [6]. Dans une première étape, la<br />
membrane du compartiment donneur est déformée pour former un bourgeon. C’est l’étape <strong>de</strong><br />
déformation classiquement réalisée par <strong>de</strong>s protéines dites <strong>de</strong> mante<strong>au</strong>x qui couvrent la<br />
membrane et lui imposent une courbure. Ensuite, non représentée sur la figure 2, il y a une<br />
étape <strong>de</strong> tri <strong>de</strong>s éléments membranaire à exporter, qui se trouvent enrichis dans le bourgeon.<br />
Puis le bourgeon (vésicule) est séparé <strong>de</strong> la membrane donneuse par « fission » du cou les<br />
connectant. L’intermédiaire <strong>de</strong> transport est ensuite acheminé jusqu’à l’organite accepteur par<br />
diffusion libre ou par interaction avec <strong>de</strong>s éléments du cytosquelette. Enfin, il fusionne avec le<br />
compartiment accepteur grâce à une machinerie complexe faisant intervenir les complexes<br />
SNAREs que nous ne détaillerons pas ici. Les différentes familles <strong>de</strong> protéines intervenant<br />
dans chacune <strong>de</strong> ces étapes (déformation, tri et fission) <strong>de</strong> la première phase du trafic<br />
vésiculaire commencent à être bien décrites, mais une gran<strong>de</strong> part <strong>de</strong>s mécanismes mis en jeu<br />
reste mal connue.<br />
I.1 Déformation <strong>de</strong> la membrane<br />
Au cours <strong>de</strong> la découverte <strong>de</strong>s intermédiaires du transport membranaire est rapi<strong>de</strong>ment<br />
apparue la question <strong>de</strong> leur formation. Le schéma classique du trafic intracellulaire qui reste<br />
vrai dans la majorité <strong>de</strong>s cas commence par une étape <strong>de</strong> bourgeonnement <strong>de</strong> la membrane,<br />
créant ainsi une vésicule ou un tube encore connecté à la membrane donneuse (voir plus<br />
h<strong>au</strong>t). La découverte <strong>de</strong> la clathrine, puis la généralisation <strong>au</strong> principe <strong>de</strong> mante<strong>au</strong>x, ont<br />
permis <strong>de</strong> donner les premières réponses. Récemment, <strong>de</strong> nouve<strong>au</strong>x mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> déformation<br />
ont été mis en évi<strong>de</strong>nce impliquant <strong>de</strong>s acteurs du cytosquelette et <strong>de</strong>s lipi<strong>de</strong>s dont on ne<br />
connaissait <strong>au</strong>cun rôle jusque là dans la déformation <strong>de</strong>s membranes.<br />
11
Figure 2 : Schéma simple d’une étape <strong>de</strong> transport vésiculaire : <strong>de</strong> 1 à 2 la membrane d’un compartiment<br />
donneur est déformée par <strong>de</strong>s protéines <strong>de</strong> bourgeonnement (ou mante<strong>au</strong>x), puis séparée du compartiment<br />
par <strong>de</strong>s protéines <strong>de</strong> fission. Après transport grâce à <strong>de</strong>s éléments du cytosquelette (3), la vésicule fusionne<br />
avec le compartiment accepteur (4 à 5) grâce à <strong>de</strong>s protéines <strong>de</strong> fusion.<br />
I.1.1 Déformation par les mante<strong>au</strong>x<br />
I.1.1.1 Clathrine et complexes AP<br />
La découverte <strong>de</strong> la formation <strong>de</strong> bourgeons recouverts d’un amas <strong>de</strong>nse <strong>de</strong> protéines<br />
[5] à la membrane plasmique d’ovocytes d’insectes a été le premier pas dans la découverte <strong>de</strong><br />
la clathrine. La visualisation dans le plan <strong>de</strong> la membrane <strong>de</strong> ces amas a révélé une structure<br />
très simple, formant un quadrillage d’hexagones et <strong>de</strong> pentagones particulièrement régulier.<br />
Comme pour un ballon <strong>de</strong> football, le pavage hexagone-pentagone s’adapte parfaitement à<br />
une forme sphérique et be<strong>au</strong>coup moins bien sur un plan. Cette découverte a tout <strong>de</strong> suite<br />
suggéré que la formation <strong>de</strong> ce « mante<strong>au</strong> » sur la surface <strong>de</strong> la membrane imposait une<br />
déformation sphérique, déformant la membrane en un bourgeon.<br />
12
La clathrine fut isolée comme le composant majeur <strong>de</strong>s vésicules d’endocytose<br />
purifiées à partir <strong>de</strong> cerve<strong>au</strong>, à la fin <strong>de</strong>s années 60, début <strong>de</strong>s années 70. Cette protéine <strong>de</strong><br />
190 kDa possè<strong>de</strong> une structure très particulière : elle s’associe en trimère ayant la structure<br />
d’une étoile à trois branches appelée triskelion qui s’adapte parfaitement sur la structure d’une<br />
vésicule sphérique en formant un quadrillage hexagone-pentagone (voir figure 3). Chaque<br />
branche mesure environ 475 Å, et 20 Å <strong>de</strong> diamètre. Chaque branche est également associée à<br />
une chaîne légère (25 kDa) dont le rôle pourrait être <strong>de</strong> réguler l’association en triskélions et<br />
l’interaction <strong>de</strong> la clathrine avec différents partenaires.<br />
Figure 3 : Positionnement <strong>de</strong>s triskélions <strong>de</strong> clathrine sur une cage réalisée in vitro par association <strong>de</strong><br />
clathrine et <strong>de</strong> complexe AP-2. Les données ont été obtenues par cryomicroscopie avec une résolution <strong>de</strong> 21<br />
Å. Trois triskélions sont représentés en B (rouge bleu et j<strong>au</strong>ne) pour montrer leur insertion exacte dans le<br />
pavage du rése<strong>au</strong>. Extrait <strong>de</strong> [11].<br />
Ainsi, la structure <strong>de</strong> la molécule <strong>de</strong> clathrine explique directement la structure du rése<strong>au</strong>, et<br />
par là même comment la membrane est déformée par le rése<strong>au</strong> <strong>de</strong> clathrine.<br />
Cependant, il a été constaté que la clathrine seule, in vitro, formait principalement <strong>de</strong>s<br />
rése<strong>au</strong>x plans ne possédant que <strong>de</strong>s hexagones. Ces rése<strong>au</strong>x plans, dont la maille est quelque<br />
peu différente <strong>de</strong> celle observée sur les vésicules, sont également retrouvés in vivo sur la face<br />
cytosolique <strong>de</strong> la membrane plasmique, laissant supposer que les associations plans <strong>de</strong><br />
clathrine seule peuvent avoir un rôle physiologique. Elles ont été <strong>de</strong>puis retrouvées sur les<br />
endosomes où elles pourraient servir <strong>de</strong> plate-forme d’accostage et <strong>de</strong> tri <strong>de</strong> vésicules. Donc,<br />
13
même si la clathrine est l’élément structurant la régularité <strong>de</strong> ce mante<strong>au</strong>, il ne semblait pas<br />
qu’elle soit suffisante pour provoquer la déformation membranaire.<br />
Un <strong>au</strong>tre composant majeur <strong>de</strong>s vésicules couvertes <strong>de</strong> clathrine purifiées à partir <strong>de</strong><br />
cerve<strong>au</strong>x est le complexe AP-2, pour Adaptor Protein complex 2 [12]. Ce complexe est<br />
composé <strong>de</strong> 4 protéines : l’adaptine α ; l’adaptine β2, l’adaptine µ2 et l’adaptine σ2. On<br />
connaît à l’heure actuelle 4 complexes AP ayant une structure similaire à AP-2, et intervenant<br />
dans <strong>de</strong>s voies <strong>de</strong> transport différentes: AP-1, qui intervient dans la formation <strong>de</strong> vésicules à<br />
partir du Golgi en direction <strong>de</strong>s lysosomes et/ou <strong>de</strong>s endosomes, AP-2 qui forme toutes les<br />
vésicules d’endocytoses (membrane plasmique) en direction <strong>de</strong>s endosomes, et AP-3 qui<br />
forme les vésicules à partir <strong>de</strong>s endosomes en direction du Golgi et/ou <strong>de</strong>s lysosomes. AP-4 a<br />
été quant-à-lui localisé <strong>au</strong> TGN. Ils sont tous constitués <strong>de</strong> 4 sous unités [13] et ont<br />
globalement la forme d’un pavé avec <strong>de</strong>ux « oreilles », domaines d’interaction à la clathrine,<br />
ainsi qu’à d’<strong>au</strong>tres protéines (figure 4A). Ces <strong>de</strong>ux oreilles sont <strong>de</strong>s domaines globulaires <strong>de</strong>s<br />
protéines α et β. AP-2 a <strong>au</strong>ssi la capacité <strong>de</strong> se lier à <strong>de</strong>s récepteurs transmembranaires, ainsi<br />
qu’à certains lipi<strong>de</strong>s régulateurs, les phosphoinositi<strong>de</strong>s. AP-2, comme son nom l’indique,<br />
permet donc <strong>de</strong> lier les triskélions <strong>de</strong> clathrine à la membrane. Surtout, l’interaction clathrine-<br />
AP-2 suffit in vitro à reformer une cage sphérique avec une alternance d’hexagones et <strong>de</strong><br />
pentagones. (Voir figure 3). C’est donc le recrutement à la membrane <strong>de</strong> la clathrine par AP-2<br />
qui provoque la déformation. Deux points sur la structure <strong>de</strong> ces composants sont importants :<br />
le fait que AP-2 se lie par <strong>de</strong>ux endroits à la clathrine force la clathrine à se courber pour<br />
épouser la forme du complexe et surtout, la flexibilité <strong>de</strong>s bras du triskélion permet cette<br />
courbure, qui engendre la déformation membranaire. Le schéma <strong>de</strong>s différentes étapes <strong>de</strong> la<br />
déformation par la clathrine est présenté en figure 4B.<br />
14
Figure 4 : A-structures <strong>de</strong>s triskélions <strong>de</strong> clathrines et <strong>de</strong>s complexes AP. B- séquence <strong>de</strong> la déformation <strong>de</strong><br />
la membrane induite par le recrutement <strong>de</strong> la clathrine via le complexe AP-2. Les complexes AP (orange)<br />
s’oligomérisent suite à l’interaction avec <strong>de</strong>s récepteurs transmembranaires (bleu) ou/et <strong>de</strong>s<br />
phosphoinositi<strong>de</strong>s. Ils recrutent alors <strong>de</strong>s triskélions <strong>de</strong> clathrine (j<strong>au</strong>ne) qui doivent se courber et déforment<br />
alors la membrane. Extrait <strong>de</strong> [12].<br />
Même si la structure et les différents partenaires intervenant dans le bourgeonnement<br />
<strong>de</strong>s vésicules <strong>de</strong> clathrine commencent à être bien connus, il existe peu d’éléments sur la<br />
séquence <strong>de</strong>s évènements aboutissant à la déformation. Cependant, il a récemment été montré<br />
que comme pour la plupart <strong>de</strong>s mante<strong>au</strong>x, l’initiation du processus dépendait d’un interrupteur<br />
GTPactif/GDPinactif. Ainsi, le recrutement <strong>de</strong>s complexes AP-1 (voie Golgi<br />
lysosome/endosome) et AP-3 (voie endosomes-Golgi/lysosomes) sur <strong>de</strong>s liposomes est<br />
dépendant <strong>de</strong> ARF1 (ADP-Ribosylation Factor 1), une petite protéine G intervenant<br />
également dans la fixation <strong>de</strong>s mante<strong>au</strong>x COPI [14,15]. De même, le recrutement <strong>de</strong>s<br />
protéines GGAs, qui ont une fonction et une structure analogues <strong>au</strong>x complexes AP<br />
permettant la liaison <strong>de</strong> la clathrine à l’appareil <strong>de</strong> Golgi, dépend <strong>de</strong> ARF1 in vivo [16]. De<br />
plus, la formation <strong>de</strong>s vésicules <strong>de</strong> clathrine à la membrane plasmique dépend <strong>de</strong> la présence<br />
15
<strong>de</strong> GTP. Cependant, une <strong>au</strong>tre GTPase, la dynamine, qui intervient dans la fission <strong>de</strong>s<br />
bourgeons <strong>de</strong> clathrine pourrait expliquer ce résultat.<br />
Bien que sa structure et celle du rése<strong>au</strong> qu’elle forme suggérait qu’elle fût responsable<br />
<strong>de</strong> la déformation à elle seule, la clathrine apparaît <strong>au</strong>jourd’hui dépendante <strong>de</strong> protéines<br />
« accessoires » [12] pour effectuer la déformation <strong>de</strong> la membrane.<br />
I.1.1.2 COP I et COP II<br />
C’est à la fin <strong>de</strong>s années 80 que les complexes COPs (Coat Protein Complex ou<br />
Coatomère) ont été découverts grâce en particulier <strong>au</strong> développement d’un système in vitro <strong>de</strong><br />
reconstitution d’étapes <strong>de</strong> transport entre Golgi et RE, et <strong>de</strong> mutants <strong>de</strong> la sécrétion chez la<br />
levure. Il a rapi<strong>de</strong>ment été établi que COP II intervenait dans la formation <strong>de</strong>s vésicules à<br />
partir du RE en direction <strong>de</strong> l’appareil <strong>de</strong> Golgi (flux antérogra<strong>de</strong>) et que COP I formait les<br />
vésicules du Golgi vers RE (flux rétrogra<strong>de</strong>). Le rôle <strong>de</strong> COP I dans les échanges entre<br />
citernes dans le sens antérogra<strong>de</strong> reste controversé. Quelques nuances ont cependant été<br />
ajoutées : il existerait un compartiment intermédiaire (VTCs pour Vesiculo-Tubular Clusters)<br />
entre RE et Golgi duquel bourgeonneraient les vésicules COP II [17]. D’<strong>au</strong>tres part, d’<strong>au</strong>tres<br />
voies <strong>de</strong> transports entre Golgi et réticulum ont été mise en évi<strong>de</strong>nce et semblent<br />
indépendantes <strong>de</strong>s COPs [18,19].<br />
De même que pour la formation <strong>de</strong>s vésicules <strong>de</strong> clathrine, la séquence biochimique et<br />
les détails <strong>de</strong> l’initiation <strong>de</strong> la formation <strong>de</strong>s mante<strong>au</strong>x COPs est relativement bien connue [6].<br />
Ceci est en partie du <strong>au</strong> fait que le nombre <strong>de</strong> protéines mises en jeu est ici moins important<br />
que pour la clathrine. COP I est un gros complexe <strong>de</strong> 7 protéines qui s’associe en rése<strong>au</strong> sur la<br />
membrane suite à l’activation d’une petite protéine G, ARF1. La forme liée <strong>au</strong> GDP <strong>de</strong> ARF1<br />
peut s’associer transitoirement à la membrane, et une fois à la membrane, le GDP peut être<br />
échangé par du GTP. La forme liée <strong>au</strong> GTP est alors durablement fixée à la membrane et peut<br />
recruter COP I. COP II fonctionne sur un principe similaire, mais à trois étages : l’initiation<br />
est provoquée par la liaison <strong>de</strong> Sar1p (une <strong>au</strong>tre petite protéine G) <strong>au</strong> GTP, puis elle se lie à la<br />
membrane, recrutant les <strong>de</strong>ux complexes formant COP II, Sec23p/24p et Sec13p/31p (voir<br />
figure 5). Contrairement à la clathrine, ce sont les complexes COPs qui se lient directement à<br />
la membrane, et <strong>au</strong>x récepteurs transmembranaires. Il n’y a d’équivalent du complexe AP.<br />
16
Figure 5 : Initiation et formation d’une vésicule par les mante<strong>au</strong>x COPs et leurs différents partenaires.<br />
Extrait <strong>de</strong> [6].<br />
Bien que la régulation biochimique <strong>de</strong>s mante<strong>au</strong>x COPs soit bien connue, elle ne<br />
donne que très peu d’informations sur les acteurs réels <strong>de</strong> la déformation membranaire. La<br />
structure si belle <strong>de</strong>s cages <strong>de</strong> clathrine ayant permis <strong>de</strong> disséquer le rôle <strong>de</strong> chacun <strong>de</strong>s<br />
17
acteurs <strong>de</strong> la déformation, les chercheurs ont essayé d’analyser la structure <strong>de</strong>s mante<strong>au</strong>x<br />
COPs. Cependant, la structure <strong>de</strong>s mante<strong>au</strong>x COPs est longtemps restée un mystère, car<br />
contrairement à la clathrine, <strong>au</strong>cun maillage polygonal n’était clairement visible. Récemment,<br />
<strong>de</strong>ux étu<strong>de</strong>s menées en parallèle [20,21] ont permis <strong>de</strong> déterminer la structure <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux<br />
complexes formant COP II, Sec23p/24p et Sec13p/31p, et <strong>de</strong> reconstituer leur assemblage sur<br />
<strong>de</strong>s vésicules COP II. En ajustant la forme du complexe Sec13p/31p sur <strong>de</strong>s images <strong>de</strong><br />
vésicules COP II, les <strong>au</strong>teurs font apparaître un maillage hexagonal/pentagonal ressemblant à<br />
celui <strong>de</strong> la clathrine (figure 6).<br />
Figure 6 : En ajustant la forme du complexe Sec13p/31p sur <strong>de</strong>s images <strong>de</strong> vésicules COP II, on fait<br />
apparaître un maillage hexagonal/pentagonal. Extrait <strong>de</strong> [21].<br />
Cependant, l’architecture <strong>de</strong> l’assemblage <strong>de</strong> COP II est loin d’être élucidée, et<br />
l’acteur qui impose la courbure, difficile à isoler. Il est probable que comme pour la clathrine,<br />
ce soit l’association <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux protéines qui génère le bourgeon. Une avancée technique a<br />
cependant été réalisée avec la reconstitution in vitro <strong>de</strong> cages <strong>de</strong> COP II purifié [22]. Il est<br />
probable que comme pour la clathrine, l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> cette structure purifiée permette une<br />
compréhension plus complète <strong>de</strong> cette déformation.<br />
I.1.1.3 Les caveolae<br />
A part les mante<strong>au</strong>x COPs et clathrine, peu d’<strong>au</strong>tres structures bien i<strong>de</strong>ntifiées sont<br />
connues pour avoir une action déformante en polymérisant sur la membrane. C’est cependant<br />
le cas <strong>de</strong> la caveoline, une protéine nécessaire à la formation <strong>de</strong>s caveolae. Découvertes dans<br />
18
les années 50 par Pala<strong>de</strong> et Yamada, les caveolae ont été repérées en microscopie électronique<br />
dans les cellules endothéliales où elles abon<strong>de</strong>nt. Elles ont été impliquées dans le transit <strong>de</strong>s<br />
protéines du sérum sanguin vers les espaces interstitiels entourant les cellules <strong>de</strong>s tissus. Elles<br />
ont une forme ressemblant à une invagination <strong>de</strong> type clathrine avec cependant une forme<br />
plus ovoï<strong>de</strong> que sphérique, et sont localisées à la membrane plasmique. Cependant, le<br />
mante<strong>au</strong> qui les recouvre apparaît be<strong>au</strong>coup moins <strong>de</strong>nse en microscopie électronique que le<br />
mante<strong>au</strong> clathrine. La structure fine du mante<strong>au</strong> est <strong>au</strong>ssi très différente : elle est striée <strong>au</strong> lieu<br />
d’un quadrillage hexagone/pentagone, ce qui laisse imaginer une organisation en ban<strong>de</strong>lette<br />
<strong>au</strong>tour <strong>de</strong> la cage sphérique. Les caveolae sont dans certains tissus fermées par un diaphragme<br />
protéique. Elles sont très stables, et la séparation <strong>de</strong> la membrane plasmique semble rare. Elles<br />
ont cependant été cependant impliquées dans un voie d’endocytose [23]. Un <strong>de</strong>s constituants<br />
princip<strong>au</strong>x <strong>de</strong>s caveolae est une petite protéine <strong>de</strong> 21 kDa, la caveoline <strong>au</strong>x propriétés<br />
particulières. Il existe 3 caveolines différentes chez les mammifères, dont la caveoline 1 qui<br />
est ubiquitaire. Les souris dépourvues du gène <strong>de</strong> la caveoline 1 (souris knock-out pour la<br />
caveoline 1) se portent très bien, mais sont dépourvues <strong>de</strong> caveolae dans les tissus où seule la<br />
caveoline 1 est normalement présente [24]. La caveoline est une protéine qui s’insère dans le<br />
feuillet cytosolique <strong>de</strong> la bicouche, mais dont les extrémités N et C-terminales sont<br />
cytosoliques (Voir figure 7). Elle dimérise et est palmitoylée en C-terminal, <strong>au</strong>gmentant sa<br />
liaison à la membrane. De plus elle se lie par le domaine intra-membranaire <strong>au</strong> cholestérol, ce<br />
qui pourrait expliquer que la composition lipidique et protéique <strong>de</strong>s caveolae est proche <strong>de</strong><br />
celle <strong>de</strong>s rafts (voir plus bas).<br />
Figure 7 : Structure et composition simplifiées d’une caveolae. D’après [23].<br />
Pour l’instant, les acteurs et le mécanisme par lesquels la déformation est produite<br />
reste hypothétique : le plus probable est que la déformation est liée à l’insertion <strong>de</strong> la<br />
19
caveoline dans le feuillet externe <strong>de</strong> la bicouche et à son organisation en ban<strong>de</strong> <strong>au</strong>tour <strong>de</strong> la<br />
cage. Mais <strong>au</strong>cune expérience ne permet <strong>de</strong> confirmer cette hypothèse. Il est à noter<br />
cependant que la caveoline constitue le seul mante<strong>au</strong> à s’insérer profondément dans la<br />
membrane, et à ne pas avoir une structure en quadrillage hexagone-pentagone. En cela, ce<br />
mante<strong>au</strong> est très différent <strong>de</strong>s mante<strong>au</strong>x « classiques » <strong>de</strong> clathrine et <strong>de</strong> COPs.<br />
I.1.1.4 conclusion<br />
Les mante<strong>au</strong>x ont été les premiers acteurs dont le rôle dans la déformation<br />
membranaire ait été élucidé. De nombreux points sont communs à tous les types <strong>de</strong> mante<strong>au</strong>x,<br />
notamment le fait que les protéines <strong>de</strong>s mante<strong>au</strong>x s’associent sur la membrane en une<br />
structure adaptée à la forme sphérique. La régulation <strong>de</strong> la fixation <strong>de</strong> ces mante<strong>au</strong>x est<br />
généralement due à <strong>de</strong>s petites protéines G. Le fait que la quasi-totalité <strong>de</strong>s voies <strong>de</strong> transport<br />
intracellulaire soient régulées par <strong>de</strong> petites protéines G laisserait supposer que les mante<strong>au</strong>x<br />
sont présents sur toutes les voies <strong>de</strong> transport. Mais <strong>au</strong>cun membre <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong>s protéines<br />
Rabs, qui constitue la famille la plus importante <strong>de</strong> ces régulateurs, n’a été pour l’instant<br />
impliqué dans la fixation <strong>de</strong>s mante<strong>au</strong>x. Des intermédiaires <strong>de</strong> transport tubulaires sont<br />
souvent observés dans les voies régulées par les protéines Rabs. La présence <strong>de</strong> ces tubules,<br />
bien qu’ils puissent être artéfactuels [25], et le fait que nombre <strong>de</strong> protéines Rab interagissent<br />
directement avec <strong>de</strong>s moteurs moléculaires [26,27] laissent supposer un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> formation <strong>de</strong><br />
ces intermédiaires dépendant du cytosquelette.<br />
I.1.2 Déformation par les éléments du cytosquelette<br />
Le cytosquelette est constitué <strong>de</strong> trois sortes <strong>de</strong> composants : premièrement, <strong>de</strong><br />
protéines capables <strong>de</strong> polymériser en long filaments avec une dynamique complexe <strong>de</strong><br />
croissance-décroissance. C’est le cas <strong>de</strong> l’actine et <strong>de</strong> la tubuline qui polymérisent<br />
respectivement en filaments d’actine et en microtubules. Deuxièmement, <strong>de</strong> protéines<br />
motrices qui se déplacent le long <strong>de</strong> ces filaments ou les déplacent. C’est le cas <strong>de</strong>s myosines<br />
qui interagissent avec l’actine, et c’est également le cas <strong>de</strong>s kinésines et <strong>de</strong>s dynéines qui<br />
20
interagissent avec les microtubules. Enfin, il existe tout un ensemble <strong>de</strong> protéines<br />
interagissant avec ces différents éléments et ayant <strong>de</strong>s fonctions diverses, mais dont nous ne<br />
parlerons pas ici.<br />
Bien que ces différents acteurs aient été impliqués dans <strong>de</strong> nombreux phénomènes <strong>de</strong><br />
déformation membranaire, allant <strong>de</strong> la motilité cellulaire, à la fragmentation <strong>de</strong> l’enveloppe<br />
nucléaire <strong>au</strong> cours <strong>de</strong> la division cellulaire [28], nous nous concentrerons sur leur rôle dans la<br />
déformation membranaire <strong>au</strong> cours du trafic intracellulaire. La figure 8 donne une idée <strong>de</strong>s<br />
trois mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> déformation possibles générés par les protéines du cytosquelette.<br />
Figure 8 : Les trois mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> déformation <strong>de</strong> la membrane par le cytosquelette. Soit la membrane est<br />
attachée <strong>au</strong>x filaments et lorsque les filaments se déplacent, ils déforment la membrane, soit les moteurs<br />
tirent sur la membrane, soit les filaments, en polymérisant invaginent la membrane.<br />
I.1.2.1 déformation par les microtubules, les dynéines et les kinésines<br />
La tubuline a été découverte pour son rôle dans la formation du fuse<strong>au</strong> mitotique il y a<br />
une quarantaine d’année. C’est une protéine dimérique (tubuline α et tubuline β, ~60 kDa<br />
chacune) qui polymérise en tubes rigi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> 25 nm <strong>de</strong> diamètre appelés microtubules (MTs).<br />
Ces tubes sont constitués <strong>de</strong> 13 protofilaments, chaînes <strong>de</strong> monomères α−β, arrangés en<br />
hélice, et sont orientés avec une extrémité + où la tubuline polymérise activement et une<br />
extrémité – où elle polymérise lentement. Pour polymériser, la tubuline doit être liée <strong>au</strong> GTP,<br />
21
qu’elle est <strong>au</strong>ssi capable d’hydrolyser. Classiquement, on considère que le bout croissant du<br />
microtubule (+) est constitué <strong>de</strong> tubuline liée <strong>au</strong> GTP alors que la tubuline du corps du<br />
microtubule a hydrolysé son GTP en GDP. Tant que la « coiffe » GTP est présente, le<br />
microtubule croît. Si elle disparaît, le microtubule dépolymérise rapi<strong>de</strong>ment par une<br />
« catastrophe ». Puis le cycle recommence, jusqu’à la catastrophe suivante.<br />
Sur ces microtubules se déplacent <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong> moteurs, les kinésines se déplaçant<br />
majoritairement vers les bouts +, et les dynéines vers les bouts - . Ce sont majoritairement <strong>de</strong>s<br />
moteurs processifs, c’est-à-dire capables <strong>de</strong> faire plusieurs pas sur le filament avant <strong>de</strong> se<br />
décrocher, et qui utilisent l’ATP pour avancer et générer une force <strong>de</strong> propulsion. Leurs<br />
structures sont similaires bien que leurs sous-unités soient très différentes. Les kinésines sont<br />
<strong>de</strong>s tétramères constitués <strong>de</strong> 2 chaînes légères (~ 25 kDa) et 2 chaînes lour<strong>de</strong>s (~ 100 kDa)<br />
s’associant en dimère par <strong>de</strong>s domaines coil-coiled sur la queue et ayant <strong>de</strong>ux têtes globulaires<br />
qui se lient alternativement <strong>au</strong> microtubule pour avancer (voir figure 9). Les dynéines sont<br />
construites sur le même principe (voir figure 9), avec <strong>de</strong>ux chaînes lour<strong>de</strong>s possédant les<br />
domaines moteurs, et <strong>de</strong> nombreuses sous-unités (régulatrices) fixées sur la queue, qui<br />
interagit avec le cargo. Elles utilisent également l’ATP pour se mouvoir. Dans les années 80,<br />
il a été montré que ces moteurs étaient impliqués dans le trafic <strong>de</strong>s vésicules <strong>de</strong> transport le<br />
long <strong>de</strong>s axones [29], ce qui a récemment été reproduit in vitro, permettant d’en étudier la<br />
régulation [30,31]. Quantités d’étu<strong>de</strong>s ont été réalisées sur ces moteurs pour en comprendre le<br />
fonctionnement mécanique. Il est intéressant <strong>de</strong> noter que les vitesses in vitro (<strong>de</strong> l’ordre du 1<br />
µm/s) sont généralement inférieures <strong>au</strong>x vitesses in vivo (<strong>de</strong> 0,5 à 3 µm/s). Les étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s<br />
propriétés physique <strong>de</strong> la kinésine ont été plus poussées car elle est plus simple à purifier que<br />
la dynéine qui est un hétéro-complexe : on sait maintenant que sa force d’arrêt est d’environ 5<br />
pico-Newton (pN). Sa processivité est d’environ 100 pas soit un temps <strong>de</strong> fonctionnement<br />
d’environ 1 secon<strong>de</strong> pour parcourir 800 nm. Son pas est <strong>de</strong> 8 nm, soit la taille d’un dimère <strong>de</strong><br />
tubuline. Un ATP est hydrolysé par pas [32].<br />
22
Figure 9 : Structure <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux princip<strong>au</strong>x moteurs moléculaires interagissant avec les microtubules : la<br />
kinésine conventionnelle et la dynéine cytoplasmique. Sont représentées en bleu les parties motrices, qui<br />
sont <strong>au</strong>ssi appelées têtes, en vert les sous-unités régulatrices, et en violet le domaine globulaire <strong>de</strong> la queue<br />
<strong>de</strong> kinésine, qui peut interagir avec la tête pour l’inhiber lorsque <strong>au</strong>cun cargo n’est lié. D’après [33].<br />
C’est à la fin <strong>de</strong>s années 80 qu’il fut montré que ces moteurs étaient également<br />
impliqués dans la formation <strong>de</strong> tubes <strong>de</strong> membrane (ou tubules) à partir <strong>de</strong> différents organites<br />
[34,35]. En mélangeant in vitro, <strong>de</strong>s membranes d’organite (Golgi ou RE), du cytosol et <strong>de</strong><br />
l’ATP sur un tapis <strong>de</strong> microtubules collés sur une surface <strong>de</strong> verre, la croissance <strong>de</strong> tubes <strong>de</strong><br />
membranes à partir <strong>de</strong> ces organites a pu être observé (voir figure 10). Le fait qu’il y ait<br />
besoin d’ATP, que les tubes poussent le long <strong>de</strong>s MTs en direction du bout + à une vitesse <strong>de</strong><br />
l’ordre <strong>de</strong> 1 µm/s et que sans cytosol (fournissant les moteurs) l’essai ne marche pas, permit<br />
<strong>de</strong> conclure que ces tubes étaient tirés par <strong>de</strong>s moteurs moléculaires <strong>de</strong> type kinésines.<br />
L’hypothèse que <strong>de</strong>s moteurs fixés sur une membrane et tirant <strong>de</strong>ssus en un point précis<br />
pouvaient la déformer en tube est apparue. Il a été montré que les moteurs étaient concentrés<br />
en <strong>de</strong>s points précis <strong>de</strong> la membrane [36], et que leur présence était dépendante du cycle<br />
23
cellulaire [37]. Ce mécanisme est apparu important pour le maintien <strong>de</strong> la structure tubulo-<br />
vésiculaire du réticulum endoplasmique [38] et la formation d’intermédiaires <strong>de</strong> transport à<br />
partir <strong>de</strong> l’appareil <strong>de</strong> Golgi [39,40]. Ce n’est qu’une fois ce mécanisme observé in vitro, qu’il<br />
fut observé in vivo [41].<br />
Figure 10 : Rése<strong>au</strong> <strong>de</strong> tubes <strong>de</strong> membranes tirés à partir <strong>de</strong> microsomes (RE) après 1h d’incubation en<br />
présence <strong>de</strong> cytosol et d’ATP. Barre 5 µm. D’après [36].<br />
Par fusion avec la protéine fluorescente GFP (Green Fluorescent Protein), les protéines<br />
intervenant dans le trafic intracellulaire purent être visualisées dans les cellules vivantes.<br />
Ainsi, en plus <strong>de</strong>s intermédiaires <strong>de</strong> transports classiques que sont les vésicules, toute une<br />
série hétérogène <strong>de</strong> tubes, tubules, tubulo-vésicules fut observée [18,42-44]. La formation <strong>de</strong><br />
ces tubes fut montrée comme étant dépendante <strong>de</strong>s microtubules et selon les cas, <strong>de</strong>s dynéines<br />
ou <strong>de</strong>s kinésines. Si bien que la majorité <strong>de</strong>s intermédiaires <strong>de</strong> transport semblèrent tubulaires<br />
plus que sphériques [17]. Cependant, la forme <strong>de</strong> ces intermédiaires <strong>de</strong> transport dépend<br />
énormément <strong>de</strong> l’expression <strong>de</strong>s protéines transformer les vésicules normalement présentes<br />
dans le trafic, en tubules.<br />
Un <strong>de</strong>s grands enjeux <strong>de</strong> l’interaction membrane-moteurs a été <strong>de</strong> comprendre par<br />
quels intermédiaires les moteurs se fixaient <strong>au</strong>x membranes. La première protéine<br />
membranaire à interagir avec un moteur et à être découverte fut Rab6a, qui interagit avec<br />
rabkinésine 6 [26]. Depuis, on a trouvé d’<strong>au</strong>tres protéines Rabs comme Rab5 et Rab11<br />
interagissant avec <strong>de</strong>s moteurs [27]. Surtout, il semble que les Rabs contrôlent l’assemblage<br />
<strong>de</strong> gros complexes sur lesquels peuvent se fixer différents types <strong>de</strong> moteurs, dynéines [45],<br />
kinésines et même myosines pour notamment déplacer les organites. Toute une variété <strong>de</strong><br />
24
écepteurs ont été découverts, allant du complexe AP-1 interagissant avec KIF13A [46], une<br />
kinésine nécessaire <strong>au</strong> transport <strong>de</strong>s vésicules du Golgi vers les lysosomes, à UNC104<br />
interagissant avec PIP2, un phosphoinositi<strong>de</strong> permettant <strong>de</strong> concentrer les moteurs dans les<br />
rafts [47]. De même, <strong>de</strong>s protéines transmembranaires comme la kinectine ou <strong>de</strong>s protéines<br />
impliquées dans la régulation <strong>de</strong> différentes fonctions cellulaires (« protéines scaffold ») ont<br />
été trouvées comme récepteurs potentiels [48,49]. Il est probable que nous n’ayions pour<br />
l’instant qu’une vue très partielle <strong>de</strong> la façon dont les moteurs se lient <strong>au</strong>x membranes, et les<br />
gran<strong>de</strong>s lignes <strong>de</strong>s interactions déjà connues restent à éclaircir.<br />
Un <strong>de</strong>s points les plus intéressants est que la liaison <strong>de</strong> moteurs à leur récepteur<br />
membranaire les active : ainsi la dynéine <strong>de</strong>vient plus processive en présence <strong>de</strong> dynactine,<br />
protéine permettant <strong>de</strong> fixer la dynéine cytoplasmique sur un cargo [50]. De même, la liaison<br />
<strong>de</strong> la kinésine à la membrane permet son activation par un mécanisme simple [51,52].<br />
Lorsque la kinésine n’est pas liée à la membrane, la queue interagit avec la tête, inhibant son<br />
déplacement. Par contre la liaison <strong>de</strong> la kinésine à son cargo se faisant par la queue, elle<br />
empêche cette <strong>de</strong>rnière d’inhiber la tête, qui se déplace alors normalement.<br />
I.1.2.2 Actine et myosine<br />
L’actine et la myosine sont parmi les protéines les mieux connues, car leur découverte<br />
fut précoce du fait <strong>de</strong> leur rôle dans le fonctionnement musculaire. L’actine est une petite<br />
protéine (~ 50 kDa) qui polymérise en fibres appelées actine F (fibrillaire) composées <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux<br />
chaînes d’actine G (globulaire) s’associant en hélice. Sa polymérisation dépend du GTP<br />
comme les microtubules, avec une dynamique similaire. C’est également un polymère orienté,<br />
avec une polymérisation rapi<strong>de</strong> <strong>au</strong>x bouts dits « barbés » ou + et plus lente <strong>au</strong>x bouts - . Les<br />
myosines sont extrêmement diverses en taille, en structure et en propriétés. Ce sont toutes <strong>de</strong>s<br />
moteurs puissants, globalement non-processifs (avec <strong>de</strong>s exceptions comme la Myosine V)<br />
qui ont <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> fonctionnement diverses adaptés à leur fonction cellulaire. La direction<br />
du déplacement est généralement vers le bout + avec <strong>de</strong>s exceptions (Myosine VI). Les<br />
vitesses sont plus gran<strong>de</strong>s que pour les moteurs liés <strong>au</strong>x microtubules, et en moyenne <strong>de</strong><br />
plusieurs µm/s. Les fonctions du couple actine/myosine sont d’ailleurs extrêmement variées :<br />
la plus connue est son rôle dans la contraction musculaire, mais il est nécessaire à be<strong>au</strong>coup<br />
25
d’<strong>au</strong>tres fonctions cellulaires telles que les fibres <strong>de</strong> stress, qui ceinturent la cellule pour<br />
l’ancrer sur un support, la motilité cellulaire en participant à la dynamique <strong>de</strong>s lamellipo<strong>de</strong>s et<br />
<strong>de</strong>s filopo<strong>de</strong>s <strong>au</strong> cours <strong>de</strong> la migration cellulaire, mais <strong>au</strong>ssi plus généralement à l’architecture<br />
<strong>de</strong> la cellule en rigidifiant la membrane grâce à la présence du cortex d’actine. D’une façon<br />
générale, le rése<strong>au</strong> actine/myosine gouverne l’état <strong>de</strong> motilité <strong>de</strong> la cellule : si la cellule est<br />
immobile, elle organise son rése<strong>au</strong> d’actine en fibres <strong>de</strong> stress, et si elle se déplace, il <strong>de</strong>vient<br />
alors plus dynamique et forme <strong>de</strong>s protrusions membranaires.<br />
Ca n’est que très récemment que l’on a découvert que l’actine et les myosines sont<br />
impliquées dans <strong>de</strong>s évènements <strong>de</strong> déformation membranaire <strong>au</strong> cours du transport<br />
intracellulaire. A la fin <strong>de</strong>s années 90, une myosine particulière, la myosine non-musculaire<br />
IIa a été isolée à partir <strong>de</strong> membranes golgiennes, et un rôle dans le transport <strong>de</strong> vésicules<br />
sortant du Golgi a été proposé [53]. L’hypothèse première a été que cette myosine pouvait<br />
transporter les vésicules le long <strong>de</strong>s filaments d’actine. Mais un groupe a pu montrer qu’elle<br />
était directement impliquée dans la formation <strong>de</strong>s vésicules [54]. Bien que cela soit encore<br />
controversé [55], l’hypothèse que le couple actine/myosine puisse participer à la déformation<br />
<strong>de</strong> la membrane pour former <strong>de</strong>s vésicules a été renforcée par <strong>de</strong>s découvertes récentes<br />
concernant la voie d’endocytose par la clathrine. La myosine VI se lie <strong>au</strong>x vésicules couvertes<br />
<strong>de</strong> clathrine [56] et est essentielle pour le bon fonctionnement <strong>de</strong>s premières étapes <strong>de</strong><br />
l’endocytose. En appliquant <strong>de</strong>s forces sur le mante<strong>au</strong> <strong>de</strong> clathrine ou directement sur la<br />
membrane, elle permettrait l’invagination <strong>de</strong> celle-ci, ce qui ai<strong>de</strong>rait <strong>au</strong> bourgeonnement. De<br />
plus, <strong>de</strong> nombreux acteurs <strong>de</strong> l’endocytose interagissent directement avec <strong>de</strong>s régulateurs ou<br />
<strong>de</strong>s acteurs du rése<strong>au</strong> actinien [57], les recrutant à différents sta<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l’endocytose. Les<br />
forces générées par les filaments d’actine en croissance pourraient ai<strong>de</strong>r à l’invagination du<br />
bourgeon, et à la fission [58]. La figure 11 résume les différents rôles hypothétiques du rése<strong>au</strong><br />
d’actine dans l’endocytose. Deux étu<strong>de</strong>s très récentes ont permis <strong>de</strong> préciser ces rôles<br />
potentiels dans la formation <strong>de</strong>s vésicules d’endocytose [59,60], en étudiant la dynamique <strong>de</strong><br />
recrutement <strong>de</strong>s différents partenaires [59], et en montrant que la dynamine pouvait recruter<br />
les filaments d’actine pour ai<strong>de</strong>r à la déformation et/ou à la fission <strong>de</strong> la membrane.<br />
26
Figure 11 : Les différents rôles potentiels du rése<strong>au</strong> d’actine dans l’endocytose. D’après [58].<br />
C’est récemment qu’il a été montré que l’actine est un élément important intervenant<br />
dans les premières phases <strong>de</strong> la formation <strong>de</strong>s intermédiaires <strong>de</strong> transport. Il est probable que<br />
le décryptage approfondi <strong>de</strong> ses rôles révèle son caractère essentiel dans le trafic<br />
intracellulaire.<br />
I.1.3 Déformation liée <strong>au</strong>x lipi<strong>de</strong>s et <strong>au</strong>x enzymes agissant sur<br />
les lipi<strong>de</strong>s<br />
La membrane est constituée <strong>de</strong> nombreux lipi<strong>de</strong>s différents <strong>au</strong>x propriétés multiples. Il existe<br />
trois composants majeurs : les glycérolipi<strong>de</strong>s, qui ont un coeur <strong>de</strong> glycérol, une ou <strong>de</strong>ux<br />
chaînes acyls et une tête phosphatée (type phosphatidylcholine) – les sphingolipi<strong>de</strong>s, qui ont<br />
globalement la même structure que les glycérolipi<strong>de</strong>s, mais avec un coeur cérami<strong>de</strong> (type<br />
sphingomyeline), et enfin les stérols qui sont un assemblage <strong>de</strong> quatre cycles plats <strong>de</strong> carbone<br />
27
formant un ensemble rigi<strong>de</strong>, et une queue plus ou moins hydrophile (type cholestérol). Selon<br />
le type, la longueur et le nombre <strong>de</strong>s chaînes carbonées et la taille <strong>de</strong> la tête, les lipi<strong>de</strong>s ont <strong>de</strong>s<br />
formes différentes (voir figure 12), qui jouent <strong>de</strong>s rôles dans la courbure <strong>de</strong> la membrane. De<br />
même, les différences <strong>de</strong> compositions et <strong>de</strong> nombre <strong>de</strong> lipi<strong>de</strong>s peuvent jouer un rôle, ainsi<br />
que toutes les enzymes agissant sur cette composition.<br />
I.1.3.1 Courbure liée <strong>au</strong>x lipi<strong>de</strong>s<br />
Les différents lipi<strong>de</strong>s ont <strong>de</strong>s formes que l’on peut classer en trois type : le type le plus<br />
courant parmi les lipi<strong>de</strong>s membranaires est la forme cylindrique, qui s’associe spontanément<br />
en bicouches (voir figure 12). Cependant, il existe 2 <strong>au</strong>tres types, le type I qui a une forme<br />
conique et préfère une association en micelle (fig. 12), principalement les lipi<strong>de</strong>s à une seule<br />
chaîne carbonée (lyso-lipi<strong>de</strong>s), et le type II qui a une forme en cône inversé (fig. 12) qui<br />
s’associe en phase hexagonale inversée <strong>de</strong> type II.<br />
Figure 12 : Les trois formes possibles <strong>de</strong>s lipi<strong>de</strong>s membranaires (voir texte) et structures d’<strong>au</strong>toassemblage<br />
correspondantes. Extrait <strong>de</strong> [61].<br />
28
Deux paramètres sont importants pour comprendre le lien entre lipi<strong>de</strong>s et courbures,<br />
leur forme et leur nombre respectif sur chacun <strong>de</strong>s feuillets <strong>de</strong> la bicouche. Si le nombre total<br />
<strong>de</strong> lipi<strong>de</strong>s est différent d’un feuillet à l’<strong>au</strong>tre, alors la membrane se courbera <strong>de</strong> manière à ce<br />
que l’aire moyenne <strong>de</strong> chaque lipi<strong>de</strong> soit la même sur les <strong>de</strong>ux feuillets. Cela crée donc une<br />
courbure positive par rapport <strong>au</strong> feuillet où les lipi<strong>de</strong>s sont les plus nombreux (figure 13a). De<br />
même une asymétrie dans le nombre <strong>de</strong> lipi<strong>de</strong>s ayant une forme non cylindrique (<strong>de</strong> type I ou<br />
II) crée une courbure (sans asymétrie du nombre total <strong>de</strong> lipi<strong>de</strong>s) (figure 13 b et c). On<br />
remarque que selon la forme du lipi<strong>de</strong> concentré dans un feuillet, on obtient une courbure<br />
négative (type II) ou positive (type I) par rapport <strong>au</strong> feuillet enrichi. Inversement, si la<br />
membrane a une courbure imposée par l ‘extérieur, les lipi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> type I préfèreront les zones<br />
<strong>de</strong> courbure positive et les lipi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> type II <strong>de</strong> courbure négative.<br />
Figure 13 : lipi<strong>de</strong>s et courbures : le rôle <strong>de</strong> la forme et <strong>de</strong>s asymétries <strong>de</strong> compositions dans la courbure <strong>de</strong>s<br />
membranes par les lipi<strong>de</strong>s. a) si le nombre <strong>de</strong> lipi<strong>de</strong>s <strong>au</strong>gmente sur un <strong>de</strong>s feuillets, la membrane se courbera<br />
spontanément b) l’insertion d’un intercalant <strong>de</strong> type stérol dans un <strong>de</strong>s feuillet conduit <strong>au</strong> même résultat. c)<br />
l’insertion <strong>de</strong> lipi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> type I sur un feuillet provoque une courbure positive par rapport à ce feuillet, et <strong>de</strong><br />
lipi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> type II, une courbure négative. Extrait <strong>de</strong> [62].<br />
In vivo, peu d’éléments sur l’implication <strong>de</strong>s lipi<strong>de</strong>s dans la déformation <strong>de</strong> la<br />
membrane sont connus. Il a été montré que la modification <strong>de</strong> la concentration en cholestérol<br />
29
inhibait fortement plusieurs voies <strong>de</strong> trafic, notamment celle <strong>de</strong> l’endocytose par la clathrine.<br />
Par ailleurs, il a été récemment montré que les cellules <strong>de</strong> patients atteint du syndrome <strong>de</strong><br />
Niemann-Pick avaient un t<strong>au</strong>x <strong>de</strong> cholestérol endosomal trop important qui inhibait la<br />
tubulation et la formation d’intermédiaires <strong>de</strong> transport [63]. De même en modifiant<br />
l’asymétrie du nombre <strong>de</strong> lipi<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s membranes plasmiques, on peut inhiber ou accélérer<br />
l’endocytose [64], selon que l’on crée une courbure favorable ou défavorable à l’endocytose.<br />
I.1.3.2 Courbure par les enzymes lipidiques<br />
Compte-tenu du lien entre forme <strong>de</strong>s lipi<strong>de</strong>s et courbure, il apparaît évi<strong>de</strong>nt que <strong>de</strong>s<br />
enzymes modifiant les lipi<strong>de</strong>s et changeant leur forme peuvent avoir une action sur la<br />
courbure, puisqu’en général, l’action <strong>de</strong> ces enzymes est asymétrique (d’un seul coté <strong>de</strong> la<br />
membrane). Ceci a été montré pour la phospholipase cytosolique A2 (PLA2). Cette enzyme<br />
catalyse la réaction <strong>de</strong> déacylation <strong>de</strong>s phospholipi<strong>de</strong>s, passant d’un phospholipi<strong>de</strong> à <strong>de</strong>ux<br />
chaînes carbonées (cylindrique) à un lipi<strong>de</strong> à une seule chaîne (lysolipi<strong>de</strong>, type I). Les<br />
lysolipi<strong>de</strong>s préférant la courbure positive, ils sont favorables à la formation <strong>de</strong> structures<br />
courbées comme les vésicules ou les tubules. Il a été montré que l’inhibition <strong>de</strong> cette<br />
phospholipase A2 par <strong>de</strong>s antagonistes chimique avait pour effet d’inhiber la formation <strong>de</strong><br />
tubules à partir <strong>de</strong>s endosomes [65], bloquant dramatiquement les voies rétrogra<strong>de</strong>s du trafic<br />
intracellulaire [65,66]. De plus, dans <strong>de</strong>s cellules transfectées avec la Phospholipase A2<br />
active, il a été observé que les composants Golgiens sont redistribués dans le RE [67], effet<br />
similaire à l’action <strong>de</strong> la Brefeldine A, qui provoque la tubularisation du Golgi, redistribuant<br />
ses composants <strong>au</strong> RE. Pour aller dans le même sens, l’inhibition d’un complexe enzymatique<br />
LysoPhospholipid Acyl-Transférase (PLAT), catalysant la réaction inverse <strong>de</strong> la PLA2<br />
provoque la tubularisation du golgi, et sa redistribution <strong>au</strong> RE [68].<br />
Dans ce cas précis, c’est réellement l’activité enzymatique qui est requise pour<br />
tubulariser les membranes. C’est à ma connaissance, le seul cas connu où l’activité<br />
enzymatique <strong>de</strong> la protéine est absolument requise pour déformer la membrane, preuve<br />
indirecte <strong>de</strong> l’effet <strong>de</strong>s lipi<strong>de</strong>s sur la courbure.<br />
La plupart <strong>de</strong>s <strong>au</strong>tres déformations membranaires dues à <strong>de</strong>s enzymes lipidiques,<br />
généralement <strong>de</strong>s tubes, sont indépendantes <strong>de</strong> leur activité enzymatique, et sont<br />
probablement dues <strong>au</strong> fait que ces enzymes se lient fortement à la membrane en s’insérant<br />
dans le feuillet externe <strong>de</strong> la bicouche (voir figure 14). C’est le cas <strong>de</strong> l’endophiline [69], une<br />
30
enzyme ayant une activité LPAAT (Lyso-Phosphatidic Acid Acyl-Transferase) transformant<br />
les lysolipi<strong>de</strong>s (Type I) en di-acyl-lipi<strong>de</strong>s (cylindriques). Elle tubularise <strong>de</strong>s liposomes<br />
purement lipidiques, indépendamment <strong>de</strong> son activité enzymatique. La liaison à la membrane<br />
promeut son oligomérisation. Cependant, <strong>au</strong>cune structure organisée n’est visible le long <strong>de</strong>s<br />
tubes (voir figure 14). Nombre <strong>de</strong> protéines <strong>au</strong>tres que <strong>de</strong>s enzymes lipidiques intervenant<br />
dans le trafic intracellulaire ont cette capacité <strong>de</strong> tubulariser <strong>de</strong>s membranes biologiques ou<br />
purement lipidiques. La plus connue est bien sûr la GTPase dynamine, sorte <strong>de</strong> ressort<br />
moléculaire intervenant dans la fission. La dynamine purifiée à partir <strong>de</strong> cerve<strong>au</strong>x a la<br />
capacité <strong>de</strong> former <strong>de</strong>s tubules à partir <strong>de</strong> liposomes <strong>de</strong> compositions variées, et s’organise en<br />
spirale <strong>au</strong>tour <strong>de</strong> ces tubules (voir figure 14) [70,71]. Cette déformation est indépendante <strong>de</strong> la<br />
liaison <strong>au</strong> GTP. Par contre, en présence <strong>de</strong> GTP, les tubules se vésicularisent [70]. Une <strong>au</strong>tre<br />
protéine dont le rôle n’est pas encore clairement défini possè<strong>de</strong> cette capacité <strong>de</strong><br />
tubularisation <strong>de</strong> liposomes : l’amphiphysine (figure 14) [72]. Il est important <strong>de</strong> noter que<br />
dynamine, amphiphysine et endophiline font ménage à trois, puisqu’elles interviennent toutes<br />
dans la fission membranaire et se lient les unes <strong>au</strong>x <strong>au</strong>tres (voir ci-après).<br />
I.1.4 Conclusion<br />
La diversité <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> déformation <strong>de</strong>s membranes biologiques découverts <strong>de</strong>puis une<br />
quarantaine d’années est révélatrice <strong>de</strong> la complexité biologique. Un point important est que<br />
pour réaliser ces déformations, la cellule utilise <strong>de</strong>s architectures moléculaires complexes, car<br />
les forces et les énergies mises en jeu dans ces processus sont importantes. Cependant, ces<br />
assemblages apparaissent très divers, et il est parfois difficile <strong>de</strong> comprendre le point commun<br />
à tous. Les concepts <strong>de</strong> la physique appliqués <strong>au</strong>x connaissances fondamentales faites par la<br />
biologie cellulaire du transport permettront peut-être <strong>de</strong> comprendre les principes génér<strong>au</strong>x <strong>de</strong><br />
ces assemblages déformateurs.<br />
31
Figure 14 : Tubularisation <strong>de</strong> liposomes synthétiques par <strong>de</strong>s protéines intervenant dans le trafic<br />
intracellulaire : A- liposomes tubularisés par l’endophiline (voir texte). Encart : comparaison <strong>de</strong> la structure<br />
<strong>de</strong>s tubules générés par l’endophiline (g<strong>au</strong>che), l’amphiphysine (milieu) et la dynamine (droite). D’après<br />
[69]. B- Ces protéines provoquent la courbure en s’insérant dans le feuillet externe <strong>de</strong> la membrane. D’après<br />
[62].<br />
I.2 Tri d’éléments membranaires<br />
Une <strong>de</strong>s <strong>au</strong>tres nécessités du trafic intracellulaire est <strong>de</strong> trier les éléments à transporter,<br />
<strong>de</strong> manière à conserver les spécificités <strong>de</strong> composition et donc <strong>de</strong> fonction, <strong>de</strong>s différents<br />
organites. Classiquement, les éléments solubles (non membranaires) sont triés par interaction<br />
avec un récepteur membranaire lui-même trié. Tout repose alors sur le tri <strong>de</strong>s éléments<br />
32
membranaires. De nombreuses hypothèses ont été émises et vérifiées ou non<br />
expérimentalement. La plus classique et la mieux documentée est le tri par interaction <strong>de</strong>s<br />
récepteurs avec les protéines <strong>de</strong>s mante<strong>au</strong>x. Une hypothèse plus récente est celle du tri par<br />
séparation <strong>de</strong> phase <strong>de</strong>s lipi<strong>de</strong>s membranaires, l’hypothèse dite <strong>de</strong>s « rafts ». Enfin, une<br />
hypothèse très récente et très peu documentée est celle du tri par courbure, les molécules<br />
préférant les membranes courbées se concentrant dans les intermédiaires <strong>de</strong> transport en<br />
formation.<br />
I.2.1 Tri par interaction <strong>de</strong> cargos avec les mante<strong>au</strong>x.<br />
Ce mécanisme a été le premier à être postulé et élucidé, et concerne une majorité <strong>de</strong>s<br />
protéines qui voyagent à travers la cellule. Le mécanisme est simple dans le sens où toute<br />
molécule transmembranaire peut interagir par sa partie cytoplasmique avec le mante<strong>au</strong> qui<br />
formera la vésicule. Ce mécanisme a été mis en place dans le contexte <strong>de</strong>s vésicules <strong>de</strong><br />
clathrine, et les différents points ont été partiellement retrouvés pour les mante<strong>au</strong>x COPs.<br />
I.2.1.1 Tri dans les vésicules <strong>de</strong> clathrine<br />
Le principe du tri par interaction récepteur/mante<strong>au</strong> a pu être vérifié sur plusieurs<br />
récepteurs présents dans les différentes voies dépendantes <strong>de</strong> la clathrine : par interaction d’un<br />
récepteur transmembranaire avec un ou plusieurs constituants du mante<strong>au</strong>, les ligands et leurs<br />
récepteurs peuvent être concentrés dans les vésicules <strong>de</strong> clathrine en formation (voir figure<br />
15). Il existe 3 cas <strong>de</strong> tri reposant sur ce principe [73] : 1- certains éléments sont en<br />
permanence internalisés puis exposés à nouve<strong>au</strong> (ils « cyclent »), et se retrouvent donc en<br />
permanence dans les vésicules en formation. C’est le cas pour la transferrine (Tfn) et son<br />
récepteur (Tfn-R) qui permettent l’entrée du fer dans la cellule, et pour les LDLs (Low<br />
Density Lipid particles) qui sont <strong>de</strong>s micelles contenant une protéine dont le récepteur, LDL-<br />
R, cycle en permanence. Les LDLs représentent un apport extérieur en lipi<strong>de</strong>s pour la cellule,<br />
riche en cholestérol. Il s’agit généralement <strong>de</strong> substances présentes en continu dans le milieu<br />
extracellulaire, et nécessaires <strong>au</strong> métabolisme cellulaire. 2- L’internalisation du récepteur<br />
dépend <strong>de</strong> sa liaison <strong>au</strong> ligand, la fixation <strong>de</strong> celui-ci sur son récepteur entraînant un<br />
changement <strong>de</strong> conformation provocant sa liaison <strong>au</strong> mante<strong>au</strong> <strong>de</strong> clathrine. C’est le cas pour<br />
33
certaines hormones comme le système EGF/EGF-R (Facteur <strong>de</strong> croissance épithéliale) et les<br />
récepteurs b2-adrénergiques (liant l’adrénaline). Ce sont généralement <strong>de</strong>s substances à<br />
présence <strong>de</strong> courte durée dans le milieu extracellulaire. 3-les récepteurs sont en permanence<br />
exclus <strong>de</strong>s vésicules <strong>de</strong> clathrine, même en présence <strong>de</strong> ligands, mais peuvent être rapi<strong>de</strong>ment<br />
internalisés suite à un signal intra ou extracellulaire. C’est le cas du CD4, qui intervient dans<br />
la signalisation inter-lymphocytaire.<br />
En rentrant dans le détail moléculaire <strong>de</strong> l’interaction du mante<strong>au</strong> avec les récepteurs,<br />
une séquence signal riche en tyrosine a été découverte pour les récepteurs cyclant en<br />
permanence (type 1). C’est cette séquence présente sur les récepteurs qui se lie à la sous-unité<br />
µ2 du complexe AP 2.<br />
Figure 15 : Représentation schématique <strong>de</strong> la formation d’une vésicule <strong>de</strong> clathrine et du tri sélectif <strong>de</strong> la<br />
transferrine et <strong>de</strong> son récepteur par interaction avec le complexe AP 2. Lors <strong>de</strong> la formation du mante<strong>au</strong> par<br />
association <strong>de</strong> clathrine et <strong>de</strong> complexe AP2 à la membrane, les récepteurs à la transferrine ayant lié la<br />
transferrine intéragissent spécifiquement par leur queue cytoplasmique avec le complexe AP2. Ainsi, les<br />
récepteurs couplés à la transferrine sont concentrés dans le bourgeon en formation, qui peut sous l’action <strong>de</strong><br />
la dynamine être séparé <strong>de</strong> la membrane donneuse. Extrait <strong>de</strong> [23].<br />
34
Un point important est qu’il ne semble pas y avoir <strong>de</strong> mécanismes spécifiques<br />
d’exclusion <strong>de</strong>s protéines non liées <strong>au</strong>x mante<strong>au</strong>x. Les récepteurs n’ayant pas <strong>de</strong> séquence<br />
signal (liaison <strong>au</strong> mante<strong>au</strong>) cyclent via les vésicules <strong>de</strong> clathrine, sans toutefois y être enrichis.<br />
Ces gran<strong>de</strong>s propriétés ont été retrouvées pour un <strong>au</strong>tre récepteur interagissant avec les<br />
mante<strong>au</strong>x clathrine, les récepteurs Mannose 6 Phosphate (M6P-Rs, <strong>au</strong> nombre <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux) [74].<br />
Ces récepteurs ont été découverts dans l’étu<strong>de</strong> du tri et <strong>de</strong> l’export spécifiques <strong>de</strong>s hydrolases<br />
lysosomales (enzymes dégradant les protéines dans les lysosomes). Au cours <strong>de</strong> leur passage<br />
à travers l’appareil <strong>de</strong> Golgi, ces hydrolases subissaient une modification <strong>de</strong> leurs<br />
glycosylations (sucres covalemment fixés co- ou post-traductionnellement) faisant apparaître<br />
un mannose phosphaté sur le carbone 6. De même que pour les cas vus précé<strong>de</strong>mment, ce<br />
mannose est une séquence d’adressage vers les lysosomes et se lie <strong>au</strong>x M6P-Rs. De plus, ces<br />
récepteurs se lient <strong>au</strong> complexe AP-1, et plus précisément à sa sous-unité µ1. Cependant il<br />
existe dans ce cas propre, un effecteur <strong>de</strong> plus que sont les GGAs, pour « Golgi-localised,<br />
Gamma-ear containing, ARF-binding proteins ». Ce sont elles qui initieraient la formation <strong>de</strong>s<br />
vésicules <strong>de</strong> clathrine en se liant à ARF. Elles jouent <strong>au</strong>ssi le même rôle que AP-1, en liant la<br />
clathrine et les M6P-Rs. La redondance <strong>de</strong>s rôles entre AP-1 et GGAs est encore mal<br />
comprise. De même que pour les récepteurs d’endocytose cyclant en permanence, il existe <strong>de</strong>s<br />
séquences signal sur les M6P-Rs permettant la liaison <strong>au</strong>x GGAs et à AP-1.<br />
La gran<strong>de</strong> différence entre le tri par clathrine dans l’endocytose et <strong>au</strong> TGN est que les<br />
ligands <strong>de</strong>s récepteurs possè<strong>de</strong>nt <strong>au</strong>ssi <strong>de</strong>s étiquettes d’adressage, comme le Mannose 6<br />
Phosphate. Ainsi, <strong>au</strong> lieu d’avoir <strong>au</strong>tant <strong>de</strong> récepteurs que d’éléments solubles à trier, un<br />
récepteur se lie à toutes les protéines possédant l’étiquette. L’étiquette étant fonction <strong>de</strong> la<br />
<strong>de</strong>stination, un récepteur se lie à toutes les protéines ayant une même <strong>de</strong>stination. De plus, ces<br />
étiquettes d’adressage sont généralement <strong>de</strong>s glycosylations modifiées <strong>au</strong> cours du passage<br />
dans l’appareil <strong>de</strong> Golgi. L’étu<strong>de</strong> approfondie <strong>de</strong>s enzymes intervenant dans la glycosylation a<br />
permi la compréhension du rôle <strong>de</strong> cet organite : les empilements <strong>de</strong> saccules étiquettent les<br />
protéines en fonction <strong>de</strong> leur <strong>de</strong>stination, puis <strong>au</strong> nive<strong>au</strong> du TGN, la formation <strong>de</strong>s vésicules<br />
d’export permet le tri et l’adressage correct <strong>de</strong> ces protéines.<br />
I.2.1.2 Tri <strong>au</strong> cours <strong>de</strong> la Formation <strong>de</strong>s vésicules <strong>de</strong> type COPs<br />
Le tri réalisé dans les vésicules COPs semble très proche <strong>de</strong> celui décrit plus h<strong>au</strong>t pour<br />
les vésicules <strong>de</strong> clathrine [75]. Les protéines transmembranaires <strong>de</strong> la famille p24 se lient <strong>au</strong>x<br />
35
mante<strong>au</strong>x COPs, et sont un composant majeur <strong>de</strong>s vésicules COP (I et II) où elles se<br />
concentrent. Elles cyclent rapi<strong>de</strong>ment entre réticulum et Golgi. Elles sont dites cargos putatifs,<br />
car on ne leur connaît pas <strong>de</strong> ligands ni <strong>de</strong> rôle potentiel <strong>de</strong> récepteur. Elles possè<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>s<br />
séquences signal <strong>de</strong> type KKXX ou KXKXX (K pour lysine, X pour n’importe quel <strong>au</strong>tre<br />
aci<strong>de</strong> aminé) dans leur partie cytoplasmique via lesquelles elles se lient à COP I et COP II.<br />
Ces séquences sont retrouvées dans les protéines transmembranaires résidant <strong>au</strong> réticulum. La<br />
seule réelle différence avec le système clathrine (bien que la découverte récente <strong>de</strong>s GGAs<br />
pourrait contredire cela) est que l’initiation <strong>de</strong> la fixation du mante<strong>au</strong> pourrait être directement<br />
dépendante du cargo. En effet, ces protéines se lient à ARF1 et le stabilisent sur la membrane.<br />
Surtout, certaines séquences signal relativement éloignées du consensus KKXX, empêchent<br />
l’activation <strong>de</strong> l’hydrolyse du GTP par le Coatomère [76]. ARF1 restant sous la forme GTP, il<br />
recrute alors plus durablement COP I pour former le bourgeon (voir figure 16). De plus, si la<br />
séquence signal n’est pas la bonne, ou si il n’y a pas <strong>de</strong> liaison du tout, la liaison du coatomère<br />
provoque l’hydrolyse du GTP et la dissociation immédiate du complexe, avant même d’avoir<br />
former un bourgeon. C’est un mécanisme <strong>de</strong> sélection du mante<strong>au</strong> par les protéines à<br />
exporter, inverse <strong>de</strong>s mécanismes <strong>de</strong> sélection <strong>de</strong>s récepteurs par le mante<strong>au</strong> clathrine. Le<br />
même mécanisme semble vrai pour COP II <strong>au</strong>ssi, car Sar1p peut être activée et stabilisée par<br />
les cargos et ainsi promouvoir la formation du bourgeon COP II [75].<br />
Figure 16 : Mécanisme <strong>de</strong> tri dans les vésicules COP I. La liaison du Coatomère à ARF1 et <strong>au</strong> cargo (B) est<br />
suivie d’une étape sélective. k1, k2 et k3 sont les constantes d’association/dissociation <strong>de</strong>s complexes à<br />
différentes étapes <strong>de</strong> la formation du bourgeon. Si la séquence signal inhibe l’hydrolyse du GTP alors,<br />
k2>k3, et le complexe stabilisé (C) promeut la formation d’un bourgeon (D). Sinon, k3>k2 et le complexe se<br />
dissocie (E). Extrait <strong>de</strong> [76].<br />
36
Les protéines solubles sont triées selon <strong>de</strong>s principes proches <strong>de</strong> l’exemple du<br />
Mannose 6 Phosphate vu préce<strong>de</strong>mment. Les protéines solubles résidantes du RE et qui sont<br />
exportées <strong>au</strong> Golgi ont une séquence d’adressage KDEL qui se lie à un récepteur dit KDEL.<br />
De même, le récepteur KDEL a sur sa queue cytoplasmique une séquence KKXX qui lui<br />
permet d’interagir avec COP I. La séquence signal KDEL permet donc <strong>au</strong>x protéines<br />
résidante du RE <strong>de</strong> revenir <strong>au</strong> réticulum, grâce <strong>au</strong> récepteur KDEL et en empruntant la voie<br />
COP I.<br />
D’<strong>au</strong>tre part, un <strong>au</strong>tre phénomène <strong>de</strong> tri a été mis en évi<strong>de</strong>nce dans les vésicules COP<br />
I : leur composition lipidique est fortement app<strong>au</strong>vrie en sphingolipi<strong>de</strong>s et en cholestérol [77],<br />
<strong>de</strong>ux composants majeurs <strong>de</strong>s « rafts ». Or, ces microdomaines résultants d’une séparation <strong>de</strong><br />
phase ont été impliqués dans le tri et représentent en eux-mêmes une étape <strong>de</strong> tri. Il ne serait<br />
pas impossible que les <strong>de</strong>ux phénomènes (tri par récepteurs et tri par séparation <strong>de</strong> phase)<br />
soient réalisés dans les même intermédiaires <strong>de</strong> transport et soient couplés, l’un favorisant<br />
l’<strong>au</strong>tre et vis-versa.<br />
I.2.2 Tri par séparation <strong>de</strong> phase : Importance <strong>de</strong>s ra<strong>de</strong><strong>au</strong>x<br />
lipidiques, ou « rafts ».<br />
L’hypothèse <strong>de</strong>s rafts est relativement récente [78]. Elle a été émise pour expliquer<br />
dans un premier temps comment les lipi<strong>de</strong>s pouvaient être triés et exportés spécifiquement :<br />
basée sur le fait que les trois composants lipidiques majeurs <strong>de</strong>s membranes biologiques<br />
(sphingolipi<strong>de</strong>s, glycérolipi<strong>de</strong>s et stérols) ont <strong>de</strong>s propriétés physico-chimiques différentes et<br />
peuvent se séparer en <strong>au</strong> moins <strong>de</strong>ux phases distinctes dans le plan <strong>de</strong> la membrane, cette<br />
hypothèse postule que ce « pré-tri » <strong>de</strong>s lipi<strong>de</strong>s pouvait avoir une importance dans le trafic<br />
lipidique. Il avait été montré par plusieurs étu<strong>de</strong>s biophysiques que les shingolipi<strong>de</strong>s ayant un<br />
point <strong>de</strong> fusion élevé (entre 40 et 50°C), ils pouvaient s’associer en une phase liqui<strong>de</strong><br />
ordonnée (Lo) à la température physiologique, contrairement <strong>au</strong>x glycérolipi<strong>de</strong>s qui restaient<br />
sous forme liqui<strong>de</strong> désordonnée Ld. Le cholestérol quant-à-lui, semblait promouvoir cette<br />
séparation <strong>de</strong> phase. La première <strong>de</strong>scription <strong>de</strong>s « rafts » fut donc celle <strong>de</strong> microdomaines<br />
relativement rigi<strong>de</strong>s se déplaçant dans une phase liqui<strong>de</strong> désordonnée. Il est rapi<strong>de</strong>ment<br />
apparu que <strong>de</strong>s protéines membranaires préféraient s’associer à l’une ou l’<strong>au</strong>tre <strong>de</strong>s phases,<br />
37
permettant également un tri <strong>de</strong>s protéines [79,80]. Mais si l’importance <strong>de</strong>s rafts dans le trafic<br />
intracellulaire n’est plus à démontrer, leur composition, leur taille et leur rôle exact ne sont<br />
pas clairement déterminés.<br />
I.2.2.1 Composition lipidique et protéique <strong>de</strong>s rafts.<br />
La structure <strong>de</strong>s trois princip<strong>au</strong>x types <strong>de</strong> lipi<strong>de</strong>s explique en partie leur propriétés<br />
physico-chimiques différentes. Les glycérolipi<strong>de</strong>s et les sphingolipi<strong>de</strong>s sont tous <strong>de</strong>s<br />
phospholipi<strong>de</strong>s, c’est-à-dire ayant une ou <strong>de</strong>ux chaînes acyls (carbonées) hydrophobes, et une<br />
tête hydrophile possédant un groupe phosphate (voir figure 17). Deux différences expliquent<br />
le fait que les sphingolipi<strong>de</strong>s naturels sont en phase Lo à 37°C, alors que les glycérolipi<strong>de</strong>s<br />
sont majoritairement en phase Ld : premièrement, les sphingolipi<strong>de</strong>s naturel ont globalement<br />
<strong>de</strong>s chaînes plus longues et plus saturées que les glycérolipi<strong>de</strong>s, <strong>de</strong>ux facteurs qui favorisent<br />
un paquetage étroit <strong>de</strong>s chaînes carbonées dans la bicouche. Deuxièmement, le groupement<br />
faisant la liaison entre le phosphate et les chaînes acyls est différent. Il s’agit d’un glycérol<br />
pour le glycérolipi<strong>de</strong>s, et d’un cérami<strong>de</strong> pour les shingolipi<strong>de</strong>s qui a la capacité <strong>de</strong> réaliser une<br />
liaison hydrogène entre son groupement N-H et le groupement –OH du cérami<strong>de</strong> voisin,<br />
favorisant la cristallisation <strong>de</strong>s sphingolipi<strong>de</strong>s.<br />
Le cholestérol a quant-à-lui une structure très différente : c’est essentiellement un<br />
tétracycle <strong>de</strong> carbone plan ayant un groupement hydroxy<strong>de</strong> jouant le rôle <strong>de</strong> tête hydrophile,<br />
et une courte queue carbonée. Le cholestérol peut interagir avec le groupement N-H du<br />
cérami<strong>de</strong> <strong>de</strong>s sphingolipi<strong>de</strong>s via son groupement hydroxy<strong>de</strong>.<br />
38
Figure 17 : Structures chimiques <strong>de</strong>s trois composants majeurs <strong>de</strong>s membranes cellulaires. Un glycérolipi<strong>de</strong><br />
phosphatidylcholine (Palmitoyl-Oléyl PC ou POPC), un sphingolipi<strong>de</strong> sphingomyeline (Di-Palmitoyl SM ou<br />
DPSM) et le stérol cholestérol. Les chaînes carbonées apparaissent en noir. Structures obtenues sur<br />
www.avantilipids.com.<br />
C’est à la fin <strong>de</strong>s années 80 que les premières analyses <strong>de</strong> la composition lipidique et<br />
protéique <strong>de</strong>s rafts ont été faites [81]. Pour isoler les rafts, un protocole a été mis <strong>au</strong> point basé<br />
sur le fait que les sphingolipi<strong>de</strong>s s’associent en une phase Lo ; il consiste à utiliser un<br />
détergent doux, le Triton X-100, à 4°C pour solubiliser partiellement les membranes. La<br />
fraction insoluble, <strong>de</strong> faible <strong>de</strong>nsité, est riche en sphingolipi<strong>de</strong>s et en cholestérol (voir figure<br />
39
17), ce qui était attendu. La composition lipidique moyenne est <strong>de</strong> un tiers <strong>de</strong> sphingolipi<strong>de</strong>s,<br />
un tiers <strong>de</strong> stérol et un tiers <strong>de</strong> glycérolipi<strong>de</strong>s. De même une composition protéique<br />
« moyenne » a été établie, bien que très loin d’être exh<strong>au</strong>stive. Le premier point marquant est<br />
qu’à peu d’exceptions près, les protéines transmembranaires ne se retrouvent pas dans les<br />
rafts. Un contre-exemple important est le récepteur à l’EGF (Epithelial Growth Factor) [82].<br />
Des protéines membranaires non transmembranaires, comme la caveoline ou la flotilline,<br />
préfèrent la fraction triton-insoluble. De nombreuses <strong>au</strong>tres protéines ont été trouvées comme<br />
étant associées <strong>au</strong>x rafts par cette technique [83]. Parmi elles, un groupe particulier se<br />
détache, les protéines à ancre GlycosylPhosphatidylInositol (GPI), ou protéines GPI. Leur<br />
seul point commun est qu’elles sont covalemment liées à un glycérolipi<strong>de</strong>, le<br />
phosphatidylinositol, via un oligomère <strong>de</strong> sucres (voir figure 18).<br />
Figure 18 : Structure <strong>de</strong> l’ancre GPI arrimant les protéines GPI <strong>au</strong>x microdomaines. Man pour mannose,<br />
GlcN pour Glucosamine. D’après [84].<br />
Ces protéines ont <strong>de</strong>s rôles très divers dans les cellules : <strong>de</strong> la protection contre le<br />
système immunologique pour les protéines VSG (Variant Surface Glycoproteins) <strong>de</strong>s<br />
trypanosomes, à la transduction du signal à travers la membrane plasmique, ou <strong>au</strong> recrutement<br />
<strong>de</strong> filaments d’actine [82]. Mais leur ancre commune les localise toutes préférentiellement<br />
40
dans les rafts. En effet, <strong>de</strong>s protéines GFPs normalement cytosoliques, mais modifiées pour<br />
être liées à une ancre GPI sont adressées <strong>au</strong>x rafts [85]. Elles ont donc été be<strong>au</strong>coup utilisées<br />
comme marqueur spécifique pour étudier le rôle <strong>de</strong>s rafts dans le trafic intracellulaire.<br />
Cependant, même si quelques règles générales ont été trouvées grâce à la technique <strong>de</strong><br />
résistance <strong>au</strong>x détergents, elle a <strong>au</strong>ssi apportée be<strong>au</strong>coup <strong>de</strong> confusion. De nombreux résultats<br />
obtenus avec cette technique sont soit peu reproductibles, soit contradictoires. Et pour ajouter<br />
<strong>au</strong> débat en cours, une étu<strong>de</strong> systématique récente, utilisant différents détergents et lignées<br />
cellulaires a montré le caractère peu conservé <strong>de</strong>s résultats d’un détergent à l’<strong>au</strong>tre et d’une<br />
lignée à une <strong>au</strong>tre [86]. La commun<strong>au</strong>té s’accor<strong>de</strong> donc à faire une distinction entre le produit<br />
<strong>de</strong>s extractions par détergent qui sont appelés DRMs pour Detergent Resistant Membranes et<br />
dont la composition varie avec les protocoles, et les rafts, microdomaines présents dans la<br />
membrane cellulaire intacte. Mais tout ceci soulève <strong>de</strong> nombreuses questions : y-a-t-il un seul<br />
ou plusieurs types <strong>de</strong> rafts dans les membranes cellulaires ? La composition <strong>de</strong>s (d’un ?) raft<br />
varie-t-elle <strong>au</strong> cours du temps ?<br />
Un <strong>au</strong>tre problème est <strong>de</strong> connaître la taille <strong>de</strong>s rafts, dans les membranes cellulaires.<br />
En mélangeant <strong>de</strong>s sphingolipi<strong>de</strong>s, du cholestérol et <strong>de</strong>s glycérolipi<strong>de</strong>s purifiés, les<br />
membranes artificielles ainsi préparées montrent généralement l’apparition <strong>de</strong> domaines<br />
géants, <strong>de</strong> taille bien supérieure <strong>au</strong> micron en taille [87,88]. Mais <strong>au</strong>cun domaine <strong>de</strong> cette<br />
taille n’existe dans les cellules non traitées. Différentes mesures <strong>de</strong> la taille <strong>de</strong>s domaines in<br />
vivo ont été essayé [81,83], mais les plus récentes qui sont <strong>au</strong>ssi les plus sophistiquées,<br />
s’accor<strong>de</strong>nt pour dire que leur taille serait nettement inférieure à 100 nm, et serait comprise<br />
entre 1 et 20 nm. Ce débat est encore ouvert et la taille mesurée dépend be<strong>au</strong>coup <strong>de</strong> la<br />
technique utilisée.<br />
I.2.2.2 Mise en évi<strong>de</strong>nce expérimentale d’un tri dépendant <strong>de</strong>s rafts.<br />
Le cholestérol et les précurseurs <strong>de</strong>s sphingolipi<strong>de</strong>s, les sphingosines, sont synthétisés<br />
dans le réticulum endoplasmique. Mais leur concentration y est très faible, <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong><br />
quelques % <strong>de</strong>s lipi<strong>de</strong>s du RE. Le cholestérol et les sphingolipi<strong>de</strong>s se concentrent tout le long<br />
<strong>de</strong> la voie <strong>de</strong> sécrétion, <strong>de</strong> la dizaine <strong>de</strong> % dans l’appareil <strong>de</strong> Golgi à entre 20 et 50 % chacun<br />
pour les membranes plasmiques (selon le type cellulaire) [89]. Ceci suggère un transport<br />
sélectif <strong>de</strong> ces lipi<strong>de</strong>s dans le sens antérogra<strong>de</strong> <strong>de</strong> la voie <strong>de</strong> sécrétion (RE – membrane<br />
plasmique). De plus, l’appareil <strong>de</strong> Golgi est le lieu <strong>de</strong> synthèse <strong>de</strong> nombreux sphingolipi<strong>de</strong>s,<br />
notamment <strong>de</strong>s sphingomyelines et <strong>de</strong> nombreux gangliosi<strong>de</strong>s, sphingolipi<strong>de</strong>s sur la tête<br />
41
<strong>de</strong>squels ont été greffées <strong>de</strong>s glycosylations (polymères <strong>de</strong> sucres). Les membranes du<br />
réticulum n’ont pas la capacité à former <strong>de</strong>s DRMs, alors qu’ils sont présents en faible<br />
quantité dans les membranes golgiennes. On comprend aisément avec ce qui a été exposé<br />
précé<strong>de</strong>mment que ce sont les membranes plasmiques qui donnent le plus <strong>de</strong> DRMs après<br />
extraction <strong>au</strong> Triton, puisqu’elles contiennent plus <strong>de</strong> cholestérol et <strong>de</strong> sphingolipi<strong>de</strong>s.<br />
L’hypothèse émise est la suivante : dés que la concentration en sphingolipi<strong>de</strong>s et cholestérol<br />
est suffisamment importante (à priori <strong>au</strong> nive<strong>au</strong> <strong>de</strong> l’appareil <strong>de</strong> Golgi) , il y a apparition <strong>de</strong><br />
rafts qui sont sélectivement exporté dans la voie d’exocytose.<br />
Comme il est difficile <strong>de</strong> suivre le <strong>de</strong>venir <strong>de</strong>s lipi<strong>de</strong>s, les chercheurs se sont tournés<br />
vers les protéines associées <strong>au</strong>x rafts pour essayer <strong>de</strong> vérifier cette hypothèse. Il a été montré<br />
que le trafic <strong>de</strong>s protéines GPI était directement lié à la présence <strong>de</strong> DRMs [90]. Ainsi, en<br />
utilisant <strong>de</strong>s drogues inhibant la synthèse <strong>de</strong>s shingolipi<strong>de</strong>s ou du cholestérol dans les cellules<br />
<strong>de</strong> mammifères, et <strong>de</strong>s mutants pour les enzymes <strong>de</strong> synthèse <strong>de</strong> ces mêmes lipi<strong>de</strong>s chez la<br />
levure, il a été possible <strong>de</strong> montrer qu’en présence <strong>de</strong> drogues ou chez les mutants, il n’y avait<br />
plus <strong>de</strong> DRMs isolables, et que les protéines GPI n’étaient plus résistantes <strong>au</strong>x détergents. La<br />
conséquence était un blocage <strong>de</strong>s protéines GPI à certaines étapes du transport : dans le<br />
réticulum chez la levure et dans l’appareil <strong>de</strong> Golgi dans les cellules <strong>de</strong> mammifères. La<br />
différence observée entre mammifères et levures est encore mal comprise, mais, les données<br />
accumulées sur les protéines GPI et d’<strong>au</strong>tres sont toutes concordantes [90]. L’idée générale<br />
est que dès la formation <strong>de</strong>s rafts, les protéines qui y sont associées y ségrégent. Ces protéines<br />
possédant <strong>de</strong>s séquences d’adressages pour certains compartiments, elles permettent<br />
également l’adressage <strong>de</strong>s lipi<strong>de</strong>s qui leur sont associées et donc <strong>de</strong>s rafts.<br />
Les rafts sont <strong>au</strong>ssi nécessaires à l’endocytose <strong>de</strong> certaines protéines [91,92],<br />
notamment <strong>de</strong> composants pathogéniques tels que <strong>de</strong>s toxines bactériennes (la toxine du<br />
Choléra se liant à un gangliosi<strong>de</strong> (sphingolipi<strong>de</strong>) du nom <strong>de</strong> GM1, et la toxine <strong>de</strong> Shiga se<br />
liant à un gangliosi<strong>de</strong> du nom <strong>de</strong> Gb3 [93]. Certains virus comme le SV40 (Simian Virus 40)<br />
empruntent la voie d’endocytose par les caveolaes [91]. Il semble que pour les toxines, qui se<br />
lient à la membrane sous forme monomérique, le recrutement <strong>au</strong> sein <strong>de</strong>s rafts provoque une<br />
multimérisation nécessaire à leur endocytose [93].<br />
Mais pour l’instant, <strong>au</strong>cune expérience décisive n’a pu montrer comment les rafts<br />
étaient adressés dans les intermédiaires <strong>de</strong> transports. De nombreuses hypothèses sont<br />
possibles, et sont résumées ci-après.<br />
42
I.2.2.3 Rafts et tri dans le trafic intracellulaire : les principales hypothèses.<br />
Les hypothèses les plus simples sont présentées sur la figure 19. La première et la plus<br />
simple (figure 19A) est que si la membrane est pré ségrégée en domaines <strong>de</strong> composition<br />
différente, les intermédiaires <strong>de</strong> transport qui se forment à partir <strong>de</strong> chacun <strong>de</strong>s domaines sont<br />
<strong>de</strong> composition différentes. Dans cette hypothèse, le tri est réalisé avant la formation du<br />
bourgeon par séparation <strong>de</strong> phase, et cela implique <strong>de</strong>ux points importants : -il f<strong>au</strong>t que les<br />
intermédiaires <strong>de</strong> transports dirigés vers le même compartiment soient produits toujours à<br />
partir du même sous-domaine, et <strong>de</strong>uxièmement, il f<strong>au</strong>t que la surface <strong>de</strong>s domaines soit<br />
supérieure à la surface <strong>de</strong>s intermédiaires <strong>de</strong> transport. Ce <strong>de</strong>rnier point est difficile à vérifier,<br />
puisque les tailles connues <strong>de</strong>s intermédiaires <strong>de</strong> transport sont du même ordre, voire un peu<br />
plus gran<strong>de</strong>s que celles <strong>de</strong>s rafts (voir plus h<strong>au</strong>t).<br />
Figure 19 : Hypothèses sur l’adressage sélectif <strong>de</strong>s rafts dans le trafic intracellulaire. A- la membrane est<br />
divisée en différents domaines <strong>de</strong> compositions différentes (a, b et c) et les intermédiaires <strong>de</strong> transport<br />
formés à partir <strong>de</strong> chacun <strong>de</strong> ces domaines n’ont pas la même composition et ont <strong>de</strong>s <strong>de</strong>stinations<br />
différentes. B- C’est <strong>au</strong> cours <strong>de</strong> la formation <strong>de</strong> l’intermédiaire <strong>de</strong> transport qu’il y a recrutement <strong>de</strong><br />
certains composants membranaires changeant la composition <strong>de</strong> la membrane spécifiquement à l’endroit <strong>de</strong><br />
formation du bourgeon. D’après [89].<br />
La <strong>de</strong>uxième hypothèse correspond à une vision plus dynamique du processus (figure<br />
19B). Au cours <strong>de</strong> la formation <strong>de</strong> l’intermédiaire <strong>de</strong> transport, certains éléments <strong>de</strong>s rafts<br />
sont sélectivement piégés dans le bourgeon, recrutant par là même les <strong>au</strong>tres éléments <strong>de</strong>s<br />
43
afts. Les raisons <strong>de</strong> ce piégeage peuvent être multiples : une interaction directe <strong>de</strong> certains<br />
éléments avec les mante<strong>au</strong>x ou les protéines provoquant la déformation, ou bien par un effet<br />
simple <strong>de</strong> courbure (voir ci-après), les constituants préférant la courbure étant sélectivement<br />
enrichis dans le bourgeon en formation. Cette hypothèse a été récemment détaillée pour le cas<br />
<strong>de</strong> l’endocytose par les caveolae [94]. Dans ce cas précis, il est postulé que la liaison <strong>de</strong>s<br />
caveolines <strong>au</strong> cholestérol (voir plus h<strong>au</strong>t) favorise la concentration <strong>de</strong> lipi<strong>de</strong>s et <strong>de</strong> protéines<br />
qu’on retrouve dans les rafts. Surtout, c’est la première fois que l’hypothèse d’une séparation<br />
<strong>de</strong> phase <strong>au</strong> sein du bourgeon en formation est émise : les caveolae seraient <strong>de</strong>s rafts géants<br />
<strong>au</strong>xquels fusionneraient <strong>de</strong> petits rafts entourant les protéines à endocyter. Le bord <strong>de</strong> la<br />
caveolae, en plus d’être la zone <strong>de</strong> liaison entre la caveolae et la membrane, serait <strong>au</strong>ssi la<br />
frontière entre le raft géant et le reste <strong>de</strong> la membrane, frontière infranchissable pour les<br />
protéines piégées par la composition <strong>de</strong>s caveolae.<br />
Une <strong>au</strong>tre hypothèse qui pourrait s’appliquer <strong>au</strong>x rafts est celle du tri par épaisseur <strong>de</strong><br />
la bicouche : il a été montré que les protéines transmembranaires avaient <strong>de</strong>s parties<br />
hydrophobes <strong>de</strong> longueur adaptée à leur membrane <strong>de</strong> rési<strong>de</strong>nce [95]. L’épaisseur <strong>de</strong>s<br />
membranes est croissante du réticulum, jusqu’à la membrane plasmique. Les différences sont<br />
petites (<strong>de</strong> 3-4 Å à 6-7 Å), mais significatives. Or, les protéines transmembranaires <strong>de</strong> la<br />
membrane plasmique ont <strong>de</strong>s segments transmembranaires hydrophobes plus longs que celles<br />
<strong>de</strong> l’appareil <strong>de</strong> Golgi, eux-mêmes plus longs que ceux <strong>de</strong>s protéines du réticulum. Là <strong>au</strong>ssi<br />
les différences sont petites mais significatives (<strong>de</strong> 16 aci<strong>de</strong>s aminés <strong>au</strong> RE en moyenne, à 18<br />
a.a dans la membrane plasmique). Surtout, il a été montré qu’une protéine transmembranaire<br />
rési<strong>de</strong> mieux dans une bicouche trop fine pour son segment transmembranaire que dans une<br />
bicouche trop gran<strong>de</strong>. Donc toutes les protéines ayant <strong>de</strong>s <strong>de</strong>stinations à bicouche épaisses<br />
pourraient cependant être produites <strong>au</strong> réticulum (bicouche la plus fine) et exportées <strong>au</strong> bon<br />
endroit, ne pouvant accé<strong>de</strong>r <strong>au</strong>x bicouches trop épaisses pour leur segment transmembranaire.<br />
Une <strong>de</strong>s raisons pour lesquelles les bicouches épaississent le long <strong>de</strong> la voie d’exocytose est<br />
justement parce qu’elles contiennent plus <strong>de</strong> cholestérol et <strong>de</strong> sphingolipi<strong>de</strong>s, dont la longueur<br />
et la rigidité <strong>de</strong>s chaînes carbonées expliquent l’épaississement. On peut donc proposer que<br />
les protéines en direction <strong>de</strong> la membrane plasmique s’associent rapi<strong>de</strong>ment avec les rafts<br />
lorqu’ils apparaissent car ils correspon<strong>de</strong>nt mieux à la taille <strong>de</strong> leur segment trans-<br />
membranaire, ceux-ci les dirigeant vers la <strong>de</strong>stination voulue. Cependant, du fait <strong>de</strong> la<br />
complexité <strong>de</strong>s expériences qu’il f<strong>au</strong>drait mettre en oeuvre pour montrer à coup sûr ce<br />
phénomène, et également <strong>de</strong> la faiblesse <strong>de</strong>s effets observés, cette hypothèse n’a jamais pu<br />
44
être vérifiée jusqu’à présent et paraît donc être un mécanisme, s’il est réel, peu efficace pour<br />
trier les protéines membranaires.<br />
Une <strong>de</strong>rnière hypothèse postule le rôle <strong>de</strong> la courbure dans le tri <strong>de</strong>s lipi<strong>de</strong>s<br />
préférentiellement ségrégés dans les rafts et donc <strong>de</strong>s protéines qui y sont associées. Une<br />
équipe a pu montrer que <strong>de</strong>s lipi<strong>de</strong>s fluorescent artificiels (et non métabolisés par la cellule)<br />
pouvaient être triés dans les endosomes seulement en fonction <strong>de</strong> la longueur et <strong>de</strong> la rigidité<br />
<strong>de</strong> leurs chaînes carbonées [96]. Il a été montré par ailleurs que la fluidité <strong>de</strong>s phases Lo était<br />
réduite par rapport <strong>au</strong>x phases Ld [97] et que leur rigidité était plus importante (voir chapitre<br />
4). L’hypothèse proposée par ce groupe [98] est que les domaines les plus flui<strong>de</strong>s et les moins<br />
rigi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la membrane sont utilisés pour former les intermédiaires <strong>de</strong> transport, et que les<br />
moins flui<strong>de</strong>s et les plus rigi<strong>de</strong>s le sont moins. Les lipi<strong>de</strong>s ségrégeant préférentiellement dans<br />
la phase Ld seraient par conséquent sélectivement enrichis dans les intermédiaires <strong>de</strong> transport<br />
alors que les lipi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la phase Lo seraient sélectivement exclus <strong>de</strong> ces structures très<br />
courbées. Cette hypothèse est basée sur le présupposé que pour faire un intermédiaire <strong>de</strong><br />
transport, il f<strong>au</strong>t une membrane assez flui<strong>de</strong> et peu rigi<strong>de</strong>. Mais la distinction entre fluidité et<br />
rigidité n’est pas claire dans l’étu<strong>de</strong> précé<strong>de</strong>mment citée : une membrane plus rigi<strong>de</strong> n’est pas<br />
forcément moins flui<strong>de</strong>, bien que pour dans le cas <strong>de</strong>s cellules, les domaines « rafts » soient à<br />
la fois plus rigi<strong>de</strong> et moins flui<strong>de</strong> (voir chapitre 4).<br />
I.2.2.4 Conclusion<br />
Même si le tri <strong>de</strong>s protéines et <strong>de</strong>s lipi<strong>de</strong>s <strong>au</strong> cours <strong>de</strong>s étapes du trafic intracellulaire<br />
est <strong>au</strong>jourd’hui un fait indiscutable, les modalités que la cellule utilise pour séparer ses<br />
différents composants membranaires restent pour certaines très spéculatives. Le rôle exact <strong>de</strong><br />
la séparation <strong>de</strong> phase <strong>de</strong>s lipi<strong>de</strong>s dans le tri reste, même si son importance est<br />
indiscutablement prouvée, à découvrir.<br />
Une <strong>au</strong>tre nécessité du transport vésiculaire qui est probablement l’étape la moins bien<br />
comprise est la séparation du bourgeon <strong>de</strong> la membrane donneuse. Si <strong>de</strong> nombreux partenaires<br />
protéiques et lipidiques ont été montrés comme essentiels pour la fission, <strong>au</strong>cun n’est suffisant<br />
à lui seul, compliquant la compréhension du mécanisme.<br />
45
I.3 Coupure <strong>de</strong> membrane ou fission<br />
La séparation du bourgeon <strong>de</strong> la membrane est la <strong>de</strong>rnière étape du processus <strong>de</strong><br />
formation <strong>de</strong>s intermédiaires <strong>de</strong> transport. De petites vésicules <strong>de</strong> transport peuvent être<br />
visualisées dans les cellules et purifiées, ce qui nécessite qu’elles soient à un moment séparées<br />
<strong>de</strong> la membrane dont elles bourgeonnent. De plus, la compartimentalisation cellulaire (le fait<br />
que chaque organite ait une composition propre et adaptée à sa fonction) impose également<br />
que les compartiments soient clos, et donc que toute vésicule bourgeonnante en soit séparée.<br />
On a longtemps pensé que les mante<strong>au</strong>x à eux seuls pouvaient, en se refermant sur eux-<br />
mêmes, provoquer la fission, et bien que <strong>de</strong> nombreux <strong>au</strong>tres partenaires nécessaires à la<br />
fission aient été découvert, cette hypothèse reste pl<strong>au</strong>sible pour les mante<strong>au</strong>x <strong>de</strong> type COPs<br />
notamment. Mais la compréhension <strong>de</strong> la fission a be<strong>au</strong>coup avancé avec la découverte <strong>de</strong> la<br />
dynamine et <strong>de</strong> ses partenaires. Cependant, bien que la fission soit un processus dynamique et<br />
très limité dans le temps (ce qui rend son étu<strong>de</strong> particulièrement difficile), les données que<br />
nous avons proviennent essentiellement d’étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> microscopie électronique, donc d’images<br />
figées.<br />
I.3.1 La dynamine, ressort moléculaire<br />
La première découverte <strong>de</strong> la dynamine a été fortuite. Elle a été co-purifiée avec les<br />
protéines MAPs (Microtubule Associated Proteins) <strong>au</strong> cours <strong>de</strong>s purifications <strong>de</strong> tubuline,<br />
dans les années 70 [99]. Le gène montre la présence d’un domaine GTPasique. Mais c’est<br />
l’étu<strong>de</strong> d’un mutant <strong>de</strong> Drosophila melanogaster qui donna les premières explications sur son<br />
rôle dans la fission. Le mutant Shibire est un mutant thermosensible qui a une paralysie<br />
réversible et rapi<strong>de</strong> à température non permissive. Il a été montré que ce mutant avait un<br />
déf<strong>au</strong>t d’endocytose avec une accumulation <strong>de</strong> vésicules clathrine non séparées <strong>de</strong> la<br />
membrane <strong>au</strong> nive<strong>au</strong> <strong>de</strong>s synapses. D’où l’idée d’un déf<strong>au</strong>t <strong>de</strong> fission, entraînant un déf<strong>au</strong>t <strong>de</strong><br />
communication synaptique. Lorsque le gène fut séquencé, il s’avéra être un homologue <strong>de</strong> la<br />
dynamine <strong>de</strong>s mammifères. Plus tard, cette protéine fut localisée <strong>au</strong> cou <strong>de</strong>s vésicules<br />
d’endocytose, confirmant son rôle dans la fission.<br />
La dynamine est une GTPase <strong>de</strong> 100 kDa, dont l’activité est amplifiée par son<br />
oligomérisation en spirale [100] et la liaison à un phospholipi<strong>de</strong> particulier le PhosphoInositol<br />
46
(4,5) di-Phosphate ou PIP2 [101]. Surtout, comme dans le cas <strong>de</strong>s enzymes lipidiques vu<br />
précé<strong>de</strong>mment, il a été montré que son oligomérisation pouvait déformer les membranes en<br />
tubules entourés d’une spirale <strong>de</strong> protéines [70]. Cette association hélicoïdale ne nécessite pas<br />
<strong>de</strong> nucléoti<strong>de</strong> ; mais si du GTP est ajouté <strong>au</strong>x tubules formés, ils se fissionnent alors en petites<br />
vésicules. Grâce à un protocole original, une <strong>au</strong>tre équipe a pu décrypter le changement <strong>de</strong><br />
conformation associé à l’hydrolyse du GTP [102]. La spirale s’allonge, le pas <strong>de</strong> l’hélice<br />
passant <strong>de</strong> 11 nm à 20 nm, suggérant <strong>au</strong>ssi la possibilité d’un rétrécissement du diamètre,<br />
mais qui n’est pas observé dans ces expériences, probablement pour <strong>de</strong>s raisons techniques.<br />
Ces données et d’<strong>au</strong>tres, ont permis l’élaboration <strong>de</strong> cinq mécanismes potentiels d’action pour<br />
la dynamine (voir figure 20) et sont expliqués en détails dans une revue récente [103]. Le<br />
premier mécanisme et le plus ancien proposé, est celui du garrot moléculaire, où la dynamine,<br />
serrant le cou <strong>de</strong>s vésicules peut conduire à la fission. Proposé à une pério<strong>de</strong> où la structure <strong>de</strong><br />
la dynamine n’était pas connue, elle reste d’actualité <strong>au</strong> vu <strong>de</strong> la structure fine <strong>de</strong>s spirales<br />
[71]. Le <strong>de</strong>uxième est le ressort moléculaire, issu <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> [102]. Il propose que<br />
l’éloignement provoqué par l’allongement <strong>de</strong> la spirale <strong>de</strong> dynamine après hydrolyse du GTP<br />
soit suffisant pour couper la membrane. Cependant, l’allongement étant probablement couplé<br />
à un rétrécissement du diamètre <strong>de</strong> la spirale, ces <strong>de</strong>ux premiers mécanismes ne s’excluent pas<br />
l’un l’<strong>au</strong>tre. Le troisième mécanisme, basé sur les même données que les <strong>de</strong>ux précé<strong>de</strong>nts<br />
explique cependant la fission d’une manière différente [104]. La spirale en s’allongeant doit<br />
tourner <strong>au</strong>tour du cou <strong>de</strong> la vésicule, le tordant en provoquant un pincement qui conduit à la<br />
rupture. Ce serait les différences entre l’élasticité <strong>de</strong> la membrane et la spirale, ainsi que la<br />
profon<strong>de</strong> insertion <strong>de</strong> la dynamine dans la spirale [71], qui expliquerait ce mécanisme. Le<br />
quatrième mécanisme, préciserait plutôt les trois précé<strong>de</strong>nts que ne les infirmerait : basé sur<br />
une étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s interactions entre les différents domaines <strong>de</strong> la dynamine, ce modèle propose<br />
que la dynamine soit capable <strong>de</strong> marcher sur elle-même, c’est à dire qu’un anne<strong>au</strong> <strong>de</strong> la<br />
spirale pourrait se déplacer le long <strong>de</strong> l’anne<strong>au</strong> suivant, comme un moteur moléculaire sur un<br />
filament. Cela tient <strong>au</strong> fait que certaines interactions entre domaines sont plus fortes en<br />
présence <strong>de</strong> GDP qu’en présence <strong>de</strong> GTP, comme pour les moteurs moléculaires. Comme un<br />
serpent montant dans un arbre, en présence <strong>de</strong> GTP, la dynamine pourrait se déplacer sur le<br />
cou <strong>de</strong> la vésicule. Ce modèle suppose, pour effectuer son action rétrécissante que l’une <strong>de</strong>s<br />
extrémités <strong>de</strong> la spirale soit fixé : cet ancrage pourrait être réalisé par l’amphiphysine qui fait<br />
le lien entre la clathrine et la dynamine.<br />
47
Figure 20 : Les cinq mécanismes potentiels d’action <strong>de</strong> la dynamine sur la membrane. 1- le garrot<br />
moléculaire, étranglant le cou jusqu’à rupture, 2- le ressort moléculaire, éjectant la vésicule jusqu’à rupture<br />
du cou, 3- la torsion moléculaire, qui ferait tourner la vésicule sur elle-même, provocant un pincement, puis<br />
la rupture <strong>de</strong> la membrane, 4- Le serpent moléculaire, qui expliquerait en fait les trois modèles précé<strong>de</strong>nts,<br />
en proposant que la dynamine s’enroule sur elle-même avec <strong>de</strong>s interactions entre spirales qui se déplacerait<br />
les unes par rapport <strong>au</strong>x <strong>au</strong>tres comme un moteur moléculaire sur un microtubule. 5- le régulateur<br />
moléculaire, permettant le recrutement, sous forme GTP, d’effecteurs qui réalisent la fission.<br />
Enfin, le <strong>de</strong>rnier mécanisme qui est également le moins bien décrit est celui où la<br />
dynamine en tant que GTPase joue un rôle <strong>de</strong> régulateur, recrutant à la membrane les<br />
effecteurs réel <strong>de</strong> la fission [105]. Ceci tient à <strong>de</strong>ux points importants, qui sont que la<br />
dynamine, comme be<strong>au</strong>coup <strong>de</strong> GTPase régulatrices interagit avec <strong>de</strong> nombreux partenaires<br />
[12], et que un <strong>de</strong> ses partenaires, que nous allons décrire maintenant est directement impliqué<br />
dans la fission membranaire : l’endophiline.<br />
48
I.3.2 Rôle <strong>de</strong>s lipi<strong>de</strong>s et <strong>de</strong>s acyls transférases<br />
Le rôle <strong>de</strong>s lipi<strong>de</strong>s dans la fission est postulé <strong>de</strong>puis longtemps. La forme <strong>de</strong>s lipi<strong>de</strong>s,<br />
qui peut favoriser la courbure <strong>de</strong>s éléments dans un sens ou dans un <strong>au</strong>tre (voir 2.1.3.1) peut<br />
avoir un rôle sur la capacité du cou <strong>de</strong>s vésicules à rétrécir, et peut-être à se couper. Ainsi, <strong>de</strong>s<br />
lipi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> type II (voir 2.1.3.1) ont une forme qui préfère la courbure négative (en selle <strong>de</strong><br />
cheval) et donc vont préférer se localiser <strong>au</strong> nive<strong>au</strong> du cou <strong>de</strong>s vésicules, participant à son<br />
rétrécissement [61].<br />
Cette idée a pris une dimension importante <strong>de</strong>puis quelques années avec la découverte<br />
que <strong>de</strong>s enzymes <strong>de</strong> type LPAT (LysoPhospholipid Acyl Transferase) étaient impliquées dans<br />
la fission membranaire [106]. Ces enzymes catalysent une réaction du type acyl-CoA +<br />
LysoLipi<strong>de</strong> donne diacyl-lipi<strong>de</strong>, transformant un lipi<strong>de</strong> à une seule chaîne carbonée en un<br />
lipi<strong>de</strong> à <strong>de</strong>ux chaînes carbonées. Dans <strong>de</strong>ux étu<strong>de</strong>s et sur <strong>de</strong>ux protéines différentes,<br />
l’endophiline I [107] et CtBP/BARS [108], il a été montré que cette activité était nécessaire à<br />
la fission <strong>de</strong> vésicules d’endocytose dans un cas [107] et <strong>de</strong> tubules émanant du Golgi dans<br />
l’<strong>au</strong>tre [108]. Le point important est que dans ces <strong>de</strong>ux cas, le lysolipi<strong>de</strong> accepteur était<br />
l’aci<strong>de</strong> phosphatidique, qui a une forme conique <strong>de</strong> type I sous la forme mono-acylée, et une<br />
forme <strong>de</strong> cône inversé (type II) sous la forme di-acylée. Le réactif et le produit <strong>de</strong> cette<br />
réaction ayant <strong>de</strong>s courbures préférentielles opposées, et la courbure du produit était adaptée à<br />
la courbure du cou <strong>de</strong>s vésicules, il apparaît évi<strong>de</strong>nt que cette réaction puisse favoriser la<br />
fission.<br />
Dans le cas <strong>de</strong> l’endophiline, <strong>de</strong>s points importants ont pu être montrés : cette enzyme se lie à<br />
la dynamine sous forme oligomérisée, et si cette interaction est empêchée par la délétion du<br />
domaine d’interaction à la dynamine, alors la formation <strong>de</strong> vésicules est inhibée [107]. Le<br />
principe proposé est présenté sur la figure 21.<br />
49
Figure 21 : Rôle <strong>de</strong> l’endophiline I dans la fission. L’anne<strong>au</strong> <strong>de</strong> dynamine se formant, il recrute<br />
l’endophiline qui transforme les Lyso Aci<strong>de</strong> Phosphatidique (LPA) en Aci<strong>de</strong> Phosphatidique (PA) dont la<br />
courbure inverse est favorable à la courbure du cou, facilitant l’action <strong>de</strong> constriction <strong>de</strong> la dynamine. Le<br />
feuillet cytoplasmique est en gris. D’après [107].<br />
I.3.3 Conclusion<br />
La fission reste pour une gran<strong>de</strong> part incomprise, et <strong>de</strong> façon surprenante, nous n’en<br />
connaissons qu’un très petit nombre d’acteurs, alors qu’il est possible que comme pour la<br />
déformation ou le tri, ce soit les assemblages qui permettent la fonction <strong>de</strong> coupure et non pas<br />
les molécules individuelles. Il f<strong>au</strong>t alors connaître tous les acteurs participant à un complexe,<br />
fonctionnel, ce qui semble loin d’être le cas dans la fission. En schématisant, les <strong>de</strong>ux seules<br />
protéines interagissant et ayant une fonction liée à la fission sont à ce jour la dynamine et<br />
l’endophiline. Or, dans tous les <strong>au</strong>tres processus (tri, courbure), ce sont <strong>de</strong>s assemblages <strong>de</strong><br />
cinq à dix protéines qui sont mis-en jeu, comme dans les complexes COPs ou clathrine. Il est<br />
donc probable que notre vision actuelle <strong>de</strong> la fission soit très parcellaire, et que nombreux<br />
acteurs lipidiques ou protéiques restent à découvrir.<br />
50
I.4 Déformation, tri et fission : que conclure ?<br />
Après 40 ans d’étu<strong>de</strong>s approfondies <strong>de</strong>s acteurs permettant la formation <strong>de</strong>s petites<br />
vésicules nécessaires <strong>au</strong> trafic intracellulaire, on commence à avoir une vue un peu plus claire<br />
<strong>de</strong>s centaines d’acteurs qui sont nécessaires à cette importante fonction cellulaire. Cependant,<br />
en même temps que l’on trouvait <strong>de</strong> nouve<strong>au</strong>x acteurs, leurs fonctions (déformation pour la<br />
clathrine, fission pour la dynamine) sont apparues moins spécifiques, et plus multiples. Il est<br />
même souvent difficile d’attribuer une fonction à un seul partenaire, et surtout, <strong>de</strong> rendre<br />
compte d’assemblage <strong>de</strong> plusieurs centaines <strong>de</strong> protéines uniquement par <strong>de</strong>s interactions<br />
molécule/molécule à courte distance. La physique statistique s’est be<strong>au</strong>coup intéressée à<br />
décrire le comportement d’une collectivité <strong>de</strong> molécules dont le détail <strong>de</strong>s interactions<br />
moléculaires était difficile à analyser. Cette physique a développé un ensemble d’outils<br />
expériment<strong>au</strong>x et théoriques qui ont permis <strong>de</strong> comprendre certains <strong>de</strong> ces phénomènes<br />
collectifs. Cette approche, bien loin <strong>de</strong> s’opposer à l’approche moléculariste, peut permettre<br />
dans certains cas <strong>de</strong> dégager les quelques propriétés essentielles d’un système complexe<br />
d’éléments qui ren<strong>de</strong>nt compte <strong>de</strong> son comportement à l’échelle supramoléculaire. Elle a<br />
ainsi pu permettre une <strong>de</strong>scription simple du comportement mécanique <strong>de</strong>s membranes<br />
lipidiques, qui est encore souvent négligée dans les étu<strong>de</strong>s du trafic intracellulaire. Cette<br />
<strong>de</strong>scription est très simple et très générale, mais rend parfaitement compte <strong>de</strong> nombreux<br />
comportements <strong>de</strong>s membranes (forme et propriétés élastiques).<br />
Dans le chapitre suivant, c’est <strong>de</strong> cette <strong>de</strong>scription purement physique <strong>de</strong>s membranes<br />
dont il sera question. Nous verrons la généralité <strong>de</strong> la <strong>de</strong>scription, mais <strong>au</strong>ssi quelques<br />
exemples importants dans le cadre <strong>de</strong> notre étu<strong>de</strong> et plus généralement dans le cadre du trafic<br />
intracellulaire.<br />
51
chapitre 2 Physique <strong>de</strong>s<br />
biomembranes : paramètres<br />
importants pour déformer, couper les<br />
membranes lipidiques et trier les<br />
lipi<strong>de</strong>s.<br />
vésicules géantes dans leur chambre <strong>de</strong> pousse.<br />
53
Très tôt, les membranes lipidiques ont intéressé les physiciens. D’abord par leurs propriétés<br />
d’<strong>au</strong>to-organisation, puisque les lipi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> type phospholipi<strong>de</strong> ont la capacité <strong>de</strong> s’associer<br />
spontanément en bicouche quand ils sont mis en solution aqueuse. Mais rapi<strong>de</strong>ment, il est<br />
apparu que d’<strong>au</strong>tres propriétés physiques très particulières pouvaient être très intéressantes<br />
pour les cellules. Une conséquence <strong>de</strong> l’<strong>au</strong>to-assemblage est l’<strong>au</strong>tocicatrisation <strong>de</strong> la<br />
membrane. Cette propriété explique que la membrane soit très difficile à couper. Par exemple,<br />
une force d’<strong>au</strong> moins 200 pN est nécessaire pour casser un tube <strong>de</strong> membrane,et notons que<br />
ceci est très supérieur <strong>au</strong>x forces générées par les protéines (<strong>de</strong> l’ordre du pN ou <strong>de</strong> la dizaine<br />
<strong>de</strong> pN). Une <strong>au</strong>tre propriété très particulière est que les membranes sont <strong>de</strong>s flui<strong>de</strong>s à 2D <strong>au</strong>x<br />
températures physiologiques, ce qui explique leur propriétés mécaniques et élastiques.<br />
Il y a une trentaine d’années s’est mise en place une <strong>de</strong>scription simple <strong>de</strong> la<br />
membrane, qui ne tient compte que <strong>de</strong>s propriétés géométriques <strong>de</strong>s surfaces, et <strong>de</strong>s propriétés<br />
physiques <strong>de</strong>s flui<strong>de</strong>s élastiques. L’énergie élastique est décrite à partir <strong>de</strong>s différents mo<strong>de</strong>s<br />
<strong>de</strong> déformation <strong>de</strong> la membrane qui sont limités à l’extension et la courbure. Ceci peut<br />
permettre <strong>de</strong> déterminer la forme <strong>de</strong> la membrane sous une contrainte particulière, et<br />
également <strong>de</strong> prévoir le comportement <strong>de</strong>s composants membranaires sous une contrainte.<br />
55
II.1 Description classique <strong>de</strong> Canham-Helfrich : la<br />
membrane est un champ <strong>de</strong> courbure.<br />
Nous allons voir ici une <strong>de</strong>scription classique <strong>de</strong>s bicouches lipidiques qui a été proposée par<br />
Helfrich [10] et qui est à la base <strong>de</strong> la physique <strong>de</strong>s membranes.<br />
II.1.1 Les trois déformations possibles d’une surface<br />
Il existe trois déformations possibles d’une surface (voir figure 22)<br />
Figure 22 : Les trois déformations possibles : a) compression, extension, b) cisaillement et c) courbure.<br />
D’après [109].<br />
Le premier type <strong>de</strong> déformation est l’extension-compression, et correspond à une<br />
déformation i<strong>de</strong>ntique dans toutes les directions du plan <strong>de</strong> la membrane (figure 22a). C’est<br />
56
une déformation élastique ; et l’énergie Hext par unité <strong>de</strong> surface correspondante dépend donc<br />
quadratiquement <strong>de</strong> la variation <strong>de</strong> la surface. Elle est donnée par l’équation suivante :<br />
1<br />
Hext χ<br />
2<br />
∆Α ⎛ ⎞<br />
= ⎜ ⎟<br />
⎝ Α ⎠<br />
χ est le module <strong>de</strong> compressibilité (en J/m 2 ). A est l’aire totale <strong>de</strong> la membrane, et ∆A la<br />
variation d’aire <strong>au</strong> cours <strong>de</strong> l’extension-compression.<br />
2<br />
(2.1)<br />
Le <strong>de</strong>uxième mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> déformation est le cisaillement (figure 22b), c’est-à-dire une<br />
déformation principale dans une direction du plan <strong>de</strong> la membrane. Dans le cas <strong>de</strong>s<br />
membranes flui<strong>de</strong>s, l’énergie associée <strong>au</strong> cisaillement est négligeable. Elle n’intervient que<br />
dans le cas <strong>de</strong>s membranes polymérisées ou à structure cristalline. Il n’en sera donc plus<br />
question dans la suite.<br />
Le troisième mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> déformation regroupe sous le nom <strong>de</strong> courbure toutes les<br />
déformations qui ne sont pas dans le plan <strong>de</strong> la membrane, mais se font à surface constante.<br />
L’énergie élastique <strong>de</strong> courbure associée est :<br />
1 2<br />
Hcourb = κ( c− c0)<br />
+ κGcc<br />
1 2<br />
(2.2)<br />
2<br />
c est la courbure moyenne <strong>de</strong> la membrane, avec c = c1 + c2 = 1/R1 +1/R2, où R1 et R2 sont les<br />
<strong>de</strong>ux rayons <strong>de</strong>s courbures princip<strong>au</strong>x (<strong>au</strong>ssi appelées c1 et c2, voir figure 23), c0 est la<br />
courbure spontanée, c’est-à-dire la courbure <strong>de</strong> la membrane sans contraintes mécaniques, et<br />
égale à zéro pour les membranes planes. Enfin, c1c2 (= 1/ R1R2) est la courbure g<strong>au</strong>ssienne,<br />
dont le signe varie avec la forme <strong>de</strong> la déformation (voir figure 2). En général, on définit le<br />
signe d’un rayon <strong>de</strong> courbure par rapport <strong>au</strong> référentiel. Les rayons sont <strong>de</strong> même signe s’ils<br />
sont du même coté <strong>de</strong> la membrane, et <strong>de</strong> signes opposés s’ils sont <strong>de</strong> part et d’<strong>au</strong>tre <strong>de</strong> la<br />
membrane. Le signe <strong>de</strong> la courbure g<strong>au</strong>ssienne est donc négatif si les <strong>de</strong>ux plus grands rayons<br />
<strong>de</strong> courbure sont <strong>de</strong> part et d’<strong>au</strong>tre <strong>de</strong> la membrane, et permet donc <strong>de</strong> discriminer entre une<br />
structure bombée (Figure 2A) ou en selle <strong>de</strong> cheval (figure 23B).<br />
57
Figure 23 : Deux cas <strong>de</strong> déformations illustrant les notions <strong>de</strong> courbures moyenne et g<strong>au</strong>ssienne. A- les<br />
<strong>de</strong>ux rayons <strong>de</strong> courbures étant du même côté <strong>de</strong> la membrane, ils sont positifs. La courbure moyenne<br />
(somme) et la courbure g<strong>au</strong>ssienne (produit) sont donc positives. B- les <strong>de</strong>ux rayons sont <strong>de</strong> part et d’<strong>au</strong>tre<br />
<strong>de</strong> la membrane, l’un est positif et l’<strong>au</strong>tre est négatif. S’ils sont du même ordre <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur, la courbure<br />
moyenne est alors proche <strong>de</strong> 0, et la courbure g<strong>au</strong>ssienne est négative.<br />
Les <strong>de</strong>ux constantes κ et κG sont appelées module <strong>de</strong> rigidité <strong>de</strong> courbure et module <strong>de</strong><br />
courbure g<strong>au</strong>ssienne respectivement, et sont exprimées en Joule. En ne tenant compte que <strong>de</strong>s<br />
énergies mise en jeu <strong>au</strong> cours <strong>de</strong>s déformations <strong>de</strong> la membrane, il est possible d’écrire que H,<br />
l’énergie élastique par unité <strong>de</strong> surface est telle que :<br />
1 ∆A<br />
2 1<br />
2<br />
H = Hext + Hcourb = χ( ) + κ( c− c0) + κGcc 1 2<br />
(2.3)<br />
2 A 2<br />
L’énergie élastique totale <strong>de</strong> la membrane est donc HA. La tension σ est définie par :<br />
δ ( HA)<br />
= σ<br />
δ ( ∆A)<br />
58<br />
(2.4)
Autrement dit, l’énergie élastique HA <strong>de</strong> la membrane <strong>au</strong>gmente <strong>de</strong> σ∆A quand sa surface<br />
<strong>au</strong>gmente <strong>de</strong> ∆A. Son calcul est simple dans le cas où la membrane est plane (c1 = c2 = c0 =<br />
0). σ est alors égal à :<br />
A<br />
σ χ<br />
A<br />
∆<br />
= (2.5)<br />
La variation <strong>de</strong> la tension est alors linéaire avec l’<strong>au</strong>gmentation <strong>de</strong> surface <strong>de</strong> la membrane.<br />
C’est le régime d’extension où l’aire moyenne <strong>de</strong> chaque lipi<strong>de</strong> <strong>au</strong>gmente avec la tension : la<br />
tension tend à écarter les lipi<strong>de</strong>s.<br />
Ainsi, modules <strong>de</strong> courbures et tension suffisent à caractériser une membrane. Il est<br />
important <strong>de</strong> noter que la courbure g<strong>au</strong>ssienne est généralement négligée, car on peut montrer<br />
pour les membranes closes (type liposome) que sa contribution est une constante qui ne<br />
dépend que <strong>de</strong> la topologie (théorème <strong>de</strong> G<strong>au</strong>ss-Bonnet). Sa contribution sera importante pour<br />
la fission membranaire, qui implique un changement <strong>de</strong> topologie.<br />
II.1.2 La représentation <strong>de</strong> Monge : la membrane<br />
faiblement fluctuante<br />
Pour remonter <strong>au</strong>x paramètres caractérisant la membrane tels que les modules <strong>de</strong><br />
rigidité, et le module d’extension, il a fallu décrire le modèle préce<strong>de</strong>nt dans une<br />
représentation pouvant être confrontée à <strong>de</strong>s mesures expérimentales. La représentation <strong>de</strong><br />
Monge est une paramétrisation simple <strong>de</strong> la surface membranaire qui cependant permet <strong>de</strong><br />
bien décrire les membranes planes dans les cas peu tendu et/ou faiblement fluctuant. La<br />
courbure spontanée sera supposée nulle, et la courbure g<strong>au</strong>ssienne n’ayant <strong>au</strong>cun rôle, sera<br />
négligée.<br />
II.1.2.1 Paramétrisation <strong>de</strong> la membrane<br />
Une membrane d’aire A = L 2 présente <strong>de</strong>s fluctuations à toutes les échelles comprises<br />
entre la taille a <strong>de</strong>s molécules qui la composent et sa taille L (voir figure 24).<br />
59
Figure 24 : Une membrane fluctuante présente <strong>de</strong>s déformations à toutes les échelles. En pointillés est<br />
représentée la position moyenne à l’échelle considérée. Extrait <strong>de</strong> [110].<br />
La <strong>de</strong>scription <strong>de</strong> Monge consiste à représenter chaque fluctuation par rapport <strong>au</strong> plan<br />
moyen <strong>de</strong> la membrane. Elle est adaptée <strong>au</strong>x membranes quasi-planes. On définit l’amplitu<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong> la fluctuation <strong>au</strong> point r = ( x,<br />
y ) et à l’instant t par un scalaire u( x , , ) orthogonal <strong>au</strong> plan<br />
yt<br />
moyen XY <strong>de</strong> la membrane à cet instant (voir figure 25). En partant <strong>de</strong> l’équation 1.3, il f<strong>au</strong>t<br />
maintenant exprimer l’énergie <strong>de</strong> la membrane en fonction <strong>de</strong> u. C’est-à-dire trouver une<br />
relation entre u et ∆A, et entre u et c, la courbure.<br />
⊥<br />
60
Figure 25 : Représentation <strong>de</strong> Monge d’une membrane fluctuante. u( r, t)<br />
représente l’amplitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la<br />
fluctuation <strong>au</strong> point r ( x,<br />
y)<br />
par rapport <strong>au</strong> plan moyen XY <strong>de</strong> la membrane, et définit la position <strong>de</strong> la<br />
membrane <strong>au</strong> point<br />
⊥ =<br />
r⊥<br />
et à l’instant t. n est le vecteur normal à la membrane <strong>au</strong> point r⊥ et à l’instant t. λ<br />
est la longueur d’on<strong>de</strong> <strong>de</strong> la fluctuation considérée.<br />
II.1.2.2 Expression <strong>de</strong> l’énergie élastique dans la <strong>de</strong>scription <strong>de</strong> Monge<br />
Figure 26 : Relation géométrique entre l’aire A <strong>de</strong> la membrane et l’aire AP projetée sur le plan moyen XY.<br />
D’après[110].<br />
En se basant sur la figure 26, on peut écrire la relation suivante entre A l’aire totale <strong>de</strong><br />
la membrane et Ap l’aire projetée <strong>de</strong> A sur le plan moyen XY : Ap = Acosφ. ∇u est le<br />
<br />
61<br />
⊥
vecteur dérivée <strong>de</strong> u par rapport à x et y. Il est tangent à la membrane. Il est possible d’écrire<br />
la relation suivante entre ∆A et ∇ u :<br />
<br />
<br />
∆A A−<br />
Ap φ ( ∇u)<br />
= = 1− cosφ=<br />
=<br />
A A<br />
2 2<br />
2 2<br />
(2.6)<br />
2<br />
De même, ∇ u est la dérivée secon<strong>de</strong> <strong>de</strong> u. Avec <strong>de</strong>s arguments géométriques [10], il est<br />
<br />
2 2 2 2<br />
possible <strong>de</strong> montrer que ∇ un . = −c.<br />
n,<br />
où c est la courbure moyenne. On a donc ( ∇ u) = c .<br />
2<br />
Ayant une relation entre ∇ u et la courbure, ainsi qu’entre<br />
∇u et ∆A, et en utilisant la<br />
relation 1.5, on peut réécrire l’énergie H <strong>de</strong> la relation 1.3 comme une intégrale sur le plan<br />
XY en fonction <strong>de</strong> u [10,111]:<br />
⎡1<br />
2 2 1 2⎤<br />
H = ∫∫ κ( u) σ(<br />
u)<br />
.<br />
XY ⎢<br />
∇ + ∇ dxdy<br />
⎣2 2 ⎥<br />
⎦<br />
La courbure spontanée a été négligée (c0 = 0), ainsi que l’effet <strong>de</strong> la courbure g<strong>au</strong>ssienne, dont<br />
la part énergétique reste constante <strong>au</strong> cours du temps pour les membranes fluctuantes.<br />
II.1.2.3 Excès <strong>de</strong> surface dû <strong>au</strong>x fluctuations.<br />
(2.7)<br />
Dans la représentation <strong>de</strong> Monge, il est simple <strong>de</strong> calculer l’amplitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s fluctuations.<br />
Nous verrons que ces fluctuations correspon<strong>de</strong>nt à un excés d’aire (membrane froissée) et que<br />
le dépliement <strong>de</strong> ces fluctuations provoque une <strong>au</strong>gmentation <strong>de</strong> la tension. Ainsi, il y a une<br />
contribution entropique à la tension en plus <strong>de</strong> la contribution élastique.<br />
Amplitu<strong>de</strong> maximale <strong>de</strong>s fluctuations :<br />
Il est notamment simple <strong>de</strong> calculer l’amplitu<strong>de</strong> maximale Umax <strong>de</strong>s fluctuations d’une<br />
membrane sans tension (σ = 0) <strong>de</strong> taille L. κ ne dépendant pas <strong>de</strong> ∆A, et en utilisant le<br />
théorème <strong>de</strong> l’équipartition <strong>de</strong> l’énergie, qui dit qu’à chaque longueur d’on<strong>de</strong> <strong>de</strong> fluctuation<br />
est associée une énergie <strong>de</strong> kT/2, et donc que l’énergie associée <strong>au</strong>x fluctuations d’amplitu<strong>de</strong><br />
Umax est kT/2. Dans ce cas, on peut utiliser l’équation 2.7 pour calculer Umax, en prenant H<br />
62
= kT/2. L’équation se simplifie, et la relation dimensionnelle suivante est possible (Frank<br />
Jülicher, cours <strong>de</strong> DEA IPB):<br />
1 2 2<br />
( ) .<br />
⎡ ⎤<br />
H = ∫∫ κ ∇ u dx dy<br />
XY ⎢<br />
⎣2⎥ ⎦<br />
kT κ U max ∝ ( ) L 2<br />
2 2 L<br />
2 2<br />
(2.8)<br />
2<br />
∇ u est dimensionnellement une longueur, dérivée <strong>de</strong>ux fois selon le plan moyen <strong>de</strong> la<br />
membrane. Comme on s’intéresse dans ce cas <strong>au</strong>x fluctuations <strong>de</strong> plus gran<strong>de</strong> amplitu<strong>de</strong><br />
(Umax) observées sur la totalité <strong>de</strong> la membrane (taille L), 2 ∇ u est dimensionnellement<br />
équivalent à Umax/L 2 . On trouve alors que Umax croit linéairement avec la taille <strong>de</strong> la<br />
membrane L, dans le cas <strong>de</strong> membrane sans tension :<br />
kT<br />
Umax ∝ L<br />
(2.9)<br />
κ<br />
Il est <strong>de</strong> même possible <strong>de</strong> calculer l’amplitu<strong>de</strong> maximale Umax <strong>de</strong>s fluctuations pour une<br />
membrane sous tension, mais la tension ayant un effet sur toutes les fluctuations, <strong>de</strong> la taille<br />
moléculaire a à la plus gran<strong>de</strong> L, la relation fait intervenir ces <strong>de</strong>ux dimensions :<br />
U<br />
kT L<br />
∝ (2.10)<br />
σ a<br />
max ln<br />
Il est intéressant <strong>de</strong> comparer la taille maximale <strong>de</strong>s fluctuations en absence et en présence <strong>de</strong><br />
tension. Avec l’équation 2.9, et en prenant κ = 10 kT = 4.10 -20 J et L = 10 µm, on trouve Umax<br />
= 3µm, pour une membrane sans tension. Avec l’équation 2.10, et kT = 4.10 -21 J, σ = 4.10 -6<br />
N/m, L = 10 µm et a = 0.5 nm, on trouve que Umax est environ <strong>de</strong> 100 nm pour une membrane<br />
<strong>de</strong> faible tension. On retrouve ici le premier effet <strong>de</strong> la tension qui est <strong>de</strong> réduire fortement<br />
l’amplitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s fluctuations.<br />
63
Excès <strong>de</strong> surface :<br />
Il est également possible <strong>de</strong> calculer, grâce à l’équation 2.7, l’expression liant l’excès<br />
<strong>de</strong> surface α = ∆A/A à κ et à σ. On trouve [112,113] :<br />
∆A<br />
kT a +<br />
α = =<br />
A 8 L +<br />
2 2<br />
π σκ<br />
ln 2 2<br />
πκ π σκ<br />
(2.11)<br />
Pour une membrane sans tension (σ = 0), on trouve, avec κ = 10 kT, a = 0,5 nm et L = 10 µm,<br />
un excès <strong>de</strong> surface <strong>de</strong> 8%. Ceci correspond à l’excès <strong>de</strong> surface maximal dû <strong>au</strong> froissage <strong>de</strong><br />
la membrane par les fluctuations. En pratique, l’excès <strong>de</strong> surface associé <strong>au</strong>x fluctuations est<br />
plus faible. Dans la gamme <strong>de</strong>s tensions courantes (10 -5 à 10 -6 N/m), on a toujours<br />
2 2 2 2<br />
κπ L σκπ a . Ceci permet <strong>de</strong> simplifier be<strong>au</strong>coup l’expression 2.11 et <strong>de</strong> donner :<br />
2<br />
∆A<br />
kT κπ<br />
α = = ln<br />
(2.12)<br />
2<br />
A 8πκ<br />
σ a<br />
Cette équation traduit le fait que la variation <strong>de</strong> l’aire évolue logarithmiquement avec la<br />
tension dans le cas <strong>de</strong> membranes peu tendues (donc fluctuantes). On trouve, pour les mêmes<br />
valeurs <strong>de</strong> κ, a et L que plus h<strong>au</strong>t, et avec σ = 10 -5 N/m, α = 5%, donc un excès <strong>de</strong> surface<br />
plus faible que sans tension. Cet excès <strong>de</strong> surface provient <strong>de</strong>s déformations dûes <strong>au</strong>x<br />
fluctuations, qui ne sont souvent pas visibles optiquement dans le cas <strong>de</strong>s membranes peu<br />
tendues. Cependant, il représente une fraction non négligeable <strong>de</strong> l’aire totale, même pour <strong>de</strong>s<br />
tensions moyennes.<br />
Cependant, il manque dans l’expression 2.11, la part <strong>de</strong> l’<strong>au</strong>gmentation <strong>de</strong> l’aire due à<br />
l’extension <strong>de</strong> la membrane (voir équation 2.1). D’après l’équation 2.5, cette <strong>au</strong>gmentation<br />
liée à l’extension est αext = σ/χ, qui vient s’additionner à l’expression 2.12, pour donner<br />
l’expression :<br />
2<br />
∆A<br />
kT κπ σ<br />
α = = ln + (2.13)<br />
2<br />
A 8πκ<br />
σ a χ<br />
On retrouve bien une dépendance logarithmique <strong>de</strong> α avec σ pour les faibles tensions (car le<br />
terme σ/χ est alors négligeable <strong>de</strong>vant le terme logarithmique) et une dépendance linéaire<br />
64
pour les fortes tensions (le terme logarithmique <strong>de</strong>venant négligeable). Le terme<br />
logarithmique traduit le « défroissage » <strong>de</strong>s fluctuations et le terme linéaire, l’<strong>au</strong>gmentation<br />
d’aire liée à l’extension <strong>de</strong> la membrane. Il a récemment été montré que cette expression<br />
(2.13) restait vraie pour toutes les tensions, <strong>de</strong> la tension nulle à la tension <strong>de</strong> rupture <strong>de</strong> la<br />
membrane et en particulier dans le régime intermédiaire [114].<br />
II.1.3 Vérification expérimentale du modèle <strong>de</strong> Canham-<br />
Helfrich.<br />
Nous allons voir maintenant une technique permettant <strong>de</strong> vérifier expérimentalement<br />
ce calcul, et <strong>de</strong> mesurer κ. Il s’agit <strong>de</strong> la technique développée par Evan Evans dans les<br />
années 80 [115] et qui consiste à mesurer l’excès d’aire α et la tension σ en aspirant <strong>de</strong>s<br />
vésicules avec une micropipette. Nous discuterons également l’importance <strong>de</strong> la tension, du<br />
module <strong>de</strong> courbure et <strong>de</strong> la courbure g<strong>au</strong>ssienne pour les aspects biologiques liés <strong>au</strong> trafic<br />
membranaire.<br />
De nombreuses techniques ont été utilisées pour vérifier le modèle d’Helfrich<br />
qualitativement et quantitativement. Parmi elles, la technique d’aspiration <strong>de</strong> vésicules<br />
fluctuantes à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> micropipettes est une <strong>de</strong>s plus fiables. Elle présente l’avantage <strong>de</strong><br />
pouvoir directement mesurer la courbe ∆A en fonction <strong>de</strong> σ, et retrouver ainsi les<br />
comportements logarithmique à faible tension et linéaire à plus forte tension. Elle est <strong>de</strong> plus<br />
très sensible par rapport à <strong>de</strong>s techniques d’analyse <strong>de</strong> contours utilisant la vidéo-microscopie<br />
et limitées par la résolution optique.<br />
La technique est simple (voir figure 27). Elle consiste à créer une différence <strong>de</strong><br />
pression entre la chambre d’observation où se trouvent les vésicules et l’intérieur <strong>de</strong> la pipette<br />
maintenant la vésicule <strong>au</strong> moyen <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux cuves remplies d’e<strong>au</strong> et dont la position verticale<br />
peut être finement réglée. Pour cela, les <strong>de</strong>ux cuves sont <strong>au</strong> préalable mises à la même<br />
pression par équilibration <strong>de</strong>s nive<strong>au</strong>x d’e<strong>au</strong>, et à la pression <strong>de</strong> la chambre (∆P = 0). En<br />
bougeant verticalement la cuve reliée à la micropipette, l’<strong>au</strong>tre cuve servant <strong>de</strong> référence, on<br />
applique une différence <strong>de</strong> pression ∆P sur la vésicule proportionnelle à une différence <strong>de</strong><br />
h<strong>au</strong>teur h <strong>de</strong>s cuves : ∆P = ρgh, où ρ est la <strong>de</strong>nsité <strong>de</strong> l’e<strong>au</strong>, g la gravité. ∆P peut être<br />
directement mesuré par un capteur <strong>de</strong> pression (voir figure 27).<br />
65
Figure 27 : Principe <strong>de</strong> l’aspiration <strong>de</strong> vésicules géantes à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> micropipettes. A- Schéma <strong>de</strong> principe et<br />
mesure <strong>de</strong> ∆P. D’après [110]. B-gran<strong>de</strong>urs mesurables par microscopie à Contraste Différentiel<br />
Interférentiel (DIC) pour un ∆P fixé. Barre 10 µm.<br />
La vésicule peut être partiellement défroissée en étant aspirée dans la pipette, et une<br />
langue apparaît (voir figure 27B). La taille ∆L <strong>de</strong> cette langue <strong>au</strong>gmente avec ∆P, et en<br />
considérant que l’aire totale <strong>de</strong> la membrane et le volume <strong>de</strong> la vésicule sont constants, il est<br />
possible <strong>de</strong> retrouver la surface défroissée α0−α, et récupérée dans la langue, à partir <strong>de</strong> ∆L:<br />
3 2<br />
Aasp− A0( Rpip Rves) −(<br />
Rpip Rves)<br />
α0− α = = ∆ L<br />
(2.14)<br />
A 2R<br />
0<br />
α0 est l’excès <strong>de</strong> surface <strong>de</strong> la vésicule sans aspiration, et α celui <strong>de</strong> la vésicule aspirée (plus<br />
faible), A0 l’aire <strong>de</strong> la vésicule sans aspiration et Aasp, l’aire récupéré dans la pipette après<br />
aspiration. Les rayons Rpip <strong>de</strong> la pipette et Rves <strong>de</strong> la vésicule sont facilement mesurables (voir<br />
figure 27B). La mesure <strong>de</strong> la tension fait appel à la loi <strong>de</strong> Laplace, qui relie tension <strong>de</strong> surface<br />
et différence <strong>de</strong> pression. Pour une vésicule <strong>de</strong> rayon R, il existe une différence <strong>de</strong> pression<br />
entre intérieur et extérieur qui est telle que ∆ P = 2σ<br />
R.<br />
En appliquant cette loi entre la<br />
vésicule et l’extérieur et <strong>au</strong> sein <strong>de</strong> la pipette, et en tenant compte du fait que la tension est<br />
égale en tout point <strong>de</strong> la vésicule, on obtient la relation suivante entre ∆P et σ :<br />
pip<br />
Rpip<br />
σ = ∆P<br />
2(1 − R R )<br />
66<br />
pip ves<br />
(2.15)
Il est donc facile d’obtenir la tension et l’excès d’aire en mesurant simplement les rayons <strong>de</strong>s<br />
pipettes, <strong>de</strong>s vésicules et la différence <strong>de</strong> pression. En reprenant l’équation 2.13, il est possible<br />
<strong>de</strong> calculer la variation relative d’excès <strong>de</strong> surface α0 - α en fonction <strong>de</strong> la tension [115]:<br />
kT σ σ<br />
α0− α = ln + (2.16)<br />
8πκ<br />
σ χ<br />
En pratique, σ0 correspond à la pression la plus faible appliquée à la vésicule (prise<br />
comme référence) et ∆L est mesurée par rapport à la position <strong>de</strong> la langue pour l’aspiration<br />
minimale. On retrouve bien directement le comportement logarithmique à faible tension et<br />
linéaire à forte tension. En traçant la courbe Tension en fonction <strong>de</strong> l’excès d’aire (figure 28),<br />
on voit une première partie exponentielle pour les tensions faibles (7B) puis linéaire pour les<br />
tensions fortes (7A).<br />
Figure 28 : Courbes tension/excès d’aire pour <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong> lipi<strong>de</strong>s <strong>au</strong>x caractéristiques (κ et χ) différentes.<br />
Deux représentations différentes sont données. A- On retrouve bien le comportement linéaire <strong>au</strong>x fortes<br />
tensions dans la représentation tension/excés d’aire. B - la représentation log(tension) en fonction <strong>de</strong> l’excès<br />
d’aire permet <strong>de</strong> mettre en évi<strong>de</strong>nce le régime exponentiel <strong>au</strong>x faibles tensions. Les courbes pleines sont les<br />
fits obtenus avec l’équation 2.16 et permettent d’obtenir <strong>de</strong>s modules <strong>de</strong> courbures (κ) <strong>de</strong> 22,5 kT et 10 kT<br />
pour C18 :0/1 et diC18 :3 respectivement, et un module d’extensibilité (χ) <strong>de</strong> 230 mN/m pour les <strong>de</strong>ux<br />
vésicules. D’après [116].<br />
67<br />
0
Il est alors possible <strong>de</strong> fitter les données expérimentales avec l’équation 2.16 et<br />
d’obtenir directement les <strong>de</strong>ux paramètres importants, κ et χ. Les valeurs obtenues sont <strong>de</strong><br />
l’ordre d’une à quelques dizaines <strong>de</strong> kT (environ 10 -19 J) pour κ (pour les lipi<strong>de</strong>s en phase<br />
liqui<strong>de</strong>) et quelques centaines <strong>de</strong> mN/m pour χ.<br />
Le plus important est que l’énergie élastique <strong>de</strong> la membrane, en reliant énergie et<br />
déformation, permet <strong>de</strong> très bien décrire quantitativement et qualitativement les membranes<br />
dans leur généralité. Le modèle dit <strong>de</strong> Canham-Helfrich est suffisamment général pour décrire<br />
la majorité <strong>de</strong>s comportements membranaires. Il décrit très bien notamment la forme en tube<br />
prise par la membrane lorsqu’une contrainte ponctuelle et normale à son plan lui est<br />
appliquée.<br />
II.2 Tubes <strong>de</strong> membrane.<br />
Il est connu <strong>de</strong>puis longtemps que l’application d’une force sur une membrane<br />
perpendiculairement à son plan conduit à la formation d’un tube très fin. Ce phénomène a été<br />
étudié par différentes techniques, notamment en fixant une vésicule géante sur une surface et<br />
en tirant sur cette vésicule à l’ai<strong>de</strong> d’une pipette [117,118] ou en la plaçant dans un flux [119].<br />
C’est un moyen simple d’étudier les propriétés <strong>de</strong>s membranes, mais <strong>au</strong>ssi <strong>de</strong> construire <strong>de</strong>s<br />
rése<strong>au</strong>x <strong>de</strong> tubes pour <strong>de</strong>s applications à but technologique [120,121]. Le tube, généralement<br />
très fin (quelques centaines <strong>de</strong> nm <strong>au</strong> maximum), est composé <strong>de</strong> trois parties, le cou, zone <strong>de</strong><br />
liaison à la vésicule, le corps, qui est un cylindre parfait <strong>de</strong> membrane, et le bout du tube (voir<br />
figure 29). Cette déformation est différente <strong>de</strong> celle observée quand on tire sur <strong>de</strong>s surfaces<br />
soli<strong>de</strong>s et élastique, type ballon <strong>de</strong> b<strong>au</strong>druche (voir figure 29A). Dans ce cas, la déformation<br />
est conique. La capacité à former un tube est reliée <strong>au</strong> caractère flui<strong>de</strong> 2D <strong>de</strong>s bicouches<br />
lipidiques. C’est la compétition entre courbure et tension qui explique la déformation en<br />
tube. Lorsque l’on tire sur une membrane, sa tension <strong>au</strong>gmente car sa surface <strong>au</strong>gmente (voir<br />
précé<strong>de</strong>mment). Pour diminuer sa tension, la membrane adopte une surface dite minimale car<br />
minimisant la tension, tout en passant par le point où s’applique la contrainte (voir figure 29).<br />
La forme qui minimise le plus la tension est une droite, <strong>de</strong> surface nulle, orthogonale <strong>au</strong> plan<br />
<strong>de</strong> la membrane et passant par le pont d’application <strong>de</strong> la force. Mais elle maximise la<br />
courbure (infinie). Donc, un équilibre s’établit entre courbure et tension, et conduit à la<br />
68
formation d’un tube, la tension tendant à réduire le diamètre du tube, et la rigidité <strong>de</strong> courbure<br />
à l’<strong>au</strong>gmenter.<br />
Figure 29 : A- Type déformation observée selon que la surface élastique est soli<strong>de</strong> ou flui<strong>de</strong>. En rouge, le<br />
point d’application <strong>de</strong> la force.B- Exemple <strong>de</strong> tube tiré à partir d’une vésicule tendue, maintenue par<br />
aspiration dans une micropipette. La bille permettant d’exercer la force est maintenue avec une pince<br />
optique. Barre 10 µm.<br />
Nous allons voir que l’équation d’Helfrich explique parfaitement ce mo<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
déformation, et qu’elle permet également <strong>de</strong> trouver la forme exacte du tube, ainsi que la<br />
force nécessaire pour le créer et/ou le maintenir.<br />
II.2.1 Expression d’Helfrich dans le cas <strong>de</strong>s tubes <strong>de</strong><br />
membrane<br />
Nous nous baserons sur l’étu<strong>de</strong> théorique d’Imre Dérényi [122], bien que les<br />
expressions <strong>de</strong> la force et du rayon aient été trouvées par d’<strong>au</strong>tres avant [117,123-125]. Pour<br />
calculer l’énergie d’un tube, il f<strong>au</strong>t ajouter à l’énergie élastique l’énergie liée à l’extension L<br />
<strong>de</strong> la membrane suite à l’application d’une force f. Pour un tube <strong>de</strong> longueur L, on a donc:<br />
κ<br />
= ∫ + −<br />
(2.17)<br />
2<br />
2<br />
H ( (2 c) σ ) dA fL<br />
69
Comme précé<strong>de</strong>mment, on a négligé la courbure spontanée, et la courbure g<strong>au</strong>ssienne. A est<br />
l’aire <strong>de</strong> la membrane et c, la courbure moyenne en un point <strong>de</strong> la membrane. Pour un tube <strong>de</strong><br />
longueur L, et en supposant que le tube est parfaitement cylindrique, on a :<br />
⎡ κ ⎤<br />
Htub = 2πRL<br />
⎢<br />
+ σ − fL<br />
2<br />
⎣2R⎥ ⎦<br />
(2.18)<br />
En minimisant Htub, c’est-à-dire en écrivant ∂H ∂ R = 0 et ∂H ∂ L = 0 , on obtient un<br />
système <strong>de</strong> 2 équations à <strong>de</strong>ux inconnues, R0 et f0 qui sont respectivement le rayon du tube et<br />
la force statique du tube (force <strong>de</strong> rappel du tube). La force statique f0 est la force nécessaire<br />
pour maintenir un tube à l’extension L, sans mouvement. On trouve :<br />
R<br />
0<br />
tub<br />
κ<br />
= et fo = 2π2σκ . (2.19)<br />
2σ<br />
Il est important <strong>de</strong> noter que le rayon et la force ne dépen<strong>de</strong>nt pas <strong>de</strong> L, et que quelle que soit<br />
la longueur du tube, la force est la même si la tension reste constante. Mais comme nous<br />
l’avons vu, le fait <strong>de</strong> tirer sur une membrane <strong>au</strong>gmente son aire et donc sa tension. Par contre,<br />
si la vésicule est aspirée dans une pipette, la tension est fixée puisqu’elle ne dépend que <strong>de</strong> la<br />
différence <strong>de</strong> pression ∆P (voir équation 2.15). Nous verrons qu’il est possible <strong>de</strong> vérifier les<br />
expressions trouvées pour le rayon et la force expérimentalement en tirant un tube sur une<br />
vésicule aspirée dans une pipette, et controlant ainsi sa tension. Si on prend ici pour valeur <strong>de</strong><br />
κ = 4.10 -20 J et σ = 5.10 -5 mN/m, on obtient un rayon R0 <strong>de</strong> 20 nm et une force f0 <strong>de</strong> 12,6 pN.<br />
Le rayon est très petit, preuve que même à une tension faible, elle domine. Un <strong>au</strong>tre point<br />
important est que l’on retrouve bien la tendance <strong>de</strong> la tension à faire diminuer le rayon, et la<br />
rigidité à l’<strong>au</strong>gmenter (voir équation 2.19). La force quant-à-elle dépent <strong>de</strong> la racine carrée du<br />
produit <strong>de</strong> la tension et <strong>de</strong> la rigidité <strong>de</strong> courbure. Donc une tension forte ou une rigidité forte<br />
sont défavorables à l’extraction <strong>de</strong> tubes.<br />
70<br />
tub
II.2.2 Forme précise <strong>de</strong>s tubes.<br />
Comme nous l’avons vu précé<strong>de</strong>mment, pour exprimer l’énergie <strong>de</strong> la membrane en<br />
fonction <strong>de</strong> sa forme, il f<strong>au</strong>t paramétriser chaque point <strong>de</strong> la membrane. On n’utilise pas ici la<br />
représentation <strong>de</strong> Monge, qui n’est pas adaptée pour décrire les structures trop courbées, mais<br />
une paramétrisation différente (voir figure 30) qui permet <strong>de</strong> tirer profit <strong>de</strong> l’axisymétrie du<br />
tube. Sans entrer dans les détails <strong>de</strong>s calculs, on peut, connaissant l’expression <strong>de</strong> l’équation<br />
d’Helfrich pour un tube, remonter à la forme exacte du tube (voir figure 30) [122].<br />
Figure 30 : Forme <strong>de</strong>s tubes <strong>de</strong> membrane A-paramétrisation <strong>de</strong> la membrane : comme la membrane est<br />
axisymétrique d’axe Z (axe du tube), on peut se ramener <strong>au</strong> plan RZ. On définit trois paramètres en fonction<br />
<strong>de</strong> l’abscisse curviligne S, R(S), Ψ(S) et Z(S). R et Z sont les coordonnées du point d’abscisse curviligne S<br />
et Ψ est l’angle que fait la tangente à la membrane <strong>au</strong> point S avec la verticale. B- forme 3D du tube, on<br />
remarque un léger pincement à sa base ainsi qu’un peu en arrière <strong>de</strong> l’extrémité. L’extrémité n’est pas<br />
sphérique. D’après [122].<br />
La forme calculée présente <strong>de</strong>s caractéristiques inattendues. Elle n’est pas parfaitement<br />
cylindrique car <strong>de</strong>ux pincements, <strong>de</strong> quelques pour cents plus faibles que le rayon moyen,<br />
sont prévus à la base et un peu en arrière <strong>de</strong> l’extrémité (voir figure 30B et 31). Surtout,<br />
l’extrémité n’est pas sphérique, mais relativement plus longue sur l’axe Z que sur l’axe R. Les<br />
<strong>de</strong>ux pincements sont localement <strong>de</strong>s zones <strong>de</strong> courbure g<strong>au</strong>ssienne négative. Cela pourrait<br />
avoir une importance in vivo dans la bonne localisation <strong>de</strong> certaines protéines (celles qui ont<br />
une affinité pour la courbure g<strong>au</strong>ssienne négative), mais <strong>au</strong>ssi dans la fission, car la courbure<br />
g<strong>au</strong>ssienne est négative <strong>au</strong> cours d’un évènement <strong>de</strong> fission.<br />
Il est également possible <strong>de</strong> calculer la <strong>de</strong>nsité d’énergie le long du tube (c’est-à-dire<br />
la quantité d’énergie par unité <strong>de</strong> surface en chaque point du tube). La figure 31 montre la<br />
variation <strong>de</strong> la <strong>de</strong>nsité d’énergie le long du tube.<br />
71
Figure 31 : Profil <strong>de</strong> la <strong>de</strong>nsité d’énergie (en vert) le long du tube (profil rouge). D’après [122].<br />
La <strong>de</strong>nsité d’énergie diverge à l’extrémité du tube, car la courbure présente une singularité <strong>au</strong><br />
bout du tube. En effet, la tension étant un paramètre global, la variation <strong>de</strong> <strong>de</strong>nsité d’énergie<br />
n’est liée qu’à la courbure. La divergence est peu rapi<strong>de</strong> lorsqu’on approche du bout du tube<br />
(logarithmique). Mais cette divergence signifie que le bout du tube est un endroit<br />
particulièrement favorable pour la rupture <strong>de</strong> la membrane, ce qui n’est pas sans conséquence<br />
pour l’extraction <strong>de</strong> tubes. Pour éviter cette divergence, il suffit <strong>de</strong> tirer sur un élément plus<br />
large, formant alors un chape<strong>au</strong> sur le bout du tube et l’empêchant <strong>de</strong> se rompre. En pratique,<br />
les forces exercées sur les membranes <strong>au</strong> cours <strong>de</strong> la formation <strong>de</strong> tube ne sont pas<br />
ponctuelles, et se répartissent sur la zone d’adhésion entre la membrane et l’objet utilisé pour<br />
exercer la force (bille, pipette, etc..). Dans les cellules, le rôle <strong>de</strong> certains mante<strong>au</strong>x<br />
protéiques, sur lesquels les moteurs moléculaires tireraient pour former les tubes visibles dans<br />
le trafic intracellulaire, pourrait être <strong>de</strong> répartir les forces <strong>de</strong> traction afin d’éviter la rupture du<br />
tube.<br />
II.2.3 Une transition dans la forme correspond à une<br />
transition dans la force<br />
Il est possible <strong>de</strong> calculer la relation force/extension, pour une force ponctuelle. Ceci a<br />
également été réalisé par I.Derenyi <strong>au</strong> laboratoire [122]. Nous avons vu que ni la force, ni le<br />
rayon du tube ne dépendait <strong>de</strong> la longueur du tube (voir équation 1.19), lorsque le tube était<br />
72
déjà formé. Cependant, pour <strong>de</strong>s L petits, le tube n’est pas encore formé, et les déformations<br />
que l’on observe ont la forme d’une caténoï<strong>de</strong>, comme pour une surface soli<strong>de</strong> (voir figure<br />
32). Pour ces faibles longueurs, la force <strong>au</strong>gmente linéairement avec la longueur, avec f = σL<br />
(voir figure 32) [126]. Pour une certaine longueur, d’environ 7,5 fois le rayon du tube, la force<br />
passe par un maximum, <strong>de</strong> 13% plus important que f0, puis re<strong>de</strong>scend brutalement pour <strong>de</strong>s<br />
longueurs <strong>de</strong> tube supérieures, et reste constante et égale à f0 (voir figure 32), si la tension<br />
reste constante. Cette transition dans la force correspond à une transition dans la forme, la<br />
déformation étant conique avant le maximum <strong>de</strong> force, et tubulaire après le maximum <strong>de</strong><br />
force (figure 32).<br />
Figure 32 : Transition <strong>de</strong> forme, et transition <strong>de</strong> force. En h<strong>au</strong>t, profil <strong>de</strong> la membrane (normalisé par le<br />
rayon du tube R0) en fonction <strong>de</strong> la déformation en Z normalisée par R0. En bas, force normalisée par la<br />
force statique f0 en fonction <strong>de</strong> la longueur du tube, normalisée par R0. Une transition <strong>de</strong> forme <strong>de</strong> caténoï<strong>de</strong><br />
à tube est visible (entre la courbe verte et la courbe bleu foncé), et correspond à une transition <strong>de</strong> force entre<br />
un régime linéaire et un régime indépendant <strong>de</strong> L, longueur du tube (courbe rouge du bas). Plus la taille <strong>de</strong><br />
la membrane est gran<strong>de</strong> <strong>de</strong>vant le rayon (courbes verte et marron en pointillé, le chiffre indique le rapport<br />
Lmem/R où Lmem est la taille <strong>de</strong> la membrane), plus la transition dans la force est brutale, jusqu’à <strong>de</strong>venir une<br />
transition du premier ordre (courbe marron).<br />
73
Un point important est que plus la taille <strong>de</strong> la membrane est gran<strong>de</strong> <strong>de</strong>vant le rayon du<br />
tube, plus la décroissance du maximum à f0 est abrupte. Pour <strong>de</strong>s rapport <strong>de</strong> Lmem/R<br />
importants, la transition est du premier ordre, c’est-à-dire que le maximum <strong>de</strong> force <strong>de</strong>vient<br />
instable, et la transition <strong>de</strong> force <strong>de</strong> fmax vers f0 et (<strong>de</strong> forme caténoï<strong>de</strong> vers tube) <strong>de</strong>vient<br />
discontinue (voir figure 32).<br />
La première conséquence <strong>de</strong> la forme <strong>de</strong> cette courbe <strong>de</strong> force est que du fait d’un<br />
maximum <strong>de</strong> force à la transition cône/tube, il f<strong>au</strong>t plus <strong>de</strong> force pour former le tube que pour<br />
l’allonger. Autrement dit, il f<strong>au</strong>dra, dans le cadre <strong>de</strong>s tubes <strong>de</strong> membranes dans le trafic<br />
intracellulaire, plus <strong>de</strong> moteurs moléculaires tirant sur une membrane pour former le tube que<br />
pour l’allonger. La force, à tension faible, a été estimée à environ 10 pN (voir plus h<strong>au</strong>t,<br />
équation 1.19), ce qui correspond à la force exercée par environ 2-3 moteurs moléculaires<br />
(type kinésine) [127].<br />
La <strong>de</strong>uxième conséquence <strong>de</strong> cette transition <strong>de</strong> force est qu’elle est couplée à une<br />
transition <strong>de</strong> forme (cône/tube) facilement observable, car elle correspond à une rétraction <strong>de</strong><br />
la membrane par rapport <strong>au</strong> point d’application <strong>de</strong> la force (voir figure 32). Nous verrons<br />
qu’expérimentalement, nous retrouvons bien cette transition <strong>de</strong> forme, et qu’elle est couplée à<br />
une transition <strong>de</strong> force.<br />
II.2.4 Faisce<strong>au</strong>x <strong>de</strong> tubes ou tubes uniques ?<br />
Expérimentalement, il a été montré que <strong>de</strong>ux tubes émanant d’une même vésicule<br />
tendaient à collapser spontanément par leur base [118], et à former <strong>de</strong>s structures à trois<br />
branches avec <strong>de</strong>s angles <strong>de</strong> 120°. Les gran<strong>de</strong>urs mise en jeu peuvent être estimées grâce <strong>au</strong><br />
modèle présenté plus h<strong>au</strong>t [122]. Pour cela, il est possible <strong>de</strong> calculer la forme d’énergie<br />
minimale quand <strong>de</strong>ux tubes sont tirés (voir figure 33) à partir d’une membrane plane. Pour<br />
éviter que les <strong>de</strong>ux tubes ne collapsent, on fait une expérience virtuelle en plaçant une tige très<br />
fine (taille
Figure 33 : Collapse <strong>de</strong>s tubes : A-Formes d’énergie minimale prises par <strong>de</strong>ux tubes dont la réorganisation<br />
est empéchée par une tige (non visible) placée à différentes h<strong>au</strong>teurs h. Ces différentes images donnent une<br />
idée <strong>de</strong> la dynamique <strong>de</strong> collapse. B- évolution <strong>de</strong> la force en fonction <strong>de</strong> la h<strong>au</strong>teur h <strong>de</strong> la tige.<br />
Surtout, <strong>au</strong>cune barrière <strong>de</strong> force (force nulle ou inférieure à zéro), n’est observée, ce<br />
qui veut dire que le phénomène est spontané : dès que <strong>de</strong>ux tubes sont tirés, leur bases<br />
subissent une attraction qui les conduit à collapser.<br />
II.3 Exemples théoriques et expériment<strong>au</strong>x <strong>de</strong> phénomènes<br />
physiques importants pour déformer, trier et couper les<br />
membranes<br />
Une gran<strong>de</strong> variété <strong>de</strong> comportements prédits théoriquement ou découverts<br />
expérimentalement pourraient avoir <strong>de</strong>s implications importantes dans les trois aspects les<br />
plus importants du trafic intracellulaire que sont la déformation, le tri et la fission. Nous<br />
donnerons ici quelques exemples particulièrement saisissants <strong>de</strong> l’intérêt potentiel <strong>de</strong> certains<br />
phénomènes pour le trafic vésiculaire. Le point le plus important est que tous ces exemples<br />
sont basés sur la théorie <strong>de</strong> Canham-Helfrich, et s’expliquent généralement très simplement à<br />
partir <strong>de</strong>s différents paramètres que sont la tension, la courbure moyenne et la courbure<br />
75
g<strong>au</strong>ssienne. Nous pourrons ainsi dégager l’importance relative <strong>de</strong> chacun <strong>de</strong> ces paramètres<br />
pour la formation d’un intermédiaire <strong>de</strong> transport.<br />
II.3.1 Déformations <strong>de</strong>s membranes<br />
II.3.1.1 Modèle ADE (Area-Difference-Elasticity) et prédiction <strong>de</strong> la<br />
forme <strong>de</strong>s vésicules.<br />
Le modèle <strong>de</strong> Canham-Helfrich considère la membrane comme infiniment fine et ne<br />
tient pas compte <strong>de</strong> la structure en bicouche. Il s’est avéré que certaines formes prises par <strong>de</strong>s<br />
vésicules n’étaient pas prédites par la <strong>de</strong>scription d’Helfrich, et que certains éléments<br />
microscopiques <strong>de</strong>vaient être intégrés <strong>au</strong> modèle pour rendre compte <strong>de</strong> ces formes. Le<br />
premier est que la membrane est organisée en <strong>de</strong>ux couches d’épaisseur D/2 (D est l’épaisseur<br />
<strong>de</strong> la membrane, entre 30 et 60 Å). Le <strong>de</strong>uxième est que le nombre <strong>de</strong> lipi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> chaque<br />
couche est constant pour <strong>de</strong>s membranes purement lipidiques, et qu’il n’est pas forcément le<br />
même dans les <strong>de</strong>ux monocouches <strong>de</strong> la membrane. Lorsque la membrane est courbée, une<br />
<strong>de</strong>s couches voit son aire diminuer et l’<strong>au</strong>tre son aire <strong>au</strong>gmenter. Il en résulte une différence<br />
d’aire entre les <strong>de</strong>ux monocouches lorsque la membrane est courbée <strong>de</strong> la forme<br />
∆ = −<br />
ext int<br />
A A A<br />
reste constante avec<br />
, qui contribue à l’énergie élastique <strong>de</strong> la membrane. L’aire A <strong>de</strong> la membrane<br />
A A A<br />
ext int<br />
= ( + ) 2. La différence d’aire globale ∆A est reliée à la<br />
courbure locale <strong>de</strong> la membrane par l’équation [128]:<br />
∫ ( 1 2)<br />
(2.20)<br />
∆ A= D c + c dA<br />
où c1 et c2 sont les <strong>de</strong>ux courbures principales <strong>au</strong> point considéré. En utilisant cette<br />
expression liant ∆A à la courbure locale, il est possible <strong>de</strong> trouver d’exprimer l’énergie totale<br />
<strong>de</strong> la membrane pour une membrane sans tension [129]:<br />
κ 2 κ π<br />
2<br />
E = ( c c0) dA ( A A<br />
2<br />
2∫− + ∆ −∆ 0 ) (2.21)<br />
2 AD<br />
76
où κ et κ sont respectivement les modules <strong>de</strong> rigidité <strong>de</strong> courbure locale (énergie <strong>de</strong> courbure<br />
vue précé<strong>de</strong>mment) et globale (liée à la différence d’aire entre les monocouches induite par la<br />
déformation <strong>de</strong> la membrane). A est l’aire <strong>de</strong> la membrane, et ∆A0 est la différence d’aire<br />
entre les <strong>de</strong>ux monocouches lorsque la membrane ne subit <strong>au</strong>cune contrainte. Sans contrainte,<br />
cette différence d’aire n’est due qu’à une différence du nombre <strong>de</strong> lipi<strong>de</strong>s entre les <strong>de</strong>ux<br />
couches, celle ayant le plus grand nombre <strong>de</strong> lipi<strong>de</strong>s ayant <strong>au</strong>ssi l’aire la plus gran<strong>de</strong>. Donc<br />
∆ = −<br />
ext ext int int<br />
A0a N a N<br />
ext int<br />
, où a et a sont les aires moyennes occupées respectivement par un<br />
lipi<strong>de</strong> <strong>de</strong> la couche externe et <strong>de</strong> la couche interne <strong>de</strong> la membrane. De même, N ext et N int sont<br />
respectivement le nombre <strong>de</strong> lipi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la couche externe et <strong>de</strong> la couche interne <strong>de</strong> la<br />
membrane. On voit que l’énergie totale tient compte ici <strong>de</strong> la différence d’aire induite par une<br />
déformation sous contrainte et <strong>de</strong> la différence d’aire induite par une différence <strong>de</strong> nombre <strong>de</strong><br />
lipi<strong>de</strong>s entre les <strong>de</strong>ux feuillets. A partir <strong>de</strong> cette énergie, il est possible d’obtenir la forme<br />
d’une vésicule d’aire A. Pour calculer l’énergie minimale et trouver la forme, il f<strong>au</strong>t<br />
caractériser l’état <strong>de</strong> la vésicule selon trois paramètres :<br />
Son volume V, le plus important pour une aire donnée étant obtenu pour une sphère.<br />
Pour une vésicule sphérique d’aire A et <strong>de</strong> rayon R A 4π<br />
A = , le volume VA est égal à<br />
3<br />
π R . Toutes les <strong>au</strong>tres formes (non-sphériques) prises par une vésicule ont un volume<br />
(4 3) A<br />
inférieur. Il est donc possible <strong>de</strong> définir pour une vésicule d’aire A et <strong>de</strong> volume V, un<br />
volume réduit sans dimension v ramené <strong>au</strong> volume <strong>de</strong> la sphère d’aire A. On a :<br />
et v est compris entre 0 et 1, égal à 1 si la vésicule est sphérique.<br />
V<br />
v = (2.22)<br />
3<br />
(4π 3) RA<br />
Un <strong>au</strong>tre paramètre important est le rapport <strong>de</strong>s rigidités <strong>de</strong> courbure locale et globale<br />
α = κ κ . Si α est nul, il n’y a <strong>au</strong>cune résistance à la déformation due à une différence d’aire<br />
entre les <strong>de</strong>ux couches. Si α est infini, les déformations sont possibles tant que ∆ A∆A . Les<br />
estimations et mesures expérimentales [130] montre que α est <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> 1. Ceci signifie<br />
que la contribution <strong>de</strong> la courbure locale et <strong>de</strong> la différence d’aire (ou courbure globale) sont<br />
du même ordre <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur, et donc non négligeables l’une par rapport à l’<strong>au</strong>tre.<br />
Enfin, le troisième paramètre important est la différence d’aire effective, qui tient<br />
compte <strong>de</strong> l’effet <strong>de</strong> la différence du nombre <strong>de</strong> lipi<strong>de</strong>s entre les <strong>de</strong>ux couches, et <strong>de</strong> la<br />
77<br />
0
courbure spontanée <strong>de</strong> la membrane. Il est important <strong>de</strong> voir que la courbure spontanée <strong>de</strong> la<br />
membrane provoque une différence d’aire compensée ou non par la différence <strong>de</strong> nombre <strong>de</strong><br />
lipi<strong>de</strong>s. Il f<strong>au</strong>t donc tenir compte <strong>de</strong> la courbure spontanée c0 dans la différence d’aire<br />
effective 0 a<br />
où 0 0<br />
∆ , qui prend la forme :<br />
a a<br />
∆ 0 =∆ 0+<br />
0<br />
1<br />
C (2.23)<br />
2πα<br />
∆ a =∆A (8 π DR ) et C = c R sont <strong>de</strong>s paramètres sans dimensions, et représentent<br />
A<br />
0 0 A<br />
respectivement la contribution <strong>de</strong> la différence du nombre <strong>de</strong> lipi<strong>de</strong>s et <strong>de</strong> la courbure<br />
spontanée à la différence d’aire effective.<br />
Avec ces trois paramètres, il est possible <strong>de</strong> définir la forme <strong>de</strong> toute vésicule d’aire A,<br />
et <strong>de</strong> tracer un diagramme <strong>de</strong> phase théorique [129], vérifié expérimentalement [130]. Ce<br />
diagramme <strong>de</strong> phase est complexe, les vésicules pouvant adopter <strong>de</strong>s formes mutiples en<br />
fonction <strong>de</strong> la différence d’aire effective 0 a ∆ et du volume réduit v (voir figure 34).<br />
78
Figure 34 : Diagramme <strong>de</strong> formes <strong>de</strong>s vésicules obtenu avec le modèle ADE pour α = 1,4 et pour différentes<br />
valeurs <strong>de</strong> différence d’aire effective 0 a ∆ et <strong>de</strong> volume réduit v. Sto pour stomatocytes, Obl pour Oblates,<br />
Pro pour prolates, Pear pour poire et Nas pour Non-Assymetric Shape. Les lignes joignent les points <strong>de</strong><br />
transition entre une forme et une <strong>au</strong>tre. D pour transition <strong>de</strong> premier ordre, C pour transition <strong>de</strong> <strong>de</strong>uxième<br />
ordre et L pour ligne Limitante, séparant les formes à une vésicule <strong>de</strong>s formes à <strong>de</strong>ux vésicules connectées<br />
par un cou <strong>de</strong> rayon infinitésimal. A pour les transitions où les intéractions adhésives <strong>de</strong>s membranes<br />
doivent être prises en compte pour décrire la forme. D’après [131].<br />
79
A l’heure actuelle, les formes d’ellipsoï<strong>de</strong>s prolates ont été les plus étudiées, et<br />
notamment la transition prolate/poire, ainsi que la transition poire/bourgeonnement.<br />
Cependant toutes les formes présentées sur ce diagramme <strong>de</strong> phase ont été observées sur <strong>de</strong>s<br />
vésicules géantes, confirmant la généralité <strong>de</strong> ce modèle pour la <strong>de</strong>scription <strong>de</strong>ss membranes.<br />
Il f<strong>au</strong>t noter que certaines formes sont présentes dans la nature, le meilleur exemple étant le<br />
globule rouge qui est un oblate avec un rapport surface/volume important (v faible). Le plus<br />
intéressant est <strong>de</strong> constater qu’il est possible <strong>de</strong> faire bourgeonner une vésicule simplement en<br />
<strong>au</strong>gmentant 0 a ∆ . Et pour <strong>au</strong>gmenter 0 a<br />
∆ , il est possible d’<strong>au</strong>gmenter la différence du<br />
nombre <strong>de</strong> lipi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> part et d’<strong>au</strong>tre <strong>de</strong> la membrane. Cette transition est appelée transition <strong>de</strong><br />
bourgeonnement. Il est intéressant <strong>de</strong> constater qu’en changeant simplement la différence<br />
d’aire, sur une vésicule unilamellaire et à composé unique, il est possible <strong>de</strong> provoquer un<br />
bourgeonnement. Un <strong>au</strong>tre point important est que le diagramme ne dépend pas <strong>de</strong> α.<br />
II.3.1.2 Le perlage ou comment faire <strong>de</strong>s vésicules à partir d’un tube<br />
Le perlage est un processus bien décrit dans les instabilités dites <strong>de</strong> « Rayleigh ». Le<br />
phénomène <strong>de</strong> perlage le plus courant est le filet d’e<strong>au</strong> du robinet se transformant en gouttes<br />
avant <strong>de</strong> toucher le fond <strong>de</strong> l’évier (voir figure 35A). Ce phénomène peut également être<br />
observé sur <strong>de</strong>s vésicules tubulaires (voir figure 35B), la différence majeure venant du fait que<br />
la membrane ne se coupe pas spontanément, il résulte <strong>de</strong> ce perlage une série <strong>de</strong> vésicules<br />
rattachées entre elles par <strong>de</strong>s tubes très fins. La <strong>de</strong>scription classique <strong>de</strong>s instabilités <strong>de</strong><br />
Rayleigh est liée à une compétition entre tension <strong>de</strong> surface (air/e<strong>au</strong> dans le cas du filet d’e<strong>au</strong>)<br />
et viscosité. Ainsi, la tension <strong>de</strong> surface tend à faire <strong>de</strong>s gouttes pour minimiser la surface <strong>de</strong><br />
contact air/e<strong>au</strong> d’un rayon R maximal. La viscosité, elle, tend à limiter le rayon R <strong>de</strong>s gouttes,<br />
car pour les gran<strong>de</strong>s gouttes, le déplacement <strong>de</strong> liqui<strong>de</strong> nécessaire à leur formation est freiné<br />
par la viscosité. On peut montrer qu’il y a sélection d’un rayon R0 optimal, minimisant<br />
l’énergie <strong>de</strong> surface et <strong>de</strong> la viscosité.<br />
80
Figure 35 : Phénomènes <strong>de</strong> perlage. A- représentation schématique du perlage d’un filet d’e<strong>au</strong> sortant du<br />
robinet, la taille <strong>de</strong>s gouttes obtenues est constante d’un diamètre R0. B- Phénomène <strong>de</strong> perlage dans <strong>de</strong>s<br />
tubes <strong>de</strong> membranes. Ici le perlage est provoqué par l’insertion d’un polymère dans le feuillet externe <strong>de</strong> la<br />
bicouche : a, b et c sont trois vues du même tube à t = 0s, t = 70 sec et t = 150 sec. d montre un <strong>au</strong>tre tube à t<br />
= 900 sec (t = 0 sec est le début du perlage) pour une concentration <strong>de</strong> polymère supérieure à a,b et c. On<br />
voit que le tube est en <strong>de</strong>ux parties, une partie où les perles sont petites, et une partie où les perles sont<br />
gran<strong>de</strong>s. D’après [132].<br />
Dans le cas <strong>de</strong>s tubes <strong>de</strong> membranes, le perlage peut être dû à <strong>de</strong>ux phénomènes différents.<br />
1) <strong>au</strong>gmentation <strong>de</strong> la tension.<br />
Le premier phénomène mis en évi<strong>de</strong>nce est expliqué par la théorie <strong>de</strong>s instabilités <strong>de</strong><br />
Rayleigh [119]. Sur <strong>de</strong>s tubes <strong>de</strong> membranes peu tendus et formés dans un flux, la tension<br />
peut être brutalement <strong>au</strong>gmentée par application locale d’une pince optique qui piège une<br />
partie <strong>de</strong> la membrane, la fripant pour la concentrer <strong>au</strong> centre <strong>de</strong> la pince [133]. Cette<br />
réduction brutale <strong>de</strong> surface entraîne, sur les tubes clos (pas <strong>de</strong> pores ou <strong>de</strong> réservoirs <strong>de</strong><br />
lipi<strong>de</strong>s) une <strong>au</strong>gmentation rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong> la tension (voir figure 36). Une instabilité <strong>de</strong> perlage se<br />
propage alors du point d’application <strong>de</strong> la pince optique vers les extrémités du tube. La forme<br />
du tube relaxe vers une forme cylindrique dès l’arrêt <strong>de</strong> l’application du laser, et le temps <strong>de</strong><br />
relaxation dépend du temps d’application <strong>de</strong> la pince [119]. Plus la pince a été appliquée<br />
longtemps, plus <strong>de</strong> membrane a été piégée, et plus la relaxation est longue.<br />
L’explication du phénomène est liée à une compétition entre courbure et tension<br />
[119,134], analogue à une instabilité <strong>de</strong> Rayleigh. La tension <strong>au</strong>gmentant, elle réduit l’excès<br />
<strong>de</strong> surface, défroissant en premier lieu les fluctuations <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> longueur d’on<strong>de</strong>.<br />
L’<strong>au</strong>gmentation <strong>de</strong> la tension « favorise » donc les fluctuations <strong>de</strong> petite longueur d’on<strong>de</strong>. La<br />
81
courbure elle, limite les fluctuations <strong>de</strong> petite longueur d’on<strong>de</strong>, puisque très courbées. De<br />
même que pour l’instabilité <strong>de</strong> perlage du filet d’e<strong>au</strong>, il y a une longueur d’on<strong>de</strong> optimale. Si<br />
l’on exprime l’énergie <strong>de</strong> la membrane à partir <strong>de</strong> l’équation d’Helfrich (1.3) par rapport <strong>au</strong><br />
rapport s sans dimension entre la tension et le module <strong>de</strong> courbure avec<br />
fonction <strong>de</strong> k le nombre d’on<strong>de</strong> tel que k R0Rperl<br />
s = σ R κ , et en<br />
= où R0 est le rayon du tube avant perlage,<br />
Rperl, le rayon <strong>de</strong>s perles, on peut calculer la forme la plus stable du tube pour un s et k<br />
donnés, et faire un diagramme <strong>de</strong> stabilité (voir figure 36). On constate que plus le rapport s<br />
est grand, plus la forme est perlée, avec une forme intermédiaire sinusoïdale, et surtout que<br />
l’on passe d’une forme à l’<strong>au</strong>tre (non-perlée à sinusoïdale, puis sinusoïdale à perlée) par <strong>de</strong>s<br />
transitions discontinues (<strong>de</strong> premier ordre). Cette transition <strong>de</strong> forme apparaît donc seulement<br />
pour les tensions supérieures à une tension seuil donnée par:<br />
3κ6κσ σ perl = = = 3σ<br />
(2.24)<br />
2R2κ 2<br />
0<br />
en utilisant R0 = κ 2σ<br />
. On peut <strong>de</strong> même calculer le nombre d’on<strong>de</strong> k optimal (minimisant<br />
énergie <strong>de</strong> courbure et tension) grâce à la théorie, et le mesurer expérimentalement. On<br />
trouve kopt = R0Rperl ≈ 0, 7 , ce qui confirme la théorie.<br />
Figure 36 : A-Perlage <strong>de</strong> tubes par <strong>au</strong>gmentation <strong>de</strong> la tension. La tension <strong>au</strong>gmente suite <strong>au</strong> piègeage <strong>de</strong> la<br />
membrane dans une pince optique (point lumineux sur la droite <strong>de</strong>s images). L’instabilité <strong>de</strong> perlage se<br />
propage alors à partir <strong>de</strong> ce point. B-Diagramme <strong>de</strong> stabilité <strong>de</strong> forme en fonction <strong>de</strong> s, rapport normalisé <strong>de</strong><br />
la tension sur la rigidité <strong>de</strong> courbure, et k, nombre d’on<strong>de</strong>. Le modèle n’étant pas valable pour les grands s,<br />
les valeurs <strong>de</strong> s ne dépassent pas 10. Il y a trois formes stables, cylindrique (en bas), sinusoïdale (<strong>au</strong> milieu)<br />
et perlée (en h<strong>au</strong>t). Chaque domaine <strong>de</strong> stabilité est séparé <strong>de</strong>s <strong>au</strong>tres par une zone <strong>de</strong> métastabilité (lignes).<br />
D’après [119].<br />
82<br />
2<br />
0
2) perlage par induction <strong>de</strong> courbure spontanée.<br />
L’<strong>au</strong>tre perlage observé expérimentalement et prévu théoriquement sur <strong>de</strong>s tubes <strong>de</strong><br />
membranes est induit par une modification <strong>de</strong> la courbure spontanée [132] (voir figure 35).<br />
Expérimentalement, l’insertion d’un polymère amphiphile dans la couche externe d’une<br />
membrane provoque une <strong>au</strong>gmentation <strong>de</strong> la courbure spontanée. Ce mécanisme pourrait<br />
s’appliquer <strong>au</strong>x nombreuses protéines s’insérant dans la membrane, modifiant sa forme. En<br />
effet, ce polymère (Dextran fonctionnalisé avec <strong>de</strong>s chaînes palmitoyles) ayant une tête <strong>de</strong><br />
gros volume et une queue petite, provoque une courbure spontanée due à la répulsion stérique<br />
<strong>de</strong>s têtes <strong>de</strong>xtran. De plus, l’insertion d’un composant supplémentaire dans la couche externe<br />
provoque une différence d’aire entre les <strong>de</strong>ux monocouches qui crée également <strong>de</strong> la courbure<br />
spontanée. D’une façon générale, la courbure générée est proportionnelle à la quantité <strong>de</strong><br />
polymère intégré, et il est donc possible d’exprimer cind la courbure spontanée telle que :<br />
c = ρc<br />
(2.25)<br />
ind<br />
où c0 est la courbure induite par la concentration maximale <strong>de</strong> polymère, et ρ le t<strong>au</strong>x<br />
d’insertion <strong>de</strong> polymère avec Cpol CpolMAX<br />
ρ = ⎡<br />
⎣<br />
⎤<br />
⎦<br />
⎡<br />
⎣<br />
0<br />
⎤<br />
⎦ , où cpol et cpolMAX sont respectivement les<br />
concentrations membranaires <strong>de</strong> polymères <strong>de</strong> l’expérience et maximale.<br />
Ici, il ne s’agit pas <strong>de</strong> perlage <strong>de</strong> type Rayleigh, car il n’y a pas <strong>de</strong> compétition<br />
courbure/tension. D’ailleurs, expérimentalement et théoriquement, le kopt est <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> 1,<br />
ce qui est différent du cas où la tension <strong>au</strong>gmente (voir plus h<strong>au</strong>t). Le perlage est provoqué<br />
par la courbure générée par l’insertion du polymère, et la forme obtenue est une forme<br />
d’énergie minimale permettant <strong>de</strong> minimiser l’énergie <strong>de</strong> courbure et <strong>de</strong> maximiser l’entropie<br />
liée à la diffusion du polymère dans la membrane. Les formes obtenues sont dites <strong>de</strong><br />
« Del<strong>au</strong>nay » [132]. L’énergie E <strong>de</strong> la membrane est alors donnée par:<br />
⎧ kT<br />
⎫<br />
E = c− c + [ + − −<br />
⎩ a<br />
⎭<br />
2<br />
∫ ⎨2 κ( ρ 0) ρln ρ (1 ρ)ln(1 ρ)<br />
2<br />
] ⎬dA<br />
(2.26)<br />
La tension n’est pas prise en compte car elle n’intervient pas dans le phénomène, et a est une<br />
distance moléculaire <strong>de</strong> répulsion stérique. Le premier terme <strong>de</strong> l’intégrale est l’énergie liée à<br />
la courbure, et le second liée à l’entropie <strong>de</strong> mélange <strong>de</strong>s polymères dans la membrane. Le<br />
point le plus intéressant est que l’on peut montrer que pour <strong>de</strong>s concentrations membranaires<br />
83
élevées <strong>de</strong> polymères, la forme <strong>de</strong> Del<strong>au</strong>nay la plus stable est une gran<strong>de</strong> perle <strong>de</strong> t<strong>au</strong>x<br />
d’incorporation du polymère ρ1, connectée à une série <strong>de</strong> toutes petites perles <strong>de</strong> t<strong>au</strong>x<br />
d’incorporation du polymère ρ2. Aux concentrations élevées, la dispersion du polymère (gain<br />
entropique) ne compense plus l’<strong>au</strong>gmentation énergétique liée à la courbure, et le système se<br />
ségrège en <strong>de</strong>ux parties, avec une gran<strong>de</strong> sphère peu concentrée en polymère, et un collier <strong>de</strong><br />
toutes petites perles fortement concentrées en polymères, la gran<strong>de</strong> sphère permettant<br />
d’absorber l’excès <strong>de</strong> polymère, et/ou <strong>de</strong> courbure. Ceci permet d’expliquer l’observation<br />
expérimentale (voir figure 35B, d) où quelques gran<strong>de</strong>s vésicules sont connectées à un<br />
chapelet <strong>de</strong> très petites vésicules à temps long (900 s) et pour <strong>de</strong> fortes concentration <strong>de</strong><br />
polymères. Expérimentalement et théoriquement, on trouve que le rapport <strong>de</strong>s diamètres est<br />
supérieur à 10.<br />
Il est intéressant <strong>de</strong> voir que dans une géométrie cylindrique, l’insertion d’un élément<br />
supplémentaire dans la couche externe <strong>de</strong> la bicouche provoque la formation <strong>de</strong> vésicules<br />
connectées, mais surtout que le même phénomène sur <strong>de</strong>s vésicules provoque la tubulation<br />
<strong>de</strong>s vésicules [135]. Les <strong>au</strong>teurs montrent que le même polymère mis en présence <strong>de</strong> vésicules<br />
provoque l’émergence <strong>de</strong> tubes. L’effet <strong>de</strong> la géométrie <strong>de</strong> départ sur l’état final est donc<br />
considérable, puisque le même effet permet <strong>de</strong> passer <strong>de</strong> tubes à sphères et <strong>de</strong> sphères à tubes.<br />
C’est <strong>au</strong>ssi un phénomène très simple qui pourrait expliquer parfaitement toutes les<br />
tubulations <strong>de</strong> liposomes générées par <strong>de</strong>s protéines telles que l’amphiphysine, la dynamine<br />
ou l’endophiline, qui s’insèrent toutes dans le feuillet externe <strong>de</strong> la membrane (voir 2.1.3.2),<br />
même si les tubes pour ces protéines sont plus fins.<br />
Ici, le passage <strong>de</strong> tubes à vésicules est provoqué par la modification <strong>de</strong> différents<br />
paramètres (tension, courbure spontanée), qui pourrait tous jouer un rôle dans la cellule. Il<br />
sera important <strong>de</strong> comprendre si par exemple les mante<strong>au</strong>x agissent en modifiant localement<br />
la courbure spontanée, ou en modifiant la tension.<br />
II.3.1.3 Bourgeonnement par séparation <strong>de</strong> phase<br />
Un <strong>au</strong>tre aspect important est que le changement <strong>de</strong> forme est couplé dans certains cas<br />
à une séparation <strong>de</strong>s éléments membranaires, ce qui pourraient être important dans le tri. Nous<br />
allons voir un exemple <strong>de</strong> déformation liée à une séparation <strong>de</strong> phase, et nous verrons que le<br />
tri membranaire peut être couplé à la déformation <strong>de</strong> la membrane.<br />
84
Les lipi<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s membranes cellulaires sont capables in vitro et probablement in vivo,<br />
<strong>de</strong> s’organiser en domaines <strong>de</strong> compositions différentes. En effet, il est possible d’observer<br />
<strong>de</strong>s domaines circulaires, donc flui<strong>de</strong>s, <strong>de</strong> composition différentes dans <strong>de</strong>s bicouches<br />
artificielles, ainsi que dans <strong>de</strong>s monocouches [87,88,97,136-139]. Ceci est une <strong>de</strong>s bases <strong>de</strong><br />
l’hypothèse <strong>de</strong>s rafts, vue plus h<strong>au</strong>t.<br />
Une hypothèse simple a été formulée théoriquement, qui propose que si <strong>de</strong>ux<br />
domaines <strong>de</strong> compositions différentes coexistent sur une membrane, alors, il existe une<br />
tension <strong>de</strong> ligne entre ces <strong>de</strong>ux domaines, c’est à dire une énergie associée à l’interface entre<br />
les domaines ne se mélangeant pas, et proportionnelle à la longueur <strong>de</strong> cette interface. Etant<br />
proportionnelle à la longueur <strong>de</strong> la frontière entre les <strong>de</strong>ux domaines, le système peut se<br />
réorganiser en faisant bourgeonner l’un <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux domaines, réduisant le périmètre <strong>de</strong><br />
l’interface entre les <strong>de</strong>ux domaines [140]. Mais pour cela, il f<strong>au</strong>t courber la membrane, il y a<br />
donc une compétition entre courbure, tension <strong>de</strong> ligne et tension <strong>de</strong> la membrane.<br />
Comme toujours, il est possible d’exprimer l’énergie d’une membrane comportant<br />
<strong>de</strong>ux domaines <strong>de</strong> composition respective α et β à partir <strong>de</strong> l’équation d’Helfrich, et en<br />
minimisant l’énergie, d’en déduire la forme. Dans un premier temps, la tension est négligée (σ<br />
= 0), et l’énergie ne contient donc que les termes <strong>de</strong> courbures et <strong>de</strong> tension <strong>de</strong> ligne. Pour les<br />
membranes à <strong>de</strong>ux composants, la forme <strong>de</strong> l’énergie est<br />
E = E + E + E<br />
( α ) ( β)<br />
( αβ )<br />
courb courb ligne , où Ecourb<br />
est l’énergie <strong>de</strong> courbure associée à chacun <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux domaines, et Eligne l’énergie associée à la<br />
frontière entre les <strong>de</strong>ux domaines. Plus précisément, on a :<br />
() i<br />
() i κ 2<br />
Ecourb = ∫ ( c ) dA<br />
2<br />
E = λdl<br />
( αβ )<br />
ligne<br />
∫<br />
(2.27)<br />
κ(i) est la rigidité <strong>de</strong> courbure du domaine <strong>de</strong> composition i, et λ est la tension <strong>de</strong> ligne,<br />
intégrée sur la longueur L du périmètre <strong>de</strong> l’interface (αβ). En utilisant la même<br />
paramétrisation que pour la forme <strong>de</strong>s tubes (voir 3.2), et en calculant la forme en fonction <strong>de</strong><br />
β α<br />
x = A ( A + A )<br />
β<br />
, fraction <strong>de</strong> la surface <strong>de</strong> la membrane couverte par β, on obtient le<br />
diagramme <strong>de</strong> phase présenté sur la figure 37A. Les rigidités <strong>de</strong> courbures <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux phases<br />
ont été supposées égales, et les rigidités <strong>de</strong> courbure g<strong>au</strong>ssienne égales à 0. En se déplacant<br />
sur la ligne en pointillés <strong>de</strong> droite à g<strong>au</strong>che, on observe les changements <strong>de</strong> forme présentés<br />
sur la figure 37B.<br />
85
Figure 37 : A -Diagramme <strong>de</strong> forme en fonction <strong>de</strong> la tension <strong>de</strong> ligne λ et <strong>de</strong> la fraction surfacique x <strong>de</strong> β.<br />
Le diagramme est symétrique par rapport à x car les <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong> domaines sont supposés avoir les même<br />
caractéristiques. Dbud est la ligne <strong>de</strong> transition cloque/bourgeon et Lcb est la limite <strong>de</strong> déformation maximale,<br />
où le rayon du cou du bourgeon tend vers 0. B- évolution <strong>de</strong> la forme d’une vésicule le long <strong>de</strong> la ligne<br />
pointillés sur le diagramme A. Les chiffres représentent la fraction x <strong>de</strong> β. On voit que Dbud correspond à<br />
une transition brutale dans la forme, pour une très faible variation <strong>de</strong> x (transition du 1 ier ordre). Le trait<br />
plein correspond <strong>au</strong> domaine <strong>de</strong> composition β et le trait en pointillé d<strong>au</strong> domaine <strong>de</strong> composition α.<br />
D’après [140,141].<br />
L’<strong>au</strong>gmentation <strong>de</strong> x revient à faire croître le domaine. Ainsi, plus le domaine grandit,<br />
plus il déforme la membrane, puisque étant grand, il peut se courber sur un rayon important<br />
n’<strong>au</strong>gmentant pas trop son énergie <strong>de</strong> courbure. De plus, plus le domaine est grand, plus sa<br />
frontière avec l’<strong>au</strong>tre domaine est longue et favorise le bourgeonnement. Pour une certaine<br />
fraction Dbud, à λ fixé, le domaine bourgeonne, formant une jonction <strong>de</strong> courbure g<strong>au</strong>ssienne<br />
négative entre lui et l’<strong>au</strong>tre domaine. Cette transition <strong>de</strong> forme est du premier ordre, donc<br />
brutale. Le point important est que la ligne <strong>de</strong> séparation entre les <strong>de</strong>ux domaines se retrouve<br />
sur le cou <strong>de</strong> la vésicule, réduisant fortement sa longueur, minimisant ainsi l’énergie associée<br />
à la tension <strong>de</strong> ligne. Ceci ne reste vrai que si <strong>au</strong>cun couplage entre courbure g<strong>au</strong>ssienne et<br />
86
composition existe, c’est-à-dire si <strong>au</strong>cune <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux phases ne préfère les zones <strong>de</strong> courbure<br />
g<strong>au</strong>ssienne négative. Dans le cas contraire, la ligne <strong>de</strong> séparation est alors déplacée par<br />
rapport <strong>au</strong> cou du côté du domaine qui aime le moins la courbure g<strong>au</strong>ssienne négative.<br />
Une première tentative <strong>de</strong> vérification <strong>de</strong> cette théorie a été réalisée peu après, mais<br />
l’absence <strong>de</strong> visualisation directe <strong>de</strong>s domaines, et donc <strong>de</strong> leur frontière, associée à un<br />
manque <strong>de</strong> données quantitatives ne rend pas l’étu<strong>de</strong> très convaincante [142]. Une étu<strong>de</strong> très<br />
récente <strong>de</strong> microscopie à <strong>de</strong>ux photons [143], permet <strong>de</strong> retrouver les différents cas proposés<br />
par le modèle, et <strong>de</strong> remonter ainsi à <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>urs physiques telles que λ. Cette étu<strong>de</strong> utilise<br />
<strong>de</strong>s vésicules géantes formées à partir d’un mélange <strong>de</strong> phosphatidylcholine, sphingomyeline<br />
et cholestérol, mimant la composition <strong>de</strong>s membranes cellulaires. Ce mélange est connu pour<br />
former <strong>de</strong>ux phases dans certaines proportions <strong>de</strong> chacun <strong>de</strong>s lipi<strong>de</strong>s, une phase Liqui<strong>de</strong><br />
Ordonnée (Lo) riche en sphingomyeline et cholestérol, et une phase Liqui<strong>de</strong> Désordonnée<br />
(Ld), riche en phosphatidylcholine. Les <strong>au</strong>teurs observent que les domaines peuvent<br />
bourgeonner, et que la frontière est souvent <strong>au</strong> cou <strong>de</strong>s bourgeon (voir figure 38).<br />
Figure 38 : Une vésicule géante dont un domaine a bourgeonné : on voit que le cou correspond à la frontière<br />
entre les <strong>de</strong>ux domaines, même si le domaine rouge semble recouvrir en partie le cou (voir agrandissement).<br />
Rouge, phase Ld et bleu Phase Lo. Barre 5 µm, d’après [143].<br />
Grâce à une analyse précise <strong>de</strong>s formes, les <strong>au</strong>teurs mesurent une tension <strong>de</strong> ligne λ <strong>de</strong><br />
9+0,3 10 -13 N, ce qui est un ordre <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur plus faible que ce qui a été prédit<br />
théoriquement [141]. De même, ils estiment le rapport <strong>de</strong>s rigidités <strong>de</strong> courbures κ Lo /κ Ld <strong>de</strong><br />
l’ordre <strong>de</strong> 1,25. Ce qui est plus également plus faible que ce qui a été mesuré par ailleurs<br />
87
[116,144-146]. Ceci pourrait être du <strong>au</strong> fait que la phase Ld, <strong>de</strong> rigidité <strong>de</strong> courbure plus faible<br />
que la phase Lo, a tendance à envahir le cou <strong>de</strong>s bourgeon car <strong>de</strong> courbure importante (voir<br />
figure 38), f<strong>au</strong>ssant les mesures. Les <strong>au</strong>teurs montrent par ailleurs que cette phase se retrouve<br />
majoritairement dans les zones les plus courbées. Ces expériences reste la première<br />
démonstration quantitative <strong>de</strong> la théorie du bourgeonnement par séparation <strong>de</strong> phase.<br />
Dans la cellule, <strong>de</strong> nombreux bourgeons et vésicules ont <strong>de</strong>s compositions lipidiques<br />
différentes <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> la membrane donneuse (voir chapitre 2.2.2). Il est probable que la<br />
différence <strong>de</strong> composition soit en partie liée à une séparation <strong>de</strong> phase, qui pourrait <strong>de</strong> fait<br />
ai<strong>de</strong>r <strong>au</strong> bourgeonnement <strong>de</strong>s vésicules, tout en réalisant un tri.<br />
Nous allons voir maintenant que la formation d’un bourgeon peut elle-même<br />
provoquer une séparation <strong>de</strong> phase et ainsi réaliser un tri, et également favoriser la fission.<br />
II.3.2 Séparation <strong>de</strong> phase induite par la courbure <strong>de</strong> la<br />
membrane : rôle potentiel dans le tri et la fission.<br />
Nous allons voir ici <strong>de</strong>ux étu<strong>de</strong>s théoriques qui, couplant la composition locale à la<br />
courbure spontanée ou à la courbure g<strong>au</strong>ssienne, montrent que la formation d’un bourgeon<br />
peut provoquer <strong>de</strong>s séparations <strong>de</strong> phases, ce qui pourrait avoir <strong>de</strong> l’importance pour<br />
comprendre le tri et la coupure <strong>de</strong> la membrane.<br />
II.3.2.1 Tri par séparation <strong>de</strong> phase liée à un couplage entre la<br />
composition et la courbure spontanée<br />
Une étu<strong>de</strong> théorique [147] montre que s’il existe un couplage entre la courbure<br />
spontanée et la composition <strong>de</strong> la membrane, la composition d’un bourgeon peut être<br />
différente <strong>de</strong> la membrane donneuse. Sur une vésicule à <strong>de</strong>ux composants α et β (voir plus<br />
h<strong>au</strong>t), on appelle φ(s) la fraction du composé α <strong>au</strong> point d’abscisse curviligne s. La fraction du<br />
composé β est donc 1-φ(s). Si le composé α <strong>au</strong>gmente la courbure spontanée<br />
proportionnellement à sa concentration, il est alors possible d’introduire un couplage entre la<br />
composition en α et la courbure spontanée sous la forme <strong>de</strong> :<br />
c () s () s λφ = (2.28)<br />
0<br />
où c0(s) est la courbure spontanée <strong>au</strong> point d’abscisse curviligne s. λ est appelée constante <strong>de</strong><br />
couplage. On peut alors ajouter cette quantité dans l’expression <strong>de</strong> l’énergie <strong>de</strong> la membrane.<br />
88
On suppose que les composants sont miscibles, et on étudie les éventuelles séparations <strong>de</strong><br />
phase induites par changement <strong>de</strong> la forme. Comme les composés sont miscibles, il existe un<br />
terme énergétique lié à l’entropie favorisant le mélange <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux composants. Cette énergie F<br />
est donnée par :<br />
2<br />
F = ( κ 2) ε∫ φ dA<br />
(2.29)<br />
où ε est une énergie moléculaire divisée par la rigidité <strong>de</strong> courbure κ. De même que pour le<br />
terme <strong>de</strong> couplage, ce terme entropique est ajouté à l’expression <strong>de</strong> l’énergie <strong>de</strong> la membrane.<br />
Pour obtenir une déformation type bourgeonnement, il suffit <strong>de</strong> faire varier la différence<br />
d’aire entre les monocouches et le rapport surface sur volume d’une vésicule, en utilisant le<br />
modèle ADE vu précé<strong>de</strong>mment. Il est donc possible d’induire le bourgeonnement d’une<br />
vésicule (voir transition <strong>de</strong> bourgeonnement 2.3.1.1), et <strong>de</strong> calculer la composition en chaque<br />
point <strong>de</strong> la membrane en tenant compte du couplage composition/courbure et du terme<br />
entropique. Ceci est représenté en figure 39.<br />
Figure 39 : Evolution <strong>de</strong> la composition locale φ (courbe fine) en composé α, en fonction <strong>de</strong> la forme <strong>de</strong> la<br />
vésicule. Il est clair que le bourgeon est enrichi <strong>au</strong> cours <strong>de</strong> sa formation en composé α, ce composé ayant<br />
une affinité pour la courbure. D’après [147].<br />
On voit qu’il est possible <strong>de</strong> provoquer une réelle séparation <strong>de</strong> phase, avec <strong>de</strong>ux<br />
compositions réellement différentes dans le bourgeon et dans la vésicule. De même, on voit<br />
89
que la composition est homogène en absence <strong>de</strong> déformation, et que la séparation <strong>de</strong> phase est<br />
induite par la déformation. Le couplage composition/courbure permet un couplage<br />
déformation/tri. Cette étu<strong>de</strong> montre qu’il est théoriquement possible <strong>de</strong> trier <strong>de</strong>s éléments sur<br />
leur affinité pour la courbure spontanée. De nombreuses hypothèses en biologie postulent que<br />
cette sensibilité à la courbure pourrait avoir une importance pour le tri <strong>de</strong>s éléments<br />
membranaires, et notamment il est admis que la forme <strong>de</strong>s lipi<strong>de</strong>s pourrait leur conférer une<br />
sensibilité à la courbure (voir 2.1.3.1). Il serait intéressant d’étudier à quel paramètre physique<br />
(courbure spontanée, courbure g<strong>au</strong>ssienne) sont couplées chacune <strong>de</strong>s formes <strong>de</strong> lipi<strong>de</strong>s, car<br />
les effets sur la composition et la forme générale <strong>de</strong> la membrane peuvent être très différents<br />
selon le couplage.<br />
II.3.2.2 Séparation <strong>de</strong> phase par couplage à la courbure g<strong>au</strong>ssienne<br />
induisant la fission du bourgeon<br />
De même que pour l’étu<strong>de</strong> précé<strong>de</strong>nte, il est possible [148], dans <strong>de</strong>s vésicules à <strong>de</strong>ux<br />
composants, d’introduire un terme <strong>de</strong> couplage entre φ, la composition locale du composant<br />
minoritaire, et c1c2, la courbure g<strong>au</strong>ssienne sous la forme suivante:<br />
couplage<br />
∫ 1() 2()()<br />
(2.30)<br />
E = λ c r c r φ r dA<br />
où λ est la constante <strong>de</strong> couplage. Si λ < 0, le composé minoritaire a une affinité plus forte<br />
pour les zones <strong>de</strong> courbure g<strong>au</strong>ssienne positive. Il f<strong>au</strong>t également ajouter un terme entropique,<br />
car la vésicule est homogène <strong>au</strong> départ. Il a une forme proche <strong>de</strong> celle vue pour l’étu<strong>de</strong><br />
précé<strong>de</strong>nte :<br />
1 )<br />
t<br />
E φ<br />
2<br />
2<br />
entropie = ∫ () r dA<br />
(2.31)<br />
où t est la température. Il est alors possible <strong>de</strong> calculer comme précé<strong>de</strong>mment, l’énergie<br />
associée <strong>au</strong>x <strong>de</strong>ux formes Ω1 et Ω2 (voir figure 40). La différence d’énergie libre<br />
∆ E = E( Ω ) −E( Ω<br />
fission.<br />
2<br />
est alors l’énergie gagnée (ou perdue) <strong>au</strong> cours d’un évènement <strong>de</strong><br />
90
Figure 40 : Les <strong>de</strong>ux formes, avant et après fission du cou. D’après [148].<br />
Il est possible <strong>de</strong> montrer que ∆E reste négatif sur une large gamme <strong>de</strong> paramètres, signifiant<br />
que la fission est, dans ce cas, thermodynamiquement favorable. De plus, il est possible <strong>de</strong><br />
calculer la composition <strong>de</strong> la membrane en chaque point, et montrer que le composé<br />
minoritaire est absent du cou. Il est <strong>au</strong>ssi possible <strong>de</strong> montrer qu’il y a bien séparation <strong>de</strong><br />
phase et que c’est cette séparation <strong>de</strong> phase qui provoque l’instabilité du cou.<br />
Il est important <strong>de</strong> voir ici, qu’un couplage entre la composition et la courbure<br />
g<strong>au</strong>ssienne provoque la déstabilisation <strong>de</strong> la vésicule, conduisant à la fission. Une <strong>de</strong>s<br />
questions importante sera <strong>de</strong> savoir si ce principe physique est utilisé par la cellule pour<br />
couper la membrane, et si les acteurs <strong>de</strong> la fission tel que l’endophiline ou la dynamine ont<br />
une affinité pour les structures <strong>de</strong> courbure g<strong>au</strong>ssienne négative, pour ainsi faciliter la fission<br />
membranaire.<br />
II.4 Conclusion<br />
Dans ce chapitre, nous avons vu qu’une <strong>de</strong>scription simple ne tenant compte que <strong>de</strong>s<br />
propriétés <strong>de</strong> déformation <strong>de</strong>s membranes permettait <strong>de</strong> rendre compte <strong>de</strong> très nombreux<br />
phénomènes et comportements observés. Cette <strong>de</strong>scription ne fait intervenir que quatre<br />
paramètres importants, la tension, la rigidité <strong>de</strong> courbure, le module <strong>de</strong> courbure g<strong>au</strong>ssienne et<br />
la courbure spontanée. Avec quelques phénomènes physiques supplémentaires tels que la<br />
séparation <strong>de</strong> phase ou le couplage entre courbure et composition, il est possible <strong>de</strong> reproduire<br />
théoriquement les trois comportements importants du trafic intracellulaire, à savoir, la<br />
déformation, le tri et la fission. La <strong>de</strong>scription <strong>de</strong> Canham-Helfrich offre un cadre général qui<br />
91
permet <strong>de</strong> comprendre les bases physiques <strong>de</strong>s propriétés <strong>de</strong>s membranes. Une <strong>de</strong>s voies <strong>de</strong><br />
recherche pour l’avenir sera probablement <strong>de</strong> découvrir sur quel(s) paramètres <strong>de</strong> ce modèle<br />
agit chacun <strong>de</strong>s éléments membranaires (lipi<strong>de</strong>, protéine).<br />
C’est dans le but d’explorer le rôle <strong>de</strong>s différents paramètres physiques dans le trafic<br />
intracellulaire que nous avons voulu bâtir un système très simple mimant la formation <strong>de</strong><br />
tubes à partir <strong>de</strong> membranes modèles. Pour cela, nous avons utilisé <strong>de</strong>s kinésines purifiées,<br />
<strong>de</strong>s microtubules et <strong>de</strong>s vésicules géantes. Nous avons ainsi pu reproduire certaines <strong>de</strong>s<br />
déformations observées dans les cellules, et en utilisant une membrane à plusieurs<br />
composants, nous avons pu réaliser un système minimal pouvant déformer, trier et couper la<br />
membrane.<br />
92
chapitre 3 Mise en place d’un<br />
système minimal reproduisant la<br />
formation <strong>de</strong> tubes <strong>de</strong> membranes<br />
tirés par <strong>de</strong>s moteurs moléculaires.<br />
Tubes <strong>de</strong> membranes tirés par <strong>de</strong>s moteurs moléculaires à partir d’une vésicule géante.<br />
93
L’objectif <strong>de</strong> cette thèse a été <strong>de</strong> construire un système simple, mais proche <strong>de</strong>s<br />
conditions biologiques, qui permette <strong>de</strong> comprendre et éventuellement <strong>de</strong> mesurer quels sont<br />
les paramètres physiques (rigidités <strong>de</strong> courbures, tension, etc...) importants dans le cadre du<br />
trafic vésiculaire. Dans un premier temps, nous avons voulu reproduire in vitro l’étape <strong>de</strong><br />
déformation <strong>de</strong> la membrane. Dans les cellules, comme nous l’avons vu dans le chapitre 1, la<br />
formation <strong>de</strong>s intermédiaires <strong>de</strong> transports par déformation <strong>de</strong> la membrane peut se faire selon<br />
plusieurs modalités. Une <strong>de</strong> ces modalités est la déformation <strong>de</strong>s membranes en tubes par <strong>de</strong>s<br />
moteurs moléculaires appliquant une force ponctuelle sur ces membranes losqu’ils se<br />
déplacent sur les filaments du cytosquelette. Cette hypothèse nous est apparue la plus simple à<br />
tester in vitro pour plusieurs raisons :<br />
- Il n’avait jamais été montré que l’action seule <strong>de</strong> moteurs moléculaires tirant sur une<br />
membrane suffisait à former un tube, alors que l’action seule <strong>de</strong>s mante<strong>au</strong>x par<br />
exemple avait été montrée comme suffisante pour former <strong>de</strong>s bourgeons.<br />
- Un système facilement étudiable par <strong>de</strong>s approches physiques nécessite <strong>de</strong> travailler<br />
avec <strong>de</strong>s constituants purifiés pour que le maximum <strong>de</strong> paramètres soient maitrisés. Or<br />
cette hypothèse ne faisant intervenir que trois éléments, les moteurs, le cytosquelette et<br />
les membranes, est l’une <strong>de</strong>s plus simples en nombre <strong>de</strong> composants, et donc en<br />
nombre <strong>de</strong> paramètres à maîtriser.<br />
- La plupart <strong>de</strong>s intermédiaires <strong>de</strong> transports sont sphériques et d’un rayon compris<br />
entre 25 et 50 nm, donc très difficiles à visualiser in vivo et in vitro par <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s<br />
<strong>de</strong> microscopie photonique. Or l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s phénomènes <strong>de</strong> transport nécessite une<br />
étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la dynamique <strong>de</strong> formation <strong>de</strong>s intermédiaires <strong>de</strong> transports, ainsi que <strong>de</strong><br />
leurs déplacements, et seule la microscopie photonique peut à l’heure actuelle<br />
permettre cette étu<strong>de</strong> dynamique. Bien que le diamètre <strong>de</strong>s tubes soit à priori très petit<br />
et du même ordre <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur que celui <strong>de</strong>s vésicules, leur longueur peut être très<br />
supérieure <strong>au</strong> micromètre et ils sont donc aisément visualisables in vivo et in vitro en<br />
microscopie photonique.<br />
- C’est une hypothèse intéressante car elle permet <strong>de</strong> combiner formation et<br />
déplacement <strong>de</strong>s intermédiaires <strong>de</strong> transports en un seul mécanisme.<br />
- La petite protéine G Rab6a qui est étudiée <strong>au</strong> laboratoire, est observée in vivo le long<br />
<strong>de</strong> ces tubes en formation, et en se basant sur l’hypothèse que Rab6a est le récepteur<br />
<strong>de</strong> Rabkinésine6 à la membrane, on peut supposer que Rabkinésine6 serait impliquée<br />
dans la formation et le déplacement <strong>de</strong> ces tubes. Encore f<strong>au</strong>t-il montrer que les<br />
moteurs sont capables <strong>de</strong> former seuls <strong>de</strong>s tubes.<br />
95
III.1 Protocoles et détails techniques<br />
III.1.1 Description du système in vitro<br />
Notre hypothèse était que l’action <strong>de</strong> moteurs moléculaires fixés à une membrane et<br />
marchant le long <strong>de</strong> filaments pouvait suffire à étirer <strong>de</strong>s tubes (voir figure 41).<br />
Figure 41 : Hypothèse <strong>de</strong> fonctionnement d’un système minimal d’extraction <strong>de</strong> tubes par <strong>de</strong>s kinésines.<br />
Pour réaliser ce système, il nous fallait disposer <strong>de</strong> membranes dont la composition<br />
soit controlable, <strong>de</strong> moteurs moléculaires et <strong>de</strong> filaments. Pour les membranes, nous avons<br />
choisi d’utiliser <strong>de</strong>s vésicules géantes unilamellaires (GUVs), dont la composition est<br />
modifiable, et qui présentent l’avantage d’être énormes (entre 5 et 100 µm <strong>de</strong> diamètre), donc<br />
facilement observables en microscopie photonique. De plus, elles constituent un réservoir<br />
important <strong>de</strong> surface membranaire à partir duquel <strong>de</strong> nombreux tubes peuvent être extraits.<br />
Enfin, ce sont <strong>de</strong>s objets mous dont la physique est bien connue (voir chapitre 2).<br />
Il convenait <strong>de</strong> trouver également un système simple pour lier les moteurs à la<br />
membrane. Comme la plupart <strong>de</strong>s tubes <strong>de</strong> membranes observés in vivo dépen<strong>de</strong>nt du système<br />
kinésine/microtubule (voir chapitre 1), nous avons cherché un moyen simple <strong>de</strong> purifier et<br />
fixer un moteur <strong>de</strong> type kinésine sur les membranes. La tubuline, qui constitue les<br />
microtubules, est aisément purifiable à partir <strong>de</strong> cerve<strong>au</strong>x. Pour purifier et fixer la kinésine<br />
<strong>au</strong>x membranes, nous avons utilisé une kinésine biotinylée, qui peut être fixée sur <strong>de</strong>s lipi<strong>de</strong>s<br />
biotinylés par l’intermédiaire <strong>de</strong> la streptavidine (voir figure 42).<br />
L’équipe <strong>de</strong> Jeff Gelles <strong>au</strong> cours <strong>de</strong>s années 90 a développé une construction génétique<br />
particulière <strong>de</strong> la kinésine conventionnelle <strong>de</strong> Drosophila Melanogaster [149,150]: une forme<br />
96
tronquée sur la queue (~ 50 kDa) (ne possédant que la partie motrice et un bout du coiled-coil<br />
permettant la dimérisation, et ne possédant pas la partie inhibitrice <strong>de</strong> la tête (voir 2.1.2.1) a<br />
été fusionnée à la protéine BCCP pour Biotin Carboxyl Carrier Protein (un peu moins <strong>de</strong> 17<br />
kDa). La protéine BCCP fait partie du complexe <strong>de</strong> la carboxylase du Coenzyme A<br />
(activation <strong>de</strong>s aci<strong>de</strong>s gras en vue <strong>de</strong> leur dégradation), chez la bacterie Escherichia Coli.<br />
BCCP est une protéine qui lie covalemment et transitoirement un aci<strong>de</strong> gras, qui va être lié <strong>au</strong><br />
Coenzyme A. La réaction <strong>de</strong> liaison est catalysée par la vitamine H ou biotine (244 g/mol),<br />
qui est également covalemment liée à BCCP sur la Lysine (K) 122. Ainsi, la kinésine (~<br />
65kDa) construite par Jeff Gelles est intrinsèquement active en présence d’ATP, car la partie<br />
inhibitrice a été enlevée, et elle est biotinylée grâce à sa fusion avec la protéine BCCP.<br />
La streptavidine est une protéine tétramérique qui possè<strong>de</strong> 4 sites <strong>de</strong> liaison à la<br />
biotine, orientés <strong>de</strong>ux-à-<strong>de</strong>ux <strong>de</strong> manière opposée (voir figure 42). Son affinité est <strong>de</strong> 10 -13<br />
Mol -1 pour la biotine en solution, et à ce jour le couple biotine/streptavidine reste le complexe<br />
ayant la plus h<strong>au</strong>te constante d’association.<br />
Figure 42 : A-Structure <strong>de</strong> la biotine (à g<strong>au</strong>che) (D’après www.sigmaaldrich.com) et <strong>de</strong> la streptavidine (à<br />
droite) complexée à 4 biotines (D’après http://faculty.washington.edu/stenkamp/stefanieweb/abstract.html).<br />
B- Principe <strong>de</strong> la liaison <strong>de</strong>s kinésines biotinylées à la membrane contenant <strong>de</strong>s lipi<strong>de</strong>s biotinylés. Soit <strong>de</strong>s<br />
billes recouvertes <strong>de</strong> streptavidine, soit <strong>de</strong> la streptavidine libre peuvent être utilisées pour faire le lien.<br />
97
La kinésine construite par Jeff Gelles peut ainsi être fixée sur tout type <strong>de</strong> supports<br />
biotinylés, via la streptavidine. François Nédélec et Thomas Surrey, actuellement à l’EMBL,<br />
ont modifié légérement cette kinésine en lui ajoutant une étiquette d’une vingtaine d’aci<strong>de</strong>s<br />
aminés spécifiquement reconnue par un anticorps [151,152]. Cette étiquette provenant<br />
l’Hémaglutinine, elle est appelée HA. François Nédélec et Thomas Surrey nous ont fourni<br />
cette nouvelle construction ainsi que le protocole <strong>de</strong> purification <strong>de</strong> cette kinésine (voir sous-<br />
chapitre suivant et annexes). De plus, il existe commercialement <strong>de</strong>s<br />
phosphatidyléthanolamines covalemment liées par la tête à la biotine (voir<br />
http://www.avantilipids.com/ProductData.asp?n=870273). En conjuguant la kinésine<br />
biotinylée, la streptavidine et les lipi<strong>de</strong>s biotinylés, les constructions présentées sur la figure<br />
42B sont possibles et permettent <strong>de</strong> lier les kinésines à la membrane. L’utilisation <strong>de</strong> billes<br />
recouvertes <strong>de</strong> streptavidine est possible, et à la diférence <strong>de</strong> la streptavidine libre va<br />
permettre <strong>de</strong> concentrer ponctuellement les moteurs sur la membrane.<br />
Le principe du protocole est simple. Des microtubules stabilisés <strong>au</strong> taxol sont fixés sur<br />
une lamelle <strong>de</strong> verre. Ils forment un rése<strong>au</strong> 2D aléatoire. La surface est ensuite passivée avec<br />
<strong>de</strong> la caséine. Un mélange billes streptavidine/kinésines ou streptavidine/kinésines est ensuite<br />
injecté avec <strong>de</strong> l’ATP, et enfin, <strong>de</strong>s GUVs possédant <strong>de</strong>s lipi<strong>de</strong>s biotinylés sont injectées dans<br />
la chambre. Les complexes streptavidine/kinésine ou les billes recouvertes <strong>de</strong> kinésines se<br />
fixent alors sur les GUVs. En jouant sur la <strong>de</strong>nsité du milieu interne <strong>de</strong>s GUVs, il est possible<br />
<strong>de</strong> les faire sédimenter sur la surface couverte <strong>de</strong> microtubules. Lorsque les GUVs couvertes<br />
<strong>de</strong> kinésines touchent les microtubules, les kinésines se mettent en mouvement le long <strong>de</strong>s<br />
microtubules et tirent sur la vésicule jusqu’à former <strong>de</strong>s tubes.<br />
Dans la suite, nous allons donner les principes <strong>de</strong>s protocoles utilisés pour la mise en<br />
place du système minimal. Pour les protocoles établis par d’<strong>au</strong>tres équipes, nous donnerons<br />
seulement le principe et ils seront détaillés en annexe. Nous détaillerons ici seulement les<br />
protocoles développés <strong>au</strong> laboratoire.<br />
98
III.1.2 Purifications <strong>de</strong> la kinésine et <strong>de</strong> la tubuline<br />
III.1.2.1 Principe <strong>de</strong> la purification <strong>de</strong> la Kinésine biotinylée.<br />
La construction génétique permettant l’expression <strong>de</strong> la kinésine conventionnelle <strong>de</strong><br />
Drosophila Melanogaster fusionnée à la BCCP a été insérée dans un plasmi<strong>de</strong> permettant son<br />
expression dans la bactérie Escherichia Coli.<br />
La souche d’E. Coli utilisée pour l’expression est la souche BL21, qui a été<br />
génétiquement modifiée pour exprimer l’ARN polymérase du phage T7 (virus <strong>de</strong>s bactéries).<br />
Cette polymérase se lie à une séquence spécifique appelée promoteur T7 en amont du gène, et<br />
permet la production rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong> très nombreux ARNm (on parle <strong>de</strong> promoteur fort). Le gène <strong>de</strong><br />
la kinésine est sous dépendance du promoteur T7 une fois inséré dans le plasmi<strong>de</strong>, ce qui<br />
permet la production en gran<strong>de</strong> quantité <strong>de</strong> la protéine. Cependant, une <strong>au</strong>tre séquence a été<br />
insérée entre le promoteur T7 et le gène, il s’agit <strong>de</strong> l’opérateur <strong>de</strong> l’opéron Lactose (groupe<br />
<strong>de</strong> gènes intervenant dans le métabolisme du lactose, et subissant les mêmes régulations<br />
génétiques). Cette séquence permet la fixation, en absence <strong>de</strong> lactose, d’une protéine<br />
inhibitrice <strong>de</strong> la transcription appelée Répresseur. En absence <strong>de</strong> lactose, le gène <strong>de</strong> la<br />
kinésine n’est donc pas transcrit, et la bactérie ne produit pas <strong>de</strong> kinésine. En présence <strong>de</strong><br />
lactose, le lactose se lie <strong>au</strong> répresseur et empêche sa fixation sur l’opérateur, permettant à la<br />
polymérase T7 <strong>de</strong> transcrire le gène <strong>de</strong> la kinésine. Il est donc possible d’induire la production<br />
<strong>de</strong> la protéine à l’instant voulu en ajoutant du lactose dans le milieu. Au lieu d’utiliser le<br />
lactose pour induire le système d’expression, on utilise l’IPTG (Iso-Propyl-Thio-Galactosi<strong>de</strong>)<br />
qui est un inducteur plus puissant que le lactose et non dégradable par la bactérie. Dans notre<br />
cas, l’induction se fait à une concentration faible en IPTG (0,1 mM), et à une température<br />
faible (27°C), permettant une faible expression <strong>de</strong> la kinésine. La kinésine est mal acceptée<br />
par les bactéries, et une surexpression tue les bactéries ou les forcent à agglomérer la kinésine<br />
en amas semi-cristallin (corps d’inclusions), la rendant non-fonctionnelle. Au cours <strong>de</strong> la<br />
production <strong>de</strong> la kinésine, les enzymes bactériennes vont fixer la biotine sur la partie BCCP<br />
<strong>de</strong> la protéine chimère, rendant la kinésine biotinylée. Il a été estimé que 60 à 80 % <strong>de</strong>s<br />
kinésines produites étaient biotinylées.<br />
Une fois la protéine produite par les bactéries, les bactéries sont lysées et le lysat<br />
cellulaire (liqui<strong>de</strong> débarrassé <strong>de</strong>s fragments cellulaires par centrifugation) contenant toutes les<br />
protéines solubles dont la kinésine est récupéré. Trois colonnes sont nécessaires pour purifier<br />
99
la protéine. Le premier type <strong>de</strong> colonne sert à changer la solution saline contenant les<br />
protéines du lysat. Le principe est l’exclusion <strong>de</strong> taille, la colonne retenant les grosses<br />
molécules (protéines), les sels sont éliminés et remplacés par une solution adéquate pour la<br />
<strong>de</strong>uxième colonne.<br />
La <strong>de</strong>uxième colonne est une colonne d’affinité. Elle lie spécifiquement la protéine à<br />
purifier. Les <strong>au</strong>tres protéines sont éliminées par lavages successifs. Ici, la colonne est<br />
constituée <strong>de</strong> billes recouvertes d’avidine, liant les protéines biotinylées, donc principalement<br />
la kinésine. En fait, ce n’est pas l’avidine (équivalente à la streptavidine) qui est utilisée, car<br />
sa h<strong>au</strong>te affinité pour la biotine ne permet pas l’élution <strong>de</strong> la protéine biotinylée par<br />
compétition par <strong>de</strong> la biotine libre. C’est un mutant d’affinité réduite, qui peut être<br />
compétitionné par 5 mM <strong>de</strong> biotine libre. C’est l’étape limitante, car la colonne lie peu <strong>de</strong><br />
protéines, et l’élution nécessite un grand volume, diluant be<strong>au</strong>coup la protéine.<br />
Une fois la kinésine biotinylée purifiée sur cette colonne, il f<strong>au</strong>t la reconcentrer. Une<br />
colonne échangeuse d’ions est utilisée, qui lie les protéines en fonction <strong>de</strong> leur charge. La<br />
colonne est éluée avec un gradient croissant <strong>de</strong> sels qui compétitionnent l’interaction<br />
protéine/colonne, décrochant la protéine pour une certaine concentration saline. Toute la<br />
kinésine se décroche à la fois, se concentrant dans un volume environ 10 fois plus petit que le<br />
volume d’élution.<br />
La protéine est alors dialysée dans un tampon nécessaire à sa conservation, puis<br />
congelée et conservée dans l’azote liqui<strong>de</strong>. Pour <strong>de</strong>ux litres <strong>de</strong> culture bactérienne, environ<br />
300 µg <strong>de</strong> protéines sont obtenus, à une concentration typique <strong>de</strong> 100 à 200 µg/mL (environ 1<br />
µM).<br />
III.1.2.2 Purification <strong>de</strong> la tubuline<br />
Le principe <strong>de</strong> la purification <strong>de</strong> la tubuline est simple. Cette protéine polymérisant en<br />
microtubules qui sont séparables du reste <strong>de</strong> la solution par centrifugation, <strong>de</strong>s cycles <strong>de</strong><br />
polymérisation/dépolymérisation permettent d’enrichir la solution en tubuline.<br />
Des cerve<strong>au</strong>x <strong>de</strong> porcs fraichement prélevés sont utilisés car très riches en tubuline<br />
(composant majeur <strong>de</strong>s axones). Après broyage et centrifugation, le lysat subit <strong>de</strong>s cycles <strong>de</strong><br />
polymérisation (présence <strong>de</strong> GTP, 35°C), dépolymérisation (absence <strong>de</strong> GTP, 4°C). Après<br />
polymérisation et centrifugation, le culot <strong>de</strong> microtubules est conservé, le surnageant éliminé.<br />
Après dépolymérisation et centrifugation, c’est l’inverse, le culot est éliminé et le surnageant<br />
100
conservé. Ainsi, après trois à quatre cycles, la solution est très fortement enrichie en tubuline.<br />
Mais la solution contient également toutes les protéines se liant <strong>au</strong>x microtubules (MAPs<br />
pour Microtubules Associated Proteins). Pour les éliminer et avoir <strong>de</strong> la tubuline pure, on tire<br />
avantage du fait que la tubuline est fortement chargée négativement. La solution contenant la<br />
tubuline et les MAPs est passée sur une colonne échangeuse d’anions (chargée négativement)<br />
et la seule protéine à ne pas se fixer est la tubuline. En sortie <strong>de</strong> colonne, on récupère <strong>de</strong> la<br />
tubuline pure. A partir <strong>de</strong> 6 cerve<strong>au</strong>x <strong>de</strong> porcs, il est possible <strong>de</strong> purifier 60 mg <strong>de</strong> tubuline, à<br />
plusieurs mg/mL. Il est également possible d’éluer la colonne (après passage <strong>de</strong> la tubuline)<br />
par un gradient <strong>de</strong> sels et <strong>de</strong> récupérer ainsi les MAPs, environ 10 mg à 1 mg/mL.<br />
III.1.3 Vésicules Géantes et membranes Golgiennes<br />
III.1.3.1 Electroformation <strong>de</strong> vésicules géantes<br />
La technique utilisée <strong>au</strong> laboratoire pour former <strong>de</strong>s vésicules géantes unilamellaires<br />
(GUVs) est la technique d’electroformation. Développée dans les années 90 par Miglena<br />
Angelova [153], cette technique consiste à étaler une solution <strong>de</strong> lipi<strong>de</strong>s en chloroforme sur<br />
une lame <strong>de</strong> verre ITO (Indium Titane Oxi<strong>de</strong>), et assécher le dépôt dans une enceinte à vi<strong>de</strong><br />
<strong>au</strong> moins 2 heures. Le verre ITO est du verre recouvert d’une fine couche (100 nm) d’Oxi<strong>de</strong><br />
d’Indium Titane (ITO) conductrice. En déposant les lipi<strong>de</strong>s sur cette couche, et une fois le<br />
dépôt sec, il est possible <strong>de</strong> construire une chambre en mettant face à face <strong>de</strong>ux lames ITO<br />
couvertes <strong>de</strong> lipi<strong>de</strong>s, séparées par <strong>de</strong>ux espaceurs <strong>de</strong> téflon <strong>au</strong>tocollant (environ 1 mm) et<br />
<strong>de</strong>ux électro<strong>de</strong>s <strong>de</strong> cuivre <strong>au</strong>tocollant (Radiospare) en contact avec l’ITO. En scellant la<br />
chambre avec <strong>de</strong> la pâte à sceller, et en placant une solution <strong>de</strong> sucrose entre les <strong>de</strong>ux lames,<br />
maintenues par la pâte à sceller, il est possible d’appliquer un champ électrique entre les <strong>de</strong>ux<br />
surfaces couvertes <strong>de</strong> lipi<strong>de</strong>s, par l’intermédiaire <strong>de</strong>s électro<strong>de</strong>s. Le champ électrique déforme<br />
le film hydraté <strong>de</strong> lipi<strong>de</strong>s en « voiles » puis en vésicules géantes <strong>de</strong> 5 à 100 µm. On utilise en<br />
fait une rampe <strong>de</strong> tension sinusoïdale, commençant à 20 mV <strong>de</strong> tension efficace, et finissant à<br />
1,1 V. La rampe fonctionne par paliers <strong>de</strong> 5 minutes (voir figure 43), puis le champs est laissé<br />
à 1,1 volts pendant 2h30. C’est l’étape <strong>de</strong> formation <strong>de</strong>s vésicules. Enfin, on applique une<br />
tension carrée <strong>de</strong> 1,5 V pendant 30 minutes permettant <strong>de</strong> séparer les vésicules formées du<br />
reste du dépôt lipidique.<br />
101
Figure 43 : Rampe <strong>de</strong> tension permettant la croissance puis le décollement <strong>de</strong> vésicules géantes.<br />
La solution dans laquelle poussent les vésicules ne doit pas être saline, car les ions écrantent<br />
le champ électrique et diminue l’efficacité <strong>de</strong> pousse <strong>de</strong>s vésicules. Les vésicules sont donc<br />
électroformées dans une solution <strong>de</strong> sucrose (non ionique) dont la pression osmotique est<br />
ajustée à celle <strong>de</strong> la solution saline dans laquelle les vésicules seront transférées pour<br />
observation (mesures effectuées avec un osmomètre). Typiquement, les solutions salines<br />
utilisées sont <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> 190 mOsm, ce qui correspond à environ 150 mM <strong>de</strong> sucrose.<br />
Le fait d’<strong>au</strong>gmenter la concentration en sucrose nécessite <strong>de</strong> réduire la fréquence <strong>de</strong><br />
pousse du champs électrique sinusoïdal, car la viscosité du milieu <strong>au</strong>gmente légèrement.<br />
Normalement <strong>de</strong> 20 Hz pour les vésicules poussant dans <strong>de</strong>s solutions peu concentrées (voir<br />
figure 43), nous avons utilisé une fréquence <strong>de</strong> 10 Hz pour <strong>de</strong>s pressions osmotiques <strong>de</strong><br />
l’ordre <strong>de</strong> 190 mOsm. Pour la tension carrée, la fréquence reste <strong>de</strong> 4 Hz quelque soit la<br />
concentration en sucrose <strong>de</strong> la solution <strong>de</strong> pousse.<br />
Les protocoles détaillés par la suite seront donnés en anglais, <strong>de</strong> façon à être accessibles à<br />
tous.<br />
III.1.3.2 Purification et biotinylation <strong>de</strong> membranes Golgiennes.<br />
Les membranes golgiennes sont purifiées selon une métho<strong>de</strong> classique par gradient discontinu<br />
<strong>de</strong> sucrose ([154], voir annexe). Une fraction fortement enrichie en membranes <strong>de</strong> l’appareil<br />
<strong>de</strong> Golgi peut-être obtenue à partir <strong>de</strong> foies <strong>de</strong> rat, car les hépatocytes ont un Golgi abondant.<br />
102
Pour cela, les foies fraîchement prélevés sont écrasés sur un tamis fin (160 µm <strong>de</strong><br />
maille), puis le lysat est déposé sur un gradient discontinu <strong>de</strong> Sucrose. Après ultra-<br />
centrifugation, les organites ayant <strong>de</strong>s <strong>de</strong>nsités différentes se répartissent à <strong>de</strong>s interfaces<br />
différentes. L’une d’elle est fortement enrichie en membranes <strong>de</strong> l’appareil <strong>de</strong> Golgi.<br />
L’interface est prélevée, et les membranes sont lavées plusieurs fois par centrifugation. On<br />
obtient typiquement <strong>de</strong>s membranes <strong>de</strong> Golgi enrichies 120 fois, à la concentration protéique<br />
<strong>de</strong> 1,5 mg/mL.<br />
Pour fixer nos moteurs moléculaires sur les membranes Golgiennes, il a fallu les<br />
biotinyler. Pour cela, nous avons établi un protocole proche <strong>de</strong>s biotinylations <strong>de</strong> membranes<br />
plasmiques, mais aboutissant à une biotinylation plus ménagée, conservant mieux les<br />
structures. Voir ci-après :<br />
BIOTINYLATION OF PURIFIED GOLGI MEMBRANES<br />
For 50 µL of Rat Golgi membranes (1.55 mg/mL)<br />
1) Add 950 µL PBS to the 50 µL of RG<br />
2) Make a cushion by dribbling 10 µL of a 1,3 M sucrose PBS solution down<br />
the si<strong>de</strong> of the tube<br />
3) Spin 30’ at 4°C 15300 rpm in an eppendorf centrifuge<br />
4) Resuspend the pellet in 600 µL of 0,1 mg/mL Biotin-NHS in PBS.<br />
5) Incubate on ice from 5’ to 30’<br />
6) Stop the reaction with 720 µL of 20 mM Glycine in PBS (44 mg for 30<br />
mL)<br />
7) Spin on a sucrose cushion as before.<br />
8) Wash two times the pellet with IMI sucrose buffer<br />
9) Resuspend the pellet in 50 µL of IMI sucrose buffer<br />
IMI Sucrose Buffer:<br />
For 50 mL<br />
Sucrose 2.56 g<br />
Imidazole 1M 2,5 mL<br />
NaCl 5M 500 µL<br />
MgCl2 1M 50 µL<br />
EGTA 0,5M 200 µL<br />
Water qsp 50 mL<br />
103
III.1.4 Protocoles pour la formation <strong>de</strong> tubes <strong>de</strong> membrane<br />
par <strong>de</strong>s moteurs moléculaires<br />
III.1.4.1 Protocoles avec billes pour l’extraction <strong>de</strong> tubes à partir <strong>de</strong><br />
GUVs ou <strong>de</strong> membranes biotinylées <strong>de</strong> Golgi.<br />
Ce protocole à d’abord été établi pour <strong>de</strong>s GUVs, puis adapté pour les membranes <strong>de</strong> Golgi.<br />
C’est un protocole qui utilise <strong>de</strong>s billes <strong>de</strong> 100 nm en polystyrène et recouvertes <strong>de</strong><br />
streptavidine (Bangs Lab, USA), pour fixer les kinésines sur la membrane. Il permet la<br />
formation <strong>de</strong> tubes à partir <strong>de</strong> tout type <strong>de</strong> membranes biotinylées que nous avons testés. La<br />
<strong>de</strong>nsité moyenne <strong>de</strong>s moteurs dans nos conditions est d’environ 1500 moteurs par bille.<br />
MAKING TUBES WITH GUVs AND BIOTINYLATED KINESIN<br />
Washing process of coverslipes<br />
1) Put coverslips in Decon 90 (<strong>de</strong>tergent), 2% in distilled water. Heat until boiling.<br />
2) Sonicate in a coverslip sonicator for 5 min.<br />
3) Rince 5 times in distilled water. Heat until boiling in the last wash.<br />
4) Sonicate for 5 min.<br />
5) Rince the coverslips 2 times in 95-96 % ethanol.<br />
6) Store the coverslips at 4°C in 95-96% ethanol.<br />
Building the chamber<br />
7) Dry a coverslip un<strong>de</strong>r a N2 flux.<br />
8) Incubated the coverslip on a drop of 10 times diluted poly-L-lysin (0,1% w/v,<br />
SIGMA) for 5’-10’ on a piece of parafilm in a wet chamber.<br />
9) Rince the coverslip with Milli-Q water. Dry it with N2 flux.<br />
10) Build the chamber as <strong>de</strong>scribed.<br />
104
Ethanol/water washed<br />
sli<strong>de</strong><br />
Coverslip<br />
parafilm<br />
11) Heat the chamber on a heater (temperature between 100-150°C) until the parafilm<br />
melts and sticks the coverglass to the sli<strong>de</strong> (press the coverslip onto the parafilm using<br />
metal tweezers). Take the chamber off the heater and let the temperature <strong>de</strong>crease until<br />
the parafilm starts to solidify again. Then cut with a scalpel the non-used parafilm.<br />
12) Dilute the Microtubules 6 to 10 times in MB buffer. Final volume nee<strong>de</strong>d ~ 35 µL.<br />
Then inject the MTs into the chamber. 5’ incubation.<br />
13) Rince the chamber with 50 µL of IMI buffer (inject at one si<strong>de</strong>, suck out by the other<br />
using filter paper).<br />
14) Inject 50 µL of 5-10 mg/mL Casein (purified from bovine milk, SIGMA) diluted in<br />
IMI buffer. Incubation 10’.<br />
Streptavidin Beads preparation (Streptavidin coated Microspheres 100 nm<br />
diameter, Bangs laboratories, Inc.)<br />
1) Mix 5 µL of Strep Beads with 2.5 µL of 5-10 mg/mL Casein diluted in IMI in a 0.5<br />
mL eppendorf to passivate the beads.<br />
2) Sonicate the tube for 5’ in ice in a sli<strong>de</strong>-sonicator to break bead aggregates.<br />
3) Add 30 µL of IMI buffer.<br />
4) Mix 1 µL of the diluted beads with 5 µL of 1µM Biotinated Kinesin.<br />
5) Incubate the tube for 10’ in ice.<br />
Tube Assay<br />
IMI Buffer:<br />
1) Rince the chamber with 50 µL of MB buffer.<br />
2) Dilute the prepared beads with 44 µL of MB buffer and inject them into the<br />
chamber<br />
3) Inject 2-5 µL of vesicles from the preparation chamber using a capillary mounted<br />
on a cone. Let the vesicles go through the chamber by gravity flow.<br />
50 mM IMIDAZOLE pH 6.7<br />
50 mM NaCl<br />
1 mM MgCl2<br />
2 mM EGTA<br />
105
MB Buffer:<br />
Same as IMI Buffer plus 1 mM ATP, 10 µM TAXOL.<br />
Le protocole pour tirer <strong>de</strong>s tubes <strong>de</strong> membranes à partir <strong>de</strong> membranes Golgiennes a été<br />
légèrement modifié par rapport <strong>au</strong>x GUVs. Il a fallu notamment ajouter du sucrose dans le<br />
tampon IMI pour équilibrer les pressions osmotiques à l’intérieur et à l’extérieur <strong>de</strong>s<br />
membranes Golgiennes. Il a fallu <strong>au</strong>ssi réduire l’épaisseur <strong>de</strong> la chambre car les membranes<br />
étaient plus longues à sédimenter. Enfin, il a fallu multiplier par <strong>de</strong>ux la quantité <strong>de</strong> kinésines<br />
par billes, pour obtenir un nombre <strong>de</strong> tubes équivalent <strong>au</strong>x expériences avec les GUVs.<br />
MAKING TUBES WITH GOLGI PURIFIED MEMBRANES AND BIOTINATED<br />
KINESIN<br />
Wash coverslips as <strong>de</strong>scribed previously<br />
Building the chamber<br />
1) Dry a coverslip un<strong>de</strong>r a N2 flux.<br />
2) Incubated the coverslip on a drop of 10 times diluted poly-L-lysin for 5’-10’ in a wet<br />
chamber.<br />
3) Rince the coverslip with Milli-Q water. Dry it with N2 flux.<br />
4) Build the chamber as <strong>de</strong>scribe.<br />
Ethanol/water washed<br />
sli<strong>de</strong><br />
Coverslip<br />
parafilm<br />
5) Heat the chamber on a heater (temperature between 100-150°C) until the parafilm<br />
melts and sticks the coverslip to the sli<strong>de</strong> (press the coverslip onto the parafilm using<br />
106
metal pliers). Take the chamber off the heater and let the temperature <strong>de</strong>crease until<br />
the parafilm starts to solidify again. Then cut with a scalpel the non-used parafilm.<br />
6) Dilute the Microtubules 5 to 10 times in MB buffer. Final volume nee<strong>de</strong>d ~ 10 µL.<br />
Then inject the MTs into the chamber. 5’ incubation.<br />
7) Rince the chamber with 20 uL of IMI Sucrose buffer (inject at one si<strong>de</strong>, suck out by<br />
the other using filter paper).<br />
8) Inject 20 µL of 5-10 mg/mL Casein diluted in IMI buffer. Incubation 15’.<br />
Streptavidin Beads preparation (Streptavidin coated Microspheres 100 nm<br />
diameter, Bangs laboratories, Inc.)<br />
1) Mix 5 µL of Strep Beads with 2.5 µL of 5-10 mg/mL Casein diluted in IMI in a 0.5<br />
mL eppendorf.<br />
2) Sonicate the tube for 5’ in ice in a sli<strong>de</strong>-sonicator.<br />
3) Add 30 µL of IMI Sucrose buffer.<br />
4) Mix 1 µL of the diluted beads with 10 µL of 1µM Biotinated Kinesin.<br />
5) Incubate the tube for 10’ on ice (while casein is incubating in the chamber).<br />
Tube Assay<br />
6) Mix 1 µL of enriched Golgi Biotinylated membranes (~ 1 mg/mL prot) with kinesin<br />
coated beads. Wait for a few minutes.<br />
7) Rince the chamber with 25 µL of MB buffer.<br />
8) Dilute the prepared beads with 25 µL of MB buffer and inject them into the chamber<br />
IMI Sucrose Buffer:<br />
50 mM IMIDAZOLE pH 6.7<br />
150 mM Sucrose<br />
50 mM NaCl<br />
1 mM MgCl2<br />
2 mM EGTA<br />
MB Buffer:<br />
Same as IMI Sucrose Buffer plus 1 mM ATP, 10 µM TAXOL.<br />
Nous avons ensuite développé un protocole permettant <strong>de</strong> fixer les kinésines <strong>au</strong>x membranes<br />
grâce à la streptavidine seule. La difficulté a été <strong>de</strong> faire en sorte <strong>de</strong> réaliser un complexe lié à<br />
la membrane d’un côté, et lié <strong>au</strong>x kinésines <strong>de</strong> l’<strong>au</strong>tre. En mélangeant simplement la kinésine<br />
et la streptavidine, la majorité <strong>de</strong>s complexes formés <strong>au</strong>raient été <strong>de</strong> type kinésine-<br />
streptavidine-kinésine. Pour éviter cela, nous avons utilisé le fait qu’en absence d’ATP, les<br />
kinésines restent fortement liées <strong>au</strong>x Microtubules. Ainsi, en injectant les moteurs après<br />
fixation <strong>de</strong>s microtubules, puis en lavant la chambre et en injectant <strong>de</strong> la streptavidine<br />
107
fluorescente, il est possible <strong>de</strong> visualiser les microtubules fluorescents (voir article 1). En<br />
injectant <strong>de</strong> l’ATP et <strong>de</strong>s vésicules, on constate que la fluorescence passe progressivement en<br />
solution (les moteurs se détachent <strong>de</strong>s microtubules) puis <strong>au</strong>x membranes. En suivant le<br />
transfert <strong>de</strong> la fluorescence, on suit le transfert <strong>de</strong>s moteurs <strong>de</strong>s microtubules vers les<br />
membranes, et on est sûr d’avoir réaliser le complexe membrane-streptavidine-kinésines. Ce<br />
protocole a été <strong>au</strong>ssi utilisé avec <strong>de</strong>s membranes d’appareil <strong>de</strong> Golgi biotinylées, en respectant<br />
les même différences qu’entre le protocole avec billes pour GUVs et pour Golgi.<br />
COATING VESICLES WITH KINESINS USING STREPTAVIDIN<br />
Washing process of coverslips<br />
1) Put coverslips in Decon 90 (<strong>de</strong>tergent), 2% in distilled water. Heat until boiling.<br />
2) Sonicate in a coverslips sonicator for 5 min.<br />
3) Rince 5 times in distilled water. Heat until boiling in the last wash.<br />
4) Sonicate for 5 min.<br />
5) Rince the coverslipes 2 times in 95-96 % ethanol.<br />
6) Store the coverslipes at 4°C in 95-96% ethanol.<br />
Building the chamber<br />
1) Dry a coverslip un<strong>de</strong>r a N2 flux.<br />
2) Incubated the coverglass on a drop of 10 times diluted poly-L-lysin for 5’-10’ in a wet<br />
chamber.<br />
3) Rince the coverslip with Mq water. Dry it with N2 flux.<br />
4) Build the chamber as <strong>de</strong>scribe.<br />
Ethanol/water washed<br />
sli<strong>de</strong><br />
Coverslip<br />
parafilm<br />
5) Heat the chamber on a becher heater (temperature between 100-150°C) until the<br />
parafilm melts and stucks the coverslip to the sli<strong>de</strong> (press the coverslip onto the<br />
parafilm using metal tweezers). Take the chamber off the heater and let the<br />
temperature <strong>de</strong>crease until the parafilm starts to solidify again. Then cut with a scalpel<br />
the non-used parafilm.<br />
6) Dilute the Microtubules 5 to 10 times in MB buffer. Final volume nee<strong>de</strong>d ~ 35 µL.<br />
Then inject the MTs into the chamber. 5’ incubation.<br />
108
7) Rince the chamber with 50 uL of IMI buffer (inject at one si<strong>de</strong>, suck out by the other<br />
using filter paper).<br />
8) Inject 50 µL of 5-10 mg/mL Casein diluted in IMI buffer. Incubation 10’.<br />
Coating the vesicles with kinesins<br />
1) Wash the chamber with 50 µL of 1 µM biotinated Kinesin diluted 5 times in 10<br />
mg/mL Casein (10 µL of kinesin mixed with 40 µL of Casein in IMI buffer).<br />
2) Incubate the chamber 5-10’ RT.<br />
3) Wash the chamber once with 50 µL IMI buffer.<br />
4) Wash the chamber once with 50 µL 0,1 mg/mL Streptavidin in 5 mg/mL Casein. Wait<br />
for 1 min.<br />
5) Quickly wash the chamber 3 times with 10 µM Taxol IMI buffer<br />
6) Wash the chamber once with 20 µl of MB buffer.<br />
7) Inject 2 to 5 µL of vesicles<br />
8) Wait until the vesicles bind to the surface (10-15’)<br />
III.1.4.2 Protocole adapté pour la microscopie électronique.<br />
Pour pouvoir faire une étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la taille <strong>de</strong>s tubes et <strong>de</strong> la structure du rése<strong>au</strong> en microscopie<br />
électronique, il a fallu procé<strong>de</strong>r à un grand nombre <strong>de</strong> changements dans la conception <strong>de</strong> la<br />
chambre d’observation, pour permettre notamment d’y introduire les grilles <strong>de</strong> microscopie et<br />
réaliser l’expérience sur le collodion recouvrant les grilles <strong>de</strong> microscopie. La métho<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
coloration retenue a été la coloration négative par acétate d’uranyle 1%. Il a fallu remplacer la<br />
caséine, qui permet d’éviter l’adsorption non spécifique, par <strong>de</strong> la bacitracine (petit pepti<strong>de</strong><br />
antibiotique) car la coloration était <strong>de</strong> m<strong>au</strong>vaise qualité en présence <strong>de</strong> caséine. Voici ce<br />
protocole.<br />
109
TRANSMISSION ELECTRONIC MICROSCOPY PREP FOR TUBE ASSAY<br />
1) wash coverslips as <strong>de</strong>scribed in the tube assay protocol<br />
2) prepare a setup as represented below<br />
Whatman filter<br />
Bunzen grid<br />
Water evacuation system<br />
water<br />
3) prepare un<strong>de</strong>r water one coverslip and 4 TEM grids (Copper/Nickel mesh size 300<br />
µm) as <strong>de</strong>scribed below using TEM tweezers:<br />
Whatman filter<br />
Cover sli<strong>de</strong><br />
TEM grid<br />
4) Deposit 2 drops of collodion solution on the water surface and let it polymerise<br />
(1min). Then flush the water out using the water evacuation system until the collodion<br />
film covers the grids/coverslip/whatman.<br />
5) Gently move the grids/cover sli<strong>de</strong>/whatman/collodion to a glass petridish and dry it in<br />
an oven at 60°C (apprx. 10 min).<br />
6) Treat the dried cover sli<strong>de</strong> with poly-L-lysine (SIGMA) as <strong>de</strong>scribed for the tube assay<br />
above (treat just the si<strong>de</strong> covered with grids & collodion). Carefully (the collodion<br />
film sometimes torns up !) wash with MQ water and dry un<strong>de</strong>r N2 flux.<br />
110
7) Build the following chamber:<br />
Spacers of parafilm : 1-2mm<br />
wi<strong>de</strong>, 2 layers thick, separated<br />
by 5 mm. Stick the spacers onto<br />
the sli<strong>de</strong> by melting them on a<br />
heater. Wait until it solidifies<br />
Parafilm spacers<br />
Vacuum grease : note that the grease is there<br />
for maintaining everything together, but still<br />
the chamber can be buit down after the assay.<br />
8) perform the assay as <strong>de</strong>scribed in the tube assay protocol.<br />
9) Check un<strong>de</strong>r microscope that the assay works.<br />
Coverslip with collodion<br />
coated grids. Be careful<br />
of placing the grids insi<strong>de</strong><br />
the chamber<br />
Vacuum grease<br />
Press carefully until the coverslip<br />
touches the spacers<br />
10) Wash the chamber once with 1% w/v uranyl acetate in water, aspirate the remaining<br />
solution out the chamber (dry out the chamber) with a Whatman filter.<br />
11) Disassemble the chamber by removing carefully the cover sli<strong>de</strong>, and remove the grids<br />
one by one, eliminating the remaining uranyl acetate with a whatman filter.<br />
12) Carbonise the grids before observation un<strong>de</strong>r the electron microscope.<br />
111
III.2 Résumé <strong>de</strong> l’article N°1 : ROUX et coll . Proc. Natl.<br />
Acad. Sci. U.S.A., 16 avril 2002: 99 (8): 5394-9. A<br />
minimal system allowing tubulation with Molecular<br />
Motors pulling on Giant Liposomes.<br />
Le but principal <strong>de</strong> cet article a été <strong>de</strong> montrer qu’il était possible, en fixant <strong>de</strong>s moteurs<br />
moléculaires sur une vésicule géante, <strong>de</strong> permettre la formation <strong>de</strong> tubes <strong>de</strong> membranes tirés<br />
le long <strong>de</strong> microtubules. Ainsi, la simple force exercée sur la membrane par <strong>de</strong>s moteurs<br />
moléculaires est suffisante pour la déformer en tube.<br />
En utilisant le protocole avec billes précé<strong>de</strong>mment présenté, nous avons pu observé la<br />
formation <strong>de</strong> rése<strong>au</strong>x <strong>de</strong> tubes à partir <strong>de</strong> vésicules géantes (voir figure 44). Ce processus se<br />
divise en <strong>de</strong>ux phases : durant les premières minutes <strong>de</strong> croissance, <strong>de</strong> nombreux tubes<br />
poussent en même temps, et à une vitesse équivalente à celle <strong>de</strong>s billes libres. Pour <strong>de</strong>s temps<br />
longs, les tubes poussent plus lentement, et sont moins nombreux à pousser. Surtout, leur<br />
croissance est be<strong>au</strong>coup plus fluctuante que dans la première phase, avec <strong>de</strong>s fluctuations<br />
importantes <strong>de</strong> la vitesse instantanée, et <strong>de</strong> nombreux temps d’arrêts. L’hypothèse pour<br />
expliquer ces observations est que l’extraction <strong>de</strong> nombreux tubes provoque l’<strong>au</strong>gmentation<br />
<strong>de</strong> la tension <strong>de</strong> la membrane, ce qui <strong>au</strong>gmente alors la force nécessaire pour tirer les tubes. A<br />
partir d’une force seuil, le rése<strong>au</strong> ne croît plus (voir figure 44).<br />
La simplicité <strong>de</strong> ce système nous a <strong>au</strong>ssi permis <strong>de</strong> dégager quelques explications<br />
physiques et la structure du rése<strong>au</strong> formé. En utilisant le protocole sans billes, nous n’avons<br />
pas obtenu <strong>de</strong> tubes, tout en vérifiant que les moteurs étaient bien fixés sur la membrane.<br />
Nous en avons conclu qu’il était nécessaire <strong>de</strong> concentrer (via les billes) les forces exercées<br />
par plusieurs moteurs en un point précis <strong>de</strong> la membrane pour pouvoir former <strong>de</strong>s tubes. En<br />
effet, comme nous l’avons vu dans le chapitre précé<strong>de</strong>nt, la force nécessaire pour tirer un tube<br />
est <strong>de</strong> l’ordre d’une à plusieurs dizaines <strong>de</strong> pN et nécessite donc plusieurs moteurs. Nous<br />
reviendrons sur ce point dans la discussion.<br />
113
Figure 44 : Croissance d’un rése<strong>au</strong> <strong>de</strong> tube à partir d’une vésicule géante. Durée 15 min, une photo par<br />
minute. Le plan d’observation correspond à la surface <strong>de</strong> la lamelle <strong>de</strong> verre où sont collés les microtubules.<br />
La vésicule apparaît sphérique, hors du plan focal. Dès qu’elle entre en contact avec la surface <strong>de</strong><br />
microtubules, une multitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> tubes se mettent à pousser sur la surface le long <strong>de</strong>s microtubules. Au bout<br />
<strong>de</strong> 6 à 7 minutes, le rése<strong>au</strong> atteint son extension maximale, même si quelques tubes continuent à pousser<br />
durant les minutes suivantes. Barre 10 µm.<br />
La structure du rése<strong>au</strong> formé est quant-à-elle surprenante : nous avons pu montrer par<br />
microscopie électronique et par analyse en fluorescence que le rése<strong>au</strong> était composé <strong>de</strong> tubes<br />
uniques mais également <strong>de</strong> faisce<strong>au</strong>x <strong>de</strong> tubes, tous <strong>de</strong> même diamètre. Or comme nous<br />
l’avons vu <strong>au</strong> chapitre précé<strong>de</strong>nt, les tubes extraits <strong>de</strong> la même vésicule <strong>de</strong>vraient collapser<br />
par leur base pour <strong>de</strong>s raisons énergétiques. Nous ne pouvons pas à l’heure actuelle avancer<br />
<strong>de</strong>s explications certaines expliquant que dans le cas <strong>de</strong>s rése<strong>au</strong>x formés par <strong>de</strong>s moteurs, il<br />
puisse y avoir <strong>de</strong>s faisce<strong>au</strong>x <strong>de</strong> tubes, mais nous avons cependant émis plusieurs hypothèses.<br />
La première est que <strong>de</strong>s tubes émanant d’endroits différents <strong>de</strong> la vésicule peuvent se<br />
rejoindre sur le rése<strong>au</strong> à <strong>de</strong>s distances lointaines <strong>de</strong> la vésicule, empêchant leur collapse, car<br />
leur bases sont trop éloignées. La <strong>de</strong>uxième est que <strong>de</strong>ux tubes émanant du même endroit et<br />
poussant sur le même microtubule, mais qui y sont attachés en <strong>de</strong>s points différents ne<br />
pourront pas collapser (voir figure 5b <strong>de</strong> l’article). Ceci nécessite <strong>de</strong>s interactions entre les<br />
tubes et soit la surface, soit les microtubules.<br />
114
En conclusion, cet article montre qu’il est possible <strong>de</strong> reproduire in vitro l’étape <strong>de</strong><br />
formation et déplacement <strong>de</strong> tubes <strong>de</strong> membranes avec <strong>de</strong>s éléments purifiés. Cette démarche,<br />
qui consiste à reproduire in vitro un phénomène observé in vivo, permet une étu<strong>de</strong> plus<br />
approfondie <strong>de</strong>s caractéristiques physiques <strong>de</strong> systèmes sub-cellulaires. D’<strong>au</strong>tres exemples <strong>de</strong><br />
systèmes biomimétiques plus avancés <strong>au</strong> laboratoire ont déjà permis <strong>de</strong> modéliser et<br />
d’expliquer le déplacement <strong>de</strong>s bactéries dans les cellules [155]. Le but étant à terme <strong>de</strong><br />
montrer qu’une pression <strong>de</strong> sélection s’est exercée sur ces systèmes pour leur conférer <strong>de</strong>s<br />
propriétés physiques particulières adaptées à leur fonction.<br />
115
III.3 Article N°1<br />
117
A minimal system allowing tubulation with molecular<br />
motors pulling on giant liposomes<br />
Aurélien Roux* † , Giovanni Cappello † , Jean Cart<strong>au</strong>d ‡ , Jacques Prost † , Bruno Goud* § , and Patricia Bassere<strong>au</strong> †§<br />
*Laboratoire Mécanismes Moléculaires du Transport Intracellulaire, Unité Mixte <strong>de</strong> Recherche 144 <strong>Centre</strong> National <strong>de</strong> la Recherche ScientifiqueInstitut<br />
Curie, 26 Rue d’Ulm, 75248 Paris Ce<strong>de</strong>x 05, France; † Laboratoire Physico-Chimie Curie, Unité Mixte <strong>de</strong> Recherche 168 <strong>Centre</strong> National <strong>de</strong> la Recherche<br />
ScientifiqueInstitut Curie, 26 Rue d’Ulm, 75248 Paris Ce<strong>de</strong>x 05, France; and ‡ Laboratoire <strong>de</strong> Biologie Cellulaire <strong>de</strong>s Membranes, Institut Jacques Monod,<br />
Unité Mixte <strong>de</strong> Recherche 7592 <strong>Centre</strong> National <strong>de</strong> la Recherche ScientifiqueUniversités Paris 6 et 7, 2 Place Jussieu, 75251 Paris Ce<strong>de</strong>x 05, France<br />
Communicated by Pierre-Gilles <strong>de</strong> Gennes, Ecole Superiéure <strong>de</strong> Physique et Chimie Industrielles, Paris, France, February 22, 2002 (received for review<br />
November 6, 2001)<br />
The elucidation of physical and molecular mechanisms by which a<br />
membrane tube is generated from a membrane reservoir is central<br />
to the un<strong>de</strong>rstanding of the structure and dynamics of intracellular<br />
organelles and of transport intermediates in eukaryotic cells.<br />
Compelling evi<strong>de</strong>nce exists that molecular motors of the dynein<br />
and kinesin families are involved in the tubulation of organelles.<br />
Here, we show that lipid giant unilamellar vesicles (GUVs), to which<br />
kinesin molecules have been attached by means of small polystyrene<br />
beads, give rise to membrane tubes and to complex tubular<br />
networks when incubated in vitro with microtubules and ATP.<br />
Similar tubes and networks are obtained with GUVs ma<strong>de</strong> of<br />
purified Golgi lipids, as well as with Golgi membranes. No tube<br />
formation was observed when kinesins were directly bound to the<br />
GUV membrane, suggesting that it is critical to distribute the load<br />
on both lipids and motors by means of beads. A kinetic analysis<br />
shows that network growth occurs in two phases: a phase in which<br />
membrane-bound beads move at the same velocity than free<br />
beads, followed by a phase in which the tube growth rate <strong>de</strong>creases<br />
and strongly fluctuates. Our work <strong>de</strong>monstrates that the<br />
action of motors bound to a lipid bilayer is sufficient to generate<br />
membrane tubes and opens the way to well controlled experiments<br />
aimed at the un<strong>de</strong>rstanding of basic mechanisms in intracellular<br />
transport.<br />
Biological membranes, such as the endoplasmic reticulum<br />
(ER), the Golgi apparatus, and endosomes, form elaborate<br />
and highly dynamic tubular networks (1, 2). Recently, microscopy<br />
of living cells has illustrated that membrane tubes also<br />
participate in transport events between cellular compartments.<br />
For instance, long-range tubular transport intermediates have<br />
been observed between Golgi and ER and between Golgi and<br />
the plasma membrane, challenging the classical notion of small<br />
spherical vesicles as the sole transport intermediates (3–8).<br />
The formation and movement of membrane tubes in animal<br />
cells is thought to involve an interaction of the membranes with<br />
the cytoskeleton, especially the microtubule network (9). Numerous<br />
experiments, in vitro and in vivo, suggest a direct role of<br />
microtubules in the formation of the endoplasmic reticulum and<br />
Golgi membrane networks (9–11). Microtubule-<strong>de</strong>pen<strong>de</strong>nt tubulation<br />
of Golgi and endosomal membranes is amplified after<br />
the treatment of cultured cells with the fungal metabolite<br />
brefeldin A (BFA) (12, 13). The interactions of membranes with<br />
microtubules are mediated by several classes of proteins, notably<br />
motor proteins of the dynein and kinesin families (14). The<br />
involvement of these motors in the movement of various organelles,<br />
including transport intermediates and cellular structures,<br />
along microtubules is now well established. Their role in<br />
the formation of membrane tubes is less clear, but it has been<br />
reported that BFA-induced tubulation of Golgi membranes<br />
requires both in vivo and in vitro microtubule-based motor<br />
activity (11, 15). It should be pointed out that several proteins<br />
involved in membrane fission events, such as endophilin, amphiphysin,<br />
and the GTPase dynamin, have been shown to induce<br />
the formation of tubules from liposomes in vitro (16–18). These<br />
proteins can directly bind to membranes by means of lipid<br />
binding domains. Whether these proteins are necessary for<br />
allowing motors to pull tubes in vivo is however still unclear.<br />
Membrane tubes can also be pulled out from membranes of<br />
controlled lipid composition by hydrodynamic flow (19) and by<br />
direct manipulation, using either micropipettes (20, 21) or<br />
optical tweezers (22). These systems have been useful in un<strong>de</strong>rstanding<br />
the physics of membrane tube formation (19, 20, 23,<br />
24). However, the growth rates of the membrane tubes in these<br />
systems are in the range of a few tens to a few hundred<br />
micrometers per second, values that are significantly higher than<br />
the growth rates of tubes generated by motor proteins pulling on<br />
biological membranes in vivo [in the range of 1–2 ms (5–8)].<br />
This rate of in vivo membrane movement corresponds well to the<br />
rates of in vitro motility of kinesin motors (the fastest—<br />
Neurospora kinesin—has a velocity value of about 2.6 ms; see<br />
ref. 25).<br />
The goal of this study was to <strong>de</strong>termine whether binding a<br />
motor protein to a lipid bilayer would be sufficient to generate<br />
membrane tubes. We show that a lipid reservoir, kinesin-coated<br />
beads, microtubules, and ATP provi<strong>de</strong> a minimal system for<br />
generating tubular structures that resemble tubes observed in<br />
vitro with complex biological membranes (9–11).<br />
Materials and Methods<br />
Reagents. Egg phosphatidylcholine (EPC), cholesterol, and<br />
N-biotinyl-dioleyl-phosphoethanolamine (Biot-DOPE) were<br />
purchased from Avanti Polar Lipids. -BODIPY 530550<br />
C5-hexa<strong>de</strong>canoyl phosphatidylcholine, -BODIPY 581591 C5hexa<strong>de</strong>canoyl<br />
phosphatidylcholine, cholesteryl BODIPY 542563<br />
C11, and cholesteryl BODIPY Fl C12 were obtained from Molecular<br />
Probes. All chemicals were purchased from Sigma Aldrich except<br />
ATP, GTP, and a<strong>de</strong>nosine 5[,-imido]triphosphate (AMP-PNP),<br />
which were purchased from Roche Molecular Biochemicals.<br />
Streptavidin beads (100 nm) were purchased from Bangs Laboratories<br />
(Carmel, IN). Biotinylated hemagglutinin-kinesin (a gift of F.<br />
Nédélec, European Molecular Biology Laboratory, Hei<strong>de</strong>lberg)<br />
was purified as <strong>de</strong>scribed (26). By dividing the number of kinesins<br />
by the number of beads, the number of kinesin molecules per bead<br />
was estimated at approximately 1,500.<br />
Giant Unilamellar Vesicles (GUVs). GUVs were prepared by the<br />
electroformation technique (27). Rat liver Golgi membranes<br />
were purified according to a standard procedure (28). Golgi<br />
lipids were then prepared as <strong>de</strong>scribed (29).<br />
Abbreviations: GUV, giant unilamellar vesicle; EPC, egg phosphatidylcholine; IMI, imidazole;<br />
DIC, differential interference contrast.<br />
§ B.G. and P.B. contributed equally to this work.<br />
To whom reprint requests should be addressed. E-mail: bruno.goud@curie.fr or<br />
patricia.bassere<strong>au</strong>@curie.fr.<br />
The publication costs of this article were <strong>de</strong>frayed in part by page charge payment. This<br />
article must therefore be hereby marked “advertisement” in accordance with 18 U.S.C.<br />
§1734 solely to indicate this fact.<br />
5394–5399 PNAS April 16, 2002 vol. 99 no. 8 www.pnas.orgcgidoi10.1073pnas.082107299
Assay for Tube Formation. Coverslips were washed for 5 min in<br />
sulfochromic acid, rinsed 4–6 times in milliQ water, once in 95%<br />
ethanol, and stored at 4°C in ethanol. A coverslip was then dried<br />
un<strong>de</strong>r a nitrogen flux and incubated for 1 to 2 min in a<br />
poly(L-lysine) solution (0.01% wtvol). A flow chamber was<br />
built by intercalating two sheets of parafilm between this poly(Llysine)-coated<br />
coverslip and a clean sli<strong>de</strong>. The chamber was<br />
finalized by heating the stack for a few seconds at 100–150°C on<br />
a heater plate. Its volume was approximately 25 l. Diluted<br />
microtubules in IMI buffer (50 mM imidazole, pH 6.750 mM<br />
NaCl2 mM EGTA1 mM MgCl2) were injected into the<br />
chamber and incubated for a few minutes. The chamber was<br />
rinsed with 50 l of IMI buffer and rinsed with 50 lof5mgml<br />
casein diluted in IMI buffer. After a 15-min incubation, the<br />
chamber was rinsed with 50 l of MB buffer (IMI buffer plus 1<br />
mM ATP and 10 M Taxol). Streptavidin beads (5 l) mixed<br />
with 2.5 l of5mgml casein were sonicated for 15 min on ice.<br />
IMI buffer (30 l) was ad<strong>de</strong>d to the beads, and 1 l of this<br />
mixture was mixed and incubated for a few minutes with 5 l of<br />
1 M biotinylated kinesins. Then, 44 l of MB buffer was ad<strong>de</strong>d<br />
to the kinesin-coated beads, and the chamber was filled with this<br />
mixture. GUVs (1–5 l) were injected into the chamber and<br />
allowed to sediment on the coated coverslip.<br />
A similar assay was used for biotinylated Golgi membranes<br />
except that a smaller chamber volume (12 l) and twice as many<br />
kinesins per bead were used for pulling out tubes.<br />
Tube Imaging. Tubes were visualized by fluorescence confocal<br />
microscopy, differential interference contrast (DIC) microscopy,<br />
and reflection interference contrast microscopy (RICM) (30).<br />
The fluorescence intensity profiles of tubes were measured on<br />
digital confocal images. The maximum was taken as the value of<br />
the fluorescence intensity of one tube. To avoid any saturation<br />
or nonlinear effect, highly fluorescent tubes were omitted. On<br />
each network of tubes, all intensity values were normalized by<br />
dividing by the smallest intensity value. This operation was<br />
repeated on many images to obtain an accurate estimation of the<br />
fluorescence distribution.<br />
Electron Microscopy. We built a chamber ma<strong>de</strong> of four 300-m<br />
mesh grids aligned in the middle of a coverslip, covered with a<br />
collodion film, and dried at 60°C. The coverslip was incubated<br />
for 1 min with poly(L-lysine), washed in water, and dried un<strong>de</strong>r<br />
a nitrogen flux. A sli<strong>de</strong> was then prepared with 2 spacers ma<strong>de</strong><br />
of 2 parafilm layers each and fixed by melting with a heater. After<br />
solidification of the spacers, the coverslip was assembled on<br />
them, keeping the grids aligned between the spacers and fixed<br />
with vacuum grease. The assay was then performed as <strong>de</strong>scribed<br />
above. To avoid nonspecific adsorption onto the glass, 10 gml<br />
of bacitracin in IMI buffer was used instead of casein. Negative<br />
staining was achieved by rinsing the chamber with 100 l of1%<br />
(wtvol) uranyl acetate in water and drying with a Whatman<br />
filter paper. The chamber was opened, and the grids were<br />
removed from the coverslip. Carbon was then evaporated onto<br />
the grids. Grids were observed in a Philips (Eindhoven, The<br />
Netherlands) EM 12 electron microscope fitted with a LaB 6<br />
filament and operating at 80 kV. Micrographs were taken on<br />
Kodak electron microscope films.<br />
Results<br />
Biotinylated kinesins (consisting of the motor domain of Drosophila<br />
melanogaster kinesin) were attached to the membrane of<br />
biotinylated GUVs (diameter ranging from 5 to 50 m) by means<br />
of 100-nm polystyrene beads coated with streptavidin. The assay<br />
was first <strong>de</strong>veloped by using lipid bilayers consisting of 95% EPC<br />
and 5% biotinylated dioleyl-phosphoethanolamine (Biot-<br />
DOPE). GUVs and the kinesin-coated beads were injected into<br />
a chamber coated with Taxol-polymerized microtubules, and the<br />
chamber was filled with a buffer containing 1 mM ATP. Approximately<br />
10 min after injection, membrane tubes started to<br />
form (Fig. 1 a and b). Once generated, tubes continued to grow<br />
along the microtubules. Si<strong>de</strong> branching events at the intersections<br />
of the un<strong>de</strong>rlying microtubule network were subsequently<br />
observed (Fig. 1 a and b), leading to the formation of a network<br />
of membrane tubes (Fig. 2a) often extending over 50 m from<br />
the GUVs. No tubes were observed in the absence of either<br />
kinesin molecules or ATP (data not shown), indicating that tubes<br />
form through the action of kinesin. Fig. 1c illustrates a tube with<br />
two beads at its tip, with additional beads distributed along the<br />
tube. The beads are in fact required for tube formation, as<br />
<strong>de</strong>monstrated in the following way. To allow direct binding of<br />
kinesin to the membrane, we exploited the fact that kinesins are<br />
not released from microtubules in the absence of ATP (Fig. 1d<br />
Left). Kinesins and fluorescent Cy3-labeled streptavidin were<br />
sequentially injected into the chamber in the absence of ATP,<br />
leading to the formation of streptavidinkinesin complexes<br />
bound to microtubules. After injection of GUVs and ATP,<br />
kinesins <strong>de</strong>tached from microtubules and bound to the lipid<br />
bilayer, as <strong>de</strong>monstrated by the transfer of fluorescence from<br />
microtubules to the GUVs (Fig. 1d Center). Un<strong>de</strong>r these conditions,<br />
no tubes were observed up to 1hafterinjection (Fig. 1d<br />
Right). By reducing 100-fold the amount of biotinylated lipids<br />
incorporated in the bilayer, we were able to show that the<br />
absence of tube formation was not bec<strong>au</strong>se of a high membrane<br />
rigidity resulting from <strong>de</strong>nse streptavidin grafting. On the other<br />
hand, tubes could be formed from these GUVs when kinesincoated<br />
beads were ad<strong>de</strong>d (data not shown).<br />
Membrane tubes can be readily observed by confocal fluorescence<br />
microscopy if fluorescent lipids are incorporated into<br />
the vesicles. As shown in Fig. 2 a and b, the membrane tubes<br />
showed a broad distribution in fluorescence intensity. The<br />
histogram of the normalized intensities is discontinuous, and<br />
only multiples of a unitary value are seen (Fig. 2d). Such a<br />
distribution implies that some tubes are either multilamellar or<br />
composed of bundles of unitary tubes. To <strong>de</strong>fine the precise<br />
structure of the network, we analyzed it by transmission electron<br />
microscopy (Fig. 2 e–g). Single tubes had a constant diameter<br />
(40 10 nm), a value close to that estimated for membrane tubes<br />
in vivo. Interestingly, two or more tubes were frequently observed<br />
aligned along a single microtubule (Fig. 2g), suggesting<br />
that tubes of high fluorescent intensity (see Fig. 2 a and b) in fact<br />
represent bundles of several tubes. This hypothesis is supported<br />
by the fact that the tubes with the highest fluorescence intensity<br />
often split into several tubes of lower intensity (Fig. 2b). In<br />
addition, growth or retraction of a tube along another tube was<br />
frequently observed (Fig. 2c).<br />
Based on growth velocity measurements, we were able to<br />
distinguish two phases in the formation of a tubular network. At<br />
the first phase (I), the average growth velocity was 340 40<br />
nms, a value close to that measured for kinesin-coated beads<br />
moving along microtubules in the absence of membranes (Fig.<br />
3a). During this phase, the length of a tube increases essentially<br />
linearly with time (Fig. 3c). Phase I corresponds to the time<br />
following the emergence of tubes from a given vesicle, up to the<br />
beginning of network formation (see Fig. 1a). Network growth<br />
then enters gradually in a second phase (phase II) in which the<br />
average velocity <strong>de</strong>creased by a factor of two as compared with<br />
phase I (Fig. 3g, EPC I and II). The observation of single tubes<br />
shows a slowing of growth, and even a complete stop, after a<br />
growth period at constant velocity (data not shown). Moreover,<br />
the instantaneous velocity of the tip of the tube (Fig. 3f)<br />
fluctuated to a much greater extent than in phase I (Fig. 3d),<br />
where the fluctuations were similar to those of a kinesin-coated<br />
bead not bound to GUVs moving along a microtubule (Fig. 3b).<br />
Phase II corresponds to a progressive <strong>de</strong>nsification of the<br />
network, and the number of growing tubes gradually <strong>de</strong>creased.<br />
Roux et al. PNAS April 16, 2002 vol. 99 no. 8 5395<br />
CELL BIOLOGY
Fig. 1. Formation of tubes and networks from EPC GUVs. (a) DIC images recor<strong>de</strong>d with a charge-coupled <strong>de</strong>vice camera (time lapse, 12 s) showing several tubes<br />
growing simultaneously from GUVs (bright spherical objects visible at the bottom of the image). Branching events occur on images 1, 4, and 5, leading to the<br />
formation of a network (images 6–9). (b) DIC images (time lapse, 7 s) showing a tube growing along a microtubule that splits into 2 tubes at the intersection<br />
of 2 microtubules (image 7). A retraction event is visible on images 12 and 13, followed by further growth (images 14–18). Black arrows point to microtubules.<br />
(c) Tube growth observed by reflection interference contrast microscopy. Beads appear black or white <strong>de</strong>pending on their distance to the substrate. Two beads<br />
(gray arrow) are visible at the tip of a growing tube. Beads are also present along the tube (white arrow) growing on a microtubule (black arrow). (d) Tubes do<br />
not form in the absence of beads. From Left to Right: without ATP, biotinylated kinesins-fluorescent Cy3 streptavidin complexes were fixed on the microtubule<br />
network. In the presence of 1 mM ATP, the complexes were transferred onto the GUV (Center). Absence of tubes growing from a GUV as shown by DIC microscopy<br />
(Right). [Bar 5 m.]<br />
No significant, further growth activity was <strong>de</strong>tected 30–60 min<br />
after the beginning of the experiment, which was not a result of<br />
ATP exh<strong>au</strong>stion (data not shown).<br />
We next tested the influence of the lipid composition of the<br />
membrane on the generation of tubes. The addition of cholesterol<br />
(from 16 to 50% no.no., in the initial lipid solution) to the<br />
EPC bilayer did not significantly change either the growth<br />
velocity (Fig. 3g, Chl) or the diameter of the fluorescent tubes<br />
(data not shown). To obtain a more complex lipid composition,<br />
GUVs were ma<strong>de</strong> of lipids prepared from purified rat liver Golgi<br />
membranes (GPL, Golgi-purified lipid). Golgi lipids are composed<br />
of 50% (no.no.) phosphatidylcholine, 20% phosphoethanolamine,<br />
6% phosphatidylserine, 12% phosphatidylinositol,<br />
8% sphingomyelin, and cholesterol (lipid ratio 0.16) (29, 31).<br />
Kinetic parameters comparable to the ones found with EPC<br />
GUVs were obtained, in particular for velocity values during<br />
phases I and II (Fig. 3g, GPL I and II). In addition, Golgi lipid<br />
GUVs also gave rise to networks consisting of bundles of<br />
membrane tubes.<br />
Finally, we wished to <strong>de</strong>termine whether tubes could be<br />
obtained by binding the kinesin-coated beads to membrane<br />
proteins instead of lipids. For this purpose, purified rat liver<br />
Golgi membranes were incubated with N-hydroxysuccinimi<strong>de</strong>biotin,<br />
a reagent that biotinylates amino groups in proteins. The<br />
addition of kinesin-coated beads led to the formation of tube<br />
networks resembling those <strong>de</strong>scribed above (Fig. 4). However, a<br />
phase I dynamic was not observable. Rather, the growth velocity<br />
of the tubes resembled that of phase II in GUVs (Fig. 3g, Gol).<br />
Bundles of tubes were also present in the preparations. In control<br />
experiments, tube formation was not observed when biotinylated<br />
Golgi membranes were incubated in buffer alone.<br />
Discussion<br />
The minimal system <strong>de</strong>scribed above has two dynamic regimes.<br />
When the growth velocity of tubes is nearly i<strong>de</strong>ntical to the<br />
velocity of a free bead (phase I in our assay), this implies that<br />
the force experienced by individual motors is smaller than 1 pN<br />
(32). In our assay, the velocity is such that the force necessary<br />
5396 www.pnas.orgcgidoi10.1073pnas.082107299 Roux et al.
Fig. 2. Tube networks. (a and b) Fluorescence confocal microscopy of EPC<br />
tubes containing 1% (no.no.) fluorescent BODIPY 530550 C5-HPC. A single<br />
representative confocal section is shown in a (the GUV appears out of focus).<br />
(c) Sequence showing the growth of a fluorescent tube along another tube<br />
(time lapse, 30 s). (d) Histogram of the normalized fluorescence intensities (NI),<br />
showing the discrete distribution of the fluorescence intensities of approximately<br />
150 tubes. (e–g) Transmission electron microscopy images of EPC tubes<br />
(N); (e) Network of membrane tubes (white arrow) growing on a microtubule<br />
network (black arrow). The GUVs are no longer visible, probably bec<strong>au</strong>se of<br />
washing out during the staining process. (f) A single tube aligned along a<br />
microtubule. The estimated diameter of this tube is 47 nm. (g) Bundles of 2<br />
tubes on a microtubule. [Bars 5 m (for a, b, and e) and 0.5 m (f and g)].<br />
for pulling a tube can be estimated from static arguments (20):<br />
f r 2r, in which is the membrane tension, and<br />
r (2) 1/2 is the tube radius ( is the membrane-bending<br />
rigidity modulus). Based on values of 4 10 20 J for pure<br />
Fig. 3. Kinetics of tube growth. Typical length (L) vs. time (t) and corresponding<br />
instantaneous velocity (V) vs. time (t) plots, for, respectively: (a and b) a<br />
free bead in a standard motility assay performed un<strong>de</strong>r the same conditions<br />
(L corresponding to the distance covered by the bead); (c and d) an EPC tube<br />
in phase I; (e and f) an EPC tube in phase II. (g) Average velocities: free bead<br />
(Bd), EPC lipid tubes in phases I and II (EPC), Golgi-purified lipid tubes (GPL) in<br />
phases I and II, biotinylated purified Golgi membranes in phase II (Gol), and<br />
EPC lipids with the addition of 50% (no.no.) cholesterol (Chl) in phase II.<br />
phospholipids and r 20 nm from electron microscopy measurement,<br />
we obtain f 12 pN. From geometrical arguments<br />
based on motor steric exclusion, bead curvature, and microtubule<br />
diameter (33), the number of motors likely to interact<br />
simultaneously with a microtubule at any given time can be<br />
estimated to be between 10 to 20. Therefore, the load per motor,<br />
assuming that pulling is carried out by a single bead, is of the<br />
or<strong>de</strong>r of or smaller than 1 pN. After a few minutes, the growth<br />
regime gradually reaches a second stage, in which tube growth<br />
velocity is reduced by a factor of two. This observation indicates<br />
that each individual motor experiences a force about half stall<br />
force (2–3 pN) (32). Such an increase in force may result from<br />
an increase in membrane tension, likely c<strong>au</strong>sed by membrane<br />
extraction from GUVs (34). A high initial tension of the purified<br />
Golgi membrane could explain why phase I is not observed in<br />
this system. The velocity fluctuations in phase II (Fig. 3f) could<br />
reflect either fluctuations in tension (35, 36) or fluctuations in<br />
Roux et al. PNAS April 16, 2002 vol. 99 no. 8 5397<br />
CELL BIOLOGY
Fig. 4. DIC microscopy images of the network extracted from biotinylated rat<br />
liver Golgi stacks. [Bar 5 m.]<br />
the number of motors working at a given time in a high-tension<br />
condition.<br />
A striking finding is that beads linking motor proteins to the<br />
membrane bilayer seem to be a key element in our assay. Un<strong>de</strong>r<br />
a load of a few pN, single phospholipid molecules are extracted<br />
from a membrane in a few seconds (36), and motors <strong>de</strong>tach from<br />
the microtubule at even higher rates (37). On the other hand, it<br />
takes more than a minute to pull out a 30-m-long tube (36).<br />
Therefore, the role of beads could be to distribute the load<br />
among a large number of lipids and motors, thus avoiding lipid<br />
extraction or motor <strong>de</strong>tachment. It is also important to emphasize<br />
that the binding of several motors to a bead increases its<br />
processivity. How motors bind to biological membranes is still<br />
poorly un<strong>de</strong>rstood, but it has been reported that a kinesin<br />
(KIF13A) directly interacts with coat proteins (38), large cytosolic<br />
complexes that are recruited onto membranes and play an<br />
essential role in the formation of transport intermediates in cells<br />
(39, 40). A tentative extrapolation of our results is that coat<br />
protein complexes, by forming patches on the membranes, fulfil<br />
a role similar to that of the beads in our assay. Lipid subdomains,<br />
such as <strong>de</strong>tergent-resistant membranes (rafts), could also have<br />
the same function, if motors can directly bind to them. Interestingly,<br />
a kinesin (KIFC3) that associates with triton-insoluble<br />
membranes has been recently characterized (41).<br />
Another interesting observation is the existence of bundles of<br />
tubes in the network, in apparent contradiction with elastic<br />
energy minimization, which predicts that tubes elongated from<br />
the same GUV should coalesce once generated [I. Derényi,<br />
personal communication (21)]. One possible explanation is that<br />
tubes originating from different points on the GUV membrane<br />
form bundles bec<strong>au</strong>se of the topology of the un<strong>de</strong>rlying microtubules<br />
network, allowing bundles to form far enough from the<br />
base of the vesicle (Fig. 5a). However, most of the bundles that<br />
we observed are localized very close to the GUV (see Fig. 2a).<br />
In this case, bundles of tubes could be formed if tubes connect<br />
at different points to the same microtubule (Fig. 5b). Attractive<br />
interactions between tubes and microtubules should then stabilize<br />
the first points of contact, preventing tube coalescence.<br />
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Fig. 5. Possible mechanisms for the formation of bundles in the network. (a)<br />
Single tubes, originating from different points of the same vesicle and moving<br />
along different microtubules, converge at a distance from the vesicle on a<br />
single microtubule and form bundles. (b) Single tubes can also grow along the<br />
same microtubule and form bundles near the GUV membrane if weak interactions<br />
exist between tubes and microtubules. The contact points (gray arrows)<br />
of the two tubes with the microtubule should be distant enough to<br />
prevent tubes from coalescence.<br />
In conclusion, our work <strong>de</strong>monstrates that the action of motor<br />
proteins is sufficient to produce membrane tubules from a lipid<br />
bilayer. That tubes have been obtained with GUVs of complex<br />
lipid composition, as well as with purified Golgi membranes,<br />
indicates that this assay will be worthwhile for <strong>de</strong>termining the<br />
pertinent biophysical parameters and for addressing the role of<br />
lipid domains and protein coats in the events un<strong>de</strong>rlying the<br />
tubulation of biological membranes. It will be also interesting to<br />
investigate how growing tubules can <strong>de</strong>tach (fission event) from<br />
the membrane reservoir.<br />
We thank F. Nédélec for kindly providing the kinesin plasmid; F.<br />
Jülicher, I. Derényi, and M. Dogterom for stimulating discussions; J.<br />
Pécré<strong>au</strong>x and L. Legoff for their assistance in data processing; and B.<br />
Antonny, M. Bornens, D. Cassel, D. Chatenay, P. Chavrier, B. Hoflack,<br />
L. Johannes, R. McDermott, F. Nédélec, F. Perez, and T. Surrey for<br />
critical reading of the <strong>manuscript</strong>. This work was supported by grants<br />
from the <strong>Centre</strong> National <strong>de</strong> la Recherche Scientifique (Program<br />
Physique et Chimie du Vivant), the Institut Curie, and the Association<br />
pour la Recherche Contre le Cancer.<br />
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Roux et al. PNAS April 16, 2002 vol. 99 no. 8 5399<br />
CELL BIOLOGY
III.4 Discussions et expériences complémentaires.<br />
III.4.1 Nombre <strong>de</strong> moteurs nécessaires et rôle <strong>de</strong>s agrégâts<br />
<strong>de</strong> moteurs dans la formation <strong>de</strong>s tubes.<br />
III.4.1.1 Nombre <strong>de</strong> moteurs dans le cas <strong>de</strong>s expériences avec billes<br />
Connaître le nombre <strong>de</strong> moteurs qui tirent en même temps est une donnée importante,<br />
car elle permet d’estimer la force nécessaire pour tirer le tube. Cela peut permettre <strong>au</strong>ssi <strong>de</strong><br />
connaître la raison <strong>de</strong> l’apparition <strong>de</strong>s fortes fluctuations dans la vitesse instantanée, <strong>au</strong> cours<br />
<strong>de</strong> la <strong>de</strong>uxième phase <strong>de</strong> croissance <strong>de</strong>s tubes.<br />
Par un calcul simple, il est possible <strong>de</strong> montrer que dans le cas <strong>de</strong>s expériences<br />
réalisées avec les billes <strong>de</strong> 100 nm recouvertes <strong>de</strong> streptavidine, la <strong>de</strong>nsité <strong>de</strong> streptavidine<br />
étant <strong>de</strong> 3000 sites par bille, 1000 à 2000 moteurs <strong>au</strong> maximum se fixent par bille. Il suffit<br />
pour cela <strong>de</strong> diviser le nombre <strong>de</strong> moteurs par le nombre <strong>de</strong> billes présentes dans la solution.<br />
Tous les moteurs ne se fixant pas, on obtient une valeur maximale. Il est difficile <strong>de</strong> vérifier<br />
que tous les moteurs sont bien fixés, mais le fait que le nombre total <strong>de</strong> sites présents sur les<br />
billes soit <strong>de</strong>ux fois plus important que le nombre <strong>de</strong> moteurs montre que les moteurs ne<br />
peuvent pas saturer les sites d’une bille, lui permettant <strong>de</strong> se lier <strong>au</strong>ssi <strong>au</strong>x biotines <strong>de</strong> la<br />
membrane lipidiques.<br />
Par un calcul géométrique plus complexe, Imre Derenyi et Jacques Prost ont estimé le<br />
nombre <strong>de</strong> moteurs liés à une bille et marchant en même temps sur un microtubule à un<br />
maximum <strong>de</strong> 20. Une expérience simple permet <strong>de</strong> vérifier si l’ordre <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> ce chiffre<br />
est correct. il suffit <strong>de</strong> diviser la <strong>de</strong>nsité <strong>de</strong> moteurs par billes jusqu’à trouver une <strong>de</strong>nsité ne<br />
permettant pas la formation <strong>de</strong> tubes. Le table<strong>au</strong> 1 donne les résultats obtenus.<br />
On observe une absence <strong>de</strong> rése<strong>au</strong> pour une <strong>de</strong>nsité 10 fois inférieure à la <strong>de</strong>nsité<br />
normale. Ce qui laisse imaginer, comme la force nécessaire pour former un tube est d’<strong>au</strong><br />
moins 3 moteurs (voir chapitre précé<strong>de</strong>nt), que le nombre <strong>de</strong> moteurs travaillant en même<br />
temps pour cette <strong>de</strong>nsité est inférieur ou égal à trois. Ce qui donne un nombre <strong>de</strong> moteurs<br />
travaillant en même temps inférieur ou égal à 30, qui est très proche <strong>de</strong> l’estimation<br />
précé<strong>de</strong>nte.<br />
125
<strong>de</strong>nsité<br />
estimée <strong>de</strong><br />
moteurs n/bille<br />
nombre estimé <strong>de</strong><br />
moteurs travaillant<br />
en même temps<br />
n/bille<br />
Observations sur la croissance <strong>de</strong>s tubes<br />
1500 20 apparition <strong>de</strong>s tubes en moins <strong>de</strong> 5 minutes.<br />
Nombreux rése<strong>au</strong>x très développés.<br />
300 4 retard à l’apparition <strong>de</strong>s tubes : il f<strong>au</strong>t environ une<br />
20aine <strong>de</strong> minutes pour voir les premiers tubes.<br />
Rése<strong>au</strong>x cependant bien développés.<br />
150 2 Un tube a poussé à partir <strong>de</strong> quelques vésicules<br />
après 30 minutes. Pas <strong>de</strong> rése<strong>au</strong>x<br />
75 1 Pas <strong>de</strong> croissance<br />
Table<strong>au</strong> 1 Effet <strong>de</strong> la <strong>de</strong>nsité <strong>de</strong> moteurs sur la croissance <strong>de</strong>s tubes<br />
Il est important <strong>de</strong> constater que dans les conditions standards <strong>de</strong> l’expérience, le<br />
nombre <strong>de</strong> moteurs est bien supérieur à celui nécessaire pour former et allonger un tube (20<br />
comparé à 3). Ce qui explique la profusion <strong>de</strong> tubes. Cependant, dans la <strong>de</strong>uxième phase <strong>de</strong><br />
croissance, la vitesse instantanée varie be<strong>au</strong>coup. Ces fluctuations <strong>de</strong> la vitesse instantanée<br />
pourraient être le reflet <strong>de</strong> fluctuations <strong>de</strong> la force nécessaire pour tirer le tube (liées <strong>au</strong>x<br />
fluctuations <strong>de</strong> la tension <strong>de</strong> la membrane), ou du nombre <strong>de</strong> moteurs tirant à un instant donné<br />
le tube. Une étu<strong>de</strong> plus quantitative en cours et réalisée par Cécile Leduc <strong>au</strong> laboratoire<br />
permet <strong>de</strong> répondre à la question <strong>de</strong> la fluctuation du nombre <strong>de</strong> moteurs. Les fluctuations <strong>de</strong><br />
la tension pourrait être liées à l’ouverture transitoire <strong>de</strong> pores permettant <strong>de</strong> relaxer la tension<br />
lorsque celle-ci dépasse une tension critique [156].<br />
III.4.1.2 Rôle <strong>de</strong>s agrégâts <strong>de</strong> moteurs dans la formation <strong>de</strong>s tubes <strong>de</strong><br />
membranes<br />
Nous avons montré dans cet article que sans billes il nous était impossible <strong>de</strong> former<br />
<strong>de</strong>s tubes. Nous en avions conclu sur la nécessité <strong>de</strong> concentrer les moteurs en un point <strong>de</strong> la<br />
membrane via les billes pour former les tubes. Cependant, Gerbrand Koster et Martijn Van<br />
126
Duijn dans le laboratoire <strong>de</strong> Marileen Dogterom à Amsterdam, ont montré qu’il était possible,<br />
avec exactement les mêmes éléments, mais un protocole différent, <strong>de</strong> former <strong>de</strong>s tubes <strong>de</strong><br />
membranes sans les billes, simplement en fixant les moteurs avec <strong>de</strong> la streptavidine [157].<br />
La différence principale entre leur protocole et le notre est qu’ils mélangent tous les élements<br />
séquentiellement dans un tube eppendorf avant injection dans la chambre. Cependant, ils<br />
proposent, puisqu’il est nécessaire d’avoir plusieurs moteurs pour former un tube, que les<br />
agrégats <strong>de</strong> moteurs puissent se former dynamiquement <strong>au</strong> bout du tube et expliquent grâce à<br />
un modèle simple (voir plus bas) qu’<strong>au</strong> <strong>de</strong>ssus d’une certaine <strong>de</strong>nsité membranaire seuil <strong>de</strong><br />
moteurs, il y a toujours formation <strong>de</strong> tubes. L’hypothèse <strong>de</strong> base est que les moteurs qui sont<br />
en bout <strong>de</strong> tube sont freinés par la force <strong>de</strong> traction du tube, alors que les moteurs en aval sur<br />
le tube se déplacent librement vers le bout du tube, et rattrapent les moteurs <strong>de</strong> tête, formant<br />
un agrégat (voir figure 45). Dans ce modèle, les moteurs ne restent pas en permanence<br />
attachés <strong>au</strong> microtubule, et la probabilité <strong>de</strong> décrochement dépend <strong>de</strong> la force appliquée sur<br />
chaque moteur. Il est également supposé que la force est également répartie sur chaque<br />
moteur. Pour comprendre les différences entre les protocoles, nous avons réalisé une série<br />
d’expériences croisées (produits et protocoles) avec l’équipe <strong>de</strong> Marileen Dogteröm qui a<br />
abouti à la conclusion que la différence entre nos expériences et les leurs est qu’ils obtiennent<br />
<strong>de</strong>s <strong>de</strong>nsités <strong>de</strong> moteurs supérieures à celle obtenues avec notre protocole. Les faibles <strong>de</strong>nsités<br />
<strong>de</strong> moteurs dans nos expériences sont probablement liées à l’étape <strong>de</strong> fixation <strong>de</strong>s moteurs sur<br />
les microtubules, qui fixent un très petit nombre <strong>de</strong> moteurs. Ce qui explique que dans leur<br />
expériences sans billes, ils puissent avoir <strong>de</strong>s tubes (puisqu’ils sont <strong>au</strong>-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la <strong>de</strong>nsité<br />
seuil) et que nous n’en ayons pas (en-<strong>de</strong>ssous <strong>de</strong> la <strong>de</strong>nsité seuil). Cependant, ils ne nous a pas<br />
été possible <strong>de</strong> mesurer la <strong>de</strong>nsité <strong>de</strong> moteurs dans les <strong>de</strong>ux cas.<br />
127
Figure 45 : Hypothèse <strong>de</strong> formation <strong>de</strong>s agrégats en bout <strong>de</strong> tube. Les moteurs marchant le long du<br />
microtubule dans le tube rejoignent les moteurs du bout du tube qui vont moins vite.<br />
Cécile Leduc a pu reproduire la croissance <strong>de</strong> tubes sans billes <strong>au</strong> laboratoire [158]. Un point<br />
important est que la fixation <strong>de</strong>s moteurs à la membrane s’est faite grâce à un lipi<strong>de</strong><br />
fluorescent et biotinylé synthétisé dans le groupe <strong>de</strong> Line Bourrel par Pascale Jolimaitre à<br />
Lille (voir figure 45 et figure 46). C’est la seule technique parmi celles essayées pour<br />
visualiser les moteurs qui ait donné <strong>de</strong>s résultats fiables. De plus, comme un seul fluorophore<br />
est présent sur chaque lipi<strong>de</strong>, cette technique permettra peut-être <strong>de</strong> remonter <strong>au</strong> nombre réel<br />
<strong>de</strong> moteurs <strong>au</strong> bout du tube à chaque instant. Grâce à ce lipi<strong>de</strong> fluorescent, elle a pu montrer<br />
qu’il y avait bien une accumulation <strong>de</strong> moteurs en bout <strong>de</strong> tubes, et que l’intensité <strong>de</strong><br />
fluorescence était corrélée à la vitesse du tube. Pendant les phases d’arrêt ou <strong>de</strong><br />
ralentissement, l’accumulation <strong>de</strong>vient plus importante (plus <strong>de</strong> moteurs) et du même coup la<br />
vitesse <strong>au</strong>gmente fortement.<br />
128
Figure 46 : A-Structure du lipi<strong>de</strong> biotinylé et fluorescent (rhodamine) synthétisé par Pascale Jolimaitre. B<br />
Croissance d’un tube grâce à <strong>de</strong>s kinésines fixées sur le lipi<strong>de</strong> fluorescent et biotinylé. On distingue<br />
nettement une concentration <strong>de</strong> lipi<strong>de</strong>s plus importante en bout <strong>de</strong> tube, indiquant une concentration plus<br />
importante <strong>de</strong>s moteurs. Une image mesure environ 15 µm <strong>de</strong> long, et chaque image a été prise toutes les 5s.<br />
Otger Campàs sous la direction <strong>de</strong> Jean-Francois Joanny <strong>au</strong> laboratoire a repris le<br />
modèle simple proposé par l’équipe <strong>de</strong> Marileen Dogterom, et en a fait une étu<strong>de</strong> plus<br />
complète [159]. Il a pu calculer le flux entrant <strong>de</strong> lipi<strong>de</strong>s <strong>au</strong> bout du tube, et le flux sortant, en<br />
tenant compte du t<strong>au</strong>x d’accrochage et <strong>de</strong> décrochage <strong>de</strong>s moteurs, et <strong>de</strong> leur vitesse selon<br />
qu’ils sont <strong>au</strong> bout ou <strong>au</strong> milieu du tube (voir figure 47). Ce modèle permet d’estimer un<br />
nombre nB <strong>de</strong> moteurs <strong>au</strong> bout du tube, et <strong>de</strong> prévoir la répartition <strong>de</strong>s moteurs le long du<br />
tube. Le nombre <strong>de</strong> moteurs décroît exponentiellement en retrait du bout du tube, avec une<br />
longueur caractéristique estimée théoriquement <strong>de</strong> 3 µm. Cécile Leduc a pu retrouver cette<br />
décroissance exponentielle du nombre <strong>de</strong> moteur (intensité décroissante <strong>de</strong> fluorescence) et<br />
mesurer une longueur <strong>de</strong> décroissance <strong>de</strong> 1,8 µm.<br />
Il est important <strong>de</strong> noter que ces <strong>de</strong>ux étu<strong>de</strong>s, théorique et expérimentale, sont un bon<br />
exemple <strong>de</strong> l’<strong>au</strong>to-organisation <strong>de</strong> moteurs sous contraintes. Elles expliquent parfaitement que<br />
la formation <strong>de</strong> tubes soit spontanée dès qu’une certaine <strong>de</strong>nsité <strong>de</strong> moteurs liés à la<br />
membrane est dépassée.<br />
129
Figure 47 : Différents paramètres intervenant dans le modèle <strong>de</strong> O. Campàs, d’après [159]. Les possibilités<br />
O<br />
d’accrochage et <strong>de</strong> décrochage <strong>de</strong>s moteurs le long du tube. voir texte. k : t<strong>au</strong>x <strong>de</strong> décrochage <strong>de</strong>s moteurs<br />
kB 0 vitesse <strong>de</strong>s moteurs sans contrainte, nB nombre<br />
dans le tube, t<strong>au</strong>x d’accrochage <strong>de</strong>s moteurs du tube, V<br />
<strong>de</strong> moteurs en bout <strong>de</strong> tube, V vitesse du tube (et <strong>de</strong>s moteurs en bout <strong>de</strong> tube) V
tubes <strong>de</strong> membranes ne sont visibles dans les cellules que si le récepteur <strong>de</strong>s moteurs ou la<br />
protéine transportée est surexprimée [25,43]. De plus, la présence <strong>de</strong> domaines dans les<br />
membranes cellulaires qui pourraient concentrer sélectivement les moteurs, pourraient <strong>au</strong>ssi<br />
expliquer la formation <strong>de</strong> tubes comme nous allons le voir maintenant.<br />
III.4.2 Rôle <strong>de</strong>s agrégats <strong>de</strong> moteurs dans l’extraction <strong>de</strong><br />
tubes à partir <strong>de</strong> membranes golgiennes<br />
De même que pour les GUVs, il est possible <strong>de</strong> réaliser <strong>de</strong>s expériences sur <strong>de</strong>s<br />
membranes <strong>de</strong> Golgi biotinylées, avec ou sans billes (voir protocoles 3.1.4). Le protocole sans<br />
billes que nous avons mis <strong>au</strong> point ne marche pas avec les GUVs car la <strong>de</strong>nsité <strong>de</strong> moteurs est<br />
probablement trop faible, mais marche cependant avec les membranes biotinylées <strong>de</strong> Golgi.<br />
(voir 48). Cette expérience nous a amenés à étudier les élèments qui étaient biotinylés <strong>au</strong><br />
cours <strong>de</strong> la biotinylation <strong>de</strong>s membranes golgiennes, pour comprendre ce qui permettaient <strong>au</strong>x<br />
membranes golgiennes <strong>de</strong> former <strong>de</strong>s tubes sans utiliser <strong>de</strong> billes.<br />
Figure 48 : Expériences <strong>de</strong> formation <strong>de</strong> tubes à partir <strong>de</strong> membranes biotinylées d’appareil <strong>de</strong> Golgi. Les<br />
membranes golgiennes, contrairement <strong>au</strong>x GUVs, sont capables <strong>de</strong> former <strong>de</strong>s tubes avec notre protocole <strong>de</strong><br />
fixation <strong>de</strong>s moteurs directement avec <strong>de</strong> la streptavidine (Biot Golgi). Si les membranes biotinylées sont<br />
préalablement lavées à un pH basique (Biot Golgi + Na2Co3), il n’y a plus formation <strong>de</strong> tubes. Suite à un<br />
lavage à h<strong>au</strong>te force ionique (Biot Golgi + NaCl), la formation <strong>de</strong>s tubes a toujours lieu. Barre 10 µm.<br />
Nous avons trouvé que le fait <strong>de</strong> laver les membranes biotinylées avec 0,1 M <strong>de</strong><br />
Na2Co3 (pH environ <strong>de</strong> 9) à 4°C pendant 30 minutes inhibait le processus <strong>de</strong> formation <strong>de</strong><br />
tubes par les moteurs fixés sans billes (voir figure 48). Ce lavage est couramment utilisé pour<br />
131
décrocher <strong>de</strong>s protéines faiblement liées à la membrane golgienne. Un <strong>au</strong>tre type <strong>de</strong> lavage, à<br />
h<strong>au</strong>te force ionique (1 M <strong>de</strong> NaCl pendant 30 minutes à 4°C), n’inhibe pas la formation <strong>de</strong><br />
tubes (voir figure 48).<br />
Sur un gel <strong>de</strong> protéines en bleu <strong>de</strong> Coomassie, une ban<strong>de</strong> migrant à 200 kDa est<br />
spécifiquement enrichie dans la fraction membrane golgienne après purification, et est absente<br />
<strong>de</strong> la fraction cytosolique, et faiblement visible dans la fraction membranes totales et dans<br />
l’extrait total (voir figure 49A). On a montré par Spectrométrie <strong>de</strong> Masse (MALDI-TOF) que<br />
cette protéine était la Myosine IIa non-musculaire, s’associant spécifiquement <strong>au</strong>x membranes<br />
golgiennes [53]. Bien que cela reste controversé, cette myosine pourrait être impliquée dans la<br />
formation <strong>de</strong>s vésicules d’exocytose à partir du TGN (Trans Golgi Network) [54,55,160]. Par<br />
Western Blot, nous avons pu montrer que cette protéine était fortement biotinylée <strong>au</strong> cours <strong>de</strong><br />
la biotinylation <strong>de</strong> membranes Golgiennes (voir figure 49B). De plus, un lavage <strong>de</strong>s<br />
membranes biotinylées par le Na2Co3 permet <strong>de</strong> décrocher sélectivement <strong>de</strong> nombreuses<br />
protéines dont la Myosine IIa. Le lavage NaCl ne décrochant pas cette myosine, nous avons<br />
conclu que la myosine IIa étant une protéine abondante <strong>de</strong> la fraction membranes golgiennes<br />
et fortement biotinylée, nos moteurs se fixaient préférentiellement sur cette protéine. Ainsi, le<br />
lavage Na2Co3 éliminant cette protéine, la formation <strong>de</strong> tubes par les moteurs n’était plus<br />
possible.<br />
Pour comprendre pourquoi la fixation <strong>de</strong>s moteurs sur cette myosine permettait la<br />
formation <strong>de</strong> tubes, nous avons étudié la localisation <strong>de</strong>s protéines biotinylées sur les<br />
membranes <strong>de</strong> Golgi. Grâce à <strong>de</strong> la streptavidine Cy3, nous avons mis en évi<strong>de</strong>nce que la<br />
biotinylation était inhomogène, avec <strong>de</strong> gros points <strong>de</strong> très forte biotinylation, et un fonds <strong>de</strong><br />
biotinylation presque homogène et assez important (voir figure 49C). Après lavage <strong>au</strong> NaCl,<br />
<strong>au</strong>cun changement dans le marquage n’a été observé, alors qu’un lavage <strong>au</strong> Na2Co3 faisait<br />
disparaître les points intenses <strong>de</strong> biotinylation. Nous avons fait l’hypothèse que ces points <strong>de</strong><br />
forte biotinylation étaient majoritairement composés <strong>de</strong> Myosine IIa biotinylée, puisque les<br />
conditions <strong>de</strong> décrochement <strong>de</strong> la Myosine IIa font également disparaître ces points d’intense<br />
biotinylation. Cette myosine, concentrée en <strong>de</strong>s points sur les membranes, permettrait <strong>de</strong><br />
concentrer les moteurs en <strong>de</strong>s points précis <strong>de</strong> la membrane, facilitant la formation <strong>de</strong> tubes.<br />
132
Figure 49 : A-Gel SDS-PAGE d’extraits <strong>de</strong><br />
foie <strong>de</strong> rat , coloration bleu <strong>de</strong> Coomassie.<br />
Gol : membranes Golgiennes enrichies après<br />
purification, Mb : fraction <strong>de</strong> membrane totales<br />
(culot d’un extrait total centrifugé une heure à<br />
133<br />
100 000g), Cyt : fraction cytosolique<br />
(surnageant d’un extrait total centrifugé une<br />
heure à 100 000g), Tot :extrait total, ou broyat<br />
<strong>de</strong> foie <strong>de</strong> rat. La flêche montre la ban<strong>de</strong> qui<br />
migre à 200 kDa, spécifiquement enrichie dans<br />
la fraction Membranes Golgiennes, et qui<br />
correspond à la Myosine IIa non-musculaire.<br />
B-Western Blot <strong>de</strong> membranes Golgiennes<br />
biotinylées (voir protocole 4.1.3), sans lavage<br />
(colonne Biot), après un lavage Na2Co3<br />
(colonne Na2Co3), et après un lavage <strong>au</strong> NaCl<br />
(colonne NaCl). Une ban<strong>de</strong> fortement<br />
biotinylée à 200 kDa visible dans la colonne<br />
Biot et la colonne NaCl est sélectivement<br />
décrochée <strong>de</strong>s membranes Golgiennes par un<br />
lavage Na2Co3. Révélation Streptavidine. C-<br />
Membranes Golgiennes biotinylées incubées en<br />
présence <strong>de</strong> streptavidine Cy3 0,5 µg/mL et<br />
observées par microscopie <strong>de</strong> fluorescence.<br />
Dans le cas <strong>de</strong>s membranes non lavées (Biot<br />
Golgi) ou lavées avec du NaCl (Biot Golgi +<br />
NaCl), <strong>de</strong>s points <strong>de</strong> très forte biotinylation<br />
sont visibles. Ces points ont disparus après<br />
lavage <strong>au</strong> Na2Co3. Barre 10 µm
Un premier pas dans la vérification <strong>de</strong> cette hypothèse a été que ces points <strong>de</strong><br />
biotinylation intense étaient retrouvés <strong>au</strong> bout <strong>de</strong>s tubes lorsque <strong>de</strong> la streptavidine<br />
fluorescente (Cy3) était utilisée pour fixer les kinésines sur les membranes biotinylées (voir<br />
figure 50). Ceci permet <strong>de</strong> conclure que les points <strong>de</strong> forte biotinylation fixent probablement<br />
plus <strong>de</strong> moteurs et permettent donc la formation <strong>de</strong> tube.<br />
Figure 50 : Formation <strong>de</strong> tubes par fixation <strong>de</strong> kinésines biotinylées sur <strong>de</strong>s membranes <strong>de</strong> Golgi biotinylées<br />
grâce à <strong>de</strong> la streptavidine Cy3. On oberve <strong>au</strong> bout <strong>de</strong>s tubes une fluorescence plus intense reflétant<br />
probablement une concentration plus intense <strong>de</strong> moteurs. Barre 10 µm. Le reste <strong>de</strong>s agrégats visibles le long<br />
<strong>de</strong>s microtubules sont <strong>de</strong>s moteurs non fixés à la membrane.<br />
Pour cela, il nous a fallu montrer que la myosine IIa était colocalisée dans les points <strong>de</strong><br />
forte biotinylation observés sur la membrane <strong>de</strong> Golgi. Nous avons pu utiliser un anticorps<br />
134
sélectionné <strong>au</strong> laboratoire par Clément Nizak et Franck Perez. Dans un crible visant à<br />
sélectionner <strong>de</strong>s anticorps recombinants contre <strong>de</strong>s protéines <strong>de</strong> la matrice protéique entourant<br />
l’appareil <strong>de</strong> Golgi, Clément et Franck ont isolé un anticorps appelé SF9 reconnaissant la<br />
Myosine IIa <strong>de</strong>s membranes golgiennes [161]. Cet anticorps a été sélectionné plusieurs fois,<br />
indiquant que cette protéine était relativement accessible <strong>au</strong>x anticorps lors du crible. On peut<br />
donc conclure qu’il s’agit probablement d’une protéine très périphique <strong>de</strong>s membranes<br />
golgiennes. Cet anticorps en immunofluorescence sur une fraction <strong>de</strong> membranes golgiennes<br />
présente un marquage par points très concentré, similaire <strong>au</strong> marquage observé pour la<br />
biotinylation, avec toutefois un bruit <strong>de</strong> fond <strong>de</strong> marquage be<strong>au</strong>coup plus faible.<br />
Figure 51 : Membranes golgiennes marquées avec <strong>de</strong>s billes d’or couvertes <strong>de</strong> streptavidine (5 nm) et<br />
d’anticorps SF9 anti-Myosine IIa (10 nm). Une zone plus <strong>de</strong>nse <strong>au</strong>x électrons est riche en filaments et en<br />
marquage par les <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong> billes d’or (h<strong>au</strong>t à g<strong>au</strong>che). Au contraire la zone moins <strong>de</strong>nse <strong>au</strong>x électrons<br />
ne possè<strong>de</strong> pas <strong>de</strong> filaments ni <strong>de</strong> marquage. La flèche indique un filament décoré d’une bille. Barre 100 nm.<br />
135
En microscopie électronique, réalisée dans l’équipe <strong>de</strong> Jean Cart<strong>au</strong>d à l’Institut<br />
Jacques Monod, nous avons pu montré que cet anticorps reconnaissait une cible colocalisée<br />
avec <strong>de</strong>s zones d’intense biotinylation (voir figure 51). Ces zones, ne comportant pas <strong>de</strong><br />
membranes sous forme <strong>de</strong> saccules empilées comme dans le reste <strong>de</strong> l’échantillon (structure<br />
classique <strong>de</strong>s membranes golgiennes), étaient constituées <strong>de</strong> petites vésicules, parfois<br />
couvertes <strong>de</strong> mante<strong>au</strong>x contenant TGN38, une protéine résidante du TGN, et <strong>de</strong> filaments<br />
courts (flèche figure 51). En général, les filaments formaient un agglomérat entouré <strong>de</strong>s<br />
vésicules et <strong>de</strong> membranes <strong>de</strong> formes peu définies. De plus, les billes d’or couvertes <strong>de</strong> SF9<br />
décoraient fréquemment ces filaments (probablement <strong>de</strong> l’actine, voir flêche figure 51).<br />
Pour vérifier définitivement notre hypothèse, l’expérience la plus directe fut <strong>de</strong><br />
biotinyler l’anticorps SF9, et fixer les moteurs sur SF9 biotinylé lui-même adsorbé <strong>au</strong><br />
préalable sur <strong>de</strong>s membranes <strong>de</strong> Golgi non biotinylées. Ainsi, la spécificité <strong>de</strong> l’anticorps<br />
garantissant que les moteurs ne tiraient que sur la Myosine IIa, cette expérience <strong>au</strong>rait pu<br />
montrer que la fixation <strong>de</strong>s moteurs sur cette myosine (et sur <strong>au</strong>cune <strong>au</strong>tre protéine) suffisait à<br />
former <strong>de</strong>s tubes. Malheureusement, le résultat s’avéra négatif, puisqu’<strong>au</strong>cun tube ne put être<br />
formé <strong>de</strong> cette façon. Cependant, nous avons pu vérifier avec <strong>de</strong> la streptavidine fluorescente<br />
que les moteurs étaient bien fixés sur l’anticorps <strong>de</strong> manière spécifique, et que le marquage<br />
obtenu était similaire à celui <strong>de</strong> l’anticorps seul. Pour expliquer ce résultat négatif, il est<br />
probable que le nombre <strong>de</strong> moteurs fixés par les anticorps était inférieur <strong>au</strong> nombre <strong>de</strong><br />
moteurs fixés par la myosine biotinylée. Nous avons utilisé un anticorps secondaire anti-MYC<br />
biotinylé permettant d’amplifier le nombre <strong>de</strong> moteurs fixés par SF9 (étiqueté MYC). Mais<br />
<strong>au</strong>cun tube n’a pu être obtenu non plus.<br />
Il est probable que l’affinité <strong>de</strong> l’anticorps soit un paramètre important pour expliquer<br />
ce résultat négatif. Il est probable que la technique utilisée pour sélectionner SF9 permette <strong>de</strong><br />
sélectionner <strong>de</strong>s anticorps <strong>de</strong> faible affinité [161], difficiles à isoler par d’<strong>au</strong>tres métho<strong>de</strong>s.<br />
Mais dans notre système, le fait d’exercer une force sur un anticorps <strong>de</strong> faible affinité peut<br />
probablement conduire à la rupture du lien kinésine/membrane. Même si <strong>au</strong>cune mesure <strong>de</strong><br />
l’affinité n’a été réalisée, nous supposons que la plus faible affinité d’un couple<br />
anticorps/antigène par rapport <strong>au</strong> couple streptavidine/biotine peut expliquer l’incapacité du<br />
système à former <strong>de</strong>s tubes en tirant sur <strong>de</strong>s anticorps.<br />
136
III.5 Conclusion<br />
Dans ce chapitre, nous avons vu comment un système simple pouvait reproduire la<br />
formation <strong>de</strong> tubes dans le trafic intracellulaire. Ce système simple doit permettre<br />
d’appréhen<strong>de</strong>r les rôles <strong>de</strong>s paramètres physiques importants pour la formation <strong>de</strong>s<br />
intermédiaires <strong>de</strong> transport, tels que la courbure, ou la tension. Il reproduit une étape <strong>de</strong><br />
déformation <strong>de</strong> la membrane et un étape <strong>de</strong> transport (<strong>au</strong> sens déplacement). En ajoutant <strong>de</strong>s<br />
éléments dont on connait le rôle dans le transport intracellulaire à ce système minimal, il sera<br />
peut-être plus facile <strong>de</strong> comprendre plus précisément leur fonctionnement. L’ajout <strong>de</strong><br />
protéines impliquées dans la fission telle que la dynamine, l’endophiline et d’<strong>au</strong>tres pourrait<br />
ainsi permettre <strong>de</strong> mieux comprendre le phénomène <strong>de</strong> fission, et le fonctionnement <strong>de</strong> ces<br />
protéines. Ce système très simple se révèlera, je l’espère, très utile pour la compréhension <strong>de</strong><br />
quelques mécanismes physiques importants pour le trafic.<br />
137
chapitre 4 Etu<strong>de</strong> du tri <strong>de</strong> lipi<strong>de</strong>s<br />
par courbure et <strong>de</strong> la coupure <strong>de</strong><br />
tubes tirés à partir <strong>de</strong> vésicules à<br />
<strong>de</strong>ux phases.<br />
vésicules géantes <strong>de</strong> différentes compositions présentant <strong>de</strong>s domaines.<br />
139
Le système minimal présenté <strong>au</strong> chapitre 2 permet <strong>de</strong> former <strong>de</strong>s intermédiaires<br />
tubulaires <strong>de</strong> transport. Cependant, ce système simple ne permet <strong>de</strong> reproduire que l’aspect<br />
déformation <strong>de</strong> la membrane, sans pouvoir réaliser ni tri d’éléments membranaires, ni coupure<br />
<strong>de</strong> la membrane. Comme ce système présente l’avantage d’avoir une composition<br />
parfaitement maîtrisée, il est possible d’inclure <strong>de</strong>s éléments connus pour permettre le tri ou la<br />
fission <strong>de</strong>s membranes, comme par exemple, une composition lipidique proche <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> la<br />
membrane cellulaire et permettant la formation <strong>de</strong> rafts. Ou encore, d’ajouter <strong>de</strong>s protéines<br />
connues pour leur rôle dans la fission telle que la dynamine ou l’endophiline.<br />
De nombreuses étu<strong>de</strong>s récentes ont montré qu’il était possible d’obtenir une séparation<br />
<strong>de</strong> phase dans <strong>de</strong>s vésicules géantes à plusieurs composants. Avec un mélange <strong>de</strong> trois lipi<strong>de</strong>s<br />
contenant un tiers <strong>de</strong> sphingomyéline, un tiers <strong>de</strong> phosphatidylcholine, un tiers <strong>de</strong> cholestérol,<br />
<strong>de</strong>s domaines géants sont observés [88]. Les sphingomyélines sont généralement à<br />
température ambiante sous forme cristalline (phase soli<strong>de</strong>). L’ajout <strong>de</strong> cholestérol à cette<br />
phase provoque sa fluidification tout en gardant un certain ordre, la transformant en phase<br />
liqui<strong>de</strong>-ordonnée (Lo). Dans un mélange ternaire (sphingomyéline, phosphatidylcholine,<br />
cholestérol) présentant <strong>de</strong>s domaines, la phase enrichie en sphingomyéline est <strong>au</strong>ssi en phase<br />
Lo. Ceci confère <strong>au</strong>x domaines sphingomyélines <strong>de</strong>s propriétés particulières : ils sont moins<br />
flui<strong>de</strong>s que les domaines en phase liqui<strong>de</strong>-désordonnée (Ld) [87,97]. De plus, leur fluidité<br />
<strong>au</strong>gmente avec la concentration <strong>de</strong> cholestérol [97]. La rigidité <strong>de</strong> courbure <strong>de</strong>s phases Lo est<br />
<strong>de</strong> 2 à 1000 fois plus gran<strong>de</strong> que pour les phases Ld :les valeurs dépen<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la technique<br />
employée et <strong>de</strong> la proximité à la température <strong>de</strong> transition Ld/Lo [116,144,145]. Ce point peut<br />
être important car il permet <strong>de</strong> proposer que les membranes en phase Lo puissent être plus<br />
difficilement courbées que les phases Ld, et que les lipi<strong>de</strong>s constituant la phase Lo puissent<br />
être exclus <strong>de</strong> structures très courbées.<br />
Puisque <strong>de</strong>s domaines possédant certaines propriétés <strong>de</strong>s rafts <strong>de</strong>s membranes<br />
cellulaires sont facilement reproduits dans <strong>de</strong>s vésicules géantes, et vu l’importance<br />
grandissante que l’hypothèse <strong>de</strong>s ra<strong>de</strong><strong>au</strong>x lipidiques a prise pour expliquer le tri membranaire<br />
<strong>au</strong> cours d’étapes <strong>de</strong> transport, nous avons décidé <strong>de</strong> voir s’il était possible d’effectuer un tri<br />
lipidique dans <strong>de</strong>s tubules tirés par <strong>de</strong>s moteurs à partir <strong>de</strong> vésicules à <strong>de</strong>ux phases (une Lo et<br />
une Ld).<br />
141
IV.1 Résumé <strong>de</strong> l’article 2 : Roux et coll. Role of curvature<br />
and phase separation in lipid sorting and fission of<br />
membrane tubules. (soumis)<br />
En utilisant un protocole déjà publié [88], nous avons pu reproduire la formation <strong>de</strong><br />
domaines géants dans <strong>de</strong>s GUVs. Nous avons alors pu faire un diagramme <strong>de</strong> phase succinct<br />
en modifiant les rapports <strong>de</strong>s trois lipi<strong>de</strong>s mélangés : sphingomyéline <strong>de</strong> cerve<strong>au</strong> (BSM), di-<br />
oleyl-phosphatidylcholine (DOPC) et cholestérol (Chol). Nous avons pu montrer qu’une<br />
gamme étendue <strong>de</strong> compositions présentait une séparation <strong>de</strong> phase visualisable grâce à une<br />
phosphatidylcholine fluorescente ségrégée dans la phase Ld. Ces compositions correspon<strong>de</strong>nt<br />
à <strong>de</strong>s concentrations relativement faibles <strong>de</strong> cholestérol (inférieures à 30%) et élevées en<br />
sphingomyéline. Surtout, certaines compositions proches <strong>de</strong> la frontière (transition) entre la<br />
zone où les vésicules sont ségrégées et la zone où les vésicules sont homogènes (en<br />
fluorescence) ont <strong>de</strong>s propriétés particulières. La <strong>de</strong>struction <strong>de</strong> la son<strong>de</strong> fluorescente par<br />
illumination intense provoque l’oxydation d’une faible proportion <strong>de</strong> cholestérol (quelques<br />
%). Cette modification faible <strong>de</strong> la composition <strong>de</strong> la membrane suffit cependant à provoquer<br />
une séparation <strong>de</strong> phase : les compositions homogènes proches <strong>de</strong> la transition peuvent<br />
traverser la frontière suite à la transformation d’une faible quantité <strong>de</strong> cholestérol et passent<br />
alors dans l’état ségrégé. Cette induction <strong>de</strong> séparation <strong>de</strong> phase n’est pas observée pour les<br />
compositions loin <strong>de</strong> la limite <strong>de</strong> phase, et la quantité <strong>de</strong> cholestérol oxydé est dépendante <strong>de</strong><br />
l’intensité lumineuse utilisée pour exciter le lipi<strong>de</strong> fluorescent. Dans la suite, nous avons<br />
utilisé <strong>de</strong>ux intensités lumineuses, une <strong>de</strong> 3,5 mW et une <strong>de</strong> 10 µW, pour induire la séparation<br />
<strong>de</strong> phase. La quantité <strong>de</strong> cholestérol oxydé générée par les <strong>de</strong>ux illuminations est différente<br />
d’un facteur <strong>au</strong> moins 10, pour la même quantité <strong>de</strong> fluorophore.<br />
Nous avons ensuite pu tirer <strong>de</strong>s tubes à partir <strong>de</strong> vésicules <strong>de</strong> différentes compositions<br />
grâce <strong>au</strong> système minimal présenté dans le chapitre précé<strong>de</strong>nt. La première observation que<br />
nous avons faite est qu’il est possible <strong>de</strong> tirer <strong>de</strong>s tubes à partir d’une vésicule en phase Lo<br />
(BSM et Chol uniquement, pas <strong>de</strong> DOPC) et qu’ils sont plus gros que les tubes tirés à partir<br />
d’une vésicule Ld (DOPC et Chol uniquement). Il f<strong>au</strong>t noter qu’en fluorescence, le diamètre<br />
apparent mesuré <strong>de</strong>s tubes Ld est <strong>de</strong> 260nm. Or nous savons d’après l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> microscopie<br />
électronique (présentée <strong>au</strong> chapitre précé<strong>de</strong>nt) que leur diamètre réel est <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> 40 nm,<br />
bien inférieure à la résolution optique d’un microscope photonique. La mesure obtenue par<br />
142
fluorescence nous donne donc la résolution <strong>de</strong> notre microscope. Pour <strong>de</strong>s tubes tirés à partir<br />
<strong>de</strong> vésicules Lo, nous obtenons un diamètre moyen d’environ 420 nm sur les images <strong>de</strong><br />
fluorescence. Cette mesure étant supérieure à la résolution optique du microscope, elle a donc<br />
un sens. Nous avons donc un diamètre d’environ 10 fois plus grand pour <strong>de</strong>s tubes Lo que<br />
pour <strong>de</strong>s tubes Ld. Ce qui correspond à une rigidité <strong>de</strong> courbure <strong>au</strong> maximum 100 fois plus<br />
gran<strong>de</strong>, puisque le diamètre dépend <strong>de</strong> la racine carrée <strong>de</strong> la rigidité <strong>de</strong> courbure (voir<br />
équation 2.19). Ceci est en bon accord avec <strong>de</strong>s mesures antérieures ayant montré que la<br />
rigidité <strong>de</strong> courbure <strong>de</strong> la phase Lo était <strong>de</strong> 10 à 100 fois plus gran<strong>de</strong> que la rigidité <strong>de</strong> phase<br />
Ld. Si cette rigidité est effectivement plus gran<strong>de</strong>, alors la force nécessaire pour extraire le<br />
tube est <strong>au</strong>ssi plus gran<strong>de</strong>, car elle dépend également <strong>de</strong> la racine carrée <strong>de</strong> la rigidité <strong>de</strong><br />
courbure. Ceci peut donc profondément modifier la capacité <strong>de</strong>s moteurs à tirer un tube à<br />
partir d’une phase ou <strong>de</strong> l’<strong>au</strong>tre.<br />
Lorsque <strong>de</strong>s tubes sont extraits <strong>de</strong> vésicules à <strong>de</strong>ux phases, pour la gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong>s<br />
compositions diphasiques, 100% <strong>de</strong>s tubes sont connectés à la phase fluorescente qui est la<br />
phase Ld. Pour ces compositions, on s’attendrait, si la force nécessaire pour tirer un tube et la<br />
<strong>de</strong>nsité <strong>de</strong> moteurs sont les mêmes pour les <strong>de</strong>ux phases, à obtenir un pourcentage <strong>de</strong> tubes<br />
connectés à une phase égal à la proportion surfacique que cette phase couvre sur la vésicule.<br />
Or dans tous les cas, la proportion <strong>de</strong> tubes connectés à la phase fluorescente est plus<br />
importante que la fraction <strong>de</strong> la surface couverte par cette phase. Pour expliquer cela, il y a<br />
<strong>de</strong>ux possibilités : soit la <strong>de</strong>nsité <strong>de</strong> moteurs n’est pas la même sur les <strong>de</strong>ux phases, soit la<br />
force pour tirer les tubes à partir <strong>de</strong> chacune <strong>de</strong>s phases n’est pas la même. Nous avons vu que<br />
la force <strong>de</strong>vait être différente sur les <strong>de</strong>ux phases. La localisation du lipi<strong>de</strong> biotinylé (qui sert<br />
d’ancrage <strong>au</strong>x moteurs) a été révélée grâce à <strong>de</strong> la streptavidine fluorescente ; nous avons pu<br />
ainsi montrer que sa concentration est i<strong>de</strong>ntique dans les <strong>de</strong>ux phases et que donc la <strong>de</strong>nsité <strong>de</strong><br />
moteurs était la même sur les <strong>de</strong>ux phases. Donc la différence <strong>de</strong> capacité à se courber <strong>de</strong>s<br />
<strong>de</strong>ux phases induit une croissance préférentielle <strong>de</strong>s tubes à partir <strong>de</strong> la phase <strong>de</strong> rigidité la<br />
plus faible, qui ont donc une composition différente <strong>de</strong> la vésicule <strong>de</strong> départ.<br />
Une <strong>de</strong>s questions essentielles est <strong>de</strong> savoir si la forte courbure <strong>de</strong>s tubes ne peut pas<br />
induire un tri dynamique <strong>de</strong>s lipi<strong>de</strong>s, les lipi<strong>de</strong>s ségrégeant préférentiellement dans une phase<br />
<strong>de</strong> rigidité <strong>de</strong> courbure importante étant moins facilement incorporés dans les tubes. Pour<br />
montrer cela, nous avons tiré parti <strong>de</strong> la composition 1:1:1, dont la séparation <strong>de</strong> phase est<br />
photo-inductible. En tirant <strong>de</strong>s tubes à partir <strong>de</strong> vésicules homogènes inductibles, puis en<br />
induisant la séparation <strong>de</strong> phase par photoactivation faible, on constate qu’environ 100% <strong>de</strong>s<br />
tubes sont connectés à la phase fluorescente après 75s d’observation. Dans la plupart <strong>de</strong>s cas,<br />
143
les domaines fluorescents qui apparaissent fusionnent sur la GUV rapi<strong>de</strong>ment (dès les 15<br />
premières secon<strong>de</strong>s) avec les bases <strong>de</strong>s tubes. Aucune séparation <strong>de</strong> phase n’est observable le<br />
long <strong>de</strong>s tubes. Pour expliquer ce résultat, nous avons émis l’hypothèse que l’extraction <strong>de</strong><br />
tubes très courbés triait les lipi<strong>de</strong>s ségrégeant préférentiellement dans la phase Ld. En effet, si<br />
<strong>au</strong>cun pré-tri n’est réalisé, on s’attendrait à ce que 50% <strong>de</strong>s tubes soient connectés à la phase<br />
fluorescente, et 50% à la phase non-fluorescente, reflétant le rapport <strong>de</strong> surface entre les <strong>de</strong>ux<br />
phases. De plus, on s’attendrait à ce que la photoactivation provoque une séparation <strong>de</strong> phase<br />
le long du tube. Par contre, si le tube est fortement enrichi en lipi<strong>de</strong>s ségrégeant dans la phase<br />
Ld, il s’éloigne <strong>de</strong> la transition ségrégé/non-ségrégé, et n’est plus inductible. De plus, il<br />
constitue un domaine <strong>de</strong> composition proche <strong>de</strong> celle <strong>de</strong>s domaines Ld une fois la séparation<br />
<strong>de</strong> phase induite. Ainsi, les domaines Ld induits par la photoactivation sur la GUV vont-ils<br />
venir fusionner avec la base du tube, expliquant que près <strong>de</strong> 100% <strong>de</strong>s tubes soient connectés<br />
à la phase fluorescente.<br />
Pour confirmer cette hypothèse, nous avons essayé d’induire la séparation <strong>de</strong> phase le<br />
long <strong>de</strong>s tubes par photoactivation forte. Sous forte excitation, la quantité <strong>de</strong> cholestérol<br />
oxydé est plus importante, et l’on arrive quand même à induire une séparation <strong>de</strong> phase le<br />
long <strong>de</strong>s tubes tirés à partir <strong>de</strong> vésicules <strong>de</strong> composition 1:1:1, même si le temps nécessaire est<br />
plus long (quelques secon<strong>de</strong>s) que pour la vésicule (inférieur à la secon<strong>de</strong>). Surtout, la taille<br />
<strong>de</strong>s domaines Lo qui apparaissent permet d’estimer que ces domaines couvrent environ 10%<br />
<strong>de</strong> la surface <strong>de</strong>s tubes, et que donc 90% <strong>de</strong> la surface est couverte par une phase Ld. Ceci est<br />
à comparer <strong>au</strong>x 50/50 observés si l’on induit la séparation <strong>de</strong> phase sur <strong>de</strong>s vésicules, et va<br />
dans le sens d’un app<strong>au</strong>vrissement <strong>de</strong>s tubes en lipi<strong>de</strong>s ségrégeant préférentiellement dans la<br />
phase Lo.<br />
Un résultat important est que l’induction <strong>de</strong> séparation <strong>de</strong> phase le long <strong>de</strong>s tubes<br />
provoque la fission <strong>de</strong>s tubes, à l’endroit précis où apparaissent les domaines Lo. Environ 80%<br />
<strong>de</strong>s tubes tirés à partir <strong>de</strong> compositions proches <strong>de</strong> la limite <strong>de</strong> phase (3:4:1 et 1:1:1)<br />
présentent <strong>au</strong> moins un évènement <strong>de</strong> fission sous photoactivation. Ce phénomène est<br />
dépendant <strong>de</strong> l’induction <strong>de</strong> la séparation <strong>de</strong> phase dans le tube, puisque <strong>au</strong>cune coupure n’est<br />
observée pour les compositions éloignées <strong>de</strong> la limite <strong>de</strong> phase. De plus, il est spontané à<br />
partir du moment où la séparation <strong>de</strong> phase est apparue, et ne requiert donc pas d’énergie.<br />
Enfin, les même résultats sont obtenus en induisant la séparation <strong>de</strong> phase grâce à une drogue,<br />
la methyl-β-cyclo<strong>de</strong>xtrine, qui retire le cholestérol <strong>de</strong>s membranes, ce qui confirme que la<br />
séparation <strong>de</strong> phase est bien le moteur <strong>de</strong> la fission, et non pas la photoactivation elle-même.<br />
144
Comme la fission n’est observée que sur <strong>de</strong>s tubes <strong>de</strong> compositions proches <strong>de</strong> la transition, il<br />
est tentant <strong>de</strong> postuler que les membranes biologiques sont proches <strong>de</strong> la transition,<br />
permettant leur coupure. Nous avons vu <strong>au</strong> cours <strong>de</strong> chapitre précé<strong>de</strong>nt qu’il était possible <strong>de</strong><br />
tirer <strong>de</strong>s tubes à partir <strong>de</strong> membranes <strong>de</strong> Golgi purifiées. En utilisant la cyclo<strong>de</strong>xtrine sur <strong>de</strong>s<br />
rése<strong>au</strong>x <strong>de</strong> tubes tirés à partir <strong>de</strong> Golgi, nous avons pu observer <strong>au</strong> moins une coupure sur<br />
50% <strong>de</strong>s rése<strong>au</strong>x. Ceci laisse supposer que les membranes biologiques sont proches <strong>de</strong> la<br />
limite <strong>de</strong> phase.<br />
145
IV.2 Article N°2<br />
147
Role of curvature and phase transition in lipid sorting and fission of membrane<br />
tubules<br />
Aurélien Roux ❊ , Jacques Prost ✝ , Patricia Bassere<strong>au</strong> ✝§ and Bruno Goud ❊§<br />
❊ Laboratoire Mécanismes moléculaires du transport intracellulaire, UMR 144<br />
CNRS/Institut Curie, 26 Rue d'Ulm, 75248 Paris Ce<strong>de</strong>x 05, France<br />
✝ Laboratoire Physico-Chimie Curie, UMR 168 CNRS/Institut Curie, 26 Rue d'Ulm,<br />
75248 Paris Ce<strong>de</strong>x 05, France<br />
Abstract<br />
§ These <strong>au</strong>thors contributed equally to this work<br />
Sphingolipids and part of the cholesterol segregate in vitro into “liquid-or<strong>de</strong>red” (Lo)<br />
domains whereas the majority of other lipids are present in a “liquid-disor<strong>de</strong>red” phase<br />
(Ld). It is also likely that lipids of biological membranes are organised into<br />
microdomains known as rafts. Here we show that membrane tubes pulled out of giant<br />
vesicles ma<strong>de</strong> of sphingomyelin, phosphatidylcholine and cholesterol have a<br />
composition different from the vesicle. Sorting of lipids appeared to be critically<br />
<strong>de</strong>pen<strong>de</strong>nt on their respective affinities for very curved structures. We also show that<br />
the induction of a phase separation <strong>de</strong>stabilized the tubes and led to their fission. For<br />
membrane compositions very close to a phase transition, the sorting and fission<br />
mechanisms may be intimately coupled. More generally, biological membranes may use<br />
a similar mechanism based on phase separation to efficiently sort proteins and lipids<br />
during intracellular transport.<br />
1
Similar to proteins, most membrane lipids are transported by vesicular carriers<br />
that bud off from one compartment and fuse to another along the secretory and<br />
endocytic pathways 1 . During budding, sorting occurs, with some lipids being<br />
incorporated into vesicles or tubules while others are exclu<strong>de</strong>d 1,2 . Transport<br />
intermediates may form from a preexisting lipid domain on the donor membrane 1 .<br />
Thus, the ability of Lo (liquid-or<strong>de</strong>red) versus Ld (liquid-disor<strong>de</strong>red) phase to form<br />
transport intermediates could be a critical parameter in sorting. Another possibility is<br />
that sorting is a dynamic event concomitant with vesicle or tubule formation itself 3 . A<br />
common view is that lipids having distinct shapes, being either cylindrical or conical,<br />
display a range in curvature sensitivity that could play an important role in sorting 3,4 .<br />
Depending on the physical state of lipids (Lo versus Ld), membranes display different<br />
capabilities to curve 5-7 . On theoretical basis, membrane curvature is expected to induce<br />
phase separation in multi-component membranes 8,9 , which can be an important process<br />
for sorting. Finally, tubes and vesicles separate from donor membrane upon budding.<br />
Evi<strong>de</strong>nce exists that fission is directly linked to changes in composition of the lipid<br />
bilayer, suggesting that physical properties of lipids play a direct role in the fission<br />
process 10,11 .<br />
We have recently <strong>de</strong>veloped an experimental system which allows the formation<br />
of 40 nm diameter membrane tubes growing along microtubules, by the action of<br />
molecular motors (kinesins) pulling on Giant Unilamellar Vesicles (GUVs) or on<br />
biological membranes 12 . We used this assay to test the ability of Lo and Ld phase to<br />
form membrane tubes and to investigate whether a dynamic sorting of lipids occurs<br />
during tube formation. For sake of clarity, we will name in the following "L0 lipids"<br />
2
(resp. "Ld lipids") the lipids preferentially segregated in Lo phase (resp. in Ld phase) as<br />
if it was a two-component system.<br />
GUVs were prepared from mixtures of brain sphingomyelin (BSM), cholesterol<br />
(Chol) and dioleylphosphatidylcholine (DOPC) and were fluorescently labeled by<br />
incorporation of a fluorescent lipid (BODIPY 530-550 C5 Hexa<strong>de</strong>canoylPC, or Bodipy<br />
C5 HPC) at a concentration of 0.5 % n/n. Eleven different compositions of<br />
BSM/Chol/DOPC mix were tested for the preparation of GUVs. As shown in Fig. S1A<br />
(supplementary Information), the vesicles displayed segregation of lipids to various<br />
<strong>de</strong>grees by changing the relative ratio of BSM, Chol and DOPC. Vesicles with a<br />
homogeneous fluorescence, reflecting an absence of lipid segregation, were observed at<br />
molar ratios of 1:1:0, 0:1:1, 1:2:1 and 1:2:3 of BSM.Chol.DOPC, respectively. These<br />
values correspond to high cholesterol contents (over 30%). Vesicles with highly<br />
fluorescent and weakly fluorescent domains of various sizes were observed at lower<br />
cholesterol concentrations (molar ratios of 3:2:1 and 3:1:3). In absence of cholesterol<br />
(3:0:1, 1:0:1 and 1:0:3) respectively), coexistence between a solid-or<strong>de</strong>red phase and a<br />
Ld phase was observed, as previously reported 13 . Since the fluorescent lipid partionned<br />
preferentially in the DOPC-rich phase, it is very likely that the fluorescent phase<br />
correspon<strong>de</strong>d to Ld phase, whereas the non-fluorescent one represented Lo phase 14<br />
enriched in sphingomyelin. The fluorescence ratio between fluorescent and non-<br />
fluorescent phases on equatorial confocal planes of vesicles of various lipid<br />
compositions was found to be inversely proportional to the concentration of cholesterol<br />
(Fig. S1B). This indicates that increased concentration of cholesterol favors lipid<br />
mixing. In agreement with previous reports 15,16 , the cholesterol concentration thus<br />
appeared critical for the formation of lipid domains. We then constructed a schematic<br />
3
phase diagram compiling our data (Fig. 1A). The gray area corresponds to lipid<br />
compositions for which the GUVs exhibit phase separation. The 1:1:1 vesicles represent<br />
a frontier situation in which lipids can be segregated or not <strong>de</strong>pending on small changes<br />
of the cholesterol concentration. This phase diagram is in good agreement with results<br />
obtained with various techniques 13,15,17,18 .<br />
GUVs ma<strong>de</strong> of the 1:1:1 lipid mix showed particular properties. The majority<br />
exhibited a uniform fluorescence phase, but 10 to 30% (<strong>de</strong>pending on the samples)<br />
showed a fluorescent domain covering only one hemisphere (Fig. S1A). Interestingly,<br />
fluorescence excitation of homogeneous vesicles led to the progressive appearance of<br />
small non-fluorescent domains that rapidly fused together (Fig. 1B and Fig. S1A).<br />
Similar observations were ma<strong>de</strong> with 3:4:1 mix. As the kinetics of domain formation<br />
was <strong>de</strong>pen<strong>de</strong>nt on light intensity, two conditions (<strong>de</strong>scribed in material and methods)<br />
were used to generate domains, one leading to their appearance within 1 s ("strong"<br />
induction) and the other within 10 s ("weak" induction). Homogeneous vesicles of other<br />
lipid compositions did not form domains un<strong>de</strong>r the same conditions (Fig. 1B). This<br />
suggests that for compositions very close to the phase transition (such as 1:1:1 and 3:4:1<br />
lipid mixtures), very small changes in concentration can induce phase separation.<br />
In<strong>de</strong>ed, photoactivation of 1:1:1 vesicles, as shown by thin layer chromatography,<br />
generated small amount of oxidized cholesterol (Fig. S2A). About 10 times more<br />
oxidized cholesterol were generated after strong induction as compared to weak<br />
induction (data not shown). In addition, incorporation of cholesterol (6% n/n) to<br />
photoactivated lipid mixtures led to the formation of homogeneous GUVs, these<br />
vesicles being again sensitive to photoactivation (Fig. S2B).<br />
4
The above results suggest that photoactivation results in <strong>de</strong>pletion of cholesterol<br />
and that a small <strong>de</strong>crease in cholesterol content of 1:1:1 GUVs was sufficient to<br />
promote phase separation. To directly test this hypothesis, 1:1:1 GUVs were incubated<br />
with the cholesterol-sequestering agent methyl-β-cyclo<strong>de</strong>xtrin (MβCD) 19 . As illustrated<br />
in Fig. 1B, 10mM MβCD induced the appearance of domains on all homogeneous 1:1:1<br />
vesicles. On the other hand, MβCD did not induce phase separation on homogeneous<br />
vesicles of other lipid composition (1:1:0, 0:1:1 and 1:2:3), with the exception of the<br />
1:2:1 mix (data not shown). Likely, MβCD removes more cholesterol from membranes<br />
(around 20%, as estimated using the phase diagram <strong>de</strong>scribed above) than<br />
photoactivation, explaining why 1:2:1 vesicles do not form domains upon<br />
photoactivation (data not shown).<br />
Membrane tubes were then pulled out of GUVs prepared from various lipid<br />
mixtures and observed by fast 3D vi<strong>de</strong>omicroscopy 20 . We first noticed (Fig. 2A) that<br />
tubes grown from GUVs in the Lo phase (1:1:0) had a diameter 5-10 times larger (see<br />
methods for <strong>de</strong>tails) than the ones originating from GUVs ma<strong>de</strong> of Ld phase (0:1:1).<br />
Tube radius directly <strong>de</strong>pends on the bending rigidity (κ) of the membrane 21<br />
(R = κ 2σ , where σ is the membrane tension). Assuming that σ is constant, an<br />
increase in tube radius of 5-10 times corresponds to an increase of κ of 25-100 times.<br />
As the bending rigidity of Lo phase has been measured to be 10 to 100 higher than Ld<br />
phase 5-7 , this suggests that large tubes correspond to tubes essentially ma<strong>de</strong> of Lo lipids,<br />
whereas small tubes are enriched in Ld lipids. The force required to pull tubes is also<br />
proportional to κ 21 , which implies that pulling tubes out of Lo phase membranes<br />
requires a force 5 to 10 times higher than out of the Ld phase. In our experimental assay,<br />
5
the biotinylated lipid used to anchor kinesins to membrane was equally distributed<br />
within the Ld and Lo phases (illustrated in Fig. 2E for 3:1:3 GUVs), suggesting that<br />
motors were able to pull on both phases. However, one expects that tubes should be<br />
predominantly pulled out of the Ld phase since the force required is lower. This was<br />
in<strong>de</strong>ed the case since the majority of the tubes (90-100%) formed from segregated<br />
vesicles of various composition (3:1:3, 1:0:3, 1:0:1 and 1:1:1 segregated sub-<br />
population) were not only fluorescent, but also connected to the fluorescent phase (Figs.<br />
2B and 2D), indicating that tubes were essentially ma<strong>de</strong> of Ld lipids. Even in the case of<br />
3:2:1 GUVs highly enriched in Lo phase (representing between 2/3 and 3/4 of the<br />
surface, see Fig. S1), the percentage of tubes grown from the fluorescent phase still<br />
represented 50% of the total (Fig. 2D). Taken together, these data indicate that the<br />
bending rigidity of Lo phase do not favor the formation of highly curved structures such<br />
as membrane tubes. Thus, differences in ability to form curved structures can lead to<br />
sorting.<br />
We next investigated whether a sorting between Lo and Ld lipids occurred in<br />
tubes grown from non-segregated vesicles. 1:1:1 GUVs were used from which tubes<br />
were pulled out before inducing phase separation by photoactivation. If lipid sorting<br />
does not occur upon pulling tubes, one expects that photoactivation should induce phase<br />
separation within the tube in a way similar to that taking place on the vesicle.<br />
Furthermore, if tube pulling was equally likely in both phases, about 50% of tubes<br />
should also be connected to the fluorescent phase, according to surface ratio between<br />
both phases on the vesicle. Instead, we found that 93% of the tubes observed after 75 s<br />
un<strong>de</strong>r conditions of weak induction were still connected to the fluorescent phase (Fig.<br />
2C, Fig. S3). In addition, tubes were already connected to the fluorescent domains after<br />
6
15 s and no phase separation was observable along the tubes. It is thus likely that tubes<br />
were enriched in Ld lipids. To further establish this point, we used conditions of strong<br />
induction. In contrast to weak induction, we observed a phase separation along the tube<br />
leading to fission events (see below). However, the non-fluorescent phase only<br />
represented about 10% of the surface of the tube (Fig. 3A), indicating that Lo lipids<br />
were <strong>de</strong>pleted within the tube. Thus, the above data indicate that sorting of Ld and Lo<br />
lipids can take place in growing tubes, most likely resulting from their sensitivity to<br />
curvature and differences in bending rigidity of the two phases.<br />
Interestingly, the induction of phase separation on tubes pulled out of 1:1:1 and<br />
3:4:1 homogeneous GUVs provoked numerous fission events (Fig. 3A). More than 80%<br />
of the networks showed at least one fission event for these two compositions. Strong<br />
photoactivation led to a phase separation along these tubes, as shown by the appearance<br />
of small non-fluorescent domains (Fig. 3A, small arrows). Fission events precisely<br />
occurred on these non-fluorescent domains (Fig. 3A). In some cases, the fission process<br />
led to the complete disappearance of tubes and to formation of small vesicles (movie<br />
S1). No fission events were observed in tubes on which photoactivation does not induce<br />
the formation of domains. This was the case for tubes grown from GUVs having a non-<br />
segregated lipid composition (illustrated in Fig. 3B for 1:1:0 GUVs), or a segregated<br />
composition containing cholesterol (3:2:1 and 3:1:3). The above data thus suggest a<br />
direct link between phase separation along membrane tubes and fission. The fact that<br />
tubes pulled out of 1:1:1 vesicles pre-incubated with MβCD prior to tube extraction in<br />
or<strong>de</strong>r to induce phase separation (Fig. 1B) never exhibited fission events (Fig. 3C)<br />
supports this hypothesis.<br />
7
In good agreement with photoactivation experiments, fission events were also<br />
observed when phase separation was induced within tubes by MβCD. Fig. 4A illustrates<br />
an experiment showing that the addition of MβCD to tubes grown out of homogeneous<br />
1:1:1 GUVs induced both phase separation and fission. As expected, no fission events<br />
were observed when MβCD was ad<strong>de</strong>d to tubes growing from non-segregated vesicles<br />
(0:1:1, Fig. 4B, and 1:1:0, data not shown), or from segregated vesicles of 1:0:1 lipid<br />
composition.<br />
As <strong>de</strong>pletion of cholesterol by photoactivation was of the or<strong>de</strong>r of a few %, it is<br />
likely that there was no solid-or<strong>de</strong>red phase after induction of phase separation (Fig.<br />
1A), as confirmed by the circular shape of the domains (Fig. S1A). Thus fission can<br />
occur by phase separation between two liquid phases.<br />
An important result of our experiments is that, when donor membranes have a<br />
lipid composition near the frontier between segregated and non-segregated state, phase<br />
separation occurring on membrane tubes lead to fission. A tentative hypothesis is that<br />
this may be also true for biological membranes. As previously shown, our assay can be<br />
used to generate tube networks after binding of kinesins to biotinylated Golgi<br />
membranes 12 . Un<strong>de</strong>r control conditions, no obvious fission events can be observed. On<br />
the other hand, the addition of MβCD induced fission on a significant proportion of<br />
networks, as illustrated in Fig. 4C and 4D. Likely, as observed for mo<strong>de</strong>l membranes,<br />
the <strong>de</strong>crease in cholesterol favors phase separation of lipids present in Golgi-<strong>de</strong>rived<br />
membrane tubes, leading to their fission.<br />
It has recently been shown that sorting of lipids by phase separation could<br />
promote budding of domains on giant liposomes 22 . We show here that high<br />
<strong>de</strong>formation of membrane into tubes can promote sorting of Lo and Ld lipids due to their<br />
8
different sensitivity to curvature. Our data also show that fission of membrane can be<br />
promoted by induction of phase separation within the tubes. Interestingly, this induction<br />
requires the lipid membrane composition to be close to the phase transition. It is a<br />
characteristic of many systems in biology to work at a limit of a phase transition to<br />
increase their sensitivity. One can speculate that biological membranes competent for<br />
intracellular transport behave in the same way. One of the main role of the numerous<br />
proteins shown to be involved in sorting and fission events 23 could be then to favor<br />
phase separation of membrane lipids.<br />
METHODS<br />
Reagents<br />
Lipids (brain sphingomyelin, DOPC, cholesterol, and N-biotinyl-dioleyl-<br />
phosphoethanolamine (Biot-DOPE) were purchased from Avanti Polar Lipids. BODIPY<br />
530/550 C5-hexa<strong>de</strong>canoyl phosphatidylcholine, BODIPY-FL C5-hexa<strong>de</strong>canoyl<br />
phosphatidyl-choline and NBD-C5-hexa<strong>de</strong>canoyl phosphatidylcholine were obtained<br />
from Molecular Probes. All chemicals were purchased from Sigma Aldrich, except ATP<br />
and GTP obtained from Roche Molecular Biochemicals. Streptavidin beads (100 nm)<br />
were purchased from Bangs Laboratories (Carmel, IN). Biotinylated hemagglutinin-<br />
kinesin (a gift of F. Nédélec, European Molecular Biology Laboratory, Hei<strong>de</strong>lberg) was<br />
purified as previously <strong>de</strong>scribed 24 .<br />
9
GUVs<br />
Giant unilamellar vesicles were grown using the electroformation technique 25 at<br />
50°C to be over the melting temperature of sphingomyelins, which insures a good<br />
mixing of lipids during the growth process. To make lipid mixes, BSM (M.W. 731 g)<br />
and DOPC (M.W. 786 g) were consi<strong>de</strong>red to have the same molecular weight and<br />
cholesterol (M.W. 387 g) half of it.<br />
Assay for tube formation<br />
Membrane tubes were pulled out of GUVs and Golgi membranes as previously<br />
<strong>de</strong>scribed 12 . All the experiments were performed at room temperature, typically 22°C.<br />
Enriched rat liver Golgi membranes were purified according to standard procedure 26 .<br />
3D fast microscopy<br />
A set-up <strong>de</strong>veloped at the Curie Institute was used and previously <strong>de</strong>scribed in<br />
20 . No <strong>de</strong>convolution process was used. For each tube network, 6 stacks of 80 to 100<br />
images were acquired every 15 s, each image taken every 0.3 µm by a CoolSNAP HQ<br />
camera (Princeton Instruments). Each image was acquired for 50 ms to 70 ms.<br />
Photoactivation of phase separation<br />
Two illumination conditions were used: Fast phase separation was obtained<br />
using a HBO 100 Watt mercury lamp mounted on a Zeiss Axiovert 200 microscope, on<br />
vesicles containing only 0.5% of the BODIPY-HPC probe. The lamp was used at 50%<br />
of its maximal intensity with an excitation filter at 525 nm, generating a light intensity<br />
of 3.5 mW (exit of the objective), and 100 images were acquired, 100 ms each, leading<br />
10
to 10 s of intense photoactivation. Un<strong>de</strong>r these conditions, phase separation occurred<br />
within a second and led to fission of tubes after several seconds (strong<br />
photoactivation). Un<strong>de</strong>r the 3D fast microscope, a low light intensity (10 µW, exit of<br />
the objective) at rhodamine excitation wavelength (545 nm) and 1% of fluorescent<br />
marker (bec<strong>au</strong>se 0,5% did not led to phase separation, as less oxidized cholesterol was<br />
generated un<strong>de</strong>r these illumination conditions) allowed phase separation to occur within<br />
10 s (weak photoactivation).<br />
Photoactivation of lipids and thin layer chromatography (TLC) analysis<br />
1 mg of 1:1:1 BSM-chol-DOPC containing 1% of BODIPY-lipid was<br />
resuspen<strong>de</strong>d in 0.5 mL of water by vortexing for several min. Small Unilamellar<br />
Vesicles (SUVs) were formed by continuous sonication for 3-4 min. SUVs were then<br />
photoactivated by placing the eppendorf tube un<strong>de</strong>r a laser beam (250 mW, 25 mW or<br />
0.6 mW) at 514 nm for 2 h. The intensity of laser used in figure S2 was 250 mW<br />
(maximum). The suspension was dried in a speedvac after transfer to a glass tube, and<br />
traces of water were removed by placing the tube overnight in a vacuum oven. Then,<br />
lipids were resuspen<strong>de</strong>d in CHCL3, and analyzed on thin layer chromatography silica<br />
plates (WHATMAN AL SIL G/UV, cat N°4420 222). To separate properly different<br />
sterols, a mix of 95% CHCL3, 5% acetone was used. With this eluent, glycerolipids and<br />
sphingolipids do not migrate. Sterols were revealed by 10% phosphotungstic acid in<br />
90% ethanol and heating the plate at 90°C in an oven for 15 min. Quantities could not<br />
be accurately measured with this chemical reaction, but about twice less oxidized<br />
cholesterol was found for 25 mW, and more then 10 times less for 0.6 mW.<br />
11
Estimation of tube diameter<br />
We knew from previous electronic microscopy data that tubes ma<strong>de</strong> of Ld phase (Egg<br />
Phosphatidylcholine) were typically 40 nm wi<strong>de</strong> 12 , thus far below optical resolution of<br />
photonic microscopes. From fluorescence images, 0:1:1 tubes (in Ld phase) were<br />
estimated to be 260±4 nm wi<strong>de</strong>. This value gives the minimal size measurable with this<br />
technique, and thus the optical resolution. Any tube smaller than that would appear to<br />
be 260 nm wi<strong>de</strong>. We measured Lo phase tubes (1:1:0 composition) diameter to be<br />
424±36 nm, above the optical resolution and thus reliable. Taken electronic microscopy<br />
and fluorescence data together, we estimated the diameter ratio between a Lo and Ld<br />
phase to be between 5 to 10 times.<br />
Note: Supplementary Information is available on the Nature Cell Biology website.<br />
Divx co<strong>de</strong>c (dowloadable from www.divx.com) is nee<strong>de</strong>d to visualize .avi movies.<br />
Acknowledgements<br />
We thank the microscopy platform team of the Curie Institute, J.B. Sibarita, V. Fraisier,<br />
J. <strong>de</strong> Mey and J. Salamero, for their valuable technical support. We thank J.F. Joanny,<br />
I. Dérényi, for illuminating discussions. We also thank F. Perez, B. Antonny,<br />
J.B. Manneville , O. Owar and K. Simons for critical reading of this paper.<br />
This work was supported by CNRS grants (ACI "Dynamique et réactivité <strong>de</strong>s<br />
assemblages biologiques" et ACI "Nanosciences et nanotechnologies") and by the Curie<br />
Institute (PIC "La Physique à l'Echelle <strong>de</strong> la Cellule").<br />
12
References<br />
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3. Mukherjee, S., Soe, T. T. & Maxfield, F. R. Endocytic sorting of lipid analogues<br />
differing solely in the chemistry of their hydrophobic tails. J Cell Biol 144,<br />
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14
Figure legends:<br />
Figure 1: A: Schematic phase diagram <strong>de</strong>duced from data obtained with 11 different<br />
compositions of lipid mix. The gray area represents the predicted region where vesicles<br />
show domains without photoactivation or treatment with MβCD. The white area<br />
corresponds to homogeneous vesicles. Black dots: compositions showing phase<br />
separation, white dots compositions that were homogeneous and not sensitive to<br />
photoactivation and half-white, half-black dots: compositions at the frontier between<br />
segregated and non-segregated states.<br />
B: Induction of phase separation of lipids by strong photoactivation. Vesicles ma<strong>de</strong> of<br />
only DOPC and cholesterol (0:1:1) do not exhibit formation of domains un<strong>de</strong>r<br />
fluorescence excitation. In contrast, photoactivation of GUVs ma<strong>de</strong> of Brain<br />
Sphingomyelin (BSM), cholesterol and DOPC (1:1:1) induces the apparition of small<br />
domains that rapidly fuse together (see also movie S1 in online supp. Material).<br />
Photoactivation had no effect when lipids were segregated by incubating GUVs in the<br />
presence of 10 mM M CD. Time is in seconds. The scale bars represent 10 µm.<br />
:<br />
Figure 2: Sorting of lipids within membrane tubes. A: Tube grown from GUVs ma<strong>de</strong><br />
of only Lo phase (1:1:0) has a bigger diameter than the one originating from 0:1:1<br />
GUVs Bar, 1 µm. B: Tubes pulled out of 1:1:1 segregated vesicle. The big arrow points<br />
to a non-fluorescent domain and the thin arrow shows the connection of a tube with a<br />
15
fluorescent domain. Bar, 10 µm. C: Tubes pulled out of 1:1:1 during phase separation<br />
by weak photoactivation. Each photo is a projection of 6 images taken every 0.3 µm (all<br />
photos are presented in Fig. S3). At time 0, the vesicle is homogeneous; highly<br />
fluorescent dots (white) are streptavidin beads aggregated on membranes membranes.<br />
Fluorescent domains appear at 15 s (less fluorescent than beads aggregates) and<br />
increase in size (time 30 s and 45 s) and fuse (compare time 45 s and 60 s). Tubes are<br />
connected to fluorescent domains as soon as they appear on the vesicle, leading to tubes<br />
connected to large fluorescent domains at time 75 s. Bar 10 µm. D: Percentage of tubes<br />
connected to the fluorescent phase versus lipid composition: 1:1:1 ind are homogeneous<br />
1:1:1 GUVs on which phase separation was induced by weak photoactivation after tube<br />
extraction (see Fig. 2C). 1:1:1 seg are segregated sub-population of 1:1:1 GUVs (see<br />
Fig. 2B). For each lipid composition, between 60 and 120 tubes were examined. Of note<br />
no measurements were performed on 3:0:1 vesicles as the two phases were intimately<br />
interlaced, making difficult to <strong>de</strong>termine to which phase tubes were connected.<br />
Furthermore, tubes pulled out of these vesicles showed extensive spontaneous fission.<br />
E: Segregation of fluorescent and biotinylated lipids on 3:1:3 GUVs: BOD-FL-HPC is<br />
the fluorescent probe segregating in the Ld phase; biotinylated Cap-DOPE was <strong>de</strong>tected<br />
using Cy3-Streptavidin. Bar 10 µm.<br />
Figure 3: Phase separation induces fission of tubes. A: Strong photoactivation of tubes<br />
growing from 1:1:1 vesicles leads to tube fission. Fission events (big arrows)<br />
predominantly occurred at the sites of formation of small non-fluorescent domains<br />
resulting from phase separation (small arrows) (see also movie S2 in online supp. Inf.).<br />
16
B and C: Fission events were not observed on tubes from 0:1:1 vesicles (B) or from<br />
1:1:1 vesicles treated with 10 mM MβCD prior to tube extraction (C). Bars 10 µm.<br />
Figure 4: A and B: The addition of 10 mM MβCD after tube extraction leads to fission<br />
of tubes (big arrows) growing from 1:1:1 vesicles (A, see also movie in online supp.<br />
Mat.), but not from homogeneous 0:1:1 vesicles (B). Time 0 corresponds to the<br />
injection of MβCD. C: Injection of 10 mM MβCD on membrane tubes grown from<br />
purified Golgi membranes leads to fission of tubes. Time is in seconds and 0<br />
corresponds to the injection of MβCD. Golgi membranes visible at time 0 have been<br />
flushed out the field of camera by MβCD flux. Arrow shows a fission event. D:<br />
Percentage of networks grown from GUVs of various compositions and from Golgi<br />
membranes showing at least one fission event after injection of MβCD. Bars 10 µm.<br />
17
ROUX_NCB_figure1.jpg<br />
18
ROUX_NCB_figure2.jpg<br />
19
ROUX_NCB_figure3.jpg<br />
20
ROUX_NCB_figure4.jpg<br />
21
Supporting Online Information<br />
Supporting online Figures legends:<br />
Figure S1: Effect of composition on phase separation in GUVs.<br />
A: Numbers correspond to the molar ratios of Brain Sphingomyelin, Cholesterol and<br />
DOPC (BSM:Chol:DOPC), respectively. 1:1:1 S illustrates the segregated sub-fraction<br />
of vesicles ma<strong>de</strong> with the 1:1:1 composition. Pre: homogenous sub-fraction of vesicles<br />
ma<strong>de</strong> of 1:1:1, prior to photoactivation. Post: same vesicle as Pre, after 2 min. of weak<br />
photoactivation. Large domains of several µm of diameter, are visible. B: Fluorescence<br />
intensity ratio of fluorescent phase over non-fluorescent phase versus lipid composition.<br />
Measurements were performed on 10-15 equatorial confocal planes of vesicles for each<br />
lipid mix.<br />
Figure S2: Effect of photoactivation on lipids. A: Thin layer chromatography (see<br />
materials & methods) of 1:1:1 composition, without (NPA) and with (PA)<br />
photoactivation, and cholesterol (Chol) as a marker. B: NPA lipids were used to grow<br />
vesicles that are homogenous and photoactivable (sequence 1:1:1 NPA lipids). In<br />
contrast, GUVs grown from PA lipids were segregated and not photoactivable<br />
(sequence 1:1:1 PA lipids). Adding 6% cholesterol to the photoactivated mix, restores<br />
homogeneity and photo-induction of phase separation (sequence 1:1:1 P.A. lipids +<br />
cholesterol); Bars 10 µm.<br />
Figure S3: Weak photoactivation of homogenous 1:1:1 GUV after tube extraction<br />
22
Sections of the projected stacks from Fig. 2C (horizontal axis) and evolution with time<br />
(vertical axis). Thin arrows show the apparition of small domains that grow and merge.<br />
Large arrows show 2 connection points of tubes with the vesicle. These points were<br />
connected to the fluorescent phase. See materials and methods for <strong>de</strong>tails about<br />
acquisition.<br />
Additional <strong>de</strong>tails on the phase separation induced by photoactivation:<br />
The effect of photo-activation on lipids was tested using TLC for the 1:1:1 composition.<br />
The BODIPY-C5-HPC probe was previously 1 shown to generate superoxi<strong>de</strong> ions<br />
during photoactivation that could oxidize surrounding molecules. TLC analysis showed<br />
that a small amount of cholesterol was oxidized after strong photoactivation of 1:1:1<br />
Small Unilamellar vesicles (SUVs) (Fig. S2 A). Oxidized cholesterol amount was<br />
<strong>de</strong>creasing with light intensity, and was estimated to be more than 10 times less while<br />
light intensity <strong>de</strong>creased by a factor 400 (data not shown). GUVs ma<strong>de</strong> of this strongly<br />
photoactivated mix were segregated and not further photoactivable (figure S2 B). As<br />
expected, lipids extracted from non-photoactivated SUVs produced homogenous and<br />
photoactivable GUVs (Fig. S2 B). Oxidized forms of cholesterol probably interact with<br />
sphingolipids in a different way than cholesterol itself, which interacts strongly with<br />
sphingolipids via its hydroxi<strong>de</strong> group. The induction of phase separation by photo-<br />
activation was not observable with NBD-C5-HPC, a probe that do not generate<br />
23
superoxi<strong>de</strong> ions (data not shown). We further tested if phase separation was due to<br />
cholesterol <strong>de</strong>pletion, or to apparition of new species (i.e. oxidized cholesterol). To<br />
discriminate between the two hypotheses, cholesterol was ad<strong>de</strong>d to photoactivated lipid<br />
mix. The addition of 2% cholesterol to the photoactivated lipid mix did not restore<br />
homogeneity, whereas 6% cholesterol did. Photoactivation of these GUVs induced<br />
phase separation with a small <strong>de</strong>lay compared to non-photoactivated 1:1:1 mix,<br />
probably due to a slightly higher concentration of cholesterol (Fig. S2 B). We<br />
conclu<strong>de</strong>d that oxidized cholesterol did not prevent the membrane from being<br />
homogenous and that the global effect of photoactivation was a <strong>de</strong>pletion of cholesterol.<br />
This <strong>de</strong>pletion could be compensated by adding cholesterol and thus, we can estimate to<br />
a few percent the amount of cholesterol being oxidized by strong photoactivation.<br />
Movie Legends:<br />
Divx co<strong>de</strong>c (downloadable from www.divx.com) is nee<strong>de</strong>d to read these movies.<br />
Movie S1: Fission induced by photoactivation on a 1:1:1 tube network. Numerous<br />
fission events are observable, resulting in only small vesicles at the end.<br />
Movies Fig 3A, Fig 4A and Fig 4C correspond to figures.<br />
24
Supporting Online Information References<br />
1. Solon, J. & Bassere<strong>au</strong>, P. (in preparation).<br />
25
ROUX_NCB_figureS1.jpg<br />
26
ROUX_NCB_figureS2.jpg<br />
27
ROUX_NCB_figureS3.jpg<br />
28
IV.3 Expériences complémentaires et discussion<br />
Nous avons réalisé quelques expériences supplémentaires qui permettent <strong>de</strong> mieux<br />
comprendre les lois physiques qui sont à l’origine du tri et <strong>de</strong> la coupure observés dans notre<br />
système.<br />
IV.3.1 Tri <strong>de</strong> lipi<strong>de</strong>s et courbure<br />
IV.3.1.1 Mesures <strong>de</strong>s rigidités <strong>de</strong> courbures par extraction <strong>de</strong> tubes<br />
Nous avons vu <strong>au</strong> chapitre 2.2 que la force d’extraction et le rayon du tube ne<br />
dépendaient que <strong>de</strong> la tension <strong>de</strong> la membrane et <strong>de</strong> sa rigidité <strong>de</strong> courbure, avec<br />
R = κ 2σ<br />
et f = 2π2κσ , où R et f sont respectivement le rayon et la force statique, et σ<br />
et κ la tension et la rigidité <strong>de</strong> courbure. Comme nous l’avons vu <strong>au</strong> chapitre 2.1, la technique<br />
<strong>de</strong> micropipette permet <strong>de</strong> fixer (et <strong>de</strong> mesurer) la tension <strong>de</strong> la membrane. De plus, il est<br />
possible d’utiliser une bille piégée dans une pince optique pour extraire un tube, et <strong>de</strong> mesurer<br />
par le déplacement <strong>de</strong> la bille, la force nécessaire pour extraire le tube (par exemple [157]). Le<br />
principe <strong>de</strong> la pince optique est simple : un faisce<strong>au</strong> laser focalisé par un objectif peut tenir un<br />
objet <strong>de</strong> l’ordre du micron et d’indice optique différent <strong>de</strong> celui du milieu. La pince peut être<br />
décrite comme un ressort, et le déplacement d <strong>de</strong> la bille dépend <strong>de</strong> la force f qui lui est<br />
appliquée avec f = Kd, où K est la constante <strong>de</strong> rai<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> la pince, qui dépend linéairement<br />
<strong>de</strong> l’intensité du laser qui piège la bille et donc K = KpP, où Kp est la rigidité par unité <strong>de</strong><br />
puissance laser, et P la puissance du laser.<br />
177
Figure 52 : Formation d’un tube à partir d’une vésicule aspirée dans une micropipette et traction par une<br />
bille piégée dans une pince optique. 1- la vésicule est aspirée dans la micropipette. 2- une bille est piégée<br />
dans la pince optique et est collée sur la vésicule. On éloigne ensuite la pipette ce qui déforme la vésicule. 3-<br />
après une transition brutale <strong>de</strong> la forme, on voit un tube très fin qui connecte la bille à la vésicule. Barre 10<br />
µm.<br />
Damien Cuvelier et Pierre Nassoy <strong>au</strong> laboratoire ont réalisé un montage alliant<br />
technique <strong>de</strong> micropipette et pince optique, permettant l’extraction <strong>de</strong> tube en fixant la tension<br />
178
<strong>de</strong> la vésicule. Ceci permet <strong>de</strong> mesurer directement à la rigidité <strong>de</strong> courbure, connaissant la<br />
force et la tension avec<br />
2 2<br />
κ = f 8σ<br />
π . Dans une série d’expériences préliminaires, et sans<br />
mesurer précisément la tension (le dispositif <strong>de</strong> mesure étant encore en cours d’installation),<br />
nous avons pu extraire <strong>de</strong>s tubes à partir <strong>de</strong> vésicules en phase Ld ou Lo et montrer que pour<br />
une tension du même ordre, la force était plus importante pour les vésicules en phase Lo. Pour<br />
extraire un tube, on aspire d’abord une vésicule dans une pipette (n°1, figure 52). Puis on<br />
piège une bille streptavidine <strong>de</strong> 3,5 µm dans la pince optique et on la colle sur vésicule qui<br />
contient <strong>de</strong>s lipi<strong>de</strong>s biotinylés (n°2 figure 52). Enfin, en déplaçant longitudinalement et<br />
délicatement la pipette grâce à un micromanipulateur, on exerce une force localement sur la<br />
membrane qui déforme la vésicule (n°2 figure 52), puis on observe une transition brutale <strong>de</strong><br />
forme qui conduit à la formation d’un tube (n°3 figure 52).<br />
Pour pouvoir remonter à la rigidité <strong>de</strong> courbure, il f<strong>au</strong>t pouvoir estimer la force<br />
statique du tube, c’est-à-dire la force appliquée sur la bille une fois le tube formé. Grâce à un<br />
programme développé à l’institut Curie par Konstantin Zeldovitch, nous avons pu suivre la<br />
position <strong>de</strong> la bille et calculer son déplacement <strong>au</strong> cours <strong>de</strong> la formation du tube, et ainsi<br />
remonter à la force appliquée sur la bille <strong>au</strong> cours du temps. De ces données, on peut tracer<br />
<strong>de</strong>ux types <strong>de</strong> courbes : la force en fonction du temps (figure 53A) <strong>au</strong> cours du déplacement<br />
<strong>de</strong> la pipette et la force en fonction <strong>de</strong> la longueur du tube (figure 53B). On voit dans les <strong>de</strong>ux<br />
cas, que la force passe par un maximum, puis diminue brutalement pour atteindre une valeur<br />
plate<strong>au</strong>, qui est la force statique du tube. En comparant les images (voir figure 52) et les<br />
données sur la force (figure 53), on constate que la transition brutale <strong>de</strong> la force correspond à<br />
la transition brutale dans la forme (formation du tube, voir figure 52). Ceci était prévu par la<br />
théorie (voir chapitre 2.2.2) et déjà montré par le groupe <strong>de</strong> Marileen Dogterom [157]. Ici,<br />
nous avons utilisé <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong> vésicules différentes. Pour <strong>de</strong>s vésicules en phase Ld<br />
(50%DOPC, 50% cholestérol, 0:1:1) et pour une tension <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> 10 -4 - 10 -5 N/m, on<br />
mesure une force statique <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> 10 à 20 pN (voir figure 53A). Ce qui donne une<br />
rigidité <strong>de</strong> courbure d’environ 5 à 10.10 -20 J, qui est la valeur mesurée par d’<strong>au</strong>tres techniques.<br />
Dans le cas <strong>de</strong> vésicules en phase Lo (50% sphingomyélines <strong>de</strong> cerve<strong>au</strong>, 50% cholestérol,<br />
1:1:0), la force statique mesurée, pour le même ordre <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> tension, est comprise<br />
entre 50 et 100 pN. Ce qui donne une rigidité <strong>de</strong> courbure 25 à 100 fois plus gran<strong>de</strong> que pour<br />
la phase Ld. Ceci correspond bien <strong>au</strong> fait que nous avons également observé <strong>de</strong>s tubes 5 à 10<br />
fois plus larges pour la phase Lo que pour la phase Ld (voir article), ce qui donne également un<br />
facteur 25 à 100 dans les rigidités <strong>de</strong> courbure.<br />
179
Une analyse plus quantitative, avec une mesure précise <strong>de</strong> la tension est en cours, ce qui<br />
permettra d’estimer plus précisément les rigidités <strong>de</strong> courbures pour <strong>de</strong>s vésicules <strong>de</strong><br />
différentes compositions, et <strong>de</strong> tester entièrement expérimentalement la relation théorique<br />
liant la force, la rigidité <strong>de</strong> courbure et la tension.<br />
Figure 53 : Analyse <strong>de</strong> la force <strong>au</strong> cours <strong>de</strong> la formation d’un tube. A-diagramme Force en fonction du<br />
temps <strong>au</strong> cours du déplacement <strong>de</strong> la pipette (vitesse non-constante) pour une vésicule en phase Lo (50%<br />
DOPC, 50% cholestérol). Le plate<strong>au</strong> <strong>de</strong> force obtenu après le maximum donne une force statique d’environ<br />
15 pN. B- diagramme Force en fonction <strong>de</strong> la longueur du tube pour une vésicule en phase Lo (50%<br />
sphingomyélines, 50% cholestérol). Le plate<strong>au</strong> donne une force statique d’environ 50 pN (-20 pN est la<br />
force appliquée sur la bille lorsque la vésicule est mise <strong>au</strong> contact <strong>de</strong> la bille).<br />
Il est intéressant <strong>de</strong> noter que dans les expériences, le maximum <strong>de</strong> force est en<br />
général <strong>de</strong> 50 à 250 % plus important que la force statique. Théoriquement, ce maximum <strong>de</strong><br />
force avait été calculé comme étant <strong>de</strong> 13% plus important que la force statique (voir chapitre<br />
2.2.2, contact ponctuel). Dans nos expériences comme dans celles <strong>de</strong> l’équipe <strong>de</strong> Marileen<br />
Dogterom [157], il semble que la valeur <strong>de</strong> ce maximum soit corrélée à la taille <strong>de</strong> la surface<br />
d’adhésion entre bille et vésicule qui varie <strong>de</strong> quelques dizaines <strong>de</strong> nm 2 à quelques µm 2 . Plus<br />
la surface d’adhésion est gran<strong>de</strong>, plus le maximum est important. Ceci est probablement dû <strong>au</strong><br />
180
fait que si le rayon moyen <strong>de</strong> la surface d’adhésion est nettement supérieur <strong>au</strong> rayon du tube<br />
final, il f<strong>au</strong>dra passer pour former le tube par un intermédiaire <strong>de</strong> rayon <strong>au</strong> moins égal <strong>au</strong><br />
rayon <strong>de</strong> la surface d’adhésion. Or, comme la force est proportionnelle <strong>au</strong> rayon, plus le rayon<br />
<strong>de</strong> la surface d’adhésion est grand, plus l’intermédiaire nécessitera une force importante pour<br />
être franchi. D’où un overshoot plus important.<br />
IV.3.1.2 Expériences avec la composition 3:4:1<br />
Avec une composition proche <strong>de</strong> la transition non-ségrégé/ségrégé <strong>au</strong>tre que la<br />
composition 1:1:1 (sphingomyéline, cholestérol, DOPC), il est possible d’avoir <strong>de</strong>s effets<br />
intéressants. La composition 3:4:1 est très riche en sphingomyéline, et correspond à une<br />
membrane homogène, et la séparation <strong>de</strong> phase est inductible par photoactivation comme pour<br />
la composition 1:1:1. Cette composition se trouve dans une région du diagramme <strong>de</strong> phase où<br />
la concentration en sphingomyéline est suffisamment importante pour que les vésicules<br />
forment <strong>de</strong>s gros tubes lorsqu’ils sont tirés à partir <strong>de</strong> la phase Lo. Nous avons raisonné<br />
comme ceci : les vésicules 3:4:1 étant homogènes et riches en sphingomyéline, les tubes qui<br />
poussent à partir <strong>de</strong> ces vésicules doivent être gros, si toutefois, la composition <strong>de</strong>s tubes est<br />
la même que celle <strong>de</strong>s vésicules. Si <strong>au</strong> contraire, la formation <strong>de</strong>s tubes enrichit la membrane<br />
en lipi<strong>de</strong>s ségrégeant préférentiellement dans la phase Ld, alors les tubes seront petits.<br />
Effectivement, les tubes qui poussent à partir <strong>de</strong>s vésicules 3 :4 :1 sont petits <strong>au</strong> début,<br />
mais grossissent avec le temps (voir figure 54).<br />
Figure 54 : Les tubes tirés à partir <strong>de</strong> vésicules 3 :4 :1 grossissent <strong>au</strong> cours du temps. Le temps est en<br />
minutes, La flèche montre un événement <strong>de</strong> coupure spontanée. De nombreuses rétractions sont observées.<br />
Barre : 10 µm.<br />
181
Leur diamètre <strong>au</strong>gmente avec le temps jusqu’à <strong>de</strong>venir <strong>de</strong> l’ordre du <strong>de</strong>mi-micron après<br />
quelques minutes. L’explication que nous donnons à ce phénomène est que les tubes<br />
lorsqu’ils sont en cours ou juste formés sont enrichis en lipi<strong>de</strong>s ségrégeant dans la phase Ld.<br />
Puis, progressivement le tube s’enrichit en lipi<strong>de</strong>s constituant la phase Lo, ce qui tend à<br />
<strong>au</strong>gmenter dans le rayon du tube, puisque la rigidité <strong>de</strong> courbure <strong>au</strong>gmente. Ceci est à relier<br />
<strong>au</strong> fait que <strong>de</strong> nombreuses rétractions sont observées lors <strong>de</strong> l’épaississement <strong>de</strong>s tubes. Si le<br />
diamètre <strong>au</strong>gmente, la rigidité <strong>de</strong> courbure <strong>au</strong>gmente probablement, et donc la force exercée<br />
sur le bout du tube <strong>au</strong>ssi, expliquant les rétractions. Cependant, il est difficile <strong>de</strong> comprendre<br />
pourquoi les lipi<strong>de</strong>s ségrégeant dans la phase Lo finissent par diffuser dans le tube, alors qu’ils<br />
en ont été exclus lors <strong>de</strong> sa formation. Une expérience qui pourrait ai<strong>de</strong>r à répondre à cette<br />
question serait <strong>de</strong> tirer <strong>de</strong>s tubes avec la pince optique sur <strong>de</strong>s vésicules 3 :4 :1 pour analyser<br />
l’évolution <strong>de</strong> la force à tension fixée. Si les lipi<strong>de</strong>s Lo investissent le tube, alors la force<br />
<strong>au</strong>gmentera <strong>au</strong> cours du temps et sera un reflet <strong>de</strong> la dynamique <strong>de</strong> diffusion <strong>de</strong> ces lipi<strong>de</strong>s<br />
dans le tube.<br />
IV.3.2 Séparation <strong>de</strong> phase et coupure<br />
Nous avons vu que l’induction d’une séparation <strong>de</strong> phase le long du tube pouvait<br />
provoquer la coupure <strong>de</strong> ce tube <strong>au</strong> point précis d’apparition <strong>de</strong>s domaines <strong>de</strong> phase Lo. Ceci<br />
ne nécessite <strong>au</strong>cun apport d’énergie à partir du moment où la séparation <strong>de</strong> phase a été<br />
provoquée. Alors que dans le cas <strong>de</strong> membrane à un composant il f<strong>au</strong>t <strong>de</strong>s énergies très<br />
gran<strong>de</strong>s pour couper la membrane, la fission semble spontanée sur <strong>de</strong>s membranes pouvant<br />
ségréger. C’est donc un mécanisme peu coûteux en terme d’énergie, et donc bien approprié<br />
<strong>au</strong>x conditions cellulaires. Il est donc important <strong>de</strong> comprendre quels phénomènes physiques,<br />
et quelles énergies sont mises en jeu dans le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> fission que nous observons.<br />
IV.3.2.1 La fission a lieu à la frontière entre les domaines.<br />
Une <strong>de</strong>s questions importantes est <strong>de</strong> savoir où précisément a lieu la coupure sur le<br />
tube. Avec la composition 1:1:1, les domaines Lo qui apparaissent sont trop petits pour<br />
pouvoir distinguer si la coupure a lieu dans le domaine Lo ou à la frontière entre les domaines<br />
Lo et Ld. Comme nous l’avons vu dans le paragraphe précé<strong>de</strong>nt, les tubes qui poussent à partir<br />
182
<strong>de</strong> vésicules <strong>de</strong> composition 3:4:1 sont petits <strong>au</strong> début, puis grossissent après plusieurs<br />
minutes. Cependant, les vésicules restent « inductibles », et il est donc possible à tout moment<br />
d’induire la séparation <strong>de</strong> phase le long <strong>de</strong> ces tubes par photoactivation forte. Si on induit la<br />
séparation <strong>de</strong> phase sur les tubes fins (c’est-à-dire qui viennent juste <strong>de</strong> se former), ce qu’on<br />
observe n’est pas différent <strong>de</strong> ce que l’on observe avec la composition 1:1:1. Les domaines<br />
induits sont petits, et la zone <strong>de</strong> coupure est difficile à déterminer. Si l’on induit la séparation<br />
<strong>de</strong> phase sur <strong>de</strong>s tubes qui ont fortement grossi, on peut alors observer la zone <strong>de</strong> fission avec<br />
plus <strong>de</strong> précision (voir figure 55): l’induction <strong>de</strong> la séparation <strong>de</strong> phase provoque l’apparition<br />
d’un tube fin très fluorescent (Phase Ld) <strong>au</strong> bout du tube. Ce tube est connecté <strong>au</strong> gros tube<br />
par une zone en forme d’ép<strong>au</strong>le (voir figure 55). C’est à cette jonction qu’a précisément lieu<br />
la fission. Ceci suggère que la jonction entre les <strong>de</strong>ux domaines est une zone <strong>de</strong> fragilité<br />
importante. Les <strong>de</strong>ux phénomènes qui pourraient expliquer que cette zone soit un endroit <strong>de</strong><br />
rupture sont l’existence d’une tension <strong>de</strong> ligne entre les <strong>de</strong>ux domaines (voir 2.3.1.3), et/ou<br />
que l’une <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux phases soient exclue <strong>de</strong>s zones <strong>de</strong> courbure g<strong>au</strong>ssienne négative<br />
(2.3.1.4.2).<br />
Figure 55 : Induction <strong>de</strong> séparation <strong>de</strong> phase par photoactivation sur <strong>de</strong>s gros tubes tirés à partir d’une<br />
vésicule <strong>de</strong> composition 3:4:1. Un petit tube apparaît à son bout, et la coupure a lieu à la jonction entre le<br />
petit et le gros tube (flèche). Barre 5 µm. 1 photo/2s.<br />
183
IV.3.2.2 Fission par séparation <strong>de</strong> phase : mécanismes possibles<br />
Deux paramètres importants peuvent expliquer la fission dans une zone proche <strong>de</strong> la<br />
connection entre un tube <strong>de</strong> composition A et un tube <strong>de</strong> composition B : s’il existe une<br />
tension <strong>de</strong> ligne entre les <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong> domaines, elle va avoir tendance à resserrer le tube <strong>au</strong><br />
nive<strong>au</strong> <strong>de</strong> la connection, provoquant un pincement fort conduisant à la fission. L’<strong>au</strong>tre<br />
paramètre important est la courbure g<strong>au</strong>ssienne. Nous avons vu <strong>au</strong> 2.1 que le théorème <strong>de</strong><br />
G<strong>au</strong>ss-Bonnet permettait <strong>de</strong> calculer que l’énergie associée à la courbure g<strong>au</strong>ssienne d’une<br />
membrane à un composant et fermée (comme les vésicules) était une constante qui dépendait<br />
<strong>de</strong> sa topologie. Dans le cas <strong>de</strong>s vésicules à domaines, cette énergie n’est plus une constante et<br />
dépend fortement <strong>de</strong> la forme <strong>de</strong> la vésicule, mais <strong>au</strong>ssi, comme pour la tension <strong>de</strong> ligne, <strong>de</strong> la<br />
longueur <strong>de</strong> l’interface entre les domaines. Cornélis Storm, Jean-François Joanny et Jacques<br />
Prost <strong>au</strong> laboratoire en collaboration avec Jean-Marc Allain et Martine Ben-Amar à l’ENS ont<br />
pu simuler la forme prise par l’interface entre les <strong>de</strong>ux parties d’un tube constitué <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux<br />
phases en tenant compte <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux paramètres. On considére dans un premier temps que les<br />
modules <strong>de</strong> rigidité sont i<strong>de</strong>ntiques dans les <strong>de</strong>ux phases. Il f<strong>au</strong>t donc ajouter dans<br />
l’expression <strong>de</strong> l’énergie d’un tube donnée par l’équation 2.17, <strong>de</strong>ux termes : un qui dépend<br />
<strong>de</strong> la tension <strong>de</strong> ligne τ, et un qui dépend <strong>de</strong> la différence <strong>de</strong> module <strong>de</strong> rigidité <strong>de</strong> courbure<br />
g<strong>au</strong>ssienne ∆κ<br />
. On obtient :<br />
G<br />
κ<br />
H = c + dA− fL+ r +∆<br />
2<br />
2<br />
∫ ( (2 ) σ) 2 π( τ 0 κGcos(<br />
0))<br />
ψ (4.1)<br />
où r0 est le rayon <strong>de</strong> l’interface entre les <strong>de</strong>ux domaines et ψ0 l’angle que fait à la normale la<br />
tangente à la membrane <strong>au</strong> nive<strong>au</strong> <strong>de</strong> l’interface (voir figure 56). Il est relativement simple <strong>de</strong><br />
calculer la forme prise par le tube dans le cas où la différence <strong>de</strong> module <strong>de</strong> courbure<br />
g<strong>au</strong>ssienne est nulle ( ∆ κ = 0 ), et le cas où la tension <strong>de</strong> ligne est nulle (τ = 0). La figure 56<br />
G<br />
montre les formes prises par le tube dans ces <strong>de</strong>ux cas. Dans les cas, le tube présente un<br />
pincement.<br />
184
Figure 56 : Formes prises par la zone <strong>de</strong> connection entre <strong>de</strong>ux tubes <strong>de</strong> compositions différentes A (rouge<br />
ou j<strong>au</strong>ne) et B (bleu ou violet) <strong>de</strong> même rigidité <strong>de</strong> courbure. A- La différence <strong>de</strong> module <strong>de</strong> courbure<br />
g<strong>au</strong>ssienne est nulle ( ∆ κ = 0 ) et la tension <strong>de</strong> ligne domine. L’interface est située exactement <strong>au</strong><br />
G<br />
pincement (r0<br />
= rneck, le rayon minimal) entre les <strong>de</strong>ux tubes. B- La tension <strong>de</strong> ligne est nulle, et l’interface<br />
n’est pas située <strong>au</strong> pincement le plus fort, mais un peu en retrait. Merci à Cornélis Storm.<br />
Cependant, dans les <strong>de</strong>ux cas, la zone <strong>de</strong> coupure n’est pas située <strong>au</strong> même endroit :<br />
lorsque la tension <strong>de</strong> ligne domine, l’interface située entre les <strong>de</strong>ux domaines est exactement<br />
située à l’endroit du pincement le plus fort <strong>de</strong> la membrane (figure 56A). Dans le cas du<br />
pincement par courbure g<strong>au</strong>ssienne, l’interface n’est pas située exactement à l’endroit <strong>de</strong><br />
rayon le plus faible, mais en retrait du coté où se trouve le domaine <strong>de</strong> rigidité <strong>de</strong> courbure<br />
(g<strong>au</strong>ssienne) la plus gran<strong>de</strong>. Mais la différence <strong>de</strong> localisation entre les <strong>de</strong>ux cas est inférieure<br />
<strong>au</strong> diamètre du tube, qui est lui-même <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> la cinquantaine <strong>de</strong> nm, soit bien inférieure<br />
185
à la résolution optique, et nous n’avons pu, pour l’instant déterminer quel était le paramètre<br />
dominant (tension <strong>de</strong> ligne ou différence <strong>de</strong> module <strong>de</strong> courbure g<strong>au</strong>ssienne) dans nos<br />
expériences. Néanmoins, ces calculs permettent déjà d’expliqer théoriquement que si une<br />
séparation <strong>de</strong> phase intervient dans un tube, elle va induire la déstabilisation par l’un ou<br />
l’<strong>au</strong>tre (ou les <strong>de</strong>ux à la fois) <strong>de</strong> ces mécanismes.<br />
IV.3.3 Couplage tri-coupure<br />
Nous avons vu que pour les compositions qui sont proches <strong>de</strong> la transition, une<br />
induction <strong>de</strong> la séparation <strong>de</strong> phase provoquait une fission du tube. De plus, le fait <strong>de</strong> former<br />
un tube exclut certains lipi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la membrane qui constitut le tube. Il est possible d’envisager<br />
qu’il existe <strong>de</strong>s points du diagramme <strong>de</strong> phase où la modification <strong>de</strong> la composition<br />
membranaire due à la courbure puisse entraîner le passage d’un état homogène à un état<br />
ségrégé dans le tube, si la composition est proche <strong>de</strong> la transition. La déformation <strong>de</strong> la<br />
membrane pouvant alors induire un tri provoquant la fission par induction <strong>de</strong> séparation <strong>de</strong><br />
phase.<br />
Inversement, comme nous l’avons vu précé<strong>de</strong>mment, l’induction <strong>de</strong> la séparation <strong>de</strong><br />
phase sur une vésicule peut provoquer le bourgeonnement <strong>de</strong>s domaines (voir 2.3.1.3). Dans<br />
ce cas, la séparation <strong>de</strong> phase induit la déformation. De même, une fois formé, le bourgeon<br />
peut se couper <strong>de</strong> la membrane, pour les mêmes raisons que pour les tubes.<br />
Nous allons voir que pour une composition proche <strong>de</strong> la transition bien choisie, nous<br />
avons observé ces <strong>de</strong>ux phénomènes, déformation qui induit le tri et la coupure, ou tri qui<br />
induit déformation et coupure.<br />
IV.3.3.1 La composition 3:4:1 couple déformation, tri et coupure<br />
Nous avons vu que la composition 3:4:1 a été utile pour comprendre les mécanismes<br />
<strong>de</strong> tri par courbure. Au cours <strong>de</strong> cette étu<strong>de</strong>, <strong>de</strong> nombreux évènements <strong>de</strong> coupure spontanée<br />
ont été observés (voir figure 54). Souvent, ces coupures ont eu lieu à la jonction entre un gros<br />
tube et un petit tube qui résultait probablement d’une séparation <strong>de</strong> phase spontanée (<strong>au</strong>cune<br />
photoactivation n’ayant été utilisée) (voir figure 57A).<br />
186
Figure 57 : Induction <strong>de</strong> séparation <strong>de</strong> phase associée <strong>au</strong> tri par courbure. A-Tube tiré à partir d’une<br />
vésicule 3:4:1 et présentant un gros tube connecté à un petit. Le renflement se déplace jusqu’<strong>au</strong> bout du<br />
tube, puis un événement <strong>de</strong> coupure apparaît à la jonction entre gros et petit tube. Le temps est en secon<strong>de</strong>s,<br />
barre 1 µm. B-Le tube tiré à partir d’une composition 3:4:1 s’enrichit progressivement en lipi<strong>de</strong>s ségrégeant<br />
dans la phase Ld, (DOPC <strong>au</strong>gmente) ; la composition du tube varie à partir <strong>de</strong> 3 :4 :1 selon la flêche rouge, et<br />
permet le passage <strong>de</strong> la limite <strong>de</strong> phase.<br />
Au vu <strong>de</strong> la position particulière dans le diagramme <strong>de</strong> phase <strong>de</strong> la composition 3:4:1,<br />
il est facile <strong>de</strong> comprendre que l’enrichissement en lipi<strong>de</strong>s ségrégeant dans la phase Ld<br />
(principalement du DOPC) peut déplacer la composition 3:4:1 du tube vers la droite du<br />
diagramme selon la flèche rouge (figure 57B), et ainsi provoquer une séparation <strong>de</strong> phase<br />
conduisant à la fission. Ainsi, pour la composition 3:4:1, nous avons un système<br />
<strong>au</strong>tomatique : dès que un tube se forme, une sélection <strong>de</strong>s lipi<strong>de</strong>s pouvant entrer dans le tube<br />
s’opère, et du fait <strong>de</strong> la composition <strong>de</strong> la membrane, une séparation <strong>de</strong> phase apparaît, qui<br />
provoque la fission. C’est un système qui, sans intervention extérieure possè<strong>de</strong> les trois<br />
propriétés nécessaires à la formation <strong>de</strong>s intermédiaires <strong>de</strong> transport, à savoir déformation, tri<br />
et fission. Du fait <strong>de</strong> la position particulière <strong>de</strong> la composition membranaire dans le<br />
diagramme <strong>de</strong> phase, ces propriétés sont couplées les unes <strong>au</strong>x <strong>au</strong>tres, ce qui pourrait se<br />
révéler très avantageux dans un cadre cellulaire.<br />
187
La <strong>de</strong>uxième observation que nous avons faite est que l’induction <strong>de</strong> la séparation <strong>de</strong><br />
phase par photoactivation sur ces vésicules provoquait (si la vésicule était relativement petite)<br />
un bourgeonnement <strong>de</strong>s domaines Ld suivi <strong>de</strong> fission (voir figure 58). Comme vu <strong>au</strong> 2.3.1.3,<br />
la séparation <strong>de</strong> phase provoque l’apparition d’une tension <strong>de</strong> ligne qui fait bourgeonner les<br />
domaines. Ici, si la vésicule est suffisamment petite, le bourgeonnement provoque<br />
l’<strong>au</strong>gmentation <strong>de</strong> la tension <strong>de</strong> la membrane. Un pore transitoire se forme alors [156] et<br />
permet une chute <strong>de</strong> la tension <strong>de</strong> la membrane, suite à la perte <strong>de</strong> volume (on voit une<br />
réduction du diamètre <strong>de</strong> la vésicule entre les temps 0 et 0,2 secon<strong>de</strong> sur la figure 58).<br />
Figure 58 : Bourgeonnement et fission <strong>de</strong>s bourgeons par induction <strong>de</strong> la séparation <strong>de</strong> phase sur une<br />
vésicule 3:4:1. Après 10s <strong>de</strong> photoactivation forte (temps 0s), les domaines Ld apparus bourgeonnent (temps<br />
0,2s), probablement suite à la rupture <strong>de</strong> la membrane entraînant une chute brutale <strong>de</strong> la tension. Ce<br />
bourgeonnement est suivi par la fission <strong>de</strong>s bourgeons, qui diffusent alors librement dans la solution. Le<br />
temps est en secon<strong>de</strong>s, Barre 10 µm<br />
Cette chute <strong>de</strong> la tension permet <strong>au</strong> bourgeon <strong>de</strong> se refermer pour minimiser la tension<br />
<strong>de</strong> ligne. L’interface entre les domaines se retrouvant <strong>au</strong> cou <strong>de</strong> la vésicule, le cou se coupe,<br />
permettant <strong>au</strong>x bourgeons <strong>de</strong> diffuser librement dans la solution. Ceci est le même phénomène<br />
que celui reporté par [143]. Mais la fission est plus évi<strong>de</strong>nte sur nos images.<br />
188
IV.3.3.2 Implications pour la biologie<br />
Il est bien sûr tentant d’imaginer que la composition <strong>de</strong>s membranes biologiques est<br />
proche d’une transition, ce qui permettrait <strong>de</strong> coupler tri, courbure et déformation. Comme<br />
nous l’avons vu <strong>au</strong> 4.1, le fait que la cyclo<strong>de</strong>xtrine puisse couper <strong>de</strong>s tubes tirés à partir <strong>de</strong><br />
membranes golgiennes laisse supposer que la cyclo<strong>de</strong>xtrine provoque la séparation <strong>de</strong> phase<br />
sur les membranes golgiennes et que ces membranes sont donc proches <strong>de</strong> la transition. De<br />
plus, une étu<strong>de</strong> a montré que l’utilisation <strong>de</strong> cyclo<strong>de</strong>xtrine sur <strong>de</strong>s cellules provoquait<br />
l’apparition <strong>de</strong> domaines géants (Ld et Lo) <strong>de</strong> plusieurs microns <strong>de</strong> diamètre [162], (voir figure<br />
59). Ceci pourrait signifier que la membrane <strong>de</strong>s cellules est proche <strong>de</strong> la transition.<br />
Surtout, la plupart <strong>de</strong>s voies <strong>de</strong> transport sont bloquées par une modification très fine<br />
<strong>de</strong> la concentration en cholestérol : c’est le cas pour l’endocytose par clathrine, mais <strong>au</strong>ssi<br />
pour l’endocytose indépendante <strong>de</strong> la clathrine [92]. De plus, l’accumulation <strong>de</strong> cholestérol<br />
dans les endosomes <strong>de</strong>s cellules <strong>de</strong> patient atteint du syndrome <strong>de</strong> Niemann-Pick empêche la<br />
formation d’intermédiaires <strong>de</strong> transport [63,163]. De même, <strong>de</strong>s données récentes ont montré<br />
que l’export <strong>de</strong>s protéines dans <strong>de</strong>s vésicules COP était très sensible à la variation <strong>de</strong> la<br />
concentration membranaire en cholestérol [164]. Tous les éléments actuels permettent <strong>de</strong><br />
soutenir l’idée qu’une régulation très fine <strong>de</strong> la quantité <strong>de</strong> cholestérol dans les membranes<br />
cellulaires est nécessaire pour toutes les voies <strong>de</strong> transport connues à l’heure actuelle. Une<br />
possibilité est que ceci soit lié à la nécessité <strong>de</strong> maintenir la membrane dans un état proche <strong>de</strong><br />
la limite <strong>de</strong> phase.<br />
189
Figure 59 : Un marqueur <strong>de</strong> phase ordonnée (DiIC16) et un marqueur <strong>de</strong> phase flui<strong>de</strong> (DiIC12) sont utilisés<br />
sur <strong>de</strong>s fibroblastes. A à C : Le marquage membranaire <strong>de</strong>s cellules non-traitées à la cyclo<strong>de</strong>xtrine apparaît<br />
uniforme. D à F : les cellules traitées à la cyclo<strong>de</strong>xtrine présentent <strong>de</strong>s domaines supérieurs <strong>au</strong> micron en<br />
taille et les <strong>de</strong>ux marqueurs ségrégent dans <strong>de</strong>s phases différentes. D’après [162].<br />
Un <strong>au</strong>tre argument important est que comme nous l’avons vu, la taille <strong>de</strong>s domaines<br />
dans les cellules est difficile à déterminer, et sans doute très variable. De nombreux<br />
phénomènes <strong>de</strong> signalisation nécessitent le regroupement <strong>de</strong> protéines d’adhésion par fusion<br />
<strong>de</strong> rafts dans <strong>de</strong>s domaines <strong>de</strong> la taille du micron [165]. Or, une membrane proche <strong>de</strong> la<br />
transition (<strong>de</strong> composition 1:1:1) présente <strong>de</strong>s domaines très petits mais stables, observables<br />
par microscopie <strong>de</strong> force atomique [166]. La taille <strong>de</strong>s domaines dépend donc fortement <strong>de</strong> la<br />
concentration en cholestérol : loin <strong>de</strong> la transition, les domaines sont plus grands et la taille<br />
relativement conservée sur une gran<strong>de</strong> gamme <strong>de</strong> composition si la composition est ségrégée,<br />
et si la composition est non ségrégée, <strong>au</strong>cun domaine n’est visible. On peut probablement<br />
attribuer la présence <strong>de</strong> domaines petits et <strong>de</strong> taille modulable (les rafts) dans les membranes<br />
cellulaires <strong>au</strong> fait que les membranes soient proches <strong>de</strong> la transition.<br />
190
Une hypothèse très générale pour le fonctionnement du trafic intracellulaire et basée<br />
sur le fait que les membranes sont proches <strong>de</strong> la transition entre un état ségrégé et non-ségrégé<br />
pourrait être la suivante : toutes les membranes <strong>de</strong>s différents organites organites, <strong>de</strong><br />
compositions différentes, sont dans un état homogène (petits (quelques dizaines <strong>de</strong> nm)<br />
domaines ou pas <strong>de</strong> domaines du tout), mais proches <strong>de</strong> la transition. Tous les composants <strong>de</strong><br />
la membrane sont ainsi mélangés. Lors <strong>de</strong> la formation d’un bourgeon, la courbure <strong>de</strong> la<br />
membrane et/ou l’action <strong>de</strong> protéines intervenant dans le trafic intracellulaire provoque<br />
localement une séparation <strong>de</strong> phase qui permet le tri <strong>de</strong>s éléments à exporter, et la fission du<br />
bourgeon (voir figure 60). Cette séparation <strong>de</strong> phase provoque l’apparition d’un « raft » <strong>de</strong><br />
composition 1 dans une membrane <strong>de</strong> composition différente (A, figure 60).<br />
A<br />
RAFT DE<br />
COMPOSITION 1<br />
RAFT DE<br />
COMPOSITION 2<br />
B C<br />
Figure 60 : Pour passer <strong>de</strong> A à C, le composé violet peut s’associer à un raft <strong>de</strong> composition 1 (rouge) formé<br />
transitoirement pour le transport <strong>de</strong> A à B, et un raft <strong>de</strong> composition 2 (j<strong>au</strong>ne) <strong>au</strong>ssi formé transitoirement<br />
pour le transport <strong>de</strong> B à C.<br />
Lorsque le bourgeon fusionne avec le compartiment B, les composants du<br />
bourgeon/raft <strong>de</strong> composition 1 peuvent se mélanger à la membrane <strong>de</strong> B car sa composition<br />
est adaptée pour que les lipi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la vésicule 1 ne ségrégent pas. L’élément violet (voir figure<br />
60), qui avait été enrichi dans le bourgeon 1 car ségrégeant préférentiellement dans les rafts<br />
<strong>de</strong> composition 1 peut alors diffuser dans la membrane B. La formation d’un bourgeon à<br />
partir <strong>de</strong> B en direction du compartiment C provoque une séparation <strong>de</strong> phase et la formation<br />
d’une vésicule/raft <strong>de</strong> composition 2, différente <strong>de</strong> 1. L’élément violet peut s’associer à ce raft<br />
191
et peut donc être acheminer jusqu’<strong>au</strong> compartiment C. Le point important est que la formation<br />
transitoire <strong>de</strong> domaines <strong>au</strong> cours <strong>de</strong> la formation <strong>de</strong>s intermédiaires <strong>de</strong> transport, permet <strong>de</strong><br />
trier rapi<strong>de</strong>ment et efficacement <strong>de</strong>s protéines et <strong>de</strong>s lipi<strong>de</strong>s ayant la même <strong>de</strong>stination. De<br />
plus, cela permet la formation <strong>de</strong> domaines <strong>de</strong> compositions différentes et adaptées à chaque<br />
étape <strong>de</strong> transport. Les cargos qui transitent par plusieurs voies doivent avoir une affinité pour<br />
chacun <strong>de</strong>s domaines par lesquels ils voyagent. C’est cette affinité qui garantit la <strong>de</strong>stination.<br />
Les protéines intervenant dans le trafic intracellulaire pourraient induire la séparation <strong>de</strong><br />
phase par plusieurs mécanismes. Le plus simple est celui décrit pour les caveolae, où la<br />
caveoline se liant <strong>au</strong> cholestérol et formant un mante<strong>au</strong>, provoquerait la séparation <strong>de</strong> phase<br />
en changeant localement la concentration en cholestérol [94]. Un <strong>au</strong>tre mécanisme<br />
fonctionnant sur le même principe, pourrait être que la fixation <strong>de</strong> mante<strong>au</strong> à la membrane<br />
concentre localement <strong>de</strong>s protéines transmembranaires qui préfèrent une certaine composition<br />
lipidique, induisant la séparation <strong>de</strong> phase. Ce pourrait être le cas <strong>de</strong>s cargos KKXX se liant à<br />
COP I, et qui pourraient préférer les membranes <strong>de</strong> phase Ld, expliquant l’app<strong>au</strong>vrissement<br />
<strong>de</strong>s vésicules COP I en sphingolipi<strong>de</strong>s et cholestérol [77]. De nombreuses protéines<br />
intervenant dans les étapes du trafic intracellulaire se lient à <strong>de</strong>s protéines transmembranaires<br />
et/ou à <strong>de</strong>s lipi<strong>de</strong>s. C’est le cas par exemple pour les complexes APs, la dynamine, les<br />
protéines Rabs.<br />
Un <strong>au</strong>tre mécanisme pourrait être une modification enzymatique locale <strong>de</strong> la<br />
composition <strong>de</strong> la membrane <strong>au</strong> cours <strong>de</strong> la formation <strong>de</strong> l’intermédiaire <strong>de</strong> transport, qui<br />
induirait la séparation <strong>de</strong> phase. Les enzymes modifiant les lipi<strong>de</strong>s telles que la<br />
PhosphoLipase A2 ou les LysoPhospholipi<strong>de</strong>s Acyl Transférases (comme l’endophiline)<br />
pourraient ai<strong>de</strong>r respectivement la tubulation et la fission en provoquant une séparation <strong>de</strong><br />
phase.<br />
Le point le plus délicat <strong>de</strong> cette hypothèse est comment réguler la composition <strong>de</strong>s<br />
membranes pour qu’elle reste proche d’une transition. Le fait d’être proche d’une transition<br />
rend le système instable, car il peut à tout moment passer <strong>de</strong> ségrégé à non ségrégé. Il est<br />
probable qu’une régulation puissante a lieu en permanence dans les membranes <strong>de</strong>s cellules<br />
puisque les domaines géants induits par cyclo<strong>de</strong>xtrine sur <strong>de</strong>s fibroblastes disparaissent en<br />
quelques minutes après retrait <strong>de</strong> la drogue [162]. Le point que je considère comme important<br />
est que les membranes <strong>de</strong>s cellules étant hors d’équilibre, avec un apport constant <strong>de</strong> matériel<br />
et également un flux sortant constant, il est possible que leur composition moyenne change<br />
très peu. Mais cela implique que la régulation fine <strong>de</strong> la composition <strong>de</strong>s membranes dépend<br />
<strong>de</strong> la régulation fine <strong>de</strong>s voies <strong>de</strong> transport, ce qui ne fait que déplacer le problème.<br />
192
IV.3.4 Conclusion<br />
Nous avons vu qu’en choisissant judicieusement la composition <strong>de</strong>s membranes que<br />
nous utilisions pour notre système minimal, il était possible <strong>de</strong> trier les lipi<strong>de</strong>s et <strong>de</strong> couper les<br />
tubes <strong>de</strong> membranes, sans <strong>au</strong>tre composant supplémentaire. Ainsi, ce système très simple a les<br />
trois caractéristiques essentielles nécessaires <strong>au</strong>x premières étapes du trafic intracellulaire,<br />
déformation, tri et coupure <strong>de</strong>s membranes.<br />
Nous avons vu que certaines compositions proches <strong>de</strong> la transition <strong>de</strong> phase pouvaient<br />
coupler déformation, tri et coupure, et ainsi constituer <strong>de</strong>s compositions particulièrement<br />
favorables à la formation d’intermédiaires <strong>de</strong> transport. Certains faits expériment<strong>au</strong>x laissent<br />
supposer que les membranes cellulaires <strong>au</strong>raient <strong>de</strong>s compositions proches <strong>de</strong> la transition.<br />
Cependant, une étu<strong>de</strong> précise permettant <strong>de</strong> montrer que la composition <strong>de</strong> la membrane est<br />
proche <strong>de</strong> la transition et <strong>de</strong> comprendre la régulation <strong>de</strong> cette composition reste à<br />
entreprendre.<br />
193
Conclusion générale<br />
tubes <strong>de</strong> membranes tirés à partir <strong>de</strong> membranes golgiennes par <strong>de</strong>s moteurs moléculaires fixés par <strong>de</strong> la<br />
streptavidine fluorescente (rouge).<br />
195
Nous avons vu que les membranes lipidiques ont été intensément étudiées par les<br />
biologistes et par les physiciens, mais leurs <strong>de</strong>scriptions <strong>de</strong>s membranes sont encore très<br />
différentes. Les biologistes se sont attelés à i<strong>de</strong>ntifier précisément les composants<br />
membranaires ainsi que les protéines modifiant la forme et la composition <strong>de</strong> la membrane.<br />
Les physiciens se sont quant-à eux intéressés à comprendre et à mesurer les différents<br />
paramètres mécaniques et élastiques <strong>de</strong>s membranes en général, avec une approche<br />
mésoscopique et non moléculaire. Ces <strong>de</strong>ux approches sont extrêmement complémentaires et<br />
leur confrontation se révèlera (je l’espère) très enrichissante.<br />
Au cours <strong>de</strong> mon travail <strong>de</strong> thèse, je me suis intéressé à reproduire in vitro certaines<br />
étapes du trafic intracellulaire, dans le but <strong>de</strong> dégager les paramètres physiques importants<br />
dans le cadre du trafic intracellulaire. Une première partie du travail a été l’établissement d’un<br />
système in vitro reproduisant la formation <strong>de</strong> tubes à partir <strong>de</strong> membranes par l’action <strong>de</strong><br />
moteurs moléculaires greffés sur la membrane. Puis, en choisissant judicieusement la<br />
composition <strong>de</strong> la membrane, nous avons pu montrer qu’il était possible <strong>de</strong> trier certains<br />
lipi<strong>de</strong>s dans les tubes en formation, en fonction <strong>de</strong> leur affinité pour les structures courbées.<br />
Nous avons également montré que l’induction <strong>de</strong> la séparation <strong>de</strong> phase dans les tubes pouvait<br />
provoquer la coupure <strong>de</strong>s tubes. Ainsi, nous avons réalisé un système in vitro capable <strong>de</strong><br />
reproduire les trois phénomènes importants aboutissant à la formation d’un intermédiaire <strong>de</strong><br />
transport : déformation <strong>de</strong> la membrane, tri <strong>de</strong>s éléments membranaires et coupure <strong>de</strong> la<br />
membrane.<br />
Nous avons vu qu’un point critique <strong>de</strong> notre système est la composition lipique. Pour<br />
certaines compositions, on a pu observer un couplage entre les trois phénomènes : la<br />
déformation <strong>de</strong> la membrane par les moteurs entraine un changement <strong>de</strong> composition qui<br />
entraine lui-même la séparation <strong>de</strong> phase et la coupure. Ce couplage nécessite que la<br />
composition <strong>de</strong> la membrane soit proche <strong>de</strong> la transition <strong>de</strong> phase, mais peut être très utile<br />
dans un cadre cellulaire car c’est un système <strong>au</strong>to-régulé.<br />
Pour aller plus loin, il f<strong>au</strong>drait revenir <strong>au</strong>x cellules, et montrer que les membranes<br />
biologiques sont proches d’une transition passant d’un état homogène à un état ségrégé par<br />
petites variations <strong>de</strong> sa composition. Il f<strong>au</strong>drait également montrer qu’il y a induction <strong>de</strong><br />
séparation <strong>de</strong> phase <strong>au</strong> cours <strong>de</strong> la fission <strong>de</strong>s bourgeons. Une étu<strong>de</strong> approfondie <strong>de</strong> l’état <strong>de</strong>s<br />
membranes biologiques in vivo <strong>au</strong> cours <strong>de</strong> la formation <strong>de</strong>s intermédiaires <strong>de</strong> transport<br />
pourrait permettre <strong>de</strong> mieux comprendre le rôle <strong>de</strong> la séparation <strong>de</strong> phase dans la coupure,<br />
mais également le rôle <strong>de</strong> la courbure dans le tri in vivo.<br />
197
D’une manière générale, le sujet <strong>de</strong> cette thèse s’est particulièrement bien prêté à<br />
l’interaction entre biologie et physique, et entre biologistes et physiciens. Ce fut une gran<strong>de</strong><br />
aventure <strong>de</strong> pouvoir faire discuter <strong>au</strong>tour d’une même table <strong>de</strong>s biologistes, <strong>de</strong>s physiciens<br />
expérimentateurs et <strong>de</strong>s théoriciens. J’ai pu mesurer parfois l’écart qu’il existe entre<br />
l’approche « physicienne » et l’approche « biologiste » d’un même sujet, mais <strong>au</strong>ssi combien<br />
le dialogue qui a pu se nouer entre ces <strong>de</strong>ux commun<strong>au</strong>tés a été enrichissant pour moi.<br />
J’espère qu’il l’<strong>au</strong>ra été également pour tous les gens qui m’ont entouré durant ces quatre ans<br />
à l’Institut Curie.<br />
198
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Annexes<br />
tubes tirés par <strong>de</strong>s moteurs moléculaires à partir <strong>de</strong> membranes golgiennes. MET grossissement environ 200 000<br />
fois.<br />
209
annexe 1 : protocole <strong>de</strong><br />
purification <strong>de</strong> la kinésine<br />
biotinylée<br />
211
annexe 2 :purification <strong>de</strong> la<br />
tubuline<br />
217
Abstract :<br />
In the fifties, the discovery of internal membranous structures in eucaryotic cells with<br />
the improvement of electron microscopy led to the question of how this organelles could<br />
exchange material one with another. In the following years, small spherical vesicles that were<br />
about 80 nm wi<strong>de</strong> were shown to bud from a donor compartment before being transported to<br />
and fusing with acceptor one. More recently, using fluorescence techniques on living cells,<br />
membrane tubes or tubules that are cylin<strong>de</strong>rs of several microns long and as wi<strong>de</strong> as small<br />
vesicles have been observed, <strong>de</strong>fining a new type of transport intermediates.<br />
Three fundamental questions linked to the formation of these intermediates have been<br />
studied during the last three <strong>de</strong>ca<strong>de</strong>s: i- how can the membrane be <strong>de</strong>formed into sphere or<br />
tubes ? ii- how can the membrane components that have to be exported are sorted and<br />
enriched within the bud ? iii- how can the bud be separated from the donor membrane ?<br />
To un<strong>de</strong>rstand which physical properties of membranes are important for the<br />
formation of these transport intermediates, we reproduced in vitro the formation of membrane<br />
tubes with purified elements. Formation and elongation of tubules are <strong>de</strong>pendant in vivo on<br />
molecular motors that walk on cytoskeleton filaments. By fixing kinesins on giant liposomes<br />
and by allowing them to walk on a microtubule network, we observed the formation of<br />
membrane tube, and studied their dynamics and the shape of the membrane tube network.<br />
This very simple system allowed us to un<strong>de</strong>rstand how physical parameters can influence tube<br />
growth.<br />
This system mimicking the first step of membrane tube formation, we then studied the<br />
sorting and the membrane fission process. By changing the membrane composition to be<br />
closer to the one of cellular membranes, we could reproduce a lipid phase separation that had<br />
already been observed. We then showed that differences in bending rigidity between the two<br />
phases could explain a selective enrichment within the tube of lipids belonging to the less<br />
rigid phase. We also observed that induction of a phase separation within the tube led to<br />
fission t the boundaries between domains.<br />
This system is a very simple system that reproduces the three elementary steps of any<br />
transport intermediate formation, which are <strong>de</strong>formation, sorting and fission of membrane. It<br />
allows us to un<strong>de</strong>rstand qualitatively and quantitatively the rules of physics that are useful for<br />
transport intermediate formation.
Résumé :<br />
La découverte <strong>de</strong> structures membranaires internes dans les cellules eucaryotes dans<br />
les années cinquante grâce à l’avènement <strong>de</strong> la microscopie électronique, a posé<br />
immédiatement la question <strong>de</strong>s échanges entre ces différents compartiments. Rapi<strong>de</strong>ment, il a<br />
été montré que <strong>de</strong> petites vésicules sphériques d’environ 80 nm <strong>de</strong> diamètre bourgeonnant du<br />
compartiment donneur pouvaient être acheminées et fusionner avec un compartiment<br />
accepteur. Plus récemment, grâce à <strong>de</strong>s techniques <strong>de</strong> fluorescence sur cellules vivantes, il a<br />
été observé un <strong>au</strong>tre type d’intermédiaires <strong>de</strong> transport : <strong>de</strong>s tubes ou tubules <strong>de</strong> membranes,<br />
qui sont <strong>de</strong>s cylindres <strong>de</strong> plusieurs microns <strong>de</strong> long et d’un diamètre équivalent <strong>au</strong>x petites<br />
vésicules.<br />
Trois questions fondamentales attachées à la formation <strong>de</strong> ces intermédiaires <strong>de</strong><br />
transport ont été étudiées durant les 30 <strong>de</strong>rnières années : i- comment la membrane peut-elle<br />
se déformée en sphère ou en cylindre ? ii- comment les éléments à exporter sont-ils triés et<br />
concentrés dans le bourgeon ? iii- comment le bourgeon est-il séparé <strong>de</strong> la membrane<br />
donneuse ?<br />
Pour comprendre quelles propriétés physiques <strong>de</strong> la membrane sont importantes pour<br />
la formation <strong>de</strong> ces intermédiaires <strong>de</strong> transport, nous avons reproduit in vitro la formation <strong>de</strong><br />
tubes <strong>de</strong> membrane avec <strong>de</strong>s éléments purifiés. La formation et l’allongement <strong>de</strong> tubules sont<br />
dépendants in vivo <strong>de</strong> moteurs moléculaires se déplaçant sur <strong>de</strong>s filaments <strong>de</strong> cytosquelette.<br />
En fixant <strong>de</strong>s moteurs moléculaires <strong>de</strong> type kinésine sur <strong>de</strong>s liposomes artificiels géants et en<br />
leur permettant <strong>de</strong> se déplacer sur un rése<strong>au</strong> <strong>de</strong> microtubules, nous avons observé la formation<br />
<strong>de</strong> tubes <strong>de</strong> membranes, et avons étudié leur dynamique et la structure du rése<strong>au</strong> obtenu. Ce<br />
système très simple permet <strong>de</strong> comprendre dans quelle mesure les paramètres physiques <strong>de</strong> la<br />
membrane peuvent influencer la croissance <strong>de</strong>s tubes.<br />
Ce système mimant la première étape <strong>de</strong> la formation <strong>de</strong>s tubules <strong>de</strong> membrane, nous<br />
sommes par la suite attaché à reproduire les étapes <strong>de</strong> tri et <strong>de</strong> coupure. En changeant la<br />
composition membranaire pour approcher la composition <strong>de</strong>s membranes cellulaires, nous<br />
avons pu reproduire une séparation <strong>de</strong> phase lipidique déjà observée précé<strong>de</strong>mment. Nous<br />
avons alors pu montré que les différences <strong>de</strong> rigidité <strong>de</strong> courbure mesurées entre les <strong>de</strong>ux<br />
phases permettent d’expliquer l’enrichissement sélectif <strong>de</strong>s tubes en lipi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la phase la<br />
moins rigi<strong>de</strong>. Nous avons également observé que si une séparation <strong>de</strong> phase était induite dans<br />
le tube, alors le tube se coupait spontanément à la limite entre les domaines apparus.<br />
Ce système est un système très simple qui reproduit les trois étapes élémentaires <strong>de</strong> la<br />
formation d’un intermédiaire <strong>de</strong> transport, à savoir, déformation, tri et coupure <strong>de</strong> la<br />
membrane. Il permet une compréhension qualitative et quantitative <strong>de</strong> la physique utile à la<br />
formation <strong>de</strong>s intermédiaires <strong>de</strong> transports.