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Afrique noire: sociétés ouvertes - unesdoc - Unesco

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des activités culturelles, d'extension du système<br />

tribal, au fur et à mesure que s'affaiblissent les<br />

pouvoirs centraux. Cette évolution favorise<br />

l'établissement des dominations coloniales qui<br />

vont aggraver les situations économiques, poli¬<br />

tiques et culturelles, conduisant, après la Seconde<br />

Guerre mondiale, aux guerres de libération.<br />

Ce raccourci historique, qui mériterait des<br />

développements précis, montre du moins que la<br />

tolérance ne peut être à l'ordre du jour dans des<br />

<strong>sociétés</strong> vouées, depuis le 13e siècle, à des pro¬<br />

cessus d'autonomisation des groupes ethno-<br />

culturels, de différenciation des élites urbaines<br />

et des masses populaires, d'homogénéisation<br />

confessionnelle, linguistique et culturelle dans<br />

les quartiers, les villages, les.régions. Le régime<br />

ottoman et, à bien des égards, les colonisateurs,<br />

ont favorisé cet éclatement des <strong>sociétés</strong> en<br />

groupes particularistes où la religion devient<br />

secte ou confrérie, le pouvoir se patrimonialise,<br />

l'économie tend vers l'autarcie, la langue se<br />

diversifie en dialectes, où la culture se limite à<br />

ce que le sociologue français Pierre Bourdieu a<br />

qualifié de «capital symbolique».1<br />

Ces <strong>sociétés</strong> fragmentées en groupes isolés<br />

les uns des autres, jaloux de leur «identité» et<br />

souvent rebelles au pouvoir, surtout s'il est<br />

lointain, demeurent coupées de la modernité<br />

jusqu'aux années 1950. Les régimes coloniaux<br />

ont certes favorisé la formation d'enclaves<br />

socio-culturelles où l'on a commencé à res¬<br />

sentir le besoin de moderniser les institutions et<br />

les conceptions de la vie sociale et intellectuelle.<br />

Mais il faudra attendre l'avènement des indé¬<br />

pendances politiques pour que, partout, les<br />

Etats-Nations obligent les groupes particula¬<br />

ristes, les régionalistes, les autonomistes, à par¬<br />

ticiper à la «construction nationale». Cette nou¬<br />

velle dynamique sociale et politique va très vite<br />

Tradition et modernité,<br />

tuvre du peintre Ahmed<br />

Baqer (Bahrein) s'lnsplrant<br />

de l'esprit de la fête et du<br />

style de vie arabe. Mine<br />

lithographique sur papier<br />

plastifié.<br />

MOHAMMED ARKOUN,<br />

né en Algérie, est professeur<br />

d'histoire de la pensée<br />

islamique à la Sorbonne<br />

nouvelle, Paris III, et<br />

professeur invité à l'Université<br />

d'Amsterdam. Ancien directeur<br />

de l'Institut d'études arabes et<br />

islamiques de Paris, il a<br />

enseigné dans de nombreux<br />

centres universitaires et<br />

culturels du monde. Il est<br />

notamment l'auteur de<br />

L'Islam, religion et société<br />

(Cerf, Paris 1981), La pensée<br />

arabe (PUF, Paris 1985) et<br />

Ouvertures sur l'Islam<br />

(J. Grancher, 1989).<br />

Multiples et un<br />

Humains, Nous vous avons créés<br />

d'un mâle et d'une femelle.<br />

Si Nous avonsfait de vous des peuples<br />

et des tribus, c'est en vue de votre<br />

connaissance mutuelle.<br />

Le Coran, sourate xlix,<br />

les appartements (v.13)<br />

donner à la tolérance une actualité, une urgence<br />

comparables à celles qu'elle connut dans les<br />

<strong>sociétés</strong> chrétiennes d'Europe au 18e siècle.<br />

On vérifie ainsi que la tolérance n'est pas<br />

une vertu cardinale exigée par les grands ensei¬<br />

gnements religieux ou philosophiques. Mais<br />

qu'elle correspond à une demande sociale et une<br />

exigence politique dans les moments de grande<br />

effervescence idéologique, à une remise en ques¬<br />

tion des «valeurs» propres aux différents<br />

groupes sociaux qui composent une nation.<br />

Les causes éclairantes<br />

La mise en de la tolérance exige alors<br />

partout une volonté de l'individu articulée elle-<br />

même à une volonté politique au niveau de<br />

l'Etat. On peut dire que ces deux volontés ont<br />

dans l'ensemble été absentes jusqu'à présent<br />

dans un grand nombre de pays musulmans.<br />

Mais cette absence s'explique plus par l'histoire,<br />

la sociologie, l'anthropologie, que par le silence<br />

des textes religieux, ou l'insuffisance de la<br />

pensée islamique.<br />

Le public des Encyclopédistes était com¬<br />

posé de citoyens actifs, tendus vers la traduction<br />

en termes politiques et économiques des idées<br />

répandues par la raison des Lumières. Un public<br />

semblable a eu des existences éphémères dans<br />

l'histoire des <strong>sociétés</strong> musulmanes: aux 9e- 10e<br />

siècles, une bourgeoisie marchande, installée<br />

dans les grands centres urbains, a permis l'essor<br />

d'un humanisme d'expression arabe, ouvert aux<br />

enseignements de la «sagesse éternelle» où<br />

l'islam n'est qu'une composante parmi d'autres.2<br />

Une situation comparable s'est produite dans<br />

plusieurs <strong>sociétés</strong> entre 1850 et 1940: c'est la<br />

période dite de Renaissance (Nahdha), notam¬<br />

ment dans le monde arabe. Une intelligentsia

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