Afrique noire: sociétés ouvertes - unesdoc - Unesco

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Islam: un conflit de modèles
par Mohammed Arkoun
EN quel sens peut-on parler de tolérance
en contexte islamique? La tolérance
recherchée aujourd'hui est née précisé¬
ment de ce qui est devenu, au cours des siècles,
l'intolérance des systèmes religieux tradition¬
nels appuyés sur des appareils de pouvoir éta¬
tiques empereurs, califes, sultans puisant
leur légitimité dans des instances religieuses.
Le christianisme et l'islam sont, à cet égard,
tout à fait similaires puisque leur expansion, en
tant que religions, est liée à la constitution
d'empires ou de royaumes acquis à une défi¬
nition théologique stricte du droit-vérité et de
la vérité-droit, qui a été enseignée aux hommes
par Dieu. Les voies d'intervention du divin
dans les affaires humaines varient selon les reli¬
gions, mais les appareils de pouvoir tirent inva¬
riablement leur légitimité des enseignements
sacrés et transcendants, dont l'expression
orthodoxe est assurée et maintenue par les
«gestionnaires du sacré», pour reprendre
l'expression de Max Weber.
A partir du 18e siècle européen, une compé¬
tition s'engage entre deux modèles de produc¬
tion et de reproduction historique des sociétés:
celui des sociétés du Livre et celui des sociétés
laïcisées, coupées de toute référence au divin et
fondant leur légitimité sur le suffrage universel
et le débat démocratique.
L'opposition ou la différenciation perti¬
nentes ne s'opèrent donc pas, contrairement à ce
que l'on affirme souvent, entre les religions
(christianisme, islam, judaïsme, bouddhisme),
mais bien entre, d'un côté, la solidarité fonction¬
nelle religion/Etat et, de l'autre, l'éclatement de
cette solidarité dans le modèle issu de la Révolu¬
tion française et de la raison des Lumières.
Que devient, si l'on prend soin de la replacer
dans ce contexte d'analyse, la question de la
tolérance?
Historiquement d'abord, il y a un avant et un
après la rupture capitale introduite au 18e siècle.
Avant celle-ci, la tolérance, au sens d'une accep¬
tation de la liberté religieuse, de la protection
légale des libertés fondamentales de l'«homme»
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