Afrique noire: sociétés ouvertes - unesdoc - Unesco

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Cyprès dans la nuit étollée
(1890), huile sur toile de
Vincent van Gogh.
Le coiffeur a terminé son travail. Il ôte la
cape en plastique qui couvrait les épaules du
Sud-Américain et lui époussète la nuque. Le
nouveau client est un Surinamois à la chevelure
luxuriante coiffée à l'afro. Patiemment, le grand
blond entreprend de tailler dans cette masse
informe de cheveux. Tout près de moi, un
couple d'Européens passionnément entrelacés
dans l'herbe s'embrassent à pleine bouche
comme s'ils voulaient ne plus faire qu'un. Mais
peu à peu ils se calment et les voilà qui se cares¬
sent mutuellement le visage, extasiés.
Je me force à revenir à mon livre, biographie
bon marché d'une des gloires de la Hollande,
quand une lueur au loin m'arrache à la contem¬
plation des fameux tournesols et me fait lever
les yeux. Là-bas, les Marocains ont allumé un
feu pour réchauffer leurs tambours, comme le
font les musiciens de chez nous. La musique
reprend de plus belle, et une fille assez maigre,
d'allure asiatique, commence à onduler lascive¬
ment, pieds nus, la robe fendue très haut. Les
spectateurs l'encouragent d'un sourire bon
enfant. Mais comme je distingue mal son visage
apparemment assez éprouvé sous ses longs che¬
veux, je retourne à Van Gogh. Son frère Théo
vient juste de l'arracher à l'amour d'une jeune
prostituée et lui a fourni l'argent qui lui per¬
mettra de partir, tournant le dos aux sombres
scènes paysannes de sa jeunesse pour découvrir
les joies de la couleur provençale.
Nouveau bruit, nouvelle distraction: cette
fois, c'est un cycliste, un grand Allemand
moustachu, qui trimbale une énorme radio por-