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1 - Départ du Vanuatu - premiers mouillages aux îles Salomon -

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Henri Dejust<br />

Carnet de Voyage 1<br />

1 - <strong>Départ</strong> <strong>du</strong> <strong>Vanuatu</strong> - <strong>premiers</strong> <strong>mouillages</strong> <strong>aux</strong> <strong>îles</strong> <strong>Salomon</strong> -<br />

Nous avons quitté le <strong>Vanuatu</strong> le 24 Sept.97 de Port Olry ; très bon mouillage der-<br />

rière une petite île, sable, eau claire, be<strong>aux</strong> arbres, petit lac, bétail, beaucoup de mou-<br />

ches.<br />

Petit résumé <strong>du</strong> <strong>Vanuatu</strong> :<br />

Climat agréable l’hiver, <strong>du</strong> vent ; pas de crocodiles, plein de perroquets ; chemins et<br />

pistes ; villageois très gentils, troc de fruits et légumes, pirogues à balancier, coutumes<br />

mélanésiennes “souples”, influence française marquée ; les gens vivent plutôt bien<br />

(jardin,pêche,bétail,coprah), grosse aide australienne et française (beaucoup d’échan-<br />

ges avec la Calédonie) ; un pouvoir politique volontaire et pas (encore) trop corrompu.<br />

MAIS : cyclones, volcans en activité (éruptions,pluies sulfureuses), pas de lagons, peu de<br />

bons <strong>mouillages</strong> ; requins dangereux, risque important de ciguatera ; gens pas be<strong>aux</strong>,<br />

femmes très exploitées, régime tribal ; natalité trop forte, ignorance, école inadaptée ;<br />

pro<strong>du</strong>its importés trop chers.<br />

24 Sept. - Donc, appareillage. Pas d’escale prévue <strong>aux</strong> Torres, Banks, ou St Cruz.<br />

L’ile Vanikolo m’aurait tentée (naufrages de l’Astrolabe et la Boussole ; la Pérouse, un<br />

des plus grands marins français) mais accès difficile, mauvais mouillage, climat mal-<br />

sain. Vent faible (spi) puis musclé (force 6 à 7). Le 26 au soir atterrissage sur le sud de<br />

san Cristobal, puis dans la nuit passage (étroit mais hydrographié) au nord des 3 Sisters<br />

islands grâce au GPS magique.<br />

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Henri Dejust<br />

Carnet de Voyage 2<br />

27 Sept. - A 15.00 h. nous embouquons une passe d’accés au lagon Are-Are qui<br />

longe la côte ouest de l’ile Malaita. Là, pas de carte (ce n’est pas hydrographié). Un peu<br />

de soleil pour voir (mal) le récif (eau pas très claire) avant un déluge de pluie qui nous<br />

laisse une heure encalminés à une encablure <strong>du</strong> rivage, trop profond pour mouiller,<br />

visi nulle. Retour <strong>du</strong> soleil , une pirogue nous mène à un mouillage devant des palétu-<br />

viers, derrière c’est un village (dans les marécages...). Des pirogues nous entourent, le<br />

chef arrive. C’est un nouveau chef, son père est mort la semaine dernière. Il nous a vu<br />

prendre la passe, car il passe la journée sur la tombe <strong>du</strong> vieux chef enterré sur le motu<br />

d’entrée (transmission <strong>du</strong> “mana” ?) ; cadeau d’un bâton tabac : nous sommes sous sa<br />

protection, pouvons passer la nuit, aller au village et à la rivière, mais la pointe est<br />

tabou. Pas de crocodile. Pirogues sans balancier, gens pas très be<strong>aux</strong> : quasi nus, genci-<br />

ves et langue rouge (ils mâchent <strong>du</strong> bétel).<br />

On ne débarque pas (en principe nous n’avons pas le droit de faire escale avant Honiara,<br />

port d’entrèe). On est envahi de mouches. Vivre là ? Il y a sur le récif de très jolis motu<br />

secs et bien plantés ? Cris des perroquets, nuit paisible sur un miroir où se reflètent les<br />

étoiles.<br />

28 Sept. - Le lendemain matin nous allons quelques milles plus loin dans la baie<br />

Waisisi. La passe est belle et facile. Bon mouillage dans 5m d’eau claire, fond de sable ;<br />

cocotiers et plage, un village sur une pointe (sur pilotis / bambous , cocotier et panda-<br />

nus tressés).<br />

Petite pirogue, une jeune fille vient nous accueillir. Puis c’est le chef Peter (66 ans) et<br />

son plus jeune fils. On offre le traditionnel bâton tabac, il envoie le fils cueillir des cocos<br />

vertes ; nous sommes les bienvenus : deux pointes sont tabou ainsi qu’un récif pour les<br />

femmes. Pas de croco.<br />

Une trentaine de familles (catholiques) forment le village, une école, pas de chemin :<br />

tout déplacement se fait en pirogue. Pirogues très fines et légères, peu de franc-bord,<br />

une curieuse manière d’écoper en faisant gicler l’eau <strong>du</strong> pied tout en paguaiant. Des<br />

petits mômes se baladent tout seuls dans des engins de 2m de long. La pirogue classi-<br />

que fait environ 5m, si étroite qu’il faut commencer dés l’enfance pour ne pas se retour-<br />

ner ; les plus grandes font jusqu’a 12m.<br />

Beaucoup (trop) de pirogues autour <strong>du</strong> bateau. Troc de fruits et légumes. Pe<strong>aux</strong> fon-<br />

cées, scarifications (front et joues), cheveux noirs roux ou blonds, crépus ou lisses,<br />

mélanges mélanésien/micronesien.<br />

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Henri Dejust<br />

Carnet de Voyage 3<br />

29 Sept. - En fin d’aprés-midi nous appareillons pour le nord des Florida. Plutôt<br />

que d’aller directement sur Honiara, la route par le canal entre les deux grandes Florida<br />

évite tous les haut-fonds entre Guadalcanal et Florida (à passer de nuit, avec fort cou-<br />

rant)<br />

Nuit magnifique ; vent léger, étoiles, mer plate... Au petit jour mouillage à l’entrèe <strong>du</strong><br />

canal, deux heures à attendre que le soleil suffisamment haut nous montre le passage<br />

dans le récif.<br />

Passage <strong>du</strong> canal au moteur : environ 5 milles de long, largeur 100m, rives de palétu-<br />

viers. Pas vu de croco mais nos amis <strong>du</strong> “Miyoti” en ont vu quelques jours plus tard.<br />

De l’autre coté : baies assez jolies mais de trop grandes profondeurs pour mouiller. On<br />

tourne plusieurs heures (!) avant de mouiller pour la nuit dans un fond de mangrove<br />

étouffant.<br />

2 - Honiara - Arrivée dans les <strong>îles</strong> New Georgia -<br />

1 Oct. - On mouille à Honiara vers 13.00 h. Huit voiliers sont là , dont le “Miyoti”<br />

(Todd, skipper professionnel ; David, spécialiste entretien des bate<strong>aux</strong> de charter ; tous<br />

deux australiens, plongeurs, en balade 6 mois tout les deux ans après <strong>du</strong> charter dans<br />

la Grande Barrière de Corail. Un équipier, Franck, informaticien, globe trotter, et génial<br />

cuisinier français).<br />

Mouillage précaire ouvert au large, 17 à 20m de fond, courant. nous n’y passerons que<br />

deux nuits, avec un changement de mouillage à minuit la deuxième nuit.<br />

A terre, un petit club pratique et sympa rendez-vous des “expat” de la capitale : austra-<br />

liens travaillant dans les ministères, les Télécom, la santé, les T.P....<br />

En moins de deux jours Isabelle fait toutes les courses pour deux mois. Je m’occupe des<br />

formalités d’entrée (douane et immigration), pleins d’eau et essence, cartes pour les <strong>îles</strong><br />

New Georgia (introuvables ailleurs).<br />

Honiara est un gros bourg. Quelques bâtiments de prestiges (parlement , banque<br />

centrale,...), le reste n’est que décrépitude et poussière. Des hordes d’adolescents traî-<br />

nent hébétés devant les rayons hallucinants des magasins “modernes” (Sony / Yamaha<br />

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Henri Dejust<br />

Carnet de Voyage 4<br />

/ Toyota /...), pro<strong>du</strong>its d’un monde inaccessible. Dans la rue ne roulent que des grosses<br />

4x4 toute neuves : l’argent des concessions forestières et des droits de pêche s’arrete<br />

dans les poches d’un pouvoir corrompu.<br />

3 Oct. - Ce vendredi soir, nous voila mouillés dans une petite baie assez jolie des<br />

<strong>îles</strong> Florida. En milieu de journée un fort vent de Nordet rendait le mouillage d’Honiara<br />

très inconfortable, heureusement l’éssentiel des approvisionnements étant faits, nous<br />

pouvons couvrir rapidement les 30 milles séparant les deux <strong>mouillages</strong>.<br />

Soirée difficile, mauvais rapports avec des jeunes <strong>du</strong> village voisin. Nous aurons quasi-<br />

ment toujours des problèmes avec les 15/20 ans ; Au sortir de l’école, ils sont complè-<br />

tement destabilisés par ce modernisme promis et toujours inaccessible ; désespérés,<br />

insatisfaits, parfois agressifs.<br />

Dans certains <strong>mouillages</strong> où sont passés beaucoup de bate<strong>aux</strong> australiens (et parfois<br />

américains) ils arrivent avec de l’artisanat ou des fruits à troquer ; contre quelques fruits<br />

ils veulent tout et plus ... Fringues /argent /lunettes /alcool /etc...<br />

Certains bate<strong>aux</strong> (en partie responsables) s’en sortent en “payant” : distribution de K7,<br />

piles, casquettes, coca, etc, ballons et friandises pour les plus jeunes.<br />

Les voiliers anglo-saxons sont tous les soirs sur leur fréquence radio pour commentaires<br />

des uns et des autres sur la “tranquillité” <strong>du</strong> mouillage. Ils naviguent généralement à<br />

deux bate<strong>aux</strong>.<br />

Le pays est un des mieux lotis de la région : faible densité, bois, minerai, e<strong>aux</strong><br />

très poissoneuses, pas de cyclones (sauf dans le S.E.), communications faciles par mer<br />

(lagons, faibles distances, pas de mauvais temps) ; mais ça va de plus en plus mal - pas<br />

de politique cohérente, aucune infrastructure, tout en ruine, déboisement par les gros-<br />

ses compagnies malaysiennes, pillage des e<strong>aux</strong> par les thoniers japonais, et 60% de la<br />

population à moins de 20 ans ! -<br />

Tant que les villages vivent de la pêche et <strong>du</strong> jardin, maisons en végétal, un peu de<br />

coprah pour les pro<strong>du</strong>its de base : ça va. Paysages magnifiques, tout pousse, gens en<br />

bonne santé, structure sociale solide.<br />

Dans un certain sens les villages vivent un âge d’or... Fini (depuis 50 ans) les expé-<br />

ditions des chasseurs de têtes <strong>du</strong> village voisin et le cannibalisme, les superstitions pri-<br />

mitives ; c’est l’époque des avantages de l’aide internationale (surtout australienne):<br />

minimum d’hygiène et d’instruction. sans encore les contraintes d’une société totale-<br />

ment matérialiste.<br />

Généralement les problèmes commencent en mettant un moteur hors-bord sur<br />

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la pirogue.<br />

Henri Dejust<br />

Carnet de Voyage 5<br />

4 Oct. - <strong>Départ</strong> pour les <strong>îles</strong> New Georgia.<br />

Petit temps, ciel couvert.<br />

Spi.<br />

Grains sur grains, forte pluie.<br />

L’aprés midi <strong>du</strong> 5, le vent forci et ça se dégage, nous pouvons prendre la petite<br />

passe d’accés au Kolo Lagoon avec des conditions favorables... Un peu de soleil dans le<br />

dos, quelques bords délicieux sous Grand’voile seule dans une eau claire parsemée de<br />

patates.<br />

2 voiliers au mouillage nous regardent éberlués virer et revirer dans ce dédale de corail :<br />

nous ne verrons quasi jamais de voilier sous voile dans ces lagons... Honte sur eux de se<br />

priver de ce plaisir, il est vrai que la plupart de ces grosses bailles, débordantes d’objets<br />

hétéroclites, ne ressemblent guère à des voiliers.<br />

Magnifique mouillage très abrité à une encablure d’une végétation luxuriante<br />

pleine de perroquets piailleurs.<br />

Quelques crocos dans le coin mais petits “ils n’attrapent que les chiens” ; un gros croco-<br />

dile dangereux (6 à 7m) est signalé dans une mangrove assez loin dans le sud.<br />

Quelques speed-boats viennent nous proposer <strong>du</strong> “carving” : sculptures sur bois plus<br />

au goût des acheteurs australiens qu’en rapport avec l’art mélanésien ; c’est la spécialité<br />

des <strong>îles</strong> <strong>du</strong> Marovo Lagoon. Australiens et Américains remplissent leur poste avant de<br />

cet artisanat ; troc contre panne<strong>aux</strong> solaires / moteurs d’ annexe / etc... Les prix sont<br />

ahurissants ! Les vendeurs de plus en plus nombreux, très insistants et parfois agressifs.<br />

Nous refuserons toujours d’y jeter le moindre coup d’oeil, et n’acceptons de troquer<br />

que fruits et légumes.<br />

Dés qu’un bateau est signalé, des pirogues à moteur chargées de carving n’hesi-<br />

tent pas à parcourir une dizaine de milles... parfois la nuit si c’est en territoire ennemi ;<br />

chaque village a son domaine.<br />

Quand, mouillé peinard près d’un motu <strong>du</strong> récif à des milles de toute habitation,<br />

savourant la fraîcheur d’une nuit tropicale étoilée, vous percevez le doux bruit d’un<br />

Yamaha 25 en<strong>du</strong>ro... bonjour l’ambiance !<br />

Vous avez intérêt a avoir une bonne dose d’humour et il est rare que ça puisse s’ar-<br />

ranger sans un “petit cadeau” ... Dans certains cas on nage dans une certaine violence latente.<br />

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Henri Dejust<br />

Carnet de Voyage 6<br />

3 - Kolo et Marovo Lagoon - New Georgia -<br />

7 Oct. - Beau temps. Vent modéré de Sud est. Nous naviguons sous Grand’voile<br />

vers le sud <strong>du</strong> Kolo Lagoon. Enchevêtrement de bancs de corail. Pas de mouillage inté-<br />

ressant, nous trouvons pour la nuit un endroit correct le long d’un îlot ; hélas, nous<br />

sommes assaillis par des milliers (millions) de mouches : il y a des chèvres a terre.<br />

Du coup nous passons la matinée <strong>du</strong> lendemain, enfermés a bord, a confectionner<br />

moustiquaires pour les insectes et cache-hublots pour les humains curieux. Puis nous<br />

rejoignons cette fois un mouillage superbe : une piscine de 4m d’eau entourée de petits<br />

motu <strong>aux</strong> arbres extraordinaires ; tortues dans l’eau, perroquets dans la végétation. A la<br />

nuit, des centaines de frégates tournoient en silence au dessus de nos têtes avant de se<br />

poser une à une dans les arbres.<br />

Nous restons là quelques jours ; travail sur le bateau, balades dans la “jungle” des<br />

<strong>îles</strong>. Nous laissons passer le cyclone “Lucy” qui se forme sur les St Cruz et dégage vers<br />

les Fidji (trajectoire normale mais un peu tôt en saison).<br />

Dans le mois qui va suivre ce sera toujours le même temps : nuit calme étoilée et<br />

fraîche ; le vent de secteur Est se lève en début de matinée dans un ciel pur ; en milieu<br />

de journée il souffle, parfois assez fort, sous un ciel nuageux ; en fin d’aprés midi le vent<br />

tombe, le ciel se dégage.<br />

Temps absolument anormal (<strong>Salomon</strong> = peu de vent / chaleur humide / fortes pluies).<br />

Nous remontons le Marovo Lagoon. Quelques milles de navigation le matin, au<br />

portant, et soleil dans le dos (bientôt sans carte car ce n’est pas hydrographié). Quand<br />

les nuages se forment nous sommes bien mouillés le long d’un motu, généralement sur<br />

le bord d’une passe. On pourrait presque se croire en Polynésie (ambiance en moins...)<br />

Petit tour sur la grande île de Vangunu pour corvée d’eau et lessive à la rivière. Nous y<br />

retrouvons nos amis <strong>du</strong> “Miyoti”. C’est la dernière fois, ils doivent, après une escale en<br />

Papouasie, rejoindre la Grande Barrière et reprendre le job.<br />

15 Oct. - A midi, le soleil est a la verticale (Déclinaison = Latitude), il passe doré-<br />

navant dans notre sud... et pour longtemps si nous poursuivons notre route vers le nord<br />

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<strong>du</strong> Pacifique.<br />

Henri Dejust<br />

Carnet de Voyage 7<br />

Les choses se compliquent : le lagon devient très étroit, les rives souvent bordées<br />

de palétuviers, eau trouble, <strong>mouillages</strong> plus <strong>du</strong>rs a trouver.<br />

22 Oct. - Navigation délicate et stressante, après deux passages difficiles dans<br />

2m d’eau laiteuse avec patates à fleur d’eau, nous mouillons a l’entrée d’un goulet qui<br />

mène (?) au lagon Toghovae. Trop de vent pour aller sonder avec le canot ; des enflé-<br />

chures, on ne voit plus rien.<br />

Le lendemain à l’aube je sonde le goulet. La sortie est barrée d’un banc de sable et<br />

corail, moins d’1m d’eau. Demi-tour obligatoire ; la première passe qui donne sur le<br />

large est à 4 milles. Galère.<br />

( Si la quille ne craint pas grand-chose, je tremble à l’idée d’endommager la mèche de<br />

safran dans cette région... ).<br />

24 Oct. - Ouf ! Nous voila en mer. Les ennuis sont derrière. Mouillage ce soir au<br />

nord de New Georgia, dans le très abrité Lever Harbour.<br />

Nous y restons quelques jours ; plein de fruits et légumes ; rivière, plein d’eau et lessive<br />

; Isa s’est mise à un cours interactif d’ américain et passe pas mal de temps sur le Mac,<br />

dans le poste avant...<br />

Je profite aussi de cet endroit calme pour me replonger dans mon gros logiciel de<br />

dessin.<br />

Une Orchidée mauve vient rejoindre dans le carré, un pandanus de Bora Bora (devenu<br />

assez grand), deux plus petits <strong>du</strong> <strong>Vanuatu</strong>, et notre magnifique parasite brésilien (Ilha<br />

Grande) à bord depuis 6 ans. Il a échappé <strong>aux</strong> services de Quarantaine australiens et<br />

kiwis.<br />

4 - Kolombangara - Gizo -<br />

Mbambari Harbour puis Ringgi Cove, 2 <strong>mouillages</strong> sur Kolombangara Island. Les gens y<br />

sont beaucoup plus agréables que ceux <strong>du</strong> Marovo Lagoon.<br />

Cette ile était peuplée de redoutables chasseurs de tête qui n’hésitaient pas à parcourir<br />

plus de 100 milles sur leurs pirogues de guerre, pour ramener à la maison pouvoir et<br />

force résidant dans les crânes de leurs voisins.<br />

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Henri Dejust<br />

Carnet de Voyage 8<br />

Ces tueries réciproques eurent pour résultat l’extermination de la population... il ne<br />

resta que 150 habitants à la fin <strong>du</strong> siècle dernier.<br />

Le gouvernement <strong>du</strong> protectorat (anglais) donna les 2/3 de l’ile à une compagnie fores-<br />

tière britannique. Ce grand volcan entouré de terres fertiles et boisées fut abandonné<br />

déboisé dans les années 80 par la compagnie.<br />

La population s’est reformée par immigration d’iles plus peuplées. Les gens y sont plus<br />

ouverts et indépendants, sans la pression tribale de leur ile d’origine, sur une terre sans<br />

droits coutumiers : la nuance est de taille pour nous qui, en Mélanésie, sommes tou-<br />

jours mouillés sur le territoire de quelqu’un ; une famille, un groupe, un village ; 80% des<br />

terres, baies, lagons sont propriétés coutumières.<br />

31 Oct. - Nous voici à Gizo. 2éme ville <strong>du</strong> pays, et capitale de la Western Province.<br />

Joli lagon, bon mouillage, petite baie ; d’un coté, des quais et entrepôts délabrés, de<br />

l’autre, un très pittoresque village “Gilbertese”* : maisons tout en végétal / pilotis et<br />

pieds dans l’eau sur le platier.<br />

* Micronésiens des <strong>îles</strong> Gilbert (actuel Kiribati) immigrés en masse dans les années 60.<br />

Quelques voiliers. Nous retrouvons Pierre et Françoise de “Free Pont” connu au<br />

<strong>Vanuatu</strong> : nous avons un grand ami commun, Yvon sur “Don Quichotte” avec qui nous<br />

étions à Dakar (80) et toujours revu avec grand plaisir (Cayenne, Tahiti, Nouméa).<br />

Gizo est un gros village en carton pâte. Des baraques de bois et tôles, magasins<br />

bric à brac, tous tenus par des chinois, bordent une piste en terre ou chaque (rare) pas-<br />

sage de voiture soulève un nuage de poussière. Malgré saleté, odeurs, délabrement,<br />

manque total d’eau (depuis 4 mois), cette petite ville a un certain charme, très western.<br />

Au mouillage, malgré les incessants va et vient des speed-boats des <strong>îles</strong> voisines,<br />

nous nous décontractons : pas de visiteurs ; peu de ces mouches et moucherons qui à<br />

la longue vous sucent les nerfs !<br />

Le programme : rester dans la zone jusqu’à la fin de l’année, pour passer<br />

dans l’hémisphère Nord quand la probabilité des typhons sera la plus faible (Janv/<br />

Fev/Mars) ; direction Guam <strong>aux</strong> Marianne au travers de quelques atolls des Caroline<br />

(Kapingamarangi/Nukuoro/Puluwat) : Guam est pile sur la route, cette ile américaine<br />

sera une bonne escale technique pour refaire tous les approvisionnements avant un<br />

Japon que l’on dit hors de prix.<br />

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Henri Dejust<br />

Carnet de Voyage 9<br />

Puis route pour les <strong>îles</strong> Ryukyu, partie sud-ouest de l’Archipel Nippon.<br />

Après le Japon, traversée <strong>du</strong> Pacifique Nord sur Sitka, sud-est Alaska : mais on revoit<br />

Don et Mary <strong>du</strong> “Scotty Ann” (Alaska)... Don, qui rentre à Fairbanks tous les étés pour<br />

son boulot d’avocat, nous vante les charmes de Prince William Sound, tout en haut <strong>du</strong><br />

golfe d’Alaska, si bien que... pourquoi pas ? Nous passons de bons moments au bar <strong>du</strong><br />

Gizo Hotel a parler français avec Mary qui a fait ses études à La Sorbonne en 68 !<br />

5 - Vona Vona Lagoon - <strong>Départ</strong> de Gizo -<br />

Après balades à pied sur Gizo et un joli mouillage à Mburumburu Island, nous<br />

partons faire plein d’eau et lessive à Ringgi Cove. On retrouve mouches, moucherons,<br />

termites.<br />

17 Nov. - Entrée dans le Vona Vona Lagoon par l’Est et mouillage par 4m. devant<br />

l’ile Nusapate. Eau trouble mais paysage superbe : un bel ensemble d’iles derrière nous<br />

et devant un petit îlot de sable et cocotiers, plus loin le récif et le large. Très protégé et<br />

tranquille. Peu d’insectes et visiteurs. Pas de carving. On laisse couler le temps.<br />

23 Nov. - Ce soir nous voila devant le Lola Resort : cadre super,bon accueil, mais<br />

mouches et diner pas terrible.<br />

Le lendemain, nous naviguons avec precautions vers la partie Ouest <strong>du</strong> lagon ; ça passe<br />

sans problème, il est possible de ressortir <strong>du</strong> lagon coté Gizo. Mouillage pour la nuit.<br />

Passage limite sur le récif par une fausse passe face à Kolombangara Island pour sortir<br />

plus vite et rejoindre de nouveau Gizo.<br />

Retrouvailles avec “Run Away” (N.Z.) qui revient de santa Isabel : Jenny et Mike<br />

nous donnent plein de tuy<strong>aux</strong> sur le Manning Strait et la partie Ouest de l’île : passages,<br />

<strong>mouillages</strong>,villages, crocodiles, ...<br />

Maintenant le temps a changé ; tonnerre et éclairs en soirée ; quelques pluies, ça<br />

fait glouglou dans le réservoir. Encore un aller-retour dans le Vona Vona, par la large<br />

passe Ouest cette fois.<br />

Gizo again. Le canot a maintenant un câble inox dans la gaine <strong>du</strong> bout’ qui le<br />

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Henri Dejust<br />

Carnet de Voyage 10<br />

relit au Vavitu, car nous avons quelques visites la nuit (sans gravité). Nous vendons<br />

notre Zodiac (pas gonflé depuis Port Vila) à “Little Swan” qui s’est fait piquer le sien avec<br />

moteur.<br />

Isabelle traîne le matin vers le petit marché et petit à petit ramène des trésors :<br />

tomates, avocats, aubergines, choux verts, mangues, citrons, oranges, bananes. De bou-<br />

tique en boutique ; riz, farine, sucre, quelques boites, <strong>du</strong> vin blanc australien, et même<br />

trois douzaines d’oeufs : ça lui fait drôle de voir qu’ils sont congelés...<br />

Avec cette chaleur, remplir les bouteilles de gaz est à haut risque, Henri fait ça au petit<br />

matin tout habillé avec gants et lunettes de protection. On stocke aussi dans le poste<br />

avant 50 l. d’essence (bonjour la bombe !) en prévision des calmes dans le Manning<br />

Strait (forts courants).<br />

Puis tout est prêt, au revoir les copains. La “clearance” se passe bien chez l’officier<br />

d’immigration mais il faut attendre deux jours que le douanier sorte de prison... Il a fallu<br />

l’enfermer à la suite d’une soirée arrosée où il a tout cassé.<br />

13 Dec. - <strong>Départ</strong> de Gizo, escales à Ringgi Cove puis Enoghae Inlet sur New<br />

Georgia. Route par petit temps vers le Nord et arrivée superbe devant santa Isabel au<br />

petit matin.<br />

6 - santa Isabel - <strong>Départ</strong> des <strong>îles</strong> <strong>Salomon</strong> -<br />

15 Dec. - Mouillage profond à ras la plage de la petite Vohinara Island sur l’Ouest<br />

de santa Isabel (Manning Strait). La chaleur est accablante ; végétation luxuriante, per-<br />

roquets partout, sur la plage 3 iguanes se traînent.<br />

balades en canot et à pied le long <strong>du</strong> rivage : oise<strong>aux</strong>, raies, porcelaines, iguanes... Le<br />

sol spongieux et la végétation pourrie découragent toute pénétration ; nuées de mou-<br />

ches et moustiques. Blancs ou rouges, les grands perroquets sont vraiment les rois <strong>du</strong><br />

pays ; toujours à la cime des grands arbres à jacasser ou picorer des fruits. Paysage<br />

enchanteur mais vraiment trop d’insectes, de moiteur... Après avoir trouvé un passage<br />

dans le corail, nous mouillons plus au large entre Vohinara et l’îlot suivant : on respire.<br />

Bricolages à bord ; carénage.<br />

Guam que nous captons presque tous les jours (météo au nord de l’équateur) n’émet<br />

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Henri Dejust<br />

Carnet de Voyage 11<br />

plus... Au dernier bulletin le typhon PAKA se dirigeait pile sur l’île.<br />

23 Dec. - On se bouge vers le NW de santa Isabel, navigation à travers les<br />

îlots ; paysages magnifiques vierge de trace humaine ; sensation de bout <strong>du</strong> monde. A<br />

la ligne, encore un grand barracuda que nous rejetons (risque de ciguatera). Difficile de<br />

trouver un bon mouillage par ces grands fonds ; on ratisse un peu avant d’opter pour<br />

un mouillage de jour tête et cul sur le bord de Popu Passage, et un mouillage de repli<br />

(grains <strong>du</strong> soir et nuit tranquille) au fond d’une baie très protégée (mais étouffante).<br />

Nous voila à pied d’oeuvre pour les derniers préparatifs : nous appareillerons d’ici, dans<br />

quelques jours, car je ne veux pas passer le 5° Nord avant le 5 Janvier (typhons...).<br />

25 Dec. - On va traîner la ligne dans la passe ; en quelques minutes un beau<br />

tazard est à bord ; c’est Noël ! Le mouillage sur le bord de la passe est magnifique, il<br />

fait si beau que nous y passons la nuit. Le lendemain soir, grosse ligne de grains ; on<br />

retourne au fond de la baie. Déluge de pluie, les réservoirs se remplissent... ouf ! on<br />

commençait à rationner !<br />

29 Dec. - Depuis hier le canot est sur le pont, tout est prêt. L’eau de la baie est<br />

couleur cuivre, comme toujours cris des perroquets, on remonte une dernière fois le<br />

mouillage.<br />

La passe ;... Ciel plombé, pétole, houle; on se dégage au moteur pour les <strong>premiers</strong><br />

milles.<br />

Bye bye Mélanésie.<br />

7 - En mer - Apra Harbour - Typhon PAKA -<br />

Bye bye les mouches !<br />

Crachin, petit temps, grains, ça avance doucement.<br />

97/98 ; quel réveillon ! Nuit d’encre, pluie, orages. Grains très brusques et violents ; un<br />

“vraiment fort”, le lendemain, nous stoppe plusieurs heures à sec de toile. Depuis long-<br />

temps nous n’avions connu un pot au noir si éprouvant... ; ou bien, l’on oublie... Malgré<br />

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Henri Dejust<br />

Carnet de Voyage 12<br />

tout, la progression vers le Nord est régulière. Pensée pour “Jabadao” au même endroit<br />

il y a deux ans.<br />

Au niveau de l’équateur, salut Neptune, on sort de la crassouille. L’alizé arrive plein pot :<br />

<strong>du</strong> costaud ! un peu en avant <strong>du</strong> travers ; le plus souvent 3 ris dans la Grand’voile, parfois<br />

pas de Foc dans les surventes. Le bateau tape <strong>du</strong>rement et encaisse de sacrés chocs<br />

avec cette mauvaise mer qui brise parfois à bord (contre courant équatorial).<br />

Galère.<br />

Les journées se suivent... on fatigue... mais avec cet alizé fort, pas de risque de typhon ;<br />

alors... Alors, pas question de s’arreter, on se faufile au milieu des atolls de la Micronesie.<br />

Tant pis pour Kapingamarangi que nous aurions bien aimé visiter.<br />

Puis on peut débrider un peu et faire cap direct sur Guam, au sud des Mariannes. On<br />

sort même la ligne: un joli mahi-mahi, mais la nuit suivante c’est mieux : Isabelle, dehors,<br />

entend un choc; elle éclaire le pont, un bruit de fasseyement difficile à localiser ; puis<br />

elle entend vociférer à l’intérieur : Henri, réveillé par un poisson volant dans le carré,<br />

cherche à attraper la bête qui lui glisse entre les mains : quel pécheur !<br />

11 Jan.98 - On longe Guam au petit matin, jolie arrivée. Pas trop de courant pour<br />

l’entrée d’Apra Harbour, très étroite entre un GIGANTESQUE brise lame et la falaise.<br />

Cette énorme jetée de plusieurs kilomètres est si haute qu’elle nous cachait les porte-<br />

containers au mouillage ! Pour remonter tout ce plan d’eau, nous tirons des bords au<br />

milieu des cargos et bancs de corail. Vent fort mais mer enfin PLATE. Ouf, quel délice<br />

après ces jours de furie de TOUT affaler sur un corps mort <strong>du</strong> Marianas Yacht Club.<br />

Tranquille.<br />

Une vingtaine de voiliers américains sur des corps mort par 20m d’eau au milieu de<br />

corail affleurant. Le Yacht club est loin, avec ce vent ça doit pas être coton d’aller à terre<br />

à la rame. Bon, c’est dimanche, les formalités d’entrée seront pour demain ; repos...<br />

Isabelle se fait <strong>du</strong> soucis, après son cours d’américain sur le Mac... va-t-on la<br />

comprendre ?<br />

Quelques Yachties nous saluent en passant. Michael vient nous raconter PAKA.<br />

Des bate<strong>aux</strong> de pèche échoués ; des voiliers sans mat ; des ponts à l’air ravagés ; le bout<br />

d’un grand mat pointant hors de la surface près de nous ; le rivage dévasté, les arbres<br />

en vrac... Venant de Gizo où tout est destroy, cela ne nous avait pas vraiment attiré l’oeil,<br />

mais icite au US ça fait très désordre. Le super typhon* PAKA est passé pile sur Guam.<br />

Le vent moyen a dépassé les 150 nds sur la zone portuaire (!).<br />

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Henri Dejust<br />

Carnet de Voyage 13<br />

* Dans le Pacifique Nord-Ouest les cyclones tropic<strong>aux</strong> sont appelés typhons. L’appellation<br />

“super typhon” est donnée <strong>aux</strong> phénomènes dépassant les 130 nds.<br />

Les voiliers se planquent à Port Refuge, un abri total ; bras de mangrove ; aucun<br />

fetch ; chaque bateau est amarré sur 4 gros plots en béton par une douzaine d’aussiè-<br />

res. Dégâts et démâtages ont principalement été occasionnés par vol de débris (des<br />

timoneries de bate<strong>aux</strong> de pêche se sont désintégrées).<br />

Michael a cassé une, puis deux aussières, son bateau commençait à cogner son voisin ;<br />

c’est heureusement la fin <strong>du</strong> typhon ; il sort et essaye de reprendre une amarre au<br />

winch, la poupée vole et lui perfore la rate : il est mal... Son équipier lance un appel à la<br />

VHF ; six heures pour le sortir <strong>du</strong> bateau et l’amener à l’hôpital, route coupée par débris<br />

divers. “I survive PAKA” , un mois après, il a une petite mine mais retrouve doucement<br />

la forme.<br />

12 Janv. - Littoral et végétation sont détruits, mais le bâtiment <strong>du</strong> Marianas<br />

Yacht Club n’a pas trop souffert. Accueil américain : chaleureux, cool, efficace.<br />

La journée se passe au Club en formalités. Les douaniers débarquent à cinq... il faut<br />

retourner à bord chercher je ne sais quoi. L’immigration n’arrive que l’aprés midi, et<br />

repart chercher les “imprimés” qu’ils ont oubliés... USA version Guam : strict mais tropi-<br />

cal.<br />

8 - Guam - Agana -<br />

Le lendemain nous abandonnons le corps mort pour un mouillage sur deux<br />

ancres tout près <strong>du</strong> Club, par 3m. d’eau : plus abrité et plus pratique.<br />

Connaissance de “Hayat”, gros cotre hollandais en acier : Yacco, Jannie, et leur fils Willem<br />

ont sensiblement le même programme que Vavitu ; tout au long de l’escale : échange<br />

d’informations, documents, trucs et bi<strong>du</strong>les...<br />

L’escale sera très “technique”. Nous profiterons des commodités US pour recevoir<br />

notre courrier, commander <strong>du</strong> matériel, photocopier cartes et documents ; refaire le<br />

plein des milles petites choses introuvables ailleurs. Approvisionnements MONSTRES de<br />

nourriture et pro<strong>du</strong>its divers : est-ce vraiment nécessaire pour un pays hyper-moderne<br />

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Henri Dejust<br />

Carnet de Voyage 14<br />

où l’on pro<strong>du</strong>it de tout ??? Les américains nous font flipper sur ce Japon déroutant et si<br />

cher... Réponse dans un mois.<br />

On se transforme (entre autre) en goûteurs de café, il faut en essayer un sacré tas avant<br />

de choisir celui qui sera stocké à bord.<br />

Multiples vérifications, bricolages ; préparation de traversée. Je ne suis pas fâché de<br />

changer enfin l’étai : le démontage complet de l’enrouleur au mouillage c’est un boulot<br />

minutieux car ça vente fort, ça bouge. C’est le stress de voir une pièce tomber à l’eau...<br />

Bon, Hourra ! Tout va bien, le Profurl tourne sur un étai neuf ; roule Dufoc !<br />

Les jours se passent en aller-retour sur la ville d’Agana, connaissance des diffé-<br />

rents yachties : sympas et toujours prêts à nous emmener en ville, nous aider à trouver<br />

ceci ou cela.<br />

Agana est une ville a l’urbanisme délirant : un amas de centres commerci<strong>aux</strong>,<br />

blocs d’immeubles, et voies rapides. Quelques traces <strong>du</strong> centre ancien à l’influence espa-<br />

gnole ; nous y trouvons en bord de mer notre petit resto favori ; ambiance Chamorro<br />

sympa.<br />

PAKA n’a pas arrangé le paysage... Ne reste quasiment que le béton ; bois et métal ont<br />

été emportés. Partout des tas de gravas. Grues et engins : des équipes spéciales “après<br />

cyclones” venues d’Amérique rétablissent eau, électricité, téléphone. Efficacité impres-<br />

sionnante.<br />

Par endroit où il n’était resté de la végétation tropicale que quelques gros troncs sans<br />

écorce, déjà tout repousse : feuilles, arbustes, bambous, fleurs... un mois.<br />

Cheryl, qui a étudié en France, son mari Lonnie, médecin à l’hôpital et commo-<br />

dore <strong>du</strong> Club, nous emmènent chez eux, balades, ou courses. Avec eux, Joëlle et Anne,<br />

nous voici avec le “Club Français” qui se réunit périodiquement dans un resto pour<br />

parler frenchie. Laurent (demi américain, fils de Joëlle), Didier (chef au Hilton), Becca<br />

(demi chamorro-japonnaise) et son mari français, une haïtienne, un suisse-coréen, nos<br />

amis ivoiriens : Odi, Marcelle, et leur enfants, Odi junior, Stéphanie, et Jacques.<br />

Quel bonheur de parler français ! Nous passerons de bons moments avec eux, dont un<br />

dîner à Abidjan : boubous, musique, petits plats... dans leur salon Ivoirien la magie était<br />

totale. Odi qui a fait ses études <strong>aux</strong> USA est spécialiste agricole à l’université, Marcelle y<br />

enseigne le français. Ils rêvent de retourner en Afrique monter une exploitation.<br />

Rencontres et balades sur Guam avec les nouve<strong>aux</strong> copains. Temps merveilleux,<br />

chaud mais sans plus. Il y a de jolis coins, les villages avec l’influence espagnole et leurs<br />

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Henri Dejust<br />

Carnet de Voyage 15<br />

maisons inachevées, rappellent les Canaries ! Mais avec typhons et tremblements de<br />

terre ce n’est pas vraiment un coin de rêve.<br />

Peu de contacts avec les Chamorros tant nous sommes contents de retrouver au club<br />

des copains de la même culture occidentale : “yachties” qui alternent voyage et escale<br />

boulot ; avec qui nous avons tant d’affinités.<br />

Sotalia, Malemok, Horizon, Cat-nap, Mendocino Queen, Lokelani ; entre Happy-hour,<br />

barbecue, Pot-luck au club, balades et pique-niques sur l’ile, l’escale passe vite.<br />

Après conversations, étude des cartes et documents, la tonne d’informations<br />

amenée par Dave d’“Horizon” qui revient tout juste <strong>du</strong> Japon, le programme <strong>du</strong> Vavitu<br />

est maintenant assez défini : toujours atterrissage sur Okinawa (avant le 10 mars*), puis<br />

remontée des <strong>îles</strong> Ryukyu jusqu’à Kyushu, l’ile sud <strong>du</strong> “Japon Japon” (Kyushu, Shikoku,<br />

Honshu, Hokkaido). Là, “Hayat” opte pour une escale en Corée et le passage par la Mer<br />

<strong>du</strong> Japon, jusqu’au sud d’Hokkaido d’où ils appareilleront pour l’Alaska.<br />

Pour Vavitu ce sera la côte Pacifique avec ou non un passage par la Mer Intérieure (entre<br />

Honshu et Shikoku). Appareillage le plus tôt possible (Mai ?) des environs de Tokyo pour<br />

Kodiak, une ile en haut <strong>du</strong> Golfe d’Alaska.<br />

* 10 Janv. / 10 Mars : la probabilité de typhons est minimum dans la zone.<br />

Kodiak, l’ile <strong>aux</strong> ours, Michèle et Richard de “Théléme” y hivernent en ce moment.<br />

L’atterrissage a l’air facile, et de là, plusieurs possibilités : Prince William Sound, Sitka,<br />

Vancouver, ou San Francisco...<br />

9 Fev. - Les deux <strong>mouillages</strong> sont relevés et Vavitu reprend un corps-mort. C’a<br />

pousse vite ici, il faut brosser <strong>du</strong>r chaînes et aussières. Petit nettoyage de la carène.<br />

11 Fev. - Déjà un mois à Guam. Derniers rangements, au revoir à tous ; Henri<br />

se fait une sacré trotte à la rame en petit canot pour aller au port faire la “clearance” :<br />

destination Okinawa, Japan.<br />

Nous sommes prêts à appareiller pour le pays <strong>du</strong> soleil levant, but de ce grand voyage.<br />

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9 - Route Japon ! - Okinawa -<br />

Henri Dejust<br />

Carnet de Voyage 16<br />

Dès la sortie, nous revoilà dans le bain. Vent très fort, mer bien formée : conditions mus-<br />

clées et humides. 3 ris partout. Tout fermé. Roule ma poule !<br />

A part ça la lune est grosse et c’est <strong>du</strong> beau temps. Météo : “strong N.E., little change<br />

expected ”.<br />

15 Fev. - Ca mollit doucement. Passe à l’Est ; un petit coup de spi.<br />

17 Fev. - Nord-Est. Petit temps, flic floc. Le matériel souffre.<br />

Contraste : Nous revoilà sous 3 ris ! Coup de vent de Sud-Est. Couvert, crachin, passage<br />

<strong>du</strong> Tropique <strong>du</strong> Cancer dans des éclairs en pagaille.<br />

S.E. force 8.<br />

S.W. force 8.<br />

Barrière noire.<br />

Orage, déluge.<br />

Nord-Ouest force 1.<br />

Mer à 21°.<br />

Bon, OK ! Voila le Pacifique NORD. Vent instable de secteur Ouest.<br />

Le vent passe dans le nez. Toujours crachin. Tankers, cargos, pêche, de plus en plus de<br />

débris polystyrènes et plastiques.<br />

22 Fev. - Dimanche. Nuit difficile au louvoyage par vent fort et veille <strong>aux</strong> cargos.<br />

Lever <strong>du</strong> jour tout gris, mais, mais LE JAPON EST DEVANT : sud d’Okinawa en vue !<br />

Rayon de soleil, le ciel se dégage, sur l’horizon se découpe l’archipel Kerama. Vavitu<br />

progresse difficilement contre ce vent de plus en plus fort. Plein les bottes, on vise<br />

ITOMAN, premier port <strong>du</strong> Sud d’ Okinawa.<br />

Virements après virements, le Cap Ara Saki, nous voila en MER DE CHINE ORIENTALE ,<br />

on se faufile au milieu de bancs de corail pour l’entrée d’ Itoman ; brises lames, jetées,<br />

barges et grues. Grand-voile haute, dans le nouveau port Vavitu passe d’un bassin à<br />

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Henri Dejust<br />

Carnet de Voyage 17<br />

l’autre vers une darse où se dressent quelques mats de voiliers. On tourne un peu pour<br />

repérer, un vieux marin* nous hèle et attrape nos amarres.<br />

* (Le grand Hiro Uchida à bord de “Mikene”)<br />

13.30 - Nous voila bien amarrés le long d’un quai. Nous sommes au JAPON !<br />

Notre petit pavillon jaune (“je demande la libre pratique”) attire vite les autorités ; les<br />

<strong>premiers</strong> à arriver de Naha, la capitale, sont les douaniers : quatre, très courtois, l’un<br />

d’eux nous fascine ; très jeune, tout menu, flottant dans son costume, teint de porce-<br />

laine, mouvements d’automate ; ses collègues le portent pour descendre à bord, et lui<br />

témoignent un grand respect.<br />

Formalités rapides ; courbettes. Avons nous de la casse ? Non, Ah bon... Ils sont très sur-<br />

pris de nous voir là : “Hayat” est à Itoman lui aussi, arrivé hier en avarie ! Deux bate<strong>aux</strong><br />

étrangers dans ce “petit” port, et arrivant de Guam !!!<br />

Douche chaude au foyer <strong>du</strong> marin. Il fait frais, on s’endort bien au chaud sous deux cou-<br />

vertures, le climat a vraiment changé.<br />

10 - Itoman- Le Navtex - Archipel Kerama -<br />

“Hayat” est plus loin, dans le vieux port.<br />

Par fort vent de travers, dans une vague, le pied de mat a cédé. Après une petite gigue,<br />

le mat s’enfonce dans le pont, angoisse : heureusement juste sur le bord d’un barreau...<br />

la tôle <strong>du</strong> pont se déforme et ça stoppe là. Ils passent des drisses dans tous les sens,<br />

raidissent, et route au moteur ; cinq cent milles pour Okinawa. Un petit matin, Itoman.<br />

Au fond <strong>du</strong> vieux port, mouillage devant le petit Yacht Club, un samedi tout le club est<br />

là... On remarque ce drôle de mat avec son air penché ; pas de problème, demain c’est<br />

dimanche alors on va vous arranger ça.<br />

Pendant que Vavitu entrait à Itoman, Hayat était à quai sous un camion-grue : démâ-<br />

tage, fabrication d’une nouvelle embase, remise <strong>du</strong> tout en place ; impeccable.<br />

Yacco, Jannie, et Willem n’en sont pas encore revenus... Leurs nouve<strong>aux</strong> copains japo-<br />

nais ont été tellement rapides, qu’ils n’ont pu toucher à rien !<br />

Une sevère inspection <strong>du</strong> gréement révélera quelques câbles à changer; après en<strong>du</strong>it et<br />

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Henri Dejust<br />

Carnet de Voyage 18<br />

peinture sur le pont ce ne sera plus qu’un mauvais souvenir.<br />

Il est urgent pour nous de s’équiper ici d’un NAVTEX*.<br />

* Un récepteur Navtex permet de recevoir à bord sur un écran (ou imprimante), par<br />

radio-telex, tous les bulletins météo et avis urgents (navigation, balisage, détresse...) concer-<br />

nant notre zone de navigation (jusqu’à 300MN des côtes). C’est un système mondial, totale-<br />

ment automatique.<br />

Nous partons en bus à Naha avec Hiro qui parle parfaitement anglais et nous<br />

sert de guide. Drôle de japonais ce Hiro, très grand avec une petite barbe espiègle,<br />

vieux pirate sans gêne, à l’aise partout... Chez Furuno, on déguste un petit café, à l’aise<br />

dans de bons fauteuils ; le commercial nous fait l’article ; oui, pas mal ce modèle... et le<br />

prix ?...350000 Yens, GLOUPSS !<br />

Coup de téléfon à La Rochelle chez notre fournisseur habituel : le même modèle (made<br />

in Japan) y est 2 fois moins cher ! Et pour 5 fois moins cher il peut nous envoyer <strong>du</strong><br />

matériel européen ! OK, on commande...<br />

Puis Hiro nous trimbale, tout nous étonne, très dépaysés, les yeux comme des<br />

soucoupes. Hiro téléphone... On attend ; une grosse limousine noire se gare à nos<br />

pieds : c’est son copain le “président”, présentations, courbettes, nous voila partis en<br />

piste ; musique classique, ça roule, balade par çi balade par là, direction le resto machin.<br />

Tatami, c’est pas facile... j’ai des crampes. Délicieux, mais les baguettes s’emmêlent et<br />

j’en ai plein la chemise...<br />

Envoyer/recevoir un fax ? Je vais de poste, en télécom, et boutiques ; personne ne<br />

comprend l’anglais, ni mes petits dessins, et ne peut lire notre alphabet (le Romanji). De<br />

plus, les japonais écrivent généralement verticalement et de droite à gauche. Le moral<br />

est en bas, les références foutent le camp. Problèmes quotidiens. Quiproquo.<br />

Finalement le Navtex est adressé à la capitainerie <strong>du</strong> Port qui hissera un drapeau pour<br />

nous prévenir de son arrivée (!)<br />

Le colis qui devait arriver en 6 jours de La Rochelle en met 19 ! arrivé à Itoman, il est<br />

reparti (le transporteur n’a pas trouvé)...! Isa est colère. Après pas mal de fax et telefons,<br />

on a remis la main sur le paquet à Osaka !<br />

Gros problèmes d’adresse : Pas de noms de rues ; Il faut indiquer quartier, îlot, N° d’im-<br />

meuble, étage. Comme on construit beaucoup, les adresses changent vite (on peut<br />

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Henri Dejust<br />

Carnet de Voyage 19<br />

numéroter géographiquement, ou par ordre chronologique).<br />

En attendant notre petite boite magique, les jours passent. Balades sur le vieux<br />

port d’Itoman, shopping à “Itoman City”, ou Naha, la grosse ville ; on embarque un<br />

super vélo vite indispensable.<br />

Depuis longtemps nous n’avions vu un design aussi intéressant. Pays hyper moder-<br />

niste, ancré dans une vieille culture millénaire, le Japon est le pays le plus esthétisant<br />

de la planéte... Tout nous intéresse ; la rue, l’architecture, les jardins, et... les japonais.<br />

On traîne, on fait les petits rades : thé, ambiance ; sur le tatami, maintenant à l’aise en<br />

tailleur, <strong>du</strong> bout des baguettes on pioche dans les petits plats succulents de notre pla-<br />

teau laqué ; saveurs, intimité, regards, courbettes.<br />

Quai tranquille, petits boulots relax à bord, on passe de bons moments avec nos<br />

voisins navigateurs, Hideyoshi, le grand Hiro ; Mikiko, Masazumi,Toshi, Chiharu.<br />

Passent les douaniers qui viennent s’enquérir <strong>du</strong> départ, et l’immigration qui<br />

apporte notre “clearance”* pour un prochain port où nous n’irons jamais.<br />

* Nous n’avons légalement accès qu’<strong>aux</strong> ports “ouverts” au commerce international,<br />

c’est à dire une trentaine de grands ports marchands. En fait nous irons n’importe où , sans<br />

nous signaler ; tout se passera fort bien...<br />

25 Mars - On décolle enfin après plus d’un mois d’ escale ! Au revoir Hiro...<br />

Pétole, qu’importe ! route au moteur, le vaillant YAMAHA 8 en<strong>du</strong>ro pousse Vavitu vers<br />

l’archipel Kerama.<br />

A Zamami, amarrage (chaîne et nylon) sur un énorme coffre rouillé : quand le vent<br />

mollit, petite ancre arrière dans le corail branchu pour ne pas se taper le monstre<br />

d’acier.<br />

Grandes balades à pied dans ces montagnes sauvages. Points de vues grandioses sur<br />

les <strong>îles</strong>.<br />

Grand beau temps. Sauf le jour où ça se met a souffler plein pot <strong>du</strong> Sud : la baie est juste<br />

ouverte de ce coté ! amarrage d’une deuxième chaîne ; on ne passe pas un très bon<br />

moment.<br />

Le Navtex trouve sa place définitive à la table à cartes. Nous surveillons attentivement<br />

toute dégradation météo, gare au typhon précoce ; réception de Naha, Moji (Kyushu),<br />

et Shanghai : les chinois sortent des bulletins d’une précision surprenante.<br />

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Carnet de Voyage 20<br />

11 - Amami O Shima - Nakano Shima - Endi san -<br />

2 Avril - Après 48h. de mer sous spi par tout petit temps, nous nous rentrons à<br />

temps dans le détroit entre les <strong>îles</strong> Amami et Kageroma avant un sérieux coup de vent<br />

(merci Navtex).<br />

Trois <strong>mouillages</strong> foireux : grands fonds rocheux, corail, fermes perlières. Contrôle des<br />

Gardes-côtes, papiers siou-plait. Ouf ! on trouve un gros coffre dans une charmante<br />

petite baie toute fermée, Atetsu Wan.<br />

Passage <strong>du</strong> mauvais temps. Quelques jours bien tranquilles devant ce petit village rural ;<br />

rivière, vergers minuscules dans les vallées ; vieilles femmes cassées en deux, hotte sur<br />

le dos...<br />

balades dans la montagne, bricolages ; visite <strong>du</strong> port de Koniya, très actif et bondé.<br />

6 Avril - Nous voici à Nazé depuis hier midi... Arrivée dans la baie par grand beau,<br />

escortés par quelques voiliers <strong>du</strong> Amani Yacht Club lors de leur sortie dominicale. Le<br />

soir, bien amarrés dans le petit port de Daikuma, pot à bord de leur voilier amiral : un<br />

vieux “Taiwan” d’une quinzaine de mètres autour <strong>du</strong>quel se serre la dizaine de 7/8m <strong>du</strong><br />

club. Ambiance dimanche soir sympa ; sashimi et saké. Trois bate<strong>aux</strong> en escale : “Haya<br />

Dance”, “Vavitu”, et “Hinano” de Tokyo. Hinano est un prénom polynésien, mais est sur-<br />

tout bien connu pour être le nom de la bière de Tahiti... Tahiti, Moorea, Bora Bora : riva-<br />

ges de rêve pour tout navigateur japonais.<br />

bouché.<br />

Cette nuit orages et pluie : une dépression passe... aujourd’hui temps pourri<br />

Les conditions changent très brusquement dans cette zone où se creusent les dépres-<br />

sions. Grosses variations de température, après quelques journées quasi tropicales on<br />

descend à 12° au passage <strong>du</strong> front.<br />

Nazé est un port important, le port de Daikuma en est assez loin mais plus<br />

calme ; et pourtant c’est déjà trop d’agitation... Beaucoup de mouvements. Les bate<strong>aux</strong><br />

rentrent plein pot, passent la marche arrière à deux longueur <strong>du</strong> quai : énormes sillages.<br />

Gros parebattages, amarrage câble et nylon obligatoire.<br />

A quai les gros thoniers font tourner leurs moteurs 24h./24. Boules Quies pour dormir.<br />

Nazé fait assez grosse ville avec un centre piétonnier agréable ; flânerie dans les<br />

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Carnet de Voyage 21<br />

petites rues. Installés au bar d’un petit resto, on reste fascinés : toute la famille s’active<br />

derrière le comptoir, le cuistot jongle d’un chaudron à l’autre avec d’immenses baguet-<br />

tes.<br />

10 Avril - Sortie <strong>du</strong> port au moteur (hop! encore un sac plastique dans l’hélice)<br />

pour rejoindre les <strong>îles</strong> Osumi (Yakushima ou Tanega Shima) juste dans le sud de Kyushu.<br />

Mais le vent est très très faible...<br />

Nuit tranquille magnifique, vision magique d’Akuseki Shima sous la lune ; vapeurs sul-<br />

fureuses et fumées volcaniques montant des ravins de Suwanose Shima au petit jour.<br />

Le vent tombe tout a fait, le Kuro Shio * nous déporte... Hiro nous a conseillé le<br />

petit port de Nakano Shima à quelques milles. Moteur.<br />

* le Kuro Shio, fort courant chaud remontant des tropiques, longe la côte Pacifique <strong>du</strong><br />

Japon. (l’équivalent <strong>du</strong> Gulf Stream en Atlantique).<br />

Un voilier dans le N.W. fait la même route, c’est “Hinano” !<br />

Nakano Shima,<br />

la baie, gros bouillons de courant,<br />

un brise-lame,<br />

deux petites jetées au fond,<br />

eh ! c’est pas large !<br />

Vavitu pénètre dans un port minuscule,<br />

et se case nez à quai entre un bateau de pêche et Hinano.<br />

Nous retrouvons Tsuse, Kohichi, et leur équipier Matsuhiro, qui parlent tous parfaite-<br />

ment anglais. Tsuse artiste peintre, et son mari “Ko” photographe paysagiste, ont fait<br />

construire Hinano en Nouvelle Zélande et l’ont ramené au Japon.<br />

Ils nous emmènent prendre notre premier onsen avant d’aller passer la soirée chez<br />

Sumio, notre autre voisin : le pêcheur. La route longe la baie derrière un long brise<br />

lame protecteur (typhons, tsunami). Coté montagne le village s’étire en paquets de<br />

petites maisons. Coté mer, au milieu de vapeurs sulfureuses quelques baraques de bois<br />

fument : il faut d’abord reconnaître l’idéogramme sur les deux portes ! un coté Homme,<br />

un coté Femme.<br />

A l’entrée, un petit panier pour ses affaires, on se déshabille ; quelques marches plus<br />

bas, une salle bordée de robinets, au centre un petit bassin fumant. Accroupi devant un<br />

robinet on se lave minutieusement en faisant mousser beaucoup de savon ; une petite<br />

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Henri Dejust<br />

Carnet de Voyage 22<br />

bassine sert au rinçage. Puis, bien propre et sans savon on peut aller s’asseoir dans le<br />

bain : petit bassin bouillant. c’est si saisissant que le souffle manque... on s’habitue vite.<br />

En sortant <strong>du</strong> onsen la fatigue de la journée a disparu.<br />

Chez Sumio et Kaori, bien arrosé au saké chaud, le repas est délicieux : sashimi, sushi,<br />

beignets de feuilles et soupe ; soirée très sympa ; j’ai un nouveau nom japonais “Endi” :<br />

me voila donc Endi san.<br />

Le lendemain, départ émouvant de Hinano pour Yakushima puis Tokyo. Juste avant de<br />

larguer les amarres, Ko me donne une carte où il a indiqué une dizaine d’escales idéales<br />

pour Vavitu, le long de la côte Pacifique jusqu’à Tokyo. Grâce à Tsuse et Ko notre croi-<br />

sière au Japon sera une des plus belles.<br />

Sumio san et Endi san partent à la pêche ; retour bredouille après avoir traîné six<br />

lignes pendant des heures, sous des nuées de fous de bassans en bor<strong>du</strong>re <strong>du</strong> Kuro Shio<br />

au pied des hautes falaises de Nakano. Sumio ne dit rien mais Endi n’est pas pécheur... il<br />

vaut mieux monter au sommet (900m.) où surprise le cratère fume de partout.<br />

Tous les soirs nous sortons revigorés de notre passage par le onsen.<br />

pêcheurs en escale, plongeurs travaillant à l’extention de la jetée, les conditions de tra-<br />

vail sont très précaires et la vie ne vaut pas lourd (Tous les trois jours en moyenne, on<br />

reçoit un message navtex :“ man overboard, from fishing vessel XXX Maru...” ).<br />

Fort coup de vent, mais le quai est si haut que le vent passe au dessus <strong>du</strong> Vavitu. Le<br />

beau temps brumeux revient, il est temps de décoller... Dernière soirée bien arrosée<br />

chez nos amis.<br />

revoir...<br />

20 Avril - Au petit jour Sumio est sur le quai pour larguer nos amarres. Au<br />

Tourbillons <strong>du</strong> Kuro Shio. Vent irrégulier mais ça avance bien toute la journée et toute la<br />

nuit : nuit noire, beaucoup de trafic : cargos, ferries. Un oiseau se repose sur la timonerie<br />

jusqu’au matin.<br />

La tétière <strong>du</strong> spi se déchire, on affale en catastrophe !<br />

Vavitu traverse avec précaution une grosse flottille de petits bate<strong>aux</strong> de pêche, un<br />

énorme ferry passe au milieu à pleine vitesse !<br />

En arrivant sur la côte, le trafic augmente encore : porte containers, caboteurs ; beau-<br />

coup de débris de polystyrène. Le vent passe dans le nez puis tombe ; ciel couvert, cra-<br />

chin.<br />

13.50 - Reste une vingtaine de milles pour rejoindre Aburatsu Ko : moteur ! Malgré une<br />

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Carnet de Voyage 23<br />

visi de plus en plus mauvaise, on devine encore une côte magnifique : montagnes, caps,<br />

falaises et rochers, petites <strong>îles</strong>.<br />

En fin de journée, amarrage au fond <strong>du</strong> port de pêche, le long <strong>du</strong> quai. Nous voila sur<br />

Kyushu !<br />

12 - Kyushu - Shikoku -<br />

23 Avril - Hier, malgré la pluie, balade à Nitinan. Mais aujourd’hui c’est le déluge,<br />

le baro chute, le vent est fort. On est bien au port... Réglage de la machine à coudre,<br />

couture sur le spi : renfort de tétière.<br />

Aburatsu Ko est le port de Nitinan, petite ville agréable qui s’étire dans la vallée.<br />

Le port de pêche ne s’anime réellement que le matin pour la criée : énormes thons et<br />

espadons sont débarqués, pesés, étiquetés, emballés chacun dans sa caisse de bois sur<br />

mesure, et chargés sur camion.<br />

Le reste <strong>du</strong> temps le quai appartient <strong>aux</strong> rares promeneurs et <strong>aux</strong> centaines d’ailerons<br />

de requins qui y sèchent.<br />

Quelques visites, cade<strong>aux</strong>, visite <strong>du</strong> bateau, café... Le journaliste local fait photos<br />

et interview. Tahao, un pêcheur dont le bateau est un peu plus loin, a remarqué que<br />

nous prenions la douche dans l’arrière <strong>du</strong> bateau (il n’y a pas de sento, bain public, dans<br />

le quartier...). Il nous invite très gentiment à utiliser le bain de sa maison.<br />

Bain et sauna, diner en compagnie de Tahao, Mikiko, et leurs voisins ; le repas, délicieux<br />

et bien arrosé, se compose de toute les préparations possibles de poisson (sashimi, fri-<br />

ture, beignets, etc.) : et, il faut tout goûter !<br />

27 Avril - Retour <strong>du</strong> beau temps. Préparatifs de départ. Visite des Coast Guards,<br />

formulaires. Le soir chez Tahao et Mikiko, en descendant <strong>du</strong> bain nous trouvons sur<br />

le tatami deux douaniers qui se confondent en excuses ; cade<strong>aux</strong> ; leurs formulaires<br />

n’étant pas les mêmes que les Coast Guards, ils ont besoin de renseignements pour<br />

remplir les leurs et de la signature <strong>du</strong> Captain... En tailleur sur le tatami, impassible, je<br />

signe les dits papiers... Ils ont une requête : pourrais je accepter cette carte de téléphone<br />

et appeler ce numéro à notre prochain port pour nous signaler ?<br />

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Carnet de Voyage 24<br />

28 Avril - 6.30. <strong>Départ</strong> à la voile, salués par nos amis sur le quai... Direction le sud<br />

de Shikoku : Tosa Simizu à 120 milles.<br />

Petit temps brumeux, Vavitu tire des bords. Beaucoup de pêcheurs, cargos. La nuit, le<br />

bateau trace un incroyable sillage de feu dans <strong>du</strong> plancton fluorescent.<br />

En milieu d’aprés midi, juste avant le cap Ashizuri, nous entrons après deux heures de<br />

moteur, dans Tosa Simizu. Le port de pêche est très encombré mais nous trouvons un<br />

bout de quai bien abrité et tranquille : notre voisin pêcheur nous assure que nous ne<br />

dérangeons personne. Au poil.<br />

Le petit centre est animé ; ici toute l’activité tourne autour de la pêche. Balades en vélo<br />

le long de cette côte montagneuse et découpée.<br />

Shikoku est connu pour son pèlerinage bouddhiste : quatre vingt temples à visi-<br />

ter. Si l’on croise encore beaucoup de pèlerins à pied, le circuit se fait maintenant sou-<br />

vent en car.<br />

Le samedi, Maranori nous emmène à Ashizuri Saki visiter le temple 38. Du cap le pay-<br />

sage est grandiose, en bas la mer est grosse car ça souffle en coup de vent. Beaucoup,<br />

beaucoup de monde pour accéder au temple. Le site est très touristique, “comme le<br />

Mont Saint Michel” dit le bonze à qui nous présente Maranori... Il nous explique les dif-<br />

férentes reconstructions <strong>du</strong> sanctuaire et gravissant toutes les marches nous dévoile<br />

la salle intérieure où, entourée d’un riche décorum religieux, trône la statue dorée.<br />

L’architecture des différents pavillons est extrêmement lourde et complexe.<br />

Puis, un bain dans un grand hôtel où Maranori a une boutique de bijoux ; très luxueux,<br />

un bassin en plein air : <strong>du</strong> haut de la falaise, assis dans l’eau chaude, au milieu de rochers<br />

et bonsaïs, on contemple la mer déchaînée qui se brise tout en bas...<br />

Collation chez lui accueillis par sa mère et sa femme Miyuki. Maison de bois tradition-<br />

nelle, très dépouillée, tatami, panne<strong>aux</strong> de papier de riz coulissants. En partant nous<br />

nous courbons jusqu’au sol, les deux femmes se prosternent.<br />

Diner chez sa soeur, appartement moderne en ville, salon occidental, repas devant un<br />

match de base ball à la télé ; contraste.<br />

4 Mai - 9.20 h. - Beau temps, on largue les amarres. Dehors, petits bords dans la<br />

pétole pour se dégager de la baie. Assis à la table à cartes, je vois défiler un bulletin sur<br />

l’écran <strong>du</strong> navtex : “warning : imminent Tsunami... /... ” et c’est pour nous ! Moteur, cap<br />

au large.<br />

11.30 h. - L’alerte est levé pour le sud de Shikoku... OUF !<br />

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Carnet de Voyage 25<br />

La nuit se passe au louvoyage au milieu des cargos. Bouché, crachin, ça se gâte. Toujours<br />

ces passages rapides de dépressions : calme, beau temps / crachin, vent forcissant /<br />

coup de vent...<br />

7.30 h. Amarrage <strong>du</strong> Vavitu à couple d’un pêcheur dans le vieux port de Muroto , avant<br />

le Cap Muroto Saki, extrémité S.E. de Shikoku.<br />

Complètement coupé de la mer par d’énormes brises lames, ce petit port plein<br />

comme un oeuf est encaissé au pied <strong>du</strong> village. On se croirait en montagne. Temps<br />

pourri ; repos.<br />

13 - Muroto - Akio san - Japonais -<br />

Notre voisin part dix jours en pêche et nous laisse sa place à quai.<br />

Petit souci électrique : quatre panne<strong>aux</strong> solaires sur six ne donnent plus rien.<br />

Nos panne<strong>aux</strong> sont foutus : ici, il est quasi impossible de les remplacer ; ce sera plus<br />

facile <strong>aux</strong> USA. En attendant nous avons besoin d’énergie, surtout pour la traversée <strong>du</strong><br />

Pacifique Nord. Depuis quelque temps nous pensions faire venir d’Amérique une petite<br />

éolienne. Chance, je vois dans Kazi (le magazine nautique japonais) que cette éolienne<br />

est disponible au Japon ; coup de téléfon (en anglais) à la revue qui me donne celui de<br />

l’importateur. Ca marche ; reste à trouver une adresse pour recevoir le matériel...<br />

Direction la poste : sans grand espoir, car généralement personne ne comprend nos<br />

explications. Cette fois, la fille <strong>du</strong> guichet part comme une flèche dans un bureau : arrive<br />

le directeur ; après quelques mots en anglais, il s’écrie “vous êtes français ! mais je parle<br />

le français ! ” .<br />

Grâce à lui, en deux jours l’éolienne est à bord ; ainsi que tout notre courrier réexpédié<br />

par le consulat de France d’Osaka.<br />

Akio parle parfaitement français. Travaillant au ministère des communications à<br />

Tokyo, il a été envoyé à Zurich représenter le Japon au siège de l’organisation mondiale<br />

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Carnet de Voyage 26<br />

des postes. La langue officielle de la poste étant le français, il a appris cette langue avant<br />

de quitter Tokyo.<br />

Avec sa femme et leurs deux enfants, il a séjourné cinq ans en Suisse. De retour au<br />

Japon, il est pour un an en “recyclage” directeur de la poste ici à Muroto avant de<br />

reprendre un poste à Tokyo où l’attend sa famille.<br />

En compagnie d’Akio et ses amis, nous passons de bons moments à bord ou en<br />

balade. Un soir, il nous invite diner à son petit resto habituel. A peine installés au bar,<br />

les Gadjins sont repérés par la patronne... : “ nous sommes SES invités !”, et le cuistot<br />

est prié de s’activer !... ; un tas de petits plats arrivent devant nous, il faut tout goûter<br />

et boire aussi, assurément. Tous les convives s’animent, je dois conter notre périple et<br />

quelques histoires : Akio tra<strong>du</strong>it en brodant un peu... Soirée mémorable.<br />

Article sur Vavitu dans l’édition <strong>du</strong> weekend <strong>du</strong> “Kochi Shimbum”, journal de Kochi, la<br />

capitale de la préfecture. Quelques visites intéressantes ; des yachties qui viennent de<br />

Kochi en voiture nous saluer...<br />

Les Coast Guards arrivent aussi de Kochi, mais avec leur patrouilleur : 50 milles aller, 50<br />

milles retour pour saluer le Vavitu ! On rempli leurs formulaires habituels en buvant un<br />

petit café à notre bord. Question habituelle : “ avez vous un problème ?” : Ben, juste-<br />

ment vous tombez bien, notre visa arrive bientôt à expiration, comment faire ?<br />

Quelques coups de téléphone portable plus tard, tout est arrangé : l’officier d’immigra-<br />

tion nous attend lundi matin à son bureau de Kochi. Le patron des Coast Guards nous<br />

dessine l’itinéraire et nous donne son numéro si problème...<br />

11 Mai - Bus pour Kochi, tôt le matin.<br />

Gants blancs <strong>du</strong> chauffeur / Route côtière / Pluie / Rizières.<br />

Plus approche le centre, plus augmente sur les trottoirs une foule de collégiens en vélo<br />

sous leur parapluie : garçons costumes noirs ; filles chemises blanches et petites jupet-<br />

tes ...<br />

Immigration.<br />

Bureau, courbettes.<br />

Passeports, nouveau visa trois mois.<br />

“ Bon séjour au Japon !”, “Arigato M’ssieur”.<br />

Courbettes.<br />

On fait <strong>du</strong> tourisme : visite <strong>du</strong> Château, on monte tout en haut : vue sur la ville. Le temps<br />

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Carnet de Voyage 27<br />

est à la pluie et il fait froid (17°), déjeuner dans un petit resto feutré ; on fait les bouti-<br />

ques <strong>du</strong> centre... Bus retour.<br />

Le lendemain, la patronne nous fait dire de repasser à son p’tit resto : “pourquoi<br />

ne voit-on plus les français ?”. Nous y allons le soir avec Akio, toujours invités ! Voila que<br />

je trouve ce saké chaud délicieux ? la patronne m’en fait amener une grande bouteille<br />

à emporter. Isabelle admire une petite coupe en céramique ? En voici une avec l’em-<br />

blème <strong>du</strong> resto pour souvenir ; et..., il ne faudra pas oublier d’emmener à bord cette<br />

caisse de fruits <strong>du</strong> jardin...<br />

13 Mai - Mitsuo s’occupe de l’école de Kendo , l’art martial des samouraï : nous<br />

connaissons élèves, professeurs, et parents pour avoir été conviés le samedi précèdent<br />

à leur barbecue. Mitsuo nous emmène ce soir à l’entraînement : échauffement, com-<br />

bats ; beaucoup de concentration : frapper comme l’éclair, en un coup fatal. Seuls trois<br />

partie <strong>du</strong> corps sont autorisées. Aujourd’hui ces parties sont protégées par une vérita-<br />

ble armure, et le Sabre est remplacé par un bâton de bambou fen<strong>du</strong>.<br />

A la fin de l’entraînement, cérémonie émouvante : tous à genoux les élèves nous offrent<br />

un “sabre” sur lequel ils ont signé et gravé leurs voeux de bon voyage...<br />

Muroto, nous sommes sous le charme japonais.<br />

Les japonais de nos escales, petites villes côtières ? De compagnie agréable, bons<br />

vivants ; bien faits, ils sont musclés, élégants dans des habits confortables ; nourriture<br />

saine et exquise, ils paraissent souvent beaucoup moins que leur âge, même s’ils boi-<br />

vent et fument trop. Extrêmement minutieux, sensitifs, un art de vivre...<br />

Mais leur société hyperorganisée est pesante et insoutenable pour un occidental :<br />

embrigadement, soumission de la femme, surscolarisation des enfants.<br />

Pays magnifique. Paysages saisissants ; sauvages, ou organisés par une culture<br />

millénaire. Mais aussi pollution, saleté, bétonnage des côtes...<br />

Typhons.<br />

Tsunamis.<br />

Tremblements de terre.<br />

Les catastrophes naturelles imprègnent paysage et société.<br />

... Il est temps de se préparer pour la traversée vers l’Alaska : se rapprocher de<br />

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Carnet de Voyage 28<br />

notre port de départ (Shimoda ?) et auparavant, trouver un endroit calme pour préparer<br />

le bateau.<br />

15 Mai - 6.30 : on largue les amarres pour Kushimoto sur Honshu, la plus grande<br />

ile de l’Archipel Nippon.<br />

Passé le Cap Muroto Saki, nous voila au louvoyage... Vent fort et mauvaise mer ; toujours<br />

cargos, ET, pêcheurs en pagaille : le trafic qui longe la côte <strong>du</strong> Japon, ET celui qui rentre<br />

et sort de la mer intérieure (Osaka, Kobé,...).<br />

La nuit, plus le Cap Shiono Misaki se rapproche, plus ça devient hallucinant. Tous les<br />

deux en permanence sur le pont pour assurer veille, navigation, et manoeuvre. On tire<br />

des bords à ras la côte ; même là, il est <strong>du</strong>r de trouver un moment pour virer : tous<br />

les bate<strong>aux</strong> se croisent très très près et chaque virement sème la panique !!! très stres-<br />

sant de voir ces murailles d’acier défiler à quelques longueurs... mais tous sont en veille<br />

maximum et les collisions rares. Vavitu porte, comme les bate<strong>aux</strong> de pêche, un feu scin-<br />

tillant en plus des feux de route habituels.<br />

Un grand arbre de noël avance à 2 ou 3 noeud ??? Deux remorqueurs à 1/2 mille l’un de<br />

l’autre et au milieu une immense grue, sa flèche verticale ! trop de feux de navigation !!!<br />

Paumés, les cargos changent plusieurs fois de route avant de choisir leur cap : on serre<br />

les fesses !<br />

Au premières lueurs <strong>du</strong> jour, Vavitu est sous Grand Voile seule à 2 ris : crachin et début<br />

de coup de vent... mais juste devant Kushimoto, sur le bord de l’isthme de la presqu’ile<br />

<strong>du</strong> Cap Shiono !<br />

5.00 : OUF ! CONTENTS, bien amarrés au quai. Il est temps, ça souffle <strong>du</strong>r... !<br />

Dehors, une vingtaine de caboteurs sont venus se réfugier au mouillage à l’abri entre<br />

l’isthme et l’ile O Shima.<br />

14 - Honshu - Shima Yacht Harbour -<br />

Temps sinistre, ciel bas, pluie et vent.<br />

Tout est moche et sale.<br />

Le port est trop grand, trop de ressac. Si le vent tourne, on est mal !<br />

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Carnet de Voyage 29<br />

Quand revient le soleil , le quai parait plus accueillant. Tout sèche, le vélo part en<br />

vadrouille. Rocheuse et découpée, la côte est très belle. Magnifiques points de vue.<br />

Vavitu est au bout <strong>du</strong> quai d’expédition <strong>du</strong> poisson ; poissons VIVANTS !<br />

Depuis la baie extérieure, un bateau amène à quai un grand radeau-basin où sautillent<br />

tout plein de poissons d’élevage. Un homme y plonge une énorme épuisette et attrape<br />

cinq ou six spécimens d’environ 70cm , l’accroche sous une petite grue qui hisse le tout<br />

sur le quai, au dessus d’une grande table , à coté attend un camion. Le fond de l’épui-<br />

sette s’ouvre, les poissons sont immédiatement saisis, pesés, étiquetés ; mis tête bêche<br />

serrés dans un casier plastique, vite immergé dans un vivier <strong>du</strong> camion : bon voyage,<br />

poisson...<br />

Camions magnifiques : chromes étincelants, peintures rutilantes ; viviers empilés, <strong>aux</strong><br />

couleurs vives, hublots plexi sur les cotés... Rien n’est trop beau pour un poisson japo-<br />

nais.<br />

Le soir, sur le bord <strong>du</strong> quai, reste les gants blancs jetés après la journée de travail.<br />

20 Mai - Petit temps brumeux. Depuis l’aube nous sommes en mer pour rallier<br />

Omaesaki Ko ou Shimoda. Le vent est vraiment trop faible et en fin de matinée on se<br />

rentre à Katsuura Ko ; l’entrée de ce port naturel est splendide : pointes déchiquetées,<br />

toutes en pics, roches et ver<strong>du</strong>re. Katsuura est une petite ville touristique.<br />

21 Mai - 5.30 : Depart. Grand beau temps mais toujours pétole... on se rentre en<br />

début d’après midi à Mikiura dans Kata Wan. très jolie baie. Petit village séparé <strong>du</strong> port<br />

par une immense digue , portes coulissantes en alu avec joints d’étanchéité ??? des<br />

traces de pieds peintes sur le sol balisent les chemins d’évacuation en cas de TSUNAMI...<br />

ambiance.<br />

22 Mai - Idem. On rentre en milieu de matinée dans le petit port de Kowa.<br />

23 Mai - IDEM. Gokasho Ko. Au fond de la baie, un voilier, puis deux, trois...? Au<br />

détour d’une pointe, quelques mats.<br />

C’est Shima Yacht Harbour, où nous entrons par hasard !<br />

Dés notre amarrage, Chiba san de “Venus” vient nous souhaiter la bienvenue et nous<br />

prend en charge... Le Manager invite Vavitu dans cette petite marina privée et très<br />

sélect...<br />

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Carnet de Voyage 30<br />

C’est samedi, beaucoup de monde, accueillants et sympas. Le soir, diner à bord de<br />

“Venus” ; Chiba est chef d’un service d’obstétrique dans un grand hôpital d’Osaka, sa<br />

jeune femme Mitsuyo est elle aussi obstétricienne mais à l’Université de Nagoya (!) ; un<br />

couple de négociants en Kimono de Kyoto ; un grand designer de Tokyo ; tout le monde<br />

parle parfaitement anglais. La soirée se termine à bord <strong>du</strong> Vavitu.<br />

Dimanche soir, tout le monde s’en va. Au prochain weekend ...<br />

Au milieu d’arbres et d’oise<strong>aux</strong>, dans ce cadre agréable, le bateau contre un<br />

ponton, est, IMMOBILE. Pour la première fois depuis bien longtemps... sans les sillages<br />

des bate<strong>aux</strong> de pêche... Voici l’endroit idéal pour préparer la prochaine traversée.<br />

Nous n’avons pas le temps ici de tout démonter, vérifier, comme nous l’avions fait pour<br />

les traversées dans le Sud ; alors on fait le minimum indispensable... (le bateau était<br />

nickel au départ de Guam).<br />

Pose définitive de l’éolienne sur un tube plastique stratifié dans l’arrière ; vérification<br />

gréement et accastillage ; pilotes ; couture sur les voiles, fabrication d’un nouveau petit<br />

parebrise ; mise en place de tous les blocages et amarrages intérieur en cas de retour-<br />

nement ; etc... : transformation <strong>du</strong> Vavitu “tropical” en sa version “40émes”.<br />

Travail à bord mais aussi rencontres : Fujita san, le bosco-constructeur qui nous<br />

emmène visiter les temples d’Isé ; “Shangri-La” ; Enshiro, vieux loup de mer attendant<br />

de remâter son bateau, nous approvisionne d’excellents légumes de son potager ; La<br />

famille Kataoka, Kazumi, Akira, et leurs filles Nagisa et Mai qui nous reçoivent dans leur<br />

vieille maison de bois traditionnelle.<br />

Et, le weekend, toujours Chiba, qui amène tout le personnel de son service pour un<br />

grand barbecue sur le quai...<br />

Avant d’arriver ici, cinq jours de grand beau temps et pétole ! Maintenant c’est<br />

dépression sur dépression : pluie et coup de vent aujourd’hui. Mais demain, feu vert, la<br />

météo est optimiste...<br />

4 Juin - Après douze jours d’escale, bye bye Shima Yacht Harbour.<br />

Légère au départ, la brise forcit régulièrement pour souffler fort l’après midi ; Vavitu<br />

cavale au portant sous Grand Voile seule à 3 ris !<br />

A terre, au dessus des nuages, le sommet conique <strong>du</strong> FUJI SAN ; symbole <strong>du</strong> Japon.<br />

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Carnet de Voyage 31<br />

En début de nuit nous prenons la cape, heureusement dans une zone à faible trafic.<br />

Puis... le vent tombe.<br />

A l’aube, brume. Le vent se lève fort dans le nez. Cap Iro Saki. Mikomoto Shima.<br />

Louvoyage à l’abri de la terre. Petit à petit Shimoda se rapproche. Brise lames, la baie.<br />

Nous voici enfin dans la rivière, amarré à couple d’autres voiliers. Notre dernière (?)<br />

escale japonaise.<br />

15 - Shimoda - préparation - <strong>Départ</strong> - Fuji san -<br />

En Juillet 1853, le commodore Matthew C. Perry à la tête d’une escadre armée de<br />

l’U.S. Navy mouille ses modernes vapeurs devant Shimoda. Devant un Japon fermé <strong>aux</strong><br />

influences extérieures depuis plus de deux siècles, où tout contact avec l’étranger est<br />

passible de mort.<br />

Ultimatum : les États Unis “souhaitent” l’ouverture de ports japonais au commerce inter-<br />

national.<br />

Devant ce diktat étranger le pouvoir des Shogun s’effondre, l’empereur Mutsu-Hito<br />

ouvre l’ère Meiji (des lumières) : le Japon entre dans le monde moderne.<br />

Shimoda devint le siège <strong>du</strong> premier consulat américain. Puis Yokohama, Tokyo.<br />

Petite cité historique, à portée de ces mégapoles, Shimoda est aujourd’hui une station<br />

balnéaire réputée pour ses Onsen, ses temples, et la floraison de ses hortensias...<br />

Pour nous c’est un port de départ idéal. Situé juste au sud de la presqu’ile d’Izu,<br />

on dégage rapidement des côtes japonaises pour faire route vers l’Amérique. Cette<br />

petite ville est assez animée et prospère pour nos préparatifs, et attendre une météo<br />

favorable.<br />

Dédale de petites rues <strong>aux</strong> multiples boutiques, le centre ancien s’étend le long de la<br />

rivière ; dans la vallée se développe la ville moderne. Un téléphérique enjambe la rivière<br />

pour accéder au sommet qui surplombe la baie, vue grandiose sur les <strong>îles</strong> Izu Shoto :<br />

O Shima, To Shima, Nii Shima, Kozu Shima, ...<br />

Dans la rivière, le port naturel est un abri total. Vavitu, à couple de cinq autres bate<strong>aux</strong> le<br />

long de la rive face à la ville, est bien tranquille (excepté ces foutus sillages de pêcheurs<br />

à fond la manette...).<br />

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Carnet de Voyage 32<br />

Gros préparatifs à bord. Étanchéité, nourriture, linge.<br />

Si pas de pot, on peut rencontrer des conditions extrêmes...<br />

<strong>Départ</strong> redoutable avec des fenêtres météo très courtes entre coups de vent d’Est levant<br />

une mer énorme contre le Kuro Shio.<br />

Puis 1500 milles à parcourir sous la menace des typhons.<br />

Ensuite c’est cool même sûrement cold : brume, régime dépressionnaire d’Ouest, ...<br />

pour terminer par plus de 57° Nord !<br />

On emballe “étanche” pas mal de trucs “sensibles” (surtout le matériel informati-<br />

que). Coffres boulonnés scotchés ; ajoutés <strong>aux</strong> volumes gonflables (3 fois 1500 litres)<br />

Vavitu est quasi (?) insubmersible en cas de pépin.<br />

Pour la nourriture on est gâtés : p’tits poissons déshydratés, algues, machins déli-<br />

cieux de toutes sortes. Pour l’épicerie, y a tout, mais... il faut gouter pas mal de choses...<br />

les étiquettes nous sont incompréhensibles !<br />

La quête de vêtements chauds est plus difficile. Les températures sont mainte-<br />

nant estivales (17 à 29°), les magasins étalent leurs collections d’été. En farfouillant dans<br />

tous rayons sports, pêche, vêtements de travail, on arrive à enrichir la collection <strong>du</strong><br />

bord. Hironobu, propriétaire de “Gen Jo” notre voisin, téléphone partout et déniche un<br />

ensemble “polaire” pour Endi.<br />

“Gen Jo”, un KANE 330, est un magnifique petit bateau. très joli dessin, souci<br />

<strong>du</strong> détail, élégance. Kane, son architecte, et Mibo constructeur sont très sympas. Leur<br />

travail est d’autant plus remarquable que la construction de voiliers est marginale au<br />

Japon... Kane vient de dessiner un 50 pieds Open. Les écoles française et Kiwi sont<br />

appréciées et copiées. On discute pas mal technique : à quand des aménagements inté-<br />

rieurs japonais ?<br />

Maintenant au centre <strong>du</strong> Japon, à proximité de Tokyo, les contacts sont plus diffi-<br />

ciles. Les gens ici plus affairés, moins disponibles.<br />

Mais on s’étonne encore de tout, même si le besoin de comprendre est plus aigu, et la<br />

langue un handicap pesant.<br />

balades et déjeuners dans le centre. Marches dans la montagne ou vers le cap Susari et<br />

le magnifique parc <strong>aux</strong> hortensias. Décontraction le soir au sento. La vie coule douce-<br />

ment.<br />

Pourtant nous sommes nerveux et ten<strong>du</strong>s : le départ proche apparaît <strong>du</strong>r à négocier. Sur<br />

l’écran <strong>du</strong> Navtex les “Gale warnings” se succèdent. Deux jours coup de vent, un jour<br />

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Carnet de Voyage 33<br />

grand beau : à la queue leu leu, les dépressions s’enfilent le long de la côte Pacifique <strong>du</strong><br />

Japon. Eh ! la saison avance, il va bien falloir y aller. Heureusement les typhons sont en<br />

retard (merci El Nino).<br />

14 Juin - Disparition d’Eric Tabarly.<br />

16 Juin - La carte météo nous pousse à partir... 9.00 h. sortie <strong>du</strong> port / 11.OO. le<br />

vent est faible dans le nez, demi tour / 13.00. nous revoilà case départ amarré à la même<br />

place...<br />

17 Juin - Vent d’Est modéré. Gale warning sur le Navtex... On est mieux au port.<br />

On mets deux bidons d’essence amarrés sur la plage arrière ; c’est pas dans les usages<br />

<strong>du</strong> bord, mais... pour se décoller de la côte en cas de pétole...<br />

18 Juin - Mêmes conditions : Est fort et Gale warning... Indécis, pas très chauds<br />

pour appareiller... Pourtant, bientôt ce sera la valse des typhons. balade dans la monta-<br />

gne pour se passer les nerfs. Le bateau est prêt.<br />

19 Juin - Coup de vent d’Est. Pluie, pluie, le bateau gite fort sous les grains, le<br />

gréement hurle. Le soir le vent vire à l’Ouest en fort coup de vent. Nous sommes prêts.<br />

20 Juin - 7.15. On appareille pour Kodiak Alaska.<br />

Petit matin sinistre. Dur de s’arracher en plein coup de vent. Chienne de vie de marin.<br />

3 ris dans la Grand’voile, un mouchoir devant...<br />

C’est <strong>du</strong> portant, la mer est maniable avec les deux noeuds <strong>du</strong> Kuro Shio. Faut juste<br />

serrer les fesses en passant au Sud d’O Shima : c’est vraiment fort...faut croiser les<br />

doigts ; en cas d’avarie on est mal... Chienne de vie de marin.<br />

Sud Ouest 7/8. Nuée d’oise<strong>aux</strong>. Dans un coin de ciel pur, apparaît le cône parfait<br />

<strong>du</strong> FUJI SAN. Coulées de neige. 3776m.<br />

Vavitu, FUJI SAN te souhaite bon vent belle mer...<br />

21 Juin - 12.00. Nord-Est force 4. Au prés. C’est sûr ce foutu vent va passer dans<br />

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le nez, le ciel est couvert, ça va se gâter.<br />

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Carnet de Voyage 34<br />

Mais... on est à plus de 200 milles de Shimoda, la baie de Tokyo et son trafic c’est der-<br />

rière, le Kuro Shio moins fort, pas de typhon dans le sud. Alors..., fonce mon bateau,<br />

fonce vers le large.<br />

16 - Traversée <strong>du</strong> Pacifique Nord -<br />

Une grosse fatigue nous tombe dessus. L’anxiété des derniers jours nous a<br />

épuisé... Pas d’appétit, pas de courage beaucoup.<br />

Une dépression passe sur Shikoku, à surveiller.<br />

Des bate<strong>aux</strong> de pêche, pluie, nuit noire. Vent debout, tire des bords. Nous voila pris<br />

dans le front stationnaire, interminable.<br />

Des petits nuages de beau temps, la vie en rose. Cette nuit, c’est tranquille...<br />

Rêveries, ces derniers mois reviennent en un flot de souvenirs : Japon Japon.<br />

- Visage dans la serviette chaude et humide ; petit rouleau blanc amené en début de<br />

repas.<br />

- Ces débuts de soirées, décontraction après le bain, bien être sur le tatami ; saké chaud,<br />

petits bols, sashimi... les amis.<br />

- Nuit dans cette vieille maison de bois et papier : pièce fermée par les panne<strong>aux</strong> coulis-<br />

sants, petits matelas sur le tatami, sous la nuque traversin en paille de riz...<br />

- Les panne<strong>aux</strong> de papier de riz coulissent, vue sur jardin : pierres, bonsaïs, chuchote-<br />

ment de l’eau...<br />

- “Qui ?” : surprise quand pour se nommer “Moi, Sumio” il pose l’extrémité de l’index sur<br />

son bout de nez !<br />

- Deux hommes tirés à quatre épingles, face à face sur le trottoir, courbettes sur cour-<br />

bettes pendant des minutes : salutations avant de se séparer.<br />

- “Non, non, impossible !” dit-elle, les deux avant bras croisés en travers de la poitrine.<br />

- Enfants invisibles... sinon cartables sur le dos, se pressant d’une école à l’autre.<br />

- Petits villages au milieu de la ville... carillon, sirène matin et soir ; discours municipal...<br />

- Les employés <strong>du</strong> grand magasin en rang avant l’embauche / gymnastique et<br />

discours / courbettes devant ces honorables <strong>premiers</strong> clients.<br />

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Henri Dejust<br />

Carnet de Voyage 35<br />

- Change : des billets de 100$ refusés, “pas valables au Japon” ; baisse <strong>du</strong> Yen, honte des<br />

employés.<br />

ET tous ces cade<strong>aux</strong> déposés à bord : fruits, bières/sodas, poissons, gâte<strong>aux</strong>, porte-bon-<br />

heurs...<br />

- Ma honte, dépeçant lamentablement un beau mahi-mahi devant les pêcheurs qui<br />

viennent de nous l’offrir.<br />

- Notre tête quand Hiroshi annonce ses 52 ans ! Il en parait moins de 30.<br />

- Celle <strong>du</strong> douanier Toshinori - prochain port- Kodiak USA. - “Mais, impossible de quitter<br />

le Japon d’ici ! Shimoda n’est pas un port “ouvert”. ( Une heure, 10 coups de cellphone<br />

plus tard, Tokyo donne le feu vert... ). Les japonais ont toujours une solution !<br />

- Comme monsieur Moromizato qui fera flotter un drapeau à sa fenêtre pour nous pré-<br />

venir que...<br />

- L’émotion d’Enshiro en voyant l’île de MANGAREVA sur la carte <strong>du</strong> Pacifique Sud ; ori-<br />

gine de cette perle noire que nous lui amenons, pour mettre sous son épontille de mat.<br />

Les japonais aiment tant les belles histoires...<br />

ET, ces jetées pleines de pécheurs à la ligne... les sacs plastiques dans l’ hélice... 130 litres<br />

d’essence dans le YAM... la langue hermétique... le stress, la navigation, la course contre<br />

la saison, et toujours cette sensation d’espace au sortir de ces ports encombrés.<br />

Ce JAPON, déjà si loin dans le sillage...<br />

Devant l’étrave, l’Amérique... Fonce mon bateau, fonce dans la nuit.<br />

Crachin. Le vent tombe... se relève dans le nez.<br />

Il faut se battre pour faire de l’Est. Virement, virements ; Est Nord-Est ; Est Sud-Est ; un<br />

bord favorable... Mer et vent dans le nez...<br />

La nuit est <strong>du</strong>re.<br />

La mer est <strong>du</strong>re.<br />

Il vente contre nous. J’ai pris tous les ris...<br />

A la table à cartes, devant l’éclairage verdâtre des instruments,<br />

je veux me reposer,<br />

le pont balayé par les lames, mon bateau tape et cogne ; il souffre<br />

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et je souffre avec lui...<br />

Grains. Scotché. Plus de vent.<br />

Henri Dejust<br />

Carnet de Voyage 36<br />

Dans la houle, le bateau roule comme un sourd. Les voiles claquent et vous déchirent le<br />

coeur.<br />

28 Juin - Sud force 8. Pluie, le baro descend doucement. 3 ris partout, route dans<br />

la boucaille. Mauvaise mer, mauvaise ambiance. Un cargo. Ce soir, 1000 milles.<br />

La Grand’voile au bas ris<br />

Un mouchoir devant<br />

Le vent te pousse, les lames passent dessous.<br />

Cours, cours mon bateau ; échappe à ces roule<strong>aux</strong> qui grondent.<br />

Deux gros cétacés suivent juste dans le sillage. Grande tache blanche sur le dos, aileron<br />

en lame de couteau. Des orques.<br />

3 Juil. - Vavitu passe 40°N 170°E : sortie de la zone Typhons : OUF !<br />

Au lever <strong>du</strong> jour : couvert, bruine, force 1. Isabelle me sort <strong>du</strong> sommeil : “eh! viens<br />

voir ! une voile juste devant”. Incroyable. Deux voiliers se traînent sur la houle <strong>du</strong> Grand<br />

Océan. Émotion.<br />

VHF : _ “ Bonjour.”_ “Hello.”_ “Ici Vavitu parti il y a 12 jours de Shimoda.”_ “Ah ! .....this<br />

is Accord, parti le 12 Juin de Tokyo, route pour Vancouver.” Ernest est suisse. Seul à<br />

bord.<br />

Parti bien avant nous, il est resté bloqué le long des côtes japonaises par une longue<br />

série de coups de vent dans le nez. Mer énorme ; la misère.<br />

On mesure notre chance d’avoir pu se dégager si vite...<br />

Vavitu passe le long d’Accord ; les deux bate<strong>aux</strong> s’éloignent... On discutera longtemps à<br />

la VHF. Dernier contact le soir...<br />

Bon vent Ernest.<br />

Au prés. Petit temps. Brume.<br />

Bricolages, entretien, rangements, nettoyage.<br />

Tous les soirs, à la tombée de la nuit, les pétrels cul-blancs piaillent dans le sillage.<br />

Chaque matin deux albatros toujours là : un blanc, et un grand le dessus des ailes noir.<br />

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Henri Dejust<br />

Carnet de Voyage 37<br />

Quand il n’y a plus de vent, comment font ils pour planer ?<br />

5 Juil. - Nous voila à mi-route.15 jours déjà.<br />

Commence à faire frais, 11° la nuit, 17° l’aprés midi. Eau à 9°.<br />

Tout humide. Brume, brume ; roule ma poule, pas penser <strong>aux</strong> huit bate<strong>aux</strong> aperçus<br />

hier... Boucaille. Brume épaisse, paysage lunaire.<br />

Rythme <strong>du</strong> large. Rythme des quarts.<br />

Fabrication <strong>du</strong> pain. Douche dans le tableau arrière ras le sillage. Dîner de fête et vin<br />

rouge. Bouillotte sous la couette.<br />

Parfois, ça bougonne, fatigue d’un mauvais temps ; la vie <strong>du</strong> bord continue, of course.<br />

Étude des cartes, la météo, la navigation. La nuit on écoute la radio, les nouvelles <strong>du</strong><br />

monde.<br />

Lectures. Méditation. Contemplation. Projets. Patati, on refait le monde.<br />

Au large tout devient simple, limpide.<br />

Un troupeau de dauphins “bondissants”.<br />

D’autres trés joueurs, ventre blanc tête conique, accompagnent le bateau .<br />

7 Juil. - Guam annonce la formation de la première dépression tropicale de la<br />

saison : “01W” ; 27°N 127°E ; 60 à 70 nds.<br />

Brume, brume épaisse.<br />

Plusieurs fois, une corne de brume, toujours sur l’arrière ???<br />

“ This is sailing boat VAVITU. Position 42 Deg.30 / 178 Deg.02. Standby on channel<br />

16.”<br />

Le “Gros” est cinq milles derrière : “ No problem, c’est bien vous que l’on prend sur le<br />

radar. Gardez même cap même vitesse, on passera sur votre tribord.”<br />

Maintenant la VHF restera en veille permanente dans la brume. De temps en temps :“This<br />

is sailing boat VAVITU. Position : ...”<br />

Brume, brume... Parfois on devine tout là haut grand bleu et beau soleil ; souvent, tout<br />

nous enferme.<br />

Aveugles,<br />

cernés,<br />

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muet le ciel,<br />

Henri Dejust<br />

Carnet de Voyage 38<br />

hurlement des sirénes, emmitouflés les marins sont à la peine...<br />

Nuits noires : ciel et mer se confondent,<br />

mon bateau a des ailes, il vole.<br />

Nuits blanches : brume et pleine lune,<br />

mon bateau tombe, tombe dans <strong>du</strong> coton.<br />

“Synopsis for Kushiro navtex area 05 0900 UTC developing low 994 HPA at 52N 168E<br />

moving East 20 knots occluded front from 53N 169E to 50N 174E warm front from<br />

50N 174E to 42N 176E cold front from 50N 174E to 42N 170E to 38N 160E .”<br />

A 1500 milles d’Hokaido l’écran vert <strong>du</strong> Navtex affiche son message : génial cette petite<br />

boite qui nous donne encore le trajet des dépressions, la position de l’anticyclone, etc...<br />

(la nuit réception d’Adak et... Kodiak !)<br />

10 Juil. - Bruine, condensation partout, toujours la brume... Sept jours mainte-<br />

nant ! Depuis que le vent, entre Sud et Ouest, est portant.<br />

Kodiak à 1000 milles ! Les deux tiers de la route ; Latitude de La Rochelle !<br />

14 Juil. - Couvert, tout gris : PLUS DE BRUME !!!!!! Aprés dix jours de<br />

“dense fog” !!!<br />

Le baro descend...<br />

A la cape, coup de vent dans le nez. Le centre de la dépression passe juste dans notre<br />

sud. Nous sommes maintenant par 54° Nord !<br />

Route au près, mer <strong>du</strong>re.<br />

Gronde, gronde, tintamarre<br />

vite vite le voilier,<br />

fort fort à la barre,<br />

cap, cap sur l’Alaska.<br />

17 Juil. - Au louvoyage. Temps magnifique pour la region. La nuit, pas de noir.<br />

Entre vingt-trois et trois heure juste une lueur coté soleil.<br />

Allongé à l’interieur, CHOC sous ma tête, les drosses de barres toutes molles, ça y est<br />

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tout fout le camp !!!<br />

Henri Dejust<br />

Carnet de Voyage 39<br />

Mais non, le safran est là, tout est en place. Des billes de bois ! Trois fois “bing bong! ”<br />

aujourd’hui...<br />

Voila la longitude de Kodiak... à faire <strong>du</strong> nord. Et pile la longitude de Bora Bora ! mais<br />

soixante et onze degrés de latitude plus bas !<br />

19 Juil - Météo de CHIEN !<br />

Ah oui ! on s’y voyait déjà à Kodiak ! A peine plus de 100 milles...<br />

Mais coup de vent d’Est ! Voila le Vavitu à la cape ; attention à cette côte pourrie, et les<br />

haut-fonds ré<strong>du</strong>isent la marge de manoeuvre. Sécurité.<br />

Navtex : pour les 5 jours à venir, gale warnings sur gale warnings...<br />

Nuit difficile.<br />

On alterne cape et route pour se rapprocher <strong>du</strong> way point “sécurité limite”... Grosse mer<br />

en passant le plateau continental ; une vague vicieuse nous casse une étagère ! eh oh !<br />

mollo, la mer...<br />

20 Juil. - Le vent mollit, le baro stoppe, hésite à monter ? Y va ou pas ? bulletin<br />

météo trés pessimiste.<br />

8.10. Le baro monte... Allez ! Route pour Kodiak, et vite !<br />

Largue un ris, il n’y a que quelques heures avant le prochain mauvais temps...<br />

Quatre bouts de bois,<br />

un dauphin,<br />

deux bate<strong>aux</strong> de pêche,<br />

plein d’oise<strong>aux</strong>.<br />

Et toi, petit oiseau<br />

tu te poses sur l’eau<br />

tu veux jouer avec le grand oiseau blanc<br />

mais impatient de continuer sa route<br />

le bateau court vers le port alaskan.<br />

Tiens, de la brume. Ah ! la brume...<br />

Haut fonds, rochers, côte déchiquetée. Chronique d’un coup de vent annoncé, encore<br />

une histoire de marin...<br />

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Henri Dejust<br />

Carnet de Voyage 40<br />

13.30. Approche de Chiniak Bay. 3816 milles au loch... Visibilité inférieure à un demi-<br />

mille. Vent Est Nord-Est force 5 forcissant... Alors l’Amérique ?<br />

14.15. Latitude 57° 43,3 Nord.<br />

Sondeur cinquante,... trente mètres.<br />

Distance “waypoint 7 “... ZÉRO.<br />

_“Alors, sur bâbord,... cette bouée ?”<br />

.........???..........<br />

_“Là, à 200m, Youpi, je la voit !”<br />

La bouée Humpback Rock est là. AMERICA !<br />

Brume, tout blanc. Ah!, la bouée d’atterrissage... Cailloux... de waypoint en waypoint<br />

Vavitu tire des bords dans St Paul Harbour.<br />

Incroyable GPS, parfaite la carte !<br />

Se devine une côte. Un cargo, tiens il est à quai. Une jetée, l’entrée de St Herman<br />

Harbour, un ponton. Ben voila...<br />

16.00. Amarré à Kodiak. Trente et un jour de mer. Ouf.<br />

A SUIVRE ...<br />

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Henri Dejust<br />

Carnet de Voyage 41<br />

1 - <strong>Départ</strong> <strong>du</strong> <strong>Vanuatu</strong> - <strong>premiers</strong> <strong>mouillages</strong> <strong>aux</strong> <strong>îles</strong> <strong>Salomon</strong> -<br />

2 - Honiara - Arrivée dans les <strong>îles</strong> New Georgia -<br />

3 - Kolo et Marovo Lagoon - New Georgia -<br />

4 - Kolombangara - Gizo -<br />

5 - Vona Vona Lagoon - <strong>Départ</strong> de Gizo -<br />

6 - Santa Isabel - <strong>Départ</strong> des <strong>îles</strong> <strong>Salomon</strong> -<br />

7 - En mer - Apra Harbour - Typhon PAKA -<br />

8 - Guam - Agana -<br />

9 - Route Japon ! - Okinawa -<br />

10 - Itoman- Le Navtex - Archipel Kerama -<br />

11 - Amami O Shima - Nakano Shima - Endi San -<br />

12 - Kyushu - Shikoku -<br />

13 - Muroto - Akio San - Japonais -<br />

14 - Honshu - Shima Yacht Harbour -<br />

15 - Shimoda - préparation - <strong>Départ</strong> - Fuji san -<br />

16 - Traversée <strong>du</strong> Pacifique Nord -<br />

17 - Kodiak Alaska -<br />

18 - L’ile <strong>aux</strong> ours -<br />

19 - Golfe d’ Alaska - San Francisco ! -<br />

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