Mémoire - Strate Collège
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Sur le taurreau de fer qui fume, souffle et beugle,<br />
L’homme a monté trop tôt. Nul ne connaît encor<br />
Quels orages en lui porte ce rude aveugle,<br />
Et le gai voyageur lui livre son trésor;<br />
Son vieux père et ses fils, il les jette en otage<br />
Dans le ventre brûlant du taureau de Carthage,<br />
Qui les rejette en cendre aux pieds du dieu de l’or.<br />
Mais il faut triompher du temps et de l’espace,<br />
Arriver ou mourir. Les marchands sont jaloux.<br />
L’or pleut sous les charbons de la vapeur qui passe,<br />
Le moment et le but sont l’univers pour nous.<br />
Tous se sont dit: «Allons!» mais aucun n’est le maître<br />
Du dragon mugissant qu’un savant a fait naître;<br />
Nous nous sommes joués à plus fort que nous tous.<br />
Le paquebot est constitué d’une immense armature d’acier, bien éloignée<br />
des voiliers de bois. La locomotive et ses wagons roulent sur des rails de fer.<br />
Cet état de fait confère une grande linéarité au transport de l’ère industrielle.<br />
Les trajets deviennent moins cahotiques, mais nettement plus violents en<br />
cas d’accidents. La violence de ces accidents créé une ambivalence entre<br />
la modernité des transports et le respect craintif envers les machines. Lors<br />
de l’accident spectaculaire de la gare Montparnasse, le 22 octobre 1895, les<br />
Parisiens sont venus en cortège observer la locomotive suspendue dans la<br />
rue pendant 4 jours, jusqu’à ce qu’elle ait pu être dégagée.<br />
L’ère industrielle voit apparaître des espaces publics dans les transports ;<br />
le pont d’un paquebot comme le couloir d’un wagon à compartiments. Le<br />
passager du XIXème est donc confronté aux autres dans un espace clos et<br />
restreint. Cet espace est beaucoup plus isolé qu’une diligence du fait de<br />
sa vitesse de déplacement. D’autre part les grands trajets sont devenus<br />
accessibles à un plus large éventail de classes sociales. Le moyen de<br />
transport devient un microcosme qui résume la société, et la segmente en<br />
trois classes.<br />
Le transport commence à se généraliser, tout en restant dans l’univers de la<br />
modernité de cette époque : une bulle mystique et grandiose pour la majorité<br />
des gens. Les voyages imaginaires narrés à cette époque, notamment par<br />
Jules Verne, revêtent un aspect fantastique.<br />
La révolution industrielle élabore un nouvel univers autour du passager :<br />
effectuer un trajet consiste désormais à se tenir à plusieurs dans un espace<br />
clos, espace qui lui-même se déplace à grande vitesse. C’est justement ce<br />
qu’affirme la devise du Capitaine Nemo à bord du Nautilus : mobilis in<br />
mobili : mobile dans l’élément mobile*. Le déplacement pédestre devient<br />
obsolète, tandis que les nouveaux moyens de transport, du train et des<br />
voitures jusqu’à l’aviation, se développent et exaltent l’imaginaire.<br />
14 / 70 La gare Saint-Lazare, Claude MONET, 1877<br />
Les Destinées, Alfred de VIGNY, strophes 1&2, 1842<br />
Le Voyage / Trajet Fantastique<br />
15 / 70<br />
.<br />
* Vingt mille lieues sous les mers, Jules Verne, édition livre de poche, p80.