Afrique noire: sociétés ouvertes - unesdoc - Unesco
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Masque en Ivoire aux yeux<br />
de coquillages, appartenant<br />
à l'art expressif des Lega<br />
(appelés aussi Balega) du<br />
Congo.<br />
IBA DER THIAM,<br />
historien, homme politique et<br />
diplomate sénégalais, exerce<br />
de nombreuses activités sur<br />
le plan national et<br />
international. Il a été ministre<br />
de l'Education nationale de<br />
son pays et membre du<br />
Conseil exécutif de I'<strong>Unesco</strong>. Il<br />
est l'auteur d'une douzaine<br />
d'ouvrages portant sur<br />
l'histoire et l'instruction<br />
civique, dont Histoire du<br />
mouvement syndical africain<br />
1790-1929 (Harmattan,<br />
Paris 1991) et codirecteur de<br />
publication des deux<br />
volumes de l' Histoire du<br />
développement scientifique et<br />
culturel de l'Humanité portant<br />
sur les 19" et 20* siècles.<br />
de la méfiance vis-à-vis de l'autre. C'est<br />
renoncer à toute forme de crainte et d'à priori à<br />
l'encontre de ce qui est nouveau, inconnu, inha¬<br />
bituel, extra-normatif.<br />
Le «nitt» intégrateur<br />
Au Cayor, pays du Sénégal, le professeur<br />
Cheikh Anta Diop a signalé que l'élection du<br />
roi était l'apanage de ce qu'il n'hésite pas à<br />
appeler le «conseil de gouvernement». Dans<br />
cette institution étaient représentées toutes les<br />
catégories sociales composant la nation. Certes,<br />
c'était par un souci de représentativité, mais<br />
aussi par un désir de participation collégiale et<br />
de cohabitation conviviale dans la tolérance et<br />
le respect de l'autre.<br />
Si le diawerigne m'boul, qui présidait le<br />
Conseil, devait être choisi parmi les geer (aris¬<br />
tocrates), le lamane diamatil, le bataloupe<br />
ndiob et le badie gateigne, tous trois gouver¬<br />
neurs de provinces importantes qui étaient<br />
membres du Conseil, devaient obligatoirement<br />
appartenir à la catégorie des gmegno (gens de<br />
castes), tandis que le diawerigne boule repré¬<br />
sentait les esclaves de case.<br />
Pour ces <strong>sociétés</strong>, si l'homme est un dans<br />
son essence, il est pluriel dans sa manière de<br />
vivre, de se comprendre, de s'assumer et de per<br />
cevoir les autres. Sur de telles bases, ces <strong>sociétés</strong><br />
traditionnelles ont fait de l'être humain, le nitt,<br />
la référence principale. Donnée générique,<br />
saisie indépendamment du temps et de l'espace,<br />
incarnant au plus haut point la manifestation du<br />
divin sur la terre, cette essence de l'humain fut<br />
ainsi débarrassée de toute connotation morale,<br />
philosophique ou politique, pour accéder au<br />
rang d'un idéal sublimé, auquel chacun doit<br />
considération et déférence.<br />
C'est sous cet éclairage qu'on doit com¬<br />
prendre la place que l'étranger occupe dans cer¬<br />
taines <strong>sociétés</strong> africaines. Accueilli toujours<br />
avec sympathie et générosité, quels que soient<br />
son sexe, son âge, sa langue, sa religion, sa<br />
condition sociale ou politique, parce qu'il est<br />
d'abord et avant tout un nitt, il a droit au gîte et<br />
au couvert, à la protection de ses biens, de sa<br />
personne et de sa santé, enfin à une sépulture<br />
décente s'il vient à mourir.<br />
Dans certaines communautés wolof, il n'est<br />
pas rare que le chef de famille lui cède sa propre<br />
case, son lit ou celui de ses épouses ou de ses<br />
enfants, sans même se préoccuper de son état de<br />
santé. Dans la société bassari, la coutume lui<br />
donne même le droit de bénéficier d'une com¬<br />
pagne mise gracieusement à sa disposition par le<br />
chef de tribu, dans l'espoir que la semence qui