Octobre - Nervure Journal de Psychiatrie
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N°7 - TOME XIX - OCTOBRE 2006<br />
prendre en otage signifiait « abriter,<br />
loger ». L’ostage était la personne retenue<br />
comme garantie <strong>de</strong> l’exécution<br />
d’une promesse, d’un traité, d’un contrat<br />
préalablement établi entre <strong>de</strong>ux belligérants.<br />
L’ostage était alors retenu captif<br />
dans la <strong>de</strong>meure du souverain. Le<br />
sens plus proche <strong>de</strong> l’actuel mot otage<br />
apparaît en pério<strong>de</strong> révolutionnaire<br />
(1753) désignant une personne que<br />
l’on retient et que l’on utilise comme<br />
moyen <strong>de</strong> pression, <strong>de</strong> chantage.<br />
Au XX ème siècle, avec la mondialisation<br />
<strong>de</strong> l’information, sa diffusion en<br />
direct donnant ainsi la priorité à l’émotion,<br />
l’impact <strong>de</strong>s paroles et <strong>de</strong>s images<br />
véhiculées par les médias audiovisuels,<br />
la presse écrite et l’internet, un nouveau<br />
regard a été porté sur le phénomène<br />
<strong>de</strong>s prises d’otages. Le statut<br />
d’otage a évolué avec le phénomène<br />
<strong>de</strong> société que représente la place prise<br />
par la médiatisation <strong>de</strong> l’actualité dans<br />
le quotidien <strong>de</strong>s citoyens. L’otage a<br />
désormais un nouveau statut, il est au<br />
centre d’un nouveau système <strong>de</strong> communication.<br />
Il n’est plus le simple<br />
« objet » <strong>de</strong> marchandage mais il est<br />
utilisé comme moyen <strong>de</strong> pression sur<br />
l’opinion publique et sur les gouvernements,<br />
par l’intermédiaire <strong>de</strong>s médias,<br />
pour faire entendre une position politique,<br />
une cause idéologique, une exigence<br />
militaire etc. Pour les terroristes<br />
la prise d’otage équivaut à un droit<br />
d’entrée dans chaque foyer pour y faire<br />
entendre sa cause (pendant toute la<br />
durée <strong>de</strong> la prise d’otage) par le canal<br />
<strong>de</strong> la télévision ou <strong>de</strong> la radio. Il <strong>de</strong>vient<br />
difficile <strong>de</strong> faire la part entre la revendication<br />
immédiate et le but <strong>de</strong> l’impact<br />
médiatique recherché.<br />
Dans les situations <strong>de</strong> prise d’otage, le<br />
mot média correspond à son véritable<br />
sens étymologique du latin médium<br />
« milieu ». Les médias, surtout radio et<br />
télévision mais aussi la presse, prennent<br />
la place d’un tiers situé entre le<br />
milieu extérieur (négociateurs, police) et<br />
le milieu intérieur (otages, ravisseurs), ils<br />
influencent les comportements d’un<br />
côté comme <strong>de</strong> l’autre. Ainsi, quatre<br />
protagonistes jouent un rôle dans ces<br />
nouvelles formes <strong>de</strong> prise d’otages : 1la<br />
victime primaire ou victime active<br />
est représentée par la personne ou les<br />
instances politiques, administratives ou<br />
financières visées par le chantage, 2-<br />
Les réseaux <strong>de</strong> santé<br />
en santé mentale<br />
- la loi <strong>de</strong> financement <strong>de</strong> la sécurité<br />
sociale pour 2002 a introduit une<br />
dotation nationale <strong>de</strong> développement<br />
<strong>de</strong>s réseaux (DRDR) inscrite dans<br />
l’objectif national <strong>de</strong> dépenses d’assurance<br />
maladie (ONDAM) qui impute<br />
les dépenses hospitalières, celle<br />
d’actions sociales mais aussi <strong>de</strong> soins<br />
<strong>de</strong> ville favorisant une fongibilité <strong>de</strong>s<br />
enveloppes.<br />
Les réseaux se sont surtout développés<br />
pour <strong>de</strong>s pathologies <strong>de</strong>mandant<br />
un suivi dans la durée, <strong>de</strong><br />
nature médicale, médico-sociale et<br />
médico-psychologique. Peu à peu <strong>de</strong><br />
nouveaux domaines cliniques ont<br />
été concernés : au début <strong>de</strong>s années<br />
80 le VIH, au début <strong>de</strong>s années 90<br />
l’exclusion et les addictions, à la fin<br />
<strong>de</strong>s années 90 le diabète puis les cancers,<br />
les personnes âgées, la périnatalité.<br />
Si bien qu’on recense, actuellement,<br />
plus <strong>de</strong> 500 réseaux concernant<br />
les soins palliatifs, le cancer, le diabète,<br />
les personnes âgées, le handicap,<br />
la périnatalité, les addictions.<br />
Viennent en bien moindre nombre<br />
l’obésité, les pathologies <strong>de</strong>ntaires et...<br />
la santé mentale. Ceux qui se sont<br />
engagés dans la mise en place <strong>de</strong> réseaux<br />
dont la fonction est <strong>de</strong> dépasser<br />
les logiques <strong>de</strong>s institutions, <strong>de</strong> pallier<br />
aux rigidités et aux cloisonnements<br />
veulent « fonctionner ou cela<br />
ne fonctionne pas », travailler autrement,<br />
créer une dynamique. Attirés<br />
par « le poly-exercice et le poly-situationnel<br />
», ils acceptent « le parcours<br />
Les conséquences <strong>de</strong>s situations<br />
<strong>de</strong> séquestration : sémiologie et<br />
typologie<br />
la victime secondaire ou victime passive<br />
est représentée par l’otage, 3- le<br />
ravisseur ou preneur d’otage, 4- l’opinion<br />
publique informée par les médias.<br />
Aux quatre coins du<br />
mon<strong>de</strong><br />
L’actualité <strong>de</strong>s prises d’otages n’est plus<br />
limitée aux actes <strong>de</strong> cambriolages ou <strong>de</strong><br />
pillages <strong>de</strong> banque, elle concerne aussi<br />
les revendications politiques, militaires,<br />
religieuses. De Colombie en Irak, en<br />
passant par l’Autriche avec le cas atypique<br />
<strong>de</strong> la séquestration <strong>de</strong> Natascha<br />
Kampusch âgée <strong>de</strong> 18 ans enlevée à<br />
l’âge <strong>de</strong> 10 ans et séquestrée par son<br />
ravisseur jusqu’à son évasion récente<br />
(septembre 2006). Ce cas est exceptionnel<br />
et les réactions <strong>de</strong> la jeune fille<br />
ne correspon<strong>de</strong>nt pas aux schémas<br />
connus, mais les informations qu’elle<br />
donnera et l’évolution du soutien psychothérapeutique<br />
apporteront, probablement,<br />
<strong>de</strong>s éléments pour la connaissance<br />
<strong>de</strong> l’adaptation psychologique<br />
aux situations <strong>de</strong> séquestration.<br />
En ce début du XXI ème siècle, l’importance<br />
prise par le fléau du terrorisme est<br />
à l’origine d’un regain d’intérêt pour<br />
les questions cliniques et psychopathologiques<br />
concernant les manifestations<br />
psychologiques et les séquelles<br />
psychotraumatiques décrites chez les<br />
otages. Dans la perspective <strong>de</strong> cette<br />
actualité il paraît important <strong>de</strong> préciser<br />
le cadre sémiologique et diagnostique<br />
dans lequel s’intègrent les observations<br />
comportementales et psychologiques<br />
<strong>de</strong>s otages. Une revue <strong>de</strong> la<br />
littérature permet <strong>de</strong> recenser bon<br />
nombres d’observations et <strong>de</strong> repérer<br />
<strong>de</strong>s constantes cliniques telles que les<br />
manifestations du stress post-traumatique,<br />
le syndrome <strong>de</strong> répétition pathognomonique<br />
<strong>de</strong> la névrose traumatique,<br />
<strong>de</strong>s comportements paradoxaux<br />
manifestant <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s d’adaptation à<br />
la situation traumatisante.<br />
du combattant » <strong>de</strong>s financements et<br />
une fragilité sur une base militante.<br />
C’est à ce prix qu’ils ont pu développer<br />
une véritable ingénierie <strong>de</strong><br />
conception <strong>de</strong> réseaux. Si les réseaux<br />
<strong>de</strong>meurent fragiles, il n’existe pas un<br />
plan sans réseaux (cancer, périnatalité)<br />
à commencer par le plan <strong>Psychiatrie</strong><br />
et Santé mentale 2005-2008<br />
car, on le voit bien, les réseaux peuvent<br />
ai<strong>de</strong>r à dépasser les problématiques<br />
d’établissement, combiner médical,<br />
social, médico-social et, au <strong>de</strong>là,<br />
politique <strong>de</strong> la ville, coordonner les<br />
réponses dans le temps et dans l’espace.<br />
Ils peuvent, également, constituer<br />
<strong>de</strong>s laboratoires d’expérience<br />
pour ce qui intéresse :<br />
- les compétences professionnelles<br />
dont on sait qu’elles sont sur le plan<br />
organisationnel souvent paramédicales<br />
et non soignantes,<br />
- la division et l’organisation du travail,<br />
- les possibilités d’échanges entre professionnels<br />
mais aussi et surtout entre<br />
ces <strong>de</strong>rniers et les non professionnels,<br />
- l’évaluation et la formation,<br />
- l’ancrage territorial.<br />
On peut attendre <strong>de</strong>s réseaux qu’ils<br />
explorent et favorisent <strong>de</strong>s réponses<br />
pour le basculement <strong>de</strong> l’intra vers<br />
l’extrahospitalier, le maillage et remaillage<br />
<strong>de</strong> solutions couvrant les<br />
zones blanches sur le plan du soin,<br />
l’articulation sanitaire, médico-social<br />
et social, les complémentarités entre<br />
public et privé, certains thèmes aussi<br />
importants que les urgences, la réhabilitation<br />
et la gérontopsychiatrie<br />
et tout cela, dans l’esprit et la continuité<br />
du secteur. ■<br />
Le classique syndrome<br />
<strong>de</strong> Stockholm<br />
Certaines <strong>de</strong> ces manifestations sont<br />
connues sous le nom <strong>de</strong> « syndrome<br />
<strong>de</strong> Stockholm » dont les critères cliniques<br />
ont été décrit en 1978 par le<br />
psychiatre américain F. Ochberg (1, 2). Il<br />
propose ce diagnostic à partir <strong>de</strong> l’observation<br />
d’un phénomène d’empathie<br />
paradoxale chez les victimes <strong>de</strong> la prise<br />
d’otage du 23 août 1973 lors d’un holdup<br />
au Crédit Suédois <strong>de</strong> Stockholm<br />
pendant lequel, pour échapper à l’intervention<br />
<strong>de</strong>s forces <strong>de</strong> l’ordre, le malfaiteur<br />
(un évadé <strong>de</strong> prison) prenait<br />
quatre employés en otage et obtenait la<br />
libération <strong>de</strong> son compagnon <strong>de</strong> cellule<br />
qui est venu immédiatement le<br />
rejoindre. Leur libération se produisit<br />
après six jours <strong>de</strong> négociation. Cette<br />
prise d’otages fut rendue célèbre en raison<br />
d’une part du rôle joué par les<br />
médias, lui donnant un retentissement<br />
important, d’autre part en raison <strong>de</strong> la<br />
place donnée à l’électronique permettant<br />
<strong>de</strong> filmer les comportements <strong>de</strong>s<br />
différents protagonistes, en particulier<br />
celui <strong>de</strong>s victimes. Ces <strong>de</strong>rnières prenaient<br />
la défense <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux ravisseurs,<br />
elles craignaient l’intervention <strong>de</strong> la police<br />
contre leurs ravisseurs. Ce comportement<br />
relève <strong>de</strong> sentiments paradoxaux,<br />
associant une affection et une<br />
compréhension à l’égard <strong>de</strong>s ravisseurs<br />
et une hostilité et une crainte à l’égard<br />
<strong>de</strong>s forces <strong>de</strong> l’ordre. Après la prise<br />
d’otages le même type <strong>de</strong> sentiment et<br />
<strong>de</strong> comportement <strong>de</strong>s otages à l’égard<br />
<strong>de</strong> leurs ravisseurs persistait : ainsi par<br />
exemple, ils refusaient <strong>de</strong> témoigner<br />
contre eux au procès, ils continuaient <strong>de</strong><br />
leur rendre visite en prison, et l’une <strong>de</strong>s<br />
otages divorça et épousa un <strong>de</strong>s ravisseurs.<br />
La définition du syndrome <strong>de</strong><br />
Stockholm proposée par Ochberg repose<br />
sur le développement <strong>de</strong> trois types<br />
<strong>de</strong> sentiments : 1- sentiments positifs<br />
<strong>de</strong> confiance et <strong>de</strong> sympathie <strong>de</strong>s otages<br />
à l’égard <strong>de</strong> leurs ravisseurs ; 2- sentiments<br />
positifs <strong>de</strong>s ravisseurs à l’égard<br />
<strong>de</strong> leurs otages ; 3- sentiments négatifs,<br />
d’hostilité, <strong>de</strong>s otages à l’égard <strong>de</strong>s forces<br />
<strong>de</strong> l’ordre. A ces trois éléments <strong>de</strong> définition<br />
plusieurs auteurs ont ajouté <strong>de</strong>s<br />
critères ou conditions concernant le<br />
mo<strong>de</strong> opératoire <strong>de</strong>s ravisseurs, la personnalité<br />
<strong>de</strong>s victimes, les phases du<br />
déroulement <strong>de</strong> la prise d’otages. Ces<br />
ajouts visent à mieux cerner l’évolution<br />
<strong>de</strong> la situation <strong>de</strong> l’otage (notions <strong>de</strong><br />
séquelles post-traumatiques, investissements<br />
dans <strong>de</strong>s activités à caractère<br />
social après la prise d’otage) et les différentes<br />
approches psychopathologiques<br />
proposées pour expliquer les phénomènes<br />
comportementaux et affectifs<br />
observés ainsi que les mécanismes<br />
d’adaptation physio-psychologiques.<br />
Schémas<br />
psychologiques <strong>de</strong>s<br />
situations <strong>de</strong><br />
séquestration<br />
L. Crocq (3) a systématisé le déroulement<br />
d’une prise d’otage selon une<br />
procédure en quatre phases afin d’ai<strong>de</strong>r<br />
la compréhension <strong>de</strong> la psychopathogénie<br />
du syndrome <strong>de</strong> Stockholm.<br />
La phase <strong>de</strong> capture est à l’origine d’un<br />
stress aigu ou « réaction d’effroi » au<br />
cours <strong>de</strong> laquelle la victime est confrontée<br />
brutalement au sentiment d’une<br />
mort proche avec effondrement <strong>de</strong>s<br />
mécanismes <strong>de</strong> défense contre l’angoisse<br />
<strong>de</strong> mort. Cet effondrement du<br />
fantasme d’immortalité représente une<br />
perte <strong>de</strong> protection et un véritable<br />
« basculement <strong>de</strong> la réalité » exprimé<br />
par <strong>de</strong> nombreuses victimes. Cette<br />
réaction douloureuse peut se traduire<br />
par <strong>de</strong>s symptômes neurovégétatifs<br />
(évanouissements, diarrhées) ou <strong>de</strong>s<br />
troubles psychosomatiques (infarctus,<br />
crise d’asthme), <strong>de</strong>s symptômes d’angoisse<br />
(attaque <strong>de</strong> panique, cris, pleurs),<br />
une inhibition motrice majeure à type<br />
<strong>de</strong> sidération voire une torpeur, parfois<br />
une agitation anxieuse ou plus rarement<br />
un état confusionnel. Pendant<br />
cette situation <strong>de</strong> stress aigu, l’otage<br />
peut tenter <strong>de</strong> résister à ses ravisseurs<br />
ou <strong>de</strong> s’enfuir mais, passer ce premier<br />
temps, sa résistance s’épuise et il s’oriente<br />
vers l’idée d’une collaboration.<br />
La phase <strong>de</strong> séquestration est une<br />
phase <strong>de</strong> stabilisation qui suit le temps<br />
<strong>de</strong> frustration et <strong>de</strong> tension. En même<br />
temps qu’il prend conscience <strong>de</strong> la<br />
situation le sujet accepte progressivement<br />
son statut d’otage. Si pour certains<br />
sujets le maintien d’un déni se<br />
traduit par une hypersomnie à valeur<br />
<strong>de</strong> refuge, pour la plupart <strong>de</strong>s victimes<br />
l’acceptation se déroule en trois temps :<br />
premièrement le déni <strong>de</strong> la situation,<br />
<strong>de</strong>uxièmement l’espoir pendant lequel<br />
le sujet pense que tout ceci est temporaire,<br />
et troisièmement la perte d’espoir<br />
qui correspond à l’acceptation <strong>de</strong><br />
la situation d’otage dans tous ses<br />
aspects. Cette reconnaissance du statut<br />
d’otage peut s’accompagner <strong>de</strong><br />
manifestations <strong>de</strong> lutte contre l’angoisse<br />
sous la forme <strong>de</strong> symptômes obsessionnels<br />
comme une arithmomanie<br />
(compter les lames du parquet, compter<br />
les fissures dans le mur, compter<br />
ses doigts « en boucle », etc.), <strong>de</strong>s rituels<br />
(balayer du regard <strong>de</strong> façon stéréotypée<br />
le même coin <strong>de</strong> la pièce), <strong>de</strong>s ruminations<br />
(sur son passé, sur sa façon<br />
d’être). Une thymie dépressive associant<br />
un sentiment <strong>de</strong> culpabilité d’avoir<br />
été pris en otage peut apparaître. La<br />
séquestration est la phase pendant<br />
laquelle se constitue le syndrome <strong>de</strong><br />
Stockholm, phase pendant laquelle sont<br />
présentes <strong>de</strong>s situations <strong>de</strong> dépendance<br />
à l’égard <strong>de</strong>s ravisseurs : dépendance<br />
pour les besoins vitaux (se mobiliser,<br />
boire, manger, uriner, déféquer, menstruations).<br />
Un sentiment <strong>de</strong> déshumanisation<br />
accompagne ces conditions<br />
souvent dégradantes. Mais, en même<br />
temps, un sentiment <strong>de</strong> sympathie<br />
émerge <strong>de</strong> cette proximité et promiscuité<br />
entre les otages et leurs ravisseurs.<br />
Progressivement s’installe chez l’otage<br />
une tendance à la légitimation <strong>de</strong> cette<br />
situation. La victime peut même entreprendre<br />
<strong>de</strong>s attitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> séduction<br />
envers ses ravisseurs, une affinité s’installe<br />
à l’occasion <strong>de</strong> petits gestes, <strong>de</strong><br />
paroles, lors du passage <strong>de</strong> la nourriture,<br />
d’une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> couverture ou d’eau<br />
ou d’autres échanges. Cette nouvelle<br />
homéostasie dans le milieu intérieur<br />
que représente le groupe constitué <strong>de</strong>s<br />
otages et <strong>de</strong> leurs ravisseurs génère un<br />
nouveau rapport avec le milieu extérieur<br />
constitué <strong>de</strong>s négociateurs et <strong>de</strong>s<br />
médias. Ce milieu extérieur est alors<br />
perçu comme plus dangereux que le<br />
milieu intérieur. Petit à petit les ravisseurs<br />
prennent aussi le statut d’otage,<br />
étant empêchés d’agir et <strong>de</strong> sortir.<br />
La phase <strong>de</strong> dénouement correspondant<br />
à la libération est caractérisée par<br />
la recru<strong>de</strong>scence d’une angoisse liée<br />
au risque d’une issue dramatique et<br />
une nouvelle proximité avec la mort. A<br />
cette phase, les comportements paradoxaux<br />
<strong>de</strong>s otages peuvent les amener<br />
à protéger leurs ravisseurs contre<br />
l’assaut <strong>de</strong>s forces <strong>de</strong> l’ordre.<br />
La phase séquellaire dans les jours qui<br />
suivent la libération peut se manifester<br />
dans les jours ou les semaines par<br />
<strong>de</strong>s troubles thymiques, euphoriques<br />
ou dépressifs, associés à <strong>de</strong>s idées <strong>de</strong><br />
culpabilité. Les victimes adhèrent dura-<br />
<br />
LIVRES<br />
FMC ■ 5<br />
100 mots pour comprendre<br />
la psychiatrie<br />
Jean Garrabé<br />
Les Empêcheurs <strong>de</strong> penser en rond,<br />
18 €<br />
La psychiatrie est concernée par <strong>de</strong>s<br />
troubles psychiatriques graves (psychoses,<br />
schizophrénie) mais aussi par<br />
<strong>de</strong>s troubles rencontrés en mé<strong>de</strong>cine<br />
<strong>de</strong> ville (différentes formes <strong>de</strong> dépression,<br />
troubles obsessionnels,<br />
anxiété, troubles <strong>de</strong>s conduites <strong>de</strong>s<br />
enfants et <strong>de</strong>s adolescents, troubles<br />
du comportement alimentaire). Elle<br />
procè<strong>de</strong> avant tout d’une démarche<br />
clinique et empirique et s’élabore à<br />
la croisée <strong>de</strong> différents courants théoriques<br />
(psychanalyse, psychologie,<br />
neurosciences, pharmacologie biologique...).<br />
Jean Garrabé dresse un tableau <strong>de</strong><br />
la discipline et montre comment l’ensemble<br />
<strong>de</strong> ces notions confluentes<br />
qui structurent son champ sont en<br />
cohérence mais font aussi l’objet <strong>de</strong><br />
débats et <strong>de</strong> controverses. Le langage<br />
psychiatrique s’enrichit <strong>de</strong> mots<br />
provenant d’autres branches <strong>de</strong> la<br />
mé<strong>de</strong>cine, <strong>de</strong> la psychanalyse, <strong>de</strong>s<br />
sciences <strong>de</strong> la nature et <strong>de</strong>s sciences<br />
humaines, <strong>de</strong> la philosophie, voire<br />
<strong>de</strong> la religion.<br />
Devant choisir dans cet ensemble<br />
une centaine <strong>de</strong> mots, Jean Garrabé<br />
a retenu ceux que l’on peut, quelle<br />
que soit leur provenance, relier entre<br />
eux pour tisser un réseau, un filet permettant<br />
d’en pêcher d’autres dans<br />
différents courants <strong>de</strong> pensée.<br />
Les phobies<br />
Paul Denis<br />
Coll. « Que sais-je »<br />
PUF<br />
Paul Denis est psychanalyste, membre<br />
titulaire <strong>de</strong> la Société Psychanalytique<br />
<strong>de</strong> Paris. On retrouve dans son ouvrage,<br />
très complet, les qualités <strong>de</strong><br />
synthèse et <strong>de</strong> documentation qui<br />
constituent l’attrait <strong>de</strong> la collection<br />
« Que sais-je ». Il traite ainsi <strong>de</strong>s différentes<br />
manifestations phobiques chez<br />
l’adulte, symptômes ou maladie, et<br />
<strong>de</strong>s phobies infantiles. Des cas cliniques<br />
illustrent cet exposé.<br />
Après s’être interrogé sur le statut du<br />
trouble dans la psychopathologie, il<br />
développe le lien entre phobie et dépression.<br />
L’originalité <strong>de</strong> l’éreutophobie<br />
est mise en valeur. Si on<br />
relève une gran<strong>de</strong> diversité <strong>de</strong>s approches<br />
théoriques, on peut remarquer<br />
que l’auteur privilégie l’abord<br />
psychanalytique et ne cite que brièvement<br />
les thérapies cognitives et<br />
comportementales. A travers sa rédaction<br />
et sa réflexion sur le thème<br />
<strong>de</strong>s phobies, l’auteur réussit un livre<br />
qui s’adresse aux professionnels et à<br />
ceux qui s’intéressent à « leur propre<br />
vie psychique ».<br />
A. Cossin<br />
Sein <strong>de</strong> femme, sein <strong>de</strong><br />
mère<br />
Hélène Parat<br />
Presses Universitaires <strong>de</strong> France,<br />
11 €<br />
Par cette approche anthropologique,<br />
Hélène Parat montre le chemin qui<br />
parcourt les sinuosités <strong>de</strong> la fantasmatique<br />
du lait et rencontre les multiplicités<br />
du sein se confronte au passage<br />
à la nécessité du partage, un<br />
impossible et nécessaire partage, qui<br />
d’emblée a inscrit les dualités préœdipiennes<br />
dans les négociations œdipiennes.<br />
Une femme peut être apparemment<br />
mère sans s’être sentie<br />
femme, et pourtant, comme les enjeux<br />
<strong>de</strong> sa féminité passent par les<br />
multiples facettes <strong>de</strong> son désir d’enfant,<br />
les enjeux <strong>de</strong> la maternité passent<br />
par cette difficile voie qui la détermine<br />
femme pour un autre.