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Octobre - Nervure Journal de Psychiatrie

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N°7 - TOME XIX - OCTOBRE 2006<br />

subjectale », sont autant <strong>de</strong> concepts<br />

élaborés pour faire <strong>de</strong> la réintégration<br />

dans le socius autre chose<br />

qu’une éviction à rebours. Dans ce<br />

sens, Oury a choisi <strong>de</strong> faire son séminaire<br />

mensuel sur ce thème du « Politique<br />

» <strong>de</strong>puis plusieurs années à Sainte<br />

Anne à Paris. Mais je pense à un<br />

tout autre sujet, celui <strong>de</strong> la périnatalité.<br />

Lorsque j’ai donné mon livre à<br />

Françoise Molénat, qui a été l’inspiratrice<br />

<strong>de</strong>s textes « révolutionnaires »<br />

récents à ce sujet, elle m’a dit combien<br />

elle avait été influencée dans sa<br />

formation par les idées <strong>de</strong> la psychothérapie<br />

institutionnelle. Et quand on<br />

lit ses textes, et qu’on voit les objectifs<br />

qu’elle y expose, il est clair qu’elle en<br />

a intériorisé parfaitement les « invariants<br />

structuraux ». Qui aurait pu penser<br />

une chose pareille ? J’y vois le signe<br />

d’une gran<strong>de</strong> actualité et y retrouve la<br />

pertinence d’une « épistémé » <strong>de</strong> la<br />

relation humaine vulnérable. A ce<br />

titre, la psychothérapie institutionnelle<br />

a <strong>de</strong> beaux jours <strong>de</strong>vant elle !<br />

M. S.-C. : Une autre notion tend à se<br />

perdre, celle qui veut que la psychanalyse<br />

trouve aussi un terrain d’application<br />

dans la psychose. Salomon Resnik est<br />

un personnage qui vous est très cher…<br />

P.D. : Mon maître et ami Salomon<br />

Resnik est une figure impressionnante<br />

<strong>de</strong> la psychiatrie contemporaine,<br />

et je me suis souvent <strong>de</strong>mandé ce qui<br />

aurait pu se passer lorsque Tosquelles<br />

lui a <strong>de</strong>mandé, à l’époque où il hésitait<br />

entre la France et l’Angleterre, s’il<br />

accepterait <strong>de</strong> venir travailler avec lui<br />

à Saint Alban pour la formation psychanalytique<br />

<strong>de</strong> ses collègues. Outre<br />

son premier cursus <strong>de</strong> psychanalyse<br />

en Argentine sous l’égi<strong>de</strong> <strong>de</strong> Pichon<br />

Rivière et <strong>de</strong> ses élèves kleiniens, il a<br />

complété sa formation à Londres avec<br />

Mélanie Klein elle-même, mais aussi,<br />

excusez du peu ! avec Rosenfeld,<br />

Bion, Bick, Winnicott et quelques<br />

autres. Devenu leur ami, il a su explorer<br />

<strong>de</strong>s contrées inhabituelles et<br />

notamment celles <strong>de</strong> la psychose. Il<br />

fait sans doute partie <strong>de</strong>s quelques<br />

personnes qui peuvent comprendre<br />

les personnes psychotiques avec une<br />

intuition et une capacité d’interprétation<br />

proprement époustouflantes. Jean<br />

Ayme le présente comme un génie<br />

<strong>de</strong>s langues, sachant parler aussi bien<br />

l’espagnol, l’anglais, le français, le russe<br />

et l’italien que... « le psychotique » ! Et<br />

non seulement ses talents lui ont permis<br />

<strong>de</strong> soigner <strong>de</strong> très nombreuses<br />

personnes psychotiques, mais <strong>de</strong> plus<br />

il s’est intéressé <strong>de</strong>puis son très jeune<br />

âge à l’art sous toutes ces formes. Et<br />

on voit bien que le domaine <strong>de</strong>s sensations,<br />

que l’étymologie grecque éclaire<br />

puisque ce mot, qui vient <strong>de</strong> « aiesthesis<br />

» qui signifie « sensation », nous<br />

met directement en lien avec celui <strong>de</strong><br />

Revue Santé mentale<br />

au Québec<br />

Revivez la magie du colloque Rencontre<br />

avec quelques Lyonnais qui<br />

a eu lieu le 15 septembre au centre<br />

hospitalier du Vinatier. A travers<br />

le regard <strong>de</strong> cinq Lyonnais (Marcel<br />

Sassolas, Jacques Hochmann,<br />

Francis Maqueda, René Roussillon<br />

et René Kaës), le colloque a réinterrogé<br />

le parcours théorique et<br />

clinique suivi par ceux-ci afin <strong>de</strong><br />

répondre à quatre questions : comment<br />

ont-ils créé leur savoir clinique.<br />

D’où leur sont venues leurs<br />

hypothèses <strong>de</strong> travail ? Comment<br />

les ont-ils modifiées ? Quelle est<br />

l’influence <strong>de</strong>s facteurs personnels<br />

sur ce parcours ?<br />

Prenez connaissance <strong>de</strong> leurs réponses<br />

en visionnant leur conférence<br />

sur le site internet suivant<br />

http://rsmq.cam.org/smq/document/SiteBOA.htm).<br />

L’accès est<br />

gratuit.<br />

l’esthétique. Il y a donc une proximité<br />

logique entre ces mon<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la psychose<br />

et <strong>de</strong> l’art et je crois que Salomon<br />

Resnik en a approché les confins<br />

et nous les a rendus accessibles plus<br />

que beaucoup d’autres. Je me souviens<br />

d’un colloque avec lui, Maldiney,<br />

Schotte et Oury au cours duquel<br />

ces notions avaient été exposées d’une<br />

façon très convaincante. Je crois que<br />

cela est paru sous le titre « comprendre<br />

la psychose » dans une <strong>de</strong>s<br />

revues <strong>de</strong> « Psychothérapie psychanalytique<br />

<strong>de</strong> groupe » autour <strong>de</strong> Jean<br />

Clau<strong>de</strong> Rouchy. L’ouvrage <strong>de</strong> Maldiney<br />

Regard, parole, espace est un<br />

<strong>de</strong>s livres les plus passionnants sur ce<br />

sujet, notamment lorsqu’il explicite le<br />

concept <strong>de</strong> « moment pathique ». Nul<br />

doute que les territoires psychiques<br />

en question sont <strong>de</strong> nature à nous<br />

éclairer sur les processus en jeu dans<br />

l’être au mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s personnes psychotiques,<br />

jusques et y compris en<br />

matière d’autisme infantile. D’ailleurs,<br />

ce n’est pas par hasard que Tustin et<br />

Meltzer ont creusé la question <strong>de</strong>s<br />

difficultés <strong>de</strong> « consensuality » (à traduire<br />

plutôt par con-sensation que<br />

par consensualité) chez les sujets<br />

autistes.<br />

M. S.-C. : Quelles sont les perspectives<br />

pour <strong>de</strong>main ?<br />

P.D. : Il me semble très important<br />

aujourd’hui <strong>de</strong> reparler <strong>de</strong> toutes ces<br />

« vieilles choses » <strong>de</strong> la psychothérapie<br />

institutionnelle, parce qu’il s’agit d’une<br />

manière <strong>de</strong> pratiquer la psychiatrie<br />

qui a une cohérence profon<strong>de</strong>. Les<br />

impasses dans lesquelles certains bons<br />

esprits s’égarent sous couvert <strong>de</strong> science<br />

me préoccupent énormément et<br />

je rappelle souvent que la relation<br />

médicale est une <strong>de</strong>s formes <strong>de</strong> la<br />

relation humaine, et que si elle peut et<br />

doit bénéficier <strong>de</strong>s apports <strong>de</strong>s<br />

sciences dites dures, elle ne doit pas<br />

oublier qu’elle ne peut en aucun cas<br />

se réduire à la seule science sous peine<br />

<strong>de</strong> surprises éthico-déontologiques<br />

rapi<strong>de</strong>s. Nous avons tout intérêt à<br />

continuer <strong>de</strong> penser la psychiatrie<br />

comme une discipline installée en<br />

pont entre la mé<strong>de</strong>cine et l’anthropologie,<br />

entre les neurosciences et la<br />

psychopathologie, et à défendre cette<br />

position sur les plans éthiques et épistémologiques.<br />

A ce sujet, j’aime bien<br />

l’expression d’« anthropopsychiatrie »<br />

forgée par mon ami Jacques Schotte<br />

<strong>de</strong> l’université <strong>de</strong> Louvain la neuve,<br />

pour décrire ce projet <strong>de</strong> rencontre.<br />

Dans ce combat qui s’amorce, et qui<br />

peut prendre <strong>de</strong>s tours d’une violence<br />

extrême, le champ <strong>de</strong> la psychopathologie<br />

psychanalytique a une<br />

importance cruciale pour étayer la<br />

question humaine, et il serait incompréhensible<br />

d’avancer sans elle, sous le<br />

prétexte fallacieux qu’elle n’est pas<br />

démontrable. Le sens d’une vie est-il<br />

démontrable ? J’espère participer à<br />

mon niveau à cette aventure aussi<br />

passionnante que vitale pour la psychiatrie<br />

<strong>de</strong> <strong>de</strong>main. Et dans cette<br />

aventure, la psychiatrie du bébé , et<br />

tout ce qu’elle porte en elle <strong>de</strong> pistes<br />

novatrices, peuvent nous ai<strong>de</strong>r considérablement<br />

à avancer. ■<br />

Notes<br />

(1) Inscriptions auprès <strong>de</strong> madame Caroline<br />

Debaecker, Service <strong>de</strong> formation<br />

médicale continue, Faculté <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine<br />

<strong>de</strong> Lille2, Pôle recherche, 59045, Lille<br />

ce<strong>de</strong>x. c<strong>de</strong>baecker@univ-lille2.fr<br />

(2) Le programme T4 est le texte réglementaire<br />

écrit par les responsables nazis<br />

pour planifier l’extermination du peuple<br />

Juif. Le film <strong>de</strong> Costa-Gavras, Amen, est à<br />

ce titre très intéressant puisqu’il met en<br />

scène cette horreur dans sa première partie<br />

; les critiques n’ont parlé que <strong>de</strong> la<br />

lâcheté du pape <strong>de</strong> l’époque, en omettant<br />

totalement la mise en place <strong>de</strong> ce<br />

programme monstrueux.<br />

(3) Je recomman<strong>de</strong> la lecture <strong>de</strong> L’êtrebébé<br />

<strong>de</strong> Bernard Golse, paru cette année<br />

aux PUF, dans la collection Le fil rouge.<br />

Une personne hospitalisée parce<br />

qu’elle souffre <strong>de</strong> troubles mentaux,<br />

une fois sur trois, a subi <strong>de</strong>s abus<br />

sexuels ou <strong>de</strong>s violences dans l’enfance.<br />

Devenue adulte et mala<strong>de</strong>, elle a<br />

trois fois plus <strong>de</strong> risque d’être victime<br />

<strong>de</strong> violence qu’un simple citoyen.<br />

Cependant, c’est elle qu’on va montrer<br />

du doigt si un crime est commis ;<br />

et la ficher ? Monsieur le Ministre se<br />

trompe <strong>de</strong> tiroir, c’est dans le fichier<br />

<strong>de</strong>s victimes qu’il doit ranger les<br />

mala<strong>de</strong>s mentaux, pas dans celui <strong>de</strong>s<br />

prédateurs.<br />

La croyance que les mala<strong>de</strong>s mentaux<br />

sont <strong>de</strong>s criminels en puissance est un<br />

travers <strong>de</strong> la pensée qui affecte les<br />

esprits les plus éminents. Un citoyen<br />

sur <strong>de</strong>ux est convaincu que les mala<strong>de</strong>s<br />

mentaux sont dangereux pour les<br />

autres, d’après un sondage réalisé par<br />

l’IPSOS en 2001. Malheureusement,<br />

un Ministre en est convaincu. Il eut<br />

mieux valu qu’il soit en charge d’un<br />

office plus futile mais il est à l’Intérieur.<br />

Cependant, il s’agit d’une croyance<br />

incroyablement banale et, à force d’être<br />

répandue, elle pousse les législateurs<br />

<strong>de</strong>s pays occi<strong>de</strong>ntaux à modifier leurs<br />

législation. C’est le cas du Royaume-<br />

Uni. Sept cents meurtres par an, dont...<br />

71 commis par <strong>de</strong>s personnes souffrant<br />

d’un trouble mental. Cela suffit,<br />

semble-t-il, pour proposer <strong>de</strong> modifier<br />

la législation en vigueur « afin que la<br />

population soit bien protégée <strong>de</strong>s individus<br />

qui peuvent être atteints <strong>de</strong> maladies<br />

mentales et représenter un sérieux<br />

danger pour le public, même s’ils n’ont<br />

pas été accusés d’un crime » (discours<br />

<strong>de</strong> Tony Blair le 20 novembre 2002).<br />

Les étu<strong>de</strong>s menées par les psychiatres<br />

anglais ont pourtant montré que le<br />

nombre <strong>de</strong> crimes perpétrés par <strong>de</strong>s<br />

personnes souffrant <strong>de</strong> maladies mentales<br />

est resté stable <strong>de</strong>puis 38 ans. Et,<br />

le nombre <strong>de</strong> crimes augmentant, la<br />

proportion <strong>de</strong> leurs crimes a continuellement<br />

baissé, au rythme <strong>de</strong> 3%<br />

par an. Une étu<strong>de</strong> britannique récente<br />

sur les violences domestiques montre<br />

que la maladie mentale y joue un rôle<br />

minime. Le principal facteur associé à<br />

cette violence est la prise d’alcool pour<br />

plus <strong>de</strong> 50% <strong>de</strong>s cas <strong>de</strong> violence physique.<br />

Ces préjugés contre la maladie<br />

mentale ont poussé les autorités <strong>de</strong><br />

santé <strong>de</strong> Nouvelle-Zélan<strong>de</strong> à comman<strong>de</strong>r<br />

un rapport sur la question. La<br />

réponse est la même : en dépit <strong>de</strong>s<br />

craintes du public, le nombre <strong>de</strong><br />

meurtres commis par <strong>de</strong>s personnes<br />

atteintes <strong>de</strong> maladies mentales a considérablement<br />

diminué <strong>de</strong>puis 1970 au<br />

rythme <strong>de</strong> 4% par an. En 2000, il<br />

représente 5% <strong>de</strong> tous les meurtres :<br />

95% <strong>de</strong>s meurtres sont accomplis par<br />

<strong>de</strong>s personnes ne souffrant pas <strong>de</strong><br />

troubles mentaux. Une étu<strong>de</strong> danoise<br />

menée sur 340 000 personnes, soit<br />

l’ensemble <strong>de</strong>s sujets nés après-guerre<br />

et suivis jusqu’à l’âge <strong>de</strong> 44 ans, montre<br />

que 5000 hommes ont été arrêtés<br />

pour <strong>de</strong>s actes violents commis au<br />

cours <strong>de</strong> leur vie ; seuls 453 présentaient<br />

un trouble mental sévère.<br />

En restant pru<strong>de</strong>nt, il est possible d’estimer<br />

que 90 à 95% <strong>de</strong>s meurtres sont<br />

le fait <strong>de</strong> personnes normales. 5 à 10%<br />

sont le fait <strong>de</strong> personnes souffrant <strong>de</strong><br />

maladies mentales sévères et, dans ce<br />

cas, la victime est le plus souvent un<br />

membre <strong>de</strong> l’entourage. Les crimes sur<br />

<strong>de</strong>s étrangers sont rarement le fait <strong>de</strong><br />

personnes mala<strong>de</strong>s.<br />

Vous ne risquez pas, en vous promenant<br />

dans la rue ou en allant faire vos<br />

courses <strong>de</strong> vous faire assassiner par un<br />

« mala<strong>de</strong> mental ».<br />

Les facteurs associés aux comportements<br />

violents sont les mêmes chez<br />

les personnes atteintes <strong>de</strong> maladies<br />

mentales que chez les personnes<br />

in<strong>de</strong>mnes : il s’agit <strong>de</strong> la consommation<br />

d’alcool ou <strong>de</strong> drogues et <strong>de</strong> la<br />

précarité. Les comportements violents<br />

sont également plus fréquents chez les<br />

hommes, les sujets jeunes et chez les<br />

personnes qui ont déjà commis <strong>de</strong>s<br />

actes violents. Ces facteurs sont connus<br />

<strong>de</strong>puis longtemps. La population seraitelle<br />

plus rassurée si l’on affichait <strong>de</strong>vant<br />

chaque mairie la liste <strong>de</strong> toutes les personnes<br />

qui ont pris une cuite ?<br />

La stigmatisation <strong>de</strong>s<br />

médias<br />

Malheureusement, il ne sert à rien <strong>de</strong><br />

lutter contre les préjugés sociaux. Plusieurs<br />

expériences montrent que la lecture<br />

<strong>de</strong> faits divers où il est indiqué<br />

que le criminel est atteint d’une pathologie<br />

mentale rend les lecteurs plus<br />

craintifs <strong>de</strong> la maladie mentale, plus<br />

favorables à <strong>de</strong>s traitements sous<br />

contrainte et plus enclins à isoler <strong>de</strong><br />

tels patients du reste <strong>de</strong> la société. Ces<br />

lecteurs évitent également <strong>de</strong> fréquenter<br />

<strong>de</strong>s personnes qu’ils savent<br />

atteintes <strong>de</strong> troubles mentaux et, cela<br />

va sans dire, <strong>de</strong> les ai<strong>de</strong>r.<br />

La télévision offre aussi son pesant <strong>de</strong><br />

stéréotypes qui forgent les attitu<strong>de</strong>s<br />

sociales <strong>de</strong>s citoyens. George Gerbner,<br />

un <strong>de</strong>s chercheurs les plus écoutés sur<br />

la violence dans les medias, a observé,<br />

aux USA, que 45% <strong>de</strong>s personnages<br />

télévisés sont violents et que cette proportion<br />

monte à 72% pour les personnages<br />

décrits comme <strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s<br />

mentaux. Gerbner note également que<br />

la maladie mentale est, dans l’univers<br />

télévisuel, la seule caractéristique qui<br />

suffit à rendre les personnages féminins<br />

aussi violents que les hommes.<br />

Aucune campagne d’information n’aura<br />

assez d’impact pour contrebalancer<br />

une telle propagan<strong>de</strong> <strong>de</strong> stéréotypes<br />

sociaux. Faut-il, pour autant, créer <strong>de</strong>s<br />

lois pour rassurer le consommateur <strong>de</strong><br />

séries policières ainsi apeuré et prévenu<br />

contre la maladie mentale ? Est-il<br />

plus simple <strong>de</strong> ficher <strong>de</strong>s personnes<br />

mala<strong>de</strong>s que <strong>de</strong> donner <strong>de</strong>s recommandations<br />

aux groupes <strong>de</strong> communication<br />

? Est-il si compliqué <strong>de</strong> fournir<br />

en masse une distraction alternative à<br />

la présentation spectaculaire <strong>de</strong> criminels<br />

délirants ?<br />

Une loi trompeuse pour<br />

rassurer les effrayés<br />

Il faut prévenir les citoyens amateurs<br />

<strong>de</strong> télévision que les conséquences <strong>de</strong><br />

ce projet <strong>de</strong> loi vont aggraver leur situation.<br />

En effet, le principal facteur susceptible<br />

d’augmenter la violence d’un<br />

sujet délirant ou halluciné est le fait<br />

qu’il ne soit pas traité. Croyez-vous<br />

que, sachant qu’il sera fiché, cet individu<br />

acceptera d’aller chercher un traitement<br />

? Bien entendu, non. Le résultat<br />

prévisible <strong>de</strong> cette loi est : le patient<br />

refusera les soins, n’ira pas chercher <strong>de</strong><br />

l’ai<strong>de</strong>. Sans traitement, son risque <strong>de</strong><br />

commettre un acte violent augmente,<br />

une fois celui-ci commis, il sera alors<br />

soumis à l’emprisonnement. La conséquence<br />

sera une augmentation <strong>de</strong> la<br />

criminalité. Avec l’augmentation du<br />

nombre <strong>de</strong> mala<strong>de</strong>s mentaux dans les<br />

prisons, ces patients ne pourront pas<br />

être correctement soignés parce que<br />

tout simplement nos collègues <strong>de</strong>s<br />

SMPR ne sont largement pas assez<br />

nombreux pour soigner tout ce mon<strong>de</strong>.<br />

HUMEUR ■ 11<br />

La double-peine en psychiatrie ou<br />

comment le projet <strong>de</strong> loi <strong>de</strong> prévention<br />

<strong>de</strong> la délinquance va augmenter le<br />

nombre <strong>de</strong> « délinquants »<br />

Ces patients, s’ils ne se sont pas suicidés<br />

et s’ils n’ont pas été victimes <strong>de</strong> violence,<br />

sortiront alors en ayant reçu <strong>de</strong>s<br />

soins élémentaires. Pensez-vous sérieusement,<br />

après un tel parcours, que ces<br />

patients maltraités iront avec confiance<br />

poursuivre leurs soins auprès d’un service<br />

médical ? Ce succès prévisible<br />

<strong>de</strong>vrait inciter nos parlementaires et<br />

Monsieur Houillon, rapporteur du projet<br />

auprès <strong>de</strong> la Commission <strong>de</strong>s Lois,<br />

à examiner l’impact <strong>de</strong>s mesures envisagées<br />

sur l’évolution <strong>de</strong> la violence.<br />

Après s’être désolé <strong>de</strong>s dysfonctionnements<br />

<strong>de</strong> certaine institution, il s’agirait<br />

<strong>de</strong> franchir une étape dans le<br />

progrès et <strong>de</strong> prévenir <strong>de</strong> tels dysfonctionnements.<br />

Ainsi, le législateur contribuera<br />

indirectement à alléger la stigmatisation<br />

<strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s mentaux,<br />

victimes dans leur corps et dans leur<br />

esprit, victimes du regard que leur porte<br />

la société, ses représentants et ses communicants,<br />

victimes <strong>de</strong>s cruautés ordinaires<br />

et <strong>de</strong> la négligence <strong>de</strong>s bien-portants.<br />

Dresser la liste <strong>de</strong> toutes ces<br />

personnes - ces Martin, Durand,<br />

Dupont – c’est dresser la liste <strong>de</strong> nos<br />

carences, établir le fichier <strong>de</strong> nos petitesses,<br />

aménager un tiroir pour notre<br />

bonne conscience. ■<br />

Roland Dar<strong>de</strong>nnes<br />

PU-PH, Université Paris Descartes & Centre<br />

Hospitalier Sainte-Anne.<br />

Bibliographie<br />

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GINS S, Major mental disor<strong>de</strong>rs and criminal<br />

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people with mental illness: myth and reality,<br />

Br J Psychiatry 1999, 174, 9-14.<br />

La mé<strong>de</strong>cine et les sciences<br />

XIX e -XX e siècles<br />

Jean-Paul Gaudillière<br />

La Découverte<br />

L’auteur part <strong>de</strong> l’idée selon laquelle<br />

la mé<strong>de</strong>cine est, <strong>de</strong>puis le milieu du<br />

XIX e siècle, organisée autour <strong>de</strong> trois<br />

pôles. mé<strong>de</strong>cine clinique, mé<strong>de</strong>cine<br />

sociale et mé<strong>de</strong>cine expérimentale.<br />

Leur particularité est affaire <strong>de</strong> lieux,<br />

d’acteurs, <strong>de</strong> rapports à l’économie<br />

ou à la politique mais aussi <strong>de</strong> manières<br />

<strong>de</strong> savoir. L’ouvrage les présente<br />

en insistant sur les multiples<br />

liens qui unissent expérimentation,<br />

soin, production matérielle et gestion<br />

politique <strong>de</strong> la santé. La <strong>de</strong>rnière partie<br />

confronte cette histoire aux enjeux<br />

<strong>de</strong> la biomé<strong>de</strong>cine contemporaine.

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