Actes du Colloque sous régional Causes et ... - unesdoc - Unesco
Actes du Colloque sous régional Causes et ... - unesdoc - Unesco
Actes du Colloque sous régional Causes et ... - unesdoc - Unesco
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
Organisation<br />
des Nations Unies<br />
pour l'é<strong>du</strong>cabon,<br />
la sCience <strong>et</strong> la culture<br />
<strong>Actes</strong> <strong>du</strong> Collogue<br />
<strong>sous</strong> <strong>régional</strong><br />
<strong>Causes</strong> <strong>et</strong> Moyens de Prévention des<br />
Crimes Rituels <strong>et</strong> des Conflits<br />
en Afrique Centrale<br />
Libreville, 19-20 Juill<strong>et</strong> 2005<br />
suivis des<br />
<strong>Actes</strong> de l'Atelier <strong>sous</strong>-<strong>régional</strong> de formation<br />
Mécanismes Traditionnels de Prévention<br />
Jes Conflits en Afrique Centrale
Supervision<br />
Mohammed BACHIRI<br />
Représentant de l'UNESCO<br />
Coordination<br />
Viol<strong>et</strong>a AGUIAR<br />
Chargée <strong>du</strong> Programme Culture<br />
Couverture <strong>et</strong> mise en page<br />
Michel Elvis KENMOE<br />
Chargé <strong>du</strong> Programme Communication<br />
Impression<br />
Imprimerie DFI<br />
B.P. 6830 Libreville - Gabon<br />
Tél: + 241 73 82 16/ Fax: + 241 73 2749<br />
Pour plus amples informations, prière s'adresser au :<br />
Bureau Multipays de l'UNESCO<br />
B.P. 2183 Libreville - Gabon<br />
Tél: (241) 76 28 79<br />
Fax: (241) 76 2814<br />
E-mail: libreville@unesco.org<br />
La présente publication peut être librement repro<strong>du</strong>ite ou citée, en<br />
tout ou partie, à condition qu'il soit fait mention de la source.<br />
Les faits <strong>et</strong> opinions exprimés dans c<strong>et</strong> ouvrage sont ceux des auteurs<br />
<strong>et</strong> ne reflètent nécessairement les vues de l'UNESCO.<br />
Les appellations employées dans c<strong>et</strong>te publication <strong>et</strong> la présentation<br />
des données qui y figurent n'impliquent de la part de l'UNESCO<br />
aucune prise de position quant au statut juridique des pays,<br />
territoires, villes ou zones, ou de leurs autorités, ni quant au tracé de<br />
leurs frontières ou limites.<br />
LBV-CLT<br />
© UNESCO 2009. Tous droits réservés
Avantpropos<br />
Intro<strong>du</strong>ctiongénérale<br />
Table des matières<br />
Communications<br />
[vii]<br />
Sous-thème 1: Les fondements culturels des crimes rituels <strong>et</strong><br />
des conflits enAfrique Centrale<br />
Délits de langue <strong>et</strong> crimes rituels<br />
Auguste Moussirou Mouyama (Gabon) [23]<br />
Recours aux crimes rituels pour des raisons mystiques, de prospérité<br />
ou de promotion sociale<br />
Awazi Mengo Meme (RDC) [31]<br />
L'Afrique des Etats <strong>et</strong> le défi de la modernité. Communication sur<br />
la modernité africaine <strong>et</strong> responsabilité d'apprendre à faire<br />
communiquer l'art de gouverner les hommes.<br />
Abbé Dominique Kahanga (RDC) [47]<br />
Les causes profondes des crimes rituels <strong>et</strong> des conflits en Afrique<br />
Centrale (Cas de la République Centrafricaine)<br />
Lucien Dambale (RCA) [53]<br />
<strong>Causes</strong> <strong>et</strong> moyens de prévention des crimes rituels <strong>et</strong> des conflits en<br />
Afrique centrale<br />
Rév. René Futi Luemba (RDC) [61]<br />
L'é<strong>du</strong>cation des enfants pygmées« batwa» en République<br />
démocratique <strong>du</strong> Congo: valoriser le savoir autochtone pour<br />
promouvoir une é<strong>du</strong>cation citoyenne interculturelle<br />
Pro A.S. Mungala (RDC) [77]<br />
1<br />
[1]
Les outils utilisés <strong>et</strong> utilisables par les confessions religieuses <strong>et</strong> les<br />
associations initiatiques dans la lutte contre les crimes rituels en<br />
Afrique centrale<br />
Cheik Oumarou Djibril Malam Djibril (Cameroun) [91]<br />
L'Action de l'Eglise pour la Paix au Congo<br />
Albert T<strong>et</strong>si (Congo Brazzaville) [95]<br />
Mitos em S. Tomé e Principe [Les mythes en Sao Tome <strong>et</strong> Principe]<br />
Armindo Aguiar (Sao Tomé <strong>et</strong> Principe) [17]<br />
Sous-thème II: Dispositions juridiques <strong>et</strong> pénales <strong>et</strong><br />
mobilisation de la société civile pourlalutte contre<br />
les crimes rituels en Afrique centrale: moyens<br />
d'action, outils (juridiques, intellectuels, culturels,<br />
sociologiques...)<br />
Les dispositions pénales applicables en matière de crimes rituels au<br />
Gabon<br />
Mathieu Ndong Essono (Gabon) [119]<br />
Le sacrifice rituel. Un fléau social: les moyens de l'endiguer<br />
Dominique Essono Atome (Gabon) [125]<br />
Les sacrifices humains au Gabon devant l'opinion publique <strong>et</strong> la<br />
conscience de l'Eglise<br />
André Obame (Gabon) [133]<br />
Sous-thème III: Les outils utilisés <strong>et</strong> utilisables par les<br />
confessions religieuses <strong>et</strong> les associations<br />
initiatiques dans la lutte contre les crimes rituels<br />
enAfrique centrale<br />
De la réconciliation interne à l'épanouissement (interne) de<br />
l'indivi<strong>du</strong> négro-africain dans les pratiques de la maîtrise sociale<br />
traditionnelle<br />
Pro Martin Alihanga, UOB (Gabon) [141]<br />
11
L)apport de nslam dans la prévention des crimes rituels en Afrique<br />
centrale<br />
Imam Ismaël Oceni Ossa (Gabon) [189]<br />
Eglises <strong>et</strong> crimes rituels: cas <strong>du</strong> Gabon<br />
Pasteur Emane Minko (Gabon) [193]<br />
Les outils utilisés <strong>et</strong> utilisables par les confessions religieuses<br />
Africaines <strong>et</strong> associations initiatiques zande bandia) dans la lutte<br />
contre les crimes rituels en Républiques Centrafricaine<br />
Jérémie Mopili (RCA) [201]<br />
Esquisse de solutions proposées par les confessions religieuses <strong>et</strong> les<br />
associations initiatiques dans la lutte contre les Crimes Rituels en<br />
Afrique Centrale<br />
Révérend Dr.Jean-Emile Ngue (Cameroun) [207]<br />
Les déviations <strong>du</strong> sacrifice bumain dans les sociétés gabonaises<br />
Organisation des Chercheurs <strong>et</strong> Tradi-praticiens<br />
<strong>du</strong> Gabon (O. C. T. G.) (Gabon) [221]<br />
Déclaration<strong>du</strong> Collectifdes Familles d'Enfants<br />
Assassinés, Mutilés <strong>et</strong>Disparus [223]<br />
Propositions <strong>du</strong> Collectifdes Familles d'Enfants<br />
Assassinés Mutilés <strong>et</strong> Disparus <strong>du</strong> Gabon [227]<br />
Rapport Général <strong>du</strong> <strong>Colloque</strong> [229]<br />
Déclaration de Libreville surlalutte contre les<br />
èrimes rituels enAfrique centrale [243]<br />
Allocutions [249]<br />
Liste des participants [269]<br />
111
Préface<br />
Aux conflits armés, qui déjà ternissent suffisamment l'image<br />
de l'Afrique, s'est ajouté depuis quelques décennies, le<br />
phénomène des crimes à des fins rituelles, actes qui trahissent<br />
les valeurs de fraternité, de convivialité, de solidarité... qui ont,<br />
longtemps caractérisé la diversité culturelle africaine dans<br />
toutes ses expressions.<br />
La diversité culturelle, nous le savons tous, tra<strong>du</strong>it la<br />
richesse des imaginaires, des savoirs <strong>et</strong> des systèmes de valeurs.<br />
Elle est le terreau d'un dialogue renouvelé qui peut débaucher<br />
sur l'intégration <strong>et</strong> la participation de chacun au «vouloir<br />
vivre ensemble» des sociétés. Ce pari ne peut être gagné que s'il<br />
se fonde sur une diversité créatrice, <strong>et</strong> non destructrice,<br />
respectueuse de chaque expression culturelle, pour autant que<br />
celle-ci s'inscrive dans le respect des droits de l'homme <strong>et</strong> des<br />
valeurs fondamentales.<br />
Depuis les années 1950, l'UNESCO a élaboré <strong>et</strong> adopté pas<br />
moins de sept conventions internationales en faveur de la<br />
protection <strong>du</strong> patrimoine pour préserver la diversité culturelle<br />
<strong>et</strong> revaloriser les traditions culturelles dans les pays de ses états<br />
membres.<br />
Ces instruments qui constituent la synthèse de la stratégie de<br />
l'UNESCO en matière de protection <strong>et</strong> promotion de la<br />
diversité culturelle, tra<strong>du</strong>isent en termes des droits de l'homme<br />
l'article 4 de la Déclaration universelle de la diversité culturelle<br />
de l'UNESCO:« la défense de la diversité culturelle est un<br />
impératiféthique, inséparable de la dignité de la personne humaine.<br />
Elle implique l'engagement de respecter les droits de l'homme <strong>et</strong> les<br />
libertés fondamentales, en particulier des personnes appartenant à<br />
VIl
des minorités <strong>et</strong> ceux des peuples autochtones. Nul ne peut invoquer<br />
la diversité culturelle pour porter atteinte aux droits de l'homme<br />
garantis par le droit international, nipour en limiter la porté».<br />
Le principe directeur de c<strong>et</strong> article 4 vise la nécessité<br />
impérieuse de promouvoir, protéger, m<strong>et</strong>tre en valeur les<br />
cultures <strong>sous</strong> toutes leurs formes <strong>et</strong> les transm<strong>et</strong>tre aux<br />
générations futures en tant que témoignage de la créativité, des<br />
expériences <strong>et</strong> des aspirations humaines. Toutefois, la<br />
valorisation des cultures <strong>et</strong> leur transmission impose à tous un<br />
regard objectifsur des valeurs véhiculées par celles-ci car on ne<br />
saurait qualifier d'expression ou de tradition culturelles, des<br />
actes <strong>et</strong> des moeurs m<strong>et</strong>tant en danger la vie humaine, telle la<br />
pratique des crimes rituels dans les pays de l'Afrique centrale.<br />
Le drame des crimes rituels doit être abordé sans<br />
complaisance en dénonçant une pratique <strong>et</strong> des croyances<br />
moyenâgeuses par tous les moyens. Cependant, il faudrait aller<br />
au delà de la dénonciation pour prôner un renouvellement des<br />
mœurs <strong>et</strong> inviter à une réflexion morale <strong>et</strong> éthique, de tous, sur<br />
la conception, la gestion socioculturelle <strong>et</strong> politique dont le but<br />
est de m<strong>et</strong>tre fin à ce drame qui continue à endeuiller des<br />
familles entières, à ternir l'image <strong>et</strong> freiner le développement<br />
de tant de pays dans la région.<br />
Le colloque sur les « <strong>Causes</strong> <strong>et</strong> moyens de prévention des crimes<br />
rituels <strong>et</strong> des conflits en Afrique centrale» a été organisé par<br />
l'UNESCO - en partenariat avec le CENAREST (Centre National<br />
de la Recherche Scientifique <strong>et</strong> Technologique) l'UNHCR, le<br />
PNUD, l'UNICEF, la Banque Mondiale <strong>et</strong> la Commission<br />
nationale gabonaise pour l'UNESCO. Il a été un cadre de<br />
réflexion visant d'une part, à identifier <strong>et</strong> comprendre les causes<br />
structurelles qui justifiept ou contribuent à pousser l'homme<br />
vers la pratique des crimes rituels <strong>et</strong> d'autre part, à proposer des<br />
viii
voies <strong>et</strong> moyens visant non seulement à stigmatiser de telles<br />
pratiques mais aussi à résoudre les conflits qui en découlent,<br />
tout en renforçant le dialogue interculturel, moteur <strong>du</strong><br />
développement de la vie socioculturelle des communautés. Les<br />
prestigieux invités à ce colloque étaient conscients que, pour<br />
atteindre c<strong>et</strong> objectif, il faudrait un dépassement de soi pour<br />
élaborer un contrat social de type nouveau perm<strong>et</strong>tant à chacun<br />
d'exercer ses propres pratiques culturelles, dans les limites<br />
qu'impose le respect des droits de l'homme <strong>et</strong> des libertés<br />
fondamentales <strong>et</strong> le respect des lois des pays concernés.<br />
Mohammed BACHIRI<br />
Directeur <strong>du</strong> Bureau Multipays de l'UNESCO à Libreville<br />
<strong>et</strong> Représentant au Gabon, Guinée Equatoriale<br />
<strong>et</strong> à Sao Tome & Principe<br />
ix
Intro<strong>du</strong>ction Générale<br />
Pro Maniragaba Balibutsa<br />
Consultant UNESCO<br />
Le 18 mars 2005, le Gouvernement gabonais a convié les<br />
Agences des Nations Unies à une réunion de concertation sur<br />
des crimes atroces qui venaient de se pro<strong>du</strong>ire dans la capitale:<br />
deux corps mutilés de jeunes écoliers ont été découverts sur la<br />
plage; il s'agit de meurtres rituels. A c<strong>et</strong>te réunion avaient pris<br />
part le Ministre d'Etat chargé des Affaires étrangères, de la<br />
Coopération <strong>et</strong> de la Francophonie, le Ministre de la Sécurité<br />
publique <strong>et</strong> de l'Immigration, le Ministre de la Défense<br />
nationale, la Ministre de la Famille, de la protection de l'enfance<br />
<strong>et</strong> de la promotion de la femme, le Ministre délégué aux Affaires<br />
étrangères <strong>et</strong> l'ensemble des Chefs d'Agence <strong>du</strong> Système des<br />
Nations Unies. li était question de demander à chaque Agence,<br />
dans le domaine de ses compétences, sa contribution à la lune<br />
contre les crimes rituels, fréquents à l'approche des grandes<br />
échéances sociales ou politiques.<br />
Toute la population est concernée mais, en général, c'est<br />
dans les couches les plus vulnérables de la société (les enfants <strong>et</strong><br />
les femmes) que les victimes se recrutent. Le colloque <strong>sous</strong><strong>régional</strong><br />
sur «Les causes <strong>et</strong> les moyens de prévention des crimes rituels<br />
<strong>et</strong> des conflits en Afrique Centrale », dont la tenue avait été déjà<br />
envisagé à l'occasion de la prochaine Journée internationale de<br />
la diversité culturelle par le Bureau de l'UNESCO à Libreville <strong>et</strong><br />
la Division des politiques culturelles <strong>et</strong> <strong>du</strong> dialogue<br />
interculturel, constitue une réponse adéquate aux sollicitations<br />
<strong>du</strong> Gouvernement gabonais.<br />
Dans le cadre <strong>du</strong> 32/CS, Grand programme IV (Culture):<br />
Intégrer la diversité culturelle aux programmes politiques nationaux <strong>et</strong><br />
internationaux, notamment l'Axe d'action 2: Contribution <strong>du</strong><br />
dialogue interculturel <strong>et</strong> <strong>du</strong> pluralisme au respect de la diversité<br />
culturelle, l'UNESCO a mené <strong>et</strong> continue de mener, des actions<br />
fort significatives en faveur <strong>du</strong> pluralisme culturel, <strong>du</strong> dialogue<br />
1
interculturel <strong>et</strong> <strong>du</strong> dialogue inter religieux perm<strong>et</strong>tant ainsi à<br />
l'Organisation de promouvoir des valeurs universelles pour le<br />
renforcement de la paix <strong>et</strong> de la cohésion sociale dans des<br />
contextes socioculturels diversifiés. Des approches <strong>régional</strong>es <strong>et</strong><br />
thématiques ont été adoptées afin de favoriser <strong>et</strong> élargir<br />
l'échange des connaissances <strong>et</strong> des meilleures pratiques en<br />
matière de pluralisme culturel dans le cadre <strong>du</strong> dialogue<br />
interculturel <strong>et</strong> <strong>du</strong> dialogue entre traditions spirituelles,<br />
religieuses <strong>et</strong> laïques.<br />
L'UNESCO accorde une importance particulière à toute<br />
action visant à favoriser <strong>et</strong> renforcer les mécanismes de<br />
résolution de conflits. La Conférence sur le Dialogue interculturel <strong>et</strong><br />
la culture de la paix en Afrique Centrale <strong>et</strong> dans les Grands Lacs, qui a<br />
été organisée à Libreville, en novembre 2003, par le Bureau <strong>sous</strong><strong>régional</strong><br />
de l'UNESCO, la Division des politiques culturelles <strong>et</strong><br />
<strong>du</strong> dialogue interculturel <strong>et</strong> d'autres partenaires, en est un<br />
exemple. Le Panel 1 de c<strong>et</strong>te Conférence sur le Rôle des chefs<br />
traditionnels <strong>et</strong> spirituels dans les mécanismes de prévention <strong>et</strong> de<br />
résolution de conflits a mis en exergue le savoir-faire <strong>et</strong> les<br />
compétences des chefs traditionnels <strong>et</strong> spirituels africains dans<br />
la gestion des conflits. C<strong>et</strong> espace de dialogue a permis<br />
d'aboutir à des conclusions visant à garantir un environnement<br />
propice au pluralisme, à la diversité culturelle, au dialogue<br />
interculturel <strong>et</strong> inter religieux, tout en considérant certains<br />
mécanismes culturels africains comme des fondements<br />
essentiels <strong>du</strong> développement <strong>du</strong>rable, de stabilité politique, de<br />
cohésion sociale <strong>et</strong> de paix pour la région.<br />
Organisateurs<br />
Ce colloque est organisé par<br />
UNESCO (Bureau de Libreville conjointement avec la<br />
Division des politiques <strong>et</strong> <strong>du</strong> dialogue interculturel - au<br />
siège de l'UNESCO) ;<br />
Commission Nationale Gabonaise pour l'UNESCO;<br />
UNICEF;<br />
2
Banque Mondiale;<br />
PNUD;<br />
HCR;<br />
Centre National de la Recherche Scientifique <strong>et</strong><br />
Technologique <strong>du</strong> Gabon (CENAREST).<br />
Sous-thèmes<br />
Les <strong>sous</strong>-thèmes <strong>du</strong> colloque sont les suivants:<br />
1) Les fondements culturels des crimes rituels <strong>et</strong> des conflits en<br />
Mrique Centrale;<br />
2) Les dispositions juridiques <strong>et</strong> pénales <strong>et</strong> leurs limites:<br />
efforts fournis <strong>et</strong> à fournir par les Etats de l'Afrique Centrale<br />
dans la lutte contre les crimes rituels;<br />
3) Mobilisation de la société civile (les hommes de science,<br />
les écrivains, les artistes, les é<strong>du</strong>cateurs, les<br />
communicateurs...) dans la dénonciation <strong>et</strong> la lutte contre<br />
les crimes rituels en Mrique Centrale: moyens, d'action,<br />
outils (juridiques, intellectuels, culturels, sociologiques...),<br />
<strong>et</strong>c.<br />
4) Les outils utilisés <strong>et</strong> utilisables par les confessions<br />
religieuses <strong>et</strong> les associations initiatiques dans la lutte contre<br />
les crimes rituels en Afrique Centrale.<br />
Objectifs<br />
Les objectifs visés par ce colloque sont:<br />
-forte sensibilisation des populations sur les crimes rituels;<br />
- contribution à l'instauration d'une opinion publique africaine<br />
contre les crimes rituels, notamment, dans la presse écrite <strong>et</strong><br />
parlée, dans le cadre des prédications religieuses, dans les<br />
programmes scolaires, des conférences <strong>et</strong> publications<br />
universitaires, des causeries-débats de vulgarisation en<br />
langues nationales.<br />
3
Termes de référence<br />
Dans certaines zones de l'Mrique <strong>et</strong> particulièrement en<br />
Afrique Centrale, des enfants <strong>et</strong> même des a<strong>du</strong>ltes, continuent à<br />
disparaître sans trace ou à être r<strong>et</strong>rouvés <strong>sous</strong> forme de cadavres<br />
mutilés, ce qui montre qu'il s'agit, dans la plupart des cas, de<br />
crimes rituels.<br />
La pratique de crimes rituels qui atteint son niveau de<br />
fréquence le plus élevé à l'approche des échéances sociales <strong>et</strong><br />
politiques dans lesquelles se forgent de nouveaux destins<br />
indivi<strong>du</strong>els <strong>et</strong> collectifs, maintient les populations en état de<br />
stress surtout en ce qui concerne la sécurité de leurs enfants<br />
obligés d'aller chaque matin à l'école.<br />
Une acrion, dans une société donnée, peut être rituelle ou non<br />
rituelle. Elle est rituelle, lorsqu'elle se fait conformément à des<br />
règles <strong>et</strong> à un cérémonial. Dans c<strong>et</strong>te approche, la notion de rite<br />
ne se réfère pas nécessairement au surnaturel. Lorsque, dans<br />
l'accomplissement d'une action ritualisée, il y a référence au<br />
surnaturel, le rituel peut se définir comme un acte ou une<br />
cérémonie magique (avec gestes, paroles ou attitudes des<br />
participants), à caractère répétitif, ayant pour obj<strong>et</strong> d'orienter<br />
une force occulte vers une action déterminée!.<br />
Dans le sens de c<strong>et</strong>te définition d'une action rituelle, la<br />
violence peut être rituelle ou non rituelle. Les affrontements<br />
armés entre indivi<strong>du</strong>s ou entre groupes auxquels on peut<br />
donner les noms de bagarre, de lutte, de combat, de bataille ou<br />
de guerre lorsqu'ils se hissent à l'échelle inter<strong>et</strong>hniques ou<br />
interétatiques, ne sont pas nécessairement rituels. Par contre,<br />
peuvent être considérés comme des meurtres rituels, les quatre<br />
types de pratiques suivantes attestées en Afrique Centrale<br />
surtout dans la période pré-coloniale, mais dont certaines<br />
survivent encore:<br />
1 Comparer avec es déftnitions <strong>du</strong> rite dans le Grand Usuel Larousse,<br />
dictionnaire encyclopédique, 1996, tome 5.<br />
4
les sacrifices humains pratiqués dans le cadre d'un rituel<br />
initiatique;<br />
les sacrifices humains pratiqués dans un simple cadre<br />
familial en relation avec le destin personnel des indivi<strong>du</strong>s<br />
dans le cadre de la croyance à quelque chose comme le<br />
vampirisme;<br />
les meurtres pratiqués dans le cadre des sociétés de marmites<br />
ou par des hommes- léopards car lorsque les cadavres sont<br />
r<strong>et</strong>rouvés mutilés, cela exclut logiquement le cas<br />
d'anthropophagie pure <strong>et</strong> simple;<br />
l'immolation des esclaves à l'occasion de l'enterrement d'un<br />
chef dans la mesure où elle était institutionnalisée <strong>et</strong> se<br />
référait à une conception de l'Au-delà.<br />
Voyons un peu plus en détail ces différentes fonnes de<br />
crimes rituels:<br />
1) Les sacrifices humains pratiqués dans le cadre d'un rituel<br />
initiatique<br />
Bien que toutes les sociétés initiatiques en Afrique Centrale<br />
ne pratiquent pas le sacrifice humain, il en existe un certain<br />
nombre tel que le bwiti, qui est l'une des sociétés initiatiques <strong>du</strong><br />
Gabon ayant la stature d'une religion, dans laquelle le sacrifice<br />
humain est considéré comme un des épisodes les plus<br />
importants de son événement fondateur. En eff<strong>et</strong>, dans le bwiti,<br />
le sacrifice humain primordial est intimement lié à la<br />
découverte de l'iboga, plante dont la man<strong>du</strong>cation penn<strong>et</strong><br />
d'entrer en communication directe avec les esprits de défunts<br />
familiaux ou autres par la vision. Selon le mythe fondateur de<br />
c<strong>et</strong>te religion, en contrepartie de la découverte de l'iboga <strong>et</strong> la<br />
vision subséquente des revenants, ceux-ci ont exigé, dès le<br />
départ, un don, un cadeau (okantho), non pas seulement <strong>sous</strong><br />
fonne de nourriture ou de sang de poule, mais <strong>sous</strong> fonne de<br />
sang humain, en commençant par celui de la première<br />
5
personne, une femme, en l'occurrence, celle qui a été la première<br />
bénéficiaire de c<strong>et</strong>te vision. Elle fut immolée par son propre<br />
mari, deuxième bénéficiaire de la vision des esprits.<br />
Par la suite, toujours selon le mythe, la construction <strong>du</strong><br />
premier temple <strong>du</strong> bwiti, dont le pilier central, l'otunga, est un<br />
des éléments les plus importants, exigea l'acte appelé «teg<br />
otunga» désignant littéralement «arrache l'otunga» <strong>et</strong><br />
symboliquement, «donne quelque chose». C<strong>et</strong>te expression<br />
imagée fut par la suite utilisée pour demander à quelqu'un<br />
d'offrir une autre personne en sacrifice.<br />
C'est ainsi que, toujours d'après le récit fondateur <strong>du</strong> bwiti<br />
qui existe <strong>sous</strong> plusieurs variantes, la personne qui a «donné» la<br />
première victime humaine en contrepartie de la consommation<br />
de l'iboga <strong>et</strong> de la vision subséquente des morts, a dû également,<br />
à l'occasion de l'érection <strong>du</strong> premier pilier central d'un temple<br />
<strong>du</strong> bwiti, sacrifier le garçon de ses enfants jumeaux. Une des<br />
variantes <strong>du</strong> mythe nous laisse entendre que, par la suite, la<br />
répétition <strong>et</strong> la multiplication des sacrifices humains mit en<br />
colère Nzame (Dieu) qui, pour m<strong>et</strong>tre fin à ces crimes, donna<br />
aux hommes la poule comme substitut des victimes humaines<br />
réelles. Voici c<strong>et</strong>te version telle que rapportée par Stanislaw<br />
Swiderski 2 <strong>sous</strong> le titre: «Récit 4, L'origine <strong>du</strong> Bouiti <strong>et</strong> de l'iboga»:<br />
« II Y avait dans un village trois frères: Kambi, Ndondo <strong>et</strong><br />
Bay-Bay. Ndondo était marié avec Bandjogho. Après sa mort elle<br />
est restée veuve. C'est donc Bay-Bay qui a épousé Bandjogho.<br />
Un jour, ayant faim, Bandjogho est allée à la pêche. Ayant vu<br />
un silure rentrer dans le trou, elle a mis sa main dans ce trou.<br />
Au lieu d'attraper le silure, elle a attrapé les os d'un homme. En<br />
sortant les os, elle a enten<strong>du</strong> des voix. Dans ce moment aussi<br />
une mouche "olerenzene", est entrée dans son oeil. Ainsi elle a<br />
pu voir les hommes qui parlaient. Elle a vu aussi son mari<br />
2 Voir son ouvrage qu'il a publié en 1990 en 6 volumes <strong>sous</strong> le titre La<br />
religion bouiti; dans le volume II à la page 138.<br />
6
décédé. Le mari lui a dit: "Tu as pris mes os, il faut leur donner<br />
toujours à manger." Obéissante à c<strong>et</strong> ordre, elle apportait<br />
chaque jour de la nourriture à ces os. Après un certain temps<br />
son mari vivant était surpris <strong>et</strong> étonné que sa femme aille<br />
régulièrement avec de la nourriture vers un endroit précis.<br />
"Peut-être elle fait des bêtises avec un homme", pensait-il. Alors<br />
il l'a suivie. Pour pouvoir la suivre, le mari, Bay-Bay, a mis dans<br />
son panier de la cendre. Ainsi il a pu suivre les traces de sa<br />
femme.<br />
Étant derrière elle, il a enten<strong>du</strong> tout à coup la voix disant:<br />
Muma, Muma, Muma!" La femme s'est tournée <strong>et</strong> a vu son mari<br />
vivant. Surprise, elle a exigé de lui qu'il mange aussi l'iboga. li a<br />
donc mangé. La même mouche est entrée aussi dans son oeil.<br />
Ainsi Bay-Baya pu voir son frère décédé.<br />
Mais le revenant, après avoir reçu la nourriture, a dit à son<br />
frère, Bay-Bay: "Parce que tu as vu notre secr<strong>et</strong>, donne-moi<br />
maintenant un cadeau, okandzo, comme ta femme m'a donné!"<br />
- "Qu'est-ce que je peux te donner, si je n'ai rien ici!" - a<br />
répon<strong>du</strong> Bay-Bay. "li faut quand même me donner quelque<br />
chose! ' On a alors tué Muma. C'est son mari, Bay-Bay qui a<br />
coupé la gorge de Monjogho. Le corps a été donné en sacrifice<br />
au revenant. On a fait la même chose quelque temps après avec<br />
un garçon. C'était dans le temps où on sacrifiait les hommes <strong>et</strong><br />
on les mangeait. Cela fâcha Dieu à la fin. Pour m<strong>et</strong>tre fin à ces<br />
crimes, Dieu a donné aux hommes la poule. Voilà le début de la<br />
poule. Cela se passait au temps où Dieu parlait aux hommes.»<br />
C<strong>et</strong>te version <strong>du</strong> mythe fondateur <strong>du</strong> bwiti a un grand<br />
avantage sur les autres: elle nous montre très clairement que le<br />
culte aux ancêtres ne peut pas être confon<strong>du</strong> avec la croyance en<br />
l'existence d'un Etre suprême, appelé Nzame, Nyambi Nzakomba,<br />
<strong>et</strong>c., créateur de l'univers <strong>et</strong> des hommes qui n'exige aucun<br />
sacrifice humain <strong>et</strong> qui, finalement, interdit même les sacrifices<br />
humains offerts aux esprits des hommes morts, lesquels<br />
sacrifices décimaient l'humanité, sa création. Autrement dit, le<br />
bwiti a eu recours, pour répondre à l'impératif d'humaniser son<br />
propre rituel, à la théologie africaine proprement dite qui n'a<br />
7
ien à faire avec l'animisme avec lequel on continue à la<br />
confondre abusivement.<br />
On peut donc présumer qu'à un moment donné de son<br />
histoire, le bwiti a opéré sa propre réforme <strong>et</strong> a renoncé aux<br />
sacrifices humains <strong>et</strong> aux autres formes de crimes rituels qui lui<br />
seraient liés <strong>et</strong> que, dans la lutte contre les crimes rituels, il<br />
devrait être un partenaire fiable des confessions religieuses<br />
exogènes.<br />
2) Les sacrifices humains pratiqués dans un simple cadre familial<br />
en relation avec le destin personnel des indivi<strong>du</strong>s ou dans le cadre<br />
de la croyance au vampirisme<br />
En ce qui concerne les cas de sacrifices humains pratiqués<br />
dans un simple cadre familial en relation avec le destin<br />
personnel des indivi<strong>du</strong>s, les études spécialisées en ce domaine<br />
nous disent que ces meurtres rituels, généralement<br />
accompagnés de la mutilation des victimes, sont accomplis dans<br />
le cadre de la sorcellerie ou <strong>du</strong> vampirisme qui semble être une<br />
des croyances les plus enracinées dans la mentalité des peuples<br />
de l'Afrique Centrale. Un des exemples les plus parlant est<br />
l'institution de l'akaghé ou kara décrite également par S.<br />
Swiderske dans la section intitulée « Akaghé, la rançon pour<br />
l'avenir? ».<br />
L'akaghé est fondé sur la croyance selon laquelle «la<br />
puissance des morts se laisse capter <strong>et</strong> r<strong>et</strong>enir par l'homme pour<br />
ses différents buts <strong>et</strong> s'exprime par diverses pratiques. Les<br />
populations essayent de s'en servir pour garantir à quelqu'un la<br />
chance dans la vie, <strong>sous</strong> forme de prospérité, de célébrité, de<br />
richesse ou de santé. L'akaghé ou kara est ainsi une sorte<br />
d'institution secrète devant assurer l'avenir d'un enfant. Elle<br />
fonctionne avec ou sans le consentement des parents car elle est<br />
toujours strictement liée à l'intermédiaire d'un sorcier <strong>et</strong> à<br />
l'anthropophagie. 11 y aurait pourtant des cas, chez les parents<br />
3 La religion Bouiti Volume II, page 126-130.<br />
8
influencés par la culture occidentale, où ceux-ci appliqueraient<br />
c<strong>et</strong>te coutume, sans pour autant recourir à un crime <strong>et</strong> à<br />
l'anthropophagie mais à une simple interdiction prescrite pour<br />
l'enfant. li y aurait ainsi deux procé<strong>du</strong>res possibles: le kara sans<br />
recours au sacrifice humain mais avec recours à une simple<br />
interdiction personnelle à l'enfant destinée à le maintenir<br />
constamment dans la discipline <strong>et</strong> la surveillance de soi <strong>et</strong> le<br />
kara avec recours au sacrifice humain.<br />
a) En ce qui concerne le kara sans recours au sacrifice<br />
humain, il se passerait, toujours selon les analyses de Swiderski,<br />
comme suit: lorsqu'un enfant a déjà atteint l'âge d'à peu près<br />
cinq ou six mois, les parents s'efforcent de fixer son kara, en<br />
marquant son avenir par une interdiction, éki, qui doit lui être<br />
personnelle (par exemple: ne jamais manger la viande de poul<strong>et</strong><br />
<strong>sous</strong> peine de mourir, ne jamais se laisser taper sur la tête...).<br />
«C'est une sorte d'obligation morale qui doit m<strong>et</strong>tre l'enfant<br />
pendant toute sa vie en constante surveillance. D'une part, le<br />
kara peut signifier la force psychique de l'indivi<strong>du</strong>, résidant<br />
dans le secr<strong>et</strong> <strong>et</strong> dans l'autodiscipline mais d'autre part aussi<br />
son point faible 4 ».<br />
4 Swiderski commente cela avec plus de détails: « Désormais l'enfant doit,<br />
en eff<strong>et</strong>, éviter <strong>et</strong> s'abstenir de repas avec la viande de poul<strong>et</strong>, par exempte,<br />
ou, dans l'autre cas, surveiller que ses camarades de jeux <strong>et</strong> les autres ne le<br />
tapent pas sur la tête. Il va donc vivre <strong>sous</strong> constante auto-surveillance <strong>et</strong><br />
dans la peur. Si un jour, quelqu'un découvre sa «faiblesse», il peut, par<br />
méchanc<strong>et</strong>é, provoquer sa mort en lui offrant la nourriture interdite ou en<br />
le tapant sur la tête. Lorsqu'un a<strong>du</strong>lte s'aperçoit que ses parents lui ontimposé<br />
un kara très difficile à respecter, il se rend chez unguérisseur, lui «confesse» ce<br />
poids <strong>et</strong> lui demande de le libérer d'une telle obligation morale ou de la<br />
changer pour une autre. Mais avant que ce dernier le fasse, il examine le<br />
client. Souvent lorsque les parents ou le guérisseur imposent telle ou telle<br />
interdiction, éki, ils se basent surl'examen <strong>du</strong> corps <strong>et</strong> les réactions psychomotrices<br />
de l'enfant (faible constitution physique, maladie <strong>du</strong> foie ou de<br />
l'estomac, <strong>et</strong>c., difficultés de l'appareil respiratoire, <strong>et</strong>c.). Les interdictions<br />
alimentaires ou kinesthésiques doivent protéger l'organisme marqué par<br />
ces insuffisances physiques ou psychiques- »<br />
9
) En ce qui concerne le haro avec recours au sacrifice<br />
humain, une autre raison qui pousserait les parents à<br />
déterminer le kara de leur enfant serait de lui garantir un bon<br />
avenir, dans la conviction que le kara marque l'enfant, le<br />
détermine dans ses relations sociales <strong>et</strong> par rapport aux forces<br />
invisibles.<br />
Ainsi, certains parents, pour renforcer ces liens, «sacrifient<br />
quelqu'un de leur famille (tante, oncle, mère ou père) par<br />
l'empoisonnement <strong>et</strong> par la consommation rituelle de sa chair,<br />
<strong>sous</strong> forme de poudre, mélangée à un plat rituel. » C'est ainsi<br />
que, si quelqu'un est mort subitement <strong>et</strong> que peu après une<br />
personne est devenue riche ou très importante socialement, on<br />
dit «On comprend maintenant, il a dû se payer son succès par la mort<br />
d'un tel <strong>et</strong> tel!»<br />
Très souvent, précise encore Swiderski, «l'enfant ne sait pas<br />
que tel ou tel interdit pèse sur lui ou qu'il a été marqué par un<br />
akaghé. Ille découvre parfois par hasard, par un accident ou par<br />
une indiscrétion. Dans ce cas-là il décide de le garder ou de se<br />
libérer de c<strong>et</strong>te interdiction. Avoir l'akaghé veut dire avoir son<br />
evus ou une force « vampireuse » perm<strong>et</strong>tant à son détenteur de<br />
surmonter tous les obstacles. On dira de lui qu'il est nnem)<br />
vampireux. Mais on peut avoir un bon évus ou un mauvais évus.<br />
C'est le mauvais évus qui fait de l'homme un nnem) vampireux ».<br />
En dehors de c<strong>et</strong>te double illustration <strong>du</strong> kara, Swiderski<br />
mentionne également une autre forme de vampirisme qui est en<br />
même temps une nouvelle source des crimes anthropophages. Il<br />
s'agit ici, dit-il, de cas isolés qui n'engagent pas la famille ni un<br />
groupe <strong>et</strong> ne s'expriment pas par un repas anthropophage<br />
solennel. C'est le sorcier, lui-même, qui, poussé par son mauvais<br />
évus, «suce le sang» des hommes. On dit de lui qu'il est marqué<br />
par la faim jamais satisfaite de chair humaine. Ainsi, semblable<br />
au hibou, il sort la nuit, rôde autour des cases <strong>et</strong> j<strong>et</strong>te les<br />
« médicaments» près de la victime qu'il a choisie pour son<br />
prochain repas, consommé dans la solitude ou avec ses associés<br />
de « métier ». Il est devenu sorcier sans volonté de l'être. Il ne se<br />
10
sent pas libre, il est comme il est, «possédé par le démon »,<br />
comme on le considère au village. Tout le monde sait qu'il est<br />
sorcier mais personne n'ose le dénoncer publiquement, parce<br />
qu'on a peur de lui, d'être empoisonné par vengeance ».<br />
En ce qui concerne la stratégie utilisée par les féticheurs<br />
pour rendre les enfants vampireux, voici ce que dit Swiderski:<br />
«Un jour le féticheur, poussé par son besoin intérieur,<br />
s'approche d'un enfant qui joue <strong>et</strong> dont les parents sont partis à<br />
la plantation. li le caresse, lui adresse des mots d'une gentillesse<br />
exceptionnelle <strong>et</strong> l'invite chez lui. Dans sa demeure il lui<br />
demande une aide dans la cuisine, de porter des marmites <strong>et</strong><br />
d'assister à la préparation d'une «bonne» soupe. Le plus<br />
souvent il s'agit d'une soupe de graines de concombres. De<br />
façon inaperçue par l'enfant, le sorcier ajoute dans la soupe de<br />
la chair humaine décomposée ou desséchée <strong>et</strong> pulvérisée. La<br />
soupe une fois cuite, le féticheur l'offre à l'enfant, en lui disant:<br />
« Mange c<strong>et</strong>te soupe <strong>et</strong> tu seras un grand chefun homme fOrt <strong>et</strong> connu<br />
par tous...!» Lorsque l'enfant a fini de manger, le féticheur lui<br />
dit: « Eh bien, maintenant ilfaut que tu me payes pour cèla! » L'enfant<br />
est le plus souvent étonné, ne sachant pas de quoi il s'agit en<br />
réalité. Lorsque le sorcier insiste, l'enfant demande alors:<br />
« Qu'est-ce qu'ilfaut queje te donne, sij'ai rien à te donner? »<br />
Swiderski nous fait remarquer que le dialogue entre le<br />
sorcier <strong>et</strong> l'enfant rappelle celui que raconte le mythe fondateur<br />
<strong>du</strong> bwiti entre les revenants <strong>et</strong> la femme qui a bénéficié de la<br />
première vision des esprits des morts après avoir consommé<br />
pour la toute première fois de l'iboga <strong>et</strong> il continue son récit:<br />
«Le féticheur "aide" donc l'enfant <strong>et</strong> le pousse vers la<br />
réponse voulue. «Si tu ne sais pas quoi me donner, alors donne-moi,<br />
par exemple, ton père ou ta mère, - ta soeur ou une autre personne de<br />
ta famille!» D'habitude l'enfant ne comprend pas ce que veut<br />
dire «donner quelqu'un ». Mors, étant embarrassé, il peut dire<br />
au sorcier ce que celui-ci veut réellement. Lorsqu'il insiste<br />
encore, en disant « Si tu me donnes ton père, tu seras riche, tu auras<br />
11
eaucoup d'enfants...! », l'enfant répond alors: «Prends-le! ». Ne<br />
sachant pas encore réellement de quoi il s'agit, il prononce le<br />
nom de son père ou d'une autre personne. Dans ce moment-là,<br />
croit-on, le féticheur prend possession de l'esprit de la personne<br />
déterminée. Quelques jours après, la personne nominée meurt.<br />
Le féticheur se précipite ensuite sur la tombe pour déterrer le<br />
cadavre pour en préparer de nouveaux «médicaments ».<br />
L'enfant grandit <strong>sous</strong> l'oeil attentif<strong>du</strong> féticheur. Il éveille en lui<br />
la curiosité <strong>du</strong> secr<strong>et</strong>, dés choses obscures, cachées <strong>et</strong> nocturnes.<br />
L'enfant, quant à lui, prend de plus en plus de goût aux<br />
« excursions» nocturnes, à errer dans la brousse <strong>et</strong> aux villages<br />
<strong>et</strong> il aura plaisir à nuire aux autres. Ainsi le sorcier a pu se<br />
préparer un adepte qui va le remplacer un jour.»<br />
Si l'enfant, averti par ses parents <strong>du</strong> danger éventuel que<br />
représentent les sorciers, refuse de «donner» son père ni<br />
quelqu'un de sa famille, le féticheur se m<strong>et</strong> à le menacer, en lui<br />
disant: «Tantpis pour toi!». Peu de temps après, précise Swiderski,<br />
l'enfant devient malade <strong>et</strong> meurt. Si, par contre, l'enfant dévoile<br />
à ses parents la rencontre <strong>et</strong> le repas exceptionnel chez le<br />
féticheur <strong>et</strong> les a avertis, que s'il est malade un jour ce sera à<br />
cause <strong>du</strong> féticheur, ceux-ci convoquent le nganga, (le<br />
guérisseur) pour le soigner.<br />
3) Les meurtres pratiqués dans le cadre des sociétés de marmites ou<br />
par des hommes-léopards.<br />
D'après André Raponda-Walker s en relation avec le mythe de<br />
la transformation momentanée de l'homme en léopard, il<br />
existait des sociétés secrètes d'hommes léopards 6 chez lesquels<br />
5 Rites <strong>et</strong> croyances des peuples <strong>du</strong> Gabon, 1995, p. 178 ss.<br />
6 L'expression de «hommes-léopards" a été inventée, comme le dit Raponda<br />
Walker, pour éviter de parler de « loup-garou ", de « hommes-tigres ", de<br />
«hommes-panthères" puisqu'il n'existe ni loup, ni tigre, ni panthère en<br />
Afrique. Il donne une série d'expressions, qui désignent, en langues locales,<br />
ces tueurs souvent déguisés en léopards en portant une peau de c<strong>et</strong> animal,<br />
Mais leur caractéristique commune, au Congo ex-belges au Gabon, <strong>et</strong><br />
ailleurs, c'est qu'ils étaient armés de piffes en fer avec lesquelles ils tuaient<br />
12
l'anthropophagie ne représentait que les séquelles de<br />
cérémonies rituelles transformées en instrument politique<br />
depuis la pénétration européenne. Les adeptes de ces sectes<br />
immolaient des victimes humaines dont ils ne consommaient<br />
que certaines parties de leur corps, au fond de la brousse,<br />
parfois à l'instigation des chefs. Par une habile mystification, ils<br />
repro<strong>du</strong>isaient l'attaque <strong>du</strong> léopard afin de faire croire à<br />
l'oeuvre d'une bête <strong>et</strong> non celle d'un homme ».<br />
4) L'immolation des esclaves à l'occasion de l'enterrement d'un<br />
chefdans la mesure où elle était institutionnalisée <strong>et</strong> se référait à<br />
une conception de l'Au-delà<br />
Chez certains peuples africains, on immolait des esclaves ou<br />
même des jeunes femmes sur les tombes des chefs <strong>et</strong> notables<br />
dans la croyance que les esprits de ces victimes allaient<br />
continuer à être à leur service outre tombe. Actuellement, ce<br />
genre de crimes rituels a disparu, mais on peut se demander si,<br />
dans les sociétés où elles existaient, leur souvenir ne détermine<br />
pas encore, au moins au niveau <strong>du</strong> subconscient, un certain type<br />
de relation entre les gouvernants <strong>et</strong> les gouvernés.<br />
Pour conclure, il convient d'attirer l' attention des<br />
participants sur la situation psycho-sociale des populations crée<br />
par la survivance des crimes rituels. En eff<strong>et</strong>, Swiderski souligne<br />
un certain nombre de phénomènes qui se passent sur le plan<br />
psycho-social <strong>et</strong> sur lesquels le colloque devrait réfléchir<br />
profondément:<br />
a) La conviction magico-religieuse que l'akaghé a son sens<br />
<strong>et</strong> son utilité reste encore profondément enracinée dans la<br />
mentalité populaire qui est convaincue qu'on peut<br />
leurs victimes afin d'imiter les blessures faites par le léopard. Parfois ils<br />
portaient une cagoule en écorce battue tach<strong>et</strong>ée comme la peau de léopard.<br />
Certains se badigeonnaient tout simplement le corps avec <strong>du</strong> mpemha<br />
(caolin) parsemé de mouch<strong>et</strong>ures semblables à celles <strong>du</strong> léopard, comme le<br />
précise l 'au<strong>et</strong>ur cité (Ibidem p. 179).<br />
13
manipuler la force spirituelle au moyen des cadavres, des<br />
ossements <strong>et</strong> de la possession de l'esprit de quelqu'un.<br />
b) Le peuple vit encore <strong>sous</strong> la terreur des sorciers <strong>et</strong> dans<br />
la peur de leur vengeance. Il lutte sans cesse contre toutes les<br />
tentatives d'anthropophagie, qui sèment dans les villages un<br />
sentiment d'insécurité. Un des plus grands péchés antisocial,<br />
contre lequel lutte l'Afrique, est ce que l'on appelle «manger<br />
l'âme d'autrui». Un grand nombre d'associations <strong>et</strong> de sectes<br />
surgiraient ici <strong>et</strong> là, dont le but principal serait la lutte<br />
contre la sorcellerie. Ainsi, au Gabon, personne ne peut se<br />
faire initier à une société traditionnelle masculine ou<br />
féminine, sans se confesser <strong>et</strong> sans déclarer qu'il n'est pas un<br />
«mangeur d'âIne».<br />
c) C<strong>et</strong>te peur <strong>du</strong> vampirisme s'accompagne d'une sorte de<br />
fatalisme puisque, toujours d'après Swiderski, «tout le<br />
monde est d'accord que n'importe qui, <strong>et</strong> cela parfois malgré<br />
lui, peut devenir un sorcier ou un vampireux. Ainsi les<br />
vampireux, les beyem, ceux qui sont possédés par l'evus,<br />
peuvent vivre dans n'importe quel groupe, dans la famille,<br />
dans le Rouiti <strong>et</strong> l'Ombouiri <strong>et</strong> même dans l'Eglise catholique.<br />
Etre nnem n'a rien de commun avec la volonté. On est<br />
vampireux ou on ne l'est pas. Les crimes des vampireux qui<br />
sont le fruit d'une déviation psycho-mentale ne doivent pas<br />
être identifiés avec les meurtres rituels dont le but est<br />
religieux. »<br />
d) La peur <strong>du</strong> vamplnsme est transférée <strong>du</strong> milieu<br />
villageois vers le milieu urbain, celui de la politique <strong>et</strong> des<br />
affaires puisque, «comme la maladie <strong>et</strong> la mort, la réussite<br />
dans la vie apparaît aussi aux yeux <strong>du</strong> peuple comme le<br />
résultat de la volonté des ancêtres ou <strong>du</strong> jeu des forces<br />
surnaturelles. Presque toutes les personnes occupant des<br />
postes supérieurs dans la fonction publique ou<br />
gouvernementale passent pour des gens privilégiés auxquels<br />
l'akhaghé a été favorable».<br />
14
Participants<br />
Les participants à ce colloque viennent des différents pays de<br />
1'Afrique Centrale<br />
Chefs religieux ;<br />
Eglises catholiques;<br />
Eglises protestants;<br />
Eglises éveillées;<br />
Eglises musulmans;<br />
Religions traditionnelles locales;<br />
Enseignants <strong>du</strong> primaire <strong>et</strong> <strong>du</strong> secondaire;<br />
Chercheurs;<br />
Magistrats;<br />
Medias.<br />
Indications bibliographiques<br />
AGUESSY Honorat. Essai sur le mythe de Legba. Paris, 1974, Thèse,<br />
doctorat d'Etat, philosophie, Université de Paris I.<br />
BEIDELMAN T.O. «The ox and Nuer sacrifice: sorne Freudian<br />
hypotheses about Nuer symbolism », Man (New 5cr.), 1 (4),<br />
1966 : 453-467. 1 mythe nuer en tra<strong>du</strong>ction anglaise.<br />
BUAKASA Gérard, (TULU kia MPANSU). La « Kindoki » <strong>et</strong> les «Nkisi<br />
». Une étude de la structure idéologique d'après une enquête<br />
faite chez les Kongo <strong>du</strong> Zaïre. Paris, 1971, 11, 358 p. Thèse,<br />
doctorat de 3e cycle, sociologie, E.P.H.E, 6e section, n° 503,<br />
Quelques chants en langue kongo <strong>et</strong> en tra<strong>du</strong>ction française.<br />
CALAME-GRIAULE G. « Une affaire de famille réflexions sur quelques<br />
thèmes de "cannibalisme" dans les contes africains», Nouvelle<br />
Revue de Psychanalyse, 6, 1972 171-202. 37 contes résumés en<br />
français <strong>et</strong> groupés par thèmes. Etude, à travers les contes, de<br />
différentes formes de cannibalisme consommation rituelle, par<br />
les sorciers, par les ogres (prenant la forme d'époux, de gendre,<br />
<strong>et</strong>c.) <strong>et</strong> parla mère.<br />
15
CALLAWAy (H.) The religions system ofthe Amazulu. lzinyanga Zukubula or<br />
divination as existing among die Amazulu... Cape Town, ].C. Juta;<br />
London, Trubner, 1870, 448, VIII p., index. Ouvrage<br />
entièrement bilingue (anglais-zulu) dont le plan est le suivant:<br />
les traditions relatives à la création, le culte des ancêtres, les<br />
devins, la magie médicale <strong>et</strong> la sorcellerie. Les textes cités au<br />
cours de l'ouvrage sont accompagnés de commentaires.<br />
HEUSCH de (L.) Sacrifice In Africa A Structuralist Approach. Manchester:<br />
Manchester University Press, 1985 .Tabl., Bibliogr., lndex.-Coll.<br />
Themes in Social Anthropology.<br />
EVANS-PRITCHARD E.E. « Four Zande texts ", Bull<strong>et</strong>in ofthe School<br />
of Oriental and African Studies, 37 (1), 1974 : 41-51. Textes<br />
zande en langue originale <strong>et</strong> en tra<strong>du</strong>ction anglaise.<br />
EVANS-PRITCHARD E.E. «Sorne Zande texts on vengeance for death<br />
", Africa, 43 (3), 1973 236- 243. 7 textes zande sur la mort, la<br />
sorcellerie, en langue d'origine avec tra<strong>du</strong>ction anglaise.<br />
EVEN A. « Quelques coutumes des tribus badondos <strong>et</strong> bassoundis ",<br />
Bull<strong>et</strong>in de la Société des Recherches Congolaises, 13, 1931 : 17<br />
31. 4 récits (dondo, sundi, vili) tra<strong>du</strong>its en français. Thèmes<br />
traités: la création de l'homme, l'origine <strong>du</strong> feu.<br />
HERTEFELT M. d'<strong>et</strong> COUPEZ A. La royauté sacrée de l'ancien Rwanda.<br />
Texte, tra<strong>du</strong>ction <strong>et</strong> commentaire de son rituel. Tervuren.<br />
Musée Royal de l'Afrique Centrale, 1964, VIII. Cartes, bibliogr.-,<br />
index, pl.. (Annales, Sciences Humaines, 52). Les 17 textes sont<br />
en kinyarwanda <strong>et</strong> en tra<strong>du</strong>ction française.<br />
HOWELL P.P. & LEWTS HA. «Nuer ghouls : a form of witch-craft »,<br />
Sudan Notes and Records. 28, 1947 : 157-168. Quelques contes<br />
nuer présentés en anglais dont le héros est un sorcier déterreur<br />
de cadavres.<br />
KUENEMANN-PELLETIER C. Sorciers père <strong>et</strong> fils. Contes <strong>du</strong> Congo.<br />
Besançon, Jacques & Demontrond, 1966, 155 p. 22 contes teke<br />
présentés en français.<br />
16
UENHARDT P. The medicine man. Swijà ya Nguvumali. Oxford,<br />
Clarendon Press, 1968, VI, annexe (Oxford Library of African<br />
Literature). Ballade moderne récitée par le poète Bwana Hasani<br />
bin Ismael en langue swahili <strong>et</strong> tra<strong>du</strong>ite en anglais. Dans<br />
l'intro<strong>du</strong>ction sont présentés la vie <strong>et</strong> la culture de la<br />
population côtière, <strong>et</strong> le rôle qu'y jouent les sorciers <strong>et</strong> les<br />
«medicine men ».<br />
MALLART-GUIMERA L. « Ni dos. ni ventre - Religion, magie <strong>et</strong><br />
sorcellerie chez les Evuzok (Cameroun) », L'Homme, 15 (2),<br />
1975 : 35-65. L'article, consacré principalement à l'explication<br />
<strong>du</strong> concept « evu », comporte 2 textes rituels <strong>et</strong> des témoignages<br />
b<strong>et</strong>i. La plupart des textes sont dans la langue d'origine <strong>et</strong> en<br />
français.<br />
MANIRAGABA BAUBUTSA, Les sacrifices humains antiques <strong>et</strong> le mythe<br />
christologique, Kigali, 1983. 354 pages.<br />
MARY A. La naissance à l'envers. Essai sur le rituel <strong>du</strong> bwiti fang au Gabon.<br />
Paris: l'Harmattan, 1983, 388 p.: fig.. Bibliogr.<br />
N'DONG Bonaventure. La marche des enfants d'Afiri-Kara. Le mythe <strong>et</strong><br />
ses différents aspects dans la culture traditionnelle fang. Paris,<br />
1974. Thèse, doctorat de 3e cycle. Université de Paris V.<br />
NICOD H. La vie mystérieuse de l'Afrique noire. Préf. par E. Pittard.<br />
Paris, Payot, 1943. Etude des représentations mythiques <strong>et</strong><br />
religieuses des diverses tribus <strong>du</strong> Cameroun <strong>du</strong> Sud. La<br />
création, le pays des morts; les alliances entre humains <strong>et</strong><br />
animaux, la sorcellerie. Les récits mythiques, tra<strong>du</strong>its en<br />
français, sont cités intégralement ou résumés.<br />
RAPONDA-WALKER André <strong>et</strong> SILLANS Roger, Rites <strong>et</strong> croyances <strong>du</strong><br />
Gabon. Essai sur les pratiques relieuses d'autrefois <strong>et</strong><br />
d'aujourd'hui. Préface de Théodore Monod. Avant-propos de<br />
Hubert Deschamps. Présence Africaine, Paris-Dakar, 1995.<br />
SAULNIER Pierre. Le meurtre <strong>du</strong> vo<strong>du</strong>n dan. Paris, 1977, IX. Thèse,<br />
doctorat de 3e cycle, E.H.E.S.S. Les mythes analysés sont<br />
présentés en français. Problématique centrale : fertilité de la<br />
terre, fertilité humaine.<br />
17
SILLANS Roger. Motombi, mythes <strong>et</strong> énigmes initiatiques des<br />
Mitsoghos <strong>du</strong> Gabon central. Paris, 1967. Thèse, doctorat de 3e<br />
cycle, E.P.H.E. Se section.<br />
SWIDERSKI S. La religion Bouiti. Volumes I-VI, Legas 1990.<br />
WRIGHT M.]. « Sorne notes on Acholi religions ceremonies », Uganda<br />
Journal,3 (3), 1936: 175- 204. Chants <strong>et</strong> prières achoH (pour le<br />
sacrifice à l'esprit Oje, pour la fête de la moisson) dans la langue<br />
d'origine <strong>et</strong> en tra<strong>du</strong>ction anglaise.<br />
ZAHAN D. « Essai sur les mythes africains d'origine de la mort »,<br />
L'Homme, 9 (4), 1969 : 41-50. Application d'un traitement<br />
relevant de la théorie de l'information à un ensemble de mythes<br />
sur l'origine de la mort, afin de démontrer leur commune<br />
intelligibilité.<br />
18
Communications<br />
19
Sous-thème1<br />
Les fondements culturels des crimes rituels<br />
<strong>et</strong> des conflits enAfrique Centrale<br />
21
Délits de langues <strong>et</strong> crimes rituels<br />
Auguste MOUSSIROU - MOUYAMA<br />
Faculté des L<strong>et</strong>tres <strong>et</strong>sciences humaines<br />
Université Omar Bongo, (Libreville, Gabon)<br />
Les cérémonies ont leurs rituels. Nous nQus plierons à ce<br />
sacrifice par deux p<strong>et</strong>ites choses, pour ouvrir, <strong>et</strong> fermer à la fois<br />
c<strong>et</strong>te conférence inaugurale:<br />
D'abord une pensée à toutes les victimes des conflits qui<br />
sommeillent en chacune de nos intolérances, à celles <strong>et</strong> ceux qui<br />
sont tombés <strong>sous</strong> notre folie meurtrière, au plus grand bonheur<br />
des intrigants <strong>et</strong> des marchands d'armes; à toutes les victimes<br />
de nos silences complices, à l'enfant d'hier sans souci qui<br />
aimait la mer, la plage <strong>et</strong> la promenade <strong>et</strong> que nous avons<br />
surpris dans sa pauvr<strong>et</strong>é pour l'attirer vers un voyage sans fin,<br />
au plus grand bonheur de marchands d'organes humains <strong>et</strong> de<br />
leurs commanditaires sans âme ; à l'empêcheur de tourner en<br />
rond que nous avons résolument fait taire, au plus grand<br />
bonheur de la famille, de la patrie, de l'humanité; à la femme<br />
insoumise ré<strong>du</strong>ite désormais au silence, au plus grand bonheur<br />
de l'homme impérial...<br />
Oui, Nous, car nos silences peuvent trouver leur ongme<br />
dans la relation trinitaire entre les deux personnes de tout<br />
échange verbal que sont je <strong>et</strong> tu - moi qui vous parle <strong>et</strong> vous qui<br />
m'écoutez <strong>et</strong> qui ne parle que parce que vous êtes, vous aussi,<br />
capables de prendre la parole, à l'instant même où je vous parle,<br />
(oui des mots grouillent déjà en vous <strong>et</strong> émergeront à la fin de<br />
mon propre discours, pensez-y!) -, entre donc ces deux<br />
protagonistes <strong>du</strong> langage humain <strong>et</strong> le troisième terme qui n'est<br />
qu'une non-personne, celle qui n'est pas là : il/elle, l'autre,<br />
l'enfant des autres, la femme-là, ces gens-là, le bosniaque pour<br />
ne rien nommer des <strong>et</strong>hnies environnantes que nous exécrons<br />
en silence, rêvant <strong>du</strong> jour où nous pourrons les exterminer...<br />
tranquillement.<br />
23
Les meurtres, comme les révolutions, commencent toujours<br />
par le langage. Et dans les conflits, il s'agit d'un processus<br />
inverse au fiat lux originel: alors que Dieu dit, le criminel se dit, «<br />
pensa », « crut bon », mijota son coup. Dans les ténèbres. En<br />
silence. En secr<strong>et</strong>. Alors que, par exemple, dans la révolution<br />
amoureuse (parce qu'il s'agit d'un élan créatif, <strong>du</strong> fait de la<br />
transmutation de l'être qu'opère l'échange de flux vital), la<br />
déclaration d'amour est un rituel important, crucial, qui fait<br />
basculer la personne amoureuse dans une nouvelle vie. Rien<br />
donc de la régression vers la mort que l'on cache à l'enfant que<br />
l'on attire par une friandise, à la jeune fille que l'on appâte par<br />
l'argent, au cadre naïf à qui l'on fait miroiter des « rêves de<br />
jaguars qui enfantent des brasiers», comme dirait Pierre-Edgar<br />
Moudjegou-Magangue.<br />
Des lors que le je se trouve dans l'incapacité de penser<br />
l'Autre, que l'Altérité se trouve ainsi niée, il n'y a plus<br />
d'humanité. Tout devient banal: le couteau que l'on prend<br />
pour égorger, le mot qu'on lance en vitesse, l'organe que l'on<br />
soutire (dans un hôpital moderne comme dans le noir d'un<br />
buisson) sont des gestes simples qui n'ont que faire <strong>du</strong> regard<br />
de l'enfant, des suppliques des victimes. Et la douleur des<br />
familles <strong>et</strong> des peuples? Rien qu'une vague nouvelle dans la<br />
rubrique des faits divers que l'on tournera vite, avant de rire à la<br />
page de la bande dessinée ou des mots fléchés - exactement<br />
comme on change de trottoir, « pour pas faire d'histoire »,<br />
comme chante Léo Ferré. Ainsi se meurt l'humanité, c<strong>et</strong>te part<br />
de divinité que l'Éternel a placée en nous, pour que nous ne<br />
sombrions jamais dans la barbarie.<br />
Dans toutes les civilisations, le barbare est bien souvent<br />
l'autre, celui qui ne peut être soi, l'étranger, alors que dans le<br />
langage - qui nous enseigne la définition de l'homme<br />
(Benvéniste) -, nous voyons bien que le Verbe ne tient que par<br />
la présence de je qui devient tu mais qui ne peux pas tuer tu sans<br />
quije n'existe pas. L'obj<strong>et</strong> de ce <strong>Colloque</strong> de l'UNESCO sur les«<br />
causes <strong>et</strong> moyens de prévention des crimes rituels <strong>et</strong> les conflits en<br />
Afrique centrale » est sans doute de penser c<strong>et</strong> inconscient<br />
collectif qui con<strong>du</strong>it au mal, qui con<strong>du</strong>it à la célébration de<br />
24
notre animalité, qui con<strong>du</strong>it à la maladalité de l'Afrique, pour<br />
reprendre une expression de Pierre Claver Akendengué.<br />
Penser l'inconscient collectif, c'est le sortir de l'indicible<br />
pour l'amener au dit, pour que la société prenne en charge ce<br />
fléau qui alourdit notre d<strong>et</strong>te face aux générations futures. Car<br />
il faut bien rappeler ces mots de Saint-Exupéry: « nous n'héritons<br />
pas de la terre de nos ancêtres, nous l'empruntons à nos enfants ".<br />
Si le barbare est facilement désigné en la personne de<br />
l'étranger, le bourreau n'est pas toujours celui qu'on croit. Car<br />
nous sommes sans doute proche <strong>du</strong> sage Mendel de Kozk qui<br />
disait: « Moi, Mendel, j'ai un pied au septième ciel <strong>et</strong> un pied au fin<br />
fond de l'enfer ». C'est notre liberté qui nous place dans c<strong>et</strong>te<br />
position ambivalente. La bête immonde qui sommeille en<br />
chaque Homme n'est que l'envers de la lumière divine que nous<br />
portons. Se réaliser, c'est orienter son regard vers la lumière, le<br />
Bien, le Beau, le Vrai. Mais quels moyens la société m<strong>et</strong> en place<br />
pour la réalisation de c<strong>et</strong> idéal, là est toute la question.<br />
Dans une société de l'effort, <strong>du</strong> mérite, les voies sont tracées<br />
pour la réalisation de soi, avec les embûches propres à toute<br />
société. Lorsque la société valorise la réussite facile, soutient les<br />
« mendiants de miracle " <strong>et</strong> tourne le dos à la sanction, il n'y a<br />
rien d'étonnant au spectacle des croyances parallèles, de la<br />
magie qui transforme subitement les destins indivi<strong>du</strong>els. Les<br />
crimes rituels ne sont-ils pas la consécration des modèles que la<br />
société a donnés à lire quant à la réussite sociale ? Ce sont ces<br />
canaux-là que nous devons corriger.<br />
Si notre société claudique, le premier bourreau n 1est pas si<br />
loin de nous-mêmes. li est d'abord en nous qui nous taisons.<br />
Me viennent à l'esprit ces beaux vers <strong>du</strong> Pasteur Niemôller,<br />
interné par les nazis de 1938 à 1945 :<br />
« Lorsque les nazis vinrent chercher les communistes je me<br />
suis tu: je n'étais pas communiste. Lorsqu'ils ont enfermé les<br />
sociaux-démocrates, je me suis tu : je n'étais pas socialdémocrate.<br />
Lorsqu'ils sont venus chercher les juifs, je me suis tu :<br />
je n'étais pas juif. Lorsqu'ils ont cherché les catholiques, je me<br />
25
suis tu: je n'étais pas catholique. Lorsqu'ils sont venus me<br />
chercher il nyavaitplus personne pourprotester. »<br />
La deuxième : c'est un sentiment de gratitude envers<br />
l'UNESCO <strong>et</strong> le comité d'organisation qui a bien voulu associer<br />
l'Université gabonaise dans un thème éminemment social,<br />
sensible, qui fait peur <strong>et</strong> dont on ne doit rien dire. Au-delà de<br />
ma modeste personne, c'est un hommage à la pensée <strong>et</strong> à la<br />
vérité.<br />
On constatera vite, à en juger par les titres <strong>et</strong> qualités des<br />
intervenants, qu'à côté des universitaires, se trouvent les<br />
personnalités de Foi, certaines ayant le privilège d'être<br />
doublement enracinées dans la pensée <strong>et</strong> la vérité en alliant les<br />
qualités d'universitaires <strong>et</strong> d'hommes d'églises au sens<br />
générique <strong>du</strong> terme. C'est que, des mots de l'astrophysicien <strong>et</strong><br />
homme d'église Georges Lemaitre, « la foi est un élan vers le<br />
Créateur, la science est un élan vers la création ». De manière plus<br />
radicale, la sociologie nous apprend qu'il Y a « trois grandes<br />
instances de régulation orthodoxe en matière d'idéologie: le<br />
pouvoir politique, les institutions scientifiques <strong>et</strong> les<br />
confessions religieuses dominantes ». Manquerait donc, ici<br />
même, le pouvoir politique. Mais n'est-ce pas à lui que l'on<br />
parle, de lui que l'on parle quand on parle de conflits en<br />
Afrique centrale?<br />
Faut-il voir dans l'absence remarquable <strong>du</strong> pouvoir politique<br />
à la table de ce colloque, hors les ors de ses parties protocolaires<br />
<strong>et</strong> institutionnelles, l'inscription en creux, de manière clivée, de sa<br />
responsabilité, non en termes accusateurs mais au sens<br />
philosophique <strong>et</strong> républicain? Sans doute, les crimes rituels <strong>et</strong><br />
les conflits sont-ils présents au niveau des familles <strong>et</strong> ne<br />
renvoient pas toujours au somm<strong>et</strong> des États; mais c'est bien de<br />
la responsabilité des États de prévenir les conflits <strong>et</strong> de gérer, de<br />
manière pacifique, le Devoir vivre ensemble des citoyens - placés<br />
donc <strong>sous</strong> la gouvernance des Autorités à qui le peuple, au nom<br />
de Dieu, délègue une partie, mais une partie seulement, de son<br />
pouvoir.<br />
26
Notre prise de parole commune, ce jour, partlClpe de ce<br />
processus de délégation de pouvoir. Nous reprenons une parole<br />
qui nous appartient, pour que soit levé le voile qui obscurcit la<br />
société, pour que les langues se délient. C'est un acte de<br />
responsabilité que de pousser les gouvernants à prendre la leur.<br />
En cela, si dire ce n'est pas toujours faire (Austin), se taire est<br />
une démission qui n'aide pas les Autorités à corriger les<br />
déviances avérées dans le comportement de certains groupes<br />
sociaux. Mais comment aider ce même pouvoir si son mode<br />
opératoire inféode les instances de pensée <strong>et</strong> de vérité? C'est en<br />
cela que l'initiative <strong>du</strong> bureau <strong>régional</strong> de l'UNESCO qui nous<br />
rassemble ici est courageuse. Délier les langues est une<br />
entreprise périlleuse <strong>et</strong> l'on mesure la difficulté de dire au grand<br />
jour, ce qui se conçoit en secr<strong>et</strong> dans le but de réaliser ce que<br />
l'on croit être un développement personnel: richesse matérielle,<br />
domination, jouissance, pouvoir.<br />
A la ftxité de ce proj<strong>et</strong> singulier, s'oppose la variabilité <strong>du</strong><br />
proj<strong>et</strong> collectifqui ne doit en principe viser que le Bien, le Beau<br />
<strong>et</strong> le Vrai. Variance, covariance, variation ou variabilité mais<br />
quelque chose de dynamique, quelque chose qui bouge, qui<br />
alterne, qui vit <strong>et</strong> qui n'a rien d'une tension permanente <br />
j'allais dire une excitation - vers l'assouvissement toujours<br />
renouvelé d'un désir privé. La langue - organe de luxe dans le<br />
commerce honteux des corps humains - nous offre encore une<br />
illustration de c<strong>et</strong>te opposition entre le singulier <strong>et</strong> le collectif,<br />
l'animalité <strong>et</strong> l'humanité.<br />
Bien qu'il soit le « support de la rationalité» de l'Homme,«<br />
le médium de l'intelligibilité », le langage relève<br />
fondamentalement de la différence, <strong>du</strong> mouvement, en raison<br />
même de l'échange qu'il fonde. S'il nous aide à désigner le<br />
monde, à parler <strong>du</strong> monde, tout en en étant distinct, nous ne<br />
sommes pas en mesure d'assigner « des frontières exactes » au<br />
langage justement parce qu'il est fluctuant <strong>et</strong> c'est en cela qu'il<br />
fait la richesse de l'homme à qui il donne des pouvoirs illimités<br />
(y compris celui d'exterminer ses semblables). Parce qu'il est<br />
soumis à l'histoire, au devenir, à la variation », il est impossible<br />
27
de « transformer le langage en une formulation rationnelle,<br />
dépouillée de toute ambivalence» (Sylvain Auroux).<br />
Or, la vie n'est-elle pas ambivalence? Et que fait la langue<br />
dans la cavité buccale, pour pro<strong>du</strong>ire des sons -j'allais dire de<br />
la vie - si ce n'est monter, descendre, avancer, reculer, faire de<br />
la place à gauche, à droite <strong>et</strong> donner <strong>du</strong> sens au souffie vital<br />
porté par le chenal respiratoire avant de devenir mot, phrase,<br />
chant, rire, livre, vie?<br />
C'est c<strong>et</strong>te vie que recherchent les criminels, les assoiffés de<br />
sang <strong>et</strong> de pouvoir. Parce que la langue est un instrument de<br />
pouvoir, comme l'est l'autre organe qui semble en être la<br />
réplique dans une zone subliminale, dans la partie basse <strong>du</strong><br />
corps. U n'est que de voir la place des langues dans la<br />
constitution des frontières <strong>et</strong> les conflits, pour s'en convaincre.<br />
La Croatie, pour ne rien dire de nos pays d'Afrique centrale,<br />
présente un cas d'école d'«épuration langagière». Les parlers<br />
qui formaient la Yougoslavie «présentaient d'importantes<br />
similitudes (...). En 1850, linguistes serbes <strong>et</strong> croates se<br />
réuniront à Vienne » <strong>et</strong> les conclusions de leurs travaux vont<br />
déboucher sur un programme de réforme linguistique, à<br />
l'origine, entre autres, de l'Académie yougoslave en 1866. C<strong>et</strong>te<br />
unité linguistique, préservée jusqu'à la mort de Tito en 1980, va<br />
voler en éclats, lorsque les nationalistes serbes, croates <strong>et</strong><br />
musulmans bosniaques vont nourrir des proj<strong>et</strong>s de<br />
revendications identitaires qui tournent le dos à l'histoire<br />
commune. On notait tristement, qu'« au cours des discussions<br />
sur le découpage de la Bosnie-Herzégovine, les participants<br />
avaient le choix entre plusieurs tra<strong>du</strong>ctions simultanées, « serbe<br />
», « croate » <strong>et</strong> « bosniaque ». Bien qu'il fût possible de<br />
sélectionner un des trois canaux, il n'y avait en fait qu'un seul<br />
tra<strong>du</strong>cteur pour les trois« langues· [qui ne sont, en fait, que des<br />
dialectes d'une seule <strong>et</strong> même langue]. Le négociateur américain<br />
Richard Holbrooke nota que personne ne semblait s'en soucier.<br />
La langue était une question de fierté nationale, non de moyen<br />
technique. Tous les participants parlaient anglais <strong>et</strong> tous<br />
parlaient couramment la langue de leur interlocuteur. La<br />
28
création de différences était l'un des objectifs prioritaires des<br />
élites nationalistes croates pendant l'éclatement de la<br />
Yougoslavie ». (lA République des langues).<br />
Combien de régions, dans nos pays, n'ont pas été divisées,<br />
pour répondre aux appétits des princes ? Combien de<br />
départements n'ont pas été créés pour trouver une place au<br />
soleil à un ms <strong>du</strong> coin ? Combien de dignitaires n'ont pas<br />
r<strong>et</strong>rouvé la langue d'un parent ou arrière grand-parent, naguère<br />
oubliée, pour occuper un siège vacant dans l'orbite <strong>du</strong> pouvoir?<br />
A la vérité, s'oppose l'ultime désir de l'indivi<strong>du</strong> qui n'a que<br />
faire de la rationalité. Qui n'a que faire de l'alternance, malgré<br />
l'évidence <strong>du</strong> jour <strong>et</strong> de la nuit qui alternent pour nous faire<br />
vivre. Qu'importe ce symbolisme, si c'est une fonction qui est<br />
en jeu, une identité nationale que l'on revendique; ce, d'autant<br />
plus que la société est désormais gérée par des « réussites faciles<br />
»qui n'ontjamais eu de sanction.<br />
Rien, dans ce processus involutif ne s'apparente au sacrifice<br />
rituel qui n'avait rien de criminel dans ce sens qu'il répond à un<br />
tythme culturel, au besoin d'équilibre d'une société <strong>et</strong> à une<br />
vision de l'avenir qui n'a rien de commun avec la philosophie<br />
de l'instant qui prévaux dans les crimines commis au mépris de<br />
la vie de l'homme <strong>et</strong> <strong>du</strong> destin collectif. Tout ce que l'on<br />
cherche, c'est « devenir quelqu'un ».<br />
L'école était la voie républicaine de réussite sociale. Dans les<br />
ruines de nos systèmes é<strong>du</strong>catifs, que peut-on construire de<br />
positif, dans la conscience des citoyens, si les instances de<br />
formation, symboles de la pensée <strong>et</strong> de la vérité, sont<br />
déstabilisées au point de sécréter des croyances parallèles hors<br />
normes : L'exemple de l'Ecole montre bien la nécessite de<br />
rem<strong>et</strong>tre sur leurs pieds les instances de régulation de l'idéologie<br />
: Un Etat de droit qui réhabilite le politique par la stricte<br />
observance des règles de la Démocratie <strong>et</strong> qui promeuve la<br />
citoyenn<strong>et</strong>é démocratique, garante <strong>du</strong> Vouloir bien vivre<br />
ensemble en paix.<br />
29
Des instances scientifiques performantes <strong>et</strong> dynamiques<br />
pour soutenir le devoir de vérité. C'est un Devoir, d'autant plus<br />
impérieux qu'aucun mensonge n'a survécu à l'épreuve <strong>du</strong><br />
temps <strong>et</strong> que les sociétés qui regardent vers l'avenir pour le bien<br />
collectif n'ont progressé que par les instances de vérité, parmi<br />
lesquelles se trouve la Recherche, l'E<strong>du</strong>cation, la Formation.<br />
Des instances religieuses libres de tout pouvoir politique <strong>et</strong> à<br />
l'écoute de la société pour éviter la religiosité flottante dans<br />
laquelle la cupidité le dispute à la naïv<strong>et</strong>é <strong>et</strong> aux lecrures<br />
superficielles des Ecrits saints.<br />
Pour terminer sans conclure (puisque je parlais en ouverrure<br />
à d'autres paroles), j'ajouterai au (?) rêve en citant ces propos<br />
extrait d'un article sur les mécanismes <strong>du</strong> mal : « Si nous<br />
donnons à nos pensées la plus grande pur<strong>et</strong>é possible, nous<br />
favorisons ainsi les centrales de pensées <strong>du</strong> bien <strong>et</strong> nous aidons<br />
à éliminer le « tas d'or<strong>du</strong>res de pensées » qui entraîne la<br />
pollution <strong>du</strong> monde environnant sur Terre <strong>et</strong> dans l'au-delà.<br />
Nous contribuerons ainsi peu à peu à l'élimination des «<br />
mécanismes <strong>du</strong> mal » dont font aussi partie les centrales de<br />
pensées ténébreuses. Elles devront alors dépérir, se dessécher,<br />
car elles ne recevront plus de nourrirure. C'est en cela que réside<br />
en dernier ressort la prévention de tous les crimes » (Herbert<br />
Imann ?).<br />
30
Recours aux crimes rituels pour des raisons<br />
mystiques, de prospérité ou de promotion sociale<br />
1. Intro<strong>du</strong>ction<br />
Awazi Mengo Meme<br />
(RDC)<br />
C'est au nom <strong>du</strong> Créateur Tout Puissant, Celui qui a façonné<br />
le ciel <strong>et</strong> la terre <strong>et</strong> peuplé l'un <strong>et</strong> l'autre des créatures splendides<br />
<strong>et</strong> merveilleuses que je m'en vais prendre la parole devant vous,<br />
Ô éminentes personnalités <strong>du</strong> monde de la foi, des sciences, de<br />
la recherche <strong>et</strong> de l'é<strong>du</strong>cation. .<br />
Qu'il me soit donc permis, avant toute chose, de rendre<br />
,grâce à ce Dieu vers qui convergent toutes nos croyances, Lui<br />
qui a fait que vous <strong>et</strong> moi puissions nous r<strong>et</strong>rouver ce jour dans<br />
ce beau cadre pour un échange autour d'un thème à valeur<br />
inestimable, alors qu'à la minute même certains de nos frères <strong>et</strong><br />
sœurs qui nous sont très chers sont en train de subir la loi de Sa<br />
Toute Puissance, les uns rendant le souffle qu'Il leur a prêté <strong>et</strong><br />
quittant définitivement c<strong>et</strong>te terre des hommes pour aller lui<br />
rendre des comptes, les autres, cloués dans leurs lits de malade<br />
<strong>et</strong> incapables de deviner le sort qui les attend <strong>et</strong> qui découlera<br />
très certainement de Ses Décr<strong>et</strong>s imprévisibles <strong>et</strong> irréversibles.<br />
Qu'il soit donc loué <strong>et</strong> glorifié jusqu'à la fin des temps.<br />
Il serait très ingrat de ma part d'entrer dans le vif de mon<br />
suj<strong>et</strong> sans rendre la politesse aux organisateurs de ce forum en<br />
leur adressant les remerciements des dix millions des<br />
congolaises <strong>et</strong> congolais de confession musulmane qui se<br />
sentent particulièrement honorés de leur invitation <strong>et</strong> qui leur<br />
donnent l'occasion de soum<strong>et</strong>tre à la critique des éminents<br />
savants, penseurs <strong>et</strong> chercheurs une théorie qui fait l'obj<strong>et</strong> de<br />
leur étude depuis plus d'une décennie déjà.<br />
31
sacrifices rituels criminalisés, je me sens sincèrement<br />
embarrassé quant à la cohésion que doivent avoir les différentes<br />
parties de mon exposé. Je préfère ainsi violer toutes les règles de<br />
l'art oratoire <strong>et</strong> poser peut-être moi même un acte criminel vis-àvis<br />
de l'art en vous livrant une suite brute de paragraphes sans<br />
cohésion, l'essentiel étant d'aboutir à une conclusion.<br />
S'il faut commencer par la définition dans le but d'avoir un<br />
même entendement <strong>du</strong> thème avec les organisateurs, je me<br />
risque en disant que l'on entend par crimes rituels le fait de<br />
porter atteinte à la vie, à l'intégrité physique, morale ou mentale<br />
d'un indivi<strong>du</strong> par des actes, par des gestes ou par des paroles, <strong>et</strong><br />
ce des objectifs de dévotion, de culte.<br />
Mais en fait, quelle est l'origine exacte de ces pratiques que<br />
nous essayons de circonscrire aujourd'hui à la <strong>sous</strong>-région de<br />
l'Afrique Centrale?<br />
2. Les sacrifices rituels: nature, formes <strong>et</strong> origines<br />
Une étude faite en son temps par le Centre de Recherches de<br />
l'Université EL AZHAR <strong>du</strong> Caire, en Egypte <strong>et</strong> publié <strong>sous</strong> le<br />
titre « le jeune <strong>et</strong> le sacrifice dans l'islam <strong>et</strong> dans les religions<br />
antérieures à l'islam », nous offre un panorama quasi compl<strong>et</strong><br />
des origines <strong>et</strong> des différentes formes de sacrifices rituels <strong>et</strong><br />
nous sommes tentés de dé<strong>du</strong>ire que ces pratiques ne sont<br />
l'apanage ni d'un peuple, ni d'une civilisation, ni d'une<br />
croyance, ni même d'un continent.<br />
En eff<strong>et</strong>, l'étude en notre possession rapporte que l'idée de se<br />
rapprocher des obj<strong>et</strong>s d'adoration (les dieux, les puissances<br />
occultes) en offrant des holocaustes <strong>et</strong> en présentant des<br />
offrandes, de considérer ces sacrifices comme une échelle par<br />
laquelle s'élèvent les souhaits <strong>du</strong> monde terrestre <strong>et</strong> de s'en<br />
servir comme intermédiaires pour se procurer ce que désirent<br />
les indivi<strong>du</strong>s ou les communautés ou les éloigner des dangers<br />
qui les menacent, est aussi vieille que l'humanité.<br />
33
Elle est restée liée à la pensée religieuse, à ses différentes<br />
étapes <strong>et</strong> subsistera tant que survivront les croyances <strong>et</strong> les<br />
dévotions.<br />
Pas une religion n'a omis ces rites qui, en réalité, ne sont<br />
exclus de la vie d'aucun peuple. On les r<strong>et</strong>rouve dans les<br />
religions totémistes, chez les adorateurs <strong>du</strong> feu, les idolâtres, les<br />
sabéens, les manichéens, les astrolâtres... tout aussi bien dans<br />
les législations juive, chrétienne <strong>et</strong> musulmane.<br />
On les relève dans les manifestations religieuses les plus<br />
simples <strong>et</strong> les plus instables aussi bien que dans les formes les<br />
plus sublimes <strong>et</strong> les plus précises. Rien ne témoigne de leur<br />
ancienn<strong>et</strong>é <strong>et</strong> de leur extension mieux que le fait de les voir cités<br />
dans les livres de l'Ancien Testament.<br />
Les victimes de ces sacrifices étaient tantôt des êtres<br />
humains, tantôt des animaux, tantôt des plantes <strong>et</strong> leurs<br />
dérivés.<br />
Quant à la nature des sacrifices, la même source rapporte<br />
que, <strong>sous</strong> leurs formes primitives, les victimes étaient des êtres<br />
humains. Les différences étaient <strong>du</strong>es tout simplement à la<br />
diversité des peuples, des législations, des raisons <strong>et</strong> des<br />
circonstances? Tantôt les victimes étaient des femmes, tantôt<br />
des enfants, tantôt des jeunes <strong>et</strong> parfois même des vieillards.<br />
Néanmoins, l'approfondissement des recherches perm<strong>et</strong> de<br />
dé<strong>du</strong>ire que chez les différentes nations <strong>et</strong> au cours des<br />
différentes étapes de l'histoire, les victimes humaines étaient<br />
principalement de deux sortes: les enfants des deux sexes, en<br />
particulier les premiers nés, ou les jeunes filles vierges. Plusieurs<br />
exemples tirés des comportements rituels de plusieurs peuples<br />
illustrent c<strong>et</strong>te réalité:<br />
Les Peaux Rouges de l'Equateur qui sacrifiaient leurs<br />
victimes humaines aux dieux des plantes, les Aztèques <strong>du</strong><br />
Mexique qui allaient jusqu'à SO.OOO victimes humaines par an<br />
pour de nombreuses circonstances, particulièrement aux dieux<br />
34
<strong>du</strong> maïs, les peuplades de l'Afrique centrale <strong>et</strong> occidentale <strong>et</strong> <strong>du</strong><br />
<strong>sous</strong> continent indien qui offraient aux dieux des jeunes vierges<br />
spécialement sélectionnées <strong>et</strong> encadrées au Palais pour être<br />
sacrifiées aux dieux afin de favoriser la germination des plantes<br />
<strong>et</strong> multiplier les récoltes, les tribus de Chane <strong>et</strong> de Mégase qui<br />
empoisonnaient leurs victimes <strong>et</strong> les enterraient dans les<br />
champs afin d'implorer les dieux de la fertilité <strong>du</strong> sol; les<br />
anciens Egyptiens avec le rite de «La Fiancée <strong>du</strong> Nil" <strong>et</strong> <strong>du</strong><br />
sacrifice d'Osiris, les anciens Grecs qui, dans plusieurs<br />
cérémonies, offraient leurs victimes à ZEUS <strong>et</strong> qui, en cas de<br />
famine, de guerre, d'épidémie ou de sinistres, livraient des<br />
enfants des familles de l'aristocratie aux dieux pour calmer leur<br />
courroux <strong>et</strong> implorer leur miséricorde; les anciens Romains qui,<br />
malgré l'Edit publié par le Sénat en 97 avant notre ère,<br />
continuaient à offrir des p<strong>et</strong>its enfants au dieu Saturne, <strong>et</strong>c...<br />
Le sacrifice humain était aussi pratiqué dans des religions<br />
dites monothéistes. Ce n'est donc pas le cas <strong>du</strong> Prophète<br />
Abraham qui a voulu sacrifier son fils premier né qui peut me<br />
démentir, alors que la Bible, passez moi c<strong>et</strong>te interprétation<br />
peut-être peu savante, rapporte que Dieu parla à Moïse en<br />
disant: « Sanctifie-moi tout premier-né mâle qui ouvre toute<br />
matrice parmi les fils d'Israël, parmi hommes <strong>et</strong> bêtes. Il est tout<br />
à moi" (Exode 13 : 1 - 2).<br />
Pour ce qui est de la forme, il convient de noter qu'elle<br />
variait également selon les cas.<br />
Très souvent, il était question de sacrifier la vie de la victime<br />
de diverses manières: par immolation (donc par écoulement <strong>du</strong><br />
sang), par noyade, par incinération, par empoisonnement, par<br />
chute brutale, ou même par des procédés sorciers.<br />
s'il faut faire allusion à des histoires vraies de l'Afrique<br />
Centrale, je me souviens que dans la conerée <strong>du</strong> Maniema, dans<br />
la partie Est de la République Démocratique <strong>du</strong> Congo, on<br />
offrait à la MULONGOY des jeunes vierges que l'on noyait dans<br />
la rivière, à la MUYOMBO on épandait le sang de la victime<br />
immolée, souvent des esclaves sur les pierres de la montagne.<br />
35
NGANDO, LE CROCODILE de Lomami Tshibamba nous<br />
montre une façon singulière de sacrifier des victimes par des<br />
procédés de la sorcellerie que l'on dénomme <strong>sous</strong> diverses<br />
appellations selon les régions, les BADIMBA dans le Maniema,<br />
ITB dans la Province Orientale, je parle là de la République<br />
Démocratique <strong>du</strong> Congo.<br />
Il existe cependant plusieurs autres formes de sacrifices dont<br />
on parle très peu parce que l'obj<strong>et</strong> de ttès peu de publicité. C'est<br />
le cas notamment de l'amputation d'un membre, <strong>du</strong> don de la<br />
fécondité, de l'étourdissement ou don de la conscience ou<br />
encore <strong>du</strong> don de l'honneur ou de la dignité.<br />
Dans la première forme, l'amputation d'un membre,<br />
l'homme sacrifie un membre, généralement un doigt, une<br />
jambe, un orteil, une oreille, un œil, de lui-même ou t\'un<br />
membre de famille à une divinité donnée afin de gagner<br />
certaines faveurs, pour beaucoup de cas des biens matériels.<br />
Ce phénomène est très courant de nos jours avec les<br />
ch<strong>et</strong>cheurs de diamants, appelés les BANA LUNDA.<br />
Certains hommes acceptent volontiers de se stériliser, de<br />
sacrifier leurs fonctions génitales, ou celles de leurs épouses<br />
pour acquérir certaines faveurs des dieux.<br />
De même, par des procédés que seuls les initiés peuvent<br />
relater, les hommes commencent à sacrifier le mental de leurs<br />
enfants au même titre que l'on le faisait dans le temps avec le<br />
corps physique. Il existe un secr<strong>et</strong> qui n'est pas très courant <strong>et</strong><br />
qui se cache derrière les mutilations sexuelles des femmes. Il<br />
paraît que le clitoris de votre fille, de votre sœur, de votre mère,<br />
mélangé à des pro<strong>du</strong>its que seuls les initiés connaissent,<br />
procure de la richesse: écoulement rapide des marchandises, de<br />
la chance dans le commerce, <strong>et</strong>c...<br />
Et que dire de tous ces viols commis sur des femmes en guise<br />
de sacrifice de l'honneur de leur mari qui se sentent diminués,<br />
36
quelques fois avec le consentement <strong>du</strong> mari qui cherche derrière<br />
c<strong>et</strong> acte un privilège, une promotion...<br />
Comme on peut le constater après c<strong>et</strong>te brève gymnastique,<br />
ces pratiques rituelles sont aussi vieilles que l'humanité <strong>et</strong><br />
continuent à subsister, <strong>sous</strong> diverses formes.<br />
Elles constituaient, jusqu'à un certain moment, la règle<br />
tandis que l'abstention n'en était que l'exception. il suffit de se<br />
rappeler ces bannissements des hommes <strong>et</strong> des femmes qui<br />
refusaient de donner leurs fIlles, leurs fIls pour le sacrifice <strong>du</strong><br />
clan.<br />
Il en fut ainsi jusqu'au moment où des législations<br />
successives ont commencé à les interdire progressivement,<br />
comme le cas de l'Edit <strong>du</strong> Sénat Romain de 97 avant notre ère.<br />
Avec l'adoption de la Déclaration universelle des droits de<br />
l'homme qui insiste sur le caractère sacré de la vie de l'homme<br />
<strong>et</strong> les différents droits écrits, ces actes sont ré<strong>du</strong>its au niveau des<br />
crimes. Voilà pourquoi j'ai parlé des sacrifices rituels<br />
criminalisés.<br />
On parle beaucoup de nos jours de la mutilation des organes<br />
sexuelles de la femme que l'on tend à criminaliser à travers le<br />
monde, alors que l'inverse, c'est-à-dire le développement des<br />
organes sexuels de la femme ou encore la circoncision de<br />
l'homme, qui sont aussi d'autres formes de mutilation sont<br />
tolérées, voire encouragées? Il n'est pas impossible qu'avec<br />
l'évolution <strong>du</strong> monde, ces deux formes aussi soient<br />
criminalisées par des générations à venir.<br />
Je reviens sur la demande que j'ai formulée dès le départ,<br />
celle de vous faire in<strong>du</strong>lgents face à l'incohérence de mon texte,<br />
l'essentiel étantla conclusion.<br />
37
3. Les causes supposées ou réelles de ces pratiques <strong>et</strong>lamission<br />
des enseignements religieux dans leur éradication.<br />
Je venais de vous référer à une étude de l'Université El<br />
AZHAR <strong>du</strong> Caire qui précise bien que ces pratiques n'étaient ni<br />
l'apanage, ni l'exclusivité d'un peuple, d'une nation, d'une<br />
religion, d'une croyance, d'une civilisation, mais qu'elles étaient<br />
répan<strong>du</strong>es, si elles ne le sont encore aujourd'hui à travers<br />
certains rites occultes <strong>et</strong> secr<strong>et</strong>s, sur tous les peuples de la<br />
planète en des formes diverses.<br />
On qualifie ces pratiques de rituelles parce qu'elles se<br />
faisaient suivant des règles de cérémonies religieuses ou<br />
traditionnelles bien établies.<br />
Selon toute évidence, toute cérémonie religieuse ou cultuelle<br />
ne tourne qu'autour de deux objectifs. Elles le sont, soit pour<br />
implorer les faveurs d'un être que l'on estime supérieur à soimême<br />
<strong>et</strong> que l'on suppose capable de résoudre à sa place ou<br />
mieux que soi les problèmes auxquels on est confronté, soit<br />
encore pour remercier les bienfaits acquis de c<strong>et</strong> être là.<br />
Pour mieux cerner les causes apparentes ou cachées de ces<br />
rites, il convient d'abord de j<strong>et</strong>er un regard sur ceux à qui sont<br />
adressés ces sacrifices.<br />
Les chercheurs d'EL AZHAR classent en quatre catégories les<br />
bénéficiaires des holocaustes <strong>et</strong> offrandes des humains, en<br />
dehors de Dieu, le Créateur. li s'agit:<br />
1. des divers genres des dieux. Ceux-ci ont différentes<br />
formes selon les différentes communautés primitives,<br />
voire actuelles. Pour les uns, tout ce dont ils n'arrivent<br />
pas à s'expliquer le gigantisme ou la puissance: une<br />
montagne la plus élevée que les autres cas de la<br />
KIMASA dans le Maniema, une grosse pierre au milieu<br />
<strong>du</strong> Fleuve, cas <strong>du</strong> NYANGE dans le Nord Katanga, une<br />
chute d'eau, cas des portes d'enfer sur le Fleuve Congo,<br />
un grand Fleuve dans un désert, cas <strong>du</strong> Nil chez les<br />
38
Egyptiens...était un dieu, tandis que pour les autres ces<br />
dieux avaient une forme humaine, animale, astrale... <strong>et</strong><br />
s'occupaient chacun d'une fonction donnée: la<br />
fécondité, la richesse, la vie, la mort, l'agriculture, le<br />
commerce, <strong>et</strong>c...<br />
2. Les saints <strong>et</strong> les santons, ces êtres intermédiaires entre<br />
les hommes <strong>et</strong> les dieux, plus doués que les hommes<br />
mais moins puissants que les dieux <strong>et</strong> qui ont la<br />
capacité, selon les croyances, d'intervenir, d'influer<br />
positivement ou négativement dans la vie des humains;<br />
3. les mânes des morts, principalement les ancêtres. Selon<br />
plusieurs croyances, <strong>et</strong> mêmes certaines législations<br />
religieuses actuelles il est attribué à un mort une<br />
puissance supérieure à celle d'un vivant' jusqu'à croire<br />
qu'il peut influer, d'une manière ou d'une autre dans la<br />
vie des vivants. On les voit apparaître par-ci <strong>et</strong> par-là<br />
dans des récits, on les voit intercéder pour les vivants,<br />
on les voit assurer la protection des vivants, <strong>et</strong> j'en<br />
passe.<br />
4. Enfin les rois <strong>et</strong> les chefs, vivants ou morts. Ils<br />
symbolisent la puissance des dieux <strong>et</strong> incarnent les<br />
mânes. Chez certains peuples, les chefs avaient les<br />
mêmes droits que les dieux, au culte <strong>et</strong> à la vénération.<br />
Comme les destinataires des sacrifices sont connus, qu'il<br />
nous est maintenant aisé de comprendre pourquoi on leur<br />
adressait ces sacrifices.<br />
En eff<strong>et</strong>, parce que tous ces êtres catégorisés ci-dessus sont<br />
supposés avoir une certaine supériorité sur l'homme. Celui-ci<br />
cherchait toujours à se rapprocher d'eux pour obtenir d'eux une<br />
faveur, c'est-à-dire, se procurer l'abondance, une supériorité<br />
(victoire en cas de guerre ou positionnement dans la société),<br />
apaiser leur colère, toutes les calamités: éruption d'un volcan,<br />
tempête dévastatrice, apparition d'une épidémie meurtrière,<br />
inondation destructrice, sécheresse, <strong>et</strong>c... étant considérées<br />
39
comme la manifestation de leur courroux (cas des animaux<br />
malades de la peste de J. de la Fontaine), donner la<br />
tprogéniture...<br />
De même, craignant qu'il ne soit châtié de son ingratitude<br />
ou de son mauvais comportement dans la société, l'homme<br />
devait leur manifester reconnaissance à la suite d'une faveur<br />
sollicitée <strong>et</strong> obtenue ou expier ses fautes.<br />
Si chez les Peaux Rouges de l'Equateur les victimes étaient<br />
dédiées aux dieux des plantes, le but poursuivi était qu'en<br />
r<strong>et</strong>our ceux-là bénissent la terre <strong>et</strong> multiplient les récoltes. Chez<br />
les Aztèques où'les victimes étaient dédiées au dieu <strong>du</strong> maïs, on<br />
prenait soin de varier l'âge de la victime en fonction de la<br />
croissance de la plante: un nouveau né à la germination, un<br />
homme en pleine maturité pour une plante formée <strong>et</strong>, entre les<br />
deux un adolescent. Le but n'était autre que demander à ce que<br />
chacun d'eux protège la croissance de la plante <strong>et</strong> rassure le<br />
peuple d'une récolte abondante. En Egypte on donnait au Nil<br />
une fiancée pour que de sa satisfaction il vomisse beaucoup<br />
d'eau pour favoriser la culture <strong>et</strong> accroître les récoltes.<br />
En Afrique Centrale, ces jeunes vierges que l'on j<strong>et</strong>ait à la<br />
MULONGOY ou que l'on immolait au versant de la<br />
MUYOMBO, ne l'étaient que pour appeler les dieux à fructifier<br />
la pêche <strong>et</strong> la chasse.<br />
On se rend donc compte que toutes ces pratiques n'avaient<br />
qu'un seul objectif, à savoir la satisfaction des besoins matériels<br />
<strong>et</strong> physiques de l'homme <strong>et</strong>, partant, la stabilité sociale de la<br />
communauté.<br />
De nos jours, ces chercheurs de diamants qui sacrifient un<br />
membre pour ramasser un peu plus de pierres, ces opérateurs<br />
politiques ou économiques qui font don de leur fécondité ou <strong>du</strong><br />
mental de leurs enfants pour accéder à un poste plus grand,<br />
pour les uns, ou gagner un marché, pour les autres, tout ce<br />
monde ne court que derrière un seul but, la satisfaction des<br />
besoins matériels <strong>et</strong> la stabilité sociale.<br />
40
Ces pratiques que nous croyons primitives, persistent encore<br />
de nos jours <strong>et</strong> sont pratiqués par des gens d'une haute culture.<br />
Ce ne sont pas les récents événements <strong>du</strong> Gabon qui me<br />
démentiront.<br />
Les enseignements religieux qui sont un premier outil,<br />
apparemment efficace, pour endiguer ce mal, n'ont pas encore<br />
totalement réussi à l'éradiquer <strong>du</strong> fait non seulement de la<br />
diversité des enseignements eux-mêmes <strong>et</strong> dont parfois les<br />
contradictions commencent à semer <strong>du</strong> doute dans les esprits<br />
<strong>du</strong> public cible, mais aussi de l'absence de collaboration entre<br />
les pouvoirs temporaires <strong>et</strong> les ministres de Dieu, les premiers se<br />
réfugiant derrière les droits <strong>et</strong> libertés indivi<strong>du</strong>elles desserrent<br />
les contraintes qui devaient restreindre ces libertés aux seules<br />
autorisées par la loi divine.<br />
En eff<strong>et</strong>, les législations juives, chrétiennes <strong>et</strong> musulmanes,<br />
tout en reconnaissant la place prépondérante qu'occupent les<br />
sacrifices dans leurs rites, ont tout fait pour élever au rang de<br />
crime l'immolation des victimes humaines <strong>et</strong>, les écrits aidant,<br />
ont progressivement étalé une gamme de victimes de<br />
substitution qui vont des animaux aux obj<strong>et</strong>s inanimés en<br />
passant par les plantes <strong>et</strong> leurs dérivés.<br />
Si les juifs <strong>et</strong> les musulmans s'en tiennent encore strictement<br />
aux écritures anciennes où le sacrifice des bêtes <strong>et</strong> des pro<strong>du</strong>its<br />
des champs prend une bonne place, les frères chrétiens vont<br />
plus loin avec le sacrifice de la Croix qui remplace tout autre<br />
sacrifice que pourrait offrir l'homme. Pour certains, l'argent est<br />
déjà un bon serviteur qui remplace toutes les autres matières de<br />
sacrifice.<br />
Tous ces enseignements avaient encore de leur efficacité <strong>et</strong><br />
de leur audience auprès des peuples quand l'environnement<br />
social était encore sain <strong>et</strong> les inégalités moins flagrantes que de<br />
nos jours.<br />
A l'époque coloniale <strong>et</strong> pendant les années qui ont SUIVI<br />
immédiatement les indépendances, le phénomène des sacrifices<br />
41
humains était très rare <strong>et</strong> deux facteurs importants en étaient la<br />
cause: la stabilité sociale relative des sociétés africaines <strong>et</strong><br />
l'étroite collaboration qui prévalait entre les pouvoirs coloniaux<br />
<strong>et</strong> les confessions religieuses, principalement l'église catholique.<br />
Au fur <strong>et</strong> à mesure que la stabilité sociale s'effrite, les besoins<br />
matériels des hommes deviennent de plus en plus insatisfaits <strong>et</strong><br />
qu'il s'installe une misère de plus en plus générale parmi les<br />
populations, la nécessité de recours aux forces surnaturelles,<br />
Dieu, les divinités autres, les mânes, refait surface <strong>et</strong> toutes les<br />
voies de prendre contact avec elles, y compris les sacrifices<br />
humains, réapparaissent.<br />
Nous pouvons donc dire que loin d'humaniser l'humanité,<br />
ce que l'on nous demande d'appeler civilisation <strong>et</strong> qui n'est<br />
autre chose que la culture <strong>du</strong> monde capitaliste, déshumanise<br />
l'homme <strong>et</strong> le ré<strong>du</strong>it à la culture primitive.<br />
Il suffit tout simplement de voir c<strong>et</strong>te tendance qu'a<br />
l'homme civilisé de revenir à la nudité, ce goût inexplicable <strong>et</strong><br />
inexpliqué à l'homosexualité <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te banalisation de la vie<br />
humaine par l'expérimentation sur des hommes des armes de<br />
plus en plus meurtrières à la grande satisfaction des puissances<br />
militaires.<br />
J'estime que la résurgence de ces pratiques ignobles est,<br />
comme le goût à la nudité <strong>et</strong> à l'homosexualité, l'expression <strong>du</strong><br />
désespoir de l'homme face à un monde de plus en plus injuste<br />
caractérisé par :<br />
la misère totale <strong>et</strong> le dénuement des uns face à<br />
l'extravagance de l'opulence des autres;<br />
le non respect par les plus forts des droits des faibles,<br />
dont le droit à la vie: on peut abattre trois millions de<br />
congolais pour sauver une seule vie... on peut brûler<br />
tout un <strong>sous</strong> continent pour que tel pays accède à ses<br />
réserves gazières ou pétrolières;<br />
la banalisation de la vie humaine par le maintien de la<br />
peine de mort dans des pays dits civilisés, par la<br />
42
circulation des fùms qui ne prêchent que la violence,<br />
pour autant qu'ils soient la manifestation de la<br />
puissance d'un tel pays, <strong>et</strong>c...<br />
Ce sont donc là, à mon avis, les facteurs qui contribuent à<br />
inciter l'homme, c<strong>et</strong> animal qui réfléchit sur tout ce qu'il voit<strong>et</strong><br />
capable de mimer des faits, même les plus extravagants, au peu<br />
de respect de la vie humaine. Si pour avoir accès aux mines d'or<br />
de Kilo Moto, les puissances d'argent peuvent immoler trois<br />
millions de congolais sans la moindre conscience, je peux donc<br />
moi, se dit l'indivi<strong>du</strong>, sacrifier la vie d'un p<strong>et</strong>it pygmée pour<br />
accéder à la force physique ou à la richesse, au pouvoir, à<br />
l'abondance, <strong>et</strong> cela ne contitutue pas <strong>du</strong> tout un péché.<br />
4. Conclusion<br />
C'est ici que nous arrivons à nous poser la question suivant:<br />
après tout - donc après avoir constaté que les sacrifices ne sont<br />
offerts que pour accéder à certaines faveurs, que pour de<br />
nombreux cas ces faveurs sont d'ordre matériel <strong>et</strong> social <strong>et</strong> que<br />
ces faveurs peuvent être consentis par la société des humains en<br />
assurant une redistribution juste <strong>et</strong> équitable des biens de ce<br />
monde - après tout, disais-je, en endiguant la pauvr<strong>et</strong>é, ne<br />
pourra-t-on pas, par le même coup, m<strong>et</strong>tre fin aux pratiques<br />
rituelles criminalisées, parce que l'on aura satisfait aux besoins<br />
matériels derrière lesquels courent les hommes <strong>et</strong> on aura créé<br />
une société de justice <strong>et</strong> d'égalité?<br />
C<strong>et</strong>te hypothèse, comme je l'ai dit dans mon intro<strong>du</strong>ction, je<br />
la laisse à l'analyse des savants que vous êtes <strong>et</strong> qui pouvez, de<br />
par votre expertise <strong>et</strong> de par votre expérience, en établir la<br />
véracité.<br />
Pour ce qui me concerne, me définissant la pauvr<strong>et</strong>é comme<br />
étant l'état d'insatisfaction des ressources dont on dispose,<br />
soutenant qu'il est totalement exclu que ces pratiques proscrites<br />
aient comme finalité l'héritage <strong>du</strong> Royaume des cieux mais<br />
qu'elles le sont entièrement pour la recherche de la satisfaction<br />
43
des besoins physiques, matériels <strong>et</strong> sociaux de ceux qui les<br />
opèrent, d'où leur corrélation directe avec l'état social des gens<br />
dans la société <strong>et</strong> considérant enfin le contexte dans lequel<br />
évoluent nos pays dits en développement, je n'ai pas peur<br />
d'affirmer que ces pratiques peuvent facilement disparaître avec<br />
la disparition de la pauvr<strong>et</strong>é.<br />
Si chaque citoyen mange à sa faim, accède à l'eau potable, à<br />
l'électricité, loge dans une maison décente, reçoit les soins<br />
appropriés quand il le faut, envoie ses enfants à l'école, une<br />
école où la morale religieuse est enseigné par des religieux, en<br />
lieu <strong>et</strong> place de toutes ces leçon de révolution auxquelles on<br />
nous a habitués, chaque citoyen se déplace, se détend <strong>et</strong> gagne<br />
sa vie comme un homme <strong>et</strong> selon ses aptitudes, l'envie<br />
disparaîtra <strong>et</strong> les crimes rituels avec.<br />
La pauvr<strong>et</strong>é est le plus grand fléau qui mine nos sociétés, les<br />
ébranle jusque dans leurs fondements en tant que sociétés<br />
humaines.<br />
Si Dieu, notre Créateur, a fait de l'amour le plus grand<br />
commandement, ce qui <strong>sous</strong> entend un partage équitable <strong>et</strong><br />
équilibré des ressources terrestres <strong>et</strong> <strong>du</strong> bonheur de vivre entre<br />
tous les citoyens <strong>du</strong> monde, la pauvr<strong>et</strong>é est la manifestation <strong>du</strong><br />
plus grand péché que comm<strong>et</strong>tent les hommes contre c<strong>et</strong>te loi<br />
divine var elle est la fùle de l'injustice sociale.<br />
Le crime, terme qui est aujourd'hui à l'honneur, se définit<br />
par la transgression d'une règle, d'où, l'injustice qui transgresse<br />
la loi de l'amour est un crime <strong>et</strong> ses conséquences sont là, la<br />
révolte de l'homme qui se perm<strong>et</strong> n'importe quoi sans<br />
considération aucune de l'ignominie qui entoure son acte.<br />
C<strong>et</strong>te pauvr<strong>et</strong>é qui engendre tous les maux: la haine, l'envie,<br />
la jalousie, le vol, le viol, le meurtre, le brigandage, le terrorisme,<br />
...les crimes rituels doit être combattue sur tous les front <strong>et</strong><br />
nous devons tous ensemble nous liguer pour l'éradiquer. La<br />
pauvr<strong>et</strong>é, source de tristesse <strong>et</strong> de désolation, mère de la<br />
prostitution <strong>et</strong> qui entraîne derrière elle tout son cortège de<br />
44
corollaires funestes, dont le VIH/SIDA est mon seul accusé ce<br />
jour <strong>et</strong> je la considère comme le facteur principal des crimes que<br />
nous décrions ici.<br />
J'ai dit <strong>et</strong> je vous remercie de l'attention que vous avez bien<br />
voulu m'accorder tout en appelant à votre in<strong>du</strong>lgence sur la<br />
qualité moins bonne de mon exposé qui, je l'ai avisé au départ,<br />
n'a pas su respecter les règles les plus élémentaires de l'art de la<br />
communication.<br />
Vous avez certainement compris, mon souci était d'arriver à<br />
vous transm<strong>et</strong>tre le point de vue des musulmans de la<br />
République Démocratique <strong>du</strong> Congo qui croient que la<br />
pauvr<strong>et</strong>é est à la base des crimes rituels <strong>et</strong> qu'en réussissant à<br />
l'éradiquer, on aura certainement résolu ce problème.<br />
45
L'Mrique des Etats <strong>et</strong> le défi de'la modernité.<br />
Communication sur la modernité africaine <strong>et</strong><br />
responsabilité d'apprendre à faire communiquer<br />
l'art de gouverner les hommes<br />
Abbé Dominique KAHANGA<br />
Professeur aux Facultés Catholiques de Kinshasa (RDC)<br />
Secrétaire épiscopal de la Commission «Justice <strong>et</strong>Paix »<br />
Les discours idéologiques africains de l'indépendance ont<br />
repris à leur compte une tradition <strong>du</strong> sens de l'autorité marquée<br />
par une vision démiurgique mythique de l'indivi<strong>du</strong>. L'image <strong>du</strong><br />
héros qui inaugure un ordre habitable <strong>du</strong> monde a largement<br />
nourri l'imaginaire <strong>du</strong> pouvoir africain. Par ces discours, les<br />
idéologues ont cherché l'adhésion populaire] en sollicitant <strong>du</strong><br />
pathos africain de la totalité une vision globale de l'ordre social<br />
<strong>et</strong> politique. Par une réactualisation de la solidarité, le sens de la<br />
totalité était soumis au bénéfice de l'unité politique de l'Etat<br />
Mricain. Les idéologies ont poursuivi un but en lui-même<br />
légitime, en ce qu'il tend à concrétiser les exigences de la sagesse<br />
commune en au-delà de la diversité des mémoires historiques <strong>et</strong><br />
symboliques de l'identité africaine, au-delà de l'originalité de la<br />
singularité de nos pratiques de vie personnelle <strong>et</strong> collective.<br />
Mais, on le sait <strong>du</strong>rement aujourd'hui, en fait depuis<br />
longtemps, qu'une volonté <strong>et</strong> une pratique politique qui se<br />
m<strong>et</strong>tent au-dessus des valeurs d'humanité, se r<strong>et</strong>ournent contre<br />
les hommes <strong>et</strong> les sociétés <strong>et</strong> aujourd'hui contre la nature ellemême.<br />
La critique interne de la modernité africaine, comme critique<br />
de la tradition superficiellement con<strong>du</strong>ite entre l'opposition de<br />
la tradition <strong>et</strong> de la rationalité prive d'abord l'art de gouverner<br />
de son éthique propre, que l'exercice de l'autorité aurait dû<br />
trouver dans l'instance culturelle de l'homme responsable.<br />
Nous y reconnaissons un lieu de son absence â soi-même d'où<br />
se génèrent les représentations qui coïncident avec l'humanité<br />
<strong>du</strong> vide contemporaine de nos calamités. Grande illusion, en<br />
eff<strong>et</strong>, comme le montre les précipitations <strong>et</strong> les catastrophes de<br />
47
ces nouveaux modes d'inscription à partir d'une figure de l'Etat<br />
<strong>et</strong> de l'institutionnalisation perverse des solidarités anciennes.<br />
A partir de ce qui aurait pu apparaître de lui-même comme<br />
savoir de l'humanité monstrueuse par l'évaluation de l'action<br />
éthique enracinée, qui, elle, rend reconnaissable à ses<br />
semblables la maturité de l'action de joindre <strong>et</strong> de rejoindre<br />
l'autre, à la racine de la socialité, c'est l'illusion de la joie de la<br />
puissance qui recouvre le courage d'être quelqu'un selon une<br />
éthique de la vie qui répond de ses eff<strong>et</strong>s nocifs de l'humanité<br />
<strong>du</strong> vide.<br />
Le but louable d'intégration <strong>et</strong> d'institutionnalisation d'une<br />
éthique politique de la solidarité ne pouvait, sur le terrain où se<br />
plaçaient les idéologies pour la généraliser, que faire abstraction<br />
de l'enracinement de l'éthique de la solidarité, dans le travail<br />
d'être-avec, travail qui agit selon les fins éthiques des indivi<strong>du</strong>s.<br />
Nous pensons, qu'à l'exception notoire de Julius Nyerere, la<br />
référence à l'éthique négroafricaine de la solidarité a négligé<br />
l'essence de c<strong>et</strong>te éthique «d'être-avec» qui tire sa force de la<br />
différence entre l'homme vrai <strong>et</strong> l'homme vide ou l'homme de la<br />
multitude. Que signifie l'humanité de l'homme de la multitude<br />
ou l'humanité de l'homme vide. Par opposition à l'identité de<br />
l'homme vrai, l'homme de la multitude se confond avec la<br />
pluralité d'obj<strong>et</strong>s qui renvoient à l'indivi<strong>du</strong> l'image de sa<br />
puissance. L'exemple le plus parlant est celui de quelqu'un qui<br />
n'est mûr que par l'idée de rester au pouvoir, même au prix de<br />
vies humaines <strong>et</strong> de la ruine de son pays.<br />
C<strong>et</strong>te idée de soi-même, par l'image de soi proj<strong>et</strong>ée à<br />
l'extérieur par l'identification multiple de l'indivi<strong>du</strong>, empêche<br />
l'ouverture éthico-ontologique à la vérité de l'homme, conforme<br />
à l'exigence morale de la responsabilité à l'égard de la vie<br />
d'autrui <strong>et</strong> des qualités de la nature. Nous désignons par<br />
l'hospitalité de la vérité c<strong>et</strong>te ouverture éthico-ontologique de<br />
chacun. Le défi d'être quelqu'un par la multiplicité d'obj<strong>et</strong>s, en<br />
faisant fi de l'humanité de l'homme vrai, dont la forme unique<br />
48
de sa donation Gegebenheit est la bonté-beauté, la beauté de la<br />
bonté, n'envisage pas de soi la vérité de l'homme, il implique<br />
nécessairement le travail d'être-avec.<br />
Dans plusieurs langues africaines l'idée de la multitude<br />
coïncide avec celle de l'homme vide, opposée à l'homme vrai, à<br />
l'homme juste, c'est-à-dire à l'humanité montrée pour ce qu'elle<br />
est, conformément à son intuition donnée originairement par<br />
l'hospitalité de la vérité.<br />
L'intuition éthico-ontologique de l'homme, son être donné<br />
dans son contenu même, n'est confon<strong>du</strong> ni avec les richesses, ni<br />
avec l'amour sensuel, ni avec la jouissance. Ce qui signifie, pour<br />
c<strong>et</strong>te éthique, que ni les richesses, ni l'amour sensuel, ni la<br />
puissance, ni l'intelligence sans le sens de la vérité de l'homme,<br />
ne compensent la vie éthique.<br />
La culture sapientielle négro-africaine, discerne parfaitement<br />
les dangers de tous ces pou
opposé à Amena doté, l'homme vrai. L'homme juste, pur les<br />
Kongo, les gens <strong>du</strong> Kongo, c'est Muntu Masonga:_celui qui<br />
manifeste son humanité par son comportement en prenant<br />
d'emblée en charge le sens de la vérité de l'homme dans l'agir<br />
l'un pour l'autre. Tous ces termes qui expriment la capacité de<br />
se rappeler l'essentiel font de l'identité une aptitude<br />
fondamentale à se relancer soi-même par son courage d'être-là<br />
contrôlé par soi-même <strong>et</strong> susceptible d'être contrôlé par les<br />
autres. C'est autrement que par la chaîne biologique ou par le<br />
cycle cosmique <strong>et</strong> ses rythmes. L'autonomie de ce milieu<br />
manifeste l'identité des rapports socio-politiques inscrite par le<br />
principe éthico-ontologique, c'est-à-dire le fondement de la<br />
manière d'être <strong>et</strong> de faire essentiel pour quelqu'un, comme<br />
lumière ou nuit qui s'ajoute avec l'homme à l'ordre cosmo-vital.<br />
L'auto-protection uniquement centrée sur les besoins<br />
biologiques mine l'aptitude de la volonté au courage d'être<br />
responsable de la vie de l'autre. Qu'on se rappelle pour un vivre<br />
que « l'agir solidairement veut dire, depuis l'Egypte, justifier par<br />
l'action la confiance que la société des hommes confère à l'agir.<br />
Le Professeur Jan Assman, rappelle que la tournure «dire la<br />
mâat» exprime exactement une telle analyse, à savoir: parler en<br />
harmonie avec la confiance conférée à la parole, ne pas détruire<br />
avec la langue la solidarité de la confiance, l'harmonie sociale 7 •<br />
L'homme vrai est l'homme d'une humanité définie par la<br />
volonté <strong>du</strong> bien. Le sens de la vérité-justice <strong>et</strong> l'humanité de<br />
l'homme expriment la même réalité. Ne peut le faire voir selon<br />
l'entendement <strong>du</strong> vrai <strong>et</strong> <strong>du</strong> faux, <strong>du</strong> beau <strong>et</strong> <strong>du</strong> vrai que<br />
l'éthique de la vie <strong>du</strong> bon, de la vie ordonnée à la santé cosmovitale<br />
de relation aux biens, aux autres, à la nature, à l'au-delà.<br />
L'ouverture au monde par la vérité-justice est l'oeuvre de la<br />
moralité humaine de « l'homme vrai» opposé à l'homme vide.<br />
7 Jan Assman, MÀAT, L'Egypte pharaonique <strong>et</strong> l'idée de la justice sociale,<br />
1989.<br />
50
L'homme vrai humanise la volonté grâce à laquelle l'homme<br />
se distingue <strong>du</strong> vivant par le seul jeu de la vie. «Celui-là» est<br />
chaque fois « quelqu'un » lorsqu'il est témoin de la « vraie-vieen-<br />
commun ». L'essentiel renforcement en soi-même de la<br />
dignité qui se tient en elle-même - UNTFH, muntu mansonaa,<br />
moto ya solo, Muinja - amena doté: la véridicité, est le<br />
renforcement de l'humanité, de la droiture au principe de la<br />
socialité bonne. Celle-ci ne peut que s'épanouir par une<br />
jonction heureuse <strong>du</strong> travail d'être à l'exigence d'aimer comme<br />
<strong>et</strong> à la suite de Jésus. La justice-relation, celle de l'homme vrai<br />
est justice première vécue comme norme d'une singularité d'être<br />
avec des hommes dans leur agir l'un pour l'autre.<br />
Nous avons reconnu la même idée chez le penseur sapientiel<br />
Malien Hampate Bâ, qui a bien compris ce qu'est l'homme de la<br />
multitude. Hampate Bâ écrit ceci à ce suj<strong>et</strong>: « Si l'homme qu'on<br />
appelle au pouvoir, une fois au pouvoir, ne voit plus que l'idée<br />
même de rester au pouvoir, alors il fera tout pour s'y maintenir.<br />
Car une fois qu'on est monté très haut <strong>et</strong> qu'on regarde en bas,<br />
surtout si on est monté très haut, on a le vertige, alors on<br />
s'accroche là-haut <strong>et</strong> on perd sa personnalité ». Il continue «Il<br />
faudrait que celui qui a pris le pouvoir, qu'il soit président ou<br />
roi, ait surtout à coeur l'exploitation rationnelle .des<br />
compétences dans l'intérêt de son pays8. »<br />
Combien actuelle est encore c<strong>et</strong>te pensée d'Hampate Bâ<br />
exprimée en 1962 relativisant le débat sur l'organisation de la<br />
politique par les partis, Hampate Bâ attirait l'attention sur les<br />
passions indivi<strong>du</strong>elles, en particulier sur la passion <strong>du</strong> pouvoir<br />
comme poursuite de la puissance pour la puissance, source des<br />
calamités quelque efficace que soit le système politique qu'un<br />
pays peut adopter. Nous avons examiné quelques-unes des<br />
expressions linguistiques qui comprennent le concept<br />
d'humanité dans ses différences éthico-ontologiques, comme<br />
capacité de se rappeler l'identité de l'être-avec dans sa<br />
responsabilité singulière.<br />
8 Harnpate Bâ, Tradition <strong>et</strong> modernisme en Afrtque noire. Rencontre<br />
internationale de Bouaké, Seuil, Paris, 1965, p. 247.<br />
51
Que les cultures négro-africaines, pourtant cosmo-vitalistes,<br />
n'aient pas confon<strong>du</strong> l'idée de l'homme, sa réalité <strong>et</strong> sa<br />
phénoménalité, avec son appartenance à l'espèce animale <strong>et</strong> à<br />
l'ordre cosmique, les distinctions éthico-ontologiques le<br />
confirment. Par elles, «nous devons examiner ici dans quelles<br />
conditions s'exerce la critique de la réminiscence; quels motifs<br />
nous con<strong>du</strong>isent à l'instituer, quel secours nous recevons de la<br />
société dans sa pratique 9 ». Quel regard de la responsabilité<br />
dans la reconstruction de la paix entre les hommes.<br />
C'est par le courage d'assumer concrètement la signification<br />
de l'homme vrai, que quelqu'un devient c<strong>et</strong> être de la<br />
responsabilité de la vie de l'autre. Ce courage d'être un homme<br />
vrai, un homme juste, exprimé dans les déterminations de<br />
«Munthu wa kin », correspond à un sens de la liberté plus<br />
fondamental <strong>et</strong> plus sérieux que la liberté qui se définit par<br />
simple opposition au déterminisme physique.<br />
Ainsi conçue, la pensée sapientielle africaine, qui est élaborée<br />
à partir de la dynamique unitaire des êtres, par l'idée d'être ce<br />
qu'ils sont dans leurs manifestations, se reconnaît à la place<br />
qu'elle donne à l'agissif de l'existant, à travers ses actions de<br />
destruction ou de protection des êtres. En tant que quelqu'un se<br />
comporte en gardien <strong>du</strong> lien essentiel, à travers les<br />
déterminations de l'axiomatique éthique, sa vie manifeste les<br />
sens comme justice d'être-avec. C<strong>et</strong>te pensée perm<strong>et</strong> de saisir<br />
l'idée première de la responsabilité, à savoir répondre de la vie<br />
en soi-même de soi-même de l'autre.<br />
Ce qui veut dire que l'homme doit agir selon la dignité<br />
axiomatique d'être quelqu'un; autrement, la fonction de diriger<br />
les hommes, qui s'accomplit uniquement d'après l'humanité de<br />
la multitude, contraint l'autorité qui se manifeste, à ne pas l'être<br />
déterminé par l'homme vrai ou par l'homme juste.<br />
9 Jean NOGIJE, Le problème de la mémoire historique, in Revue philosophique,<br />
janvier-juin 1923, Librairie Félix Alean, p. 417.<br />
52
Les causes profondes des crimes rituels <strong>et</strong> des<br />
conflits en Afrique Centrale: Cas de la République<br />
Centrafricaine<br />
1. Intro<strong>du</strong>ction<br />
Lucien DAMBALE,<br />
Patriarche Conteur de la Sagesse Populaire<br />
République CentrAfricaine<br />
D'uue manière générale depuis la nuit des temps l'homme a<br />
toujours cherché à expliquer le surnaturel à traVers des<br />
croyances <strong>et</strong> pratiques occultes où dominent la magie, la<br />
mythologie <strong>et</strong> la superstition. L'homme Africain n'y fait pas une<br />
exception. Il manifeste ces croyances <strong>et</strong> pratiques occultes dans<br />
toutes les circonstances de la vie sur terre: naissance, mariage,<br />
maladies, mort ou guerre <strong>et</strong>c... Dans ces diverses manifestations,<br />
l'idée que l'homme Africain s'en fait est parfois confuse <strong>et</strong><br />
moins ordinaire, ce qui a comme impact, la pratique des crimes<br />
rituels dont nous allons justement, au cours de ce <strong>Colloque</strong><br />
tenter de spécifier les fondements culturels tout comme ceux<br />
des conflits en Afrique Centrale en nous appuyant surtout sur le<br />
cas de la RCA dont nous sommes originaire.<br />
Ainsi, pour mieux appréhender notre suj<strong>et</strong>, nous allons dans<br />
un premier temps, présenter les différentes formes de crimes<br />
rituels en Centrafrique <strong>et</strong> les raisons ou fondements culturels<br />
possibles qui sont à la base de ces crimes <strong>et</strong>, enfin, nous aurons<br />
l'occasion de vous entr<strong>et</strong>enir sur les différents types de conflits<br />
en Centrafrique <strong>et</strong> leurs fondements culturels.<br />
53
2. Les différentes formes de crimes rituels en RCA<br />
2.1. Les sacrifices humains pratiqués dans le cadre d'un rituel<br />
initiatique<br />
Comme nous l'avons dit dans le préambule de nos travaux,<br />
la RCA à l'instar des autres pays de l'Afrique Centrale connaît<br />
aussi les pratiques de sacrifices humains pratiqués dans le cadre<br />
d'un rituel initiatique. Ces pratiques sont: le talimbi, le<br />
ouroukouzou, le ngbein, les crimes rituels avec utilisation de<br />
griffes d'animaux (le ngbanga), le ngaanga, le coup de foudre.<br />
a) Le talimbi<br />
Nous ne connaissons pas l'étymologie <strong>du</strong> mot talimbi, il doit<br />
nécessairement appartenir à l'un des dialectes que parlent les<br />
riverains <strong>du</strong> fleuve Oubangui. Le talimbi désigne précisément le<br />
sorcier qui par des procé<strong>du</strong>res mystiques, attire sa victime <strong>et</strong><br />
l'emporte dans les profondeurs des eaux, la fait ressortir dans<br />
un endroit caché. C'est alors que commencent les sévices, les<br />
tortures, les scènes d'humiliation. Le martyr consiste à verser de<br />
l'eau très chaude sur tout les corps, à couper l'organe génital, les<br />
doigts des mains <strong>et</strong> les orteils, les poils <strong>du</strong> pubis, les touffes de<br />
cheveux <strong>et</strong> le bout de la langue de la victime. Le talimbi n'est pas<br />
anthropophage mais il agit <strong>et</strong> tue dans le cadre d'un rituel<br />
initiatique, puisqu'il j<strong>et</strong>te le corps de la victime dans l'eau après<br />
les sévices. Les régions de Bangassou, Kémbé, Kouango, Bangui,<br />
Berbérati, Mbaïki <strong>et</strong> Nola sont très renommées dans le talimbi.<br />
b) Le ouroukouzou<br />
Etymologiquement le mot «ouroukouzou» est d'origine<br />
Banda (une <strong>et</strong>hnie Centrafricaine). Ce mot désigne la<br />
transformation d'un homme en animal domestique ou sauvage.<br />
Ici c'est le sorcier métamorphoseur qui transforme son<br />
prochain ou son semblable en animal. Il suffit de toucher<br />
quelqu'un avec les mains ensorcelées pour que ce dernier<br />
ressente une fièvre aiguë <strong>et</strong> spontanée. La victime envoûtée<br />
meurt quelques heures après. Le ouroukouzou est très répan<strong>du</strong> à<br />
Bambari, Bria, Dékoua <strong>et</strong>c...<br />
54
c) LeNGBEIN<br />
Comme pour les autres crimes rituels précités, l'origine <strong>du</strong><br />
mot ngbein nous échappe. Mais nous savons que la pratique <strong>du</strong><br />
ngbein est d'origine Pana (une <strong>et</strong>hnie centrafricaine). Dans les<br />
années 1950-1970 la pratique <strong>du</strong> gbein n'était pas populaire<br />
comme nous le constatons aujourd'hui. Il se pratiquait dans<br />
des cercles restreints. Le sorcier ngbein lui non plus n'est pas<br />
anthropophage. Le «ngbein-man» cherche plutôt un homme<br />
travailleur, bien potelé <strong>et</strong> résistant. En fait le ngbein-man est un<br />
sorcier homme d'affaire, commerçant, un esclavagiste mystique,<br />
car il fait travailler des hommes métamorphosés en zombies. Un<br />
ngbein-man peut avoir un troupeau de zombies à son service. La<br />
pratique <strong>du</strong> ngbein est prospère dans l'Ouham, l'Ouham-Pendé,<br />
la Nana-Mambéré, tout le Nord-Ouest de la RCA.<br />
d) Crimes rituels avec utilisation de griffes d'animal, le<br />
« NGBÂNGÂ »<br />
L'auteur <strong>du</strong> crime utilise les griffes de c<strong>et</strong> animal «le<br />
ngbanga» en grattant l'emprunte de sa victime. Celle-ci meurt<br />
dans quelques jours. Après ça sera la mort successive des<br />
membres de sa famille, puis des voisins <strong>et</strong> finalement tout le<br />
village se verra ainsi exterminé. Pendant ce temps l'auteur <strong>du</strong><br />
crime quitte le village de peur de subir le même sort. Les régions<br />
de Bangassou, Kémbé, Rafaï, Zémio, OBO sont renommées<br />
dans ce domaine.<br />
e) Le NGAANGA<br />
Processus: La victime se voit envahir par des fourmis<br />
magnans pendant son sommeil. Il meurt par la suite avec tous<br />
ceux qui sont dans la maison <strong>et</strong> même les autres parents très liés<br />
où qu'ils se trouvent. Dans ce cas, il est formellement interdit de<br />
toucher aux matériels, biens meubles <strong>et</strong> immeubles de la victime<br />
de peur de subir le même sort. Il est utile, afin d'arrêter<br />
l'extermination, de consulter un voyant féticheur spécialisé<br />
dans ce domaine.<br />
55
mystères aux jeunes qui subissent l'initiation. TI y a aussi, en<br />
guise de fondement culturel à ces pratiques, les systèmes de<br />
valeurs qui préconisent le besoin d'un homme fort sur tous les<br />
plans qui aide ses compagnons en temps de guerre. Comme<br />
fondements culturels nous pouvons évoquer aussi le désir de<br />
s'identifier aux divinités supérieures de la légende ou le mythe.<br />
Ces raisons dont nous venons de faire part sont certes<br />
discutables, mais elles correspondent aux réalités<br />
anthropologiques Bantou à l'exemple de celle de la République<br />
Centrafricaine.<br />
Voici, en résumé les causes profondes des crimes rituels<br />
pratiqués en RCA :<br />
• L'é<strong>du</strong>cation traditionnelle basée sur les connaissances<br />
mystiques ou ésotériques;<br />
• Recherche effrénée de la supériorité sur tous les plans <strong>et</strong><br />
de la richesse;<br />
• But commercial. Parfois, les sorciers ne comm<strong>et</strong>tent<br />
pas les crimes rituels de leur propre gré, ils sont<br />
mandatés <strong>et</strong> financés par d'autres personnes qui<br />
veulent la mort de la victime à envoûter;<br />
• Garantir un avenir meilleur à son enfant héritier (cas <strong>du</strong><br />
cara) ;<br />
• La jalousie <strong>sous</strong> toutes ses formes. Cas de la jalousie des<br />
Sorciers Baguidis envers M Danjou, l'explorateur blanc.<br />
Dans Mongou fils de Bandia de Pierre Sammy<br />
Mackfoy;<br />
• Le désir de s'identifier aux divinités supérieures de la<br />
cosmogonie;<br />
• La superstition, l'égoïsme <strong>et</strong>la folle ambition.<br />
57
3. Les différents types de conflits<br />
3.1. Les conflits inter-personnels <strong>et</strong>familiaux<br />
D'une manière générale ces conflits affectent la famille<br />
élargie ainsi que les voisins. Ces conflits s'expriment le plus<br />
souvent à travers les bagarres, les violences verbales ou disputes,<br />
le combat, la lutte. Les sources de ces conflits peuvent être le<br />
mauvais partage de la dot, l'héritage d'un proche parent ou<br />
encore le partage d'un gibier après la chasse. La famille africaine<br />
en général <strong>et</strong> centrafricaine en particulier est très large. Son<br />
mode de fonctionnement est codifié depuis des temps<br />
immémoriaux. La moindre infraction à ces codes peut générer<br />
des conflits latents ou ouverts dans la famille, pouvant<br />
provoquer même la séparation ou la création d'un p<strong>et</strong>it village<br />
un peu plus loin par la partie hostile.<br />
3.2. Les conflits claniques<br />
Ces types de conflits se manifestent le plus souvent au delà<br />
de la famille élargie. Il atteint le lignage. Ces conflits<br />
s'expriment à peu près comme ceux que nous venons d'évoquer<br />
ci-haut. Mais ils ne débouchent pas nécessairement sur des<br />
batailles ou des guerres. Ces conflits peuvent survenir à la suite<br />
de la consommation de l'animal ou <strong>du</strong> non respect <strong>du</strong> mode de<br />
succession d'un chef.<br />
3.3. les conflits inter-<strong>et</strong>hniques<br />
Ces conflits opposent généralement des <strong>et</strong>hnies différentes.<br />
Ils peuvent être le résultat de litige foncier, de conquête de sol<br />
ou de viol de terrain de chasse ou d'un cour d'eau réservé à la<br />
pêche. Ces conflits peuvent aussi résulter des désirs de<br />
puissance <strong>et</strong> de domination d'une <strong>et</strong>hnie qui s'estime plus forte<br />
dans l'art de la guerre.<br />
58
3.4. Les conflits des résistances<br />
Ces conflits opposaient les autochtones aux colonisateurs <strong>et</strong><br />
ils opposent aussi certaines <strong>et</strong>hnies aux chefs de razzia. Ici nous<br />
faisons allusion par exemple à 1 a guerre de Kongo-Wara menée<br />
par le chef Karina contre les Français en 1928 ou encore aux<br />
invasions des troupes militaires de Rabah <strong>et</strong> Senoussi dans la<br />
région de Birao <strong>et</strong> Ndélé.<br />
3.5. Les conflits « modernes» ou post-coloniaux<br />
A ce niveau nous pouvons citer les luttes syndicales, les<br />
manifestations des étudiants, les contestations électorales ou<br />
des tracés des frontières hérités de la colonisation. Ces conflits<br />
sont le plus souvent le résultat d'un déficit démocratique ou<br />
encore d'une inadaptation de model d'Etat moderne aux réalités<br />
culturelles locales<br />
4. Conclusion<br />
Pour finir nous pouvons dire que les fondements culturels<br />
des crimes rituels des conflits en Afrique Centrale <strong>et</strong> en RCA en<br />
particulier sont multiples <strong>et</strong> variés. Ce n'est pas au cours de ce<br />
colloque qu'on pourra cerner rigoureusement tous les<br />
fondements culturels de ces faits sociaux. Au delà de cela, la<br />
recherche des causes <strong>et</strong> moyens de préventions de crimes rituels<br />
<strong>et</strong> des conflits en Afrique, nous interpelle tous pour faire des<br />
études approfondies pour mieux les maîtriser.<br />
59
C'est au second point que nous essayerons d'esquisser la<br />
pratique des sacrifices dans la spiritualité traditionnelle des<br />
kongo notre souci est de cerner la possibilité de la présence des<br />
sacrifices humains qui pourrait être un <strong>sous</strong> bassement<br />
justifiant les crimes rituels <strong>et</strong> la violence dont souffre l'Afrique<br />
centrale, plus particulièrement la RDC.<br />
Compte tenu de l'évolution des peuples, (surtout les<br />
intellectuels), les Kongo se sont aussi ouverts à d'autres<br />
spiritualités étrangères orientales <strong>et</strong> occidentales <strong>du</strong> genre<br />
ésotérique. Il est donc important de voir si ces crimes rituels ne<br />
trouveraient pas leur origine dans le chef des adeptes <strong>et</strong><br />
pratiquants de ces mouvements ésotériques.<br />
En guise de conclusion, nous allons proposer des pistes<br />
pastorales capables d'orienter le discours <strong>et</strong> l'agir de l'Eglise en<br />
vue de ré<strong>du</strong>ire les crimes rituels <strong>et</strong> la violence en Afrique<br />
centrale.<br />
2., "llcture sociale<strong>et</strong>vision <strong>du</strong> monde <strong>du</strong>peuple Kongo :<br />
Les Bakongo se trouvent en grande partie dans la province<br />
<strong>du</strong> Bas-Congo. C<strong>et</strong>te province fut la première à entrer en<br />
contact avec l'Occident. Son unité culturelle, ses énormes<br />
potentialités naturelles (eau, forêts, sols riches ...), sa proximité<br />
de la capitale, ses bonnes relations avec ses voisins de la<br />
République <strong>du</strong> Congo <strong>et</strong> d'Angola, constituent pour les<br />
Bakongo des atouts majeurs pour un développement socioéconomique<br />
<strong>du</strong>rable.<br />
Selon J. Vansina1, l'<strong>et</strong>hnie kongo se divise en plusieurs<br />
groupes dont les principaux sont:<br />
le long de la Côte <strong>et</strong> <strong>du</strong> Nord au Sud: les ViIi, les Woyo,<br />
les Solongo ;<br />
vers l'intérieur, au Nord: les Kungi, les Bembe, les<br />
Sundi;<br />
62
Au sud, les Zombo, les Mbata, les Bankanu, les 50S50 10<br />
2.1 Structure sociale<br />
Au Bas-Congo tout comme ailleurs en RDC, la structure<br />
de parenté constitue l'ossature principale <strong>et</strong> elle comprend<br />
l'alliance, la consanguinité <strong>et</strong> la filiation. L'homme se<br />
définit par rapport à elles, quiconque est incapable de<br />
justifier son appartenance à la parenté est étranger. Il<br />
équivaut à être un ennemi, au moins potentiel.<br />
E. Pritchard trouve les mots justes pour le dire:« chez<br />
les Bakongo <strong>et</strong> chez les Nuer les droits, privilèges,<br />
obligations tout est déterminé par la parenté. Un indivi<strong>du</strong><br />
quelconque doit être soit un parent réel ou fictif, soit un<br />
étranger vis-à-vis <strong>du</strong>quel vous n'êtes lié par aucune<br />
obligation réciproque <strong>et</strong> que vous traitez comme ennemi<br />
virtuel ll ».<br />
Chez les Bakongo comme ailleurs en milieu traditionnel<br />
africain, l'organisation de la vie communautaire est centrée<br />
sur la séniorité <strong>et</strong> la masculinité, la famille indivi<strong>du</strong>elle est<br />
subordonnée au clan ou Dikanda.<br />
Le Dikanda est matrilinéaire, il est dirigé par l'aîné<br />
appelé Ngwa kazi. Le mukongo dépend des frères <strong>et</strong> soeurs<br />
de sa mère, qui ont sur lui pouvoir <strong>et</strong> autorité, c'est<br />
également leur protection qu'il recherche, c'est d'eux qu'il<br />
attend l'héritage. La famille <strong>et</strong> le clan sont régis par la loi de<br />
la solidarité.<br />
Le clan comprend aussi bien les vivants que les trépassés, les<br />
ancêtres. Le mariage, base de l'extension <strong>du</strong> clan, est une affaire<br />
communautaire <strong>et</strong> nécessite la participation de tous dans la<br />
mobilisation, des compensations matrimoniales, la dot <strong>et</strong><br />
1°j.VANSINA, Intro<strong>du</strong>ction à l'<strong>et</strong>hnographie <strong>du</strong> Congo, CRISP, Mouscron,<br />
Editions Universitaires <strong>du</strong> Congo, 1966, p. 116<br />
11 E.PRITCHARD, TbeNuer, Oxford, 1940, p.183.<br />
63
l'accord de tous les membres <strong>du</strong> clan. Il est exogamique (on ne<br />
se marie pas dans le clan) mais il est aussi endogamique c'est-àdire<br />
on est tenu de se marier dans l'<strong>et</strong>hnie. Chez les Bayombe,<br />
c<strong>et</strong>te loi s'étend aussi à la famille paternelle, c'est-à-dire, un<br />
homme peut épouser la nièce de son père appelée «Tata<br />
nk<strong>et</strong>o ». Il ne peut se décider sans se référer aux ancêtres qui<br />
ont primauté à toutes cérémonies. C'est à eux qu'on offre les<br />
premières gouttes de vin.<br />
2.2. Vision <strong>du</strong> monde<br />
La vision que l'homme a <strong>du</strong> monde détermine son être <strong>et</strong><br />
son agir. Chez les bantu <strong>et</strong> chez les mukongo en particulier, il<br />
n'y a rien d'accidentel, de naturel. Tout événement, de quelque<br />
nature qu'il soit, est saisi sur l'un des deux registres suivants:<br />
registre religieux <strong>et</strong> reflistre magico-fétichiste. Il est important<br />
de noter avec Buakasa qu'en Afrique la personne humaine est<br />
une donnée ontologique plurielle instituée par l'unité de ses<br />
constituantes <strong>et</strong> en harmonie avec sa société (instance<br />
anthropologique), en harmonie avec son histoire, sa tradition,<br />
ses origines (instance phylogénétique) <strong>et</strong> la nature (instance<br />
cosmique).<br />
C<strong>et</strong>te vision <strong>du</strong> monde n'est pas le propre des bantu ou des<br />
Bakongo mais c'est le refl<strong>et</strong> de la mentalité traditionnelle. En<br />
eff<strong>et</strong>, dans la mentalité traditionnelle, observe Mircea<br />
Eliade!3 : « Les faits <strong>et</strong> les événements renvoient à quelque chose<br />
d'autre, à un ordre invisible qui existe <strong>et</strong> se déroule<br />
parallèlement à l'ordre visible <strong>et</strong> dont celui-ci fait d'ailleurs<br />
partie; car ce qui est apparent n'est qu'une partie <strong>du</strong> cosmos<br />
total, dont une autre partie non moins réelle se dérobe à nos<br />
yeux. C<strong>et</strong> ordre invisible, c'est celui <strong>du</strong> sacré, qui complète<br />
l'ordre visible <strong>et</strong> lui confère sa véritable signification. Les<br />
événements <strong>et</strong> les choses ne s'expliquent donc pas seulement en<br />
12 Cf. Tkm. BUAKA5A, Lire la religion Africaine, Louvain-La-Neuve, Noraf,<br />
1988, p. 25.<br />
13 Cf. M. ELIADE, Le Sacré <strong>et</strong> le Profane, Coll. Idée, Paris, Ed. Gallimard,<br />
1965, pp. 20-30.<br />
64
eux-mêmes, mais leur vérité a besoin d'être révélée par référence<br />
à l'univers sacré, car c'est là qu'est le modèle original <strong>et</strong> leur<br />
source. D'où la grande richesse des symboles théophaniques<br />
dans toutes les sociétés traditionnelles ».<br />
C'est ce qui explique aussi l'engouement des bantu <strong>et</strong> des<br />
africains en général vers les prophètes <strong>et</strong> les nganga nkisi,<br />
marabouts appartenant à la catégorie de «batu bangu diela »,<br />
c'est-à-dire les gens qui ont l'intelligence de sonder l'invisible<br />
pour expliquer le visible, pour obtenir la révélation sur ce qui<br />
voile son bonheur <strong>et</strong> hypothèque l'avenir; car la relation<br />
d'instance non épanouie, conflictuelle, brisée entraîne le<br />
désordre <strong>et</strong> m<strong>et</strong> en danger l'existence, aussi bien celle de<br />
l'indivi<strong>du</strong> négligent, celle de la société où il vit, que son<br />
insertion, dans l'environnement social <strong>et</strong> naturel. 14<br />
Le mukongo <strong>et</strong> le muntu en général naît, grandit <strong>et</strong> meurt<br />
dans c<strong>et</strong> environnement magico religieux <strong>et</strong> il<br />
profondément marqué. Quels que soient son<br />
d'instruction, sa position sociale, dès qu'éclate une<br />
recourt nécessairement à ces deux grilles de lecture.<br />
en est<br />
niveau<br />
crise, il<br />
Le bien-être (sécurité, prospérité matérielle, santé, succès,<br />
pouvoir), aspiration profonde de tout bantu <strong>et</strong> <strong>du</strong> mukongo en<br />
particulier peut être obtenu en recourant soit à Dieu ou à la<br />
magie. Ce bien-être peut aussi être compromis par le Ndoki,<br />
c'est-à-dire, un homme ou une femme doté d'un pouvoir<br />
occulte capable de j<strong>et</strong>er un mauvais sort sur les autres <strong>et</strong> parfois,<br />
aussi capable de protéger. La sorcellerie est marquée <strong>du</strong> sceau de<br />
l'ambivalence dans la mesure où elle se manifeste comme un<br />
bien <strong>et</strong> comme un mal social.<br />
Tout déséquilibre existentiel peut avoir son origine de Dieu,<br />
Nzambi dont on a violé la loi, les règles, des bakulu (ancêtres)<br />
dont on a pas respecté les principes de vie communautaire<br />
(rites, interdits, totem ..) soit encore <strong>du</strong> sorcier. Chaque eff<strong>et</strong> est<br />
lié <strong>et</strong> s'explique'par une cause souvent d'origine spirituelle.<br />
14 Cf. Tkm. BUAKASA, Op. Cit., p. 30.<br />
65
La sentence de Nzambi, des ancêtres, des sorciers peut se<br />
manifester de plusieurs façons: la stérilité, la guerre, les<br />
sécheresses, la faible pro<strong>du</strong>ction agricole, la rar<strong>et</strong>é des gibiers,<br />
les morts prématurées, la maladie, l'échec, le chômage, la<br />
pauvr<strong>et</strong>é.<br />
Ceux qui ont recours au religieux pour expliquer la totalité<br />
<strong>du</strong> réel, trouvent derrière chaque contradiction de la vie un<br />
démon, un sorcier qu'il faut soit chasser, soit exorciser, soit<br />
bannir. Tandis que ceux qui recourent à la magie, l'expliquent<br />
souvent par une main cachée d'un sorcier dont il faut se<br />
protéger ou qu'il faut carrément tuer par des moyens occultes<br />
ou dont il faut solliciter la faveur, la réconciliation par la<br />
palabre «kinzonzi ».<br />
3. Pratiques des sacrifices dans la spiritualité traditionnelle<br />
Kongo<br />
En eff<strong>et</strong>, comme on peut le comprendre, le sacrifice vise à<br />
rétablir le contact, la relation avec l'offensé, à se concilier à la<br />
fois la faveur de Dieu <strong>et</strong> celle des ancêtres. Chaque fois qu'il y a<br />
rupture d'harmonie, observe Buakasa1S, des mécanismes <strong>et</strong><br />
processus de réparation sont là. Il s'agit des rites, tels les<br />
sacrifices, la prière, les consécrations d'autels, les rites de<br />
renouvellement <strong>et</strong> de purification. En dehors de c<strong>et</strong> aspect<br />
purement propitiatoire, le sacrifice est polysémique <strong>et</strong> donne<br />
lieu à plusieurs théories: théorie <strong>du</strong> don, théorie de<br />
communion, théorie d'action de grâce. Mais le but ultime <strong>du</strong><br />
sacrifice comme le fait remarquer J. Mbiti, demeure le<br />
rétablissement de l'équilibre ontologique:<br />
15 Ibid., p. 25.<br />
66
"[...] the sacrifices and offerings are acted of restoring the<br />
ontological balance b<strong>et</strong>ween God a man, the spirits and man,<br />
and the departed and the living ,,!6<br />
La pratique <strong>du</strong> sacrifice est le dénominateur commun des<br />
différentes religions africaines. Cependant, il y a lieu de signaler<br />
que selon les Banyaruanda, Dieu est si bon qu'il ne demande<br />
pas les sacrifices ou les offrandes. Ils font des sacrifices aux<br />
deux principaux esprits qui, d'après leurs croyances, collaborent<br />
avec Dieu. Les Barundi, de leur côté, croient que leur héros<br />
Kiranga agit comme leur intermédiaire entre eux <strong>et</strong> Dieu. Ils<br />
font des sacrifices à Kiranga mais s'ils échouent, ils rentrent<br />
auprès de Dieu!7. Toutefois, quel que soit celui à qui le sacrifice<br />
est offert Dieu reste la finalité.<br />
Ces particularités Banyaruanda <strong>et</strong> Barundi montrent le<br />
caractère pluriel des symboles des sacrifices <strong>et</strong> des rituels qui les<br />
accompagnent. La pratique <strong>du</strong> sacrifice n'obéit pas<br />
nécessairement à un schème unique dans une société donnée.<br />
Cela varie d'un peuple à l'autre, <strong>et</strong> d'un médium à l'autre.<br />
L'offrande présentée à Dieu ou aux ancêtres ne devient sacrifice<br />
que si elle est accompagnée des prières. Il est important de noter<br />
ici avec Luc de Heusch!8, l'existence d'une société bantu de la<br />
République Démocratique <strong>du</strong> Congo se distinguant<br />
radicalement de toutes les autres jusqu'à une époque récente<br />
par la quasi absence de pratique sacrificielle: les LeIe <strong>du</strong> Kasaï.<br />
Généralement, chez les Kongo, la poule blanche ou rouge,<br />
les œufs <strong>et</strong> quelques rares fois la chèvre sont les opérateurs<br />
privilégiés <strong>du</strong> sacrifice. A la fin de l'initiation <strong>du</strong> jeune Bakhimba<br />
chez les Yombe, Van Wing affirme!9 qu'il y a une journée dédiée<br />
16 J. MBITI, Op.cit., p.179. les sacrifices <strong>et</strong> les offrandes sont realisés pour<br />
restaurer l'équilibre ontologique entre Dieu <strong>et</strong> l'homme, les esprits <strong>et</strong><br />
l'homme,<strong>et</strong> les trépassés <strong>et</strong> les vivants.(notre tra<strong>du</strong>ction).<br />
17J. MBITI, pp. 180-181<br />
18 L. de HEUSCH, Le Sacrifice dans les reltgions africaines, Paris, éd. Gallimard,<br />
1986, p. 48<br />
19 J. V. WING, s.j., Bakongo: Religion <strong>et</strong> Magie, Bruxelles en Inst. Royal<br />
Colonial Belge, 1935, p.<br />
67
au fétiche. Le maître <strong>du</strong> Kimphasi <strong>et</strong> ses aides apportent tous les<br />
nkisi, le rouge sur leurs nattes d'honneur, les m<strong>et</strong>tent en action<br />
<strong>et</strong> les ensorcellent. Une chèvre sera tuée à cause <strong>du</strong> Mbuta <strong>et</strong><br />
Khosi, le chef lion <strong>et</strong> il sera abreuvé de son sang. Les autres<br />
fétiches recevront chacun leur poule.<br />
Le choix <strong>du</strong> sacrifice peut également être dicté par le proj<strong>et</strong><br />
qui s'attache aux rituels ou par la gravité de la faute commise.<br />
Généralement pour les cas complexes, le sacrifice sanguin est le<br />
plus usité. C'est le cas par exemple <strong>du</strong> traitement d'épilepsie<br />
chez les Mambuku-mongo. On sacrifie la poule. Ce sont souvent<br />
des sacrifices d'animaux.<br />
D'après les grandes personnes interrogées, les sacrifices<br />
humains étaient rares chez les Bakongo. Seul l'esclave rebelle<br />
pouvait être crucifié sur un Nkondo (baobab) <strong>et</strong> l'homme ou la<br />
femme attrapé en flagrant délit d'a<strong>du</strong>ltère pouvait subir le<br />
même sort ou alors il pouvait être ven<strong>du</strong> comme esclave.<br />
Léo Bittremieux 20 dans son imposante étude sur la Société<br />
Secrète des Bakhimba au Mayombe nous fait remarquer que<br />
dans la lutte contre la sorcellerie, les Bayombe avaient recours à<br />
trois fétiches: les Khonde <strong>et</strong> les N<strong>du</strong>da mais entre les deux fut le<br />
puissant Pfula Nkombe.<br />
Lors de la consécration <strong>du</strong> Pfula Nkombe, il requérait<br />
plusieurs vies humaines. On prétendait qu'il y avait neufcœurs<br />
de jeunes fùles <strong>sous</strong> le miroir fixé à son ventre. Ceux qui lui<br />
étaient voués, avaient la réputation de Ndoki émérites; pendant<br />
des mois, ils faisaient le léopard, c'est-à-dire se travestissaient au<br />
léopard <strong>et</strong> devenaient ainsi «hommes en haut <strong>et</strong> léopards en<br />
bas» pour attaquer les hommes. On disait que dans les<br />
festivités nocturnes en honneur de Pfula Nkombe, des hommes<br />
étaient dévorés. Ce sacrifice humain avait pour but de renforcer<br />
le pouvoir de Nkisi Pfula Nkombi 1 • Bittremieux fait également<br />
20 Cf. BITTREMIEUX, La Société Secrète des Akhimba au Mayombe, Mém. lnst.<br />
RoyaI Belge 1935.<br />
21 Cf. BITTREMIEUX, Op. Cit., p.164.<br />
68
allusion à l'anthropophagie pratiquée jadis par les guerriers<br />
Basundi probablement pour augmenter leur puissance au<br />
combat. Mais il ne nous dit pas si c<strong>et</strong>te chair humaine était<br />
sacrificielle <strong>et</strong> consommée suivant un rituel donné.<br />
La pratique des sacrifices des vies humaines était très rare<br />
chez les bantu. Matungulu Otene s.j., nous fait remarquer que<br />
«ce n'était pas chose rare en Afrique noire que d'exécuter<br />
certaines personnes pour accueillir le roi. Mais avec Dieu, il n'en<br />
était pas ainsi, Dieu n'avait point besoin de sacrifice humain, on<br />
lui offre les présents des champs <strong>et</strong> des animaux, mais point des<br />
vies humaines car ce genre de sacrifices lui fait de la peine. Dieu<br />
est le roi- père <strong>et</strong> non le roi -chef2 ».<br />
Il se dégage une relation directe entre le sacrifice humain <strong>et</strong><br />
le pouvoir. La sacralisation <strong>du</strong> pouvoir dans la société<br />
traditionnelle africaine serait à la base des sacrifices humains<br />
pour augmenter la force vitale <strong>du</strong> chefdivinisé ou presque. Pour<br />
acquérir le pouvoir sacré, écrit de Heusch 23 , le redoutable Wene,<br />
«émanation des forces supra-humaines» détenues par les<br />
esprits de la terre, chez les Yombe (Zaïre) n'hésitaient pas à<br />
m<strong>et</strong>tre en œuvre une sombre procé<strong>du</strong>re: une jeune fille,<br />
capturée par les soldats <strong>du</strong> prétendant, était coupée en deux<br />
vivante avec le « couteau <strong>du</strong> pouvoir ». Son foie était arraché <strong>et</strong><br />
mangé par le chef. Les grands fétiches nkisi tiraient en eff<strong>et</strong> leur<br />
efficacité <strong>du</strong> principe vital (kuyumba) des victimes humaines.<br />
Même les LeIe qui n'accordent pas assez d'importance à la<br />
pratique sacrificielle, leur conception de la sacralité <strong>du</strong> pouvoir<br />
con<strong>du</strong>it ce peuple à pratiquer le régicide. En eff<strong>et</strong>, chez les Leie,<br />
souligne Vansina 24 , on ne peut douter que le roi «sacré »,<br />
maître redoutable des forces naturelles, est condamné à mourir<br />
prématurément, à devenir une victime sacrificielle au terme<br />
22 O. MATUNGULU. s.j., Une Spirztualité bantu de l' « être avec ». Heurts <strong>et</strong><br />
Lueurs d'une communion, Kinshasa, Ed. Saint Paul Afrique, 1991, p. 100.<br />
23 L. de HEUSCH, Op. Ch., p. 330.<br />
24 J. VANSINA, Le Royaume Kuba, Tervuren, Musée royal de l'Afrique<br />
Centrale, 1964, p. 100, cité par L. de HEUSCH, Le Sacrifice dans les religzons<br />
afrtcaines, Paris, éd. Gallimard, 1986, p. 158.<br />
69
d'un règne plus ou moins long. La mise à mort rituelle <strong>du</strong> roi<br />
est inscrite dans son destin, elle est l'expression la plus forte des<br />
interdits qui circonscrivent son pouvoir exorbitant, sa nature<br />
monstrueuse. Il en est de même chez les Kuba, une autre société<br />
bantu dont la tradition affirme que le roi devait être égorgé<br />
Iorsque ses rlorees d' ecl' Inalent . 25.<br />
Au-delà des frontières de la République Démocratique <strong>du</strong><br />
Congo, Smith 26 observe que l'histoire dynastique <strong>du</strong> Rwanda<br />
nous apprend qu'un certain nombre de rois qualifiés de<br />
« sauveur» (umutabav) acceptent de faire le sacrifice de leur vie,<br />
à l'instar <strong>du</strong> premier roi dit «histoire », Ruganzu Bwimba. Le<br />
héros mutabuzi devait se porter seul au devant de l'ennemi <strong>et</strong> se<br />
sacrifier volontairement; son sang répan<strong>du</strong> était censé en eff<strong>et</strong><br />
ach<strong>et</strong>er ou rach<strong>et</strong>er mystiquement la terre qu'allait ensuite<br />
conquérir ou reprendre les guerriers (...) ; les femmes pubères<br />
dont les seins ne s'étaient pas développés, les mIes mères - voir<br />
les jumeaux de sexe différents <strong>et</strong> les aliénés - étaient con<strong>du</strong>its à<br />
la frontière <strong>du</strong> pays <strong>et</strong> immolés en terre étrangère pour y<br />
apporter la malédiction.<br />
Le sacrifice humain a un pouvoir libérateur dans le sens qu'il<br />
j<strong>et</strong>te la malédiction sur le camp adverse, revêt de force l'armée<br />
<strong>du</strong> roi <strong>et</strong> donne ascendance sur l'ennemi. Au Rwanda, le<br />
sacrifice était aussi pratiqué lors de l'intronisation <strong>du</strong> roi <strong>et</strong> en<br />
cas de cataclysme naturel. En eff<strong>et</strong>, Hertefe1t <strong>et</strong> Coupez 27<br />
affirment que l'intronisation se termine par une guerre rituelle<br />
contre une province lointaine, le Bukunzi, dont le but est de<br />
capturer vivant un homme voué au sacrifice. Le sort <strong>du</strong><br />
malheureux est particulièrement horrible. Après l'avoir couché<br />
sur le flanc gauche, la bouche bâillonnée, on lui transperce<br />
l'aisselle droite au moyen de la lance royale. C<strong>et</strong> acte royal est<br />
25 J. VANSINA, Op. Cit., p. 158.<br />
26 P. SMITH,« La force de l'intelligence» in L'Homme, X, 2, pp. 5-21, cité par<br />
L. de HEUSCH, Le Sacrifice dans les religions africames, Paris, éd. Gallimard,<br />
1986, p. 174.<br />
27 Cf. M. HERTEFELT <strong>et</strong> A. COUPEZ, La Royauté sacrée de l'ancien Rwanda,<br />
Tervuren, musée royal de l'Afrique Centrale, 1964, p. 205, cité par L. de<br />
HEUSCH, pp. 183-185.<br />
70
interprété comme une vengeance exercée par le nouveau roi<br />
contre les empoisonneurs ou les sorciers responsables de la<br />
mort de son père.<br />
De ce qui précède il y a lieu de soupçonner la pratique <strong>du</strong><br />
régicide; Pagèl 8 précise que jusqu'à une époque récente, le<br />
Bukunzi devait livrer un jeune homme qui était sacrifié au<br />
moyen d'un poignard; son sang était recueilli dans une jarre de<br />
bois <strong>et</strong> celle-ci était déposée sur le territoire ennemi. Enfin, pour<br />
régulariser le régime de pluies en cas d'inondations, le code<br />
secr<strong>et</strong> des rites royaux prescrivait alors d'immoler une femme<br />
sans seins appartenant à la caste inférieure des Twa <strong>et</strong> une<br />
chèvre noire, « symbole de l'impro<strong>du</strong>ctivité »29.<br />
Avec matungulu 30 , nous devons noter que chez les Angwi le<br />
roi était vénéré par tous ses suj<strong>et</strong>s, son autorité était incontestée.<br />
Le jour de l'investiture <strong>du</strong> roi, l'assemblée nationale des Angwi<br />
immole un esclave, celui-ci sera offert en banqu<strong>et</strong> au roi ainsi<br />
qu'aux autres grands chefs. Ce rite s'est encore pratiqué au<br />
début de ce siècle. Lorsque le roi promulguait les lois il le faisait<br />
en répandant le sang d'un esclave (ou d'une chèvre) décapité.<br />
Mais il est aussi important de signaler ici que le sacrifice<br />
humain pouvait aussi être r<strong>et</strong>enu à titre punitif. En eff<strong>et</strong>, au<br />
début de ce siècle, souligne Matungulu, les Angwi, si soumis à<br />
leur roi, ont posé un acte sans précédent dans leur histoire: ils<br />
sont allés jusqu'à tuer <strong>et</strong> manger leur roi Mabera, parce que<br />
celui-ci avait laissé entrer le blanc dans le pays. Selon d'autres le<br />
motif de c<strong>et</strong>te mise à mort était différent: il imposait trop de<br />
corvées aux habitants ou à ses suj<strong>et</strong>s. 31<br />
Mais le sacrifice est loin d'être une pratique propre aux<br />
sociétés archaïques ou traditionnelles, comme le souligne<br />
Meinrad Pierre Hebga, s.j. lorsqu'il réagit aux articles de Claude<br />
28 Cf. PAGES, Un royaume hamite au centre de l'Afrique, Bruxelles, Mémoire de<br />
l'Institut royal colonial, Section sciences morales <strong>et</strong> politiques, 1933, p. 297,<br />
cité par L. de HEVSCH, p. 184.<br />
29 Cf. PAGES, Op. Cit., p. 176.<br />
30 O. MATVNGVLV, Op. Cit., pp. 101-102.<br />
31 Ibid.<br />
71
con<strong>du</strong>ire les gens à ce pouvoir est à la base de l'engouement des<br />
jeunes africains vers les pratiques occultes.<br />
4. Conclusion<br />
Pistes pastorales pour ré<strong>du</strong>ire les violences rituelles<br />
Tout au long de c<strong>et</strong> exposé, nous avons pu remarquer que<br />
dans la société traditionnelle en Afrique centrale, le chemin qui<br />
mène au pouvoir est pavé de sang humain, c'est comme qui<br />
dirait: « sans effusion de sang humain, il n'y a pas de pouvoir».<br />
Ceci s'explique par la sacralisation <strong>du</strong> pouvoir.<br />
Il est vrai que le contexte dans lequel se pratique le sacrifice<br />
humain aujourd'hui est différent de celui de la société<br />
archaïque, mais les motivations demeurent les mêmes: quête<br />
inassouvie <strong>du</strong> bien-être, d'une vie pleine, bref d'une volonté de<br />
puissance.<br />
L'élite a la conviction que le christianisme est une religion<br />
des faibles, des personnes naïves, des femmes <strong>et</strong> des enfants, des<br />
dominés, bref des esclaves. Il n'est donc pas indiqué pour ceux<br />
qui veulent devenir meilleurs. Beaucoup sont convaincus que<br />
l'église chrétienne - surtout celle issue des missions - n'offre<br />
pas des réponses aux aspirations profondes de l'homme:<br />
sécurité contre les sorciers, prospérité <strong>et</strong> fusion avec le divin.<br />
L'église n'a pas présenté le message chrétien dans sa profondeur<br />
<strong>et</strong> cela au mépris de la culture africaine; aussi, l'africain n'a été<br />
atteint que d'une façon superficielle. Ce dernier baigne, de la<br />
naissance à la mort, dans un environnement magico-religieux<br />
dont la connaissance <strong>et</strong> la pratique des règles apportent un salut<br />
immédiat; <strong>et</strong> comme dans sa conception <strong>du</strong> temps, il ne<br />
connaît que le passé <strong>et</strong> le présent, il ne peut être satisfait par une<br />
spiritualité chrétienne qui, devant ses besoins existentiels<br />
postule pour l'attente dans la foi. En eff<strong>et</strong>, Mbiti affirme que<br />
l'africain n'a pas la notion <strong>du</strong> futur. Il n'a dans sa pensée que le<br />
futur très proche. C'est pourquoi les notions telles que la<br />
planification, le budg<strong>et</strong> lui sont étrangères. Il a besoin d'une<br />
spiritualité qui s'accompagne d'une démonstration de<br />
puissance. Voila qui justifie son engouement vers les<br />
73
mouvements mystiques, les sociétés secrètes où se pratiquent<br />
parfois les sacrifices humains.<br />
Face à une telle réalité nous proposons à l'église<br />
notamment:<br />
1. D'évangéliser l'élite non atteinte <strong>et</strong> de re-évangéliser en<br />
profondeur l'élite mal atteinte en vue d'une révolution<br />
de mentalité;<br />
2. Développer une éthique chrétienne de l'élite capable<br />
d'aider c<strong>et</strong>te dernière à bien vivre sa foi dans les<br />
domaines <strong>du</strong> politique <strong>et</strong> de l'économie; en créant un<br />
espace dialogique entre l'église <strong>et</strong> l'élite pour mieux<br />
cerner les besoins de c<strong>et</strong>te dernière en vue d'une<br />
pastorale appropriée;<br />
3. De tenir compte dans l'annonce de l'évangile, des<br />
besoins fondamentaux des peuples: libération<br />
politique <strong>et</strong> économique, guérison des malades,<br />
protection contre les sorciers, prospérité matérielle,<br />
problèmes matrimoniaux <strong>et</strong>c., sans négliger les règles<br />
exégétiques;<br />
4. De revaloriser l'usage des symboles tels que: l'eau,<br />
l'huile, sans verser dans l'idolâtrie, dans une Mrique où<br />
tout baigne dans les rites (parole <strong>et</strong> geste) ;<br />
5. D'inventorier les différents rites de nos sociétés pour<br />
détecter les éléments culturels, dont ils seraient chargés<br />
<strong>et</strong> qui pourraient disposer les hommes <strong>et</strong> femmes à la<br />
violence <strong>et</strong> trouver des réponses bibliques à ces<br />
éléments, réponses à codifier dans la catéchèse. Une<br />
révision de la catéchèse, de nos confessions de foi <strong>et</strong> une<br />
inculturation de nos rites s'imposent. De toute façon,<br />
rien ne nous oblige de garder le statu quo;<br />
6. D'impliquer les musiciens <strong>et</strong> dramaturges chrétiens<br />
dans le combat contre la violence rituelle; car la paix<br />
s'impose à la communauté chrétienne à la fois comme<br />
74
identité <strong>et</strong> IllisslOn «Heureux ceux qui procurent la<br />
paix, car ils seront appelés fils de Dieu» (Matthieu 5, 9)<br />
<strong>et</strong> l'apôtre Paul de dire: « Mais le fruit de l'Esprit, c'est<br />
l'amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la<br />
bienveillance, la foi, la douceur, la maîtrise de soi; la loi<br />
n'est pas contre ces choses. » (Galates 5, 22-23) ;<br />
7. De souligner le caractère sacré de la vie car la bible dit:<br />
«Tu ne tueras point» (Exode 20, 13) <strong>et</strong> Jésus Christ<br />
avec son autorité souveraine dit: «Tu aimeras ton<br />
prochain comme toi-même <strong>et</strong> tout ce que vous voulez<br />
que les hommes fassent pour vous, faites-le de même<br />
pour eux, car c'est la loi <strong>et</strong> les prophètes» (Matthieu 22,<br />
39 <strong>et</strong> 7,12).<br />
Nous pensons avoir apporté notre modeste contribution à<br />
c<strong>et</strong>te réflexion commune, nous pouvons <strong>et</strong> devons l'enrichir.<br />
75
L'é<strong>du</strong>cation des enfants pygmées «batwa» en<br />
république démocratique <strong>du</strong> congo: valoriser le<br />
savoir autochtone pourpromouvoirune é<strong>du</strong>cation<br />
citoyenne interculturelIe<br />
Pro A. S. MUNGALA<br />
Professeur Emérite,<br />
Titulaire de la Chaire UNESCO/UNIKIN (RDC)<br />
1. Regards surlasituationgénérale des pygmées en RDC<br />
L'analyse des problèmes liés à la situation des Pygmées en<br />
République Démocratique <strong>du</strong> Congo, en termes de déni, d'abus<br />
<strong>et</strong> de violation des droits, perm<strong>et</strong> de r<strong>et</strong>enir quatre axes<br />
principaux qui peuvent constituer des défis majeurs dans<br />
l'émancipation des Pygmées <strong>et</strong> leur intégration au processus de<br />
construction <strong>et</strong> de refondation de la société.<br />
Il s'agit de :<br />
• la discrimination;<br />
• la pauvr<strong>et</strong>é;<br />
• l'é<strong>du</strong>cation jformation;<br />
• la participation.<br />
a) Le défi de la discrimination<br />
Comme cela a été souligné précédemment, la discrimination<br />
constitue un défi majeur dans la recherche de l'amélioration des<br />
conditions de vie des Pygmées <strong>et</strong> de leur insertion sociale<br />
comme citoyens à part entière.<br />
C<strong>et</strong>te discrimination, revêt principalement trois formes: les<br />
stéréotypes négatifs, le déni des droits <strong>et</strong> la ségrégation.<br />
Les stéréotypes négatifs présentent les Pygmées comme des<br />
<strong>sous</strong>-hommes, des sauvages. Les attitudes de mépris à l'égard<br />
des Pygmées <strong>sous</strong>-tendent des comportements quasi-racistes.<br />
77
La stigmatisation constitue aussi une forme de<br />
discrimination. Elle est accentuée par les injures <strong>et</strong> le manque<br />
de considération dont les Pygmées sont constamment victimes.<br />
Les droits des Pygmées en tant qu'êtres humains jouissant<br />
des mêmes prérogatives ne leur sont pas reconnus.<br />
Le déni des droits entraîne la non reconnaissance juridique<br />
des Pygmées: droit à la reconnaissance de leur égalité, droit à la<br />
justice, droit aux soins de santé, à l'é<strong>du</strong>cation, à l'emploi, droit<br />
de déterminer son propre avenir, droits fonciers,...<br />
Les Pygmées font l'obj<strong>et</strong> de la ségrégation, matérialisée par<br />
plusieurs interdits sociaux à travers tout le pays, notamment:<br />
mariage mixte interdit avec les Bantu, repas mixte interdit,<br />
villages séparés, puits d'eau séparés...<br />
b) Le défi de la pauvr<strong>et</strong>é<br />
Presque tous les Pygmées disséminés en RDC vivent dans<br />
une pauvr<strong>et</strong>é extrême. Ils ne disposent pas d'un logement<br />
décent, n'ont presque pas accès aux soins de santé, à l'eau<br />
potable, à une alimentation équilibrée, aux bienfaits de la<br />
technologie moderne (transport, communication,<br />
informations,...) .<br />
Les conditions infra humaines dans lesquelles ils vivent<br />
ré<strong>du</strong>isent leur espérance de vie <strong>et</strong> les exposent aux maladies de<br />
tous ordres. Il faut noter que c<strong>et</strong>te situation est <strong>du</strong>e également à<br />
l'irresponsabilité des Pygmées eux-mêmes qui semblent<br />
réfractaires au processus de changement <strong>et</strong>, de ce fait,<br />
accentuent leur vulnérabilité.<br />
Actuellement, la pauvr<strong>et</strong>é des autochtones Pygmées est<br />
aggravée par l'absence des moyens de pro<strong>du</strong>ction <strong>et</strong><br />
particulièrement <strong>du</strong> fait qu'ils ne disposent pas de terres pour<br />
exploiter.<br />
Bien plus, les Pygmées connaissent des perturbations liées à<br />
la destruction des écosystèmes forestiers. Ce qui fragilise leur<br />
vie <strong>et</strong> leur existence en tant que peuples de la forêt.<br />
78
La structure des activités économiques développées par les<br />
Pygmées ne leur perm<strong>et</strong> pas de faire face à certains besoins<br />
vitaux. L'inexistence des programmes spécifiques de<br />
renforcement de leur pouvoir économique est à déplorer.<br />
L'esprit d'entreprise est absent autant que la culture<br />
coopérative <strong>et</strong> associative. La maîtrise des règles <strong>du</strong> marché est<br />
presque nulle. L'économie de subsistance qu'ils pratiquaient est<br />
par ailleurs mise à l'épreuve à cause des problèmes de gestion<br />
des terres.<br />
c) Le défi de l'é<strong>du</strong>cation/formation<br />
L'é<strong>du</strong>cation <strong>et</strong> la formation des Pygmées constituent aussi<br />
un problème fondamental. Le taux d'analphabétisme des<br />
Pygmées est très élevé, près de 95%. L'accès à un niveau<br />
acceptable de vie passe par l'é<strong>du</strong>cation <strong>et</strong> la formation. Les<br />
Pygmées ont accumulé un r<strong>et</strong>ard qu'il n'est pas possible de<br />
rattraper en peu de temps. Leur implication dans la vie sociale,<br />
politique <strong>et</strong> économique, dans ce monde en pleine<br />
globalisation, est quasi nulle.<br />
Sans é<strong>du</strong>cation ni formation adaptées aux besoins<br />
spécifiques de développement <strong>et</strong> d'épanouissement des<br />
Pygmées, il n'existe pas d'espoir de les voir émerger <strong>et</strong> participer<br />
aux grands enjeux nationaux <strong>et</strong> internationaux.<br />
d) Le défi de la participation citoyenne<br />
Au regard des comportements, attitudes <strong>et</strong> pratiques actuels,<br />
il est constant de noter, à travers l'ensemble <strong>du</strong> pays, que les<br />
Pygmées ne sont pas reconnus, dans la pratique, comme des<br />
citoyens à part entière. Le peu de souci <strong>et</strong> d'attention en rapport<br />
avec leur participation dans le circuit de prise de décision au<br />
niveau local <strong>et</strong> national constitue une attitude peu promotrice<br />
des droits des populations autochtones pygmées.<br />
L'implication des Pygmées dans le processus de participation<br />
citoyenne à la vie politique en République Démocratique <strong>du</strong><br />
Congo rencontre plusieurs obstacles. Dans la mesure où la<br />
79
culture politique est connectée à la dynamique de la modernité,<br />
l'état d'insertion des Pygmées dans c<strong>et</strong>te dynamique reste<br />
embryonnaire. Dans la plupart des campements <strong>et</strong> villages<br />
pygmées, les rapports d'enquête révèlent que le concept 'droits<br />
de l'homme' est simplement étrange.<br />
La prise de conscience participative au niveau <strong>du</strong> processus<br />
politique en vue de la promotion de la dignité humaine<br />
intégrale des populations autochtones pygmées semble, à tous<br />
les niveaux, lacunaire.<br />
La non participation des Pygmées à la gestion de la chose<br />
publique, tant dans les entités administratives décentralisées<br />
locales que dans les échelons provincial <strong>et</strong> national, démontre<br />
qu'un travail de mobilisation s'impose. A l'heure actuelle <strong>et</strong><br />
d'après les données de l'enqUête, confirmées par la littérature<br />
existante, ce travail d'accompagnement <strong>et</strong> de mobilisation<br />
risque de se buter à quatre facteurs défavorables <strong>et</strong> limitants :<br />
l'analphabétisme <strong>et</strong> l'ill<strong>et</strong>trisme;<br />
la grande mobilité des Pygmées qui, bien qu'ayant<br />
amorcé la <strong>du</strong>re expérience de leur sédentarisation,<br />
s'absentent pour de longs séjours en forêt;<br />
l'ascendant des Bantu qui utilisent les Pygmées à des<br />
fins politiques personnelles, sans que ces derniers<br />
maîtrisent les enjeux en présence;<br />
l'absence d'une réelle prise en compte par l'Etat des<br />
valeurs socioculturelles propres aux Pygmées <strong>et</strong> qui ne<br />
peuvent pas influencer l'émergence d'un nouvel ordre<br />
politique chez ces derniers.<br />
2. Etat des lieux de l'é<strong>du</strong>cation <strong>et</strong> de la formation des pygmées<br />
enRDC<br />
L'examen de la situation des Pygmées en RDC démontre que<br />
l'analphabétisme est le lot de la grande majorité des<br />
populations autochtones pygmées. Selon les estimations, plus<br />
de 95% des Pygmées ne savent ni lire, ni écrire, ni compter <strong>et</strong><br />
80
Malgré les pesanteurs relevées ci-dessus, quelques efforts<br />
sont fournis pour la scolarisation des enfants Pygmées. A ce<br />
jour, en plus des écoles officielles qui sont fréquentées par les<br />
enfants Pygmées, des écoles spécifiques sont organisées en leur<br />
faveur.<br />
Le Diocèse de Wamba au Nord Est de la RDC a développé un<br />
programme de formation <strong>et</strong> d'é<strong>du</strong>cation des enfants pygmées<br />
dans ilne approche intégrant les capacités <strong>et</strong> les savoirs<br />
autochtones. C<strong>et</strong>te expérience est menée avec l'appui des prêtres<br />
combonniens.<br />
Dans l'ensemble, pour la scolarisation <strong>et</strong> l'alphabétisation,<br />
la prise en charge scolaire pour inciter les enfants pygmées à<br />
l'école, l'accompagnement en vue de ré<strong>du</strong>ire la déperdition<br />
scolaire ont été menées ça <strong>et</strong> là par les organisations d'appui;<br />
quelques efforts d'alphabétisation ont été déployés; il ne s'agit<br />
pas d'un travail professionnel d'é<strong>du</strong>cation des Pygmées adaptée<br />
à leurs besoins, situation <strong>et</strong> psychologie. Toutefois, il est noté<br />
que parmi les Pygmées, l'on compte actuellement quelques<br />
universitaires, un bon nombre qui a terminé les études<br />
secondaires <strong>et</strong> plusieurs enfants scolarisés au niveau primaire.<br />
L'action menée recèle des forces <strong>et</strong> des faiblesses'<br />
FORCES FAIBLESSES<br />
* Processus de sédentarisation; * Inadéquation des programmes <strong>et</strong><br />
* Existence des écoles partout dans politiques scolaires;<br />
le pays; * Coût élevé des frais scolaires;<br />
* Capacités intellectuelles * Non application des lois<br />
reconnues des Pygmées; internationales <strong>et</strong> nationales en<br />
* Organisation des activités matière d'é<strong>du</strong>cation;<br />
d'alphabétisation; * Inadéquation des calendriers<br />
* Présence des Pygmées instruits scolaires;<br />
dans les milieux ; * Absence de<br />
* Appui financier régulier des professionnalisation ;<br />
organisations aux jeunes Pygmées; * Forte déperdition scolaire à tous<br />
* Distribution régulière des les niveaux ;<br />
intrants scolaires aux jeunes<br />
pygmées.<br />
* Nomadisme.<br />
82
3. Stratégies de promotion de l'é<strong>du</strong>cation <strong>et</strong> de la formation<br />
pour les pygmées<br />
L'analyse des interventions menées dans le domaine de la<br />
formation ainsi que l'évaluation de l'impact de ces actions a<br />
démontré que les Pygmées souffrent d'un analphabétisme<br />
chronique <strong>et</strong> de l'ill<strong>et</strong>trisme. En tenant compte des forces <strong>et</strong> des<br />
faiblesses des actions qui ont été étayées, le secteur de<br />
l'é<strong>du</strong>cation <strong>et</strong>/ou de la formation doit devenir un secteur<br />
prioritaire qui doit catalyser l'ensemble <strong>du</strong> processus<br />
d'intégration des populations pygmées.<br />
Pour cela, il est indispensable que les mesures concrètes de<br />
réajustement des politiques <strong>et</strong> des interventions en c<strong>et</strong>te matière<br />
soient mises en œuvre:<br />
a) Le pouvoir public, en synergie avec les autres intervenants<br />
sociaux <strong>et</strong> avec l'appui de l'UNESCO, doit se pencher sur la mise<br />
en œuvre des politiques <strong>et</strong> des programmes scolaires spécifiques<br />
en faveur des autochtones Pygmées. Ils doivent prendre en<br />
compte la révision des limites d'âge d'inscription, la gratuité des<br />
frais scolaires, une orientation spéciale pour enfant pygmée, des<br />
cycles spéciaux d'observation.<br />
b) Le pouvoir public <strong>et</strong> tous les intervenants <strong>du</strong> secteur de<br />
l'é<strong>du</strong>cation doivent m<strong>et</strong>tre sur pied des techniques de sé<strong>du</strong>ction<br />
<strong>et</strong> d'incitation des Pygmées à l'école. Pour cela, en plus des<br />
facilités r<strong>et</strong>enues au point précédent, il peut être envisagé un<br />
système de bourses spéciales, de prise en charge totale,<br />
d'accompagnement économique des familles en faveur des<br />
enfants pygmées qui font preuve d'assi<strong>du</strong>ité scolaire <strong>et</strong> de dons<br />
intellectuels incontestables. Des colonies de vacances en vue<br />
d'échanges <strong>et</strong> de mise à niveau des Pygmées pourrait perm<strong>et</strong>tre<br />
aux enfants pygmées de sortir de leurs milieux <strong>et</strong> de s'ouvrir à<br />
d'autres.<br />
c) Pour pallier le nomadisme <strong>et</strong> adapter l'école à leur mode de vie,<br />
il est nécessaire d'envisager la création des écoles ou leur<br />
rapprochement dans les villages <strong>et</strong> campements. Dans le même<br />
83
contexte, il serait envisageable d'élaborer des cycles d'études <strong>et</strong><br />
des calendriers scolaires qui tiennent compte de leur cycle de<br />
vie.<br />
d) Un soutien aux initiatives endogènes en matière de scolarisation<br />
serait aussi un stimulant pour les autochtones de la part des<br />
intervenants <strong>du</strong> secteur. Dans ce cadre, il est indispensable de<br />
soutenir quelques initiatives scolaires des associations des<br />
Pygmées ou de leurs leaders.<br />
e) Compte tenu de leurs modes de vie, il faudrait développer<br />
prioritairement la formation professionnelle. Celle-ci devrait se<br />
focaliser sur les besoins prioritaires des Pygmées <strong>et</strong> intégrer le<br />
vol<strong>et</strong> générateur de revenus <strong>et</strong> d'emplois.<br />
f) Concrètement, une formation professionnelle dans les<br />
domaines de la charpenterie, de la menuiserie, de la<br />
maçonnerie, de la conservation <strong>et</strong> de la transformation des<br />
pro<strong>du</strong>its d'origine végétale <strong>et</strong> animale, serait appropriée <strong>et</strong><br />
intéressante à développer.<br />
g) Connaissant aussi les qualités des Pygmées dans l'utilisation des<br />
plantes <strong>et</strong> pro<strong>du</strong>its contenant des principes actifs pour le<br />
traitement de certaines maladies, une formation axée sur la<br />
rationalisation des pratiques de la médecine traditionnelle<br />
pourrait être expérimentée.<br />
h) Les atouts culturels des Pygmées peuvent suggérer une<br />
formation en arts plastiques <strong>et</strong> chorégraphiques.<br />
i) Une action d'alphabétisation devrait être généralisée. Une<br />
option pour l'alphabétisation fonctionnelle serait préférentielle<br />
pour résorber le r<strong>et</strong>ard accumulé dans les milieux pygmées.<br />
j) Dans le souci de répondre à l'urgence de l'E<strong>du</strong>cation pour tous<br />
d'ici l'an 2015, tel que recommandée par l'UNESCO, il est urgent<br />
que soit envisagé en définitive la création d'une Ecole<br />
Internationale pour l'Emancipation des Pygmées, comme cadre de<br />
conception <strong>et</strong> de coordination pour la mise en route des<br />
84
l'impossibilité de disposer des terres accroissent la vulnérabilité<br />
des populations Pygmées.<br />
Dans la société congolaise d'aujourd'hui, il existe des repères<br />
<strong>et</strong> des fondements historiques, culturels <strong>et</strong> sociaux qui <strong>sous</strong>tendent<br />
l'absence des Pygmées sur la place publique. Le combat<br />
pour la jouissance des libertés <strong>et</strong> des droits fondamentaux par<br />
les Pygmées prend de plus en plus l'allure des confrontations<br />
avec les autres populations de la République Démocratique <strong>du</strong><br />
Congo.<br />
Dans l'approche de la dynamisation <strong>et</strong> de l'émancipation des<br />
Pygmées, il est indispensable que ces derniers soient eux-mêmes<br />
au centre de l'action. Aujourd'hui, il est temps que les<br />
politiques <strong>et</strong> les pratiques d'accompagnement des Pygmées<br />
soient orientées vers une participation qualitative des Pygmées<br />
eux-mêmes. L'appropriation de leur développement reste un<br />
gage pour la réussite. Les pesanteurs culturelles, psychologiques<br />
<strong>et</strong> mentales, qui sont encore perceptibles, sont à démonter grâce<br />
à une action de sensibilisation <strong>et</strong> de conseientisation.<br />
C'est dans ce cadre que l'UNESCO finance depuis l'année<br />
2003, à travers la chaire UNESCO pour la culture de la paix, le<br />
règlement des conflits, les droits de l'homme, la démocratie <strong>et</strong> la<br />
bonne gouvernance en Mrique centrale <strong>et</strong> dans les pays de la<br />
SADC, des recherches <strong>et</strong> des forums pour aider à la<br />
compréhension de la question des Pygmées en vue de stimuler<br />
des mécanismes d'intégration <strong>et</strong> d'émancipation de ces<br />
populations marginalisées.<br />
A ce jour, aucune action ne semble avoir eu un impact<br />
significatif car les Pygmées vivent encore dans une pauvr<strong>et</strong>é<br />
chronique avec un taux d'analphabétisme de 95% <strong>et</strong> de presque<br />
100% de non-participation citoyenne à la gestion publique.<br />
C'est pourquoi, il s'avère urgent que des efforts soient<br />
déployés dans les domaines prioritaires d'é<strong>du</strong>cation, de qualité<br />
de la vie <strong>et</strong> lutte contre la pauvr<strong>et</strong>é, de promotion <strong>et</strong> protection<br />
des droits humains, de gestion de la forêt, de l'intégration<br />
86
politique <strong>et</strong> citoyenne, comme voies d'avenir pour<br />
l'émancipation des Pygmées.<br />
Dans le sens des efforts à mener <strong>et</strong> pour rencontrer les<br />
préoccupations de l'UNESCO dans son programme de<br />
l'E<strong>du</strong>cation pour tous d'ici l'an 2015, il est nécessaire de soutenir le<br />
proj<strong>et</strong> de création d'une Ecole Internationale pour l'Emancipation<br />
des Pygmées en vue de coordonner <strong>et</strong> concevoir des programmes<br />
<strong>et</strong> pro<strong>du</strong>ire des supports d'é<strong>du</strong>cation <strong>et</strong> de formation adaptés<br />
aux besoins d'émancipation des Pygmées.<br />
Comment rendre aux Pygmées leur citoyenn<strong>et</strong>é <strong>et</strong> leur<br />
humanité dans ce monde en mutation? L'é<strong>du</strong>cation <strong>et</strong> la<br />
formation apparaissent comme la piste par excellence pour<br />
l'intégration des populations pygmées. C'est la passerelle pour<br />
résoudre la question de la citoyenn<strong>et</strong>é pour ce peuple<br />
marginalisé. Tenir compte de leurs capacités <strong>et</strong> de leurs savoirs<br />
pour promouvoir une citoyenn<strong>et</strong>é interculturelle.<br />
Exemple d'encadrement des enfants à Wamba<br />
Les Enfants pygmées abandonnés à eux-mêmes, n'ont<br />
jamais persévérés aux Ecoles Publiques, pendant une année<br />
entière! D'ailleurs leur situation (manque d'habits,<br />
mobilité à cause des danses <strong>et</strong> autre ...) les place dans un<br />
état d'infériorité <strong>et</strong> de peu de réussite, donc facilement ils<br />
subissent le mépris des autres élèves bantous: cela empêche<br />
leur avancement.<br />
En plus la mobilité <strong>du</strong> groupe poür les danses, ou en<br />
particulier pendant la saison sèche <strong>et</strong> la pétiode de la<br />
recherche <strong>du</strong> miel en forêt, rend les campements pygmées<br />
vides!<br />
Quelle méthodologie? Serait-il possible une «attention»<br />
particulière des Institutions gouvernementales à la<br />
situation « spéciale» de ce Peuple des Pygmées?<br />
Avoir des PERIODES ET PROGRAMMES scolaires<br />
« adaptés» à leur mode de vie, serait l'idéal; mais comment<br />
assurer le bon «fonctionnement » de ces « Ecoles<br />
Particulières» pour les Pygmées dans un Etat qui n'assure<br />
87
même pas encore l'Ecole pour tous les autres enfants ??l Et<br />
encore: en restant « seuls », est-ce que les pygmées ne<br />
resteraient-ils pas un groupe humain toujours « aux<br />
marges» de la société, enfonçant encore plus leur<br />
marginalisation ?<br />
S'INTEGRER SANS PERDRE ses propres bonnes qualités,<br />
voilà le défi à m<strong>et</strong>tre en actualisation en RD Congo!<br />
Ces difficultés nous ont poussé à la recherche d'autres<br />
tentatives/solutions:<br />
Au Cameroun il existe une METHODE appelée O.R.A.<br />
(Observer - Réfléchir - Agir) qui intro<strong>du</strong>it progressivement<br />
les enfants pygmées aux Ecoles Publiques.<br />
La Méthode est très moderne: elle veut rendre l'élève<br />
pygmée ACTIF, prenant de sa culture <strong>et</strong> de sa vie. Par des<br />
images tirées de son milieu, l'enfant est invité à Observer,<br />
ensuite à s'exprimer en langue maternelle pour finir au<br />
« français » (le maître suivant les indications <strong>du</strong><br />
MANUEL !), dès le début d'aRA 1.<br />
La deuxième année est plus riche: suivant une phrase-clef,<br />
accompagnée d'un dessin, l'élève découvre la « l<strong>et</strong>tre », est<br />
appelé à la Rechercher en d'autres mots <strong>et</strong> dessins, <strong>et</strong> il est<br />
intro<strong>du</strong>it à l'employer ... Ensuite il passera à apprendre la<br />
façon de l'écrire correctement <strong>et</strong> la placer dans un cahier en<br />
bonne forme. Les Branches d'enseignement sont limités à<br />
LECTURE - ECRITURE - CALCUL (Manuels pour le<br />
Maître/Livr<strong>et</strong>s pour les élèves).<br />
Avec aRA 2 nous complétons le Programme de la première<br />
année officielle. En aRA 3 (la troisième année, pour les<br />
pygmées) nous suivons le Programme National de la<br />
deuxième année, avec quelque particularité pédagogique.<br />
Donc pour les enfants pygmées, pendant trois ans, nous<br />
complétons les Programmes de deux classes (publiques).<br />
En troisième année, les élèves pygmées suivront les cours<br />
comme dans toutes les Ecoles Primaires Publiques <strong>et</strong> selon<br />
leurs Programmes, déjà bien préparés <strong>et</strong> souvent beaucoup<br />
plus que les autres 1<br />
Nota Bene: dès ORAl, les enfants pygmées vivent en classe<br />
ENSEMBLE aux autres élèves bantous, pour créer la<br />
88
fraternité <strong>et</strong> le respect dès l'enfance, bien que, pour mieux<br />
les faciliter, les pygmées sont majoritaires au début.<br />
Dommage! En RD Congo il n'existe pas encore une<br />
politique au service de l'E<strong>du</strong>cation <strong>et</strong> ce sont les parents qui<br />
doivent assurer le salaire des enseignants <strong>et</strong> la viabilité des<br />
ETS scolaires <strong>et</strong> leur fonctionnement.<br />
Cela nous a obligés à prendre en charge la gestion des<br />
classes au service des enfants pygmées <strong>et</strong> bantous, de nos<br />
Directions Scolaires, éparpillées dans la forêt profonde, où<br />
tous les habitants n'ont jamais bénéficié de l'E<strong>du</strong>cation<br />
scolaire 1 Sont les Pygmées qui ont donné à tous la<br />
possibilité de l'Ecole 1<br />
En eff<strong>et</strong>, c<strong>et</strong>te année 2004/05, nous avons à notre soin, la<br />
responsabilité de bien 285 classes primaires (ORA <strong>et</strong><br />
suivantes), distribuées en 21 Directions Scolaires, avec un<br />
total de plus de 5.000 élèves pygmées (3.000 garçons <strong>et</strong> 2.000<br />
filles environ) ensemble à 2.600 élèves bantous ...<br />
C'est un grand devis, qui nous dépasse, pourvoir aux<br />
salaires d'environ 300 enseignants <strong>et</strong> en plus à la prime des<br />
ANIMATEURS des campements pygmées, indispensables<br />
pour le bon fonctionnement des activités <strong>du</strong> PROJET<br />
PYGMEES WAMBA.<br />
Père Franco, Pastorale diocésaine des<br />
Pygmées Wamba, Province Orientale,<br />
RDC<br />
89
Les outils utilisés <strong>et</strong> utilisables par les confessions<br />
religieuses <strong>et</strong> les associations initiatiques dans la<br />
lutte contre les crimes rituels enMrique centrale<br />
Cheik Oumarou DJIBRIL MALAM DJIBRIL,<br />
Vice-Président <strong>du</strong> Conseil Supérieur Islamique <strong>du</strong> Cameroun<br />
AU NOM D'ALLAH, CLEMENT, MISERICORDIEUX<br />
Contribution au colloque "causes <strong>et</strong> moyens de prévention<br />
des crimes rituels <strong>et</strong> des conflits en Afrique Centrale" à<br />
LIBREVILLE au Bureau Sous Régional de l'UNESCO <strong>du</strong> 19 au<br />
20 Juill<strong>et</strong> 2005. Allocution de Cheikh Oumarou Mal4m<br />
Djibring, Vice-Président <strong>du</strong> Conseil Supérieur Islamique <strong>du</strong><br />
Cameroun.<br />
Au nom d'ALLAH, Clément, Miséricordieux. Toutes les<br />
louanges, tous les remerciements sont <strong>du</strong>s à ALLAH, Maître des<br />
mondes, le Miséricordieux, qui a enseigné le Coran. Il a créé<br />
l'homme. Il lui a appris à s'exprimer clairement. Salut <strong>et</strong><br />
bénédiction d'ALLAH sur son noble messager notre guide<br />
MOHAMMAD, <strong>et</strong> sur tous ses frères parmi les prophètes <strong>et</strong> les<br />
messagers, ainsi que sur leurs familles <strong>et</strong> sur tous leurs<br />
compagnons jusqu'au jour <strong>du</strong> jugement dernier, de la<br />
Rétribution des oeuvres.<br />
Que la paix, la miséricorde <strong>et</strong> les bénédictions d'ALLAH, le<br />
très haut soient sur vous tous.<br />
Nous remercions, l'Organisation des Nations-Unies pour<br />
l'E<strong>du</strong>cation, la Science <strong>et</strong> la Culture à travers son Représentant<br />
ici au GABON, M. Makhily Gassama, pour nous avoir invités à<br />
ce <strong>Colloque</strong>.<br />
Notre intervention porte sur le Sous Thème n°4 intitulé: «les<br />
outils utilisés <strong>et</strong> utilisables par les confessions religieuses <strong>et</strong> les<br />
91
associations initiatiques dans la lutte contre les crimes rituels<br />
en Afrique Centrale».<br />
En ce qui concerne les confessions religieuses <strong>et</strong> l'islam en<br />
particulier, c'est la sensibilisation des masses, des fidèles, des<br />
populations à travers les prêches, les informations, dans la lutte<br />
contre les crimes rituels dans notre Sous-Région.<br />
L'islam, de part sa signification est la Religion de la paix.<br />
L'un des sublimes noms de Dieu, est Assalam, le Pacifique par<br />
excellence, la prière commence par la proclamation de la<br />
grandeur divine Allahou Akbar (ALLAH, seul est grand <strong>et</strong> se<br />
termine par la désacralisation, Assalamou Alaikoum Wa<br />
Rahmatoullah qui signifie que la paix <strong>et</strong> la Miséricorde<br />
d'ALLAH soient sur vous. La salutation Islamique est synonyme<br />
de paix <strong>et</strong> l'un des noms <strong>du</strong> paradis dans lequel tout croyant<br />
aspire à pénétrer est DAROUSSALAM, la Demeure di la paix.<br />
Ainsi, ALLAH, le Souverain Maître de l'Univers a créé les<br />
cieux, la terre <strong>et</strong> tout ce qu'il y a entre les deux <strong>et</strong> enfin a créé<br />
l'homme, qui a été ennobli par Dieu, <strong>et</strong> l'a placé sur la terre<br />
pour adorer Dieu <strong>et</strong> la m<strong>et</strong>tre en valeur.<br />
Ici, ALLAH, le très haut a dit dans son livre saint, Sourate 17,<br />
vers<strong>et</strong> 70: «Certes, Nous avons honoré les fils d'ADAM. Nous les<br />
avons transportés sur terre <strong>et</strong> mer, leur avons attribué de<br />
bonnes choses comme nourriture, <strong>et</strong> nous les avons n<strong>et</strong>tement<br />
préférés à plusieurs de nos créatures; »<br />
Dieu le Magnifique, que sa grandeur soit exaltée, a créé la vie<br />
<strong>et</strong> l'a ren<strong>du</strong>e sacrée. Nul n'a le droit d'ôter c<strong>et</strong>te vie en faisant<br />
périr les êtres humains.<br />
Le premier meurtre commis par l'être humain sur la terre a<br />
été perpétré par CAIN sur son frère ABEL. Par voie de<br />
conséquence, l'acte de tuer, d'ôter la vie d'un homme est<br />
formellement interdite Ici ALLAH, le très Glorifié, Maître de<br />
tout ce qui existe, de ce que nous voyons <strong>et</strong> de ce que nous ne<br />
92
voyons pas nous interpelle dans son noble Coran Sourate 4<br />
vers<strong>et</strong>: 93: « Quiconque tue intentionnellement un croyant sa<br />
rétribution sera l'enferpoury demeurer éternellement. »<br />
Dans un autre chapitre, Sourate 5, vers<strong>et</strong> 32:<br />
«C'est pourquoi nous avons prescrit pour les enfants d'Israël que<br />
quiconque tuerait une personne non coupable d'un meurtre ou d'une<br />
corruption sur la terre, c'est comme s'il avait tué tous les hommes. Et<br />
quiconque lui fait don de la vie, c'est comme s'il faisait don de la vie à<br />
tous les hommes».<br />
Ceci nous montre clairement que la vie est sacrée. Il faut la<br />
préserver pour la pérennité de l'espèce humaine <strong>et</strong> pour la mise<br />
en valeur de la terre, ainsi que pour l'impulsion <strong>et</strong> le<br />
développement économique, Social <strong>et</strong> culturel de nos pays en<br />
voie d'émergence, en particulier ceux de l'Afrique Centrale.<br />
L'Homme est le Capital le plus précieux pour le progrès de<br />
nos pays. Il doit être protégé avant sa naissance, pendant <strong>et</strong><br />
après sa vie sur terre. Un pays ne peut se développer s'il n'a pas<br />
une population nombreuse, des bras solides, des hommes sains,<br />
pro<strong>du</strong>cteurs <strong>et</strong> soucieux <strong>du</strong> bien- être <strong>et</strong> de l'évolution de leur<br />
patrie.<br />
Ce genre de rencontre vient à point nommé. C'est le lieu ici<br />
pour nous de remercier d'abord, ALLAH, le Clairvoyant,<br />
l'Omnipotent qui nous a réunis tous ici, aussi, nos<br />
remerciements vont à l'endroit <strong>du</strong> peuple frère <strong>du</strong> GABON qui<br />
nous accueille chaleureusement, ainsi que son illustre Chef,<br />
S.E.EI Hadj Omar Bongo Ondimba. Nous exprimons notre joie<br />
<strong>et</strong> notre gratitude à l'endroit de S.E Makhily Gassama,<br />
Représentant de l'UNESCO ici présent.<br />
Les confessions religieuses doivent oeuvrer la main dans la<br />
main pour le respect de la personne humaine de sa vie <strong>et</strong> de bien<br />
être social. Ceci en favorisant le dialogue constant, l'entente<br />
mutuelle <strong>et</strong> la préservation de la paix. C'est le lieu une fois de<br />
93
plus de remercier les chefs d'Etat d'Afrique Centrale qui se<br />
concertent <strong>et</strong> qui ont mis en place des mécanismes <strong>du</strong> maintien<br />
de la paix.<br />
Du haut de c<strong>et</strong>te tribune, nous lançons un vibrant appel à<br />
tous les hommes de bonne volonté de propager la paix<br />
quotidiennement. La vie étant ce que l'homme a de plus cher, il<br />
faut la préserver.<br />
Dans notre propos liminaire, nous avons défini l'islam<br />
comme étant synonyme de paix. Le monde d'aujourd'hui avec<br />
ses multiples conflits, troublé qu'il est, a besoin d'une paix<br />
permanente <strong>et</strong> <strong>du</strong>rable. Nous devons nous aimer les uns, les<br />
autres comme nous le commandent les Saintes Ecritures. En<br />
nous y référant comme par exemple dans la Bible, dans ses dix<br />
commandements adressés à Moïse <strong>et</strong> à travers lui, à l'humanité<br />
toute entière, Dieu a dit « Tu ne tueras point ».<br />
Ce sont ces hautes valeurs qu'il faut appliquer pour que<br />
l'humanité vive en paix <strong>et</strong> en harmonie.<br />
Un appel est adressé aux Associations initiatiques de mener<br />
à bien la lutte contre les crimes rituels en Afrique Centrale.<br />
L'être humain doit constamment se rappeler qu'il a été créé<br />
par Dieu <strong>et</strong> qu'il doit lui obéir. Il doit éviter les conflits;<br />
protéger la vie. L'Homme a fabriqué des armes destructrices<br />
qu'il s'en sert pour éliminer ses semblables. Il doit revenir à la<br />
raison, à la paix.<br />
Nous allons terminer notre propos en citant un Hadith<br />
(parole <strong>du</strong> Prophète) <strong>du</strong> Messager de Dieu, en la personne de<br />
Mohammad fils d'abdallah, (Paix <strong>et</strong> bénédiction d'ALLAH sur<br />
lui) qui nous a appris ceci: « Ceux qui ont pitié des autres, le<br />
Miséricordieux aura pitié d'eux. Ayez pitié de ceux qui sont sur<br />
la terre, <strong>et</strong> celui qui est au ciel aura pitié de vous.<br />
94
2. <strong>Causes</strong> des conflits enMrique centrale<br />
L'actualité des pays d'Afrique centrale de ces deux dernières<br />
décennies reste fortement dominée par des conflits armés.<br />
L'Angola, le Centrafrique, les deux Con,go, le Tchad ont été tour<br />
à rour secoués par des conflits armés ayant occasionnés des<br />
pertes en vies humaines <strong>et</strong> des destructions matérielles difficiles<br />
à évaluer aujourd'hui.<br />
Quelles peuvent en être les causes ? En eff<strong>et</strong>, les causes <strong>du</strong><br />
déclenchement des conflits armés sont de plusieurs ordres dont<br />
principalement deux: endogènes <strong>et</strong> exogènes.<br />
2.1. <strong>Causes</strong> endogènes<br />
Il est important de noter que la structure sociale de la<br />
plupart des pays de l'Afrique Centrale repose sur un fondement<br />
clanique, <strong>et</strong>hnique ou tribal constituant des micros Etats. La<br />
formation des partis politiques <strong>et</strong> des associations obéit à c<strong>et</strong>te<br />
logique. Ceux qui ont la possibilité de con<strong>du</strong>ire les destinées des<br />
nations recrutent leurs collaborateurs assez souvent parmi les<br />
éléments <strong>du</strong> clan, de la tribu ou de la province pour mieux<br />
sauvegarder leurs acquis; parfois au détriment de l'équité, de<br />
l'efficacité <strong>et</strong> de l'excellence.<br />
C'est à peine que la sphère clanique ou <strong>et</strong>hnique est franchie<br />
pour rechercher des éléments issus d'autres <strong>et</strong>hnies <strong>et</strong><br />
provinces mais toujours dans le but de consolider la pensée <strong>et</strong><br />
l'action des familles politiques dirigeantes. Et tous ceux qui ne<br />
font pas partie des clans ou des <strong>et</strong>hnies au pouvoir ou qui s'y<br />
opposent sont à l'avance catalogués, cernés <strong>et</strong> traités comme<br />
des cibles à combattre. C'est là que naissent la méfiance <strong>et</strong> la<br />
confrontation verbale puis violente.<br />
Une autre cause est à rechercher dans la répartition inégale<br />
des ressources naturelles opposant l'écrasante majorité des<br />
populations soumises à la souffrance face à des infimes<br />
minorités sociales, propriétaires ou gestionnaires de ces<br />
ressources. La non répartition équitable des richesses crée des<br />
96
frustrations, des mécontentements, des remous qui se<br />
terminent par des conflits ouverts ou latents.<br />
Ensuite, le faible degré <strong>du</strong> sentiment patriotique ne perm<strong>et</strong><br />
pas à plusieurs citoyens de saisir la nécessité d'aimer leur pays,<br />
leur peuple <strong>et</strong> d'œuvrer de façon à garantir le strict minimum<br />
vital indispensable à tous : infrastructures <strong>et</strong> moyens de<br />
communication pour la libre circulation des populations <strong>et</strong><br />
des biens, structures scolaires, universitaires, sanitaires viables,<br />
création d'emplois à tous sans aucune discrimination... Sont<br />
autant des motifs qui susciteraient la conscience de chaque<br />
citoyen quel que soit le rang social occupé. Le manque de<br />
patriotisme donne l'occasion à chacun de mal se con<strong>du</strong>ire au<br />
préjudice de tous.<br />
Ainsi, à l'exception de rares pays, les peuples de l'Afrique<br />
Centrale croupissent dans la misère <strong>et</strong> la paupérisation qui ne se<br />
justifient plus dans un univers orienté vers la mondialisation.<br />
Le taux de chômage n'est même pas encore maîtrisé <strong>et</strong> nos<br />
sociétés sont désoeuvrées à telle enseigne que les aventures<br />
guerrières trouvent une abondante main d'œuvre droguée,<br />
armée <strong>et</strong> abusée.<br />
2.2. <strong>Causes</strong> exogènes<br />
Comme les autres Continents <strong>du</strong> Sud, l'Afrique est l'une des<br />
parties <strong>du</strong> monde les plus convoitées à cause des richesses <strong>du</strong><br />
sol <strong>et</strong> <strong>du</strong> <strong>sous</strong> sol. Hier, victime des idéologies <strong>et</strong> des économies<br />
d'un monde bipolaire - Capitalisme <strong>et</strong> Communisme - le<br />
Continent africain est aujourd'hui dans les mailles des<br />
Multinationales qui le dépècent en pièces <strong>et</strong> qui prônent la<br />
mondialisation.<br />
Non seulement les prix des matières premières sont fixés par<br />
les Nations in<strong>du</strong>strialisées constituées par le GB, elles qui ont de<br />
puissants moyens d'exploitation, plus encore elles arment ceux<br />
qui acceptent d'œuvrer en leur faveur <strong>et</strong> laisser les pays <strong>du</strong> Sud<br />
plus pauvres <strong>et</strong> plus end<strong>et</strong>tés par tête d'habitant. C'est ainsi que<br />
des conflits ont surgi entre citoyens protagonistes au sein d'un<br />
97
même pays les plus fidèles garantissant la croissance des<br />
Multinationales, d'autres conflits ont opposé des pays<br />
frontaliers <strong>et</strong> frères pour avoir abrité tel gisement minier ou<br />
telle richesse forestière ou halieutique. Les victimes ont toujours<br />
été de paisibles <strong>et</strong> innocentes populations.<br />
Les puissances métropolitaines qui ont exploité <strong>et</strong> pillé le<br />
Contient africain depuis près de trois siècles au profit de leur<br />
croissance <strong>et</strong> de leur équilibre socio-économique sont les mêmes<br />
qui sèment la terreur, la désolation <strong>et</strong> la mort parmi nos<br />
peuples, pour en faire des éternels tributaires, en tout point de<br />
vue, d'une certaine générosité occidentale.<br />
L'Eglise, en dépit de ses maigres ressources, s'intéresse au<br />
sort de l'Homme sur tous les plans. Elle a œuvré autant que<br />
faire se peut en s'interrogeant sur les conflits <strong>et</strong> les crimes<br />
rituels qui ensanglantent l'Afrique centrale. Dans les lignes qui<br />
suivent, nous rapportons ce qu'elle a entrepris humblement au<br />
Congo Brazzaville.<br />
3. Vision apostolique de l'Eglise dans laprévention des conflits<br />
La prévention des conflits, des crimes rituels <strong>et</strong> la<br />
construction d'une paix <strong>du</strong>rable constituent la mission<br />
apostolique de l'Eglise, ce qui justifie en partie sa raison d'être<br />
sur terre.<br />
En eff<strong>et</strong>, l'Eglise qui est missionnaire par nature, a reçu la<br />
vocation de rendre effective la paix dans le monde. Dans Jean<br />
20: 21, le Christ s'adressant à ses disciples, déclare: « La paix<br />
soit avec vous 1Comme le Père m'a envoyé; moi aussi je vous<br />
envoie ». Et Saint Paul renchérit: « Tout celavient de Dieu, qui<br />
nous a réconciliés avec Christ, <strong>et</strong>qui uous a donné le ministère<br />
de laréconciliation» cf. 2 Corinthiens 5 : 18.<br />
La paix est une denrée vitale pour tous les hommes sans<br />
exception. Elle est à la base même de toute action humaine<br />
<strong>du</strong>rable <strong>et</strong> de tout développement. Partout où la paix manque,<br />
98
les sociétés humaines connaissent face au défi de<br />
développement: stagnation, recul <strong>et</strong> chaos.<br />
Ainsi, la mission de la paix par l'Eglise n'est pas subsidiaire.<br />
Elle a une dimension constitutive, consignée dans les textes<br />
fondamentaux de l'Humanité. Dieu, le Créateur s'est identifié à<br />
travers l'Histoire comme étant le JEHOVAH SHALOM, c'est-àdire<br />
le Dieu-Paix cf. Juges 6: 24. Etant la paix, TI en est le<br />
véritable pourvoyeur. C'est Lui qui pro<strong>du</strong>it en nous le vouloir<br />
<strong>et</strong> le faire; autrement dit la volonté <strong>et</strong> le pouvoir ou la capacité<br />
de construire véritablement la paix, ce à quoi nous avons tous le<br />
merveilleux privilège d'avoir été créés à son image <strong>et</strong> à sa<br />
ressemblance même.<br />
3.1- Capacités de l'Eglise de construire la paix<br />
L'Eglise a-t-elle des capacités pour rendre effective la mission<br />
de la paix?<br />
En eff<strong>et</strong>, même si l'Eglise ne dispose pas suffisamment de<br />
moyens matériels; elle a cependant des atouts certains pour<br />
remplir les tâches de la paix afin d'en atteindre les objectifs.<br />
En ce qui concerne les capacités de construire la paix, l'on<br />
notera que:<br />
l-L'Eglise a la capacité d'avoir des ressources humaines pour<br />
prévenir les conflits, les crimes rituels <strong>et</strong> la construction<br />
d'une paix <strong>du</strong>rable;<br />
2-Elle a la capacité de recevoir des fonds ou de s'autofinancer<br />
pour soutenir sa politique de paix ;<br />
3- Reconnue comme apostolique <strong>et</strong> en tant qu'envoyée, elle fait<br />
l'obj<strong>et</strong> de consensus;<br />
4-Elle dispose des atouts pour jouir d'un crédit moral de telle<br />
sorte que son autorité sur ce plan est indéniable.<br />
Du point de vue de l'évangélisation des peuples, l'Eglise<br />
dispose d'autres capacités en particulier:<br />
99
• La capacité de prêcher l'amour de Dieu <strong>et</strong><strong>du</strong> prochain<br />
De ce fait, elle est en endroit d'enseigner au peuple congolais<br />
avec autorité, l'unité en Jésus-Christ <strong>et</strong> autour de sa croix;<br />
l'égalité de tous <strong>et</strong> queJuifou Grec, homme ou femme, riche ou<br />
pauvre... tous créés à l'image de Dieu, deviennent gérants <strong>et</strong><br />
solidaires de tout le patrimoine national légué par Dieu.<br />
• La capacité de prêcher la Paix <strong>et</strong> la Réconciliation<br />
Il appartient à l'Eglise d'être un acteur de premlere ligne<br />
dans la prévention des conflits <strong>et</strong> des crimes rituels <strong>et</strong> la<br />
construction d'une paix <strong>du</strong>rable en renouvelant la vie par la<br />
puissance de l'Evangile <strong>et</strong> en s'armant à l'intérieur de la<br />
puissance <strong>du</strong> Saint Esprit dont aucun pouvoir ne peut m<strong>et</strong>tre à<br />
bout. L'Eglise doit m<strong>et</strong>tre en relief le pardon <strong>et</strong> la résolution des<br />
conflits pour constituer la base de la réconciliation.<br />
• La capacité d'enseigner la Justice <strong>et</strong> la non violence<br />
L'Eglise veille à la bonne gestion de la Nation <strong>et</strong> de l'Etat<br />
autant que cela est possible. Cela est d'autant plus important<br />
que la mauvaise gouvernance, la discrimination sociale, la<br />
pauvr<strong>et</strong>é, la violation des Droits fondamentaux de l'Homme, la<br />
confiscation des Libertés fondamentales, la famine,<br />
l'analphabétisme... sont source de conflits ou facteurs de<br />
violence, ce qui constitue des entraves à une paix réelle <strong>et</strong><br />
<strong>du</strong>rable <strong>et</strong> que l'Eglise en vertu de sa mission prophétique, est<br />
appelée à dénoncer, à combattre quel qu'en soit le prix à payer.<br />
• La capacité de faire respecter la vie<br />
L'Eglise peut enseigner la notion de la vie <strong>et</strong> œuvrer pour sa<br />
défense en se fondant sur l'unique source de vie; le Dieu Père <strong>et</strong><br />
Créateur de toute chose. La diversité biologique, culturelle <strong>et</strong><br />
<strong>et</strong>hnique est considérée comme une richesse à sauvegarder.<br />
• La capacité de transformer l'environnement<br />
L'Eglise doit se déterminer <strong>et</strong> influencer fortement le<br />
comportement de toute la société alors que la vision <strong>du</strong><br />
politique demeure souvent partielle, partisane voire bornée<br />
100
tandis que celle de l'Eglise <strong>et</strong> <strong>du</strong> reste de la Société Civile digne<br />
de ce nom a l'avantage d'être globale <strong>et</strong> équilibrée.<br />
3.2- Engagement de l'Eglise dans le processus de paix<br />
L'Eglise est appelée à s'engager dans la prévention des<br />
conflits, des crimes rituels <strong>et</strong> la construction d'une paix réelle.<br />
En tant que artisan impartial <strong>et</strong> inlassable, elle doit rechercher<br />
la paix. Ambassadeur <strong>du</strong> Christ, elle doit s'employer à<br />
réconcilier les parties en conflit, assurer convenablement sa<br />
mission d'instruire sur les dangers potentiels de conflits.<br />
Dans c<strong>et</strong> engagement, le prix à payer consiste à aller jusqu'au<br />
bout en dépit des obstacles. Il n'est pas bon d'abandonner les<br />
démarches en faveur de la paix dès lors que ces démarches ont<br />
démarré.<br />
3.3- Raisons de l'engagementpour la paix<br />
Les raisons de l'engagement pour la paix sont multiples au<br />
nombre desquelles, on citerait les conséquences néfastes<br />
engendrées par les deux Guerres Mondiales pour toutes les<br />
Nations de la planète, conséquences ayant abouti en 1945, à la<br />
création de l'Organisation des Nations Unies (ONU).<br />
La raison d'être même de l'Eglise, nous rappellera toujours<br />
son œuvre en faveur des hommes de telle sorte que la Paix<br />
devienne une culture qui améliore les conditions de vie.<br />
4. Bilan de l'action de l'Eglise dans la prévention des conflits <strong>et</strong><br />
des crimes rituels<br />
4.1- Collaboration avec les pouvoirs publics<br />
Pour prévenir les conflits au Congo, l'Eglise a collaboré avec<br />
les Pouvoirs publics. C'est ainsi qu'elle a participé <strong>et</strong> participe<br />
encore aux grands événements nationaux. Pour prouver sa<br />
bonne foi de vivre dans un univers sain <strong>et</strong> équilibré, l'Eglise<br />
101
jours. L'humanitaire <strong>du</strong> côté Catholique ou Evangélique<br />
intéresse les domaines suivants : distribution des vivres, soins<br />
médicaux aux populations dans les zones de combat,<br />
assistance aux femmes violées, relance des activités agricoles <strong>et</strong><br />
pastorales, programme de relogement des populations<br />
déplacées, formation <strong>et</strong> encadrement de la jeunesse dont les ex<br />
combattants aux p<strong>et</strong>its métiers pour l'arrêt des hostilités.<br />
Depuis 2002, l'Eglise s'est employée à accueillir les<br />
populations <strong>du</strong> Pool <strong>et</strong> à assurer les conditions de r<strong>et</strong>our dans<br />
leurs localités respectives de façon à reprendre la vie sur de<br />
nouvelles bases. Au niveau œcuménique, un Organisme<br />
dénommé ACDA a vu le jour pour aider l'Eglise <strong>du</strong> Congo à<br />
prendre à bras-le-corps collectivement la souffrance des<br />
populations même si c<strong>et</strong> organisme, pour des raisons<br />
financières, ne fonctionne plus. Par ce comportement<br />
responsable, l'Eglise a compris que la Paix ne signifie pas<br />
seulement absence de guerre mais que la prise en mains de la<br />
situation désastreuse des démunis participe à la cessation des<br />
conflits <strong>et</strong> donc au r<strong>et</strong>our progressifde la Paix.<br />
4.2.- Position de neutralité de l'Eglise<br />
La gestion des conflits suppose une intervention dans le sens<br />
d'orienter le phénomène ou d'influencer les protagonistes<br />
impliqués. C'est à travers cela que le comportement de l'Eglise a<br />
été révélateur d'une attitude de neutralité ou d'engagement.<br />
En eff<strong>et</strong>, de manière globale, l'Eglise s'est gardée de se<br />
positionner dans l'un ou l'autre camp des belligérants, elle a<br />
trouvé bon de s'investir dans l'aide multiforme à apporter aux<br />
nécessiteux sans distinction de race, de tribu, de sexe, de<br />
croyance...<br />
4.3- Engagement constructifde l'Eglise<br />
Consciente <strong>du</strong> danger que courait le peuple congolais,<br />
l'Eglise n'a jamais cessé d'attirer l'attention des citoyens par<br />
tous les moyens.<br />
103
• Messages de l'Eglise<br />
Aux Autorités congolaises, ces messages consistaient à leur<br />
faire prendre conscience des méfaits des conflits armés qui<br />
menaceraient la Paix <strong>et</strong> plongeraient les populations dans des<br />
souffrances inutiles au lieu de privilégier la solution aux<br />
véritables problèmes vitaux des Congolais. Ainsi, le Conseil<br />
Œcuménique au Congo a adressé beaucoup de messages pour<br />
tenter d'apaiser les situations déjà conflictuelles qui prévalaient<br />
dans le pays. Mais hélas, ces messages n'ont jamais été compris<br />
ni même acceptés par tous ceux qui au Congo, ont une parcelle<br />
d'autorité; la conséquence ce sont des guerres récurrentes qui se<br />
justifient comme étant une volonté délibérée de nuire aù<br />
paisible peuple.<br />
• Actions de médiation<br />
En 1998, au plus fort des conflits armés dans le Département<br />
<strong>du</strong> Pool, notamment dans le District de Mindouli, le COECC<br />
(Conseil Œcuménique des Eglises Chrétiennes <strong>du</strong> Congo)<br />
répondant favorablement à l'offre de médiation <strong>du</strong> Haut<br />
Commandement Militaire, a mis sur pied un comité de<br />
médiation composé d'ecclésiastiques <strong>et</strong> de laïcs dont la mission<br />
s'est soldée par la mort d'hommes.<br />
Par ailleurs, toujours dans la dynamique de la recherche de<br />
la paix, l'Eglise a organisé des messes <strong>et</strong> cultes spéciaux tant à<br />
Brazzaville que dans tout le pays. A travers ces rencontres, les<br />
messages <strong>et</strong> les prédications, elle a dénoncé la division, la<br />
violence <strong>et</strong> le non respect des Droits de l'Homme.<br />
• Interventions dans la prévention des conflits<br />
Les guerres récurrentes au Congo ont poussé l'Eglise à créer<br />
des structures spécialisées qui sont:<br />
La «Commission Justice <strong>et</strong> Paix» (C]P) au niveau de l'Eglise<br />
Catholique;<br />
« Laissez Vivre le Congo », l' « Action Evangélique pour la Paix ;)<br />
(AEP) <strong>et</strong> l' « Action de Secours d'Urgence» (ASU) au niveau de<br />
l'Eglise Evangélique <strong>du</strong> Congo;<br />
104
Le « Corps Luthérien des Artisans de Paix» (CLAP) au sein de<br />
l'Eglise Evangélique Luthérienne <strong>du</strong> Congo;<br />
Le Conseil Œcuménique des Eglises Chrétiennes <strong>du</strong> Congo n'est<br />
pas resté en marge de la dynamique de paix en créant<br />
l' « Observatoire Œcuménique de Paix » (OOP).<br />
• Actions des structures spécialisées pour la construction de la Paix<br />
Ces structures spécialisées organisent des séminaires <strong>et</strong><br />
autres rencontres pour amener les Congolais à comprendre la<br />
nécessité de se réconcilier les uns aux autres comme l'exige la<br />
Parole de Dieu <strong>et</strong> la sagesse bantoue <strong>du</strong> «Mbongi» (lieu de<br />
rencontre, d'échange ou de partage, de la théorie de la non<br />
violence, des techniques de résolution pacifique des conflits).<br />
Elles forment des animateurs locaux capables de vulgariser<br />
la formation acquise dans le domaine de la résolution pacifique<br />
des conflits <strong>et</strong> de la promotion de la culture de la paix.<br />
5. Perspectives dans la prévention des conflits <strong>et</strong> des crimes<br />
rituels<br />
L'Eglise au Congo est interpellée dans le processus de<br />
l'apprentissage de l'instauration de la paix pour affronter les<br />
défis pluriels de l'heure actuelle. Par conséquent, il convient de<br />
renforcer les capacités nécessaires perm<strong>et</strong>tant à l'Eglise de jouer<br />
pleinement son rôle d'agent pluridisciplinaire <strong>du</strong><br />
développement au sein de la Société Civile.<br />
Du coup, la question capitale de l'Eglise d'aujourd'hui <strong>et</strong> de<br />
demain se pose en termes de formation <strong>du</strong> peuple, en vue d'une<br />
conscience civique <strong>et</strong> d'un esprit d'engagement chrétien plus<br />
visible dans le champ politique. Il s'agit ici d'une politique<br />
constructive qui honore Dieu <strong>et</strong> l'Homme; qui réconcilie<br />
l'Homme avec son environnement <strong>et</strong> qui lui donne à espérer<br />
dans tous les domaines<br />
105
6. Conclusion<br />
Pour conclure, il semble aujourd'hui que le profù de<br />
l'Homme de Dieu formé uniquement pour annoncer l'Evangile<br />
aux chrétiens se trouve dépassé par rapport à la nouvelle donne,<br />
pour la simple raison que l'Eglise vit dans un environnement<br />
confronté à plusieurs défis dont celui de la coustruction de la<br />
paix.<br />
L'Homme de Dieu doit être à la fois un artisan de paix par<br />
essence, mais aussi un agent rompu aux techniques <strong>et</strong> aptitudes<br />
de réconciliation, tout un art à apprendre pour reconstruire la<br />
paix perturbée par des violations des Droits <strong>et</strong> des Libertés<br />
fondamentales.<br />
Il s'agit de rechercher la vérité, d'identifier <strong>et</strong> de cerner les<br />
sources de frustration, de violence, de guerre <strong>et</strong> de proposer les<br />
solutions d'un r<strong>et</strong>our à une paix véritable <strong>et</strong> <strong>du</strong>rable. Car,<br />
comment pardonner à autrui ses offenses sans les avoir ciblés<br />
au préalable, ou réconcilier des protagonistes sans avoir<br />
dénoncé humblement les causes de mésentente <strong>et</strong> surtout se<br />
rendre à l'évidence d'une volonté réciproque d'enterrer à<br />
jamais la hache de guerre?<br />
Ainsi, étudier, déterminer <strong>et</strong> prévenir les causes de conflits<br />
valent mieux que la résolution même des conflits ouverts ou<br />
latents car, ne dit-on pas qu.'il vaut mieux prévenir que de<br />
guérir? Telle a été <strong>et</strong> demeure la mission pacifique de l'Eglise au<br />
Congo. Nous vous remercions pour l'attention soutenue dont<br />
vous venez de faire montre face à notre exposé.<br />
106
Mitos em s. tomé e principe<br />
Armindo AGUIAR<br />
(Sao Tomé <strong>et</strong>Principe)<br />
Se os mitos subsistem hoje nas nossas sociedades, é porque<br />
ha seguidores que agilizam as praticas da tradiçào que Ihes dào<br />
corpo e operacionalidade apoiando a adaptaçào da<br />
sensibilidade humana a aceitaçào dos valores veiculados pelo<br />
paradisiaco ambiente do ser Sobrenatural. A essa aceitaçào<br />
subjaz os Interesses, de enriquecimento, preeminência e<br />
protagonismo que cada um forja para a realizaçào da sua<br />
ambiçào.<br />
É proprio do contexto cultural fazer a promoçào de ideias,<br />
fundamentar as crenças e outros valores e atitudes, que<br />
concorrem para a formaçào da personalidade do indivi<strong>du</strong>o que<br />
se toma agente ou guia das praticas dos crimes rituais.<br />
Assistimos a intolerância dos governos que motivam as<br />
populaçôes para aprofundar divisôes no seio do povo, no<br />
interior de um pais, con<strong>du</strong>centes à violência generalizada que<br />
ameaça a existência de populaçôes inteiras. Estas ameaças<br />
in<strong>du</strong>zem ao movimento para a autonomia e separaçào por vias<br />
de diferenças culturais, empobrecendo 0 pais com a destruiçào<br />
de muitas capacidades, comp<strong>et</strong>ências que acabam mortas ou<br />
emigram.<br />
Este radicalismo acontece porque os Estados africanos sào 0<br />
resultado de Interesses em Africa de um grupo de Estadosnaçào<br />
europeus <strong>du</strong>rante 0 final do século XIX. Conc1ui-se,<br />
assim, que as fronteiras geograficas nào reflectem um processo<br />
de desenvolvimento histôrico africano.<br />
As fronteiras sào quase todas artificiais e 0 seu aparecimento<br />
formal nào tem em conta as realidades africanas. Esta realidade<br />
esta conforme os principios dominantes da Europa,<br />
contrariando tudo 0 que diz respeito à motivaçào ideologica,<br />
que se manifesta sob a forma do nacionalismo, como expressào<br />
107
politica da vontade de que cada naçào deva ter do seu proprio<br />
Estado unitario afirmado numa convergência de culturas.<br />
o processo de luta pela independência uniu as diferentes<br />
forças em alianças circunstaneiais que corn 0 fim dos conflitos,<br />
perderam 0 conteudo que as originou.<br />
Os novos homens do poder tiveram, como uma das suas<br />
primeiras tarefas, a criaçào de uma naçào para 0 espaço<br />
geografico que corn as independências vieram a dominar.<br />
Assim, pensaram os lideres africanos, poder criar uma<br />
consciência nacional de forma administrativa, a "partir de<br />
cima"<br />
Mas 0 sucesso deste ideal de criaçào de consciência nacional<br />
nao foi alcançado, nào foi conseguido.<br />
A falta de circulaçào da informaçào nos nossos paises<br />
repercute-se na ignorância em que vive muita gente do nosso<br />
continente. Quando as populaçôes viverem fechadas, isoladas<br />
uma das outras, ha um desenvolvimento de raeionalidades e<br />
culturas diferentes, que se disponibilizam mental e<br />
psicologicamente para actuaçôes confrangedoras.<br />
Na Âfrica Central, alguns povos foram subm<strong>et</strong>idos,<br />
manipulados por factores mîsticos e religiosos, que servem de<br />
justificaçao a transformaçao da ordem polîtica e social,<br />
provocando perturbaçôes, atingindo muitas vezes 0 caos.<br />
Desde logo, a questào de fundo reside em alcançar 0<br />
protagonismo e a preeminência no seio da comunidade ou do<br />
povo, por eliminaçào fisica dos possiveis objectores.<br />
Diferentes paîses de fronteira comum, nào se atêm a<br />
diâlogos ideologicos, pois os valores culturais ou religiosos<br />
entram em confronto e raramente atingem resultados padficos.<br />
Os crimes rituais nao factos somente da nossa época ou<br />
exc1usivamente africanas.<br />
108
Os homens, interpr<strong>et</strong>ando os mitos segundo as suas<br />
vontades incentivam à pratica de sacrificios rituais por<br />
pr<strong>et</strong>extos inconfessaveis.<br />
Em nome da cultura, da politica, da religiào, e até em nome<br />
de nada, milhôes de pessoas foram mortas. Nào ha respeito<br />
pelas vidas alheias, pelas pessoas humanas.<br />
Hoje, até em nome da ciência, crianças sào raptadas e<br />
assassinadas, delas r<strong>et</strong>irados os seus orgàos para serem<br />
comercializados em trafico.<br />
,<br />
Quando as populaçôes vivem longo tempo com dificuldades<br />
e a pobreza alastra, nào é raro constatar 0 surgimento de<br />
tendências para habitos que predizem a salvaçào.<br />
Embora os conflitos rituais nào combatam a pobreza,<br />
muitas pessoas pobres praticam-nos na esperança de um<br />
HIPOTÉTICA MUDANÇA DO NiVEL DE VIDA.<br />
Homens ambiciosos, praticam-nos para conseguirem 0<br />
poder;<br />
Os crentes praticam-nos na expectativa de obter sucesso nos<br />
negocios;<br />
Violências sangrentas ocorrem no interior dos paises por<br />
confrontaçào cultural e religiosa<br />
Cresce um antagonismo audacioso e devasso e as partes<br />
continuam a repressào e intolerância. Com a nào cedência,<br />
porque 0 temor da submissào é muito forte, receiam ser<br />
manipulados, ha incentivos a revolta e as populaçôes sào<br />
dizimadas. •<br />
É, de facto, preciso estudar e entender os homens. Aos<br />
antrop6Iogos, soci6Iogos, historiadores e psic6Iogos, cabe a<br />
pesada tarefa de procurar aprofundar a problematica e projectar<br />
soIuçôes.<br />
109
É de todo recomendavel que 0 estudo e a compreensao do<br />
fen6meno cultural, passa pelo estudo do homem, sujeito e<br />
agente, capaz de conservar ou de alterar estruturalmente as<br />
sociedades humanas, marcando 0 ritmo para atingir um fim<br />
espedfico ou para satisfazer os seus objectivos.<br />
É ut6pico 0 que vou propor, mas, reconhecendo que uma<br />
das fontes desse mal é a ma divisao dos territ6rios de Africa,<br />
particularmente nas fronteiras onde subjaz 0 estigma da<br />
conflitualidade, é requerido de que sejam repostas as fronteiras<br />
do século XIX. É um projecto que deve envolver todos os paises<br />
afectados, as organizaçôes multilaterais coma as Naçôes Unidas,<br />
a Uniao Europeia, a Uniao Africana, e as demais instituiçôes<br />
para numa primeira fase se sensibilizar os dirigentes para essa<br />
necessidade.<br />
Um amplo programa de informaçao deve ser executado para<br />
que as populaçôes africanas, também afectadas por ausência de<br />
comunicaçao possam estar envolvidas para esse grande projecto<br />
que é 0 da redivisao territorial de Africa. Como reagirao os<br />
paises, os seus dirigentes e as populaçôes, naD seil<br />
Por outro lado um amplo programa de e<strong>du</strong>caçao/formaçao<br />
para instruir as populaçôes nos maleffcios das praticas<br />
ritualistas e na prevençao contra a devassidao e mortes<br />
desnecessarias.<br />
A maneira possive! de estancar a crise é fazer ajustamentos<br />
das fronteiras internacionais. Contudo, estes têm sido tabus em<br />
Africa, até ao momento. A entao OUA, hoje Uniao Africana,<br />
numa resoluçao do principio da década de sessenta do século<br />
XX, d<strong>et</strong>erminou que as linhas fronteiriças internacionais naD<br />
deviam ser alteradas.<br />
Mesmo que os dirigentes politicos africanos continuem a<br />
manter este principio, a evoluçao temporal pode levar a que<br />
estes ajustamentos se façam naturalmente, sem derramamento<br />
de sangue e fome.<br />
110
Les mythes au Sao Tome <strong>et</strong>'Principe<br />
Armindo Aguiar Historien (Sao Tome <strong>et</strong> Principe)<br />
[Version tra<strong>du</strong>ite]<br />
Si les mythes subsistent dans nos sociétés, cela est dû au fait<br />
qu'il ya des instigateurs qui incitent à l'usage des traditions qui<br />
les incorporent pour qu'elles deviennent opérationnelles, tout<br />
en soum<strong>et</strong>tant l'adaptation de la sensibilité humaine à<br />
l'acceptation des valeurs véhiculées par l'environnement<br />
paradisiaque <strong>du</strong> surnaturel. On prétend qu'à c<strong>et</strong>te acceptation<br />
soient liés des intérêts, l'enrichissement, la proéminence <strong>et</strong> le<br />
protagonisme de chacun dans le cadre de c<strong>et</strong>te ambition.<br />
Le contexte culturel lui-même favorise la promotion d'idées,<br />
de croyances <strong>et</strong> d'autres valeurs <strong>et</strong> attitudes qui contribuent à la<br />
formation de la personnalité de l'indivi<strong>du</strong> qui devient ainsi un<br />
agent ou un instigateur de la pratique des crimes rituels.<br />
Nous assistons à l'intolérance des gouvernements qui<br />
encouragent les populations à la sécession. C<strong>et</strong> état de chose, au<br />
sein <strong>du</strong> peuple <strong>et</strong> à l'intérieur d'un pays quelconque, con<strong>du</strong>it à<br />
la violence généralisée menaçant l'existence de toute une<br />
population. Ces menaces incitent à des mouvements vers<br />
l'autonomie <strong>et</strong> la séparation au nom des différences culturelles.<br />
L'appauvrissement <strong>du</strong> pays devient donc une réalité, si nous<br />
tenons en compte la destruction des capacités <strong>et</strong> des<br />
compétences de ses ressortissants, par décès ou émigration.<br />
Ce radicalisme ressort <strong>du</strong> fait que les Etats africains ne sont<br />
que le résultat d'intérêts en Afrique d'un groupe des Etats<br />
Nations européens à la fin <strong>du</strong> XIXème siècle. D'où la conclusion<br />
que les frontières géographiques ne reflètent pas un processus<br />
de développement historique africain.<br />
Les frontières sont quasi artificielles <strong>et</strong> leur apparltlon<br />
formelle n'a pas pris en compte les réalités africaines. C<strong>et</strong>te<br />
réalité est <strong>du</strong>e aux principes qui prévalent en Europe,<br />
contrairement à tout ce qui a trait a l'inspiration idéologique,<br />
manifestée <strong>sous</strong> forme de nationalisme en tant qu'expression<br />
111
de la volonté politique selon laquelle chaque nation doit<br />
établir sa propre unité de l'Etat affirmée par la convergence de<br />
cultures.<br />
Le processus de lutte pour l'indépendance a préten<strong>du</strong> unifier<br />
les différentes forces en alliances circonstancielles, lesquelles,<br />
avec la fin des conflits, ont per<strong>du</strong> le contenu qui en a été à<br />
l'origine.<br />
Les nouveaux hommes <strong>du</strong> pouvoir ont eu à créer, tout<br />
d'abord, une nation pour l'aménagement géographique qu'ils<br />
ont dû commander avec les indépendances. C'est ainsi que les<br />
leaders africains ont pensé qu'ils pouvaient créer une conscience<br />
nationale de manière administrative «<strong>du</strong> haut vers le bas »,<br />
mais le succès escompté dans c<strong>et</strong> idéal de création n'a pas été<br />
obtenu.<br />
Le manque d'information au sein de nos pays maintient<br />
dans l'ignorance la plupart des gens qui vivent sur notre<br />
continent. Aussi longtemps que les populations s'enfermeront<br />
<strong>et</strong> s'isoleront, nous assisterons à un développement de<br />
rationalités <strong>et</strong> de cultures différentes qui éclateront<br />
mentalement <strong>et</strong> psychologiquement en actions effroyables.<br />
En Afrique Centrale, certains peuples ont été obj<strong>et</strong>s de<br />
manipulation par des facteurs mystiques <strong>et</strong> religieux qui ont<br />
servi de justification à la transformation de l'ordre politique <strong>et</strong><br />
social, entraînant des perturbations, voire le chaos.<br />
Dès lors, la question de fond reste celle de savoir comment<br />
atteindre le protagonisme <strong>et</strong> la proéminence au sein de la<br />
communauté ou <strong>du</strong> peuple par le biais de l'élimination<br />
physique des potentiels opposants.<br />
Certains pays ayant des frontières communes ne sont pas<br />
prédisposés à des dialogues idéologiques, puisque les valeurs<br />
culturelles ou religieuses sont incompatibles <strong>et</strong> n'atteignent que<br />
rarement des résultats pacifiques. Les crimes rituels ne sont<br />
112
seulement pas des faits de notre époque ou exclusivement<br />
africains.<br />
Les hommes, interprétant les mythes selon leurs volontés,<br />
incitent à la pratique de meurtres rituels par des prétextes<br />
répréhensibles.<br />
Au nom de la culture, de la politique, de la religion <strong>et</strong> au<br />
nom de rien même, des millions de personnes ont été tuées. Il<br />
n'y a pas de respect pour les vies humaines.<br />
Aujourd'hui, même au nom de la science, des enfants sont<br />
séquestrés <strong>et</strong> assassinés, leurs organes sont r<strong>et</strong>irés pour en être<br />
commercialisés en trafic.<br />
Autant les populations vivent longtemps avec des<br />
difficultés <strong>et</strong> la pauvr<strong>et</strong>é augmente, plus nous assistons à des<br />
tendances vers des habitudes quiprédisentla rédemption.<br />
Bien que les crimes rituels ne luttent pas contre la pauvr<strong>et</strong>é,<br />
plusieurs personnes pauvres en pratiquent dans l'espoir d'un<br />
HYPOTHETIQUE CHANGEMENT DES CONDITIONS DE<br />
VIE:<br />
Des hommes ambitieux en pratiquent pour atteindre le<br />
pouvoir;<br />
Les croyants en pratiquent dans l'expectative <strong>du</strong> succès dans<br />
les affaires;<br />
Des violences sanglantes ont lieu à l'intérieur des pays à<br />
cause de la confrontation culturelle <strong>et</strong> religieuse.<br />
Nous assistons à la croissance d'un antagonisme audacieux<br />
<strong>et</strong> crapuleux <strong>et</strong> les parties poursuivent leurs actions de<br />
répression <strong>et</strong> d'intolérance. La sécession n'étant pas possible,<br />
de peur que la répression soit encore plus forte, ces parties,<br />
craignant être manipulées, incitent à la révolte <strong>et</strong> les<br />
populations sont écrasées.<br />
113
En fait, il faudrait étudier <strong>et</strong> écouter les hommes. Aux<br />
anthropologues, sociologues, historiens <strong>et</strong> psychologues, il<br />
revient la tâche tenace de chercher l'approfondissement de ce<br />
problème <strong>et</strong> de prévoir des solutions.<br />
Il est hautement souhaitable que l'étude <strong>et</strong> la<br />
compréhension <strong>du</strong> phénomène culturel passe par l'étude de<br />
l'homme, <strong>du</strong> suj<strong>et</strong> <strong>et</strong> de l'agent, capable de préserver ou de<br />
changer structurellement les sociétés humaines, tout en<br />
établissant un programme pour aboutir à un but spécifique ou<br />
pour satisfaire à ses objectifs.<br />
Je reconnais que ce que je vous propose semble plutôt<br />
utopique, mais, compte tenu qu'une des sources de ce malheur<br />
est la mauvaise répartition des territoires de l'Afrique,<br />
notamment dans les frontières où le stigma des conflits est<br />
perceptible, il serait souhaitable de reprendre les frontières <strong>du</strong><br />
siècle XIX. Il s'agit d'un proj<strong>et</strong> qui devrait engager tous les pays<br />
affectés, les organisations multilatérales telles que les Nations<br />
Unies, l'Union Européenne <strong>et</strong> les différentes institutions, de<br />
façon à ce que, dans une première phase, les dirigeants y soient<br />
sensibilisés.<br />
Un programme élargi d'information doit être mis en place<br />
pour que les populations africaines, également affectées par le<br />
manque de communication, puissent être impliquées dans ce<br />
grand proj<strong>et</strong>, celui de la redistribution territoriale de l'Mrique.<br />
Comment réagiraient les pays, leurs dirigeants <strong>et</strong> les<br />
populations?Je ne le sais pas!<br />
D'autre part, il faudrait m<strong>et</strong>tre en œuvre un programme<br />
élargi d'é<strong>du</strong>cation/formation à l'intention des populations dans<br />
le domaine des maléfices des pratiques rituelles <strong>et</strong> dans la<br />
prévention de la dévastation <strong>et</strong> des décès qu'ils occasionnent.<br />
Une des façons possibles d'arrêter la crise serait de faire des<br />
ajustements de frontières internationales. Toutefois, cela<br />
demeure jusqu'à présent tabou en Afrique. L'ex-OUA,<br />
114
aujourd'hui l'Union Africaine, dans sa résolution <strong>du</strong> début des<br />
années 60 <strong>du</strong> XXème siècle, a stipulé que les lignes frontières<br />
internationales ne devaient pas être changées.<br />
Nonobstant, le fait que les dirigeants politiques africains<br />
tiennent à maintenir ce principe, l'évolution de notre époque<br />
peut con<strong>du</strong>ire à ce que ces ajustements soient menés de façon<br />
pacifique, sans écoulement de sang.<br />
115
Sous-thème Il<br />
Dispositionsjuridiques <strong>et</strong>pénales <strong>et</strong><br />
mobilisation de lasociété civile pourlalutte<br />
contre les crimes rituels enAfrique Centrale:<br />
moyens d'action, outils (juridiques,<br />
intellectuels, culturels, sociologiques...)<br />
117
Les dispositions pénales applicables en matière de<br />
crimes rituels au Gabon<br />
Mathieu NDONG ESSONO<br />
Conseiller <strong>du</strong> Garde des Sceaux, Ministre de la Justice (Gabon).<br />
Ma communication va porter sur les dispositions pénales<br />
applicables en matière de crimes rituels dans le droit gabonais.<br />
Le choix de ce thème par les organisateurs me paraît fort<br />
judicieux, dans la mesure où, par ce canal, ils cherchent à<br />
trouver réponse aux lamentations récurrentes souvent<br />
enten<strong>du</strong>es lors de la découverte de corps mutilés.<br />
Ces gémissements nous interpellent car, si nous n'y prenons<br />
garde, ils peuvent con<strong>du</strong>ire les populations victimes de ces<br />
agissements au découragement, à la colère <strong>et</strong> peut-être à une<br />
brutalité incontrôlable. Et pourtant, des textes existent pour<br />
réprimer tout acte attentatoire à l'intégrité de la vie humaine. Il<br />
suffit seulement de les connaître <strong>et</strong> avoir l'audace de vouloir<br />
affronter l'inertie <strong>et</strong> la résignation Je vais donc m'efforcer de<br />
vous présenter les dispositions en question, même s'il faut<br />
reconnaître que les conditions de préparation de ce document<br />
n'ont pas été faciles à cause des délais très brefs qui m'ont été<br />
accordés à c<strong>et</strong> eff<strong>et</strong>.<br />
S'agissant d'un domaine relevant de la matière pénale, je me<br />
suis donc contenté de parcourir le code pénal <strong>et</strong> concentrer mon<br />
attention sur les deux mots clefs qui constituent la substance de<br />
ce colloque, à savoir: crime <strong>et</strong> rituel.<br />
L'opinion entend généralement le mot crime comme un<br />
manquement très grave à la vertu, à la morale ou à la loi. En<br />
droit pénal, c'est un terme générique qui désigne une infraction<br />
punie soit de la peine de mort, soit de celle de la réclusion<br />
criminelle (article 1er).<br />
119
Parler de crime rituel dans le droit positif gabonais nous<br />
con<strong>du</strong>it nécessairement à rechercher dans la législation<br />
l'existence formelle de c<strong>et</strong>te infraction. La consultation de la<br />
table analytique <strong>du</strong> code pénal ne fait apparaître aucune<br />
infraction <strong>sous</strong> c<strong>et</strong>te dénomination. S'agit-il d'un oubli, ou<br />
simplement qu'elle n'existe pas ?<br />
A c<strong>et</strong>te interrogation, un regard plus approfondi nous<br />
amène à découvrir dans le chapitre 19 <strong>du</strong> Livre II, l'indication<br />
des infractions relatives à la sorcellerie, au charlatanisme <strong>et</strong> aux<br />
actes d'anthropophagie.<br />
1. Dela sorcellerie, <strong>du</strong> charlatanisme <strong>et</strong> des actes<br />
d'anthropophagie<br />
Ces infractions sont prévues <strong>et</strong> punies par l'article 210 <strong>du</strong><br />
code pénal qui dispose:<br />
« Article 210 : sera puni d'un emprisonnement de deux à cinq ans <strong>et</strong><br />
d'une amende de 50 000 à 200 000 francs ou de l'une de ces peines<br />
seulement, quiconque aura participé à une transaction portant sur les<br />
restes ou ossements humains ou se sera livré à des pratiques de<br />
sorcellerie, de magie ou charlatanisme susceptibles de troubler l'ordre<br />
public ou de porter atteinte auxpersonnes ou à la propriété ».<br />
Dans le langage courant, les notions de sorcellerie <strong>et</strong> de<br />
charlatanisme se définissent comme un ensemble de pratiques,<br />
de magie de caractère populaire ou rudimentaire qui accorde<br />
une grande place au secr<strong>et</strong>, aux actes illicites ou à des<br />
comportements effrayants.<br />
Dans l'article 210 ci-dessus, il n'y a aucune définition de ces<br />
notions. Le législateur se cantonne à indiquer les éléments<br />
caractéristiques de la sorcellerie <strong>et</strong> <strong>du</strong> charlatanisme. Puis, il<br />
120
créée à l'occasion une autre infraction distincte: la transaction<br />
sur les restes ou ossements humains.<br />
1.1. De la participation à une transaction sur les restes ou ossements<br />
humains<br />
La transaction sur les restes ou ossements humains peut<br />
s'entendre, de tout acte de commerce, de donation, recel<br />
portant sur les restes ou ossements humains. Elle implique<br />
l'existence d'un fait matériel ainsi que la mise en oeuvre d'un<br />
acte de transaction portant sur celui-ci. A cela s'ajoute<br />
l'intention coupable commune à toute infraction pénale.<br />
Les sanctions encourues sont: un emprisonnement de deux<br />
à cinq ans <strong>et</strong> une amende de 50 000 à 200000 francs ou de l'une<br />
de ces peines seulement. 11 s'agit donc de peines<br />
correctionnelles.<br />
1.2. De la pratique de sorcellerie ou de magie<br />
C<strong>et</strong>te infraction punit les auteurs de sorcellerie ou de magie.<br />
Les éléments constitutifs de la pratique de sorcellerie ou de<br />
magie n'apparaissent pas clairement dans le texte de loi.<br />
Dans ce domaine, une jurisprudence claire ne s'est pas<br />
encore affirtnée, de sorte que les juges font une application<br />
souveraine de laloi; c'est-à-dire, dans chaque espèce qui leur est<br />
soumise, ils vérifient si nous sommes en présence d'un cas de<br />
sorcellerie ou de magie. Mais il convient de relever ici que<br />
l'infraction n'est punissable qu'autant qu'elle porte atteinte à<br />
l'ordre public, aux personnes ou à la propriété.<br />
Les sanctions sont identiques qu'en cas de transaction sur<br />
les restes ou ossements humains.<br />
121
2. De l'anthropophagie<br />
C<strong>et</strong>te infraction est prévue <strong>et</strong> punie par l'article 211 <strong>du</strong> code<br />
pénal qui dispose:<br />
Les peines vont de la réclusion criminelle à temps à la peine<br />
de mort. Je prends la peine de rappeler ces dispositions car<br />
l'article 211 annonçait in fine que l'application de l'article 229<br />
<strong>du</strong> code pénal pouvait être envisagée nonobstant les poursuites<br />
sur ce fondement juridique.<br />
Sur le plan formel, c<strong>et</strong> arsenal juridique est suffisamment<br />
dissuasif. Mais que vaut une bonne loi si elle n'est pas<br />
appliquée, si elle n'est pas bien appliquée? L'une des difficultés<br />
qui rendent la loi inefficace est l'administration de la preuve<br />
dans un domaine où l'ésotérisme fait concurrence à<br />
l'irrationnel.<br />
Quoiqu'il en soit, au regard de ce qui vient d'être dit, le juge<br />
gabonais dispose d'un arsenal juridique susceptible de lui<br />
perm<strong>et</strong>tre de réprimer avec efficacité les infractions relatives aux<br />
crimes rituels.<br />
De par la place réservée à ces infractions <strong>et</strong> surtout en raison<br />
des peines encourues, le législateur gabonais a clairement<br />
exprimé sa volonté politique de combattre ce fléau. C<strong>et</strong>te<br />
volonté s'est exprimée très tôt puisque le code pénal qui date de<br />
la loi n°21/63 <strong>du</strong> 31 mai 1963 comportait déjà ces crimes.<br />
il est à souhaiter que c<strong>et</strong>te approche per<strong>du</strong>re <strong>et</strong> se renforce<br />
afin d'englober toutes les formes modernes <strong>et</strong> pernicieuses que<br />
peut prendre c<strong>et</strong>te délinquance.<br />
Mais l'un des efforts que le législateur africain doit<br />
entreprendre consiste à mieux adapter l'environnement<br />
juridique au contexte culturel local, au lieu de se contenter de<br />
plagier ce qui lui vient d'ailleurs <strong>et</strong> qui ne correspond à aucune<br />
réalité. Cela est d'autant plus pertinent que les dispositions<br />
pénales de toute convention relèvent des autorités nationales de<br />
chaque Etat.<br />
123
Le sacrifice rituel. Un fléau social :<br />
Les moyens de l'endiguer<br />
Dominique Essono ATOME<br />
(Gabon)<br />
Dénoncer un phénomène, c'est en fait, en faire en un<br />
problème social, <strong>et</strong> emmener ainsi les sociétaires à sa prise de<br />
conscience. Ce n'est pas le résoudre en tant que tel, mais c'est<br />
une première étape vers sa résolution. Car, tout phénomène qui<br />
n'arrive pas à la conscience sociale pour susciter les émotions<br />
vives n'est pas encore un problème. Les problèmes naissent de<br />
leur prise de conscience, comme la maladie naît de la douleur<br />
dans la conscience <strong>du</strong> malade. Avant la douleur, le suj<strong>et</strong> ne<br />
s'estime pas malade. De la même manière, tout semble aller de<br />
soi, si un phénomène n'est pas dénoncé.<br />
Pourquoi faut-il considérer le sacrifice rituel comme un<br />
fléau social? Si le sacrifice rituel portait sur les boeufs <strong>et</strong> les<br />
moutons, il n'y aurait pas lieu de s'en faire ni d'en blâmer ceux<br />
qui les pratiquent. Et pour cause, nous ne faisons guère le deuil<br />
<strong>du</strong> bétaiL Nous élèverions tout simplement plus de boeufs <strong>et</strong> de<br />
moutons. Et le phénomène serait, économique, donc, à notre<br />
avantage. Certains s'enrichiraient, d'ailleurs sainement, grâce au<br />
commerce <strong>du</strong> bétaiL Mais, le sacrifice est pratiqué sur les êtres<br />
humains, ponctionnant sur la société, faisant des deuils dans<br />
des familles. C'est en cela qu'il pose problème; c'est en cela que<br />
sa généralisation ou sa perpétuation devient un fléau social.<br />
Hormis le fait que c'est une atteinte aux droits de l'homme, en<br />
faisant de celui-ci la bête de l'holocauste, il suscite des émotions<br />
vives dans la société. Et, lorsque c<strong>et</strong>te exaction s'ajoute à<br />
d'autres, le résultat pourrait être une explosion sociale.<br />
J'imagine qu'en parlant de sacrifice rituel, nous savons tous,<br />
de quoi nous padons, que c'est un lieu commun, pour ne pas<br />
avoir à insister sur sa définition. Nous utilisons le terme au<br />
premier degré, au sens propre. A quoi pourraient bien s'ajouter<br />
des sens figurés que nous examinerons ailleurs ! Qu'il me soit<br />
125
permis de dire ici qu'il s'agit d'un crime, qui n'a pas la<br />
configuration d'autres crimes. Ce n'est pas un crime passionnel,<br />
par exemple, ce n'est pas un assassinat dû à une cause<br />
revancharde. Ce n'est pas non plus un assassinat politique de<br />
type classique. Le sacrifice rituel a ceci de particulier qu'il est<br />
destiné à soutenir la promotion sociale de ceux qui le<br />
pratiquent. A ce compte, il pourrait devenir, assez<br />
dangereusement d'ailleurs, le critère de recrutement d'une<br />
certaine élite. Le plus curieux demeurant, toutefois, le fait<br />
qu'une telle promotion se réalise effectivement. Et, au pis aller,<br />
un tel crime jouit <strong>du</strong> monopole de l'impunité. Ce qui implique<br />
une tacite acceptation de son existence, là où vainement, des<br />
voix s'élèvent pour le dénoncer. Ce qui, de surcroît, auréole de<br />
puissance ces criminels. Ce qui, également, justifie la<br />
perpétuation <strong>du</strong> phénomène. Car, <strong>du</strong> coup, l'entreprise devient<br />
grandiose, tentante, par conséquent. Il devient un critère de<br />
promotion sociale <strong>et</strong> glorifie ses pratiquants.<br />
Pour briguer les somm<strong>et</strong>s de l'échelle sociale, le sacrifice<br />
rituel est requis <strong>et</strong> devient un raccourci. Il me semble évident<br />
que si le sacrifice pratiqué sur les êtres humains n'était pas<br />
assorti de tels eff<strong>et</strong>s ou s'il était même socialement désapprouvé,<br />
sa pratique serait désuète <strong>et</strong> serait abandonnée. Ses pratiquants<br />
honnis. Et, nous ne serions pas là à le dénoncer, à vouloir faire<br />
cesser c<strong>et</strong>te pratique persistante. Car, ce que nous faisons ici,<br />
c'est de nous substituer à la société, clouée au sol par son<br />
impuissance, son inorganisation. Il me semble que ce que nous<br />
faisons ici, les O.N.G. pourraient très bien le faire, en tant que<br />
société civile, intenter des procès pour l'élucidation d'un crime,<br />
quand des indivi<strong>du</strong>s éprouveraient des difficultés à en faire<br />
aboutir la procé<strong>du</strong>re.<br />
1. Les racines socioculturelles <strong>du</strong>phénomène<br />
On ne peut pas éradiquer un phénomène en s'attaquant à<br />
son ombre; c'est en identifiant les causes réelles d'un conflit<br />
qu'on peut le résoudre. Nous nous indignons devant les<br />
meurtres <strong>et</strong> les guerres, sans trop savoir quelles en sont les<br />
126
acines profondes. L'émotion suscite les conflits, mais, c'est la<br />
raison qui résout les problèmes. Après avoir ainsi posé le<br />
problème <strong>du</strong> sacrifice rituel, venons-en aux multiples causes <strong>du</strong><br />
phénomène.<br />
Pour chaque phénomène social, on peut trouver des causes<br />
de sortes: les causes endogènes, celles qui sont structurellement<br />
liées au fonctionnement <strong>et</strong> à l'organisation sociale. Et les causes<br />
exogènes, celles qui proviennent d'autres sociétés, d'autres<br />
civilisations, avec lesquels notre propre culture est entrée en<br />
contact. Si une société est réceptive aux influences d'une autre,<br />
c'est qu'il y a dans celle-ci des schémas qui y prédisposent.<br />
2. Les causes endogènes<br />
Une monographie sur la question aurait certes, permis de les<br />
inventorier <strong>et</strong> de les énumérer. Mais, nous ne pouvons nous<br />
livrer à pareil exercice, compte tenu des impératifs <strong>du</strong> moment<br />
<strong>et</strong> <strong>du</strong> temps qui nous est imparti. Il importe cependant de<br />
signifier que, dans la plupart de nos cultures africaines, pour ne<br />
pas généraliser, il existe des légendes, des contes, des épopées,<br />
des faits valorisant le sacrifice rituel. Le phénomène de l'Avalega<br />
chez les Fangs, n'est pas une légende, mais un fait dont<br />
personne ne doute de l'authenticité. Un sorcier s'empare d'un<br />
enfant, lui donne un m<strong>et</strong>s magique, <strong>et</strong> le soum<strong>et</strong> à un pacte <strong>du</strong><br />
genre: «Tu auras dix femmes, trente enfants, en revanche, tu me<br />
donnes ta mère », lui exige un sacrifice d'un membre de sa<br />
famille son père, sa soeur ou son frère. L'enfant ne s'exécutant<br />
pas tombera malade. Pour le soigner, c'est-à-dire, le déconnecter<br />
de son agresseur, il faut faire, non plus un sacrifice humain,<br />
mais celui <strong>du</strong> bétail. De tels faits sont en eff<strong>et</strong> récurrents dans<br />
notre société. Ces considérations nous perm<strong>et</strong>tent d'ailleurs<br />
d'étendre la notion de sacrifice <strong>du</strong> rituel de l'agression physique<br />
à l'agression psychique. Dans le même ordre d'idée, on connaît<br />
les phénomènes de l'Itengo chez les Punus, celui <strong>du</strong> Zombi,<br />
dans les cultures <strong>du</strong> vaudou. La mort vaudou est administrée<br />
par les prêtres à ceux qui défient leur pouvoir ou qui leur<br />
résistent. Du coup, le pouvoir va exercer une sorte de<br />
127
fascination sur les esprits. Et, on verra des gens partir <strong>du</strong><br />
Gabon, par exemple, vers le Bénin, pour se débarrasser de leurs<br />
rivaux. Dans le Mv<strong>et</strong> Fang, par exemple, il y a des épopées où il<br />
est conseillé au héros de ne pas tuer un animal, mais un<br />
homme, parce que tuer un homme confere plus de gloire.<br />
Parmi les causes endogènes on peut signaler encore le culte<br />
des ancêtres, l'ancêtre éloigné <strong>du</strong> sacrifice rituel. L'ancêtre,<br />
avant sa mort, léguait à sa postérité ses restes immortels, aux<br />
fins de leur utilisation religieuse. A sa mort, son crâne était<br />
exhumé de terre <strong>et</strong> destiné à un rituel.<br />
Il était conservé jalousement dans un reliquaire. Mais, voilà<br />
un abus d'interprétation chaque fois possible : quelqu'un peut<br />
tuer un parent <strong>et</strong> constituer son reliquaire. Ce qui constitue<br />
naturellement un sacrifice rituel.<br />
3. Les causes exogènes<br />
Les religions d'importation sont venues renforcer certaines<br />
tendances, <strong>sous</strong> prétexte de les combattre. Le christianisme, par<br />
exemple, s'est insurgé contre l'idolâtrie <strong>et</strong> la pratique des<br />
reliques, les condamnant comme des pratiques sataniques, alors<br />
même qu'ils conservent les reliques des saints, de la même<br />
manière que l'indigène conserve son reliquaire. Mais, c'est<br />
surtout le sacrifice d'Abraham <strong>et</strong> l'Agnus Dei, qui fournissent la<br />
matière au sacrifice rituel.<br />
La Bible, le document de base commun au judaïsme <strong>et</strong> au<br />
christianisme, rapporte que Abraham allait son fils Isaac à Dieu,<br />
quand celui-ci lui offrit un mouton à la place. L'islam a<br />
perpétué ainsi le rituel attribué à Abraham. L'analyse tendrait<br />
plutôt à montrer qu'il ne s'agit pas d'un acte isolé, <strong>et</strong> que le<br />
sacrifice humain était pratiqué dans c<strong>et</strong>te région <strong>du</strong> monde. Les<br />
pouvoirs que la Bible reconnaît au patriarche ne sont-ils pas<br />
l'eff<strong>et</strong> <strong>du</strong> sacrifice <strong>et</strong> de la soumission. L'anecdote n'est qu'une<br />
feuille d'arbre qui cache la forêt. Mais, ce sacrifice humain<br />
paraît avoir été perpétué <strong>sous</strong> la forme ritualisée de lapidation.<br />
128
Les miliciens <strong>et</strong> les justiciers de Dieu exécutant là, une sentence<br />
que Dieu n'a point prononcée, que sans nul doute, Il ne saurait<br />
prononcer. De même, dans le christianisme, la pratique <strong>du</strong><br />
bûcher n'était ni plus ni moins qu'un sacrifice rituel. On offrait<br />
ainsi à Dieu, quelqu'un ayant été condamné pour avoir enfreint<br />
la loi divine. C'était la bête de l'holocauste.<br />
Malheureusement, la loi attribuée à Dieu est celle des<br />
hommes soucieux de régner sur les autres. Pis que cela, on nous<br />
présente l'hostie comme le corps <strong>du</strong> Christ <strong>et</strong> le vin comme son<br />
sang. Il s'agit, bien enten<strong>du</strong>, de symboles. Mais, les symboles ont<br />
dans le psychisme le même pouvoir que les réactifs en chimie.<br />
Au bout <strong>du</strong> compte, on agit sur le réel par des symboles.<br />
Cependant, rien n'indique que lorsque les symboles perdent de<br />
leur efficacité, les gens ne peuvent pas recourir, <strong>du</strong> symbole à<br />
l'obj<strong>et</strong> symbolisé, en l'occurrence, le sang humain ou encore,<br />
par suite de leur insensibilité aux symboles, le recours direct au<br />
sang ne présente pas plus d'avantage, étant d'une efficacité<br />
garantie.<br />
L'<strong>et</strong>hnologie nous fournit un certain nombre d'exemple :<br />
dans certaines sociétés royales, quand le pouvoir était menacé,<br />
le rituel de l'établissement de l'ordre consistait à placer l'esclave<br />
au trône pendant quelques jours ou quelques semaines. Après,<br />
l'esclave était mis à mort, <strong>et</strong> le roi reprenait les rênes <strong>du</strong> pouvoir.<br />
Il s'agit là de mimer l'alternance politique, de feindre la<br />
démocratie. C'étaient des sociétaires qui allaient prendre un<br />
esclave pour le porter au trône; c'étaient les mêmes qui allaient<br />
le prendre pour la cérémonie d'immolation. Subterfuge<br />
macabre qui relance le pouvoir royal par un sacrifice humain. Le<br />
sens de ce rituel est que le roi peut tuer tous les suj<strong>et</strong>s, même un<br />
esclave devenu roi. Et la mise à mort de l'esclave signifie que le<br />
pouvoir se nourrit de sang humain, <strong>et</strong> non <strong>du</strong> sang <strong>du</strong> bétail,<br />
étant enten<strong>du</strong> que ce rituel résulte d'une prescription sociale.<br />
Et, de surcroît, il est mis en marche par le roi lui-même. C'est le<br />
type même <strong>du</strong> sacrifice rituel. A l'exception d'un Toussaint<br />
Louverture, les esclaves n'ont ni culture, ni intelligence<br />
politique. Sinon, devenu momentanément roi, l'esclave pouvait<br />
ordonner la mise à mort <strong>du</strong> roi titulaire.<br />
129
Même l'imagination la plus folle ne parvient pas toujours à<br />
apprécier l'impact de tels phénomènes dans le psychisme<br />
indivi<strong>du</strong>el ou collectif. Car la mémoire collective s'emparant <strong>du</strong><br />
phénomène, peut le transformer <strong>du</strong> social au génétique. Et, la<br />
question devient dans ce cas héréditaire. C'est en fait ce que Karl<br />
Gustave Jung appelle les archétypes. Le processus résulte<br />
simplement de ce que Pavlov avait appelé le réflexe conditionné.<br />
«Nous sommes tous, disait quelqu'un, les chiens de l'Institut<br />
Pavlov.»<br />
Je voudrais soulever ici, la question à la fois perplexe en<br />
angoissante, de savoir si le lien entre le pouvoir <strong>et</strong> le sacré, entre<br />
la puissance <strong>et</strong> le sang, ne fait pas partie de notre patrimoine<br />
génétique. Car, le sacrifice rituel n'est pas seulement pratiqué au<br />
Gabon ou dans les pays <strong>sous</strong>-développés. On le r<strong>et</strong>rouve même<br />
dans les grandes démocraties, mais de manière si subtile que les<br />
sociétaires ne se rendent même pas compte de son existence.<br />
Lorsque les V.S.A. envahissent l'Iraq <strong>et</strong> tuent des hommes en<br />
catastrophe, c'est le pouvoir de leur Président qui en sort<br />
renforcé. On est tenté d'y voir un sacrifice rituel. Et<br />
l'extermination des Juifs dans l'Allemagne nazie, n'est-elle pas<br />
une forme déguisée de sacrifice rituel. Plus près de nos murs, la<br />
guerre ivoiro-ivoirienne, n'est-elle pas un sacrifice rituel?<br />
4. Les moyens d'action<br />
Je suis convaincu d'une chose, c'est que les savants de la<br />
NASA ou ceux de la Station Spatial Européenne n'ont besoin, ni<br />
de prière, ni à plus forte raison de sacrifice rituel pour envoyer<br />
des engins dans l'espace, placer des satellite en orbite pour<br />
observer la terre ou le soleil, pour envoyer une sonde sur Titan.<br />
Vne seule chose leur est nécessaire: l'intelligence. Et, c'est elle<br />
qui fait des miracles. En deux siècles, à peine de science,<br />
l'intelligence a ruiné les mystères sur lesquels reposait la foi: le<br />
soleil n'est plus un lampadaire qui éclaire la terre, mais le centre<br />
de notre univers. Je suis aussi convaincu que, ni Satan, ni à plus<br />
forte raison, Dieu Créateur, n'ont besoin, ni l'un, ni l'autre,<br />
d'aucun sacrifice venant de l'Homme. j'en veux pour preuve le<br />
130
fait que Dieu ait offert le mouton à Abraham. Si Sacrifice, il y a,<br />
c'est Dieu, plutôt que l'homme, qui en fait un. Tout ce dont<br />
l'homme dispose sur terre: ses richesses, son corps autant que<br />
son âme, a été pourvu par Dieu. De sorte que, le seul sacrifice<br />
qu'li puisse exiger de l'homme est la conscience, le<br />
développement de son intelligence. L'ordinateur, le téléphone<br />
portable, le vaccin, le scanner, ne sont pas le fruit de la foi, mais<br />
de l'intelligence humaine. Je n'ai rien contre la foi, mais, il ne<br />
faudrait pas qu'elle soit aveugle pour pro<strong>du</strong>ire des fanatiques.<br />
Car, je suis convaincu que le sacrifice rituel est le fait de<br />
l'ignorance des lois divines <strong>et</strong> des lois de la matière, <strong>et</strong> que tout<br />
sacrifice rituel est un culte voué à l'ignorance plutôt qu'à la<br />
divinité. Je ne nie pas l'efficacité des procé<strong>du</strong>res. Mais, ce que<br />
l'on obtient par de telles procé<strong>du</strong>res, peut être obtenu<br />
autrement, <strong>et</strong> sans causer préjudice à quiconque.<br />
La foi résulte <strong>du</strong> conditionnement. C'est aussi le cas de la<br />
science. En développant des programmes scientifiques des<br />
écoles, on conditionnerait les enfants à devenir des<br />
scientifiques. Car, parmi les intellectuels, les littéraires sont plus<br />
vulnérables à la foi que les scientifiques.<br />
Je pense aussi à la sur-valorisation de la fonction politique<br />
sur les fonctions scientifiques ou techniques. Un député, par<br />
exemple, a trois fois le salaire d'un médecin. Le revers est tel que<br />
le médecin perd foi en ce qu'il fait <strong>et</strong> est contraint de postuler<br />
un poste politique, plus rémunérateur. De sorte que, une<br />
ré<strong>du</strong>ction des écarts de salaires ou une véritable mise en valeur<br />
de la fonction intellectuelle constituerait un frein au<br />
phénomène de crime rituel.<br />
La pratique <strong>du</strong> sacrifice rituel est contigüe à la pauvr<strong>et</strong>é <strong>et</strong> à<br />
l'ignorance.<br />
131
Les sacrificeshumains au Gabon: Devantl'opinion<br />
publique <strong>et</strong> la conscience de l'Eglise.<br />
AndréOBAME<br />
(Gabon)<br />
Je vous remercie de me donner l'opportunité de m'exprimer<br />
ici sur les crimes rituels, d'autant plus que je ne suis ni juriste,<br />
ni enquêteur, encore moins spécialiste de la question.<br />
En revanche, ma préoccupation personnelle est motivée par<br />
ce que ma famille, à l'instar de nombreuses familles<br />
Gabonaises, a été endeuillée par le fait de ces pratiques. Le p<strong>et</strong>it<br />
OBAGHA, mon cousin germain, serait aujourd'hui âgé de 37<br />
ans, s'il n'avait été, dans les années 75-76, victime de la barbarie<br />
que nous voulons dénoncer en ce lieu.<br />
Par ailleurs, ma qualité d'homme des médias, <strong>et</strong> chrétien, me<br />
situe inévitablement au cœur de l'existence <strong>et</strong> des<br />
préoccupations de mes contemporains.<br />
Mon approche de la question prend comme élément de base<br />
les «faits divers» tels que relatés par la presse. En eff<strong>et</strong>, celle-ci se<br />
fait l'echo de phénomènes dont l'ampleur <strong>et</strong> la barbarie<br />
inquiète chaque jour les populations.<br />
li Y apparaît le fait que le Gabon connaît, vers le début des<br />
années 1970, une forme de criminalité inhabituelle.Des cadavres<br />
sont fréquemment découverts, gisant sur les plages, dans les<br />
bosqu<strong>et</strong>s, tant à Libreville qu'à l'intérieur <strong>du</strong> pays Particularité<br />
de ces morts: l'absence quasi systématique de certains organes<br />
vitaux (cœur, parties génitales, langues,...). Ces faits seraient<br />
imputables à l'existence des sectes ou autres organisations<br />
mystico-religieuses <strong>et</strong> lieraient la promotion sociale, la richesse<br />
<strong>et</strong> le pouvoir à la pratique de sacrifices humains.<br />
Il fut un temps où on pouvait se demander quel crédit<br />
accorder à ces « rumeurs» d'enlèvements, d'assassinats <strong>et</strong> de<br />
133
mutilations, faute de circuits officiels de communication<br />
crédibles <strong>et</strong> faute de transparence sur ces faits.<br />
Mais les quelques indices dont nous pouvons disposer nous<br />
perm<strong>et</strong>tent cependant d'affirmer qu'il n'y a pas de fumée sans<br />
feu...<br />
A ce titre, les journaux qui révèlent sur la place publique la<br />
barbarie des crimes rituels nous apparaissent comme des caisses<br />
de résonance d'une profonde détresse au sein de la société. lis<br />
ne sont, nous semble-t-il, que l'écho des cris de ces créatures <br />
anonymes <strong>et</strong> proches- sacrifiées parfois au printemps de leur<br />
vie, au profit d'ignobles ambitions égoïstes.<br />
Les crimes ne sont certes pas l'apanage des Gabonais.Une<br />
certaine lecture de l'histoire <strong>et</strong> des journaux étrangers,<br />
notamment, nous impose le constat qu'ils ont lieu <strong>sous</strong><br />
d'autres latitudes. (Abel <strong>et</strong> Caïen, les révélations <strong>du</strong> nouveau<br />
détective...).<br />
Mais au Gabon, ils acquièrent un caractère particulier <strong>du</strong> fait<br />
de l'hypo-démographie de ce pays (un peu plus d' 1 million<br />
d'habitants pour près de 270 000 km2 de superficie) qui confère<br />
à tout événement - tragique de surcroît - une dimension<br />
nationale. Plus encore lorsque celui-ci s'entoure de<br />
circonstances mystico-spiritualistes.<br />
1. Hypothèse sur Hypothèse surlanature des critnes<br />
Les Gabonais seraient-ils subitement (re-) devenus<br />
anthropophages <strong>et</strong> particulièrement friands de certaines parties<br />
<strong>du</strong> corps humain?<br />
C<strong>et</strong>te éventualité est difficilement soutenable car on<br />
assisterait alors à de véritables « chasse à l'homme» d'une part,<br />
d'autre part, l'importance <strong>et</strong> surtout l'anachronisme <strong>du</strong><br />
phénomène feraient en sorte qu'il ne puisse ne pas être dénoncé<br />
autant par l'opinion nationale qu'internationale.<br />
134
Par ailleurs, les auteurs de crimes passionnels, règlements de<br />
comptes ainsi que les psychopathes, coupables d'autres<br />
atrocités sont généralement identifiées puis mis hors d'état de<br />
nuire par les forces de sécurité. .<br />
Il importe peut-être de souligner que des traditions<br />
gabonaises connaissent un phénomène qui s'apparente à celui<br />
évoqué plus haut.<br />
Notamment:<br />
- Le Ditengu chez les Punu.<br />
Ici le «vampireux» tue <strong>et</strong>/ou mange mystiquement sa victime<br />
afin de contrôler, par quelqu'alchimie ou autre procédé dont<br />
lui seul détient le secr<strong>et</strong>, l'esprit de la victime <strong>et</strong> acquérir ou<br />
renforcer ainsi puissance, prestige, pouvoir, <strong>et</strong>c.<br />
On parle également de KONG chez les Fang où le détenteur<br />
de ce procédé « tue » <strong>et</strong>/ ou mange ses victimes afin de disposer<br />
de ses facultés vitales. Notons que ces pratiques, dans l'un <strong>et</strong><br />
l'autre exemple, appartiennent à ce que l'on appelle ici au «<br />
monde de la nuit », car relevant d'une dimension tout autre que<br />
physique.<br />
Pour « primItIves » que soient ces pratiques, elles ne<br />
demeurent pas moins solidement ancrées dans l'esprit <strong>du</strong> plus<br />
grand nombre.A telle enseigne qu'on adm<strong>et</strong> difficilement<br />
qu'une mort d'homme soit naturelle. Et les forces de l'ordre, la<br />
loi d'une manière générale, puisque n'ignorant rien de ces<br />
réalités là, en restent totalement impuissantes. A l'inverse de la<br />
société dite traditionnelle qui sanctionne, notamment par la<br />
mise à l'index <strong>et</strong> la marginalisation, les présumés coupables de<br />
sorcellerie ou de vampire.<br />
Aucune véritable commune ne mesure cependant avec<br />
l'expansion des crimes auxquels on assiste au Gabon à partir<br />
des années 1970. Car ici, on constate effectivement l'œuvre de<br />
135
mains criminelles: personnes égorgées, mutilées <strong>et</strong> dépourvues<br />
de certains organes (presque toujours les mêmes).<br />
Ces organes sont quelques fois découverts dans des sacs ou<br />
des glacières en possession d'indivi<strong>du</strong>s s'apprêtant à effectuer<br />
leurs sinistres transactions. Autant d'éléments dont la qualité<br />
peut-être appréciée par quiconque pour attester de la réalité <strong>du</strong><br />
drame. C'est pourquoi nous osons affirmer qu'il existe dans<br />
notre pays une organisation secrète de crime.<br />
Même s'il n'est pas totalement exclu que les nouveaux<br />
sacrificateurs s'en soient pris aux membres de leurs propres<br />
familles, tout citoyen est devenu une victime potentielle de ces<br />
professionnels <strong>du</strong> crime, organisés, semble-t-il, en au moins<br />
trois groupes d'activités complémentaires.<br />
En amont se trouvent les commanditaires. Ce sont<br />
généralement des personnes (personnalités) fort ambitieuses<br />
qui entendent acquérir pouvoir, promotion ou confirmation de<br />
leur statut autrement que par leur compétence <strong>et</strong> la force de<br />
leur travail. Elles sollicitent alors les services de quelque faiseur<br />
de miracles, sorciers <strong>et</strong> charlatans qui, en plus de l'exigence de<br />
substantielles sommes d'argent, dressent de véritables<br />
ordonnances aux pro<strong>du</strong>its les plus inatten<strong>du</strong>s, partant des<br />
épines dorsales de requins, par exemple, aux organes humains<br />
frais ou desséchés. Ne pouvant manifestement se les procurer<br />
personnellement (statut social oblige), elles engagent ainsi les<br />
services de tierces personnes qui, à l'instar d'animaux<br />
prédateurs dans la forêt, gu<strong>et</strong>tent leurs proies, à savoir des<br />
enfants imprudents, des hommes, des femmes isolés qu'ils<br />
neutralisent dès l'instant favorable.<br />
Ces pratiques sont si repen<strong>du</strong>es qu'à la veille des d'élections,<br />
d'événements politiques d'envergure ou de nouvel an, les<br />
populations, surtout les plus fragiles, vivent l'angoisse 100% au<br />
quotidien. Ceci d'autant plus que les auteurs, parfois connus de<br />
ces actes criminels, jouissent d'une parfaite impunité.<br />
136
Au rythme où se développe la pratique de sacrifices<br />
humains, au vu de l'indifférence des pouvoirs publics <strong>et</strong> de<br />
l'impunité qui la caractérise, il nous semble que la société qui<br />
est la nôtre est malade <strong>et</strong> donc à terme condamnée à<br />
s'autodétruire. D'autant plus que la mort est si banalisée par<br />
plusieurs facteurs, <strong>et</strong> dans la mesure où la vie elle-même, don de<br />
Dieu, ne semble plus constituer de ce fait qu'une simple valeùr<br />
d'échange mercantile.<br />
Dans un tel contexte qui semble outrepasser ses prérogatives<br />
<strong>et</strong> où l'homme en tant qu'image de Dieu est menacé, l'Eglise<br />
n'a-t-elle pas son mot à dire, un rôle à jouer, une expertise à<br />
proposer? Si oui, quels peuvent être les fondements de son<br />
éventuelle action? Il m'apparaît qu'une intervention de l'Eglise<br />
peut se faire suivant une triple justification.<br />
Toute personne a le droit d'exprimer <strong>et</strong> de diffuser ses<br />
opinions dans le cadre des lois <strong>et</strong> règlements. A c<strong>et</strong> eff<strong>et</strong>, il me<br />
semble donc pas qu'une intervention de l'Eglise tombe <strong>sous</strong> le<br />
coup d'une quelconque infraction à la légalité; d'autant que<br />
celle-ci va dans le sens <strong>du</strong> respect des droits <strong>et</strong> de l'intégrité de<br />
la personne humaine que reconnaît explicitement notre<br />
Constitution.<br />
Le deuxième argument est d'ordre religieux <strong>et</strong> moral. C'est<br />
ici que se situe le devoir primordial de former à une foi solide<br />
qui puise en Dieu la force d'une charité active <strong>et</strong> ouverte à tous.<br />
Par là l'Eglise a le devoir de contribuer à l'épanouissement de<br />
toutes les vertus qui perm<strong>et</strong>tent de construire dès ici-bas, la<br />
société à laquelle les hommes aspirent: une société juste où la<br />
vie, l'honneur <strong>et</strong> tous les droits humains sont respectés.<br />
Je voudrais enfin invoquer l'autorité morale <strong>et</strong> spirituelle de<br />
l'Eglise. Nos traditions sont très sensibles, voire craintives, par<br />
foi ou par superstition, vis-à-vis de tout ce qui se rapporte au<br />
sacré. L'Eglise, dans l'entendement collectif, appartient à c<strong>et</strong><br />
ordre-là, <strong>et</strong> pourrait, avec ses moyens propres inverser la<br />
tendance que nous dénonçons aujourd'hui. Elle dispose aussi<br />
d'une autorité morale certaine.<br />
137
Ne disposant pas de statistique éprouvée, nous pouvons<br />
toutefois affirmer que la chrétienté, toutes confessions<br />
confon<strong>du</strong>es, constitue plus de la moitié de la population<br />
gabonaise. Les chefs de l'Eglise, sur la base de l'unité de leurs<br />
communautés, pourraient engager leur autorité personnelle<br />
dans la lutte contre la pratique des sacrifices humains ;<br />
notamment en initiant des actions coordonnées qui ne<br />
manqueraient pas totalement d'eff<strong>et</strong>s... Le respect,<br />
l'épanouissement, l'intégrité de la personne humaine - à<br />
l'image <strong>et</strong> à la ressemblance de Dieu sont aussi à ce prix.<br />
138
Sous-thème III<br />
Les outils utilisés <strong>et</strong>utilisables par les<br />
confessions religieuses <strong>et</strong>les associations<br />
initiatiques dans lalutte contre les crimes<br />
rituels enAfrique centrale<br />
139
De la réconciliation interne à l'épanouissement<br />
(interne) de l'indivi<strong>du</strong> négro-africain dans les<br />
pratiques de la maîtrise sociale traditionnelle<br />
Pro Martin AUHANGA,<br />
Sociologue Anthropologue <strong>et</strong><br />
Théologien catholique (UOB Gabon)<br />
Les Organisateurs <strong>du</strong> présent colloque sur les « <strong>Causes</strong> <strong>et</strong><br />
moyens de prévention des crimes rituels <strong>et</strong> des conflits en<br />
Mrique Centrale » nous ont demandé de vous entr<strong>et</strong>enir sur le<br />
thème suivant: «De la réconciliation (interne) à l'épanouissement <strong>du</strong><br />
Négro-Africain dans les pratiques de la Maîtrise Sociale Traditionnelle»<br />
La lecture <strong>du</strong> social <strong>et</strong> de l'agir <strong>du</strong> Négro-Africain nous<br />
montrent que si certains acteurs sociaux s'adonnent aux crimes<br />
rituels, c'est parce que leur for interne manque un principe<br />
d'unité fidéiste au sens le plus obvie de ce terme.<br />
En eff<strong>et</strong>, depuis que le Verbe coéternel au Père s'est incarné,<br />
Il est venu parachever l'enseignement que son Père a donné à<br />
nos Pères, héros civilisateurs de la société négroafricaine, <strong>et</strong> ce à<br />
travers les structures sociales de notre Cité terrestre. D'après<br />
Vatican II, c<strong>et</strong>te révélation continue à s'affirmer toujours à<br />
travers ces structures sociales. Ce qui fonde leur titre de<br />
juridiction <strong>et</strong> partant, leur source de bonté essentielle.<br />
Depuis c<strong>et</strong>te irruption <strong>du</strong> Verbe coéternel au Père dans le<br />
cours de notre Histoire datent les trois religions révélées qui<br />
sont, par ordre de naissance ou de révélation, le judaïsme, le<br />
christianisme, <strong>et</strong> l'islam. Ce Verbe incarné porte le nom de<br />
Christ, c'est-à-dire l'Oint <strong>du</strong> Seigneur ou Jésus i.e. le Sauveur.<br />
C'est ainsi que la sôterisation de l'Humanité ou l'histoire de<br />
l'Economie <strong>du</strong> Salut de l'Humanité constitue un véritable<br />
événement, c'est- à- dire l'avènement d'élément dans le cours de<br />
l'histoire d'un indivi<strong>du</strong>, d'une communauté ou d'un peuple, <strong>et</strong><br />
qui lui donne une orientation, une direction irréversible.<br />
141
C'est pourquoi depuis lors, notre Humanité est une<br />
Humanité finalisée. Nous venons de quelque part <strong>et</strong> nous allons<br />
irréversiblement quelque part. C'est une donne de la Pensée de<br />
nos Pères, conviction confirmée par la Révélation apportée par<br />
Jésus-Christ, envoyé <strong>du</strong> Père pour le Salut Universel de<br />
l'Humanité en tant que Rédempteur <strong>et</strong> Médiateur Universel.<br />
C'est, en eff<strong>et</strong>, de lui qu'il est écrit « Quod non assumpsit non<br />
redemptum, ce qu'Il n'a pas assumé n'a pas été sauvé.»<br />
C'est précisément dans ce paysage de l'Assomption<br />
Universelle par Jésus-Christ que se situe <strong>et</strong> doit se situer la<br />
bataille pour une Maîtrise Sociale Traditionnelle réussie par<br />
l'entremise d'une Inculturation réussie.<br />
Par Maîtrise Sociale, il faut entendre l'ensemble des pratiques<br />
biotjjères ou mortifères que manipulent avec plus ou moins<br />
d'efficacité les spécialistes des structures de la Foi Ancestrale. Il<br />
s'agit particulièrement des éléments structurants <strong>et</strong> constructifs<br />
<strong>du</strong> Corps Social qlIi, en général, véhiculent une connotation<br />
péjorative tels que sorcier, sorcellerie, fétiche, féticheur, fusil<br />
nocturne, nganga, <strong>et</strong>c. Nous préférons le néologisme locutionnel<br />
de Maîtrise Sociale pour donner plus de respect <strong>et</strong> de dignité à la<br />
tra<strong>du</strong>ction terminologique de ces réalités de notre espace<br />
culturel <strong>et</strong> cultuel. Il convient donc de distinguer, parmi ces<br />
moyens de la Maîtrise Sociale, des pratiques prévalamment<br />
bénéfiques <strong>et</strong> des pratiques essentiellement maléfiques.<br />
Les détenteurs de ces moyens de Maîtrise Sociale peuvent les<br />
avoir acquis soit par prestation personnelle soit par la voie<br />
héréditaîre, c'est-à-dire, depuis leur naissance. S'il s'agit d'une<br />
acquisition par hérédité, c<strong>et</strong>te transmission se faît à l'insu <strong>du</strong><br />
bénéficiaîre. Ce n'est que par la suite qu'il découvrira ou qu'on<br />
lui fera découvrir qu'il a un pouvoir peu commun.<br />
Si, en revanche, il s'agit d'une acquisition volontaire, la<br />
transmission <strong>du</strong> pouvoir charismatique s'accomplit alors par<br />
un rite initiatique. Dans ce cas, le postulant ne peut entrer en<br />
possession effective <strong>du</strong>dit pouvoir charismatique qu'après avoir<br />
142
satisfait à certaines obligations exigées <strong>et</strong> prévues dans le rituel,<br />
<strong>sous</strong> peine d'entraîner non seulement l'échec de l'opération<br />
mais encore des dommages matériels, physiques où moraux sur<br />
la personne <strong>du</strong> candidat ou de l'un de ses proches parents. Pour<br />
comprendre une certaine rationalité de la sorcellerie <strong>et</strong> bien<br />
saisir le sens de ces capacités mortifères ou biotifères que<br />
détiennent certaines personnes à l'égard des autres vivants, il<br />
convient de faire grand cas de l'espace mystique qu'occupe la<br />
Puissance obédientielle dans l'oeuvre de la création. Par c<strong>et</strong>te<br />
expression théologique un peu barbare voire insolite pour le<br />
commun des croyants, les théologiens entendent le pouvoir que<br />
Dieu a donné <strong>et</strong> donne encore à certain de ses enfants de<br />
commander d'une manière souveraine, efficace à des créatures<br />
qui, de par leur nature, ne peuvent pas normalement obéir à un<br />
ordre donné par un homme. Mais voici qu'en vertu de ce<br />
pouvoir souverain, certains hommes peuvent se faire obéir<br />
même par des êtres inanimés. Se faire obéir, par exemple, par le<br />
vent, la tempête, la pluie, la mer, la montagne, la pierre, le soleil,<br />
la lune, les étoiles; les plantes, les arbres. Pouvoir se faire obéir,<br />
en un mot, par toute la création, fruit <strong>du</strong> Verbe de Dieu; hormis<br />
l'Homme parce que précisément créature douée d'intelligence,<br />
de volonté <strong>et</strong> de capacité de choisir <strong>et</strong> de se déterminer, c'est-àdire<br />
créature douée de liberté, cela, en conformité avec la<br />
volonté <strong>du</strong> Créateur qui lui a donné un ordre formel de<br />
commander à tout l'ensemble de l'univers: «Voici la Terre.<br />
Domine-la»<br />
Dans un premier temps, on a pensé que Dieu n'a pu donner<br />
un tel pouvoir qu'à son Fils Jésus-Christ qui a su commander<br />
d'une manière souveraine à la tempête, à la mer; <strong>et</strong> la mer de<br />
devenir immédiatement placide. Mais, dans un deuxième temps,<br />
on s'est très vite aperçu que Dieu a donné <strong>et</strong> donne encore à<br />
beaucoup d'autres de ses enfants, frères de son Fils Jésus-Christ,<br />
ce même pouvoir de commander d'une manière souveraine à<br />
des êtres habituellement frappés d'incapacité d'obéir. Et des<br />
exemples ne manquent pas.<br />
Les crimes arrivent parce que le r<strong>et</strong>our au Père, le r<strong>et</strong>our au<br />
Grand-Village s'effectue par deux voies parallèles. La foi<br />
143
Sociale ou de l'inspiration de l'action sociale. Elles sont non<br />
seulement impératives socialement mais aussi explicatives<br />
matériellement <strong>et</strong>, comme telles, servent de fondement à la<br />
pensée religieuse. Le Mbede croit en eff<strong>et</strong>, avec beaucoup de<br />
conviction, à l'interrelation <strong>et</strong> à l'interaction entre les<br />
phénomènes de l'espace-temps, <strong>du</strong> monde visible <strong>et</strong> invisible.<br />
Autrement dit, il croit fermement à la solidarité cosmique. Pour<br />
lui tous les règnes sont interliés dans le Cosmos, point d'action,<br />
point de phénomène isolé. Il en résulte un ordre moral certain<br />
dans l'Univers dont nombre de coutumes observées <strong>et</strong><br />
respectées sont un support tangible. Le bien-être de l'homme<br />
dépend de son obéissance à c<strong>et</strong> ordre tel qu'il le perçoit.<br />
Les structures de la foi sont ainsi structurées selon des<br />
aspects variés, une projection <strong>et</strong> une affirmation de certaines<br />
normes gouvernant l'évolution de la société. Par leur influence<br />
sur la vie quotidienne se dégage la codification sélective d'un «<br />
double réseau de pression morale : d'une part, l'influence<br />
positive <strong>du</strong> principe <strong>du</strong> Bien pour tout ce qui soutient ou<br />
conserve le système social spécifique; d'autre part, l'influence<br />
négative <strong>du</strong> même principe, notamment le mal qui amène, <strong>sous</strong><br />
une forme ou <strong>sous</strong> une autre, la punition <strong>et</strong> la peur, tout ce qui<br />
va à l'encontre de notre système social.<br />
Notre analyse des structures de foi se développera ainsi<br />
logiquement en deux paragraphes: le monde invisible <strong>et</strong> le<br />
monde visible. Le catalogue des croyances étant considérable,<br />
on comprend que, dans le cadre d'une étude comme celle-ci, il<br />
ne saurait être question de les examiner toutes. Nous nous<br />
limiterons à l'analyse de quelques spécimens qui peuvent avoir,<br />
de près ou de loin, quelque impact sur le changement social, sur<br />
la mutation des structures communautaires, soc/,.e de la société<br />
traditionnelle.<br />
2. Le monde invisible<br />
S'agissant de la croyance au monde invisible, nous ferons un<br />
simple rappel de la foi en un Dieu Créateur <strong>et</strong> Unique, <strong>et</strong><br />
145
nde ghibuna ghobisa JO ompa:çi ni, si Dieu donne un ordre à<br />
quelqu'un, il ne peut pas le refuser par force (Nul ne peut<br />
résister à Dieu). Mais il n'est pas aussi clair que l'homme vit<br />
pour Dieu (pour le glorifier <strong>et</strong> pour le rejoindre un jour <strong>et</strong> vivre<br />
de sa propre vie divine). La théodicée négro-africaine n'a<br />
cependant pas à avoir honte de c<strong>et</strong>te pauvr<strong>et</strong>é doctrinale. Car<br />
seule la révélation peut apporter ces lumières supérieures. On<br />
ne s'étonnera donc pas qu'une théodicée si élevée, par ailleurs,<br />
ne possède pas une morale qui se réfère à la saint<strong>et</strong>é divine ou<br />
au bonheur éternel. Certes les notions de «bien» <strong>et</strong> de «mal», de<br />
«permis» <strong>et</strong> d'«interdit» existent très clairement <strong>et</strong> imprègnent<br />
de leurs entraves la vie quotidienne, personnelle <strong>et</strong> sociale des<br />
Obamba, comme nous avons eu l'occasion de le montrer en<br />
parlant de la justice. Mais, tout porte à croire que dans c<strong>et</strong>te<br />
morale, Dieu n'est présent que pour sanctionner l'automatisme<br />
des punitions déclenchées par la transgression, même<br />
inconsciente, des interdits. il est vrai que l'on rencontre des<br />
faiblesses de c<strong>et</strong> ordre dans d'autres morales vg celle chrétienne.<br />
Mais ce n'est pas une raison de ne pas souligner la carence, bien<br />
qu'elle soit inhérente à toute intelligence créée.<br />
Sans la révélation évangélique, toute intelligence humaine<br />
ignore en eff<strong>et</strong> la blessure intérieure de la conscience souillée<br />
par le péché <strong>et</strong> la saint<strong>et</strong>é de Dieu, <strong>et</strong> les trésors de son Amour<br />
miséricordieux; toutes vérités qui, <strong>du</strong> point de vue chrétien,<br />
fondent la morale parfaite à vocation universelle.<br />
La conséquence de c<strong>et</strong>te morale négro-africaine est, chez les<br />
Mbede, l'absence de la manifestation universelle courante de la<br />
vie religieuse à savoir le Culte public envers Dieu. Les formes<br />
habituelles <strong>du</strong> culte extérieur <strong>et</strong> social sont ici quasiinexistantes:<br />
temple, fêtes, liturgie, sacerdoce. Toutefois, on<br />
rencontre de temps en temps un autel (bogho ou otala) au bout<br />
<strong>du</strong> village sur lequel on offre les prémices des champs<br />
probablement à celui qui les a fait pousser. C'est, à notre<br />
connaissance, le seul indice de sacrifice franc au Dieu créateur.<br />
Ce qui nous porte à soutenir c<strong>et</strong>te thèse, c'est le fait que ces<br />
offrandes ne soient pas consommées comme celles offertes aux<br />
Epundi J mânes, reliques des Ancêtres. Car nous ne sommes pas<br />
147
de la « même race que Dieu, le Dieu transcendant ». Nous<br />
touchons ici le fondement de c<strong>et</strong>te absence de culte public: le<br />
Dieu de nos Pères est pleinement comblé; il est présent partout;<br />
il n'a besoin d'aucun hommage pour être heureux.<br />
En revanche, il est incontestable que Ndzyami est l'obj<strong>et</strong> d'un<br />
culte intérieur spirituel, indivi<strong>du</strong>el. De nombreux proverbes <strong>et</strong><br />
noms théophores sont des signes non équivoques de l'espérance<br />
qu'on lui porte, de la foi totale en son existence, en sa puissance,<br />
<strong>et</strong> de la volonté qu'on a de se placer <strong>sous</strong> sa protection. C'est un<br />
Dieu que l'on prie <strong>et</strong> que l'on invoque, certes pas en temps<br />
normal mais aux heures difficiles, critiques de la vie lorsque<br />
tout secours subalterne s'avère inefficace. C'est alors que l'on<br />
pousse le s.o.s. «Al Ndzyami, Tara yamaIJa me, oh! Dieu, mon<br />
Père, aide-moi! ».<br />
Il ne se confond pas avec les dieux des fables «ndzyami a<br />
ntana ua ndzyami a mbere, dieu d'en haut <strong>et</strong> dieu d'en bas »; «<br />
ndzyami a mpughu bla ndzyami a swagha, dieu <strong>du</strong> village <strong>et</strong> dieu de<br />
la brousse ». Ses décisions sont irrévocables. Ce que tra<strong>du</strong>it<br />
admirablement le proverbe suivant: « Ndzyami nga-baari a nde a<br />
buma, ghopundi IJe dza antaba ma andamiIJi, Dieu maître des<br />
hommes les rappelle à lui, tandis que la relique de l'Ancêtre<br />
«mange» des cabris en sacrifices offrandes inutiles) ». «Ndzyami<br />
ghidza biita ni, Dieu ne consomme pas de vivres; Nde ghodza <strong>et</strong>ima<br />
e baari, il mange les coeurs des hommes ». Dieu veut les hommes<br />
<strong>et</strong> non leurs offrandes (qui sont pour les Ancêtres (Epundi.<br />
Dans certains cas, la soumission à la majesté divine frôle le<br />
fatalisme: «Nyuru-obi Ndzyami », la malchance c'est Dieu (vient<br />
de Dieu): on ne peut rien faire contre le sort; on ne saurait<br />
conjurer le mauvais sort. C<strong>et</strong>te attitude d'écrasement de<br />
l'humble créature par la Toute-Puissance divine a des<br />
conséquences fâcheuses dans la con<strong>du</strong>ite quotidienne des gens<br />
particulièrement en matière économique. Tout échec sera<br />
qualifié de «Nyur 'obi, mauvais corps» (malchance); autrement<br />
dit c'est Dieu qui veut ainsi les choses, on n'y peut rien.<br />
148
Le Dieu Créateur <strong>et</strong> Unique « étant trop loin » pour<br />
s'occuper des hommes, ceux-ci finissent par se rabattre presque<br />
exclusivement, en fait de culte public, sur celui des Ancêtres qui<br />
assurent la médiation entre le Dieu transcendant <strong>et</strong> nous, gens<br />
(erre à erre). C'est par eux que coule la source de vie <strong>et</strong><br />
d'abondance. C'est par c<strong>et</strong>te voie que descend l'Esprit fertilisant<br />
la terre, <strong>et</strong> qui mène le monde <strong>et</strong> lui perm<strong>et</strong> de vivre. C'est par<br />
c<strong>et</strong>te voie ancestrale de la force vitale <strong>et</strong> vivifiante que le Dieu<br />
transcendant s'intéresse aux affaires des humains.<br />
Dès lors on comprend que pour obtenir tout ce dont il a<br />
besoin, le Mbede emprunte c<strong>et</strong>te même voie médiatrice, à moins<br />
que, dans une situation donnée, il ne lui soit plus avantageux de<br />
passer par celle des magiciens <strong>et</strong> autres détenteurs de la "Science<br />
de la Maîtrise Sociale". En eff<strong>et</strong>, comme tous les peuples de la<br />
terre qui guident l'expérience exclusive <strong>et</strong> la perception<br />
intuitive, le Mbede avant tout empirique croit à la soumission<br />
de la nature aux forces supranaturelles. D'où, sa foi en la<br />
solidarité cosmique, qui comprend lapuissance obédientielle.<br />
C'est c<strong>et</strong>te étiologie qui explique certaines pratiques chez les<br />
Mbede telles que les suppliques aux Ancêtres pour avoir la pluie<br />
lorsque, après repiquage <strong>et</strong>/ou ensemencement sur brûlis, le ciel<br />
tarde à envoyer son eau fertilisante. Inversement, pour conjurer<br />
le mauvais temps, les détenteurs de c<strong>et</strong>te puissance se servent de<br />
leur Ntsa a mvula (corne à pluie) pour faire des incantations<br />
contre la pluie: ghokwara mvula, saisir la pluie (empêcher de<br />
pleuvoir). Il s'agit d'une corne d'antilope apprêtée à c<strong>et</strong> eff<strong>et</strong> par<br />
un professionnel, un Nga «omnipuissant ».<br />
De même, on recourt à c<strong>et</strong>te médiation ancestrale ou à la<br />
solidarité cosmique via maîtrise sociale, pour que les<br />
plantations rapportent beaucoup ou pour en éloigner les bêtes<br />
sauvages prédatrices qui menacent de les ravager; pour faire une<br />
chasse ou pêche fructueuse; <strong>et</strong> surtout, pour conjurer le<br />
mauvais sort, <strong>et</strong> pour r<strong>et</strong>rouver la santé quand on est malade;<br />
<strong>et</strong>c.<br />
149
C<strong>et</strong>te croyance aux forces supranaturelles prend une<br />
consistance particulière dans la perspective de l'Au-delà.<br />
2.2. L'Au-delà<br />
2.2.1. La mort<br />
La mort corporelle semble m<strong>et</strong>tre brutalement en échec<br />
notre profonde aspiration à la vie. Certes la fécondité <strong>et</strong> la<br />
procréation perm<strong>et</strong>tent de détromper le trépas, <strong>et</strong> la vie<br />
continue sa carrière victorieuse de génération en génération.<br />
Cependant, il n'empêche que le porte- relais, lui, succombe: la<br />
vie lui échappe <strong>et</strong> passe à d'autres. Mais, qu'advient-il donc de<br />
lui? Nos Pères se sont posés c<strong>et</strong>te question <strong>et</strong> ont essayé d'y<br />
répondre.<br />
Tout d'abord l'analyse <strong>du</strong> contenu même <strong>du</strong> terme « Mort »<br />
nous révèle que nos Ancêtres étaient parfaitement conscients <strong>du</strong><br />
caractère composé de l'être humain fait de matière <strong>et</strong> de forme,<br />
cest-à-dire, corps <strong>et</strong> âme (esprit). En eff<strong>et</strong>, pour dire qu'« un tel a<br />
expiré », un Mbede use de l'expression « Nde omi tsugha: il s'est<br />
coupé »; ou bien, se référant à la « partie supérieure de l'homme<br />
", il dit aussi «Nde omi dima: il s'est effacé, il s'est éteint »; « Omi<br />
tshusa owumi: il a déposé la respiration ». Ainsi, une chose nous<br />
est d'emblée certaine: un jour notre Lebighi (<strong>du</strong>rée de l'existence<br />
humaine) prendra fin. Ce sera le jour de notre mort, Lekwu.<br />
Ensuite une série de constatations: personne n'échappe à<br />
c<strong>et</strong>te mort, Sabe aso baari ma Lekwu, tous nous sommes mortels<br />
(litt. gens de la mort); Me eka diba ndzila antfwo ni, je ne<br />
fermerai pas le chemin <strong>du</strong> cimétière. La mort n'observe pas<br />
l'ordre chronologique des générations dans ses visites: elle<br />
frappe indistinctement jeunes <strong>et</strong> a<strong>du</strong>ltes, le vieillard près de la<br />
tombe aussi bien que le nouveau-né encore au berceau: Lekwu<br />
okwuru kali, face à la mort pas d'ainé. C<strong>et</strong>te visiteuse inévitable<br />
arrive à l'improviste, sans avertir ni crier garre: Lekwu ntuma kali,<br />
la mort n'a pas de messager; Lekwu ghoya m'antiini, la mort vient<br />
en hâte (encore que certaines maladies puissent en être le signe<br />
150
précurseur). C'est pour quoi, à y penser on vit dans une<br />
perpétuelle insomnie: ghotsima lekwu, tolo mwo, si l'on pense à la<br />
mort, «le sommeil demeure éveillé» (on ne dort pas).<br />
Parla mort, avons-nous dit, l'homme « se coupe ». Son corps<br />
(nyuru) devient cadavre (ghobimi ou mwungu). Si l'homme « se<br />
coupe» c'est qu'il comporte deux parties. A la mort, que devient<br />
donc c<strong>et</strong>te deuxième partie où va-t-elle? tout d'abord, qu'estelle?<br />
Les vocables en usage sont les suivants: ghodimi <strong>et</strong> Odtidüma<br />
ghodimi est le substantif dérivé de ghodima, éteindre dans un<br />
sens intransitifvg Mba e mi dima, le feu s'est éteint; Il signifie ce<br />
qui reste lorsqu'on n'est plus présent, c'est-à-dire l'image (vg<br />
photographie, portrait). Tandis que Odüdüma signifie aussi<br />
l'ombre. C'est par lui que, dans le Kérygme chrétien, est ren<strong>du</strong> le<br />
terme âme dans son sens d'esprit.<br />
A ces deux vocables nous ajoutons celui de ghodisi. Son<br />
origine reste imprécise. A première vue, il semble qu'il vienne de<br />
ghodiisa, éteindre (sens actifvgghodiisa mba, éteindre le feu); mais<br />
alors il s'écrirait ghodiisi <strong>et</strong> non ghodisi On le rencontre dans les<br />
expressions telles que nyuru emi <strong>du</strong>ma ghodisi, le corps a frissonné<br />
(litt. le corps s'est sauvé deghodisi).<br />
Nyuru ema ye, e ma siila ghodisi gholu, il a dépéri (litt. le corps<br />
est parti, seul demeure ghodisi). Mais quand il faut maintenant<br />
déterminer ce qu'est exactement ce ghodisi, la tâche s'avère<br />
difficile. Il s'agit certainement de quelque chose de subtil, fluide<br />
qui fait que tel homme soit une entité singulière, <strong>et</strong> grâce à quoi<br />
on le reconnaît, vg We yiabi ghodisi gho nde? (connais-tu son<br />
identité: peux-tu le reconnaître?).<br />
Ces quelques exemples font toucher <strong>du</strong> doigt la difficulté<br />
qu'il y a à préciser avec exactitude le nouvel état de l'être<br />
humain. Ce qui est certain, c'est que par la mort on cesse d'être<br />
Mvuru (homme) pour entrer dans la catégorie des Akwi (pl. de<br />
okwi: trépassé) <strong>et</strong> l'on précède les vivants au Grand-Village<br />
(Mpughu enimi: Schéol ?). On se transforme en un être nouveau,<br />
doué certes d'intelligence mais jouissant d'une autre sorte<br />
151
d'existence que celle des hommes de la terre. Peut-on identifier<br />
c<strong>et</strong>te réalité, devinée mais innommée, avec ce que d'autres<br />
cultures appellent « âme » ou « esprit »? La question reste<br />
ouverte. Mais où va-t- il après la mort, puisque l'on sait qu'il<br />
survit?<br />
Parmi les Akwi certains sont dans un état de béatitude. Ils<br />
ont un sort heureux au« Grand-Village ». Ce sont ceux qui sur<br />
terre se sont laissés guider selon la rectitude de leur « coeur»<br />
(conscience) <strong>et</strong> ont accompli de bonnes actions au profit de<br />
leurs prochains, de leur Communauté. Ils se constituent en<br />
protecteurs <strong>et</strong> en médiateurs des vivants de la terre. Mais il y en<br />
a d'autres qui n'y sont pas encore admis <strong>et</strong> qui mènent une vie<br />
errante. Compte tenu de c<strong>et</strong> état de «excommunication», ils<br />
peuvent devenir furieux contre les vivants au point de les rendre<br />
malades, pour les obliger à offrir des sacrifices propitiatoires <strong>et</strong><br />
accomplir des cérémonies de réconciliation selon la tradition <strong>et</strong><br />
à leur bénéfice, afin qu'ils intègrent le plutôt possible la<br />
Communauté Familiale ante <strong>et</strong> post-tombe. Ils se manifestent<br />
souvent <strong>sous</strong> la forme de revenants (ghodzu) <strong>et</strong> peuvent à<br />
l'occasion prendre une forme animale: vg Okayi (antilope<br />
zébrée), Bimba (antilope noire), Obaghi (langouste) surtout<br />
quand on tire dessus. Les uns <strong>et</strong> les autres - bien heureux <strong>et</strong><br />
errants -, vivent parmi nous, opérant des actions bénéfiques ou<br />
maléfiques à notre endroit, selon leur état de béatitude ou<br />
d'errance.<br />
Telle est la situation de l'homme, particulièrement de<br />
l'a<strong>du</strong>lte après sa mort. Il entre dans le monde des intermédiaires<br />
vivants mais invisibles. Sa puissance médiatrice est supérieure à<br />
celle de tout homme encore sur terre (membres de la Famille);<br />
mais considérée dans son ordre, c<strong>et</strong>te situation est<br />
proportionnelle à l'excellence <strong>du</strong> rang occupé au sein de la<br />
Famille sur terre. Après Tsinda-ghopundi (r<strong>et</strong>rait de deuil) sa<br />
relique (ghopundi) intégrera le Nkwebe e Epundi familial (le<br />
reliquaire familial). Selon la Tradition, de chaque membre qui<br />
meurt on garde en eff<strong>et</strong> un os (une phalange, une parcelle <strong>du</strong><br />
crâne ou une touffe de cheveux, <strong>et</strong>c.). On attache c<strong>et</strong>te particule<br />
à un arbre à fourmis <strong>du</strong>rant six mois jusqu'à ce que les fourmis<br />
152
mangent toute la chair. Jusque-là, le défunt est tenu hors de la<br />
Communauté. La <strong>du</strong>rée de c<strong>et</strong>te période d'excommunication<br />
varie entre un <strong>et</strong> deux ans. Parents <strong>et</strong> alliés se préparent à la<br />
grande fête d'Obungu, jour de réadmission <strong>du</strong> défunt au sein de<br />
la Communauté familiale ante <strong>et</strong>post tombe.<br />
Si l'être humain a été enlevé au berceau, cela ne peut être que<br />
l'oeuvre de la méchanc<strong>et</strong>é humaine. Par c<strong>et</strong> acte, celle-ci<br />
contrecarre le plan de Dieu (longévité). Mais comme Ndzyami<br />
est maître non seulement de la vie mais aussi de la mort, les<br />
Mbede croient que ce don suprême de Dieu (la progéniture)<br />
reviendra en se réincarnant dans le sein maternel (on ne nous<br />
dit pas comment: C'est le secr<strong>et</strong> de Dieu). C<strong>et</strong>te croyance est<br />
tellement ancrée dans le credo Mbede que l'on va jusqu'à inciser<br />
le bout de l'auriculaire <strong>du</strong> bébé avant de l'inhumer afin qu'à la<br />
prochaine naissance on puisse constater qu'il s'agit bel <strong>et</strong> bien<br />
<strong>du</strong> même être humain. Malheureusement, jusqu'à présent, il ne<br />
nous a pas encore été cité des cas où ce phénomène de<br />
réincarnation se soit vérifié en la personne des hommes <strong>et</strong> des<br />
femmes en chair <strong>et</strong> en os. N'empêche que nombre de Mbede y<br />
croient « mordicus" en toute bonne foi. Nous nous gardons d'y<br />
porter un jugement de valeur quelconque, car la Foi ancestrale<br />
constitue un domaine très sensible qu'il faut aborder avec<br />
beaucoup de tact.<br />
Pour clore c<strong>et</strong>te étude sur la foi ancestrale en l'Au-delà, nous<br />
rappelons qu'ici comme ailleurs, quand il s'agit de disserter sur<br />
l'homme, il convient de ne pas perdre de vue que pour le Mbede,<br />
il n'y a point de dichotomie corps <strong>et</strong> âme (esprit). Dans certains<br />
cas on pourra, peut-être, se servir de ce vocable pour les besoins<br />
d'analyse; mais l'on n'oubliera pas que cela n'est pas dans le<br />
vécu quotidien. C'est probablement c<strong>et</strong>te vision unitaire de<br />
l'homme qui explique la difficulté que l'on a à cerner de prés le<br />
deuxième co-principe constitutif de l'homme dont on, devine<br />
l'existence, la réalité suggérée clairement par certaines<br />
expressions: Ma amvugha atu, mvuru a maye: «ce n'est là qu'un tas<br />
de chair, l'homme est parti ».<br />
153
2.3 Conséquences de la foi au monde invisible<br />
Selon le credo Mbede, les vivants <strong>et</strong> les morts <strong>du</strong> même<br />
lignage sont en liaison permanente les uns avec les autres. Par<br />
rapport au lignage, les générations vivantes assurent leur tour<br />
de service communautaire en tant que actrices transitoires. Elles<br />
prennent « momentanément» soin de la prospérité, <strong>du</strong> prestige<br />
<strong>et</strong> <strong>du</strong> bien-être général <strong>du</strong> groupe lignager. Les vivants assurent<br />
c<strong>et</strong>te prestation <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te corvée non seulement pour eux-mêmes<br />
mais aussi pour le compte des Ancêtres qui avaient, pendant<br />
leur vie, fait la même chose, <strong>et</strong> comme le feront, à leur tour, les<br />
générations en puissance ou générations en avant. Et tous ces<br />
efforts s'inscrivent dans le cadre d'un système «universel» ou<br />
cosmique où toute créature est un maillon d'une chaîne de<br />
solidarité <strong>et</strong> de relations équilibrées. C'est donc l'ancienne<br />
communauté des Ancêtres <strong>et</strong> leurs descendants de chaque<br />
segment lignager de générations vivantes, jusqu'à ce jour, qui<br />
ont fait <strong>et</strong> font la société Mbede dans un monde créé par<br />
Ndzyami) Dieu.<br />
Examinons donc comment chaque segment lignager de<br />
vivants vit de ce patrimoine ancestral, de ce dépôt de la foi, <strong>et</strong><br />
comment il s'acquitte de ce devoir sacré: la transmission <strong>du</strong><br />
modèle de société enrichi par chaque tranche de générations.<br />
3. Le monde visible<br />
Nous venons d'établir dans le paragraphe précédent que,<br />
selon la foi traditionnelle, il existe un lien réel de relations entre<br />
les différents ordres de l'univers. Dans la mesure où ce système<br />
d'interrelations fonctionne à merveille, l'homme Obamba<br />
trouve, en lui <strong>et</strong> hors de lui, de l'harmonie dont il a besoin pour<br />
s'épanouir pleinement. Tout d'abord le « coeur» intime crée<br />
l'harmonie de sa personnalité: c'est l'harmonie de l'homme.<br />
Ensuite, la fécondité, sa raison d'être, en oriente le dynamisme<br />
vers la transmission de la vie reçue des Ancêtres: c'est<br />
l'harmonie vitale, orientée <strong>et</strong> active. Il reconnaît la présence <strong>et</strong> la<br />
puissance transcendante <strong>du</strong> Dieu créateur de qui tout procède:<br />
154
c'est l'harmonie religieuse. Et puis, conscient de sa solidarité<br />
avec le reste de l'univers, il se proportionne aux mouvements <strong>du</strong><br />
Monde <strong>et</strong> aux rythmes <strong>du</strong> Temps: c'est l'harmonie cosmique.<br />
Enfin, avec les siens, il communie à l'héritage familial <strong>et</strong> vital<br />
qui les unit en une entraide où chacun donne <strong>et</strong> reçoit pour «<br />
être-là» <strong>et</strong> pour vivre: c'est l'harmonie sociale <strong>et</strong> collective.<br />
Malheureusement, dans ce bel ensemble si harmonieux, il y a<br />
un trouble-fête qui sans cesse menace l'équilibre de la Maison:<br />
c'est le Mal, la souffrance, le malheur. Il se crée ainsi un état de<br />
dysharmonie, une note discordante, situation devant laquelle<br />
l'homme s'épouvante à juste titre: le Mal se montre multiple,<br />
multiforme <strong>et</strong> omniprésent; à tout instant, il est prêt à surgir ou<br />
à revenir pour frapper. D'où vint-il donc?<br />
3.1. Etiologie <strong>du</strong> mal<br />
Nous savons à présent que l'homme, qui a été créé par Dieu<br />
<strong>et</strong> placé par lui dans un univers au fonctionnement harmonieux<br />
parce que fait de solidarité cosmique, c'est pour la vie, qu'il<br />
reçoit des Anciens <strong>et</strong> qu'il se doit de transm<strong>et</strong>tre à ses<br />
descendants. D'après la cosmogonie <strong>et</strong> la théodicée Mbede,<br />
l'homme qui a entamé le processus de sa socialisation, de son<br />
intégration dans la communauté des vivants autonomes visibles<br />
en rampant à quatre pattes, doit normalement en sortir quand,<br />
au terme <strong>du</strong>ne longue vie, il est ramené à ce stade d'enfance.<br />
Telle est la volonté de Ndzyami. Tout ce qui affecte négativement<br />
ce plan ne vient pas de Dieu : le Mal <strong>et</strong> sa suite (souffrance,<br />
malheur, mort).<br />
Mais quelles donc peuvent en être les causes? Selon<br />
l'étiologie Obamba, ces dernières peuvent être intrinsèques<br />
(Otima Obi) ou extrinsèques à l'homme 2 , <strong>et</strong> se rattachent à l'une<br />
des trois catégories suivantes de l'étiologie <strong>du</strong> Mal : interdits,<br />
2 .Otima: au sens obvie = coeur (anat); mais peut aussi signifier<br />
« conscience», « nature de l'homme», intelligence, ici Otima Obi (mauvais<br />
coeur) mauvaise nature, qui fait que l'on transgresse la loi ancestrale.<br />
155
envoûtement <strong>et</strong> télédynamie, trépassés malveillants. Les causes<br />
extrinsèques opèrent par <strong>et</strong> dans l'une ou l'autre des multiples<br />
voies par lesquelles on peut entrer en relation avec les forces<br />
supranaturelles ou occultes que certains professionnels de la<br />
maîtrise sociale peuvent manipuler à leur guise à des fins<br />
bénéfiques ou maléfiques pour ou contre les indivi<strong>du</strong>s <strong>et</strong>/ou la<br />
collectivité.<br />
Pour une meilleure clarté de l'exposé, nous examinerons les<br />
unes après les autres les causes précitées. Nous en indiquerons<br />
au passage la ou les voies médiatrices correspondantes.<br />
3.2. <strong>Causes</strong> intrinsèques<br />
D'après l'étiologie Obamba, les causes intrinsèques à<br />
l'homme des maladies, des malheurs voire de la mort qui le<br />
frappent, peuvent découler de deux sources immanentes, les<br />
interdits (i.e. leur transgression) <strong>et</strong> Akwuuna (ghotwugha mpibi)<br />
dédoublement de personnalité, vampire).<br />
- Interdits<br />
Il existe une gamme variée d'interdictions (Ang+i) imposées<br />
depuis des temps immémoriaux à telle classe sociale (femmes,<br />
jeunes gens des deux sexes, chasseurs, pêcheurs, <strong>et</strong>c.), ou à telle<br />
fonction publique (chef, Nkani, <strong>et</strong>c.), en matière politique ou<br />
sociale. Elles se caractérisent par un certain nombre de traits<br />
spécifiques: c'est ainsi qu'elles comportent, par exemple, de<br />
façon immanente, des sanctions correspondantes qu'entraîne<br />
automatiquement une transgression; par exemple, une jeune<br />
femme qui transgresse l'interdit <strong>du</strong> coït diurne est<br />
automatiquement frappée d'Okiinga (maladie qui se manifeste<br />
par une anémie générale)3. Par ailleurs, leur est caractéristique<br />
l'absence d'un contenu juridique: à ceux qui y sont assuj<strong>et</strong>tis<br />
elles imposent l'obligation de s'abstenir de ceci ou de cela. Elles<br />
3 cf. en Droit canonique, les Censures latae sententiae (par opposirion aux<br />
Censuresferrendae sententiae).<br />
156
sont toutes prohibitives. Comme nous l'avons souligné, celui<br />
qui transgresse une interdiction s'attire automatiquement la<br />
sanction correspondante. C<strong>et</strong> automatisme de la sanction<br />
n'exige pas que le coupable ait été conscient de sa faute.<br />
On peut à son insu enfreindre une interdiction. La<br />
culpabilité ne requiert donc pas la pleine connaissance <strong>et</strong> le<br />
libre choix de la volonté.<br />
La liste des interdits est pratiquement infinie. Dans ce<br />
catalogue considérable, on peut cependant distinguer, entre<br />
autres, les catégories suivantes:<br />
a) Interdits permanents: par exemple, les interdictions<br />
matrimoniales; l'inceste, lemvwaJ<strong>sous</strong> toutes ses formes; <strong>et</strong>c.<br />
b) Interdits temporaires: Ils ne s'appliquent que dans certaines<br />
circonstances telles que le deuil (vg tous les Eyant), la saison de<br />
culture, la chasse ou la pêche collective; la guerre vg interdiction<br />
d'avoir des relations sexuelles; interdits de grossesse; ceux<br />
réglementant l'extraction de dziigha (argile pour poterie); <strong>et</strong>c.<br />
c) Interdits indivi<strong>du</strong>els. Il est interdit à un enfant dJEtitele de<br />
manger tel ou tel aliment.<br />
d) Interdits collectfs. Ils s'étendent à tout un clan, à toute une<br />
Famille. Interdiction de consommer tel aliment, de chasser, de<br />
maltraiter tel 'animal parce que, autrefois, il a permis à un<br />
ancêtre d'échapper à ses ennemis; il y a donc une d<strong>et</strong>te<br />
perpétuelle de reconnaissance <strong>du</strong> lignage à l'égard de c<strong>et</strong>te<br />
espèce animale bienfaitrice <strong>et</strong> salvatrice. Nous connaissons une<br />
Famille qui vénère la chèvre parce que la Tradition rapporte que<br />
4 Eyani: pl. de ghoyani; c'est l'abtstinence temporaire de consommer une<br />
denrée que le défunt avait l'habitude de nous offrir. C<strong>et</strong>te abstention prend<br />
fin avec la célébration d'obungu, cérémonie de réadmission <strong>du</strong> défunt dans<br />
la Communauté familiale par l'entrée de son ghopundi (relique) dans le<br />
nkwebe (reliquaire) familial.<br />
157
menacée d'extinction c<strong>et</strong>te Famille doit sa perpétuation à une<br />
chèvre <strong>du</strong> dernier Ancêtre: elle aurait mis bas une fille (sic ?) qui<br />
releva le lignage.<br />
Nous savons que certaines interdictions sont l'expression de<br />
la morale traditionnelle forgée par les héros civilisateurs, <strong>et</strong><br />
visent le bien de l'indivi<strong>du</strong> <strong>et</strong> de la communauté.<br />
Leur transgression constitue une brèche <strong>et</strong> une atteinte à<br />
l'équilibre moral <strong>et</strong> social de la collectivité. Aussi entraine-t-elle<br />
« ipso facto» une sanction correspondante. Tandis qu'il en est<br />
d'autres qui manifestement ne doivent leur origine qu'à la ruse<br />
de l'homme particulièrement en fait de man<strong>du</strong>cation de tel ou<br />
tel aliment, afin de ré<strong>du</strong>ire le nombre de consommateurs. Nous<br />
pensons, par exemple, aux interdictions faites aux femmes de<br />
manger la viande de tortue, de tout animal de la famille des<br />
félidés (Nyama a Krwu, bête à griffes rétractiles), <strong>et</strong> surtout de<br />
toute bête tuée par un lengar-a. Celui-ci désigne une caste de<br />
vierges masculins reconnaissables par leur tenue distinctive.<br />
Puisqu'il faut clore c<strong>et</strong>te description des interdits, disons, en<br />
terminant, que le terme Ngr-i couvre tous les actes défen<strong>du</strong>s<br />
<strong>sous</strong> peine de sanctions immanentes <strong>et</strong> automatiques, menaçant<br />
le coupable dans ses biens (être appauvri <strong>et</strong> mourir dans la<br />
misère: ghokwa m'Omvubu), dans sa personne (être frappé de<br />
paralysie instantanée ou subséquente à une longue maladiepunition;<br />
de lèpre ou de stérilité), dans sa progéniture (mourir<br />
sans descendant <strong>et</strong> voir donc son nom s'éteindre pour toujours).<br />
Nous venons d'établir que l'on peut à son insu transgresser<br />
une interdiction <strong>et</strong> déclencher ainsi sans le savoir ni le vouloir<br />
une avalanche de calamités j Par ailleurs, ces prohibitions étant<br />
innombrables, il est moralement impossible de ne pas en<br />
transgresser l'une ou l'autre, au moins de temps en temps; d'où<br />
résulte la psychose qui, souvent, s'empare des suj<strong>et</strong>s les plus<br />
concernés, à savoir les femmes <strong>et</strong> les jeunes des groupes d'âge en<br />
formation dans les centres d'é<strong>du</strong>cation que sont les sociétés<br />
initiatiques dont chacune comporte ses interdits spécifiques.<br />
158
Vivant ainsi dans une crainte constante de voir arriver à tout<br />
moment des malheurs imprévisibles dont l'échéance est<br />
infaillible, il n'est pas étonnant que les gens attribuent aux<br />
interdits l'origine de bien des maux qui les affligent. Ghowusa<br />
Ngri, transgresser une interdiction se présente alors comme la<br />
première cause <strong>du</strong> mal. Ceci est d'autant vrai que l'interdit<br />
oblige en conscience même dans le cas non seulement<br />
d'ignorance mais encore de nescience ; ce qui, pour un esprit<br />
cartésien, constitue une véritable aberration. Il n'y a pas moyen<br />
de passer à côté <strong>et</strong> de biaiser. Car les Ancêtres, auteurs de c<strong>et</strong>te<br />
morale <strong>et</strong> désormais ses meilleurs garants invisibles, sont<br />
constamment au milieu de nous <strong>et</strong> veillent scrupuleusement au<br />
respect, par leurs descendants, de l'ordre moral qu'ils ont, euxmêmes,<br />
élaboré non sans peine.<br />
Telle est la première cause <strong>du</strong> mal qui se trouve en chacun<br />
d'entre nous. Mais ce n'est pas l'unique cause <strong>du</strong> mal<br />
intrinsèque à l'homme; Akwuuna en constitue une seconde dont<br />
les ravages ne sont pas moindres.<br />
-Akwuuna<br />
C'est un état d'âme, psychologique en vertu <strong>du</strong>quel l'homme<br />
jouit de la faculté de dédoublement: ghotwugha mpibi (litt. sortir<br />
de nuit). Le suj<strong>et</strong> est visiblement dans un état d'hypnose.<br />
Matériellement il est présent emporté par un profond sommeil,<br />
en fait, il est ailleurs. Ce phénomène peut se pro<strong>du</strong>ire la nuit<br />
comme le jour. D'après la croyance populaire, le suj<strong>et</strong> jouit d'un<br />
corps d'emprunt <strong>sous</strong>trait aux conditions matérielles (distances,<br />
ferm<strong>et</strong>ure de maison, <strong>et</strong>c.) ; c'est le corps subtil: il vit dans un<br />
état d'apesanteur, il circule dans tout le village ou au-delà <strong>du</strong><br />
village avec des intentions bénéfiques (défendre, protéger les<br />
gens de la Maison contre des ennemis éventuels) ou maléfiques<br />
(porter malheur aux voisins), chercher une victime humaine<br />
pour que sa chasse, pêche ou autre activité économique ou<br />
politique soit fructueuse. En général, il s'agit, dans ces derniers<br />
cas, d'un membre de famille. Tant qu'il n'est pas "revenu" <strong>et</strong> ne<br />
s'est pas réveillé de lui-même, il faut se garder de le toucher. Car<br />
159
si on interrompt brutalement l'hypnose, la partie en<br />
déplacement hypnotique sera forcée de rentrer en catastrophe<br />
dans des conditions de matérialité peu sûres <strong>et</strong> l'issue peut être<br />
fatale pour lui: en allant, <strong>et</strong> grâce à l'apesanteur, il a pu passer<br />
par une ouverture insignifiante; au r<strong>et</strong>our, à cause de la<br />
pesanteur il ne peut plus emprunter le même passage sinon il<br />
risque de se faire des lésions dans le "coeur" nu. Ce pourrait être<br />
le début de graves tribulations pouvant entraîner la mort.<br />
Comme tout dédoublement, on comprend qu'il ne s'agit pas<br />
d'un état psychologique commun à tout le monde; mais le<br />
privilège de quelques indivi<strong>du</strong>s ordinairement mal vus <strong>et</strong><br />
craints, redoutés. Car ils sont envoûteurs, <strong>et</strong> de ce fait sont<br />
catalogués parmi les Aloghi (pl. de ologhi: être malfaisant humain<br />
ou immatériel mais toujours être vivant. Aussi personne ne<br />
veut-il s'avouer Ngà-Akwuuna même s'il a été nommément<br />
désigné par un devin (Ngâ). Comme ils sont considérés comme<br />
aloghi, (<strong>et</strong> la plupart le sont effectivement, selon le credo Mbede),<br />
la société doit se défendre <strong>et</strong> défendre ses suj<strong>et</strong>s innocents<br />
contre les Ngà-Akwuuna. A c<strong>et</strong> eff<strong>et</strong> la tradition s'est forgé des<br />
armes défensives indivi<strong>du</strong>elles ou collectives. Les premières se<br />
rencontrent parmi les Eshwa <strong>et</strong>Antshwa (amul<strong>et</strong>tes) dont il existe<br />
toute une floraison. Les secondes parmi les confréries cultuelles<br />
de gouvernement à vocation particulièrement protectrice vg<br />
orima; d'autres enfin sont mixtes, à la fois indivi<strong>du</strong>elles <strong>et</strong><br />
collectives vg kàla, lendjombi. Ces deux sciences occultes de<br />
maîtrise sociale sont pratiquement identiques; il n'y a peut-être<br />
qu'une différence de degré <strong>et</strong> non de nature. Kala (<strong>du</strong> verbe<br />
ghokala, r<strong>et</strong>ourner) a pour spécialité de faire passer un coupable<br />
de l'état de culpabilité à celui d'innocence devant un tribunal ou<br />
une autorité juridictionnelle publique ou privée. Tandis que<br />
lendjombi a pour caractéristique de créer un halo de noir qui<br />
vous enveloppe <strong>et</strong> vous protège contre l'attention des Aloghi de<br />
tout acabit. Son exercice n'envisage en soi ni la culpabilité ni<br />
l'innocence mais uniquement la protection de l'indivi<strong>du</strong> ou <strong>du</strong><br />
groupe. C'est généralement le responsable lignager ou familial<br />
qui en est le dépositaire au bénéfice de tout le groupe.<br />
160
Dans la mesure où un Ngà-Akwuuna « sort » pour aller<br />
chercher à nuire ailleurs, dans le moindre des cas, il s'expose par<br />
le fait même à de graves dangers, y compris la mort. Quand<br />
c<strong>et</strong>te déambulation à travers les villages est nocturne, l'approche<br />
d'ologhi est, croit-on, signalée par un chant lugubre <strong>du</strong> hibou,<br />
qui en est le suppôt. Si par bonheur on parvient à l'abattre<br />
(fusil, arbalète) c'est à olologhi lui-même que l'on porte atteinte.<br />
Telle est brièvement décrite la seconde cause intrinsèque à<br />
l'homme <strong>du</strong>e à son « mauvais cœur» <strong>et</strong> qui peut expliquer bien<br />
des maux qui le frappent.<br />
Cependant quelle que soit la « mauvais<strong>et</strong>é» d'un coeur<br />
humain, toutes les maladies qui affectent un homme ne<br />
trouvent pas, toutes leurs explications dans une cause<br />
intrinsèque. Il y en a bien d'autres qui pocèdent sans contredit<br />
des causes extrinsèques, extérieures au patient.<br />
3.3. <strong>Causes</strong> extrinsèques<br />
Parmi les causes <strong>du</strong> mal qui se situent hors <strong>du</strong> suj<strong>et</strong> affecté,<br />
nous en examinerons deux types de catégories auxquelles<br />
peuvent se ramener plus ou moins divers autres modes de nuire<br />
à autrui, soit dans sa personne soit dans ses biens ou encore<br />
dans sa descendance. Les types de malfaiteurs r<strong>et</strong>enus ici<br />
comprennent d'une part les envoûteurs de tout acabit <strong>et</strong> d'autre<br />
part, les trépassés malfaisants. A ces deux grandes classes<br />
participent toute une floraison de médiums, d'agents nuisibles<br />
de toute obédience.<br />
- Envoûteurs<br />
La description de l'envoûtement que nous entreprenons<br />
englobe l'action des envoûteurs proprement dits, celle des<br />
empoisonneurs de toute tendance <strong>et</strong> celle de tous les agents de<br />
mort sans preuve physique <strong>et</strong> matérielle. C'est pourquoi nous<br />
étudions ici un curieux phénomène profondément ancré dans<br />
les structures de la foi Obamba, <strong>et</strong> que nous rendons par<br />
161
l'expression "télédynamie" (ghota ngaà, lancer ou envoyer un<br />
mal, une maladie sur un adversaire lointain).<br />
Avant d'entrer dans le vif de la description des diverses façons<br />
dont on peut procurer le malheur à autrui, voyons d'abord<br />
quelques-unes des voies selon lesquelles on peut entrer en<br />
relation avec les forces supranaturelles, vecteurs <strong>du</strong> mauvais<br />
sort ou garants de son efficacité.<br />
La première voie pour entrer en rapport avec l'invisible est<br />
celle des Ancêtres. De la plupart des morts contigus on conserve<br />
une relique. Leur présence parmi les vivants est rappelée à la<br />
mémoire des membres de la Famille à chaque sacrifice<br />
propitiatoire. Ceux qui, dans la Famille, détiennent une parcelle<br />
d'autorité, peuvent se plaindre auprès des morts de la mauvaise<br />
con<strong>du</strong>ite de certains autres parents à leur égard; par exemple les<br />
neveux par rapport aux enfants laissés par leurs oncles ; ces<br />
enfants sont aussi les leurs, car, c'est avec la dot de leurs<br />
mamans qu'on a pu doter les mères de ces neveux. Si ces<br />
plaintes sont justifiées, les Ancêtres se chargent de rappeler le<br />
coupable à l'ordre en le frappant dans sa personne ou dans ses<br />
biens. Les Ancêtres interviennent ici non pas pour se défendre <strong>et</strong><br />
se venger parce qu'ils seraient touchés directement <strong>et</strong><br />
personnellement dans leurs intérêts ; mais plutôt en tant que<br />
garants de l'ordre <strong>et</strong> de la morale qu'ils ont contribué à bâtir <strong>et</strong><br />
qu'ils entendent faire respecter par tous leurs descendants. La<br />
réconciliation se fait au cours d'un sacrifice propitiatoire<br />
familial à leurs mânes; dès lors s'amorce le processus de la<br />
guérison si se sont les Ancêtres qui sont la cause effective de<br />
ladite maladie.<br />
La deuxième voie est celle des sociétés initiatiques. Par un<br />
vote à la majorité absolue, des initiés peuvent décider de rendre<br />
malade ou même de faire périr un suj<strong>et</strong> qui s'est signalé par son<br />
mépris notoire des règles de la société vg par son irrespect à<br />
l'endroit des Anciens (sortir avec leurs jeunes femmes, <strong>et</strong>c.) ou<br />
encore par ses méfaits particulièrement odieux. Pour pouvoir<br />
prendre légalement une si grave décision un certain quorum est<br />
162
equis. Dans le Ndjobi ou Gaulle, ce nombre minimum est de<br />
trois membres s . Il comprend nécessairement le invandi, initié<br />
qui assure les «fonctions sacerdotales ». Il y en a un par village<br />
important, par fwoyi (paroisse). Sans le mvandi, il n'est point<br />
possible de célébrer un office sacrificiel de réparation, de<br />
rogations ou d'action de grâces. Dans les limites de sa<br />
juridiction, il est médiateur unique entre les hommes, ses «<br />
suj<strong>et</strong>s », <strong>et</strong> les forces supérieures protectrices. Dans la plupart<br />
des cas, <strong>et</strong> chaque fois que la chose est possible (c'est-à-dire que<br />
le chef n'est pas de basse extraction), la fonction de Mvandi<br />
s'identifie avec celle de l'autorité publique de l'unité<br />
administrative intéressée. Par-là, on évite les faiblesses <strong>du</strong><br />
bicéphalisme <strong>et</strong> le gouvernement monocéphale s'en trouve<br />
renforcé. Prêtre, il est docteur, savant en sa matière; il connaît<br />
tous les arcanes de la science initiatique appliquée: il sait avec<br />
précision ce qui rend un peu malade, ce qui rend gravement<br />
malade. Il sait ce qui guérit <strong>et</strong> ce qui tue. Aussi, est-ce lui qui est<br />
chargé de l'exécution des décisions prises par l'assemblée des<br />
initiés.<br />
La troisième voie comprend la foule des médiums de tout<br />
acabit entre autres les professionnels de la Télédynamie (action<br />
à distance). En eff<strong>et</strong>, bien longtemps avant les amorces de<br />
progrès modernes concernant les possibilités insoupçonnées<br />
des ondes vibratoires, nos Ancêtres étaient convaincus des<br />
vertus exceptionnelles dont dispose l'homme pour agir<br />
efficacement en bien ou en mal sur un suj<strong>et</strong> situé au loin (d'où<br />
notre terminologie de télédynamie). Tout comme il peut de la<br />
même façon, agir sur la nature, la matière inerte.<br />
Certains faits, que l'on attribue volontiers à la magie, sont en<br />
eff<strong>et</strong> pour le moins très troublants. Citons entre autres, celui-ci<br />
particulièrement digne d'attention spéciale; Jusqu'à un passé<br />
récent, les gens <strong>du</strong> village Otala conservaient dans le Nkiina de<br />
5 La question posée à l'assemblée peut se formuler de la façon suivante: «<br />
Doit-il mourir ou non?». Le vote positif «à mort» s'exprime en pointant le<br />
pouce vers le sol (ghoyisa).<br />
163
leur village 6 une pierre (granit) dans laquelle était plantée<br />
solidement une sagaie. La tradition rapporte qu'un jour le chef<br />
AliiJ)i, voulant convaincre ses suj<strong>et</strong>s de l'autorité qu'il détient de<br />
ses Ancêtres, des puissances supranaturelles, apprêta, au moyen<br />
des feuilles spéciales, deux lances, une pierre (<strong>du</strong> granit) <strong>et</strong> un<br />
tronc de bananier. li fit venir le plus incré<strong>du</strong>le des villageois.<br />
Devant la foule compacte de ses administrés curieux de savoir<br />
ce qui allait se passer, le chef se recueillit, fit envoler des<br />
incantations aux puissances occultes supérieures dont il était<br />
manifestement le suppôt; s'étant adressé à la pierre <strong>et</strong> au tronc<br />
de bananier sur un ton ferme "obédientialisant », il ordonna de<br />
frapper les deux d'un coup de lance. aussitôt commandé,<br />
aussitôt exécuté. Résultat: au grand étonnement de tous, la<br />
sagaie contre le tronc de bananier se plia, tandis que l'autre<br />
pénétra profondément dans le granit comme dans une pâte<br />
d'argile. Le bruit se répandit comme une traînée de poudre à<br />
travers toute la nationalité Mbede ; le chef Aliil)i fut partout <strong>et</strong><br />
par tout craint. C<strong>et</strong>te pierre avec sa lance en plein milieu devint,<br />
avec raison, le symbole de la domination <strong>et</strong> de la soumission de<br />
la nature par l'Homme. Elle se transm<strong>et</strong>tait de génération en<br />
génération, à chaque nouvelle installation <strong>du</strong> village Otala, elle<br />
avait sa place dans le Nkiina, afin qu'à sa vue chaque génération<br />
fût convaincue de la puissance supranaturelle que Dieu donna à<br />
certains de nos Pères pour qu'ils complètent son oeuvre<br />
créatrice. De tels faits forcent l'attention de l'observateur: «<br />
Contra [acta non valent argumenta ». Contre un fait, il n'y a point<br />
d'argument, point de raisonnement qui tienne; <strong>et</strong> "Facta sunt<br />
non neganda sed explicanda", les faits ne sont pas à nier mais à<br />
expliquer. C'est un cas patent d'application de la puissance<br />
obédientielle. Le Père ].J.ADAM 7 , au cours de ses multiples<br />
tournées pastorales, a eu maintes occasions d'examiner, à loisir,<br />
c<strong>et</strong>te pierre transpercée par une lance.<br />
6 C'est le 'coeur <strong>du</strong> village', ce qui fait son fondement, sa protection.<br />
7 Le R P ADAM O,].) est arrivé dans le Haut-Ogoou en 1929. Il est devenu<br />
Evêque <strong>du</strong> Gabon en 1947, puis Archevêque de Libreville. Pour des raisons<br />
personnelles il s'est r<strong>et</strong>iré à Okondja, puis à Franceville dans le Haut-Ogoué<br />
où il a poursuivi ses fructueuses recherches en Altogovéanistique jusqu'à<br />
son r<strong>et</strong>our à la Maison <strong>du</strong> Père, le l1juill<strong>et</strong>1981.<br />
164
La télédynamie affecte l'homme non seulement dans sa santé<br />
<strong>et</strong> dans ses biens mais aussi dans ses sentiments. On peut ainsi<br />
télécommander l'amour, la sympathie ou déclencher à distance<br />
les sentiments de haine, d'antipathie, <strong>et</strong> ce par la science occulte<br />
dite "ananass" probablement parce qu'on y fait usage d'un<br />
onguent, d'un pro<strong>du</strong>it maléfique où l'eau de Cologne (ananass)<br />
sert d'excipient.<br />
Les auteurs <strong>du</strong> mal provoquent une dysharmonie que la<br />
nature tend à contrebalancer par des systèmes de compensation.<br />
C'est ainsi qu'un sorcier, un envoûteur est dépisté par un<br />
contre-sorcier; par un Ngâ (dépisteur, divin); en face de chaque<br />
ologhi (j<strong>et</strong>eur de mauvais sort), il y a toujours un nga-ntsaghi 8<br />
correspondant. Aussi la "médiation en général <strong>et</strong> la télédynamie<br />
en particulier comporte-t-elle toujours deux aspects : capacité<br />
de nuire <strong>et</strong> capacité de guérir. La télédynamie bénéfique pare<br />
aux eff<strong>et</strong>s de la télédynamie maléfique. Nous avons déjà<br />
souligné le rôle bienfaisant de lendjombi qui, en créant un halo<br />
de noir, préserve l'innocent de l'emprise de l'envoûteur. De<br />
même, subjectivement parlant, kala présente, sans contredit, un<br />
contenu positifbénéfique (le fait d'être blanchi, innocenté alors<br />
qu'on est objectivement coupable !). Contre un malfaiteur qui<br />
aurait troqué la progéniture d'une parente (ghoyisa mwo) "faire<br />
passer te ventre; pas de grossesse portée à terme) contre une<br />
quelconque vertu supranaturelle 9 , on a un nga-<strong>et</strong>itele dont<br />
l'action neutralise celle de l'ologhi d'en face en enrayant la<br />
mortalité infantile qui afflige toute la Famille <strong>et</strong><br />
particulièrement la maman éplorée.<br />
Tout ce que nous venons de dire au suj<strong>et</strong> des interventions<br />
bénéfiques de divers agents <strong>du</strong> Bien suppose l'exercice de la<br />
solidarité cosmique, particulièrement avec les plantes en qui<br />
8 Nga: savant, connaisseur; Ntsaghi: traitement des malades ; vient de<br />
rhosalagha: soigner. Ngâ.ntsaghi: docteur en thérapeutique.<br />
Ghoyisa mwo, "faire passer le ventre" pas de grossesse portée à terme; tous<br />
les enfants de c<strong>et</strong>te femme doivent tous mourir avant la naissance; il s'agit<br />
d'un véritabte contrat or pacta sunt servanda, les contrats doivent être<br />
respectés, observés.<br />
166
Ndzyami a placé des vertus thérapeutiques pour le maintient <strong>et</strong>,<br />
éventuellement, pour le rétablissement de la santé de l'homme.<br />
Pour 1'osalighi mbede, thérapeute, les plantes sont des êtres<br />
vivants capables de sentiments. C'est pourquoi, avant de<br />
prélever une quelconque partie d'une plante, il lui explique<br />
d'abord l'obj<strong>et</strong> de sa venue <strong>et</strong> qu'il se trouve dans l'obligation de<br />
faire ce prélèvement pour la santé <strong>du</strong> patient; par-là, il obtient<br />
la collaboration active de la plante. Si l'on prélève d'une écorce<br />
d'un arbre un quartier d'environ 2 cm de côté, on le laisse<br />
tomber à terre. S'il tombe face, c'est bon signe: le malade sera<br />
guéri; s'il tombe pile, c'est mauvais signe: le malade risque de<br />
ne pas guérir. L'arbre a donné son verdict.<br />
On pourrait multiplier ces exemples qui montrent tous que<br />
grâce à de tels systèmes de compensation <strong>et</strong> de collaboration<br />
cosmique sage, la nature tend à rétablir l'harmonie cosmique<br />
dans laquelle Ndzyami a créé toutes choses. Mais il n'y a pas que<br />
les vivants à vouloir <strong>et</strong> à pouvoir nuire aux vivants; il y a aussi<br />
les trépassés malfaisants.<br />
- Trépassés malfaisants<br />
Traitant <strong>du</strong> nouvel état de la vie des Akwi, nous avons<br />
mentionné l'existence des Edju (pl. de ghodju, fantôme), trépassés<br />
qui mènent une vie errante. Non contents de leur sort, ils s'en<br />
prennent aux vivants qu'ils tourmentent de différentes façons.<br />
De par son contenu, le concept de ghodju (revenant) inspire<br />
toujours l'idée <strong>du</strong> mal <strong>et</strong> de la peur. Vouloir faire le mal, c'est la<br />
première caractéristique des Edju. Leur activité habituelle, celle<br />
<strong>du</strong> moins par laquelle ils se manifestent très souvent <strong>et</strong> font<br />
savoir qu'ils sont là <strong>et</strong> qu'ils ont quelque chose à faire ou à dire,<br />
c'est d'attaquer <strong>et</strong> de frapper les gens en brousse, à la fontaine.<br />
D'une façon générale, ils ne s'en prennent pas à des<br />
étrangers. Ils ne déversent leur mauvaise humeur que sur les<br />
vivants de leur Famille, en leurs causantes toutes sortes<br />
d'ennuis, de tracas, de malheurs. Ce n'est pas qu'ils soient tant<br />
mus par la méchanc<strong>et</strong>é ou par la cruauté. S'ils font le mal, c'est<br />
167
pour signaler leur présence, rappeler leur souvenir aux<br />
survivants, afin que ceux-ci ne les oublient pas <strong>et</strong> satisfassent<br />
aux divers besoins de leur exister d'outre-tombe. Après<br />
expérience, ils ont dû se rendre compte qu'aucun avertissement<br />
n'aurait plus d'efficacité qu'un bon rappel <strong>sous</strong> forme d'un<br />
malheur quelconque. Et il faut en fait avouer que le stratagème<br />
réussit pleinement, puisqu'à chaque malheureux événement on<br />
se précipite chez le ngâ afin qu'il désigne l'okwi responsable de la<br />
calamité survenue, <strong>et</strong> qu'il indique le moyen adéquat de<br />
l'apaiser. Le ngâ détermine avec précision <strong>et</strong> dans les détails les<br />
obj<strong>et</strong>s de volition de l'okwi, en ce qui concerne les ebea (pl. de<br />
ghobea) 10 <strong>et</strong> des abvwoI)i (idolotites) adéquats que l'on offrira en<br />
sacrifice propitiatoire à ghopundi (relique) de l'okwi en furie.<br />
Dans la plupart des cas, la réconciliation s'ensuit, <strong>et</strong> le survivant<br />
libéré.<br />
Pour prolonger la réconciliation <strong>et</strong> aviver l'ofru (la paix) entre<br />
. les vivants <strong>et</strong> les trépassés, le sacrifice se termine toujours par<br />
une bénédiction <strong>du</strong> malade <strong>et</strong> de l'assemblée (okugha). Elle<br />
comporte différentes formules rituelles, selon les circonstances.<br />
a) Réconciliation générale<br />
En cas de calamité affligeant toute la communauté, c'est le<br />
chef<strong>du</strong> village qui procède à la bénédiction <strong>du</strong> village. La veille,<br />
toutes les maisons sont mises en état de propr<strong>et</strong>é impeccable;<br />
les olebe, la cour aussi. Le matin, à l'aube, tous les feux sont<br />
éteints. Chacun est devant sa porte. Le chef s'adresse à ses<br />
Ancêtres, anciens chefs <strong>et</strong> donc ses prédécesseurs dans la<br />
direction des affaires publiques. En des vibrantes suppliques, il<br />
fait appel à la solidarité qui les lie tous. Par ces incantations, il<br />
attire leurs bénédictions <strong>et</strong> leurs faveurs sur le village dont ils<br />
demeurent les protecteurs. Puis, au milieu d'un silence<br />
10 Gbobéa = obj<strong>et</strong> matériel (pagne, assi<strong>et</strong>te, argent, <strong>et</strong>c.) que l'on offre aux<br />
mânes de l'Ancêtre en attendant de lui offrir un sacrifice compl<strong>et</strong>. AbvwoIJi:<br />
idolotite, victime (animal) que l'on immole en sacrifice propitiatoire pour<br />
se réconcilier avec tel okwi en courroux.<br />
168
- - - ------------------<br />
révérenciel, il procède à l'aspersion de chaque maison,<br />
indivi<strong>du</strong>ellement, au moyen d'une mixture faite d'eau, d'oyindibolo<br />
<strong>et</strong> d'excréments de cabri immolé en sacrifice pour la<br />
circ\?nstance. Si le village est grand, il se fait aider par celui qui<br />
est susceptible de lui succéder un jour (stage pratique pour la<br />
con<strong>du</strong>it,e des affaires publiques!). Ensuite, au moyen <strong>du</strong> briqu<strong>et</strong><br />
ancestral qui se transm<strong>et</strong> de chef en chef,.il fait le feu nouveau.<br />
Chaque chef de ménage vient y prendre sa part de feu nouveau<br />
par lequel la vie, dans toutes les acceptions <strong>du</strong> terme, renaît:<br />
fécondité, fertilité, santé, chance, toutes formes de bonheur.<br />
b) Autres cas<br />
Il s'agit de la naissance, maladie, séparation pour une longue<br />
absence. Par ailleurs nous avons précédemment vu la<br />
bénédiction nuptiale à l'occasion <strong>du</strong> mariage.<br />
La bénédiction <strong>du</strong> nouveau-né se dit elosighi <strong>du</strong> verbe<br />
gholosogho: communiquer au bébé la force vitale qui vient des<br />
Ancêtres <strong>et</strong> se transm<strong>et</strong> de père en fils par le sang.<br />
Celui qui n'est pas parent par un lien de sang ne peut ni<br />
bénir ni être bénit. C'est ainsi que la femme, n'ayant en principe<br />
aucune communauté de sang avec son mari, ne peut ni bénir ni<br />
être bénite par lui. Il doit la soigner pour toute maladie qui n'a<br />
pas pour origine <strong>et</strong> cause les parents, les Ancêtres de l'intéressée.<br />
Dans ce dernier cas, il faut faire venir les parents de la femme ou<br />
bien la leur envoyer pour soins médicaux.<br />
Par contre un fùs peut bénir son père, sa tante parce qu'il est<br />
identifié à son grand-père dont il porte le nom ou seulement<br />
censé porter le nom: <strong>sous</strong> c<strong>et</strong> angle il est le père de son père <strong>et</strong> de<br />
sa tante. En eff<strong>et</strong> ne l'appellent-ils pas <strong>du</strong> doux nom de papa<br />
(Tara, père) ou de maman, s'il s'agit de leur fille?<br />
Rite: On mâche le lesisaghi (Jonc) ou biJ;i (kola) selon les cas<br />
(bi-fi pour les bébés <strong>et</strong> les enfants; lesisaghi pour les grandes<br />
personnes). On le mâche puis on le pulvérise au front, sur la<br />
169
poitrine, au dos entre les épaules <strong>du</strong> malade ou de la personne à<br />
bénir (surtout au moment de séparation de longue <strong>du</strong>rée).<br />
Nous avons établi que les edju ne s'en prennent généralement<br />
qu'à leurs parents survivants ('
descendants après l'avoir enrichie de leur expenence<br />
personnelle, <strong>et</strong> qu'enfin ils continuent à soutenir par delà la<br />
tombe tant qu'il y aura sur terre un rej<strong>et</strong>on de leur lignage, de<br />
leur descendance.<br />
Harmonie universelle voulue par le Créateur <strong>et</strong> que les<br />
auteurs <strong>du</strong> Mal menacent parfois dangereusement mais que la<br />
Nature tend à rétablir dans son équilibre originel, l'inter<br />
influence cosmique s'exerce aussi entre le vécu humain <strong>et</strong><br />
l'espace-temps.<br />
4. Le monde astral<br />
Le Monde astral, l'Espace <strong>et</strong> le Temps jouent un rôle<br />
déterminant dans la vie <strong>du</strong> Mbede de la société traditionnelle,<br />
voire d'aujourd'hui. Dans le présent exposé nous procéderons<br />
par une double approche, comme le veut la logique. Dans un<br />
premier point, nous traiterons des constatations observables<br />
lorsque l'on est amené à vivre au contact <strong>du</strong> Mbede, à savoir son<br />
besoin de "vivre-avec ». Dans un deuxième stade, nous<br />
tâcherons de m<strong>et</strong>tre en lumière les structures de foi spatiotemporelles<br />
qui fondent ce besoin de symbiose.<br />
4.1. Civilisation <strong>et</strong> besoin de « vivre-avec»<br />
Dès la première rencontre avec le Mbede, l'observateur<br />
constate que la vie de c<strong>et</strong> homme s'intègre dans la vie<br />
universelle <strong>du</strong> cosmos. Elle s'y enracine. C'est une vie réglée non<br />
par des horloges usinées mais par des systèmes cycliques. Le<br />
Mbede ressent en lui une orientation fondamentale que nous<br />
appelons le besoin de vivre-avec; c'est un besoin d'harmonie qui,<br />
doublé des eff<strong>et</strong>s écologiques, détermine en partie le<br />
tempérament <strong>et</strong> la civilisation des différents peuples <strong>du</strong> groupe<br />
Mbede.<br />
C'est ainsi qu'une précédente étude consacrée au type<br />
Obamba nous a con<strong>du</strong>it à conclure que le peuple Mbede se<br />
caractérise, entre autres, par son refus de précipitation <strong>et</strong><br />
171
Créé <strong>et</strong> placé dans un système d'interrelations cosmiques, le<br />
Mbede a appris à avoir confiance en la nature matérielle <strong>et</strong><br />
infra-humaine faite parNdz,yami pour le bonheur de l'homme. Il<br />
a la certitude paisible que celui qui se m<strong>et</strong> au diapason de c<strong>et</strong>te<br />
conseillère toute sage <strong>et</strong> de c<strong>et</strong>te mère toute providentielle<br />
jouira à coup sûr de ses immenses richesses <strong>et</strong> se reposera dans<br />
le calme mouvement de son rythme lent. Aussi a-t-il résolument<br />
donné le primat des valeurs <strong>du</strong> coeur sur celles de la mécanique.<br />
S'il avait été donné à l'homme Mbede traditionnel de<br />
contempler les pro<strong>du</strong>ctions artificielles, filles de la technologie<br />
moderne, il les aurait certes admirées, mais il aurait en même<br />
temps reconnu sur elles la supériorité des fécondités spontanées<br />
<strong>et</strong> patientes de la nature, filles d'une mère généreuse <strong>et</strong><br />
pourvoyeuse au service de tous. La chose est tant <strong>et</strong> si vraie que<br />
la vie en symbiose cosmique <strong>du</strong> Mbede lui a fait acquérir<br />
l'estime de la souple <strong>et</strong> humble communion avec la vie dans sa<br />
manifestation originelle: il la respecte dans son mystère audessus<br />
de l'anxieuse <strong>et</strong> violente main-mise de l'ingéniosité<br />
humaine - orgueilleuse <strong>et</strong> ambitieuse - sur les énergies cachées<br />
d'un monde dont les secr<strong>et</strong>s de plus en plus profonds<br />
déconcertent <strong>et</strong> "humilient" l'intelligence humaine.<br />
Conscient de c<strong>et</strong>te vérité fondamentale, l'homme Mbede a<br />
appris à apprécier la plénitude <strong>du</strong> moment présent qui se suffit<br />
à lui-même: "entsye:re ghobagha e nde, 0 dji: si le lendemain trouve<br />
les siens (biila, nourriture), qu'il (les) mange. Pour corriger l'idée<br />
d'imprévoyance que pourrait insinuer c<strong>et</strong> adage, donnons<br />
quelques autres exemples qui m<strong>et</strong>tent n<strong>et</strong>tement en relief la<br />
notion de prévoyance, le souci <strong>du</strong> lendemain:<br />
Otsusi nkwura Otswi Otsw' oyebeghe.<br />
Qui prévoit une part pour le<br />
lendemain a la tête légère.<br />
- Ghoye I]a mby'e ndjogho ghomono Si tu vas à la chasse à l'éléphant <strong>et</strong><br />
ngori toli trouves un escargot, ramasse-le<br />
173
C'est de la prévoyance élémentaire; car on n'est pas sûr de<br />
rencontrer un éléphant, si on le rencontrerait, on ne serait pas<br />
encore certain de l'abattre.<br />
L'estime de la « plénitude <strong>du</strong> moment présent qui se suffit à<br />
lui-même » ne tra<strong>du</strong>it donc pas un manque de souci ni de<br />
prévoyance. Ce n'est ni une démission devant l'effort à fournir<br />
pour gagner le manioc <strong>et</strong> la banane à la sueur de son front ni<br />
une insouciance face au lendemain à bâtir, mais une des<br />
expressions de la foi en la bonté de la nature, puissante mère<br />
généreuse <strong>et</strong> pourvoyeuse.<br />
Pour le comprendre, il convient de reconnaître qu'il peut<br />
très bien y avoir diverses formes de civilisation <strong>et</strong><br />
d'innombrables valeurs humaines dont la hiérarchie peut<br />
s'établir selon des critères variables. C'est ainsi qu'à côté ou<br />
plutôt en face des civilisations hautement technicisées qui<br />
tendent à dominer la nature <strong>et</strong> à la discipliner au profit, en<br />
principe, <strong>du</strong> bien- être matériel de l'homme mais dont la<br />
sophistication menace en définitive l'existence même de ce<br />
dernier, il y en a d'autres tout orientées vers l'organisation <strong>et</strong> la<br />
cohésion de la communauté humaine sur la base de l'amour<br />
universel (hospitalité: « l'étranger, c'est Dieu ») <strong>et</strong> la solidarité<br />
inter-indivi<strong>du</strong>elle <strong>et</strong> inter-groupes, inter-nations.<br />
Mais quelles sont donc ces structures cosmiques de foi en la<br />
bonté dans lesquelles l'homme Mbede se confie <strong>et</strong> avec<br />
lesquelles il vit en communion paisible selon un rythme lent <strong>et</strong><br />
tempéré? Ce sera l'obj<strong>et</strong> <strong>du</strong> second stade de notre analyse.<br />
174
4.2. Structures spatio-temporelles de la foi<br />
Les rythmes cycliques naturels sur lesquels le Mbede<br />
traditionnel règle sa vie sont eux-mêmes déterminés par les<br />
influences <strong>du</strong> monde spatio-temporel.<br />
Au suj<strong>et</strong> de l'Espace <strong>et</strong> <strong>du</strong> Temps, on peut distinguer d'une<br />
part l'espace <strong>et</strong> le temps sacrés <strong>et</strong>, d'autre part l'espace <strong>et</strong> le<br />
temps profanes.<br />
L'espace <strong>et</strong> le temps sacrés constituent le domaine réservé<br />
aux spécialistes. C'est le champ d'action préféré des trépassés <strong>et</strong><br />
des divers intervenants dont nous avons précédemment étudié<br />
les médiations. La nuit y a une place importante, car c'est en elle<br />
que les forces occultes surtout celles maléfiques libèrent <strong>et</strong><br />
déploient leur malfaisance, leur nuisance.<br />
L'espace peut être envisagé <strong>sous</strong> deux aspects, territorial <strong>et</strong><br />
astral. L'un <strong>et</strong> l'autre comportent une dimension sacrée.<br />
L'espace territorial sacré est l'espace cultuel. Il se compose<br />
d'éten<strong>du</strong>es territoriales réservées aux activités, aux pratiques<br />
ayant, de près ou de loin, quelques rapports avec le culte. Tels<br />
sont, par exemple, les yendze, nkwomo, fwoyi (lieux sacrés <strong>sous</strong><br />
bois pour assemblée ou réunion de confréries cultuelles); les<br />
cim<strong>et</strong>ières (antshwo)j les lieux interdits (Ehiri e ngTi).<br />
Certains lieux vg rivières, étangs, coins de forêt ou de savane,<br />
arbres fruitiers, <strong>et</strong>c. peuvent être frappés d'un interdit<br />
permanent pour favoriser la multiplication d'une espèce<br />
animale ou temporaire en prévision d'une fructueuse chasse,<br />
pêche ou récolte au profit de la Communauté villageoise ou<br />
multivillageoise. En général, ce sont les confréries de apayi,<br />
ndjobi, ongala, lesimbu qui j<strong>et</strong>tent ces interdits <strong>et</strong> en assurent<br />
l'efficacité.<br />
Les gens croient tellement à l'intervention des forces<br />
occultes <strong>et</strong> à l'automatisme de la sanction encourue que la<br />
moindre fraude ou simplement le fait de déboucher au hasard<br />
175
sur un yendze de ngo, nkwomo e nkwula, nkwomo onyaka, lesimbu,<br />
<strong>et</strong>c. peut être à l'origine d'une véritable psychose qui, si<br />
l'antidote n'intervient pas à temps, peut dégénérer en une<br />
affection somatique.<br />
Selon la cosmographie obamba, l'Espace astral (Mbr'e Yulu)<br />
comprend, entre autres indivi<strong>du</strong>s de son innombrable<br />
population, les spécimens suivants:<br />
Tari: le soleil, distributeur de feu;<br />
- Ngondo: la lune. Elle est considérée comme élément<br />
particulièrement fertilisant. Elle rend fertiles non seulement les<br />
champs, la terre en général mais aussi les espèces vivantes. On<br />
admire sa beauté. Ce qui explique probablement que le vocable<br />
Ngondo soit utilisé pour désigner une jeune fille, une<br />
adolescente, mariée ou célibataire. D'autre part, dans le monde<br />
astral elle est masculinisée <strong>et</strong> considérée comme époux polygyne<br />
de Dza-EswoJ;i <strong>et</strong> de Dza-awusagha, ses deux femmes.<br />
-Anyai: les étoiles.<br />
- Dza-EswoJ;i (de ghoswolo, choisir »): étoile naine des régions<br />
boréales. Son nom signifie littéralement «celle qui ne mange<br />
que des plats délicats », après un choix rigoureux. Très difficile<br />
pour la nourriture, elle vit de très peu de choses. Menant un<br />
régime très sélectif, elle ne parvient pas à prendre <strong>du</strong> corps, <strong>et</strong> se<br />
trouve ainsi frappée d'anémie congénitale. D'où résulte la<br />
faiblesse de sa luminosité. Elle impose son régime maigre à son<br />
mari-lune qui demeure chétif tant qu'il est chez elle (premier<br />
quartier lunaire).<br />
- Dza-Awusagha: étoile polaire australe; lit, celle qui mange de<br />
n'importe quoi, c'est- à-dire le premier aliment qui lui tombe<br />
<strong>sous</strong> la main. Elle n'est pas <strong>du</strong> tout difficile pour l'alimentation.<br />
Ce qui lui réussit si bien qu'elle se porte à merveille. D'où sa<br />
puissante luminosité en comparaison de celle de sa rivale.<br />
Naturellement l'époux qui partage sa table s'en trouve lui aussi<br />
176
ien portant. Ce qui explique son embonpoint <strong>du</strong>rant son<br />
séjour dans les régions australes (pleine lune).<br />
- GhonyaIja: pléiade.<br />
Ndzanga e Ndzyami (lit, grenier de Dieu): voie lactée.<br />
- Lebasi l'ondzaghi (lit. Flèche d'ondzaghi): étoile filante. Elle est<br />
ainsi désignée parce que, selon la croyance populaire, elle est<br />
l'agent vecteur de l'ombandzi ou ondzaghi (cf plus haut:<br />
Télédynamie). On dit aussi que c'est un nyari normal mais qui<br />
va chercher <strong>du</strong> feu chez une voisine. Malgré c<strong>et</strong>te explication<br />
sécurisante, son passage provoque toujours une certaine peur;<br />
car on ne sait jamais qui sera frappé. Aussi ceux qui croient<br />
inconditionnellement à l'efficacité de l'action à distance ne<br />
manquent-ils pas de donner quelques p<strong>et</strong>its coups répétés<br />
contre un mûr afin de dévier d'eux sur c<strong>et</strong> autre obj<strong>et</strong> matériel<br />
une flèche invisible qui, éventuellement, leur aurait été destinée.<br />
Pratique toujours actuelle.<br />
Plus loin nous reviendrons sur c<strong>et</strong>te socialisation ou<br />
incarnation de la foi dans les réalités astrales. En attendant,<br />
examinons les temps que déterminent les rythmes cycliques de<br />
ces. réalités astrales.<br />
Comme dans d'autres cultures <strong>et</strong> civilisations, la<br />
chronologie Mbede dispose de termes précis pour tra<strong>du</strong>ire les<br />
notions de temps: saisons, mois, semaines, <strong>et</strong>c.<br />
L'année (gbosibi) n'est pas basée sur une période de douze<br />
mois mais sur un cycle de quatre saisons, déterminées par les<br />
révolutions lunaires. On a ainsi une grande saison sèche<br />
(ghosibi), une grande saison de pluis (amvula), une p<strong>et</strong>ite saison<br />
sèche (kuli) <strong>et</strong> une p<strong>et</strong>ite saison de pluies (Qmvimvula). C'est à<br />
partir de ces quatre saisons <strong>et</strong> des différentes étapes évolutives<br />
de la lune (les quartiers lunaires) que l'on calcule<br />
traditionnellement certaines <strong>du</strong>rées parfois à un jour près: par<br />
exemple, l'âge d'un jeune homme, la <strong>du</strong>rée d'un mariage, <strong>et</strong>c. Il<br />
177
faut en eff<strong>et</strong> se rappeler que chaque année une femme doit avoir<br />
une nouvelle plantation. Il lui suffit donc de compter les<br />
amvughu m'angwuunu (anciennes plantations) pour savoir l'âge<br />
de son enfant ou de son p<strong>et</strong>it-fùs. C<strong>et</strong>te manière de compter est<br />
par ailleurs admirablement servie par une mémoire féminine<br />
prodigieuse. On sait, d'autre part, que certaines opérations<br />
économiques, commerciales ne peuvent se pratiquer qu'en<br />
période de kuli (vg. Ebugha, champs d'arachides) ou d'AmtlUla (vg.<br />
Lambu, pêche par barrage muni de nasses). Les points de repères<br />
sont ainsi vite trouvés. Si un événement important arrive au<br />
cours de telle ou telle autre activité, il se fixera solidement dans<br />
la mémoire des témoins. C<strong>et</strong>te conservation mnémonique sera<br />
d'autant plus facile <strong>et</strong> fidèle que la culture obamba dispose de la<br />
notion de semaine en sept jours; le jour de repos ne semble pas<br />
faire l'unanimité: est-ce le dimanche ou le samedi.<br />
Ntsono Lundi Dimanche<br />
Okila Mardi Lundi<br />
Mpede Mercredi Mardi<br />
O<strong>du</strong>gha Jeudi Mercredi<br />
Ntsigha Vendredi Jeudi<br />
Obvwa Samedi Vendredi<br />
Okwoyo (jour de<br />
repos)<br />
Dimanche Samedi<br />
Le jour (<strong>du</strong>rée de 24 heures) se dit Tsughu. Ce terme peut<br />
aussi signifier la « clarté, lumière <strong>du</strong> soleil }) vg Tsughu e mitsa, il<br />
fait jour; Tsughu e miyila, il fait nuit. La chaleur <strong>du</strong> soleil se dit<br />
Mwij la <strong>du</strong>rée de douze heures se tra<strong>du</strong>it par Oyiila vg Oyiila a<br />
Mwi, la journée; Oyiila-Lempibi, <strong>du</strong>rée d'une nuit. La nuit tout<br />
court se rend par Lempibij <strong>et</strong> Mpibi équivaut à la locution<br />
adverbiale « de nuit» vg. Ghoya mpibi-mpibi, venir de nuit. Otimalempihi<br />
(coeur de la nuit), minuit.<br />
178
Des segments <strong>du</strong> parcours solaire journalier perm<strong>et</strong>tent à<br />
l'Altogovéen de se siruer dans la journée par rapport aux tâches<br />
à accomplir dans l'espace des douze heures diurnes:<br />
Etsiiri<br />
Entsyere<br />
EtemiÏlJi e Tari<br />
Tari e yigha kandza-ndza<br />
aurore<br />
matin<br />
levée <strong>du</strong> soleil<br />
9hoo environ<br />
Tari e yigha ekuma mwa-mpughu (le soleil approche <strong>du</strong> milieu<br />
<strong>du</strong> village i.e. au tour de 11h00)<br />
Tari e mi kuma ndzanga (e mi kuma mwa mpughu)<br />
environ (le soleil est dans son lit)<br />
Taçi e yigha e nya<br />
Bir'amba (porteur de feu)<br />
Tari emi bva<br />
Ekikolo<br />
Lempibi<br />
15h00 environ<br />
environ 17h00<br />
le Soleil est tombé (18h00)<br />
le soir; soirée.<br />
la nuit.<br />
12h00<br />
Ce sont quelques éléments de structure spatio-temporelle<br />
qui fondent la foi de l'Altogovéen traditionnel aux forces<br />
narurelles, en l'occurrence, aux influences certaines de l'univers<br />
sidéral, dont les rythmes cycliques règlent toute sa vie. Son<br />
expérience basée exclusivement sur l'observation empirique lui<br />
a, en eff<strong>et</strong>, appris que la population astrale joue un grand rôle<br />
dans sa vie d'homme. C'est pourquoi il trouve sage de s'y<br />
soum<strong>et</strong>tre intelligemment <strong>et</strong> de s'adapter d'une façon souple <strong>et</strong><br />
179
déten<strong>du</strong>e aux rythmes de leurs cycles certes lents mais<br />
infaillibles. Influence déterminante non seulement sur son<br />
activité "ad extra mais aussi sur celle "ad intra", physiologique,<br />
biologique.<br />
C'est à la lumière de c<strong>et</strong>te vision des choses que le Mbede<br />
croit profondément à une interaction, par exemple, entre la lune<br />
<strong>et</strong> la physiologie de la femme. Selon lui, il y a un lien de relation<br />
entre les différentes phases lunaires <strong>et</strong> le cycle menstruel. Aussi<br />
certaines gynécologues traditionnelles arrivent-elles à<br />
déterminer, à un jour près, le cycle d'une femme, la <strong>du</strong>rée d'une<br />
grossesse à partir des repères astraux, lunaires. Il y a entre les<br />
deux phénomènes une relation de cause à eff<strong>et</strong>.<br />
C<strong>et</strong>te foi se montre encore plus ferme en matlere<br />
thérapeutique. On ne peut pas cueillir telle feuille, prendre telle<br />
écorce pour traiter telle affection, par exemple les rhumatismes,<br />
à n'importe quel quartier de la lune parce que les influences<br />
sidérales à c<strong>et</strong>te phase lunaire sont maléfiques.<br />
De même avec la meilleure rhétorique <strong>du</strong> monde, on<br />
convaincra difficilement, aujourd'hui encore, une paysanne<br />
altogovéenne qu'elle peut planter avec succès n'importe quoi à<br />
n'importe quelle position de la lune ou de la pléiade. Car, de<br />
père en fils, est parvenue jusqu'à elle la certitude que les Ekwa<br />
m'<strong>et</strong>swi (litt. ignames à tête) ne se m<strong>et</strong>tent en terre qu'en période<br />
de pleine lune. C'est la phase optimale pour planter les<br />
boutures, semer les EntwuI]u (primeurs). De même que la lune<br />
«prend <strong>du</strong> corps» <strong>du</strong>rant son séjour chez sa seconde épouse Dza<br />
awusagha, de même elle communiquera sa bonne santé, son aux<br />
pro<strong>du</strong>its de la Terre. Pour d'autres essences agricoles à la<br />
germination plus lente, l'ensemencement ou le plantage se fera<br />
<strong>du</strong>rant le premier quartier lunaire afin que la pousse coïncide<br />
avec la pleine lune. On observe le même comportement des<br />
paysans vis-à-vis de la Pléiade, constellation qui règle certaines<br />
autres espèces agricoles ghonyaI]a ghobunalJa, lorsque la Pléiade<br />
décline.<br />
180
Ce que nous disons de l'agriculture vaut aussi pour la chasse<br />
<strong>et</strong> pour la pêche. Il est en eff<strong>et</strong> des formes ou genres de chasse <strong>et</strong><br />
de pêche qui ne sauraient se pratiquer en toutes saisons ou en<br />
n'importe quelle phase lunaire. Nous pensons, par exemple, à la<br />
chasse de nuit aux porcs-épies (Kele : mbya e kele) qui exige nuit<br />
noire <strong>et</strong> qui serait infructueuse par clair de lune trop brillant.<br />
On pourrait multiplier de tels exemples qui tous tra<strong>du</strong>isent<br />
la ferme <strong>et</strong> intime conviction d'homme Mbede de l'influence<br />
déterminante de l'univers sidéral sur le comportement de<br />
l'homme <strong>et</strong> de la nature terrestre non-humaine.<br />
C<strong>et</strong> état de choses a fait prendre conscience à l'homme de sa<br />
vraie place dans l'univers créé, lui a inspiré une attitude<br />
d'humilité <strong>et</strong> l'a déterminé à chercher plutôt à vivre en<br />
harmonie <strong>et</strong> en communion avec ces forces naturelles. Il en<br />
résulte une conception de la notion de Temps très différente de<br />
celle que l'on rencontre dans certaines autres cultures <strong>et</strong><br />
civilisations où le temps sociologique <strong>et</strong> le temps économique<br />
s'affrontent en un combat acharné. Les ressortissants des<br />
sociétés à technologie avancée savent en eff<strong>et</strong> que là où entre la<br />
technique, tout est calculé, minuté, jusque dans le détail; on y<br />
vit perpétuellement en tension <strong>et</strong> comme en état de siège; c<strong>et</strong>te<br />
vie en hypertension est un moteur qui ne se repose<br />
pratiquement pas, car « time is money ». "Ce maudit argent dont<br />
on a si grand besoin" semble tout dominer; alors que, pour<br />
l'Obamba traditionnel, l'argent n'est qu'un simple, ghotila ou<br />
ghonama (ce que l'on touche, <strong>et</strong> qui continue sa route: il ne faut<br />
pas s'y attacher/ l • Tandis que, dans la perspective de la société<br />
11 Un week-end, quatre ministres avaient besoin d'argent pour bien passer<br />
la fin de semaine. Un ami les dirige chez Tante, mère de l'un d'eux. Ils<br />
voudraient cinq cent mille (SOOOOOf) pour chacun, soit deux millions. Mais<br />
Maman peut-elle disposer d'une telle somme d'argent, se demandent-ils. A<br />
leur grand étonnement, ils trouvent dans la valis<strong>et</strong>te Dix millions. Tante<br />
leur dit que c<strong>et</strong> argent ne lui sert pas à grand chose depuis qu'elle est<br />
malade, il n'est jamais allé lui chercher <strong>du</strong> bois, de l'eau, encore moins aller<br />
dire au Père Curé qu'une Telle est malade. Dès lors, à quoi peut bien selvir<br />
c<strong>et</strong> argent? Les ministres sont restés sidérés devant un tel détachement<br />
C'est une grande leçon pour nous tous.<br />
181
technicisée, le jour de congé n'est pas un jour de repos mais un<br />
jour où l'on fait autre chose que de coutume. L'homme est<br />
littéralement poursuivi par une menaçante pression, celle <strong>du</strong><br />
rendement <strong>et</strong> de la rentabilité de tout ce qu'il entreprend.<br />
Paradoxalement la domination de la nature loin de le libérer<br />
l'asservit de plus belle: il est asservi par la chaîne sans frein de<br />
l'activité incessante; autrement dit, il est précipité dans<br />
l'avalanche des agitations trépidantes, bruyantes, énervantes, de<br />
la vie technicisée. Ainsi en quête des .moyens de domination <strong>et</strong><br />
de domestication de la nature à dompter, <strong>et</strong> au moment où il<br />
croit avoir réalisé sa propre libération, l'homme ultra-technicisé<br />
se découvre, étonné, captif des dents limées de l'engrenage<br />
impitoyable des minutes <strong>et</strong> des secondes que rien n'arrête. Alors<br />
que le Mbede, comme ses frères négro-africains d'hier<br />
empiriques, ayant foi en la solidarité cosmique, ont opté non<br />
pour une domination aveugle de la nature mais pour une<br />
collaboration efficace avec elle. Dans c<strong>et</strong>te optique, le Temps<br />
prend une dimension <strong>et</strong> une signification tout autres. Ce n'est<br />
plus un tyran aux décisions inexorables mais un pacifique<br />
régulateur d'activités humaines, d'échanges de toutes natures<br />
voire de ceux biologiques. Le coucher <strong>du</strong> soleil est un appel à<br />
quitter les travaux de brousse, de champ, une invitation<br />
impérative à rejoindre le village où doit commencer <strong>sous</strong> peu le<br />
temps de la culture intellectuelle qui succède à celui de la<br />
culture physique; celle-ci s'achève avec la tombée de la nuit ou<br />
se poursuit <strong>sous</strong> forme de jeux. Bientôt après le dîner, on pourra<br />
s'adonner qui à des loisirs chorégraphiques, qui aux contes<br />
(devin<strong>et</strong>tes <strong>et</strong> fables); ou bien, autour <strong>du</strong> feu familial, on<br />
s'initiera au récit de la généalogie, excellent exercice de<br />
développement de la mémoire, instrument privilégié<br />
indispensable pour entrer en possession d'une culture<br />
essentiellement orale. On peut sans être talonné par le temps,<br />
prolonger une veillée en compagnie des amis jusqu'à ce que le «<br />
corps réclame le lit». Puis l'on s'endort jusqu'à ce que sans<br />
violence, le soleil <strong>du</strong> lendemain réveille bêtes <strong>et</strong> gens; <strong>et</strong> le<br />
rythme cosmique vital repart sans tension aucune.<br />
Comme nous avons déjà dit, c<strong>et</strong>te communion <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te<br />
harmonie avec la nature impriment à l'activité humaine un<br />
182
ythme naturel, tranquille, déten<strong>du</strong>, <strong>et</strong> donc sain. Elles auront<br />
appris à l'homme le sens <strong>et</strong> le bienfait d'une certaine<br />
dépendance <strong>et</strong> d'une confiance intelligente en la nature; elles lui<br />
auront surtout appris le sens <strong>du</strong> moment présent intensément<br />
vécu. Il en résulte une paix intérieure, une paix interpersonnelle<br />
<strong>et</strong> intercommunautaire.<br />
Telle est une des données essentielles de sa culture que le<br />
Négro-Africain ne devrait pas perdre de vue <strong>et</strong> qu'il doit<br />
partager avec le reste de l'humanité à savoir que la technologie<br />
<strong>et</strong> la technique ne sont bonnes que si elles ne violentent pas les<br />
rythmes naturels qu'un homme ne saurait troubler<br />
impunément.<br />
C'est en c<strong>et</strong>te parfaite harmonie avec la nature <strong>et</strong> en<br />
communion avec elle que le Négro-Africain de la société<br />
traditionnelle entreprend indivi<strong>du</strong>ellement ou collectivement<br />
l'oeuvre de transformation intelligente de ses conditions de vie,<br />
soit qu'il s'adapte à son milieu naturel soit qu'il se l'adapte<br />
rationnellement. Et pour un peuple, chercher ainsi à<br />
transformer ses conditions de vie à partir des données<br />
écologiques, c'est amorcer le processus de son développement<br />
sur tous les plans. Malheureusement c<strong>et</strong> effort est sans cesse<br />
perturbé par les sorciers <strong>et</strong> autres agents de la mort, marchands<br />
d'illusions qui manipulent avec une certaine dextérité <strong>et</strong><br />
quelques fois avec une certaine efficacité les différents moyens<br />
de la Maîtrise Sociale; citons par exemple le système de sort que<br />
j<strong>et</strong>tent les ensorceleurs <strong>et</strong> que lèvent les désensorceleurs pour la<br />
libération des ensorcelés. Dans ce cas on parle souvent de j<strong>et</strong>eur<br />
de (mauvais) sort, système bien connu dans notre culture négroafricaine.<br />
C'est ici que se pose le grave problème de la rationalité face à<br />
certaines expressions de notre Maîtrise Sociale. En eff<strong>et</strong>, il s'agit<br />
d'un principe fondamental de la philosophie qui dit qu'il n'y a<br />
pas d'action à distance : «Nulla actio in distans» Il n'y a pas<br />
possibilité d'action à distance. On ne peut pas exercer une<br />
quelconque action sur un obj<strong>et</strong> éloigné sans médium. Le contraire<br />
183
est irrationnel <strong>et</strong> anti-scientifique. Les adeptes de la philosophie<br />
des Lumières, au XVIlIème Siècle, ont apporté ce principe à son<br />
point extrême. C'est pourquoi, ils affirment que la sorcellerie ne<br />
s'explique pas par la faiblesse intellectuelle des paysans. Au fur<br />
<strong>et</strong> à mesure que le monde s'urbanise, les frontières de la<br />
sorcellerie reculent inexorablement (sic ?).<br />
La sorcellerie se trouve ainsi reléguée aux antipodes de la foi<br />
rationaliste. Puisque, par définition, la sorcellerie est la capacité,<br />
le pouvoir de nuire à autrui sans support matériel! L'empirisme n'a<br />
pas droit d'être cité devant le rationalisme. Car, selon ce dernier,<br />
seule la Raison mérite notre croyance <strong>et</strong> notre confiance. Le<br />
contraire relève de la débilité mentale.<br />
Mais face à ce principe de « Nulla actio in distans» se dresse<br />
un autre principe philosophique non moins fondamental «<br />
Contra jacta non valent argument, contre des faits, il n'y a point<br />
d'arguments qui tiennent. » ; <strong>et</strong> encore « Facta sunt non neganda<br />
sed explicanda, les faits ne sont pas à nier mais à expliquer ». Un<br />
fait est un fait. Et les faits, dit- on, sont têtus. C'est pourquoi, la<br />
foi <strong>du</strong> NégrO-Africain ou de l'homme tout court, en certaines<br />
expressions de la Maîtrise Sociale, par exemple sa foi au système<br />
des sorts, ne saurait être balayée <strong>du</strong> revers de la main. Car les<br />
faits sont têtus. Il faut les expliquer, si l'on veut que s'élabore<br />
efficacement <strong>et</strong> s'installe <strong>du</strong>rablement dans les esprits la paix de<br />
l'âme <strong>et</strong> <strong>du</strong> corps.<br />
Pour y parvenir, le Négro-Africain doit chercher à concilier<br />
les données de c<strong>et</strong>te foi ancestrale avec les exigences de la<br />
Rationalité, par exemple par la recherche de l'existence de<br />
nouveaux médias jusque-là inconnus <strong>du</strong> monde scientifique<br />
mais supposés depuis toujours par nos Ancêtres, héros<br />
civilisateurs <strong>et</strong> créateurs de c<strong>et</strong>te Culture transmise de père en<br />
fils jusqu'à nous, leurs dignes descendants.<br />
C<strong>et</strong> effort de recherche de la réconciliation entre l'ensemble<br />
de la Maîtrise Sociale <strong>et</strong> la Rationalité s'impose aujourd'hui<br />
plus que jamais. C'est une nécessité impérieuse. Car il y va de<br />
184
l'équilibre même de notre personnalité. La nav<strong>et</strong>te permanente<br />
entre le nganga <strong>et</strong> l'hôpital, entre le mhandja <strong>et</strong> l'église doit<br />
déboucher sur une clarification de positions respectives par un<br />
travail d'inculturatWn réussie. C'est la seule attitude raisonnable<br />
par tous acceptable. Car, elle seule nous perm<strong>et</strong> de nous<br />
réconcilier avec nous-même. C'est-à-dire avec notre conscience,<br />
afin de voir réalisé le plein épanouissement de notre être total.<br />
Par Inculturation, il faut entendre le faisceau de lumière que<br />
l'Evangile de Jésus Christ proj<strong>et</strong>te sur chaque Culture qu'il<br />
rencontre <strong>et</strong> qui accepte de l'accueillir. n la prospecte pour y<br />
déceler ce qu'il y a d'authentique en relation avec valeurs<br />
humaines. n les décape pour les débarrasser des préjugés <strong>et</strong> des<br />
faux-fuyants. Dégagées de toute impur<strong>et</strong>é, ces valeurs sont<br />
présentées à Jésus-Christ, Rédempteur Universel qui les assume<br />
<strong>et</strong> les sauve. Dès lors, elles deviennent valeurs chrétiennes parce<br />
que christianisées. Mais ce travail de décapage d'abord <strong>et</strong> de<br />
christianisation ensuite des valeurs de la Civilisation négroafricaine<br />
requiert des Messagers de l'Evangile une compétence<br />
scientifique éprouvée. C<strong>et</strong>te exigence s'explique <strong>et</strong> se justifie<br />
d'une part par le fait de la multiplication des moyens de<br />
cOmnlunication <strong>et</strong> d'information sociale <strong>et</strong>, d'autre part par, le<br />
fait que la Foi chrétienne n'est pas un assentiment béat, mais<br />
une adhésion intellectuelle; ce qui est loin d'une foi de<br />
charbonnier. La tâche des Apôtres est d'autant redoutable qu'ils<br />
ont l'obligation faite en conscience de faire un travail à la fois<br />
d'inculturarion <strong>et</strong> d'indigénisation de l'Eglise Catholique.<br />
En eff<strong>et</strong>, il y a beaucoup à créer en théologie pastorale afin<br />
de canaliser les croyants dans de nouvelles voies<br />
d'épanouissement chrétien. Car désormais, nos inspirateurs en<br />
la matière ne sont plus seulement Saint Thomas d'Aquin <strong>et</strong><br />
autres grands maîtres grécolatins, mais aussi <strong>et</strong> prévalemment<br />
l'inépuisable thésaurus accumulé par nos Ancêtres<br />
négroafricains. Nous inspirer de la Sagesse africaine pour en<br />
tirer ce qu'il y a de bon, de sublime pour le proposer à Jésus<br />
Christ pour assomption. Car quod nOll assumpsit non redemptum,<br />
ce que Jésus n'a pas assumé n'a pas été sauvé. n se pose donc,<br />
pour l'Eglise, un problème tout simplement de survie en<br />
185
Afrique. Si nous sommes honnêtes avec nous-mêmes, nous<br />
reconnaîtrons, peut-être avec honte, que les Eglises d'Afrique<br />
souffrent d'un <strong>sous</strong>-développement théologique. Le poids<br />
culturel <strong>du</strong> christianisme latin pèse trop lourdement sur la<br />
pratique <strong>et</strong> les orientations de la Pastorale africaine. D'où<br />
résulte, le plus souvent, un conformisme rassurant qui n'est pas<br />
seulement le signe d'un fIxisme intellectuel mais le résultat<br />
d'une aliénation mentale. Voici, <strong>du</strong> reste, ce qu'en pense le père<br />
Fabien Eboussi : «La torpeur règne dans les églises de<br />
l'hémisphère Sud. Les prêtres <strong>et</strong> les évêques se sont assoupis sur<br />
le catéchisme scolastique de leur adolescence, entourés de<br />
sécurités canoniques. Ils ne se réveillent qu'aiguillonnés par la<br />
hantise de l'argent, d'un personnel de fortune, de prébendes.<br />
Quand ils ne se contentent pas de jouer aux notables que l'on<br />
prend pour la vanité <strong>et</strong> le goût <strong>du</strong> bien-être, ils se perdent dans<br />
la casuistique institutionnelle qui tâche à 'appliquer le Concile'.<br />
Leur application docile n'accouche que vent ou des choses<br />
mort-nées, parce qu'en défInitive elle mine la vie qui se déroule<br />
peut être ailleurs. Les structures, même postconciliaires, ne<br />
sauraient tenir lieu de message ni de l'âme qui s'invente son<br />
propre corps» (Père F. Ebousi, «Métamorphoses Africaines », in<br />
Christus, n °77, 1973, p.38).<br />
Ce mimétisme, fruit de l'état d'incurie intellectuelle suffIt<br />
pour souligner la fragilité de nombres d'églises d'Afrique<br />
auxquelles échappe, presque en totalité, l'initiative de la<br />
réflexion <strong>et</strong> de la recherche sur les problèmes de la Foi dans le<br />
contexte africain. Or nous savons que la morale n'est ni à<br />
spatiale ni à temporelle. Elle s'accomplit toujours au sein d'une<br />
communauté humaine en situation concrète dont la théologie<br />
pastorale doit tenir compte. Sinon, on justifIe la thèse de<br />
certains Africains selon laquelle «le christianisme, c'est une<br />
affaire de Blancs».<br />
C<strong>et</strong>te nécessité de théologie pastorale africaine de très haut<br />
niveau a fait dire au pèreJean-Marc Ela ce qui suit: « Il convient<br />
de dépasser les clôtures dogmatiques qui enferment l'Eglise<br />
d'Afrique dans les frontières constituée une fois pour toutes.<br />
Car, l'Eglise locale ne doit pas uniquement se défInir à partir<br />
186
d'une doctrine ou d'une institution, mais elle doit se vérifier<br />
dans une nouvelle manière d'être <strong>et</strong> de vivre l'Evangile dans des<br />
situations concrètes» (pèreJ.M. Ela, « Le doit ou l'enjeu actuel<br />
des églises locales en Afrique noire », in Civilisation noire <strong>et</strong> Eglise<br />
CAtholique, 1977, p. 206).<br />
n y a donc un constat à faire, la théologie des églises<br />
d'Afrique souffre d'une mièvrerie déconcertante parce qu'elle<br />
manque d'audace en Pastorale.<br />
L'Impact des Communautés chrétiennes sur <strong>et</strong> dans le Social<br />
ne peut être efficace que si ces hommes <strong>et</strong> ces femmes sont<br />
guidés par des orientations pastorales qui tiennent compte des<br />
réalités, des situations concrètes que vivent les hommes <strong>et</strong> les<br />
femmes de notre temps, afin que ce qu'ils vivent concrètement,<br />
ayant été assumé par le Christ Rédempteur, soit définitivement<br />
sauvé.<br />
Si nous n'accomplissons pas c<strong>et</strong>te réconciliation interne,<br />
nous courons le risque de persévérer dans ce paysage de<br />
tiraillement moral permanent, qui déjà entraîne nombre d'entre<br />
nous, d'une manière inexorable, vers de nouvelles formes de<br />
protection. n y a là matière à réflexion. Car la situation est<br />
grave. En eff<strong>et</strong> partout, en Afrique, comme nous pouvons le<br />
constater ici chez nous, de nouveaux cultes sont consacrés à des<br />
esprits qui protègent leurs fidèles contre la Sorcellerie, contre<br />
les sorciers j<strong>et</strong>eurs de (mauvais) sorts <strong>et</strong> autres fusils nocturnes.<br />
On voit même des ex-rosicruciens embarrasser ces nouveaux<br />
cultes pour se protéger de l'action maléfique <strong>et</strong> mortifère de<br />
leurs anciens confrères.<br />
D'autres, pour y échapper avec certitude, ont recours à des<br />
sacrifices rituels voire humains. Ce qu'aucune conscience droite<br />
ne saurait accepter.<br />
L'heure est venue de chercher à nous réconcilier avec nousmêmes,<br />
avec notre conscience; afin que de la réconciliation nous<br />
parvenions au plein épanouissement de notre être total. C'est là<br />
187
une condition sine qua non pour que les chrétiens négroafricains<br />
deviennent des dignes disciples de Jésus-Christ, fùs de<br />
Mère Eglise sans cesser d'être des dignes fils de Mère Afrique.<br />
Dès lors, ils pourront proclamer sans aucun mensonge «Mater<br />
Ecclesia <strong>et</strong> Mater Africa ».<br />
188
L'apportdel'Islam dans laprévention des crimes<br />
rituels enAfrique centrale<br />
Imam Ismaël OCENI OSSA<br />
Imam de la Mosquée Hassan II (Libreville) Gabon)<br />
Au nom d'Allah) le ToutMiséricordieux) le Très Miséricordieux.<br />
La vie <strong>et</strong> la mort, voilà deux réalités à la fois antinomiques <strong>et</strong><br />
indissociables marquant l'histoire de l'homme <strong>et</strong> hantant son<br />
quotidien depuis son apparition sur terre jusqu'à nos jours.<br />
Mais la vie est sacrée. Par conséquent, elle doit être protégée<br />
<strong>et</strong> préservée. C'est ce que prônent <strong>et</strong> proclament toutes les<br />
institutions <strong>et</strong> les organisations qu'elles soient laïques ou<br />
religieuses: « nul n'a le droit d'attenter àla vie d'autrui », tel est<br />
le credo de tous.<br />
A une échelle moindre encore, l'homme poussé <strong>et</strong> dopé par<br />
des croyances superstitieuses <strong>et</strong> occultes telles la sorcellerie, la<br />
magie <strong>et</strong>c., s'en prend cyniquement à la vie des autres hommes<br />
dans l'espoir d'en tirer un profit matériel, économique, social<br />
ou politique. C'est, grosso modo, ce qu'on appelle « crimes<br />
rituels ». Le terrain de prédilection où ils se développent de<br />
façon fulgurante se sont les espaces territoriaux marqués par<br />
des crises structurelles.<br />
1. Lapositionde l'islam par rapport au crime rituel<br />
Certes l'islam connaît dans son histoire des situations<br />
caractéristiques de crime rituel, mais d'une part, ces situations<br />
remontent à une période où l'islam n'existait pas <strong>et</strong>, d'autre<br />
part, ces situations ne furent que des tentatives dont les auteurs<br />
étaient des hommes pieux qui avaient pris un engagement<br />
indéfectible d'offrir à Dieu) en guise d'offrande, un de leur fils si<br />
leurs voeux venaient à être exaucés.<br />
189
1.1. L'offrande <strong>du</strong> Patriarche Ibrahim<br />
Le Patriarche Ibrahim avait offert en offrande à Dieu, son<br />
premier fils Ismael, mais au moment où il voulait exécuter<br />
l'enfant, Dieu l'arrêta en lui demandant de substituer un animal<br />
à l'enfant.<br />
1.2. L'offrande <strong>du</strong> grand père <strong>du</strong> Prophète Abdoul Moutalih<br />
Abdoul Moutalib avait formulé le voeu: si Dieu lui donnait<br />
dix fils atteignant l'âge de la majorité, il en sacrifierait un. Son<br />
souhait ayant été exaucé, il décida de vouer au sacrifice l'un de<br />
ses enfants <strong>et</strong> le sort désigna Abdallah qui se trouvait être le<br />
père <strong>du</strong> Prophète <strong>et</strong> l'enfant le plus choyé par Abdoul Moutalib.<br />
C<strong>et</strong>te situation créa un trouble profond chez Abdoul Moutalib<br />
qui décida, pour résoudre le dilemme, de consulter un moine<br />
qui réussi à faire immoler cent chameaux en lieu <strong>et</strong> place<br />
d'Abdallah, le père <strong>du</strong> Prophète.<br />
Tous ces deux récits ne furent que des tentatives d'offrande<br />
qui ne se sont pas terminés par des sacrifices de vies humaines.<br />
Puisqu'ils étaient inspirés par une foi infaillible, le sacrifice des<br />
humains fut remplacé, par la volonté de Dieu, par le sacrifice<br />
des bêtes, chose qui ne va pas susciter <strong>du</strong> point de vue moral<br />
trop d'«indignation.<br />
Du point de vue de l'Islam donc, les crimes rituels résultent<br />
tout simplement de l'associationnisme. C'est le charlatanisme <strong>et</strong><br />
les croyances aveugles qui animent leurs auteurs. Ils pensent<br />
pouvoir par ces crimes odieux agir, voir influer sur la marche de<br />
leur destin. Ces pensées sont notoirement aux antipodes de la<br />
foi.<br />
2. L'apport de l'Islam dans la prévention des crimes rituels.<br />
Pour aller à la croisade contre les crimes rituels, l'action des<br />
autorités appartenant aux confessions religieuses doit se faire<br />
190
dans deux directions: l'é<strong>du</strong>cation morale des masses populaires<br />
d'une part <strong>et</strong>, la vulgarisation de la foi, d'autre part. Le tout, en<br />
étroite collaboration avec les pouvoirs publics en place.<br />
2.1. L'é<strong>du</strong>cation des masses<br />
L'é<strong>du</strong>cation doit être le premier cheval de bataille à<br />
enfourcher pour lutter contre les crimes rituels <strong>et</strong> ses eff<strong>et</strong>s<br />
pervers.<br />
2.2. La vulgarisation de la foi<br />
Le remède le plus efficace <strong>et</strong> dont l'efficacité est <strong>du</strong>rable n'est.<br />
autre que l'implantation de la foi en Dieu dans les coeurs des<br />
malfaiteurs. C'est la perte de la foi en Dieu, voire son absence<br />
totale, qui pousse les auteurs de ces crimes à penser que de telles<br />
pratiques, aussi occultes qu'obscurantistes, .::ont capables<br />
d'apporter des solutions satisfaisantes aux besoins qui les<br />
tourmentent.<br />
Finalement, nous pouvons affirmer que la religion<br />
musulmane condamne sans aucune restriction tous les crimes<br />
en général <strong>et</strong> les crimes rituels en particulier. Les crimes rituels<br />
sont doublement condamnables <strong>du</strong> fait qu'ils sont des crimes<br />
de sang d'une part, <strong>et</strong> qu'ils sont des actes d'associationnisme<br />
d'autre part.<br />
Les crimes rituels causent des dommages matériels <strong>et</strong><br />
moraux à la société. Les érudits venant des différentes<br />
confessions religieuses doivent épauler l'action des autorités<br />
publiques afin de mener des croisades contre ces crimes.<br />
191
Eglises <strong>et</strong> crimes rituels: cas <strong>du</strong> Gabon.<br />
1. Intro<strong>du</strong>ction<br />
Pasteur EMANE MINKO<br />
(Gabon)<br />
Toute vie humaine est sacrée, c'est un postulat divin. Et<br />
l'Homme, simple créature de Dieu ne peut rem<strong>et</strong>tre cela en<br />
cause, <strong>et</strong> encore moins ses pratiques surnaturelles. C'est en cela<br />
que l'Eglise, en tant qu'instrument de Dieu, condamne <strong>et</strong><br />
combat toute pratique dont l'obj<strong>et</strong> ruinerait ce postulat divin.<br />
Cela n'implique pas que l'Eglise occulte la réalité des crimes<br />
rituels ou leur récurrence en Occident ou encore en Afrique<br />
centrale dont le Gabon. Non! Il s'agit tout simplement pour elle<br />
de rappeler à l'homme que la 'vie tout comme la mort sont au<br />
pouvoir de Dieu lui-même. C'est vrai, les pratiques surnaturelles<br />
peuvent exercer une influence sur les circonstances de la mort<br />
en ce qu'elles peuvent modifier, ce qui fait que la mort au lieu<br />
d'être acceptée comme une volonté de Dieu ou un fait naturel,<br />
est souvent appréhendée comme étant l'oeuvre de 1'« ennemi<br />
d'à-côté». Celui-ci peut être un père, une mère, un frère, une<br />
soeur ou un ami, pour ne citer que ceux-là.<br />
En revanche celui qui prend délibérément la décision de<br />
donner la mort à une personne, en ce substituant ainsi à Dieu,<br />
celui-là viole la loi divine qui sacralise la vie humaine <strong>et</strong> partant,<br />
engage sa propre responsabilité devant Dieu. Face à une telle<br />
situation le rôle de l'Eglise va consister donc à enseigner la<br />
parole de Dieu non pas forcement à ceux qui se livrent à telles<br />
pratiques, mais à toute la création. Ce grand défi demeure<br />
toujours <strong>et</strong>, pour le relever, l'Eglise ne peut qu'utiliser les<br />
moyens qui sont les siens à savoir l'évangile de Jésus-Christ.<br />
Pour l'homme ordinaire, c<strong>et</strong> instrument de combat peut s'avérer<br />
inefficace en raison de l'ampleur ou des proportions très<br />
inquiétantes que le mal est en train de prendre, au grand dam<br />
d'innocentes personnes. Certes, cela peut paraître vrai, mais il<br />
193
n'en demeure pas moins vrai que l'évangile est la puissance de<br />
Dieu pour le salut de quiconque qui croit. D'ailleurs le Seigneur<br />
lui-même a dû faire l'obj<strong>et</strong> de tels griefs de la part <strong>du</strong> peuple<br />
d'Israël qui trouvait ses méthodes de délivrance beaucoup trop<br />
faibles à l'égard <strong>du</strong> persécuteur romain. Aussi, la manifestation<br />
de c<strong>et</strong>te puissance s'exerce t-elle de manière invisible.<br />
En revanche, s'il y a lieu de repenser quelque chose, c'est<br />
peut être le système de travail à partir <strong>du</strong>quel sont mises en<br />
mouvement les actions de l'Eglise contre les crimes rituels. Le<br />
déroulement de ces actions peut présenter quelques<br />
insuffisances ou limites, il convient donc d'en trouver les<br />
palliatifs afin qu'en définitive, un plus grand nombre d'enfants<br />
de Dieu puissent accéder au message que l'évangile de Jésus<br />
Christ nous donne, au suj<strong>et</strong> de la sacralité de la vie humaine.<br />
Sous ce rapport la question à soulever ici est donc de savoir<br />
quelles sont les différentes actions qui peuvent être inscrites à<br />
l'actif de notre Eglise, dans la lutte contre les crimes rituels <strong>et</strong><br />
leurs eff<strong>et</strong>s subséquents? Il s'agit donc de caractériser l'action de<br />
l'Eglise contre la mort mystique, même si quelques<br />
réaménagements peuvent se révéler nécessaires. De c<strong>et</strong>te<br />
précision il ressort que les développements qui vont suivre<br />
feront l'obj<strong>et</strong> d'une thèse <strong>et</strong> d'une anti-thèse, le tout organisé en<br />
deux grandes parties.<br />
2. Les actions de l'Eglise contre les crimes rituels se résument<br />
entre autres à laprédication <strong>et</strong> l'exhortation.<br />
C'est par le moyen de la prédication que souvent l'Eglise est<br />
amenée à lutter contre tout ce qui n'honore pas Dieu ou se<br />
pratique en violation de sa loi <strong>et</strong>, les crimes rituels en font<br />
parties. Il est à faire rappeler que Dieu lui-même condamne avec<br />
ferm<strong>et</strong>é toute mort de l'homme par l'homme. C<strong>et</strong> interdit peut<br />
être vérifié dans le cinquième commandement de Dieu lequel<br />
dit: « tu ne tueras point ». Ce message est sans cesse donné aux<br />
peuples de Dieu, il constitue même l'un des points saillants de<br />
la prédication. Par conséquent, celui qui supprime<br />
intentionnellement une vie humaine transgresse de ce fait la loi<br />
194
divine qui prohibe un tel acte. Le rôle de l'Eglise face à c<strong>et</strong>te<br />
violation consiste donc à rappeler aux enfants de Dieu le danger<br />
qu'ils courent en se livrant à de telles pratiques. On comprend<br />
dés lors que le principal moyen de lutte dont dispose l'Eglise<br />
contre les crimes rituels soit la sainte parole de Dieu <strong>et</strong>, celfe-ci<br />
est souvent annoncée à l'intérieur <strong>du</strong> corps même de Jésus<br />
Christ que Constitue l'Eglise.<br />
En l'espèce, le message qui est ainsi donné vise à présenter<br />
aux peuples de Dieu, toutes les conséquences qui pourraient<br />
s'abattre sur celui ou celle qui tue, quelque soit le mobile<br />
invoqué. Aussi, le prédicateur ne manque pas de présenter un<br />
tel indivi<strong>du</strong> comme quelqu'un qui est possédé par un esprit<br />
diabolique ou satanique, c'est-à-dire quelqu'un qui fait des<br />
oeuvre ténébreuses. Tout sacrifice qui consiste à m<strong>et</strong>tre un<br />
terme à la vie d'autrui se révèle négatif d'autant qu'un tel acte<br />
occulte le véritable sens <strong>du</strong> sacrifice donné par Dieu lui-même à<br />
travers l'Anèêtre Abraham avec son fùs Isaac.<br />
Pour la p<strong>et</strong>ite histoire, Dieu avait demandé à Abraham de lui<br />
donner son fils Isaac en sacrifice ce que l'Ancêtre voulut faire<br />
spontanément. Mais au moment où il s'apprêtait à exécuter son<br />
fùs unique, Dieu l'arrêta <strong>et</strong> lui donna un bélier en lieu <strong>et</strong> place<br />
d'Isaac (Genèse 22 1-14). Donc celui qui craint Dieu doit savoir<br />
que le sacrifice humain est prohibé par Dieu lui-même. C'est<br />
tout le sens de l'acte symbolique que constitue l'échange d'Isaac<br />
par un animal. En eff<strong>et</strong>, à travers c<strong>et</strong> acte, Dieu a voulu montrer<br />
que la notion de sacrifice doit s'entendre en un égorgement<br />
d'un animal <strong>et</strong> non une personne. C'est ce message que l'Eglise<br />
s'évertue à donner à chaque enfant de Dieu, en s'appuyant bien<br />
enten<strong>du</strong> sur l'exemple d'Abraham <strong>et</strong> le bélier. Ainsi, tous ceux <strong>et</strong><br />
toutes celles qui font des sacrifices humains comm<strong>et</strong>tent un<br />
péché <strong>et</strong> ils répondront certainement de leurs actes auprès de<br />
l'Eternel. Le rôle de l'Eglise face à ce péché, on ne le dira jamais<br />
assez, peut se résumer en deux choses: montrer aux hommes les<br />
voies de Dieu, notamment, le respect de la vie d'autrui: les<br />
montrer toutes les conséquences susceptibles d'assortir leur<br />
égarement ou leur transgression. En outre, suivre les voies de<br />
Dieu consiste à marcher dans sa lumière c'est-à-dire la vérité.<br />
195
Car celui qui vit dans la vérité de Dieu ne peut avoir le courage<br />
de supprimer une vie humaine, propriété privée de Dieu.<br />
Enseigner aux hommes la crainte de Dieu constitue pour<br />
l'Eglise un puissant moyen à même de lutter contre toute sorte<br />
de péché en l'occurrence les crimes rituels. C<strong>et</strong>te approche opère<br />
un travail de fond dans la conscience des gens <strong>et</strong>, c'est l'une des<br />
missions de l'Eglise. Celui qui ne craint pas Dieu ne peut pas lui<br />
être agréable.<br />
En outre la prédication, l'exhortation est l'acte par lequel le<br />
prédicateur appelle les enfants de Dieu à ne poser que des actes<br />
sanctifiants. Or, celui qui comm<strong>et</strong> un crime ne peut pas<br />
bénéficier de la sanctification que nous procurent la vérité,<br />
l'amour, le pardon, la crainte de l'Eternel, le respect <strong>du</strong> caractère<br />
sacré de la vie humaine, <strong>et</strong>c. Notons que le rappel de ces valeurs<br />
ou fruits de l'esprit à chaque culte, constitue aussi un puissant<br />
moyen de lutter contre tout esprit de meurtre, source de crime<br />
fut-il rituel ou non. li y a également la prière en tant que moyen<br />
de communication avec Dieu. La prière de l'Eglise vers Dieu<br />
consiste à lui demander de toucher les coeurs de ceux qui se<br />
livrent encore à de pratiques surnaturelles tels que les crimes<br />
rituels afin que cela puisse être abandonné. C'est un Dieu<br />
d'amour <strong>et</strong> de pardon, l'espérance de l'Eglise est qu'il finira par<br />
délivrer ses enfants quoique meurtriers, <strong>du</strong> pouvoir des ténèbres<br />
<strong>et</strong> les transporter dans le royaume de son fils Jésus-Christ notre<br />
Sauveur <strong>et</strong> Seigneur en qui nous avons la rédemption dans le<br />
sang <strong>et</strong> la rémission des péchés<br />
Par ailleurs, notre Eglise voit comme un autre moyen de<br />
lutte contre les crimes rituels, les efforts que consent l'Etat<br />
Gabonais en vue d'éradiquer le phénomène des crimes rituels<br />
sont à saluer ici. Et qui était devenu urgent que le<br />
Gouvernement prenne en main, ce problème de mort mystique<br />
afin de contribuer à ce que de telles pratiques soient totalement<br />
extirpées des moeurs gabonaises. La preuve de la volonté<br />
gouvernementale est ainsi apportée par la convocation d'une<br />
réunion de concertation sur des crimes atroces qui venaient de<br />
se pro<strong>du</strong>ire dans la capitale, à savoir, la découverte macabre sur<br />
l'une de nos plages des corps sans vie de deux jeunes écoliers.<br />
196
C<strong>et</strong>te réunion tenue le 18 mars 2005, avait vu la participation de<br />
plusieurs agences des Nations Unies accréditées dans notre<br />
pays. En convoquant c<strong>et</strong>te réunion, l'Etat gabonais a voulu<br />
manifester sa solidarité envers les familles des victimes, tout en<br />
affirmant son attachement indéfectible aux valeurs cardinales<br />
que nous enseigne notre Père céleste à travers les deux religions<br />
révélées c'est-à-dire l'Islam <strong>et</strong> le Christianisme. Il faut<br />
reconnaître que l'initiative prise par le Chef de l'Etat en<br />
convoquant la réunion sus rappelée, constitue à mon humble<br />
avis, un puissant moyen pour lutter efficacement contre le<br />
spectre des crimes rituels qui semble prendre racine avec aise<br />
dans nos sociétés notamment à l'approche de grandes échéances<br />
politiques comme l'ont si bien relevé les participants à la<br />
réunion <strong>du</strong> 18 mars 2005. Il est de toute évidence que les<br />
auteurs de ces atrocités ne peuvent pas compter sur la<br />
protection de l'Etat <strong>du</strong> moins tant que nous aurons à sa tête le<br />
Président Bongo ONDIMBA, c'est ma conviction.<br />
En revanche, l'Eglise ne doit pas se limiter à jouer un rôle<br />
qui soit simplement passif. Elle doit aller au-delà de ses<br />
frontières ou ses installations, envisager de nouvelles approches,<br />
pour enseigner à tout être humain l'importance que Dieu<br />
accorde à la vie de chaque homme.<br />
3. L'Eglise se doit d'adopter de nouvelles approches beaucoup<br />
plus actives en vue de lutter efficacement contre les crimes<br />
rituels<br />
Il faut avouer ici que, la circonscription dans l'Eglise de<br />
l'essentiel de la parole de Dieu n'est pas de nature à rendre<br />
efficace l'action des chefs religieux contre les crimes rituels. Il<br />
devient donc urgent pour l'Eglise d'entrevoir d'autres moyens<br />
d'action pouvant lui perm<strong>et</strong>tre d'atteindre facilement les<br />
couches sociales les plus exposées à la grande tentation que sont<br />
les rites.<br />
S'il demeure constant que la parole de Dieu constitue le seul<br />
moyen dont disposent les chefs religieux pour lutter contre les<br />
197
crimes rituels <strong>et</strong> leurs suites, il est aussi constant que, pour être<br />
efficace, c<strong>et</strong>te même parole doit pouvoir être prêchée à ceux-là<br />
qui ont fait <strong>du</strong> crime humain, un facteur ou un moyen de<br />
réussite sociale, <strong>et</strong>c. En eff<strong>et</strong>, tout être humain réfléchi sait que<br />
l'Eglise est la maison <strong>du</strong> Dieu vivant, par conséquent il devient<br />
donc difficile pour celui qui à tué de pouvoir s'y rendre parce<br />
que habité par un sentiment de culpabilité, celui d'avoir<br />
intentionnellement supprimé la vie d'autrui. C'est un forfait qui<br />
va davantage éloigner celui qui a tué de la maison de Dieu,<br />
d'autant qu'il est établi sur lui la qualité d'auteur <strong>et</strong> de criminel<br />
devant les hommes <strong>et</strong> devant Dieu. Certains diront que souvent,<br />
il y a des serviteurs de Dieu qui vont jusque dans les maisons<br />
d'arrêt pour annoncer la parole de Dieu aux détenus. Mais nous<br />
devons aussi à la vérité de reconnaître qu'avec les temps qui<br />
courent, il y a plus de criminels potentiels c'est-à-dire des<br />
personnes dont la probabilité de tuer est plus qu'évidente <strong>et</strong>,<br />
ceux-là, sont libres de tout crime. C'est la raison pour laquelle la<br />
prédication ne doit plus être faite seulement dans les maisons<br />
d'arrêt, il faut qu'elle atteigne toutes les couches sociales.<br />
Dès lors, pour annoncer l'évangile, l'Eglise doit davantage<br />
sortir de ses installations traditionnelles pour aller à la<br />
rencontre des personnes qui, de manière consciente ou<br />
inconsciente, demeurent encore <strong>sous</strong> le joug <strong>du</strong> péché. Ce<br />
faisant, les médias peuvent constituer un moyen utilisable de<br />
lutte contre la criminalité <strong>sous</strong> toutes ses formes En tout état de<br />
cause, le salaire <strong>du</strong> péché c'est la mort <strong>et</strong> puisque supprimer la<br />
vie d'autrui est un péché, l'auteur de c<strong>et</strong>te suppression finira par<br />
mourir, lui aussi car c'est la conséquence logique de son acte.<br />
Pour que ce message soit reçu par tout le monde, il devient alors<br />
impératif que l'Eglise puisse davantage faire usage des moyens<br />
de communication modernes <strong>et</strong> beaucoup plus à même de<br />
perm<strong>et</strong>tre le rapprochement entre l'Eglise <strong>et</strong> les populations<br />
cibles c'est-à-dire des personnes susceptibles de succomber à la<br />
tentation des crimes rituels. C'est le cas des charlatans <strong>et</strong> de<br />
ceux qui adorent la promotion facile. En fait, ces sacrifices<br />
rituels trouvent leurs origines dans les ambitions politiques ou<br />
professionnelles nourries par certains indivi<strong>du</strong>s. II s'agit d'un<br />
pacte que signent une ou plusieurs personnes avec une ou<br />
198
plusieurs autres, afin de faire ou de ne pas faire telle ou telle<br />
chose, par exemple éliminer physiquement une personne. Il<br />
peut s'agir d'un être chère ou non. Que doit faire l'Eglise devant<br />
une telle situation ? En eff<strong>et</strong>, elle doit briser toute frontière la<br />
séparant des milieux où ces crimes rituels se réalisent tel<br />
l'Apôtre Paul à Rome ou à Athènes pour proclamer l'évangile de<br />
Jésus-Christ au sein de ces peuples idolâtres <strong>et</strong> féticheurs.<br />
Toutefois, c<strong>et</strong> effort est observable certes, mais c'est sa<br />
fréquence qui en fait défaut. Peut-on parler de l'éradication des<br />
crimes rituels? Oui! Cela peut être possible à la seule condition<br />
que tout le monde soit né de nouveau <strong>et</strong> respecte toutes les<br />
ordonnances ( de Dieu. Aussi, l'Eglise <strong>et</strong> la société doivent -elles,<br />
à chaque fois qu'il y ait de besoin, manifester leur solidarité ou<br />
leur compassion active à l'endroit des familles victimes de ces<br />
crimes. Ceci donnerait de très grands remords à ceux qui en<br />
sont les auteurs, de telle sorte qu'ils puissent voir eux-mêmes la<br />
désolation ou l'émoi que créent leurs actes barbares. Nous<br />
pensons qu'il s'agit là aussi de puissants moyens utilisables<br />
pour lutter contre les crimes rituels.<br />
Cependant, il est à faire observer en définitive que, ce n'est ni<br />
par la force ni par la puissance des hommes que la solution à ce<br />
problème pourrait être trouvée. Il faudrait que le Saint Esprit<br />
lui-même agisse afin de toucher les coeurs encore habités par un<br />
esprit d'incré<strong>du</strong>lité en vue de leur transformation, pour que<br />
toute la gloire <strong>et</strong> tout l'honneur reviennent à notre Seigneur<br />
Jésus-Christ.<br />
199
Les outils utilisés <strong>et</strong> utilisables parles confessions<br />
religieuses Mricaines <strong>et</strong> associations initiatiques<br />
zande bandia, dans lalutte contre les crimes rituels<br />
en Républiques Centrafricaine<br />
1. Intro<strong>du</strong>ction<br />
Jérémie MOPILI<br />
(RCA)<br />
Les crimes rituels atroces ne cessent de se pro<strong>du</strong>ire de nos<br />
jours en Afrique Centrale. C<strong>et</strong>te situation triste <strong>et</strong> douloureuse<br />
constitue un blocage dans le processus d'instauration de la<br />
concorde <strong>et</strong> d'une paix <strong>du</strong>rable dans le contexte socio - politico <br />
culturel par les Agences des Nations Unis, la Société civile, les<br />
juristes <strong>et</strong> les confessions religieuses.<br />
Au cours de ce <strong>Colloque</strong>, nous allons r<strong>et</strong>racer globalement<br />
les outils utilisés <strong>et</strong> utilisables par les confessions religieuses<br />
Centrafricaines <strong>et</strong> les associations initiatiques ZANDE<br />
BANDIA (Est de la RCA), dans la lutte contre les crimes rituels<br />
en République Centrafricaine...<br />
Il convient de noter au premier abord qu'il y a trois<br />
principales religions en République Centrafricaine: le<br />
Catholicisme, le Protestantisme <strong>et</strong> la religion musulmane<br />
(l'Islam). On note également la présence des cultes<br />
traditionnels <strong>et</strong> Associations initiatiques pratiqués en majorité<br />
par les tribus des ZANDE BANDIA vers l'Est de la RCA. Ces<br />
religions <strong>et</strong> Associations traditionnels ont des points communs<br />
<strong>et</strong> certaines divergences liées à des dogmes spécifiques. Les<br />
points communs positifs de ces religions sont les suivants:<br />
Croyance en un Dieu ou Allah (pour les musulmans) considéré<br />
comme le créateur de l'univers, omniscient, omnipotent <strong>et</strong><br />
omniprésent;<br />
L'amour<strong>du</strong> procain ;<br />
201
Considérer la Bible ou le Coran comme la parole de Dieu ou<br />
Allah;<br />
La lecture quotidienne de la Bible ou le Coran perm<strong>et</strong> de<br />
connaître la sagesse <strong>et</strong>l'instruction.<br />
Les associations initiatiques ou les cultes traditionnels de la<br />
tribu des ZANDE BANDIA prônent également l'amour <strong>du</strong><br />
prochain <strong>et</strong> la croyance à un dieu tout puissant qu'ils appellent<br />
«YANDA» ou« NGAKOLA ».<br />
Ainsi nous allons passer en revue les principaux outils<br />
utilisés <strong>et</strong> utilisables par ces confessions religieuses <strong>et</strong><br />
associations initiatiques dans la lutte contre les crimes rituels<br />
en RCA, en nous appuyant sur des exemples concr<strong>et</strong>s qui<br />
perm<strong>et</strong>tront aux participants à ce colloque de saisir la<br />
quintessence de c<strong>et</strong>te communication.<br />
2. LaBible, les prédications <strong>et</strong> les évangélisations<br />
La BIBLE est considérée par le Christianisme comme étant la<br />
parole écrite de Dieu <strong>et</strong> destinée aux hommes. La BIBLE ou le<br />
Coran font connaître les manières d'agir de Dieu envers les<br />
hommes. Elles révèlent ceux-ci, ce qui arrive lorsque les<br />
indivi<strong>du</strong>s ou des nations écoutent la parole de Dieu(ses<br />
conseils) <strong>et</strong> agissent en harmonie avec son dessein ou bien<br />
lorsqu'ils transgressent les commandements de Dieu <strong>et</strong> vivent<br />
en disharmonie entre eux <strong>et</strong> avec Dieu.<br />
De ce point de vue, la Bible constitue un outil important<br />
dans la lutte contre les crimes rituels. En eff<strong>et</strong>, celle-ci<br />
condamne le pagaIÙsme (idolâtrie), la magie (occultisme) <strong>et</strong><br />
les crimes <strong>sous</strong> toutes ses formes <strong>et</strong> prêche plutôt l'amour<br />
inconditionnel de Dieu <strong>et</strong> <strong>du</strong> prochain. (Exode 20 :13: «tu ne<br />
tueras point» des 10 commandements de Moïse) <strong>et</strong> (Jean<br />
13 :34 : « Aimez-vous les uns les autres»).<br />
202
C'est ainsi qu'en RCA, la Bible, les. prédications <strong>et</strong><br />
l'évangélisation furent les premiers outils utilisés par les<br />
premiers missionnaires <strong>et</strong> prêtres <strong>et</strong> perm<strong>et</strong>taient à un grands<br />
nombre de sorciers, idolâtres <strong>et</strong> adeptes attitrés des crimes<br />
rituels de se confesser devant un Ecclésiastique, en dénonçant<br />
tout ce qu'ils ont commis comme péchés voir même en<br />
dénombrant avec précision les hommes ou femmes qu'ils ont<br />
tués en utilisant des méthodes occultes. Après la confession, ces<br />
grands sorciers m<strong>et</strong>tent à la disposition des Prêtres tous les<br />
obj<strong>et</strong>s <strong>et</strong> matériels utilisés pour accomplir leurs forfaits. Ces<br />
obj<strong>et</strong>s sont par la suite détruits <strong>et</strong> brûlés. Notons que les<br />
prédications <strong>et</strong> l'évangélisation perm<strong>et</strong>tent aux confessions<br />
religieuses, non seulement de faire convertir les auteurs des<br />
crimes rituels, mais elles perm<strong>et</strong>tent également à ceux qui<br />
croient en Dieu d'avoir confiance en lui. Celui-ci deviendra le<br />
soutient de leur vie, <strong>et</strong> par ce fait, un rempart avéré contre les<br />
sorciers <strong>et</strong> auteurs de crimes rituels. (Psaumes 27:1-3: L'Eternel<br />
est le soutien de ma vie. De qui aurais-je peurs ?).<br />
2. Les conférences religieuses<br />
Les Conférences religieuses contribuent aussi à la lutte<br />
contre les crimes rituels dans les temps modernes. En eff<strong>et</strong>, dès<br />
que l'occasion le perm<strong>et</strong>, des conférences sont organisées par<br />
des chercheurs-théologiens en vue de sensibiliser les chrétiens <strong>et</strong><br />
les responsables religieux sur les voies <strong>et</strong> moyens d'enrayer les<br />
crimes qui sévissent dans le monde en utilisant comme outils la<br />
prière <strong>et</strong> le jeûne. Notons que les prières sont des propos<br />
emprunts de vénération que l'on adresse à voix haute ou<br />
mentalement au vrai Dieu ou à de faux dieu. Une prière pour<br />
être exaucée doit répondre à deux critères:<br />
Observer les commandements de Dieu;<br />
Pratiquer ce qui est agréable à sesyeux ( lJean 3 :22).<br />
Le Jeûne constitue, c<strong>et</strong>te méthode de prière utilisée par<br />
c<strong>et</strong>taines confessions religieuse qui consiste, pour un suj<strong>et</strong><br />
donné de prière, à se priver de nourriture <strong>et</strong> parfois de l'eau<br />
203
pendant un ou plusieurs jours afin de vaquer à la prière. On<br />
reçoit souvent la réponse à sa prière après un jeûne indivi<strong>du</strong>el<br />
ou collectif.<br />
3-Les recherches par des étudiants en théologie sur la lutte<br />
contre les crimes rituels.<br />
Vue la gravité <strong>et</strong> l'impact négatif des crimes rituels dans la<br />
vie socio-culturelle en RCA, certains étudiants de la Faculté de<br />
Théologie Evangélique de Bangui en abrégé FATEB, choisissent<br />
comme thème de mémoire tout ce qui peut enfreindre à la<br />
vulgarisation de la parole de Dieu (les crimes, les conflits<br />
politiques <strong>et</strong> <strong>et</strong>hniques, les conflits religieux <strong>et</strong>c...).<br />
4-Lesmedia<br />
Les médias (la radio, télévision..) Participent efficacement au<br />
combat contre les crimes rituels. Par exemple, il y a quelques<br />
années le Pasteur Américain BILLY GRAHAM a fait une grande<br />
croisade d'évangélisation, sur le plan mondial à la télévision, sur<br />
plusieurs thèmes dont «Les crimes <strong>et</strong>la sorcellerie).<br />
5- Les chants religieux<br />
Certains chants religieux enregistrés ou non sur CD-ROM<br />
sensibilisent mieux sur les pratiques de la sorcellerie<br />
débouchant sur des crimes rituels.<br />
6- Apport des associations initiatiques dans la lutte contre les<br />
crimes rituels<br />
Il existe en RCA, des associations initiatiques à caractère<br />
religieux, crées par les ZANDE BANDIA, une <strong>et</strong>hnie majoritaire<br />
de l'Est de la RCA. Une association de ce genre est dirigée par un<br />
Maître religieux qu'on appelle parfois «Prophète ». Ces<br />
prophètes dit-on, reçoivent initialement une vision <strong>et</strong> un don<br />
particulier (prière, guérison, voyance, <strong>et</strong>c..) à la suite d'une période<br />
204
de jeûne de plus d'un mois sur une montagne très élevé. Ils sont<br />
donc capables lors d'une veillée de prière, de dénoncer les<br />
sorciers <strong>et</strong> ceux qui comm<strong>et</strong>tent des crimes rituels dans le<br />
village. Les jours suivants une campagne spirituelle de<br />
confession est organisée au cours de laquelle les pêcheurs,<br />
sorciers <strong>et</strong> auteurs de crimes se confessent. Le Prophète <strong>et</strong> ses<br />
disciples les font convertir par des incantations <strong>et</strong> conjurations,<br />
après avoir détruit ou brûlé leurs pro<strong>du</strong>its mystiques. Chez les<br />
ZANDE BANDIA, les associations initiatiques suivantes son<br />
très réputées:<br />
7. Conclusion<br />
LeYANDA,<br />
LeSIOLO<br />
Le NZAPA ZANDE<br />
LeDALIKA<br />
En RCA les confessions religieuses <strong>et</strong> les aSSOCIatIOns<br />
initiatiques ne ménagent pas leur effort pour participer<br />
efficacement <strong>et</strong> spirituellement à la lutte contre les crimes<br />
rituels en utilisant des outils très variés selon les types de<br />
religion ou cultes traditionnels. Nous souhaiterions que c<strong>et</strong>te<br />
communication leur ouvre une porte à la recherche constante<br />
des voies <strong>et</strong> moyens qui pourront leur perm<strong>et</strong>tre de lutter<br />
efficacement contre ce fléau.<br />
205
Esquisse de solutions proposées parles confessions<br />
religieuses <strong>et</strong>les associations initiatiques dans la<br />
lutte contre les Crimes Rituels enAfrique Centrale<br />
Révérend Dr.Jean-Emile NGUE<br />
Secrétaire Général <strong>du</strong> Conseil des Eglises Protestantes <strong>du</strong> Cameroun<br />
(CEPCA) (Cameroun)<br />
1. Intro<strong>du</strong>ction<br />
Je pense que les confessions religieuses sont confrontées au<br />
dilemme de la violence dans la Bible. Après une clarification de<br />
la volonté réelle de Dieu pour pour Ses Créatures <strong>et</strong> Sa<br />
Création, nous dégagerons des pistes, des solutions utilisés <strong>et</strong><br />
utilisables par les Eglises dans la lutte contre les crimes rituels<br />
en Afrique Centrale. Par ailleurs, après une étude basée sur<br />
l'impact socio-culturel <strong>du</strong> NGE <strong>et</strong> les MBOMBOG chez les<br />
Bassa (tribu Cameroun), une réflexion sera menée pour dégager<br />
l'aspect <strong>du</strong> respect de la vie comme facteur d'Harmonie <strong>et</strong> de<br />
Paix en Afrique Centrale.<br />
2. Outils utilisés <strong>et</strong> utilisables par les confessions religieuses<br />
dans lalutte contre les crimes rituels enAfrique centrale.<br />
La religion est l'essence même de l'Etre africain. Elle a joué<br />
un rôle stabilisateur <strong>et</strong> d'harmonie dans les communautés<br />
africaines. On note, cependant, que depuis des millénaires, on<br />
trouve en Afrique certaines religions qui pratiquent les crimes<br />
rituels soit pour satisfaire la volonté d'une divinité ou pour<br />
acquérir un pouvoir mystérieux après une <strong>du</strong>re initiation. Si<br />
dans le passé ces crimes rituels étaient fondés, organisés <strong>et</strong><br />
planifiés dans la tribu Basaa (Cameroun), aujourd'hui dans un<br />
contexte de globalisation caractérisé par le matérialisme, les<br />
Africains <strong>et</strong> les Africaines cherchent tous les voies <strong>et</strong> moyens<br />
pour s'enrichir, accéder aux postes de responsabilité <strong>et</strong> exercer<br />
un pouvoir incontesté sur leurs frères, leurs sœurs <strong>et</strong> leurs<br />
enfants. A c<strong>et</strong> égard, au nom des religions des crimes rituels<br />
207
sont commis en Mrique <strong>et</strong> les victimes se comptent de plus en<br />
plus nombreuses en Afrique centrale.<br />
2.1. La notion de violence <strong>et</strong> de sacrifice dans la bible<br />
Le problème <strong>du</strong> crime rituel m<strong>et</strong> en exergue le problème de<br />
la violence. Dans l'Ancien Testament, il y a plusieurs textes qui<br />
nous donnent des sueurs froides quant au nombre des<br />
personnes qui sont tuées par des guerres, la déportation, la<br />
désobéissance à la volonté de Dieu, des conflits familiaux <strong>et</strong>c...<br />
Dans Genèse 4, Abel est tué par son frère Caïn. Dans Genèse 22,<br />
Dieu demande à Abraham de lui sacrifier son fils unique.<br />
Heureusement qu'il finit Lui-même par pourvoir un bélier pour<br />
épargner Isaac. Ce texte nous montre clairement que Dieu est<br />
contre la pratique des sacrifices humains dans les rites qui sont<br />
destinés à son adoration.<br />
Dans ce sens, le sacrifice de Jésus sur la croix pose des<br />
problèmes d'ordre herméneutique. Le sacrifice de Jésus-Christ<br />
sur la croix est l'exemple suprême d'un sacrifice humain<br />
accompli pour le salut de l'humanité. Nous ne pouvons pas<br />
étaler toutes les hypothèses avancées par les théologiens<br />
orthodoxes <strong>et</strong> les théologiens hérétiques face à ce sacrifice. Nous<br />
notons tout de même qu'il y a eu certaines interprétations sur le<br />
sacrifice de Jésus:<br />
a) Certains théologiens pensent que Dieu ne peut pas<br />
mourir; ce n'est donc pas Jésus qui est mort sur la croix<br />
mais c'est son sosie.<br />
b) Pour d'autres, Jésus avait été enlevé de la croix par ses<br />
disciples avant sa mort.<br />
c) Un autre courant parle de l'évanouissement de Jésus sur<br />
la croix.<br />
d) La position orthodoxe affirme bel <strong>et</strong> bien que le fils de<br />
Dieu est mort sur la croix.<br />
208
Dans son article intitulé Jésus est-il mort?Jean Rufffait les<br />
observations suivantes: «le sacrifice de Christ comme rançon<br />
n'est pas possible. Etant donné que la rançon est le prix payé<br />
pour délivrer un prisonnier, Dieu ne pouvait pas payer la<br />
rançon au Diable comme on le croyait au Moyen-Age ».<br />
Pour lui, le sacrifice de Christ comme expiation pour apaiser<br />
la colère de Dieu ne le satisfait non plus. Il apprécie plutôt<br />
l'idée <strong>du</strong> sacrifice de Christ comme propitiation, parce qu'ici<br />
c'est faire sacrifice pour rendre un culte à Dieu.<br />
La question demeure: Fallait-il un sacrifice sanglant pour le<br />
salut de l'humanité? Ruff déclare queJésus ne s'est pas sacrifié<br />
pour nos péchés mais à cause <strong>du</strong> mal qui est dans le monde. A<br />
notre avis, le sacrifice de Jésus englobe les deux aspects. Ceci est<br />
clair dans le texte de Matthieu 26: 2 « ...Car ceci est mon sang,<br />
le sang de l'alliance, qui est répan<strong>du</strong> pour beaucoup, pour le<br />
pardon des péchés».<br />
Un jour, lors d'un entr<strong>et</strong>ien avec un prisonnier, il m'a posé la<br />
question suivante: Monsieur le Pastel1r, pensez-vous que les<br />
soldats romains pouvaient arrêter Jésus <strong>et</strong> le tuer si ses<br />
disciples étaient tous armés? Le problème de la violence dans la<br />
Bible nous fait comprendre d'une manière générale l'humanité<br />
des héros de Dieu, la faiblesse d'une communauté <strong>et</strong> les<br />
exigences d'un Dieu d'Amour <strong>et</strong> Jaloux envers sa créature. Le<br />
Nouveau Testament est une réponse valable à la violence de<br />
l'Ancien Testament par le sacrifice suprême de Jésus-Christ. Ce<br />
sacrifice nous montre clairement que Dieu a changé de<br />
politique <strong>et</strong> que désormais à travers Jésus-Christ, tout est<br />
accompli. Aucun autre sacrifice n'est nécessaire pour rendre la<br />
vie de la personne humaine vivable sur le plan psychologique,<br />
moral, économique <strong>et</strong> spirituel. Par le sacrifice deJésus-Christ le<br />
fragmenté devient entier, le déprimé est consolé, le malade est<br />
guéri <strong>et</strong> même le criminel est pardonné. Dans le sacrifice de<br />
Jésus, il est à la fois celui qui s'offre <strong>et</strong> le sacrifié. Par ailleurs,<br />
l'épître aux Hébreux compare l'Ancienne Alliance, ou le<br />
souverain sacrificateur devait régulièrement offrir des sacrifices<br />
209
pour ses péchés <strong>et</strong> ceux <strong>du</strong> peuple, à la Nouvelle Alliance, ou le<br />
sacrifice deJésus réalise ce don <strong>du</strong> ciel une fois pour toutes.<br />
Jésus s'est donc volontairement offert comme sacrifice pour<br />
sauver l'Humanité entière.<br />
En conclusion, aucune religion ne peut prétendre offrir au<br />
nom de Dieu un sacrifice humain pour apporter un bonheur,<br />
une prospérité indivi<strong>du</strong>elle ou communautaire. Les crimes<br />
rituels sont donc condamnés par les Eglises Protestantes issues<br />
de la Réforme <strong>du</strong> XVIe siècle.<br />
2.2. Solutions proposées par les églises contre les crimes rituels.<br />
D'une manière générale, la stratégie de prévention des<br />
crimes rituels <strong>et</strong> des conflits employée par l'Eglise se fonde sur<br />
Ephésiens 6; 10-19."; l'utilisation des armes spirituelles <strong>du</strong><br />
Chrétien.<br />
Organisation des enseignements <strong>et</strong> études bibliques en<br />
vue d'encourager les fidèles à connaître la Parole de<br />
Dieu qui est la vérité <strong>et</strong> qui seule peut les m<strong>et</strong>tre à l'abri<br />
de faux prédicateurs;<br />
Les Confessions religieuses peuvent organiser des<br />
campagnes d'évangélisation, des croisades <strong>et</strong> des<br />
conventions pour véhiculer la volonté de Dieu sur les<br />
crimes rituels;<br />
Des séances de délivrance doivent être organisées pour<br />
aider ceux qui ont été des adeptes de ces cercles d'en<br />
sortir. Pour ces cas, on doit procéder à la cure d'âme<br />
sérieuse;<br />
Diffusion des Bandes dessinées <strong>et</strong> supports audio<br />
visuels pour montrer aux enfants d'éviter la violence <strong>et</strong><br />
les m<strong>et</strong>tre en garde contre les tactiques des perp<strong>et</strong>reurs<br />
des crimes rituels;<br />
210
Utiliser les nouvelles technologies de l'information <strong>et</strong><br />
de la communication pour sensibiliser les populations<br />
contre les crimes rituels: vidéo, Intern<strong>et</strong>,<br />
documentaire... ;<br />
Organisation des causeries-débats avec les associations des<br />
jeunes, des femmes <strong>et</strong> des hommes des Eglises sur la<br />
sensibilisation dans la lutte contre les crimes rituels avec des<br />
textes bibliques de référence; exemple: le meurtre d'Abel par<br />
Caïn. Exploitation des textes qui condamnent le versement de<br />
sang dans la Bible. Il faut remarquer que l'Ancien Testament a<br />
sa base culturelle en Afrique si nous nous référons au cas de<br />
l'Egypte où le roi avait le droit de vie ou de mort sur sa<br />
population. Aujourd'hui nous sommes au temps de la grâce <strong>et</strong><br />
nous devons être sensibles au cri de l'autre.<br />
Toutes les Eglises doivent avoir des cellules de<br />
communication, des radios FM où sont diffusés les messages<br />
poignants pour atteindre les cibles.<br />
Le suivi spirituel des âmes pour instruire <strong>et</strong> encourager les<br />
chrétiens dans la foi <strong>et</strong> la vérité qui est la Parole de Dieu:<br />
des exercices d'affermissement spirituel leur perm<strong>et</strong>tant<br />
d'éviter le piège <strong>et</strong> les attraits des discours humanistes <strong>et</strong><br />
sé<strong>du</strong>cteurs des fausses religions.<br />
Diffusion des affichages <strong>et</strong> publicité contre les crimes<br />
rituels dans les lieux <strong>et</strong> les médias publics <strong>et</strong> privés.<br />
Réintro<strong>du</strong>ire dans le programme scolaire de l'école primaire<br />
la morale.<br />
Former les p<strong>et</strong>its groupes avec objectifs preCIS pour<br />
atteindre l'Afrique profonde (villages) dans la lutte contre<br />
les crimes rituels.<br />
Les responsables religieux doivent ecnre des l<strong>et</strong>tres<br />
pastorales pour montrer clairement la position de l'Eglise<br />
face au fléau des crimes rituels.<br />
211
Toutes les communautés de foi (musulman, catholique,<br />
protestant) doivent renforcer le dialogue inter-religieux<br />
dans la lutte contre les crimes rituels.<br />
Le mot religion vient <strong>du</strong> verbe relier. Chaque religion a<br />
quatre aspects: la révélation, l'écriture, la tradition, le rituel. Le<br />
but de la religion est d'apporter la paix, la guérison, le salut<br />
personnel <strong>et</strong> collectif. La religion est là pour m<strong>et</strong>tre de l'ordre<br />
dans le monde <strong>et</strong> si nous embrassons c<strong>et</strong>te vision, nous pouvons<br />
apporter la paix dans le monde. L'amour <strong>et</strong> la justice sont les<br />
valeurs universelles qu'on trouve dans toutes les religions.<br />
Toutes les religions peuvent organiser ensemble des rituels<br />
pour la paix pour lutter contre les crimes rituels. Ces rituels<br />
seront basés sur la prière, le partage <strong>et</strong> la méditation des<br />
livres sacrés, les sacrements, les rituels africains sur le<br />
pardon <strong>et</strong> la réconciliation.<br />
3. L'impact socioculturel <strong>du</strong> nge <strong>et</strong> de mbombog chez les basaa<br />
(Cameroun)<br />
3.1. Le peuple basaa<br />
* Origine<br />
Selon Eugène Wonyu «le Noir Basaa <strong>du</strong> Cameroun vient de<br />
l'Egypte, c'est le descendant rebelle d'un fils d'Israël, Melek qui<br />
refusa d'être con<strong>du</strong>it par Moïse au moment de la sortie<br />
d'Egypte, parce qu'il était très lié à la culture égyptienne, <strong>et</strong><br />
lequel craignait les représailles, après le cataclysme de la mer<br />
Rouge, s'enfuit avec son p<strong>et</strong>it monde, <strong>et</strong> remontant le cours <strong>du</strong><br />
Nil, traversa l'Afrique par les grands lacs <strong>et</strong> se trouve finalement<br />
dans ce qu'on appela au Moyen âge l'empire <strong>du</strong> Bomu<br />
Kanem })44. Après l'Egypte, les Basaa se sont installés dans la<br />
Grotte de Ngog Lituba. Ngog Lituba est considéré pour le<br />
44 E. Wonyu «l'Histoire des Basaa <strong>du</strong> Cameroun de l'Egypte des Pharaons à<br />
nos jours p. 11.<br />
212
peuple Basaa comme un lieu mystérieux doté d'un pouvoir<br />
mystique. Selon le Révérend Mesack Pock, pendant la guerre, il<br />
suffisait d'y pénétrer après avoir invoqué les ancêtres, l'on<br />
ressortait blindé, aucune balle, aucune mach<strong>et</strong>te ne pouvait<br />
avoir raison de vous, c'est pourquoi les guerres étaient toujours<br />
remportées.<br />
Ce rocher percé était notre indicateur <strong>du</strong> temps, à c<strong>et</strong> eff<strong>et</strong>, il<br />
ém<strong>et</strong>tait des bruits à savoir: des sons des tam-tams, des<br />
tambours, des chants des femmes, des coqs. Ces bruits avaient<br />
lieu quand un événement malheureux devait se pro<strong>du</strong>ire, la<br />
mort d'un dignitaire par exemple.<br />
Parfois au somm<strong>et</strong> de ce rocher, on trouvait des arachides<br />
séchées, des poissons cuits attachés dans les paqu<strong>et</strong>s, ces signes<br />
annonçaient la bonne récolte.<br />
Le caractère sacré de Ngog Lituba exigeait qu'on passe par<br />
un rite avant d'être autorisé d'y entrer. Tous ceux qui ont osé<br />
braver les interdits se sont vus foudroyés, c'est ainsi que certains<br />
étrangers (missionnaires blancs) voulant pénétrer à tout prix le<br />
mystère, y ont trouvé la mort.<br />
Le Père Pernot en 1936 tua un python qui était sorti <strong>du</strong><br />
rocher avec son fusil, le python se coupa en deux, ce qui<br />
entraîna la mort de ce dernier, le jour de son enterrement, il se<br />
métamorphosa en abeille.<br />
. Ngog Lituba demeure aujourd'hui un lieu de pèlerinage<br />
pour le peuple Basaa <strong>et</strong> les chrétiens de l'Eglise Catholique.<br />
* Explication <strong>du</strong> nom B:i.saa<br />
Selon Eugène Wonyu, c'est le mauvais partage d'un serpent<br />
entre les frères qni aurait donné au mot Basaa dont le singulier<br />
est «nsa ». Ecrit de c<strong>et</strong>te façon, le mot désigne le ravisseur,<br />
l'accapareur.<br />
D'Une manière générale, au Cameroun on considère<br />
l'homme Basaa comme une personne courageuse, nationaliste,<br />
rebelle. C'est ce peuple qui a lutté pour l'indépendance <strong>du</strong><br />
Camenmn.<br />
213
3.2. Le contexte religieux<br />
3.2.1. Le Ngé: la divinité suprême<br />
Le Basaa croit à un Dieu Suprême qu'on appelle Hilôlômbi.<br />
Hilôlômbi est assisté par les divinités, les ancêtres qui sont des<br />
esprits des parents morts. Notons cependant que ce sont<br />
seulement ceux qui sont morts après avoir mené une vie<br />
honnête qui deviennent ancêtres. Des esprits des méchants<br />
errent <strong>et</strong> nuisent à la communauté. Au niveau des divinités, la<br />
divinité suprême est le Ngé. Le ngé divinité, est une force qui<br />
rend certains oracles, fait respecter l'ordre <strong>et</strong> le respect mutuel<br />
dans le village. « Le Ngé est une divinité dont la vraie nature n'a<br />
été révélée qu'aux vieux Basaa »45.<br />
Nous nous inspirons de l'étude de Mesack Pock pour vous<br />
donner les différents attributs de Ngé:<br />
Ngé comme fétiche - Ngé comme génie - Ngé comme force <br />
Ngé comme divinité - Ngé comme société - Ngé comme ancêtre <br />
Ngé comme initiation. Tous ceux qui sont initiés au Ngé<br />
forment une confrérie <strong>et</strong> l'initié s'appelle Ngéngé.<br />
3.2.2. Les étapes de l'initiation de Ngé<br />
1) L'acceptation de suivre l'initiation: Ici, on consulte le<br />
ngambi «l'araignée»' qui révèle si les intentions <strong>du</strong><br />
postulant sont pures pour suivre l'initiation. Après c<strong>et</strong>te<br />
étape, le postulant doit se préparer pour le sacre après une<br />
longue période d'observation.<br />
2) Le sacre: Dans une première phase, le postulant doit subir<br />
des épreuves dans la forêt. s'il ne réussit pas à ces épreuves,<br />
il est ligoté <strong>et</strong> tué sur-le-champ. Si le postulant brave ces<br />
épreuves, il doit offrir les sacrifices.<br />
4S F. Amato, cit. par Mesack Pock dans Impact socio-culturel <strong>du</strong> Ngé chez<br />
les Basaa face à l'éthique chrétienne. Thèse de doctorat en théologie<br />
novembre 2001.<br />
214
3) Sacrifice: li s'agit de sacrifices d'animaux domestiques <strong>et</strong><br />
d'un sacrifice humain, celui d'un membre cher de la famille.<br />
Dans la plupart des cas, c'est la mère qui était sacrifiée. Si<br />
c<strong>et</strong>te dernière est morte, on devrait sacrifier l'épouse la plus<br />
aimée. Le neuvième jour des festivités, son sang, son cerveau<br />
<strong>et</strong> certaines parties de son corps, mélangés à ceux des<br />
différents animaux immolés entraient dans la préparation<br />
<strong>du</strong> Nsô <strong>et</strong> Sôya (poison <strong>et</strong> antidote) ainsi des diverses<br />
poudres médicinales dont se servaient le ngéngé pour traiter<br />
les malades. Ce breuvage sera le premier remède que le<br />
Ngéngé donne à tout malade qui viendra vers lui pour se<br />
faire soigner <strong>du</strong> poison. Mesack Pock fait remarquer que le<br />
sacrifice de la mère, une innocente était la preuve que les<br />
condamnations que Ngéngé aurait à prononcer relèvent de<br />
l'intérêt commun <strong>et</strong> supérieur de la société tout entière.<br />
Pour l'Abbé Nyom, pour faire partie <strong>du</strong> groupe Ngé, on<br />
devait naguère tuer une ou deux personnes de sa propre<br />
famille, déterrer les cadavres 46 • Après l'initiation, le Ngéngé<br />
devenait un savant par sa formation qui <strong>du</strong>rait plusieurs<br />
années (formation médecine traditionnelle, sorcellerie,<br />
pharmacopée, sociologie de son milieu <strong>et</strong>c).<br />
En résumé, nous sommes d'accord avec Mesack Pock que le<br />
Basaa ne pose pas l'acte sacrificiel gratuitement, il ne le fait que<br />
pour rétablir la santé, la paix, obtenir le pouvoir <strong>et</strong> améliorer les<br />
liens entre les vivants <strong>et</strong> les morts. Et nous dirons comme J.<br />
Mbiti : « li convient de maintenir un équilibre entre les hommes<br />
<strong>et</strong> Dieu entre les esprits <strong>et</strong> l'homme, entre les défunts <strong>et</strong> les<br />
vivants. Lorsque c<strong>et</strong> équilibre est rompu, les gens sont victimes<br />
des malheurs <strong>et</strong> des souffrances ou craignent d'y succomber. La<br />
célébration <strong>du</strong> sacrifice <strong>et</strong> d'offrande est un moyen<br />
psychologique destiné à redresser c<strong>et</strong> équilibre, il faut voir en<br />
cela une occasion d'établir <strong>et</strong> de renouer le contrat entre Dieu <strong>et</strong><br />
l'homme, entre les esprits <strong>et</strong> l'homme, c'est-à-dire, entre le<br />
monde spirituel <strong>et</strong> le monde physique ".47<br />
46 B. Nyom : La Tribu des Bakoko, Librairie coloniale <strong>et</strong> orientale, 1929, p.<br />
12.<br />
47 J. Mbitti, African Religions and Philsophy op. cit. p. 70.<br />
215
3.3. Les Babombog<br />
Le terme mbombog est composé de deux mots: mbom qui<br />
signifie le front, <strong>et</strong> mbog qui signifie l'univers. Le Mbombog est<br />
considéré comme le prêtre traditionnel au peuple Basaa. Dans la<br />
communauté, il joue le rôle de juge <strong>et</strong> celui qui maintient<br />
l'harmonie dans la communauté. Il est le lien entre le monde<br />
visible <strong>et</strong> le monde invisible. Le Mbombog est un meneur<br />
d'hommes <strong>et</strong> un rassembleur. Le Mbombog qui subit une<br />
initiation est choisi par son clan pour devenir mbombog. D'une<br />
manière générale, la succession se fait dans la lignée familiale.<br />
De ce fait, il est en harmonie avec sa communauté. Le Mbombog<br />
doit respecter scrupuleusement les lois <strong>et</strong> règlements <strong>du</strong> mbog. Il<br />
est le garant de l'harmonie <strong>et</strong> de la paix sociale dans sa<br />
communauté <strong>et</strong> auprès des autorités administratives. Le<br />
Mbombog a le pouvoir de bénir ou de maudire, il est l'é<strong>du</strong>cateur<br />
attitré de sa population. Le Mbombog dirige les cérémonies<br />
funèbres de sa localité.<br />
Un Mbombog est donc un homme de qualité. Lors de leur<br />
dernier Congrès de Juin 2005 à Mandjack, localité Basaa les<br />
Mbombog se sont définis eux-mêmes ainsi:<br />
Le Mbombog ne tue pas. Il ne déterre pas les personnes; il ne<br />
doit pas avoir peur de dire la vérité; il ne doit pas voler; il ne<br />
doit pas mentir; il ne doit pas être soûlard '" C'est un sage. Son<br />
autorité n'est pas une tyrannie. Surtout, on doit r<strong>et</strong>enir que c'est<br />
un homme de parole. Pour résumer le Mbombog est le prêtre<br />
traditionnel dans la religion des Basaa. Il joue aussi le rôle de<br />
juge. Les Babombog sont constitués en Conseil. Le Ngengé siège<br />
au conseil des Bambobog.<br />
4. Analyse de la situation traditionnelle des sociétés<br />
initiatiques <strong>du</strong> Ngé <strong>et</strong> des Babombog par rapport aux crimes<br />
rituels<br />
Il faut noter que dans la société initiatique des Ngé, le<br />
sacrifice humain est demandé à ceux qui veulent atteindre le<br />
216
stade final de la sagesse <strong>et</strong> de la maîtrise <strong>du</strong> cosmos. Par ailleurs,<br />
on comptait les ngengé au bout des doigts. lis n'étaient pas<br />
nombreux. Néanmoins, s'il est vrai que la vénération de Ngé<br />
confère à la société Basaa, une vision <strong>du</strong> monde qui pro<strong>du</strong>it<br />
l'harmonie, la protection contre les sorciers, la guérison des<br />
maladies surnaturelles, il reste inconcevable d'accepter le<br />
sacrifice humain <strong>et</strong> la manipulation des ossements humains<br />
pour maintenir la paix dans la société Basaa. Par ailleurs, la<br />
peur de Ngé crée une psychose qui empêche la personne Basaa<br />
de se développer <strong>et</strong> de s'exprimer librement.<br />
La société initiatique des Babombog est un idéal pour le<br />
peuple Basaa. Il est interdit au Mbombog de tuer un personne. Il<br />
prête serment de ne pas assister à un complot con<strong>du</strong>isant à la<br />
mort d'une personne.<br />
Les solutions que nous proposons pour les sociétés<br />
initiatiques dans la lutte contre les crimes rituels en Afrique<br />
centrale sont les suivantes:<br />
la justice doit être faite; elle consiste à rétablir l'harmonie<br />
qui a été détruite au sein de la famille, de la communauté<br />
sur le plan local <strong>et</strong> sur le plan national.<br />
C<strong>et</strong>te justice doit être à la fois rétributive <strong>et</strong> restauratrice. La<br />
première consiste à la revanche <strong>et</strong> à la sanction. La seconde<br />
est axée par la validation <strong>du</strong> crime perpétré <strong>et</strong> à encourager<br />
le criminel à prendre sa responsabilité par rapport à l'acte<br />
commis. Ce dernier doit s'expliquer sur les causes qui ont<br />
motivé son crime.<br />
Les crimes rituels créent l'insécurité, il faut restaurer la<br />
sécurité en Afrique centrale. Pour cela nous devons r<strong>et</strong>enir<br />
que le paradoxe de la sécurité repose sur le fait que ma<br />
sécurité est assurée quand je cherche à promouvoir la<br />
sécurité de mon voisin <strong>et</strong> celle de mon ennemie.<br />
li faut reconnaître que la confusion d'identité culturelle<br />
que vit l'Afrique nous a fait perdre les valeurs africaines <strong>du</strong><br />
217
espect de la vie. Il nous faut m<strong>et</strong>tre en place un système<br />
é<strong>du</strong>catif qui nous perm<strong>et</strong>tra d'assumer notre identité<br />
africaine, notre culture, <strong>et</strong> les valeurs de nos religions qui<br />
sont menacées par des dérapages inquiétants.<br />
Une relecture de nos traditions <strong>et</strong> rites est nécessaire<br />
aujourd'hui dans le sens de la valorisation de la vie, de<br />
l'inclusion des enfants <strong>et</strong> des femmes comme personne<br />
humaine à ne pas discriminer.<br />
Tout rite initiatique doit substituer le sacrifice humain à<br />
une autre forme de sacrifice.<br />
Etant donné que la recherche effrénée <strong>du</strong> gain a corrompu<br />
les prêtres traditionnels (les Mbambobog), il faut insister sur<br />
la succession de lignage familial <strong>et</strong> abolir l'achat des titres<br />
traditionnels moyennant des sommes d'argent. C<strong>et</strong> à ce titre<br />
que les garants de la tradition Africaine pourront r<strong>et</strong>rouver<br />
leur dignité <strong>et</strong> jouer pleinement leur rôle de promoteur de<br />
l'harmonie <strong>et</strong> de la paix en Afrique Centrale.<br />
Nous devons établir les stratégies (court terme <strong>et</strong> long<br />
terme) pour changer le comportement, les attitudes <strong>et</strong> la<br />
vision des dépositaires de la tradition africaine qui<br />
pratiquent les crimes rituels dans la vie de la société<br />
africaine.<br />
Nous devons é<strong>du</strong>quer les adeptes <strong>du</strong> Ngé de la société<br />
traditionnelle Basaa à comprendre l'impact <strong>du</strong> traumatisme<br />
causé dans la vie des familles <strong>et</strong> communautés victimes des<br />
crimes rituels.<br />
S'il est vrai qu'il faut exalter la permanence de la solidarité<br />
africaine par la religion traditionnelle, il faut épurer c<strong>et</strong>te<br />
religion de tout ce qui dévalorise l'Etre crée par Hilômlôbi<br />
(Dieu Suprême).<br />
Nous devons briser le mythe <strong>du</strong> secr<strong>et</strong> coupable <strong>du</strong> tabou <strong>et</strong><br />
de la peur en ce qui concerne la gestion de nos<br />
communautés traditionnelles par les adeptes de Ngé <strong>et</strong> les<br />
Babombog.<br />
218
Nous devons éviter l'instrumentalisation de la religion<br />
traditionnelle africaine par les politiciens.<br />
5. Conclusion<br />
Il faut reconnaître que la dégradation des conditions de vie a<br />
favorisé la recrudescence des crimes rituels er des conflits en<br />
Afrique. Qu'à cela ne tienne, dans le contexte de la<br />
globalisation, il nous faut notre religion africaine pour survivre.<br />
Ses vertus de solidarité, d'hospitalité, de vie communautaire<br />
sont des atouts indéniables pour nous perm<strong>et</strong>tre de rester<br />
debout. Il serait aberrant que nous utilisions c<strong>et</strong>te religion<br />
africaine au service de la globalisation ou de la culture de<br />
consommation qui nous pousse à éliminer nos enfants, nos<br />
sœurs <strong>et</strong> nos frères pour devenir riche ou accéder à un poste, à<br />
un rang social élevé.<br />
Les Eglises pourraient identifier <strong>et</strong> répertorier, avec l'aide des<br />
autorités administratives les sociétés initiatiques qui pratiquent<br />
les crimes rituels. Ceci nécessite que le silence soit brisé à tous<br />
les niveaux. Malheureusement, dans c<strong>et</strong>te approche, les leaders<br />
religieux peuvent être inquiétés. L'Eglise n'a pas de moyen de<br />
protection, c'est vrai, mais il est vital que là où règnent les<br />
crimes rituels <strong>et</strong> les conflits, les Etats de ces pays doivent<br />
adm<strong>et</strong>tre que les Confessions Religieuses œuvrent pour la paix.<br />
A c<strong>et</strong> égard, elles doivent s'exprimer sans être inquiétées.<br />
219
Les deviations <strong>du</strong> sacrifice humain dans les soci<strong>et</strong>es<br />
gabonaises<br />
Organisation des Chercheurs <strong>et</strong> Tradi-praticiens <strong>du</strong> Gabon<br />
(O.c. T. G.)<br />
Depuis la nuit des temps, la médecine traditionnelle, dans le<br />
monde en général, <strong>et</strong> singulièrement au Gabon, utilise un<br />
éventail de moyens pour lutter contre les crimes rituels. Certes,<br />
nos aïeux, précurseurs de c<strong>et</strong>te médecine par les plantes, avaient<br />
recours à des sacrifices avec pour connotation la prospérité<br />
dans une famille, la fécondité dans une maison <strong>et</strong>c...<br />
En guise de témoignage, chez les fang <strong>du</strong> nord <strong>du</strong> pays, le<br />
bien possédait <strong>et</strong> possède encore c<strong>et</strong>te signification profonde de<br />
prospérité, de fécondité, <strong>et</strong> de bien-être. Un notable <strong>du</strong> village, à<br />
sa mort, délègue sa relique (son crâne) qui servira plus tard à la<br />
postérité. En cas de mauvaises récoltes par exemple, ou en cas de<br />
sécheresse, ou de stérilité chez les femmes <strong>du</strong> village, les' sages se<br />
réunissaient autour de c<strong>et</strong>te relique pour exposer leurs<br />
difficultés à faire face à ces calamités.<br />
Durant son sommeil, un des leurs recevait la réponse <strong>et</strong> la<br />
divulguait le lendemain aux autres membres de la secte. Il<br />
s'avérait alors qu'il fallut recourir à un sacrifice rituel: tuer un<br />
bouc ou une grasse antilope, <strong>et</strong> lorsque la calamité est grave<br />
selon le bieri, sacrifier plusieurs bêtes pour le bien de la<br />
communauté.<br />
Jamais, au grand jamais, personne n'était autorisé à recourir<br />
au sacrifice humain. Au jour d'aujourd'hui, non seulement au<br />
Gabon, mais dans le monde entier, depuis l'avènement de<br />
certaines sectes auxquelles adhèrent aveuglement certaines<br />
catégories de personnes à la recherche de biens matériels <strong>et</strong><br />
d'honneurs, les crimes rituels deviennent pléthoriques.<br />
D'où les nombreuses déviations actuelles. On a recours au<br />
Kong ou à des envoûtements très profonds. C'est ainsi que la<br />
personne envoûtée devient l'esclave de celui qui l'a envoûtée. Ce<br />
221
dernier devient ainsi son maître, jusqu'à sa mort imminente ou<br />
programmée. Chaque année, c<strong>et</strong> indivi<strong>du</strong>, maître <strong>du</strong> Kong<br />
sacrifie selon son contrat, deux ou trois personnes. Il fait partie<br />
d'un cercle, qui pratique une espèce de tomine. Ce qui renforce<br />
ses pouvoirs financiers <strong>et</strong> son rang social.<br />
D'autres ont recours aux charlatans qui leur demandent de<br />
tuer des personnes, même si celles-ci ne font pas partie de leur<br />
famille afin de prélever des parties choisies qui serviront à des<br />
fins fétichistes.<br />
Ce genre de pratiques est toujours dénoncé par<br />
l'Organisation des Chercheurs <strong>et</strong> Tradipraticiens <strong>du</strong> Gabon qui<br />
combat le charlatanisme <strong>et</strong> les vendeurs d'illusions dans notre<br />
pays.<br />
Un éventail de pratiques existe encore qui <strong>sous</strong>-tendent le<br />
crime. Les actes sexuels avec des jeunes filles sUIvies<br />
d'incantations maléfiques <strong>et</strong> la remise d'importantes sommes<br />
d'argent à celles-ci pour s'ach<strong>et</strong>er leurs cercueils finalement.<br />
Tout ceci démontre à suffisance les déviations <strong>du</strong> sacrifice<br />
humain dans les sociétés gabonaises. Nous constatons, dans<br />
notre pays une espèce d'instauration de l'impunité. Il semble<br />
que tous ces crimes organisés soient l'apanage de personnalités<br />
bien distinctes. Nous n'avons pas eu beaucoup de temps pour<br />
parfaire notre démonstration, mais nous tenons à remercier<br />
l'UNESCO d'avoir initié ce genre de rencontre.<br />
222
Déclaration <strong>du</strong> Collectifdes Familles d'Enfants<br />
Assassinés, Mutilés <strong>et</strong> Disparus<br />
Invité au présent colloque, organisé par l'UNESCO, en<br />
coopération avec le CENAREST, <strong>et</strong> les Agences <strong>du</strong> système des<br />
Nations Unies au Gabon, je me perm<strong>et</strong>s, au nom <strong>du</strong> collectif, de<br />
livrer un témoignage vivant sur les crimes rituels qui ont<br />
endeuillé nos familles respectives.<br />
Mesdames <strong>et</strong> Messieurs,<br />
Loin des beaux discours des palais, <strong>et</strong> des amphithéâtres des<br />
universités, <strong>et</strong> très loin encore des conversations des salons <strong>et</strong><br />
des bistrots, l'infanticide existe bel <strong>et</strong> bien dans notre société, le<br />
fétichisme gagne le terrain chez nous.<br />
Je voudrai donc vous inviter à m'accorder votre attention<br />
dans les minutes qui suivent afin que notre témoignage qui<br />
découle d'une expérience très douloureuse ne puisse faire<br />
l'obj<strong>et</strong>; d'une interprétation inconséquente.<br />
Je suis Inspecteur de l'E<strong>du</strong>cation Nationale, Formateur à<br />
l'Ecole Normale d'instituteurs d'Owendo. Mon épouse est<br />
enseignante à l'Université des Sciences de la Santé à Owendo.<br />
Nous sommes des chrétiens. Le couple de Monsieur Garba, un<br />
foyer stable, des croyants musulmans, modestes <strong>et</strong> Hommes<br />
d'affaires (commerçants). Nos deux familles à l'origine, étaient<br />
des havres de paix. Nous avions eu des enfants saints de corps <strong>et</strong><br />
d'esprit. L'harmonie dans laquelle vivaient nos familles sera<br />
rompue un matin <strong>du</strong> jeudi 3 mars 2005 à 8h30, jour où nos<br />
enfants Edou EBANG Eue <strong>et</strong> IBRAHIM Aboubakar tous âgés de<br />
12 ans inscrits au CM2 D à l'Ecole pilote <strong>du</strong> centre de Libreville<br />
seront r<strong>et</strong>rouvés morts, mutilés, leurs corps vidés de leur sang<br />
non loin de l'hôtel où nous nous trouvons en ce moment<br />
En eff<strong>et</strong>, résident au quartier Alibandeng, je déposais mes<br />
enfants tous les matins dans leurs établissements respectifs. Ce<br />
223
Constatant le mutisme de la Justice, nous avons organisé<br />
une marche pacifique très suivie <strong>et</strong> soutenue par ces<br />
communautés bien que boycottée par les médias d'Etat. Nous<br />
avons officiellement saisi: le Vice Premier Ministre chargé des<br />
droits de l'Homme; les Ministres de l'E<strong>du</strong>cation Nationale, de<br />
laJustice, de la Famille, de la Défense, de la Sécurité Publique <strong>et</strong><br />
de l'Intérieur; les hautes autorités de ce pays le Procureur de la<br />
République, le Maire de Libreville, la Présidente de la Cour<br />
constitutionnelle <strong>et</strong> les Organismes Internationaux à savoir :<br />
l'UNICEF, l'UNESCO, le PNUD, la Banque mondiale, les<br />
Ambassades de France, des Etats Unies d'Amérique <strong>et</strong> <strong>du</strong><br />
Canada.<br />
Malgré c<strong>et</strong>te pression, <strong>et</strong> les indices fournis aux enquêteurs,<br />
les commanditaires <strong>et</strong> leurs complices sont en liberté. La liste<br />
des crimes s'allonge <strong>et</strong> l'âgé des enfants varie, entre 5 à 25 ans<br />
selon les médias de la place. Notre constat: les jeunes innocents<br />
<strong>et</strong> impuissants sont sacrifiés.<br />
Les résultats de toutes ces actions sont des audiences qu'on<br />
nous a accordées aux Ministères de l'E<strong>du</strong>cation Nationale, de la<br />
Défense, à l'UNICEF, <strong>et</strong> à l'Ambassade des Etats Unis <strong>et</strong>,<br />
aujourd'hui, l'organisation <strong>du</strong> présent colloque; si je puis me<br />
perm<strong>et</strong>tre.<br />
225
Propositions <strong>du</strong> Collectifdes Familles d'Enfants<br />
Assassinés Mutilés <strong>et</strong> Disparus <strong>du</strong> Gabon.<br />
Après avoir suivi avec beaucoup d'intérêt les brillantes<br />
interventions des participants au colloque <strong>sous</strong> <strong>régional</strong> sur les<br />
«<strong>Causes</strong> <strong>et</strong> moyens de prévention des crimes rituels <strong>et</strong> des<br />
conflits en Afrique Centrale» nous, membres <strong>du</strong> Collectif des<br />
familles d'enfants assassinés, proposons concrètement ce qui<br />
suit:<br />
1- Renforcer dans la législation gabonaise actuelle, la<br />
reconnaissance de tous ceux qui ont le pouvoir de vision par<br />
un listing officiel <strong>et</strong> significatif. Exemple: le travail de<br />
Monsieur NGUEMA ESSONO, ancien Procureur de la<br />
République en poste à Oyem de 1998 à 2003.<br />
2- Mener les campagnes de mobilisation <strong>et</strong> de sensibilisation<br />
sur «la lutte contre les crimes rituels » comme d'autres<br />
grands fléaux tels que le VIH/SIDA, le paludisme, <strong>et</strong>c..., sur<br />
toute l'éten<strong>du</strong>e <strong>du</strong> territoire national.<br />
3- Lutter contre l'impunité de tous les citoyens coupables de<br />
tels actes quel que soit le rang social de l'indivi<strong>du</strong> (nul n'est<br />
au-dessus de la loi).<br />
4- Mener une lutte accrue contre la promotion des cercles<br />
ésotériques implantés dans nos grandes villes, comme<br />
pendant la période d'inquisition en Occident.<br />
S- Soutenir l'action des ONG engagées dans la lutte contre<br />
l'infanticide.<br />
6- R<strong>et</strong>enir unejournée nationale consacrée à lamémoire des<br />
enfants assassinés, mutilés <strong>et</strong> disparus <strong>du</strong> Gabon. Exemples<br />
: le 1er mercredi <strong>du</strong> mois de mars de chaque année ou le 3<br />
mars de chaque année.<br />
7- Faire publier les statistiques <strong>du</strong> Ministère chargé des<br />
Droits de l'Homme sur les crimes rituels <strong>et</strong> les rendre<br />
227
accessibles à tout usager qui en exprimerait le besoin à partir<br />
de c<strong>et</strong>te année.<br />
8- Donner la liberté totale à notreJustice <strong>et</strong> aux Hommes des<br />
media de travailler avec tous les moyens sans pression<br />
extérieure, sans censure ni intimidation.<br />
9- Prendre un décr<strong>et</strong> présidentiel interdisant de façon<br />
formelle après ce <strong>Colloque</strong>, les crimes rituels <strong>sous</strong> toutes ses<br />
formes au Gabon, tout en tenant compte de la vision <strong>et</strong> des<br />
découvertes des tradi-praticiens, <strong>et</strong> des Hommes d'églises.<br />
10- Protéger nos plages, lieux des crimes rituels <strong>et</strong> domicile<br />
<strong>du</strong> malin.<br />
11 - Publier intégralement l'identité des coupables dans les<br />
médias.<br />
12- Luter contre la pauvr<strong>et</strong>é <strong>et</strong> la vie facile.<br />
228
Rapport général <strong>du</strong> colloque<br />
229
RAPPORT<br />
Le <strong>Colloque</strong> sur les «<strong>Causes</strong> <strong>et</strong> moyens de prévention des<br />
crimes rituels <strong>et</strong> les conflits en Afrique centrale», organisé par le<br />
Bureau <strong>sous</strong>-<strong>régional</strong> de l'UNESCO, s'est tenu à Libreville, <strong>du</strong><br />
19 au 20 juill<strong>et</strong> 2005.<br />
Placé <strong>sous</strong> le Haut patronage de Son Excellence El Hadj<br />
Omar Bongo Ondimba, Président de la République, Chef de<br />
l'Etat, le <strong>Colloque</strong> a été ouvert à 10h30 par le Vice-Premier<br />
Ministre, Ministre des Transports, de l'Aviation Civile, Chargé<br />
des Missions <strong>et</strong> des Droits de l'Homme, Monsieur Paul Mba<br />
Abessole.<br />
Ont pris part à ce <strong>Colloque</strong> les délégations des pays<br />
suivants: Burundi, Cameroun, Congo, Gabon, Guinée<br />
Equatoriale, République Démocratique <strong>du</strong> Congo, République<br />
Centrafricaine, Sao Tomé <strong>et</strong> Principe <strong>et</strong> Sénégal.<br />
Le Représentant <strong>sous</strong>-<strong>régional</strong> de l'UNESCO, Son Excellence<br />
Makhily Gassama, accueillant les participants, a rappelé<br />
l'origine de ces assises <strong>régional</strong>es: la rencontre <strong>sous</strong>-<strong>régional</strong>e<br />
tenue à Libreville, <strong>du</strong> 18 au 20 novembre 2003, autour <strong>du</strong> thème<br />
«Dialogue interculturel <strong>et</strong> culture de la paix en Afrique<br />
Centrale <strong>et</strong> dans la Région des Grands Lacs", d'une part;<br />
certaines découvertes macabres inexpliquées dans les pays de la<br />
<strong>sous</strong>-région d'Afrique centrale, d'autre part.<br />
Le présent colloque s'inscrit donc en droite ligne de ces deux<br />
concertations capitales qui ont vu l'engagement de toutes les<br />
Agences <strong>du</strong> Système des Nations Unies, <strong>du</strong> Gouvernement<br />
gabonais, des intellectuels <strong>du</strong> continent, de distingués<br />
représentants de la société civile, des chefs traditionnels <strong>et</strong><br />
spirituels, des femmes <strong>et</strong> des hommes de média, « censeurs de<br />
nos mœurs politiques », d'éminents écrivains, « censeurs de nos<br />
sociétés <strong>et</strong> gardiens de nos valeurs fondamentales", <strong>et</strong> de<br />
nombreux anonymes meurtris au plus profond de leurs corps<br />
par la perte d'êtres chers sacrifiés sur l'autel des intérêts<br />
personnels.<br />
231
Ce <strong>Colloque</strong> se présente comme un début de réponse<br />
publique aux préoccupations de la population, des citoyens, <strong>du</strong><br />
Gouvernement <strong>et</strong> des Agences <strong>du</strong> Système des Nations Unies,<br />
face aux assassinats <strong>et</strong> mutilations d'enfants rapportés<br />
périodiquement par la presse nationale <strong>et</strong> la rumeur publique <strong>et</strong><br />
«qui endeuillent les familles <strong>et</strong> répandent l'angoisse <strong>et</strong><br />
l'insécurité au sein des villes comme des villages », ainsi que le<br />
disait Son Excellence Kristian Laubjerg, Représentant de zone<br />
de l'UNICEF, dans son allocution à l'ouverture <strong>du</strong> colloque. Il<br />
s'agit là d'une « rencontre inédite <strong>et</strong> d'envergure », des mots de<br />
Son Excellence Bintou Djibo, Représentant <strong>du</strong> PNUD <strong>et</strong><br />
Coordonnateur <strong>du</strong> Système des Nations Unies au Gabon, en ce<br />
qu'elle devrait perm<strong>et</strong>tre de «poser des questions lourdes <strong>et</strong> pas<br />
toujours faciles à résoudre pour les Africain», d'une part, <strong>et</strong>,<br />
d'autre part, pour chacun, «d'évaluer ses actions <strong>et</strong> ses<br />
responsabilités: d'abord en tant que citoyen, ensuite comme<br />
organisation de la société civile, chef religieux ou traditionnel,<br />
media, collectivité locale ou organisme de coopération bilatérale<br />
<strong>et</strong> multilatérale ». Mais que peut faire le politique, quand on<br />
sait qu'il fait partie des «trois grandes instances de régulation<br />
orthodoxe en matière d'idéologie: le pouvoir politique, les<br />
institutions sdentifiques <strong>et</strong> les confessions religieuses<br />
dominantes»? N'est-ce pas au pouvoir politique que l'on<br />
s'adresse, « de lui que l'on parle» quand on traite des « causes<br />
<strong>et</strong> moyens de prévention des crimes rituels <strong>et</strong> des conflits en<br />
Afrique centrale» ?<br />
Comme l'a affirmé avec force la Coordinatrice <strong>du</strong> Système<br />
des Nations Unies au Gabon, «les rites <strong>et</strong> coutumes, qui<br />
constituent l'essence même de l'identité [des Africains],<br />
tiennent (...) une grande place dans nos structures<br />
traditionnelles. Le bon sens nous commande toutefois de<br />
discerner ceux qui favorisent l'épanouissement de l'Homme <strong>et</strong><br />
de nos sodétés de ceux qui sont susceptibles de la détruire ». Il<br />
n'y a donc pas à rechercher de justifications aux crimes rituels<br />
par nos traditions: « La raison profonde des crimes rituels, dira<br />
le Vice-Premier Ministre Paul Mba Abessole dans son allocution<br />
de circonstance, est la recherche des solutions de facilité. Parce<br />
232
------------<br />
qu'on ne veut pas fournir les efforts nécessaires à une réussite,<br />
on cherche des raccourcis, on fait des sacrifices humains ».<br />
Sans doute, les crimes rituels <strong>et</strong> les conflits sont-ils présents<br />
au niveau des familles <strong>et</strong> ne renvoient pas toujours au somm<strong>et</strong><br />
des États; mais c'est bien de la responsabilité des États de<br />
prévenir les conflits <strong>et</strong> de gérer, de manière pacifique, le Devoir<br />
vivre ensemble des citoyens.<br />
L'initiative <strong>du</strong> bureau <strong>régional</strong> de l'UNESCO qui nous<br />
rassemble ici est courageuse. Délier les langues est une<br />
entreprise périlleuse <strong>et</strong> l'on mesure la difficulté de dire au grand<br />
jour. Braver « le tabou qui entoure le suj<strong>et</strong> <strong>et</strong> parler des crimes<br />
rituels « est déjà une forme de lutte contre ce mal, a dit le Vice<br />
Premier Ministre. Mais le dénoncer ne suffit pas, a-t-il ajouté. Il<br />
faut encore arriver à des sanctions contre les coupables avérés.<br />
Certains d'entre eux sont, en eff<strong>et</strong>, connus mais en liberté ».<br />
Sur ces fortes paroles, le colloque a été déclaré ouvert <strong>et</strong><br />
lecture a été donnée <strong>du</strong> Bureau <strong>du</strong> colloque composé comme il<br />
suit:<br />
Présidents d'Honneur<br />
M. Ali BONGO ONDIMBA<br />
Président <strong>du</strong> Conseil Islamique <strong>du</strong> Gabon<br />
Mgr Basile NVE ENGONE<br />
Archevêque de Libreville<br />
Président<strong>du</strong> <strong>Colloque</strong><br />
]aqueline OBAME MBA (Gabon)<br />
Vice Président<br />
Prof. NTAHOMBAYE (Burundi)<br />
Rapporteur Général<br />
A MOUSSIROU MOUYAMA (Gabon)<br />
233
Co-rapporteurs<br />
Joséphine NTAHOBARI (Burundi)<br />
Révérend FUT! LUEMBA (RDC)<br />
Cellule d'appui scientifique:<br />
Monique MAVOUNGOU BOUYOU<br />
Pro BALIBUTSA<br />
A. MOUSSIROU MOUYAMA<br />
Richard EKAZAMA<br />
George Bertin MADEBE<br />
Bernardin MINKO MVE<br />
La conférence inaugurale prononcée par Auguste<br />
Moussirou-Mouyarna, écrivain, sur "Délits de langues <strong>et</strong> crimes<br />
rituels"a suivi la mise en place <strong>du</strong> Bureau <strong>du</strong> colloque. C<strong>et</strong>te<br />
conférence est un appel au devoir de parole pour ne point être<br />
complice des crimes, au devoir de mémoire, pour ne pas<br />
pervertir la pensée <strong>et</strong> la vérité <strong>et</strong> au devoir vivre ensemble, en<br />
paix, que doit garantir le pouvoir politique.<br />
Le thème <strong>du</strong> colloque a été abordé à travers trois <strong>sous</strong>thèmes:<br />
1. Les fondements culturels des crimes rituels <strong>et</strong> des conflits<br />
en Afrique centrale;<br />
2. Les dispositions juridiques <strong>et</strong> pénales <strong>et</strong> la mobilisation de<br />
la société civile pour la lutte contre les crimes rituels en<br />
Afrique centrale: moyens d'action, outils (juridiques,<br />
intellectuels, culturels, sociologiques, <strong>et</strong>c.) ;<br />
3. Les outils utilisés <strong>et</strong> utilisables par les confessions<br />
religieuses <strong>et</strong> les associations initiatiques dans la lutte<br />
contre les crimes rituels en Afrique.<br />
Les exposés, suivis de débats, ont été dirigés par trois<br />
bureaux distincts:<br />
234
Sous-thème 1<br />
Modérateur: PrJohn Nambo (Gabon)<br />
Rapporteurs:<br />
Sous-thème 2<br />
Lucien Dambele (RCA)<br />
Sherifa Bignoumba (Gabon)<br />
Modérateur: Jean Emile Ngue (Cameroun)<br />
Rapporteurs:<br />
Sous-thème 3<br />
Albert T<strong>et</strong>si (Congo)<br />
Richard Ekazama (Gabon)<br />
Modérateur: Salio Sambou (Sénégal)<br />
Rapporteurs:<br />
Christine Ngo Bilong, ép. Moukondji<br />
(Gabon)<br />
Bernardin Minko Mve (Gabon)<br />
La liste des intervenants <strong>et</strong> les titres de leurs<br />
communications sont annexés au présent rapport.<br />
Sous-thème 1 Les fondements culturels des crimes rituels <strong>et</strong> des<br />
conflits en Afrique centrale<br />
Le thème <strong>du</strong> colloque appelle une définition des termes afin<br />
que les connotations subjectives <strong>et</strong> les représentations de tous<br />
ordres ne l'emportent sur une lecture critique <strong>et</strong> sereine d'un<br />
fléau social.<br />
L'expression «crimes rituels» procède d'un raccourci de<br />
l'histoire par lequel des pratiques cultuels deviennent<br />
mortifères. L'incrimination de certains rites ancestraux,<br />
235
mystico-fétichiste; c'est le spirituel, l'invisible qui explique le<br />
visible.<br />
L'ontologie africaine est plurielle <strong>et</strong> est à SaISir à trois<br />
niveaux: l'instance phylogénétique (en rapport avec Dieu, les<br />
ancêtres), l'instance cosmique (le cosmos) <strong>et</strong> l'instance<br />
anthropologique. Une rupture dans le rapport de l'homme avec<br />
une des instances entraîne un déséquilibre essentiel - mais<br />
existentiel aussi - au niveau indivi<strong>du</strong>el ou communautaire qui<br />
se tra<strong>du</strong>it par la maladie, l'échec, les calamités, <strong>et</strong>c. La pratique<br />
des sacrifices, des rites, participe <strong>du</strong> proj<strong>et</strong> de rétablissement de<br />
l'équilibre ontologique rompu par la faute <strong>et</strong> ceci en vue <strong>du</strong><br />
bonheur, de la richesse, de la sécurité, <strong>et</strong>c.<br />
Le sacrifice humain était très rare dans la société bantu, sauf<br />
à l'occasion de l'intronisation d'un roi <strong>et</strong> parfois à titre punitif<br />
pour les esclaves, les violeurs d'interdits ou pour éviter à des<br />
enfants considérés « malformés » ou objectivement handicapés<br />
de vivre une socialisation traumatisante (maladies génétiques,<br />
albinos dans certaines sociétés, <strong>et</strong>c.).<br />
D'un point de vue anthropologique, la médecine<br />
traditionnelle avait recours à des sacrifices ayant des visées<br />
positives (fécondité, prospérité d'une famille, <strong>et</strong>c.). Les exemples<br />
sont légion <strong>et</strong> les sacrifices opérés n'étaient que symboliques.<br />
Les déviations observées actuellement tiennent à<br />
l'environnement sociologique marqué par une culture de la<br />
paresse à l'inverse de la culture de l'effort des sociétés<br />
traditionnelles, par l'appât <strong>du</strong> gain, aux inégalités dans la<br />
répartition des richesses nationales, par la promotion de la<br />
médiocrité <strong>et</strong> des esprits fétichistes dans les plus hautes sphères<br />
de la Fonction Publique, par l'absence de tout 'sentiment<br />
patriotique.<br />
Des causes externes ont été mentionnées, parmi lesquelles<br />
on peut citer: la monétarisation des sociétés africaines qui<br />
accentue les besoins privés, les trafics internationaux de drogue<br />
<strong>et</strong> d'armes de guerre, la marchandisation <strong>du</strong> monde <strong>et</strong> la<br />
conception mercantile bonheur qui favorise l'indivi<strong>du</strong>alisme à<br />
237
d'une éthique de la vie qui devrait <strong>sous</strong>-tendre toute éthique <strong>du</strong><br />
pouvoir.<br />
L'Afrique traditionnelle distingue bien les mameres d'être<br />
homme en trois déterminations éthiques: «l'homme vide »,<br />
« l'homme monstrueux », l'homme vrai ou homme juste ». C'est<br />
la multiplication des hommes « vides» qui est à l'origine de nos<br />
calamités.<br />
Pour lutter contre le crime rituel, il faut, par la pédagogie, à<br />
l'école comme dans les media ou en famille, «sculpter»<br />
l'homme juste, responsable jusqu'à la maturité sapientielle.<br />
L'homme mûr, vrai, est celui qui est conscient d'être le gardien<br />
de l'autre. Dans « l'agir l'un pour l'autre », au bon moment, c<strong>et</strong><br />
homme juste manifeste le sens de la responsabilité<br />
fondamentale, à savoir répondre de la vie de l'autre.<br />
li s'agit aussi de purifier les relations au sacré <strong>et</strong> au<br />
transcendant;<br />
li s'agit, enfin, de modifier la société par le sens de lajustice.<br />
Sous-thème 2 Les dispositions juridiques <strong>et</strong>pénales <strong>et</strong> la<br />
mobilisation de la société civile pour la lutte contre les crimes<br />
rituels en Afrique centrale: moyens d'action, outils (juridiques,<br />
intellectuels, culturels, sociologiques, <strong>et</strong>c.)<br />
Les crimes rituels sont inscrits dans le code pénal des<br />
différents pays <strong>et</strong> tombent, généralement, <strong>sous</strong> le coup d'articles<br />
relatifs aux pratiques de sorcellerie <strong>et</strong> à l'anthropophagie. La Loi<br />
incrimine la consommation ainsi que tout commerce sur le<br />
corps humain (la chair <strong>et</strong> les ossements humains).<br />
On constate par exemple, l'absence <strong>du</strong> mot crime rituel dans<br />
les textes de loi de nombreux pays d'Afrique Centrale mais cela<br />
ne signifie pas que l'acte qui occasionne la mort d'un homme,<br />
des suites d'un acte rituélique, n'est pas puni. Le Code pénal<br />
parle bien d'homicides. Et les crimes rituels sont des meurtres<br />
aggravés qui constituent des troubles à l'ordre public. Face à la<br />
239
difficulté, ici, de la preuve, les juristes gabonais doivent œuvrer<br />
pour faire entrer dans les textes des faits que la population<br />
condamne tous les jours. Ce qui doit nous inciter à éviter de<br />
copier <strong>et</strong> de calquer nos législations pénales sur des textes<br />
étrangers à nos mœurs <strong>et</strong> en déphasage par rapport à l'évolution<br />
de la société.<br />
L'impression de vacuité qui entoure la définition <strong>du</strong> crime<br />
rituel laisse au juge la latitude de trancher surtout si cela porte<br />
atteinte ou entraîne un trouble à l'ordre public. En l'occurrence,<br />
l'ordre social est perturbé <strong>et</strong> la Loi apparaît balbutiante <strong>et</strong> fort<br />
limitée pour passer de la dénonciation à la condamnation.<br />
Dénoncer un phénomène, c'est amener à sa prise de<br />
conscience collective. Et c'est une étape importante vers sa<br />
solution.<br />
Les sacrifices rituels interviennent dans le cadre de<br />
l'ignorance des lois divines. Dieu n'a pas besoin d'intervenir<br />
pour régler les affaires humaines, des lois existent, il suffit de les<br />
connaître <strong>et</strong> de les appliquer. Lorsque par exemple la promotion<br />
se fait en dehors des critères de compétence <strong>et</strong> de mérite, on fait<br />
la place ici à des tentations de sacrifices <strong>et</strong> de crimes. Le sacrifice<br />
s'avère donc superfétatoire dans la réussite des entreprises<br />
humaines qui n'exigent rien d'autre que l'effort <strong>et</strong> le travail.<br />
Le sacrifice est inutile voire même dangereux car il installe<br />
ses adeptes dans un engrenage ou une surenchère qui peut<br />
aboutir au sacrifice suprême: celui l'homme.<br />
Les crimes rituels sont de la responsabilité de groupes<br />
dangereux qui agissent comme dans une organisation mafieuse.<br />
On peut distinguer parmi les acteurs:<br />
1) les commanditaires;<br />
2) les faiseurs de miracle, qui dressent de véritables<br />
ordonnances;<br />
3) les personnes qui opèrent en recherchant des<br />
victimes.<br />
240
L'impunité dont bénéficient généralement ces criminels,<br />
dont les noms sont répan<strong>du</strong>s dans la cité par la rumeur<br />
publique, con<strong>du</strong>it à la banalisation de la mort <strong>et</strong> au mépris<br />
avancé de la personne humaine.<br />
Sous-thème 3 Les outils utilisés <strong>et</strong> utilisables par les confessions<br />
religieuses <strong>et</strong> les associations initiatiques dans la lutte contre les<br />
crimes rituels en Afrique.<br />
Contre les crimes rituels, la première <strong>et</strong> la principale arme<br />
des confessions religieuses, voire des associations initiatiques<br />
est l'é<strong>du</strong>cation de la conscience morale de tous au respect <strong>et</strong> à la<br />
défense de la vie humaine elle-même, à chaque stade de son<br />
évolution naturelle. La vie est le bien primordial de l'être<br />
humain <strong>et</strong> de la société. Avec elle <strong>et</strong> par elle, tout le reste est<br />
possible. Sans elle <strong>et</strong> contre elle, en revanche, tout s'effondre.<br />
Pour les confessions religieuses, la vie appartient avant tout au<br />
Créateur des êtres <strong>et</strong> de toutes choses.<br />
Lutter contre les crimes rituels sera donc d'abord un combat<br />
pour le respect strict de l'intégrité physique, psychologique <strong>et</strong><br />
spirituelle de toute personne, par la prière, l'enseignement, la<br />
prédication <strong>et</strong> l'information, les confessions comme la<br />
responsabilité, le sens de l'effort <strong>et</strong> <strong>du</strong> bien commun, la<br />
solidarité, lajustice <strong>et</strong> la paix.<br />
Face à l'essor des crimes rituels, le sentiment qui domine est<br />
un sentiment de peur. Pourtant, des témoignages émouvants<br />
ont été donnés <strong>et</strong> des collectifs se forment pour lutter contre<br />
l'impunité, à l'instar, au Gabon, <strong>du</strong> Collectifdes familles des enfants<br />
assassinés, mutilés <strong>et</strong> disparus.<br />
Il ne semble pas superflu de reprendre ici le témoignage de<br />
ce Collectif sur la genèse de l'Affaire des enfants Eric EDOU<br />
EBANG <strong>et</strong> Aboubakar IBRAHIM, puisque ce meurtre, obj<strong>et</strong> de<br />
la rumeur publique rapportée par les media, a fait se rencontrer<br />
autant d'instances officielles <strong>et</strong> de personnalités de tous bords.<br />
C<strong>et</strong> intérêt semble être en contraste, au quotidien, avec le<br />
mutisme total des autorités compétentes sur un dossier qui<br />
241
comporte pourtant un certain nombre d'indices à même d'aider<br />
les enquêtes officielles.<br />
La participation des Eglises <strong>et</strong> autres confessions religieuses<br />
<strong>et</strong> des chercheurs <strong>et</strong> praticiens en sciences traditionnelles ou<br />
d'universitaires a été remarquable, tant par l'exploitation faite<br />
des textes sacrés que par les exemples précis rapportés pour<br />
lutter contre les crimes riruels.<br />
Les pratiques criminelles qui revêtent une apparence<br />
religieuse, correspondent à un fait de société inaliénable, en<br />
dépit d'une évaluation statistique lacunaire. Elles s'imposent<br />
comme telles <strong>du</strong> fait de la récurrence dans le temps, de<br />
l'incidence qualitative inhérente à toute atteinte à la Vie<br />
humaine <strong>et</strong> de la sensibilité grandissante aux Droits de<br />
l'homme.<br />
Les manifestations multivoques de pratiques criminelles<br />
couvrent un large spectre de faits qui gagneraient à être mieux<br />
connus.<br />
Aux alternatives classiques à ce type de phénomène<br />
(sensibilisation, prévention, mutilation de masse, <strong>et</strong>c..) il<br />
convient d'associer un élargissement de perspective. On voit en<br />
eff<strong>et</strong>, à la lumière des mutations en cours, ce qui peut relier les<br />
crimes riruels <strong>et</strong> le trafic des organes humains à l'échelle<br />
internationale. A c<strong>et</strong>te échelle s'esquisse aussi, dans le cadre <strong>du</strong><br />
Droit International <strong>et</strong> <strong>du</strong> concert des Etats une réflexion <strong>et</strong> des<br />
solutions aussi bien institutionnelles prom<strong>et</strong>teuses.<br />
242
Déclaration de Libreville<br />
surlalutte contre les cimes rituels enAfrique centrale <strong>et</strong><br />
surla nécessité de l'é<strong>du</strong>cation auxvaleurs de respect absolu<br />
de lavie <strong>et</strong> de la dignité humaine<br />
Nous,<br />
Chefs Religieux, Traditionnels <strong>et</strong> Tradipraticiens,<br />
Hommes <strong>et</strong> femmes politiques,<br />
Intellectuels, écrivains, poètes, experts universitaires<br />
Communicateurs, <strong>et</strong><br />
Société Civile de l'Afrique Centrale,<br />
réunis à Libreville au Gabon, <strong>du</strong> 19 au 20 juill<strong>et</strong> 2005, à<br />
l'occasion <strong>du</strong> <strong>Colloque</strong> sur les <strong>Causes</strong> <strong>et</strong> moyens de prévention<br />
des crimes rituels <strong>et</strong> des conflits en Afrique Centrale, organisé<br />
par l'UNESCO, l'UNICEF, le PNUD <strong>et</strong> le HCR;<br />
Rappelant la Déclaration Universelle des Droits de<br />
l'Homme, qui stipule en son article 3, que «Tout indivi<strong>du</strong> a droit à<br />
la vie, à la liberté <strong>et</strong>à la sûr<strong>et</strong>é de sa personn»j<br />
Considérant la Convention des Nations Unies relative aux<br />
Droits de l'Enfant, <strong>et</strong> la Charte Africaine des Droits <strong>et</strong> <strong>du</strong> Bienêtre<br />
des Enfants, qui disposent que «l'enfant a le droit de grandir<br />
<strong>sous</strong> la sauvegarde <strong>et</strong> <strong>sous</strong> la responsabilité de ses parents <strong>et</strong>, en tout état<br />
de cause, dans une atmosphère d'affection <strong>et</strong> de sécurité morale <strong>et</strong><br />
matérielle »j<br />
Considérant la Déclaration de l'Assemblée Générale de<br />
l'Organisation des Nations Unies <strong>du</strong> 7 décembre 1996,<br />
spécialement en ce qui concerne «la promotion parmi les jeunes des<br />
Idéaux de Paix> de Respect Mutuel <strong>et</strong> de Compréhension entre les<br />
Peuples» j<br />
243
Nous fondant sur la Charte Africaine des Droits de<br />
l'Homme <strong>et</strong> des Peuples, spécialement en son article 4,<br />
disposant que « la personne humaine est inviolabl » <strong>et</strong> que « tout être<br />
humain a droit au respect de sa vie, à l'intégrité physique <strong>et</strong> morale de sa<br />
personne» <strong>et</strong> que «nul ne doit être privéarbitrairement de ce droit» j<br />
Nous appuyant sur les recommandations de la Conférence<br />
Internationale tenue en Novembre 2003 à Libreville sur le<br />
Dialogue Interculturel <strong>et</strong> la Culture de la Paix en Afrique Centrale <strong>et</strong><br />
dans les Grands Lacs, instituant le Dialogue comme moyen de<br />
prévention <strong>et</strong> de résolution des Conflits en Afrique Centrale;<br />
Préoccupés par la persistance des crimes rituels qui<br />
endeuillent régulièrement de nombreuses familles en Afrique<br />
Centrale, <strong>et</strong> qui maintiennent les populations dans une terreur<br />
permanente <strong>du</strong>e à la crainte de voir leurs enfants ou des<br />
membres de leur famille en être un jour victimes;<br />
Considérant que ce genre de pratiques, les croyances qui<br />
leur sont associées constituent une atteinte à la vie <strong>et</strong> à la<br />
dignité humaine, ainsi qu'aux droits des enfants, des hommes <strong>et</strong><br />
des femmes <strong>et</strong> sont en contradiction avec les valeurs de la<br />
culture africaine, de même qu'elles sont un frein au<br />
développement de la <strong>sous</strong> région;<br />
DECLARONS:<br />
LE CARACTERE SACRE, INVIOLABLE ET INALIENABLE DE LA<br />
VIE ET DE LA PERSONNE HUMAINE, AINSI QUE NOTRE<br />
PROFOND ENGAGEMENT A COMBATTRE TOUTES LES<br />
FORMES D'ATTEINTE A L'INTEGRITE ET A LA DIGNITE<br />
HUMAINES.<br />
FAISONS LES RECOMMANDATIONS CI-APRES:<br />
244
GENERALES:<br />
1) Encourager les communautés des pays d'Mrique Centrale à<br />
dénoncer les pratiques néfastes <strong>et</strong> crimes rituels tels les<br />
meurtres, les viols, les incestes;<br />
2) Conscientiser <strong>et</strong> persuader les adeptes de ces pratiques de<br />
substituer aux sacrifices humains d'autres sacrifices plus<br />
symboliques;<br />
3) Initier, avec l'appui des partenaires au développement, dans<br />
une dynamique participative des programmes d'information,<br />
d'é<strong>du</strong>cation <strong>et</strong> de communication (IEe) par les Média <strong>et</strong> les<br />
Nouvelles Technologies de l'Information, en direction des<br />
jeunes <strong>et</strong> des a<strong>du</strong>ltes en vue d'un changement de mentalité <strong>et</strong> de<br />
comportement qui intègrent les valeurs éthiques africaines<br />
contre les dérives irrationnelles;<br />
4) Favoriser dans les Etats d'Afrique Centrale, le mérite <strong>et</strong> la<br />
compétence dans la promotion sociale <strong>et</strong> politique, en vue<br />
d'endiguer les pratiques artificielles mystiques;<br />
5) Renforcer les capacités de travail de la justice <strong>et</strong> des media<br />
dans la lutte contre les crimes rituels;<br />
6) M<strong>et</strong>tre en évidence le caractère sacré de la vie, <strong>et</strong> partant, la<br />
protection <strong>et</strong> la pérennité de la race humaine à travers la<br />
création littéraire <strong>et</strong> artistique, <strong>et</strong> l'action des media;<br />
7) Intro<strong>du</strong>ire dans les rapports annuels des pays au Comité de<br />
suivi des droits de l'enfant de Genève, la situation des crimes<br />
rituels à l'encontre des enfants.<br />
245
AUX GOUVERNEMENTS DES ETATS<br />
8) Renforcer dan les programmes scolaires les notions de<br />
Culture de la Paix <strong>et</strong> de Droits Humains;<br />
9) Adopter des lois qualifiant explicitement <strong>et</strong> sanctionnant les<br />
crimes rituels afin de m<strong>et</strong>tre fin à l'impunité;<br />
10) Censurer la pro<strong>du</strong>ction <strong>et</strong> la diffusion par les média, de<br />
programmes qui valorisent le viol, la violence, les pratiques<br />
mystiques <strong>et</strong> religieuses néfastes aux valeurs de paix <strong>et</strong> de<br />
respect de la personne humaine;<br />
11) Instituer, dans les Etats d'Afrique Centrale, uneJournée à la<br />
mémoire des victimes des violences rituelles <strong>et</strong> des guerres<br />
fratricides;<br />
12) M<strong>et</strong>tre en place des groupes d'alerte communautaires, <strong>et</strong><br />
une police spécialisée disposant de moyens approptiés pour<br />
démasquer les auteurs <strong>et</strong> les commanditaires des crimes rituels;<br />
13) M<strong>et</strong>tre en place un observatoire des droits de l'homme dans<br />
chaque pays de l'Afrique Centrale.<br />
AUX INSTITUTS DE RECHERCHE ET D'ENSEIGNEMENT<br />
14) Initier des programmes de recherche visant l'inventaire <strong>et</strong> la<br />
définition de tout ce qui, dans les différentes cultures d'Afrique<br />
Centrale, prédispose à la violence <strong>et</strong> à la pratique des crimes<br />
rituels;<br />
15) Mener des recherches approfondies sur les crimes rituels en<br />
Afrique Centrale afin d'en apprécier l'ampleur;<br />
246
A L'UNESCO, AUX AUTRES AGENCES DU SYSTEME DES<br />
NATIONS UNIES ET A LA COMMUNAUTE<br />
INTERNATIONALE<br />
16) Encourager <strong>et</strong> soutenir la mise en place d'une structure<br />
<strong>sous</strong>-<strong>régional</strong>e chargée <strong>du</strong> suivi des actions de lutte contre les<br />
crimes rituels <strong>et</strong> la doter de moyens adéquats;<br />
17) Appuyer fortement l'action des ONG en faveur <strong>du</strong> suivi, de<br />
l'évaluation <strong>et</strong> de la documentation (système d'information,<br />
banque de données) sur les cas de crimes rituels dans les pays de<br />
la <strong>sous</strong> région;<br />
18) Favoriser le dialogue inter religieux <strong>et</strong> inter-culturel en<br />
Afrique Centrale;<br />
19) Appuyer les initiatives des gouvernements <strong>et</strong> des ONG<br />
engagées dans la lutte contre les crimes rituels;<br />
20) Appuyer la publication d'un bull<strong>et</strong>in sur les violations des<br />
droits de l'homme en général <strong>et</strong> sur les crimes rituels en<br />
particulier dans les pays de l'Afrique Centrale;<br />
21) Organiser des colloques <strong>du</strong> même gente dans d'autres pays<br />
de la <strong>sous</strong>-région.<br />
Fait à Libreville, le 20juill<strong>et</strong> 2005<br />
Les participants<br />
247
Allocutions<br />
249
Allocution de<br />
Makhily GASSAMA<br />
Représentant de l'UNESCO à Libreville<br />
A l'ouverture <strong>du</strong> <strong>Colloque</strong> sur« Les causes <strong>et</strong> moyens de<br />
prévention des crimes rituels <strong>et</strong> des conflits en Afrique Centrale»<br />
Distingués invités,<br />
Mesdames <strong>et</strong> Messieurs,<br />
Deux événements sont à l'origine des assises <strong>sous</strong>-<strong>régional</strong>es,<br />
qui nous rassemblent ce 19 juill<strong>et</strong> 2005.<br />
Du 18 au 20 novembre 2003, <strong>sous</strong> le haut patronage <strong>du</strong> Chef<br />
de l'Etat gabonais <strong>et</strong> <strong>sous</strong> la présidence effective de Monsieur le<br />
Vice-Président de la République, une grande rencontre des<br />
intellectuels <strong>du</strong> Continent, de distingués représentants de la<br />
société civile, des chefs traditionnels <strong>et</strong> spirituels, des hommes<br />
<strong>et</strong> femmes des médias - censeurs de nos mœurs politiques - <strong>et</strong><br />
d'éminents écrivains africains - censeurs de nos sociétés <strong>et</strong><br />
gardiens de nos valeurs fondamentales - se sont partagé le<br />
même espace de dialogue, autour d'un seul thème générique: Le<br />
dialogue interculturel <strong>et</strong> la culture de la paix en Afrique Centrale <strong>et</strong><br />
dans les Grands Lacs. Le colloque que voilà sur Les causes <strong>et</strong> les<br />
moyens de prévention des crimes rituels <strong>et</strong> des conflits en Afrique<br />
Centrale est né, en partie, des recommandations issues de la<br />
Conférence internationale de Libreville.<br />
Le second événement, à l'origine de ce colloque, est récent.<br />
Le 18 mars 2005, le Gouvernement gabonais a convié les<br />
Agences des Nations Unies à une réunion de concertation sur<br />
des crimes qui venaient de se pro<strong>du</strong>ire dans la capitale: deux<br />
corps mutilés de jeunes écoliers ont été découverts sur la plage.<br />
Tout indiquait qu'il s'agissait de meurtres rituels. A c<strong>et</strong>te<br />
rencontre avaient pris part le Ministre d'Etat chargé des Affaires<br />
Etrangères, de la Coopération <strong>et</strong> de la Francophonie, le Ministre<br />
de la Sécurité publique <strong>et</strong> de l'Immigration, le Ministre de la<br />
Défense nationale, le Ministre de la Famille, de la Protection de<br />
251
l'Enfance <strong>et</strong> de la Promotion de la Femme, le Ministre délégué<br />
aux Affaires Etrangères <strong>et</strong> l'ensemble des Chefs d'Agence <strong>du</strong><br />
Système des Nations Unies. Parmi d'autres questions, il avait été<br />
demandé, à chaque Agence, dans le domaine de ses<br />
compétences, sa contribution à la lutte contre les crimes rituels,<br />
fréquents, dans des pays de la <strong>sous</strong>-région, à l'approche des<br />
grandes échéances sociales ou politiques.<br />
Toutes les Agences <strong>du</strong> Système des Nations Unies ont<br />
répon<strong>du</strong> favorablement à l'appel de l'UNESCO: tenir à<br />
Libreville, dans les meilleurs délais, un colloque <strong>sous</strong>-<strong>régional</strong><br />
sur «Les causes <strong>et</strong> les moyens de prévention des crimes rituels <strong>et</strong> des<br />
conflits en Afrique Centrale ». C'est le lieu <strong>et</strong> le moment de rendre<br />
un hommage mérité aux Chefs d'Agence <strong>et</strong>, à leur tête, la<br />
Coordonnatrice, Mme Fatoumata Bintou Djibo, qui prendra la<br />
parole, ici même, en leur nom. Notre collègue, M. Kristian<br />
Laubjerg, Représentant <strong>sous</strong>-<strong>régional</strong> de l'UNICEF, parce que<br />
chargé d'assister la population la plus vulnérable, nous<br />
soum<strong>et</strong>tra quelques réflexions à c<strong>et</strong>te séance solennelle.<br />
Pour manifester notre engagement <strong>et</strong> celui de nos<br />
partenaires dans le suivi de ce colloque, un atelier de formation,<br />
qui dégagera des pistes de recherche <strong>et</strong> m<strong>et</strong>tra l'accent sur des<br />
mécanismes traditionnels de résolution <strong>et</strong> de prévention des<br />
conflits, se tiendra immédiatement après les travaux de ces<br />
assises, le 21 juill<strong>et</strong>, au Centre National de la Recherche<br />
Scientifique <strong>et</strong> Technologique (CENAREST).<br />
Nous remercions, au nom <strong>du</strong> Directeur général de<br />
l'UNESCO, les hommes <strong>et</strong> femmes politiques, les éminents<br />
représentants des confessions religieuses, les magistrats, les<br />
universitaires, les hommes <strong>et</strong> femmes des médias, les<br />
représentants de la société civile, qui ont généreusement<br />
répon<strong>du</strong> à notre appel. Et nous souhaitons pleins succès à leurs<br />
travaux.<br />
252
Allocutionde<br />
M.JeanMarie Vianney BOUYOU<br />
Secr<strong>et</strong>aire GénéraL de la Commission NationaLe pour L'UNESCO.<br />
Chers participants, Honorables invités;<br />
Excellence Mesdames <strong>et</strong> Messieurs.<br />
Deux ans après la tenue à Libreville de la Conférence<br />
Internationale de l'UNESCO sur la Culture <strong>et</strong> de la Paix <strong>et</strong> le<br />
dialogue interculturel en Afrique Centrale, organisée par<br />
l'UNESCO <strong>et</strong> le Gouvernement gabonais, nous revoici à<br />
nouveau réunis, autour d'une question cruciale: les crimes<br />
rituels dont le Gouvernement gabonais en fait désormais un<br />
cheval de bataille.<br />
Excellence Mesdames <strong>et</strong> Messieurs.<br />
Nous voici arrivés au terme des travaux <strong>du</strong> <strong>Colloque</strong> sur les<br />
«causes <strong>et</strong> moyens de prévention des crimes rituels <strong>et</strong> des<br />
conflits en Afrique Centrale ». Deux jours <strong>du</strong>rant, l'ensemble<br />
des allocutions officielles <strong>et</strong> des communications a lancé un<br />
grand cri de cœur pour délier les langues, dévoiler le délit,<br />
lancer le défi pour dire NON. NON aux crimes rituels, NON aux<br />
mutilations des corps, NON aux assassinats crapuleux, NON au<br />
déni des droits de l'homme.<br />
Nos travaux ont ainsi, sensibilisé, interpellé sur les crimes<br />
rituels <strong>et</strong> leurs eff<strong>et</strong>s pervers dans le quotidien de nos sociétés.<br />
Nous en avons beaucoup appris sur les crimes rituels, leurs<br />
causes, leurs mécanismes. Nous pouvons dire que nous<br />
disposons désormais d'une somme de certain des connaissances<br />
susceptibles d'enrichir les moyens de lutte contre ce fléau.<br />
Mais, bien plus qu'une interpellation, il devrait s'agir en<br />
réalité d'une prise de position, d'un engagement ferme de tous,<br />
gouvernements, sociétés civiles, organisations internationales.<br />
Engagement dont l'objectif premier serait de sauver les vies<br />
humaines.<br />
253
Aussi, voudrais-je particulièrement insister sur l'impérieuse<br />
nécessité d'une action concertée <strong>et</strong> forte de tous les acteurs en<br />
faveur <strong>du</strong> suivi des recommandations des présentes assises. Au<br />
nom <strong>du</strong> Bureau <strong>sous</strong>-<strong>régional</strong> de l'UNESCO <strong>et</strong> de la<br />
Commission Nationale Gabonaise pour l'UNESCO, je voudrais<br />
exprimer nos attentes sur les dispositions que chacun de nous à<br />
titre indivi<strong>du</strong>el <strong>et</strong> collectifpourrait prendre à travers des actions<br />
multiformes pour exprimer nos refus de complaisance <strong>et</strong> de<br />
compromis face aux crimes rituels, face aux crimes tout court.<br />
Notre regard se tourne vers les Institutions nationales, les<br />
Agences des Nations Unies, l'Union européenne, la Coopération<br />
Française <strong>et</strong> les autres partenaires au développement pour les<br />
inviter à appuyer toutes les initiatives qui iront dans le sens de<br />
la dénonciation des crimes rituels, les sanctions à l'endroit de<br />
leurs auteurs, l'éveil de la conscience collective pour la<br />
préservation de la vie, la formation des esprits au goût de<br />
l'effort <strong>et</strong> <strong>du</strong> travail pour la réussite.<br />
Excellence Mesdames <strong>et</strong> Messieurs.<br />
La participation active des pays de la <strong>sous</strong>-région à ce rendezvous<br />
de l'espoir, me laisse affirmer sans risque de me tromper<br />
que l'action amorcée par l'UNESCO sera pérennisée.<br />
Nous avons eu le courage de braver le tabou pour organiser<br />
un colloque au suj<strong>et</strong> de crimes rituels. Ce n'est qu'un début car,<br />
la lutte doit s'intensifier pour la dignité de l'être humain <strong>et</strong> le<br />
respect de la vie.<br />
Je vous remercie.<br />
254
Allocution de<br />
M. Kristian LAUBJERG<br />
Représentant de zone de l'UNICEF,<br />
Mesdames <strong>et</strong> Messieurs, Distingués Invités,<br />
C'est avec plaisir <strong>et</strong> satisfaction que j'assiste à l'ouverture de<br />
ce <strong>Colloque</strong> <strong>sous</strong>-<strong>régional</strong>, le premier <strong>du</strong> genre, sur les causes <strong>et</strong><br />
moyens de prévention des crimes rituels <strong>et</strong> des conflits en<br />
Afrique Centrale.<br />
La satisfaction de l'UNICEF est d'autant plus grande, que ces<br />
assises interviennent comme une réponse aux préoccupations<br />
exprimées par mon Organisation face aux assassinats <strong>et</strong><br />
mutilations d'enfants rapportés périodiquement par la presse<br />
nationale, <strong>et</strong> qui endeuillent les familles <strong>et</strong> répandent l'angoisse<br />
<strong>et</strong> l'insécurité au sein des villes comme dans les villages.<br />
C'est pourquoi je remercie <strong>et</strong> félicite sincèrement mon<br />
confrère de l'UNESCO d'avoir associé l'UNICEF à ce forum <strong>et</strong><br />
d'avoir réussi à regrouper les Intellectuels, les Leaders religieux,<br />
Traditionalistes <strong>et</strong> les Associations de Chercheurs <strong>et</strong><br />
Tradipraticiens, qui réfléchiront sur les voies <strong>et</strong> moyens de<br />
prévenir <strong>et</strong> d'enrayer les actes criminels perpétrés au nom de la<br />
religion des traditions ou de la culture.<br />
Les traditions africaines, <strong>et</strong> celles d'Mrique Centrale en<br />
particulier, ont pour fondement essentiel, le dialogue <strong>et</strong> la<br />
culture de la paix. De tout temps, elles ont été source de<br />
cohésion sociale, de résolution des conflits sociaux,<br />
inter<strong>et</strong>hniques <strong>et</strong> interculturels.<br />
Mais ces traditions sont ren<strong>du</strong>es vulnérables par la<br />
modernité <strong>et</strong> les crises conséquentes à la pauvr<strong>et</strong>é. Les cellules<br />
familiales <strong>et</strong> sociales ont éclaté, <strong>et</strong> se sont recomposées dans une<br />
société plus axée sur la a recherche de l'intérêt indivi<strong>du</strong>el, qui a<br />
per<strong>du</strong> toutes les valeurs positives de la culture <strong>et</strong> de la tradition<br />
africaines.<br />
255
En tant qu'Intellectuels <strong>et</strong> Leaders de la société, vous avez le<br />
devoir de restaurer les valeurs positives de la tradition <strong>et</strong><br />
l'identité des populations africaines. fi vous incombe la<br />
responsabilité d'attirer l'attention sur la situation psychosociale<br />
des populations, exacerbée par la survivance de crimes rituels.<br />
Nous espérons que ce colloque lèvera le voile sur ces<br />
questions épineuses, avec clairvoyance <strong>et</strong> honnêt<strong>et</strong>é <strong>et</strong> que les<br />
éminentes personnalités ici présentes, con<strong>du</strong>iront la réflexion<br />
sur les causes de la persistance des mentalités mysticoreligieuses<br />
qui favorisent l'incré<strong>du</strong>lité des populations, victimes<br />
de praticiens qui leur font croire que l'on peut manipuler les<br />
forces spirituelles au moyen de cadavres, <strong>et</strong> d'organes mutilés<br />
d'Etres innocents.<br />
C'est dire, que nous attendons beaucoup des conclusions de<br />
ces assises, qui nous perm<strong>et</strong>tront de poursuivre la<br />
sensibilisation des populations sur les conséquences néfastes<br />
des crimes rituels sur le développement auquel tendent les pays<br />
africains.<br />
Nous attendons aussi beaucoup que les gouvernements <strong>et</strong> les<br />
Etats, premiers responsables de la sécurité des biens <strong>et</strong> des<br />
personnes, prennent les mesures légales qui s'imposent, pour<br />
punir sévèrement les auteurs ou commanditaires de ces actes<br />
criminels, qui freinent le développement de l'Afrique centrale.<br />
En eff<strong>et</strong>, le changement de comportements ne sera effectif<br />
que s'il est soutenu par le renforcement de la législation <strong>et</strong> par<br />
l'adoption de mesures adéquates visant la promotion de la<br />
responsabilité collective <strong>et</strong> indivi<strong>du</strong>elle, <strong>et</strong> la protection de la<br />
frange la plus vulnérable de la société, notamment les enfants <strong>et</strong><br />
les femmes.<br />
C'est sur c<strong>et</strong> espoir que je vais clore mon propos en<br />
souhaitant plein succès aux travaux des experts de ce <strong>Colloque</strong>,<br />
sur les causes <strong>et</strong> moyens de prévention des crimes rituels <strong>et</strong> les<br />
conflits en Afrique Centrale.<br />
256
Allocution de<br />
Madame Bintou Djiho,<br />
Coordonnateur des Agences <strong>du</strong> Système des Nations Unies au Gabon<br />
Distingués invités,<br />
Mesdames <strong>et</strong> Messieurs,<br />
Perm<strong>et</strong>tez-moi, en ma qualité de Coordonnateur <strong>du</strong> Système<br />
des Nations Unies au Gabon, de souhaiter la bienvenue à tous<br />
ceux qui ont fait le déplacement de Libreville, pour prendre part<br />
au <strong>Colloque</strong> <strong>sous</strong>-<strong>régional</strong> sur les «causes <strong>et</strong> moyens de prévention<br />
des crimes rituels <strong>et</strong>des conflits en Afrique centrale».<br />
C<strong>et</strong>te rencontre inédite <strong>et</strong> d'envergure s'annonce comme une<br />
véritable démarche commune entre des intervenants de divers<br />
horizons, solidaires d'une même cause, celle de la dignité<br />
humaine.<br />
Comme vous le savez, il y a plus d'un demi-siècle que la<br />
conscience universelle s'est éveillée pour considérer la question<br />
de la dignité humaine <strong>et</strong> de son développement intégral. La<br />
communauté internationale s'est, en eff<strong>et</strong>, engagée à défendre<br />
c<strong>et</strong>te dignité <strong>et</strong> à intégrer les préoccupations relatives aux droits<br />
fondamentaux de l'homme dans toute entreprise humaine.<br />
Les crimes rituels figurent parmi les innombrables violations<br />
des droits de l'homme. Ces meurtres à l'encontre des couches<br />
les plus vulnérables de la société sont commis dans un contexte<br />
d'impunité généralisée, laissant les familles dans le désespoir <strong>et</strong><br />
la population dans la consternation.<br />
Excellences, Mesdames <strong>et</strong> Messieurs,<br />
Ce colloque <strong>sous</strong>-<strong>régional</strong> est fondamental parce qu'il pose<br />
des questions lourdes <strong>et</strong> pas toujours faciles à résoudre pour les<br />
Mricains que nous sommes. Les rites <strong>et</strong> les coutumes, qui<br />
constituent l'essence même de notre identité, tiennent, en eff<strong>et</strong>,<br />
une grande place dans nos structures traditionnelles. Le bon<br />
sens nous commande toutefois de discerner ceux qui favorisent<br />
257
l'épanouissement de l'Homme <strong>et</strong> de nos sociétés de ceux qui<br />
sont susceptibles de la détruire.<br />
La conservation de notre patrimoine culturel est, en eff<strong>et</strong>,<br />
indispensable à notre survie. Parce que perm<strong>et</strong>tre aux indivi<strong>du</strong>s<br />
une expression culturelle pleine <strong>et</strong> entière est en soi un objectif<br />
de développement important. Le développement humain<br />
consistant d'abord <strong>et</strong> avant tout à perm<strong>et</strong>tre aux populations de<br />
mener le type de vie qu'ils veulent, <strong>et</strong> à leur donner les outils <strong>et</strong><br />
les opportunités pour faire ces choix.<br />
Le Rapport mondial sur le développement humain publié<br />
par le PNUD en 2004 qui avait pour thème « la liberté culturelle<br />
dans un monde diversifié» énonçait ce qui suit: « si l'on veut<br />
atteindre les Objectifs <strong>du</strong> Millénaire pour le développement <strong>et</strong>,<br />
finalement, éradiquer la pauvr<strong>et</strong>é, le monde doit commencer<br />
par relever le défi de savoir construire des sociétés intégratrices<br />
qui respectent les diversités culturelles. » Mais pas à n'importe<br />
quel prix, car le strict respect de la liberté <strong>et</strong> de la dignité de<br />
l'autre est fondamental,<br />
Le Secrétaire général de l'ONU, Monsieur Kofi Annan, y<br />
<strong>sous</strong>crit d'ailleurs, sans réserve, dans son rapport intitulé « Dans<br />
une liberté plus grande ». il fait de la sécurité collective son cheval<br />
de bataille.<br />
Au XXIè siècle, les menaces pesant sur la paix <strong>et</strong> la sécurité<br />
ne sont pas seulement la guerre <strong>et</strong> les conflits internationaux,<br />
mais aussi le terrorisme, les armes de destruction massive, la<br />
criminalité organisée <strong>et</strong> la violence civile. Il faut compter aussi<br />
avec la pauvr<strong>et</strong>é, les épidémies mortelles <strong>et</strong> la dégradation de<br />
l'environnement, dont les conséquences peuvent être tout aussi<br />
catastrophiques. Tous ces phénomènes sont meurtriers <strong>et</strong><br />
peuvent comprom<strong>et</strong>tre la survie de l'humanité.<br />
En outre, les Etats membres ont proclamé, dans la<br />
Déclaration <strong>du</strong> Millénaire, qu'ils n'épargneraient aucun effort<br />
pour promouvoir la démocratie <strong>et</strong> renforcer l'état de droit, ainsi<br />
258
que le respect de tous les droits de l'Homme <strong>et</strong> libertés<br />
fondamentales reconnus sur le plan international.<br />
Excellences, Mesdames <strong>et</strong> Messieurs,<br />
L'importance de c<strong>et</strong>te rencontre tient à la qualité de ses<br />
participants <strong>et</strong> plus particulièrement de ses exposants <strong>et</strong> des<br />
thèmes qui vont être abordés.<br />
Le moment est en eff<strong>et</strong> propice pour partager, enseigner <strong>et</strong><br />
témoigner sur ce suj<strong>et</strong> d'actualité.<br />
Il s'agit également pour chacun d'évaluer ses actions <strong>et</strong> ses<br />
responsabilités, d'abord en tant que citoyen, ensuite comme<br />
organisation de la société civile, chefs religieux ou traditionnels,<br />
média, collectivités locales ou organismes de coopération<br />
bilatérale <strong>et</strong> multilatérale...<br />
Dans c<strong>et</strong>te confrontation d'idées, d'expériences <strong>et</strong> de valeurs<br />
qui vont avoir lieu deux jours <strong>du</strong>rant, j'invite les uns <strong>et</strong> les<br />
autres à faire preuve d'ouverture d'esprit <strong>et</strong> de tenir compte des<br />
contextes.<br />
La richesse des échanges <strong>et</strong> des débats francs ouverts <strong>et</strong><br />
courtois qui vont s'engager devrait perm<strong>et</strong>tre, à l'issue de ce<br />
colloque <strong>sous</strong>-<strong>régional</strong>, de proposer des dénouements réalistes<br />
pour prévenir les crimes rituels <strong>et</strong> les conflits.<br />
J'encourage également les Gouvernements des pays d'Afrique<br />
centrale à mener une lutte sans merci contre l'impunité pour la<br />
dignité <strong>et</strong> la sécurité des populations.<br />
Je vous remercie.<br />
259
Allocution de<br />
S.E. M. PaulMBAABESSOLE<br />
Vice Premier Ministre) Ministre des Transports <strong>et</strong> de l'Aviation Civile,<br />
Chargé des Droits de l'Homme<br />
Distingués Invités,<br />
Mesdames, Messieurs,<br />
L'honneur m'échoit en qualité de Ministre Chargé des Droits<br />
de l'Homme de prendre la parole devant votre auguste<br />
Assemblée pour exprimer les préoccupations <strong>du</strong> Chef de l'Etat<br />
Gabonais S.E. El Hadj Omar BONGO ONDIMBA, de son<br />
Gouvernement <strong>et</strong> de tout le peuple gabonais devant la<br />
persistance des crimes rituels pratiqués par des irresponsables.<br />
En eff<strong>et</strong>, il n'est pas rare de trouver dans nos forêts ou sur la<br />
plage des corps mutilés d'enfants ou d'a<strong>du</strong>ltes victimes de ces<br />
ignobles pratiques dont l'objectif serai soit disant de procurer à<br />
leurs auteurs de la puissance <strong>du</strong> bonheur la chance ou la<br />
prospérité dans le cadre de la croyance à la sorcellerie <strong>et</strong> au<br />
vampirisme.<br />
Ces horribles pratiques non seulement tuent ou<br />
traumatisent nos populations mais ils ne font pas non plus<br />
honneur à l'Afrique qui doit trouver <strong>et</strong> renforcer sa place dans<br />
la mondialisation positive.<br />
Le Gouvernement gabonais ne reste pas les bras crOIses<br />
devant les crimes rituels qui constituent une atteinte directe au<br />
droit à la vie qui est un droit sacré reconnu non seulement par<br />
la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, la Charte<br />
Africaine des Droits de l'Homme <strong>et</strong> des Peuples, mais aussi par<br />
nos Constitutions Nationales <strong>et</strong> nos législations en matière<br />
pénale. A titre d'exemple le Code Pénal gabonais condamne la<br />
pratique de la sorcellerie dans la mesure où elle est matérialisée<br />
par des comportements <strong>et</strong> des obj<strong>et</strong>s concr<strong>et</strong>s.<br />
261
Si ces mesures ne suffisent pas, nous sommes prêts à les<br />
renforcer. D'autres parts, nous sommes prêts à revoir nos<br />
programmes scolaires, <strong>et</strong> nos programmes d'é<strong>du</strong>cation<br />
populaire. Pour y insérer les éléments qui m<strong>et</strong>tent en lumière<br />
l'arrière fond culturel <strong>et</strong> social des ces pratiques. Ces<br />
programmes perm<strong>et</strong>tront de renforcer chez les jeunes <strong>et</strong> les<br />
a<strong>du</strong>ltes les moyens intellectuels de lutte contre ces pratiques,<br />
car c'est finalement dans la tête des hommes que se trouve leur<br />
origine.<br />
Le Gouvernement <strong>et</strong> le peuple gabonais par ma voix<br />
remercient l'UNESCO <strong>et</strong> les autres organisations <strong>du</strong> Système<br />
des Nations Unis qui l'ont soutenu dans l'organisation de ce<br />
colloque qui est lui-même un des actes concr<strong>et</strong>s <strong>du</strong> suivi de la<br />
Conférence Internationale sur le Dialogue Interculturel <strong>et</strong> la<br />
Culture de la Paix en Afrique Centrale <strong>et</strong> dans la Région des<br />
Grands Lacs organisée par l'UNESCO ici à Libreville il y a<br />
bientôt deux ans.<br />
Sur ce Mesdames <strong>et</strong> Messieurs les conférenciers, distingués<br />
invités, en souhaitant un grand succès à vos travaux, je déclare<br />
ouvert le <strong>Colloque</strong> sur les «<strong>Causes</strong> <strong>et</strong> Moyens de prévention des<br />
crimes rituels <strong>et</strong> des conflits en Afrique Centrale».<br />
Je vous remercie.<br />
262
2) Allocutions de clôture<br />
Allocution de<br />
Madame Bintou Djibo<br />
Coordinateur des Agences <strong>du</strong> Système des Nations Unies au Gabon<br />
Distingués invités,<br />
Mesdames <strong>et</strong> Messieurs,<br />
L'honneur me revient de prendre la parole, au nom <strong>du</strong><br />
Système des Nations Unies, à c<strong>et</strong>te cérémonie de clôture <strong>du</strong><br />
colloque <strong>sous</strong>-<strong>régional</strong> sur les «causes <strong>et</strong> moyens de prévention<br />
des crimes rituels <strong>et</strong> des conflits en Afrique centrale» qui se tient<br />
depuis hier <strong>sous</strong> l'égide de l'UNESCO.<br />
Perm<strong>et</strong>tez-moi, Monsieur le Vice Premier Ministre, de vous<br />
adresser les compliments <strong>et</strong> les remerciements de l'ensemble des<br />
Agences <strong>du</strong> Système des Nations Unies, pour avoir permis la<br />
tenue d'une telle rencontre, qui lève bon nombre de tabous, <strong>et</strong><br />
qui témoigne également de la volonté <strong>du</strong> Gouvernement de<br />
mener une politique forte en faveur de la défense des droits de<br />
l'homme.<br />
Excellences, Mesdames <strong>et</strong> Messieurs,<br />
Vous venez, au cours de ces deux jours :<br />
• d'analyser les causes des crimes rituels <strong>et</strong> des conflits en<br />
Afrique centrale,<br />
• de mener des réflexions profondes sur les modalités à<br />
trouver pour les dénoncer <strong>et</strong> les prévenir;<br />
• de proposer <strong>et</strong> de r<strong>et</strong>enir des recommandations <strong>et</strong> des<br />
cadres futurs de concertation pour assurer la dignité<br />
<strong>et</strong>la sécurité des populations.<br />
263
C'est ici le lieu de vous féliciter tous : les éminents<br />
représentants des confessions religieuses, les chefs<br />
traditionnels, les magistrats, les universitaires, les médias <strong>et</strong> les<br />
représentants de la société civile pour vos riches contributions à<br />
ces assises.<br />
Je souhaite que ce colloque soit le détonateur d'un<br />
mouvement plus large, visant à assurer la continuité <strong>et</strong> à<br />
garantir la sécurité collective des populations. Ceci nécessite<br />
une implication ferme de toutes les autorités concernées.<br />
Excellences, Mesdames <strong>et</strong> Messieurs,<br />
De vos différentes communications <strong>et</strong> recommandations ont<br />
émergé des solutions atten<strong>du</strong>es pour prévenir les crimes rituels<br />
qui constituent, malheureusement, un frein au développement<br />
de nos pays <strong>et</strong> à tous les droits de l'Homme <strong>et</strong> libertés<br />
fondamentales reconnus sur le plan international.<br />
Parmi elles, j'ai r<strong>et</strong>enu:<br />
• L'initiation <strong>et</strong> l'adoption de lois reconnaissant<br />
explicitement les crimes rituels <strong>et</strong> les sanctionnant<br />
afin de m<strong>et</strong>tre fin à l'impunité;<br />
• «l'initiation, dans une dynamique participative, des<br />
programmes d'information, d'é<strong>du</strong>cation <strong>et</strong> de<br />
communication en direction des chefs religieux <strong>et</strong><br />
traditionnels, des jeunes <strong>et</strong> des a<strong>du</strong>ltes en vue d'un<br />
changement de mentalité <strong>et</strong> de comportement qui<br />
évite les dérives irrationnelles» ;<br />
• La mise en place d'une police spécialisée contre les<br />
auteurs <strong>et</strong> les commanditaires des crimes rituels;<br />
• L'institutionnalisation <strong>du</strong> dialogue inter religieux en<br />
Afrique centrale;<br />
• Et la création d'une Ligue de lutte contre les crimes<br />
rituels en Afrique centrale.<br />
264
Nous avons tous un grand rôle à jouer, avec l'appui habituel<br />
des médias pour une sensibilisation accrue <strong>et</strong> une<br />
conscientisation des populations d'Afrique centrale.<br />
C'est à ce prix que nous pourrons prévenir les crimes rituels<br />
<strong>et</strong> les conflits en Afrique centrale.<br />
Je voudrais, pour terminer, souhaiter aux délégués qui ont<br />
fait le déplacement de Libreville, un bon r<strong>et</strong>our dans leurs pays<br />
respectifs.<br />
Je vous remercie.<br />
265
Allocution de cloture de<br />
S.E.M. Paul MBA ABESSOLE,<br />
Vice Premier Ministre, Ministre des Transports <strong>et</strong> de l'Aviation Civile,<br />
Chargé des Droits de l'Homme<br />
Distingués invités;<br />
Mesdames <strong>et</strong> Messieurs;<br />
Après deux jours, vous êtes arrivés au terme de vos travaux<br />
sur les causes <strong>et</strong> moyens de prévention des crimes rituels <strong>et</strong> des<br />
conflits en Afrique Centrale.<br />
Vous avez travaillé sur un suj<strong>et</strong> particulièrement sensible<br />
que l'on a toujours évité d'aborder publiquement parce qu'il<br />
implique souvent certaines catégories de citoyens.<br />
Vous avez eu le courage d'en parler. Ainsi, au nom <strong>du</strong><br />
Président de la République, Chef de l'Etat, Son Excellence El<br />
Hadj Omar BONGO ONDIMBA <strong>et</strong> au mien propre, je vous<br />
adresse toutes nos félicitations <strong>et</strong> vous exprime nos<br />
encouragements.<br />
Vos conclusions vont, sans nul doute, perm<strong>et</strong>tre une avancée<br />
significative dans la prise de conscience des indivi<strong>du</strong>s pour le<br />
respect des droits de l'homme. Et contribuer également à la<br />
promotion de ces mêmes droits dans nos pays.<br />
Dans chacun d'eux, il est impératif de lutter contre les<br />
pratiques qui avilissent notre image, bafouent la dignité<br />
humaine <strong>et</strong> empêchent nos sociétés de progresser.<br />
Les crimes rituels, les conflits sont des obstacles au<br />
développement. A c<strong>et</strong> égard, je souhaite vivement que vos<br />
recommandations, que j'apprécie à leur juste valeur, soient<br />
intégrées dans les législations nationales pour combattre ces<br />
fléaux.<br />
267
Pour finir, je dis merci à tous les Séminaristes qui ont<br />
participé à c<strong>et</strong>te rencontre, ainsi qu'à ceux qui l'ont organisée.<br />
Que la réflexion sur ces suj<strong>et</strong>s, longtemps demeurés tabous,<br />
continue ici <strong>et</strong> ailleurs afin d'enrichir, toujours plus, les<br />
résultats de votre réflexion.<br />
Je déclare clos le colloque sur les causes <strong>et</strong> moyens de<br />
préventions des crimes rituels <strong>et</strong> des conflits en Afrique<br />
Centrale.<br />
268
LISTE DES PARTICIPANTS AU COLLOQUE<br />
Burundi<br />
Pro Philippe NTAYOMBAYE,<br />
Université <strong>du</strong> Burundi, Bujumbura<br />
Mme Joséphine NTAHOBARI,<br />
UNESCO/Bujumbura<br />
Cameroun<br />
Rév Ngué Jean Emile,<br />
CEPCA, FEMEC/Cameroun<br />
Cheikh Oumarou Malam DJIBRIL,<br />
VP Conseil Islamique <strong>du</strong> Cameroun<br />
Gabon<br />
Paul MALEKOU,<br />
Cour Constitutionnelle<br />
Abbé Casimir ONDO MBA,<br />
Paroisse Sainte Marie<br />
M. Jean-Marie AGANGA AKELAGUELO,<br />
Sénateur R<strong>et</strong>raité<br />
Abbé Jean Jacques KOMBILA,<br />
Eglise Catholique<br />
Mme Michèle Françoise MBA ONDO,<br />
Association des femmes catholiques <strong>du</strong> Gabon<br />
M. Chérifat BIGNOUMBA,<br />
DN Enseignement Privé Islamique<br />
M. Mathieu NDONG ESSONE,<br />
Conseiller <strong>du</strong> Garde des Sceaux, Ministre de laJustice,<br />
M. Jean-Marie EMANE MINKO,<br />
Eglise évangélique <strong>du</strong> Gabon<br />
269
M. Richard ABESSOLO,<br />
Conseil Supérieur des Affaires Islamiques <strong>du</strong> Gabon<br />
M. Rostand ESSONO ELLA,<br />
Eglise évangélique <strong>du</strong> Gabon<br />
Imam Ismaël OCENI OSSA,<br />
Conseil Supérieur des Affaires Islamiques <strong>du</strong> Gabon<br />
M. Ali ONANGA Y OBEGUE,<br />
Conseil Supérieur des Affaires Islamiques<br />
Mme Françoise MBALA,<br />
Associarion des femmes catholiques<br />
M. Parfait MAYOMBO,<br />
RENAPS/AJ<br />
M. Jean-Pierre BOUGOUNLOU,<br />
AssociationJeunesses sans Frontière<br />
M. Gervais NZUE ABAGA<br />
Conseil National de laJeunesse<br />
M. Guy René MOMBO,<br />
Afrique Horizons<br />
M. Louis Simplice NGOUA,<br />
SOJECS<br />
Mme Clémentine AVOMO NDONG,<br />
Association des Femmes Catholiques <strong>du</strong> Gabon<br />
Mme Hortense Gladys MENGUE,<br />
Association des femmes catholiques<br />
M. Janvier OBIANGA,<br />
Organisation des Chercheurs <strong>et</strong> Tradipraticiens <strong>du</strong> Gabon<br />
M. Jean Blaise NGUEMA,<br />
Organisation des Chercheurs <strong>et</strong> Tradipraticiens <strong>du</strong> Gabon<br />
270
M. Franck René EVONG ABESSOLO,<br />
Président de l'Organisation des Chercheurs <strong>et</strong> Tradipraticiens <strong>du</strong><br />
Gabon<br />
Mme Yv<strong>et</strong>te ANGOMO<br />
Organisation des Chercheurs <strong>et</strong> Tradipraticiens <strong>du</strong> Gabon<br />
M. OUSDINE MAMA,<br />
Organisation des Chercheurs <strong>et</strong> Tradipraticiens <strong>du</strong> Gabon<br />
M. André OBAME,<br />
Médias Catholiques<br />
Mme Marie Louise EYI<br />
ADDDFE<br />
Mme Christine MOUTOU,<br />
ADDDFE<br />
Mme Patricia AWORET,<br />
ADDDFE<br />
Mme Marthe TCHALOU,<br />
ADDDFE<br />
M. Michel BIYA MBOU FILS<br />
Mme Jacqueline MBA OBONE,<br />
MESRS<br />
M. Jean Elvis EBANG ONDO,<br />
Collectifs des familles des victimes des crimes rituels<br />
Mme Victorine EBANG ONDO<br />
Collectifs des familles des victimes des crimes rituels<br />
Mme Esther MBA NFOUME,<br />
Collectifs des familles des victimes des crimes rituels<br />
M. Aboubakar GAMBA,<br />
Collectifs des familles des victimes des crimes rituels<br />
271
Mme Assïata BOUKA,<br />
Collectifs des familles des victimes des crimes rituels<br />
Pro Martin ALIHANGA,<br />
Université Omar Bongo, Sociologie<br />
M. Auguste Moussirou Mouyama,<br />
Université Omar Bongo<br />
M. Georice Berthin MADEBE,<br />
Centre National de la Recherche scientifique <strong>et</strong> technologique<br />
(CENAREST)<br />
Mme Monique MAVOUNGOU,<br />
Maître Assistant en Histoire précoloniale, Université Omar<br />
Bongo<br />
M. Samuel MBADINGA<br />
Commissaire Général <strong>du</strong> Centre National de la Recherche<br />
scientifique <strong>et</strong> technologique (CENAREST)<br />
M. Richard EKAZAMA,<br />
IRSH/CENAREST<br />
Gisèle Solomba,<br />
Partenaire (M.P.D)<br />
Théodore KOUMBA,<br />
Université Omar Bongo<br />
M. Anaclé BlSSIELO,<br />
Docteur en sociologie, Université Omar Bongo<br />
Mme Christine NGO-BILONG épouse MOUKONDJI,<br />
Enseignante<br />
Mme MONDO MENGUE,<br />
Etudiante<br />
M. Abdoul TAMA JOB,<br />
Tradipraticien<br />
272
Mme MAGAYA Maryse,<br />
Particulier<br />
Jean-Claude ENGO MEKUI,<br />
Commission Nationale Gabonaise pour l'UNESCO<br />
Prof. MANlRAGABA BALIBUTSA,<br />
Consultant UNESCO<br />
Congo<br />
Pasteur Albert TETSI,<br />
Eglise Evangélique <strong>du</strong> Congo, Brazzaville<br />
Etats-Unis<br />
M. Glenn FEDZER,<br />
Ambassade des Etats Unis<br />
Guinée Equatoriale<br />
Pasteur ENDJE NGOWE IYANGA,<br />
Eglise de Béthanie<br />
République Démoratique <strong>du</strong> Congo<br />
M. Mémé AWAZI NENGO,<br />
SG Communauté Islamique ROC<br />
Abbé Dominique KAHANGA ,<br />
Facultés Catholiques de Kinshasa<br />
Rév. René Fouti LUEMBA,<br />
Eglise Christ Pain de vie<br />
Sao Tome <strong>et</strong> Principe<br />
M. Armindo AGUIAR<br />
Historien<br />
Sénégal<br />
Saliou SAMBOU,<br />
Gouverneur de Dakar<br />
273
UNESCO<br />
Makahily GASSAMA,<br />
Représentant <strong>sous</strong>-<strong>régional</strong> de l'UNESCO<br />
Mme Viol<strong>et</strong>a AGUIAR,<br />
Spécialiste adjoint de la culture<br />
M. Tessaw TESFAYE<br />
Spécialiste adjoint de la Communication<br />
Mme Isabelle SANDJO<br />
Secrétaire<br />
Mme Irène BOUANGA<br />
Secrétaire<br />
UNICEF<br />
Kritian LAUBJERG,<br />
Représentant de l'UNICEF<br />
Hélène AÏKA,<br />
UNICEF<br />
274
Atelier <strong>sous</strong>-regional de formation<br />
Thème:<br />
« LesMécanismes Traditionnels de Prévention des<br />
Conflits enAfriqueCentrale»<br />
Organisépar:<br />
UNESCO, Bureau de Libreville<br />
Enpartenariatavec:<br />
CENAREST (Centre National de la Recherche Scientifique <strong>et</strong><br />
Technologique)<br />
LibreviUe,21Juill<strong>et</strong>200S<br />
277
Intro<strong>du</strong>ctiongénérale<br />
Pro Maniragaba BALIBUTSA<br />
Consultant UNESCO<br />
L'Atelier de formation sur les mécanismes traditionnels de<br />
résolution <strong>et</strong> de prévention des conflits en Afrique Centrale<br />
s'inscrit dans le cadre <strong>du</strong> suivi de la Conférence Internationale<br />
sur le dialogue interculturel <strong>et</strong> la culture de la paix en Afrique<br />
centrale <strong>et</strong> dans la région des Grands Lacs tenue à Libreville les<br />
18, 19 <strong>et</strong> 20 novembre 2003.<br />
Référence au programme de l'UNESCO<br />
L'Atelier de formation sur les mécanismes traditionnels de résolution<br />
<strong>et</strong> de prévention de conflits en Afrique Centrale est l'un des vol<strong>et</strong>s <strong>du</strong><br />
Programme Culture de l'UNESCO qui prévoit l'intégration de la<br />
diversité culturelle aux politiques nationales, <strong>sous</strong>-<strong>régional</strong>es <strong>et</strong><br />
internationales, <strong>et</strong> plus précisément, dans le cadre de l'action<br />
d'identification des obstacles au Dialogue interculturel, au<br />
pluralisme <strong>et</strong> au respect de la diversité culturelle.<br />
Antécédent<br />
Dans le cadre <strong>du</strong> suivi de la Conférence internationale sur le<br />
dialogue interculturel <strong>et</strong> la culture de la paix en Afrique Centrale <strong>et</strong><br />
dans la Région des Grands Lacs, l'un des objectifs poursuivi est la<br />
mise en œuvre d'un programme pilote de formation destiné<br />
aux médiateurs interculturels <strong>et</strong> aux acteurs locaux pertinents,<br />
en vue de les sensibiliser au pluralisme, à la diversité culturelle <strong>et</strong> à<br />
la promotion <strong>du</strong> dialogue interculturel en tant qu'outils de prévention<br />
<strong>et</strong>de résolution des conflits.<br />
Stratégie<br />
La stratégie consiste à m<strong>et</strong>tre en valeur le savoir-faire, les<br />
connaissances <strong>et</strong> l'autorité des médiateurs traditionnels<br />
notamment en les formant à la création de contenus<br />
culturellement adaptés <strong>et</strong> ciblés <strong>et</strong> à l'utilisation qu'ils peuvent<br />
279
faire des Nouvelles Technologies de l'Information <strong>et</strong> de la<br />
Communication (NTIe) en vue de contribuer à la résolution<br />
des conflits. En d'autres termes, il s'agit de créer des outils<br />
pédagogiques <strong>sous</strong> forme de publications <strong>et</strong> de pro<strong>du</strong>its<br />
multimedia.<br />
Résultats atten<strong>du</strong>s<br />
- les outils pédagogiques devant servir à renforcer le vouloir<br />
vivre ensemble, la tolérance <strong>et</strong> la paix <strong>du</strong>rable sont disponibles;<br />
- le réseau de communicateurs traditionnels <strong>et</strong> modernes sur<br />
la prévention <strong>et</strong> la résolution des conflits est consolidé par la<br />
diffusion d'outils pédagogiques culturellement adaptés;<br />
. la notoriété des médiateurs traditionnels dans la<br />
prévention <strong>et</strong> la résolution de conflits sont valorisées par les<br />
pouvoirs publics.<br />
A. Mo<strong>du</strong>les de formation<br />
1. Intro<strong>du</strong>ction<br />
1.1. La civilisation négro-africaine est définissable, en termes de<br />
dialogue) de compromis) de coexistence <strong>et</strong> de paix<br />
Lorsque deux animaux se rencontrent sur un même<br />
territoire dans une situation de rar<strong>et</strong>é de biens (herbes, eau,<br />
gibier, femelles, <strong>et</strong>c.) ou non, s'ils ne se battent entre eux, ils ont<br />
leur façon de faire la paix <strong>et</strong> se séparer sans bagarre ou de<br />
partager le territoire <strong>et</strong> les biens en question. Les animaux<br />
n'ayant pas l'usage de la parole adoptent des comportements<br />
spécifiques pour la prévention des conflits. Quant aux animaux<br />
qui ont l'usage de la parole, ils utilisent, en plus des<br />
comportements <strong>et</strong> attitudes spécifiques, des symboles, des<br />
instruments sonores, des supports graphiques <strong>et</strong> surtout la<br />
parole pour faire la paix ou prévenir les conflits. Ce sont tous<br />
280
ces outils que nous appelons « mécanismes» de prévention des<br />
conflits. Mais avant d'aborder les mécanismes de prévention des<br />
conflits en Afrique Centrale, il convient de faire une brève<br />
typologie des conflits possibles dans c<strong>et</strong>te région.<br />
Thierno Bah, dans son article publié sur Intern<strong>et</strong> sur « Les<br />
mécanismes traditionnels de prévention <strong>et</strong> de résolution des<br />
conflits en Afrique noire» affirme, d'entrée de jeu, ceci:<br />
« Au seuil <strong>du</strong> IIIème millénaire, on assiste en Afrique à une<br />
sorte d'implosion, marquée par l'instabilité politique, des coups<br />
d'État, des guerres civiles, des conflits <strong>et</strong>hniques <strong>et</strong> frontaliers<br />
qui rendent ce continent si vulnérable à la misère. Des drames,<br />
comme celui de la Région des Grands Lacs revêtent une<br />
dimension de pathologie historique <strong>et</strong> sociale qui interpelle la<br />
conscience universelle. La violence n'est cependant ni cultivée<br />
délibérément par les peuples africains, ni inéluctable. Elle leur a<br />
été souvent imposée par les contingences historiques, à travers<br />
la traite négrière, la conquête coloniale <strong>et</strong> certaines perversités<br />
de l'Etat post-colonial. Il importe donc de se départir de clichés<br />
<strong>et</strong> mythes erronés qui ont longtemps envisagé nos sociétés en<br />
m<strong>et</strong>tant en emphase l'activité guerrière de «tribus sauvages»<br />
que seule l'arrivée des colonisateurs aurait stabilisées <strong>et</strong><br />
pacifiées.<br />
Sans nier que le processus historique en Afrique, hier<br />
comme aujourd'hui, révèle bien des chocs sanglants, bien des<br />
conflits intra <strong>et</strong> intercommunautaires, l'étude objective des<br />
sources <strong>et</strong> des données <strong>et</strong>hnographiques montre à l'évidence<br />
que la civilisation négro-africaine se définit essentiellement, en<br />
termes de dialogue, de compromis, de coexistence <strong>et</strong> de paix. »<br />
1.2. Typologie des conflits<br />
Il Ya lieu d'esquisser une typologie des conflits suivante:<br />
281
a) En Afrique comme ailleurs chez les hommes, il existe des<br />
conflits d'inégale violence entre les indivi<strong>du</strong>s, entre de p<strong>et</strong>its<br />
groupes d'indivi<strong>du</strong>s qui vivent ensemble dans la même maison,<br />
dans le même village, dans la même ville ou dans le même pays.<br />
b) Les conflits peuvent exister entre des grands groupes<br />
d'indivi<strong>du</strong>s unis par une étiqu<strong>et</strong>te clanique, <strong>et</strong>hnique, <strong>et</strong>hnonationalitaire,<br />
idéologico-politique, idéologico-religieuse <strong>et</strong>c.<br />
c) Les conflits peuvent exister entre des communautés<br />
<strong>et</strong>hniques, des castes ou classes sociales, des communautés<br />
religieuses <strong>et</strong>c. Lorsque ces conflits sont entre les communautés<br />
elles-mêmes on parle de guerres civiles <strong>et</strong> lorsqu'ils sont dirigés<br />
contre l'Etat, on parle de rebellions.<br />
d) Les conflits peuvent également exister entre Etats ou entre<br />
coalition d'Etats.<br />
Les causes de ces différents types de conflits sont diverses<br />
allant de la simple provocation par un geste ou une parole<br />
offensante ou jugée comme telle, jusqu'à la défense des droits<br />
des peuples ou <strong>du</strong> territoire national.<br />
1.3. L'objectifdes programmes de fOrmation<br />
L'objectif de ces programmes est de faciliter aux chercheurs<br />
la rédaction d'outils pédagogiques sur les mécanismes de résolution<br />
<strong>et</strong> de prévention des conflits <strong>et</strong> sur la culture de la paix en Afrique<br />
Centrale en dressant un inventaire aussi exhaustif que possible<br />
de ces mécanismes. C<strong>et</strong> inventaire s'appuiera sur des<br />
monographies déjà existantes, portant sur certains mécanismes<br />
de résolution <strong>et</strong> de prévention des conflits <strong>et</strong> sur<br />
l'interculturalité africaine tels que celles de Bah (Thierno) «Les<br />
mécanismes traditionnels de prévention <strong>et</strong> de résolution des<br />
conflits en Afrique noire », Ndiaye (Raphaël), «Pluralité<br />
<strong>et</strong>hnique, convergences culturelles <strong>et</strong> citoyenn<strong>et</strong>é en Afrique de<br />
l'Ouest» <strong>et</strong> Ntahombaye (Philippe) <strong>et</strong> Allii, «L'institution des<br />
Bashingantahe au Burundi. Etude pluridisciplinaire ».<br />
282
Certains auteurs, dans leurs ouvrages, abordent la question<br />
des mécanismes de résolution <strong>et</strong> de prévention des conflits:<br />
- Obenga (Théophile), Les Bantu, langues, peuples, civilisations.<br />
Présence africaine, Dakar 1985.<br />
- Alihanga (Martin), Structures communautaires traditionnelles <strong>et</strong><br />
perspectives coopératives dans la Société Altogovéenne (Gabon)<br />
Dissertation ad doctoratum in Facultate scientiarum<br />
socialium apud Pontificiam Universitatem S. Thomae de<br />
Urbe, Rome, 1976.<br />
- Kagame (Alexis), Les organisations sociofamiliales de l'ancien<br />
Rwanda.- Bruxelles Académie Royale des Sciences<br />
Coloniales, classe des Sciences morales <strong>et</strong> politiques,<br />
mémoires, colL in N. 8, Tome XXXVIII, fasc. 3,1954.<br />
- Bourgeois (R.), Banyarwanda <strong>et</strong>Barundi tome III, 1954.<br />
1.4. Stratégies de l'instauration d'une culture de la paix en Afrique<br />
La conscience de la communauté d'origine des peuples ainsi<br />
que certains mécanismes d'extension <strong>du</strong> réseau des relations de<br />
parenté <strong>et</strong> d'amitié qui créent un devoir de solidarité entre les<br />
indivi<strong>du</strong>s <strong>et</strong> les groupes humains, peut être considérée comme<br />
le fondement de la construction d'une paix <strong>du</strong>rable dans les<br />
relations entre ces peuples. Dans certaines cultures africaines<br />
qui croient, à travers leurs mythes fondateurs, en l'origine<br />
commune de toute l'humanité, c<strong>et</strong>te conscience d'origine des<br />
peuples, à fortiori, ne pose pas de problème. C<strong>et</strong>te conscience<br />
n'est cependant pas exploitée dans l'é<strong>du</strong>cation en faveur de la<br />
solidarité humanitaire, étant donné que la culture africaine est<br />
en pleine déconstruction suite aux dynamismes dissolvants qui<br />
fonctionnent en son sein depuis plusieurs décennies.<br />
L'une des caractéristiques de c<strong>et</strong>te culture est qu'elle<br />
privilégie les valeurs de solidarité communautaire <strong>et</strong> humaine<br />
contre l'indivi<strong>du</strong>alisme. La présence, au sein de certaines<br />
cultures africaines, des dérives telles que le bellicisme,<br />
l'esclavagisme, la sorcellerie <strong>et</strong> les crimes rituelles <strong>et</strong>c., ne doit<br />
pas être mise en avant pour occulter c<strong>et</strong>te réalité fondamentale.<br />
Ainsi, la promotion d'une paix <strong>du</strong>rable en Afrique doit-elle<br />
283
inévitablement passer par une réflexion profonde sur les valeurs<br />
d'humanisme, d'hospitalité <strong>et</strong> de solidarité sans lesquelles il<br />
serait vain de parler d'une culture de la paix. On peut ainsi<br />
esquisser ici un inventaire des phénomènes culturels <strong>et</strong> des<br />
mécanismes traditionnels d'intégration sociale qui faisaient<br />
des sociétés africaines qui les pratiquaient, des sociétés ouvertes,<br />
solidaires <strong>et</strong> humaines:<br />
1) La conscience de la communauté d'origine des peuples<br />
enracinée dans les mythes fondateurs.<br />
2) La parenté originelle de la plupart des langues africaines.<br />
La linguistique historique africaine affirme la parenté<br />
originelle de la plupart des langues africaines <strong>et</strong> en tous les<br />
cas, en ce qui concerne les langues de l'Afrique Centrale,<br />
c<strong>et</strong>te parenté est évidente mais elle est exploitée plus dans le<br />
sens de l'<strong>et</strong>hnisme que dans le sens <strong>du</strong> renforcement de la<br />
solidarité universelle <strong>et</strong> de la construction de la paix.<br />
3) En plus de cela, la culture, en Afrique Centrale comme<br />
ailleurs sur le continent, contient des mécanismes<br />
d'intégration sociale qui pourraient également être exploités<br />
dans la construction de la paix. Ces mécanismes dont<br />
certains relèvent <strong>du</strong> Droit coutumier sont:<br />
a)- Le mariage qui était considéré comme une<br />
alliance entre familles, entre clans <strong>et</strong> <strong>et</strong>hnies <strong>et</strong> donc<br />
comme une extension <strong>du</strong> réseau des relations de<br />
parenté;<br />
b)- Les relations de parenté à plaisanterie;<br />
c)- Les relations d'amitié profonde <strong>et</strong> sacrée fondée<br />
sur le pacte <strong>du</strong> sang;<br />
d)- Les relations de fraternité fondées sur l'initiation<br />
religieuse.<br />
4) La responsabilité collective dans l'é<strong>du</strong>cation des enfants<br />
<strong>et</strong> le maintien de la paix ainsi que le rôle des chefs dans la<br />
résolution <strong>et</strong> la prévention des conflits.<br />
284
5) Le dialogue <strong>et</strong> la concertation entre indivi<strong>du</strong>s <strong>et</strong> entre<br />
membres de la communauté ou représentants des<br />
communautés comme mécanismes permanents de<br />
résolution <strong>et</strong> de prévention des conflits.<br />
6) Les mécanismes spécifiques de résolution <strong>et</strong> de<br />
prévention des conflits.<br />
Dans les programmes suivants, une description de ces<br />
phénomènes <strong>et</strong> des mécanismes sera esquissée.<br />
2. Programmes<br />
2.1. Programme 1: L'importance des mythes fondateurs sur la<br />
communaute d'origine des peuples dans la formation des nations<br />
La plupart des guerres africaines sont liées à la crise <strong>du</strong><br />
processus de "nationbuilding" (la construction d'une nation).<br />
Des peuples qui ne formaient pas une nation avant la<br />
colonisation se r<strong>et</strong>rouvent, avec les indépendances, dans un<br />
ensemble jouissant <strong>du</strong> statut international de nation alors qu'ils<br />
ne remplissent pas les critères internes d'une nation. En eff<strong>et</strong>,<br />
selon Raymond Polin 48 , à un moment donné de l'histoire, une<br />
nation devient une réalité lorsque, « tant dans l'espace que dans<br />
l'histoire, se trouvent réalisées, par une communauté politique<br />
ou plutôt par une pluralité de communautés politiques<br />
concomitantes, des dimensions favorables à la communication<br />
<strong>et</strong> à la communion de valeurs, de normes, de sentiments, de<br />
croyances, de coutumes, de manières de vivre ». Autrement dit,<br />
lorsqu'un groupe humain est arrivé à un moment où ce<br />
consensus diffus a donné lieu au sentiment d'une concorde<br />
spontanée, d'un bien commun, un vouloir politique commun se<br />
développe <strong>et</strong> prend conscience de lui-même en tant que<br />
conscience nationale.<br />
48 Raymond Polin, « L'existence des nations» in Annales de philosophie<br />
politique, 8. L'idée de nation, PUF, Paris, 1969, p. 37-48.<br />
285
Une nation est donc «un conglomérat d'opinions, de valeurs,<br />
de normes, de sentiments, de convi<strong>et</strong>ions, de symboles qui, par<br />
leur coalescence <strong>et</strong> leur transposition en une réalité objective,<br />
tendent à faire de la nation une réalité vivante, autonome, une<br />
âme, une personne». C<strong>et</strong>te opinion collective est «fonction<br />
d'une communauté d'origine <strong>et</strong>hnique aussi bien que d'une<br />
communauté de traditions historiques, de coutumes, de culture,<br />
de moeurs en même temps que d'un consensus, d'un vouloir<br />
politique commun qui s'exprime, à l'intérieur, par le sentiment<br />
d'un sort commun, d'un bien commun, à l'extérieur, par une<br />
volonté d'autonomie, d'indépendance ». De façon générale,<br />
continue Polin, «là où les institutions étatiques sont trop<br />
extérieures à la vie des peuples, là où on les représente<br />
volontiers, de façon symbolique, comme apportées <strong>et</strong> imposées<br />
par un législateur transcendant, la conjonction de l'Etat <strong>et</strong> de la<br />
Nation n'est pas mûre, ni la situation propice à l'action<br />
é<strong>du</strong>catrice de chefs capables de se poser en chefs nationaux ».<br />
Lorsque, avec le temps, la conscience nationale s'affermit,<br />
elle assume les caractéristiques d'une <strong>et</strong>hnie, la notion d'<strong>et</strong>hnie<br />
s'appliquant, d'après, Roland Br<strong>et</strong>on, Kombanda Sevo <strong>et</strong><br />
Gabriel Mountali, à un groupe humain caractérisé par deux<br />
ensembles de phénomènes: 1) le partage de la même langue<br />
maternelle <strong>et</strong> généralement aussi des traits culturels communs;<br />
l'origine anthropologique commune, la communauté de<br />
territoire <strong>et</strong>c., qui constituent le soubassement matériel des<br />
nations mono <strong>et</strong>hniques <strong>et</strong> 2) le vouloir-vivre ensemble. Ce dernier<br />
point est en réalité l'élément essentiel dans la constitution d'une<br />
nation.<br />
Ainsi l'élément biologique ou la parenté physique<br />
historiquement prouvable, même là où elle existe, n'est qu'un<br />
élément secondaire dans la constitution des <strong>et</strong>hnies, des nations<br />
<strong>et</strong> des peuples <strong>et</strong> ce qui différencie profondément la société<br />
humaine en tant que telle d'une horde d'animaux sauvages ou<br />
d'un troupeau de bétail, c'est que c<strong>et</strong> élément spirituel dans la<br />
formation de la conscience <strong>et</strong>hnique ou nationale se double<br />
cherche à transcender le physique en prolongeant ses racines<br />
dans la sphère métaphysique, en se cherchant une légitimation<br />
286
dans le divin <strong>et</strong> le sacré. Autrement dit, toute définition de<br />
l'<strong>et</strong>hnie ou de la nation doit être «spiritualiste, subjective <strong>et</strong><br />
volontariste» <strong>sous</strong> peine de livrer la société humaine aux<br />
tourments des sociétés à la recherche de la pur<strong>et</strong>é zoologique de<br />
leur race avec les eff<strong>et</strong>s pervers <strong>et</strong> dont les exemples ne<br />
XXI ème<br />
manquent pas en ce Siec " 1e.<br />
Il Y a donc une sorte de consensus qui se dégage au niveau<br />
des sociologues <strong>et</strong> des anthropologues sur le fait qu'un groupe<br />
<strong>et</strong>hnique ou national est composé de trois éléments au moins:<br />
1) Une communauté de mémoire <strong>et</strong> de nom qui peut prendre<br />
la forme de la tradition historique ou la forme d'un mythe<br />
(le mythe fondateur de l'identité nationale). C<strong>et</strong>te<br />
communauté de mémoire donne toujours une certaine<br />
existence diachronique au groupe <strong>et</strong> fonde son unité dans la<br />
référence commune aux ancêtres, aux personnages<br />
mythiques ou divins « dont la puissance pérenne l'entoure,<br />
le surveille <strong>et</strong> normalement le protège» ;<br />
2) Une communauté de valeurs qui constitue la culture<br />
minimale <strong>du</strong> groupe ou un ensemble de concepts, de codes<br />
<strong>et</strong> de symboles qui constituent « un canevas sur lequel les<br />
différents <strong>sous</strong>-groupes pourront broder des motifs variés,<br />
différents par la forme, les matériaux <strong>et</strong> la couleur» ;<br />
3) Une communauté d'aspirations ou conscience <strong>du</strong> groupe<br />
qui constitue l'élément essentiel de son existence.<br />
Ainsi sans le consensus des populations sur un certain<br />
nombre de valeurs <strong>et</strong> d'objectifs communs, il ne peut y avoir de<br />
véritable communauté nationale même s'il existe des<br />
institutions qui veulent s'imposer comme telles. Lorsque c<strong>et</strong><br />
élément spirituel n'existe pas encore ou lorsqu'il existe mais est<br />
mis en cause suite à des conflits d'intérêts particuliers, ou à des<br />
manipulations idéologiques quelconques, les tendances<br />
centrifuges prennent de plus en plus le dessus <strong>et</strong> ce sont les<br />
guerres civiles, les rebellions <strong>et</strong>c, qui commencent...<br />
287
Ainsi, les mythes africains concernant l'origine comme de<br />
l'humanité <strong>et</strong> des divers groupes sociaux devraient être<br />
inventoriés, établis dans leurs corpus originaux (en langues<br />
vernaculaires) analysés avec l'intension d'en subsumer les<br />
valeurs positives dans une synthèse qui devrait jouer un rôle<br />
majeur dans l'é<strong>du</strong>cation de la jeunesse <strong>et</strong> la formation d'un<br />
climat favorable, non seulement à formation des nations, mais<br />
aussi à l'intégration <strong>régional</strong>e <strong>et</strong> même à la constitution de<br />
l'unité africaine effective.<br />
* L'origine commune de l'humanité dans la mythologie<br />
africaine<br />
Il semble ainsi qu'un mythe existait, il y a bien longtemps,<br />
quelque part en Afrique, sur l'origine commune de l'humanité<br />
<strong>et</strong> que, avec la dispersion des peuples, il ait subsisté <strong>sous</strong> des<br />
formes différentes selon les thèses <strong>et</strong> les intérêts à défendre,<br />
mais qu'il ait gardé des éléments qui le rendent facilement<br />
reconnaissable. Un de ces éléments communs est l'idée que tous<br />
les hommes ont une origine céleste, qu'ils sont donc tous fils <strong>du</strong><br />
Dieu-Créateur selon les différents noms que lui donnent les<br />
langues africaines.<br />
1) Ainsi, dans les traditions <strong>du</strong> Bwiti mitsogo au Gabon 49 , l'on<br />
r<strong>et</strong>rouve le récit selon lequel les premiers hommes vivaient<br />
au ciel dans le village de Kombe (le Soleil) ou Muanga (le<br />
Créateur), leur père. Mais à cause de la chaleur excessive <strong>du</strong><br />
Soleil (pendant le jour) <strong>et</strong> <strong>du</strong> froid également excessif<br />
(pendant la nuit), la vie leur devenait de plus en plus<br />
insupportable. Aussi, <strong>sous</strong> l'initiative <strong>du</strong> pygmée Motsoi,<br />
soupçonnant l'existence d'un plus propice à la vie humaine,<br />
les enfants de Kombe lui demandèrent avec instance de leur<br />
montrer un autre lieu où ils pourraient mieux vivre. Kombe<br />
fit longtemps la sourde oreille certainement parce qu'il ne<br />
voulait pas se séparer de ses enfants, mais il finit par céder <strong>et</strong><br />
appela le pygmée Motsoï en lui disant: je vous montrerai où<br />
vous allez habiter. Il déracina un arbre ce qui fit un trou<br />
49 Le récir donné ici suir les données fournies par Roger Sillans, Boku<strong>du</strong><br />
p.153-155.<br />
288
dans le ciel <strong>et</strong> dit à Motsoï : regarde là-bas où tu vois clair:<br />
c'est là que vous allez habiter. Il lui montrait la terre (d'en<br />
bas). A peine entrevue au travers de l'orifice la partie d'en<br />
haut, la partie d'en bas (la Terre) sé<strong>du</strong>isit Motsoï qui décida<br />
aussitôt d'aller la reconnaître. Il vit une grosse chaîne <strong>et</strong> la<br />
j<strong>et</strong>a, à travers l'orifice, jusqu'à la Terre. Il descendit dessus<br />
jusque sur la Terre. Arrivé sur Terre, il y trouva beaucoup de<br />
fruits: masigho, masagho, aghunghu <strong>et</strong> kuda. Il constata aussi<br />
que la Terre était bien froide (d'un climat plus tempéré que<br />
celui <strong>du</strong> Soleil). Une autre version dit que c'est son père<br />
Kombe qui fit descendre la chaîne pour lui perm<strong>et</strong>tre<br />
d'accéder à la Terre. Après la reconnaissance de la Terre, il<br />
r<strong>et</strong>ourna au ciel en remontant la chaîne. Arrivé au Ciel,<br />
Kombe lui demanda:<br />
-- Le pays là-bas, c'est bien?<br />
-- Oui, c'est très bien, il y a beaucoup de fruits.<br />
-- Bien (répliqua Kombe), mais n'y va pas sans mon<br />
ordre.<br />
Motsoï rentra chez lui <strong>et</strong> raconta ce qu'il avait vu ainsi que la<br />
richesse <strong>du</strong> pays où tout était à profusion. Finalement, Motsoï<br />
<strong>et</strong> un de ses frères décidèrent d'aller s'établir sur la Terre même<br />
sans l'ordre de leur père. Motsoï dit: C<strong>et</strong>te nuit, partons! J'ai vu<br />
où notre père a caché la chaîne, qu'il ne sache pas comment<br />
nous sommes partis!» Tout le monde dormait <strong>et</strong> les deux<br />
frères descendirent. Les autres frères, ne les voyant plus, finirent<br />
par les suivre. Kombe se réveilla <strong>et</strong> dit: « où sont mes hommes?<br />
Comment ont-ils pu abandonner mon village? J'avais pourtant<br />
dit de ne pas descendre sans mon ordre <strong>et</strong> ils sont partis!<br />
Puisqu'ils sont tous partis, il faudra qu'un jour il y en ait qui<br />
reviennent ! »<br />
Depuis ce jour, Kombe s'est fâché <strong>et</strong> c'est pourquoi il faut<br />
r<strong>et</strong>ourner dans son village. Aussi tous les jours, il y a des<br />
nouveaux-nés <strong>et</strong> des morts.<br />
2) Chez les Baluba <strong>du</strong> Kassai (République Démocratique <strong>du</strong><br />
Congo), le grand texte publié par Tiarko Fourche <strong>et</strong> Henri<br />
289
Morliguem 50 , nous montre clairement l'origine céleste <strong>et</strong><br />
divine de l'homme (au sens universel) dans la pensée des<br />
Baluba à en croire le passage suivant:<br />
«7.13. Mais lorsqu'il voulut créer l'Homme, il souhaita une<br />
créature faite à sa propre image, <strong>et</strong> qui fût le seigneur de toutes les<br />
créatures.<br />
7.14. Ille voulut donc doué d'un Esprit semblable aux Esprits <strong>du</strong><br />
Ciel, <strong>et</strong> de la faculté de la parole <strong>et</strong> <strong>du</strong> pouvoir <strong>du</strong> Verbe qui<br />
n'appartiennent qu'aux êtres qui possèdent un Esprit, les<br />
distinguant des animaux <strong>et</strong>leur conférant la seigneurie sur eux.<br />
7.15. Il s'emplit donc d'un souffle d'un très grand pouvoir, <strong>et</strong><br />
l'exhala très puissamment sur la Terre, en disant ensuite: "Seigneur<br />
Mâle, maître de toutes les créatures, apparais ».<br />
7.16. Etaussitôt, 1'Homme Mâle apparut.<br />
7.17. Puis, il s'emplit à nouveau d'un grand Souffle, l'exhala<br />
sur l'homme mâle. <strong>et</strong>dit ensuite: " Seigneur Femme, apparais. "<br />
7.18. Etaussitôtla Femme apparut<br />
7.19. Ce furent les premiers d'entre les hommes. Et Maweja<br />
Nangila les nomma" Bende ", qui signifie" Ses Gens ", mot que les<br />
profanes emploient de nos jours pour dire " autrui ".<br />
7.20. Ce Souffle de Maweja Nangila, par lequel il a créé<br />
(homme, est chose de longue <strong>du</strong>rée.<br />
7.21. Chaque homme qui naquitpar la suite en possède une part,<br />
<strong>et</strong>, bien qu'il l'ait altérée, c<strong>et</strong>te part <strong>du</strong> Souffle de Maweja Nangila<br />
est son Esprit.<br />
7.22. L'Esprit de l'homme est une grande part de sa Vie.<br />
Lorsqu'il lui ordonne de mourir, l'homme meurt, mais son Esprit ne<br />
meurt pas tant qu'il ne le tue pas en persévérant dans le Mal <strong>et</strong><br />
lorsque son Esprit lui ordonne de se réincarner, l'homme se<br />
réincarne. Aussi le nomme-t-on "Grande Vie ".<br />
SO Une bible noire. Edition Max Arnold, Bruxelles, 1973<br />
290
7.23. C'est son Esprit qui donne à l'homme la faculté de la<br />
parole <strong>et</strong>le pouvoir <strong>du</strong> Verbe. »<br />
3) Il est curieux de voir qu'à plus d'un millier de kilomètres<br />
<strong>du</strong> pays des Mitsogo, <strong>et</strong> à plusieurs centaines de kilomètres<br />
<strong>du</strong> Kassaï, au Rwanda, l'on r<strong>et</strong>rouve un mythe des origines<br />
qui affirme également l'origine céleste <strong>et</strong> divine de l'homme,<br />
le mythe de Kigwi (le Tombé <strong>du</strong> ciel) ou (Kigwa: le Tombant<br />
<strong>du</strong> ciel) raconté par le mutwa (pygmées) Bidogo (Kadogo) au<br />
Père P<strong>et</strong>er Schumacher qui l'a publié en 1949-1950. Etant<br />
donnée l'importance de ce texte dans ce débat, nous allons<br />
repro<strong>du</strong>ire le texte en kinyarwanda tel que raconté par<br />
Kadogo au Père Schumacher (sans les accents) ainsi que la<br />
tra<strong>du</strong>ction française faite par Maniragaba Balibutsa dans<br />
son ouvrage intitulé Une Archéologie de la violence en Afrique des<br />
Grands Lacs.<br />
Il existe plusieurs versions <strong>du</strong> mythe de Kigwa <strong>et</strong> de Gihanga,<br />
dont le contenu varie selon les tendances idéologiques de celui<br />
qui le raconte. Ainsi la version la plus courte, celle de Kadogo,<br />
qui nous a été transmise non seulement en kinyarwanda, mais<br />
même avec l'intonation <strong>du</strong> narrateur 5 !, a, selon les règles de<br />
l'herméneutique, toutes les chances d'être la plus ancienne <strong>et</strong> la<br />
plus authentique. L'existence de c<strong>et</strong>te version qui semble<br />
totalement ignorer l'idéologie hamitique, perm<strong>et</strong> donc de<br />
penser que le mythe de Kigwa ou Kigwi n'était, au départ, qu'un<br />
mythe sur l'origine de toute la population de la région sans<br />
discrimination selon le modèle des mythes semblables tels que<br />
celui de Kintu chez les Baganda <strong>et</strong> celui de Ruhanga au<br />
Karagwe, <strong>et</strong>c. Cela veut donc dire qu'il est antérieur à<br />
l'<strong>et</strong>hnisation de la société rwandaise.<br />
Par contre, parmi les autres versions, il en existe une, très<br />
longue, publiée par le Père Loupias en 1913 uniquement en<br />
français sans le nom de l'informateur <strong>et</strong> qui se caractérise par sa<br />
tournure particulièrement <strong>et</strong>hnisante, car elle fait de Kigwa<br />
l'ancêtre exclusif des Batutsi, contrairement à celle publiée par<br />
51 Les Batwa parlent kinyarwanda avec une intonation particuliète pour se<br />
démarquer des autres groupes de la population.<br />
291
Schumacher <strong>et</strong> selon laquelle Kigwa est l'ancêtre commun de<br />
Gahutu, Gatwa, Gatutsi, censés être les ancêtres respectifs des<br />
trois groupes sociaux rwandais (Bahutu, Batwa <strong>et</strong> Batutsi), ce<br />
qui perm<strong>et</strong>tait de dire:<br />
« Abanyarwanda tun bene Gihanga :<br />
Nous, Rwandais, nous sommes les ms de Gihanga »<br />
(Selon un dictonpopulaire au Rwanda).<br />
C<strong>et</strong>te version semble constituer le véritable mythe fondateur,<br />
ou, pour ainsi dire, le véritable « évangile» Rwandais car il<br />
disait, comme c'est le cas dans la plupart des mythes fondateurs<br />
africains, que tous les hommes sont des frères. Nous avons déjà<br />
souligné l'importance de ces mythes pour la formation de la<br />
conscience nationale d'une <strong>et</strong>hnie ou d'une nation. En<br />
comparant c<strong>et</strong>te version <strong>du</strong> mythe de Kigwi <strong>et</strong> de Gihanga, <strong>et</strong><br />
celle publiée par Loupias, le lecteur averti peut se faire une idée<br />
de la distance qu'il peut y avoir entre deux versions porteuses de<br />
deux ou plusieurs idéologies différentes à partir d'un même<br />
mythe fondateur.<br />
Mythe de Kigwi (Kigwa) selon version de Kadogo publiée par<br />
Schumacher<br />
Texte kinyarwanda (Version de<br />
Kadogo)<br />
Tra<strong>du</strong>ction <strong>du</strong> texte en français<br />
Abantu bambere ni babiri: Kigwi Les premiers hommes éraient un<br />
na Nyaranda, n'intash ibiri; couple: Kigwi <strong>et</strong> Nyaranda <strong>et</strong> deux<br />
baturutse hejuru. hirondelles <strong>et</strong> ils sont tous venus <strong>du</strong><br />
ciel.<br />
Ngo bagere hashi, babyar umwami Arrivés sur la terre, ils donnèrent<br />
w Irwanda: babyara Gihanga naissance au Roi <strong>du</strong> Rwanda: ils<br />
wahanz Urwanda kandi babyara engendrèrent Gihanga,<br />
boshe.<br />
Kigw abyara Gihanga, Gihanga, Kigwi engendra Gihanga, Gihanga<br />
Gihang akabyara Rurema, Rurema engendra à son rour Rurema,<br />
akabyara Gahutu, na Gatutsi, na Rurema lui-même eut trois fUs:<br />
Gatwa, abo kandi bakabyar abantu Gahutu, Gatusti <strong>et</strong> Gatwa qui, à leur<br />
boshe. tour, engendrèrent tous les hommes<br />
292
Kigwi na Gihanga na Rurema Kigwi, Gihanga <strong>et</strong> Rurema sont des<br />
n'Imana alikw atar Imana- Imana mais pas de vrais Imana mais<br />
Nyamana, n Imana zo ha hashi, seulement des Imana terrestres.<br />
abantu boshe babyawe n Imana. Tous les hommes sont enfants<br />
d'Imana.<br />
Abachuzi bo hejuru na bo n abana Les forgerons célestes sont eux-aussi<br />
b Imana, n Imana zo hejuru enfants d'Imana <strong>et</strong> sont eux-mêmes<br />
alikwo atar Imana-Nyamana na des Imana célestes mais ne sont pas<br />
bo. le vrai lmmana non plus.<br />
Kigwi yali umuchuzi, ari mw ijuru Kigwi était un forgeron, vivant au<br />
hamwe n'abandi bachuzi na she ciel avec d'autres forgerons <strong>et</strong> leur<br />
lero, Ruchuzi Bachurira mw ijuru. père Ruchuzi y faisant leur métier de<br />
forgerons.<br />
Kigwi achura neja, ashimwa na Kigwi excellait dans ce métier de<br />
rubanda, benewabo baramwanga forgeron de telle façon que le peuple<br />
ngo bamwite. le louait, tandis que ses proches<br />
parents lui en voulaient à mort <strong>et</strong><br />
cherchaient à le ruer.<br />
Sharamumenesha, niko kugwa ha Son père le fit partir en secr<strong>et</strong> <strong>et</strong> il<br />
hashi, hamwe na mushiki we tomba ici sur terre avec sa soeur,<br />
Nyaranda, hamwe n intasha na Nyiranda <strong>et</strong> un couple d'hirondelles.<br />
mushiki wayo.<br />
Asanga hashi ntakiriho, nta nka, Il ne trouva rien sur la terre ni<br />
nta ntama, na byo biva ha hashi, vaches ni moutons qui sont des êtres<br />
abanru bava hejuru. subchtonienns (?), ni hommes<br />
puisque ceux-ci ne viennent que <strong>du</strong><br />
ciel.<br />
Njkw intasha gufata mushiki L'hirondelle prit sa soeur <strong>et</strong> ils<br />
wayo, irabyara. eurent des p<strong>et</strong>its.<br />
Kigwa abonye intasha zibyaye Lorsque Kigwi vit que les hirondelles<br />
aratangara, ati nanje ndyamanye avaient des p<strong>et</strong>its, il s'en étotma <strong>et</strong><br />
na mushiki wanjye. dit: moi aussi je vais connaître ma<br />
soeur.<br />
Kigwa niko gufata Nyaranda, ari Kigwi prit alors Nyaranda, sa soeur<br />
mushiki we, niko kubyara <strong>et</strong> ils donnèrent naissance à<br />
Gihanga ari we yahanz Urwanda Gihanga, le Fondateur <strong>du</strong> Rwanda.<br />
Rurema wa Gihanga abyara Rurema, fils de Gihanga engendra<br />
Gahutu, na Garutsi, na Gatwa abo Gahutu, Gatutsi <strong>et</strong> Gatwa qui<br />
293
kandi bakabyar abantu boshe engendrèrent tous les hommes.<br />
L'importance de ce grand mythe fondateur dans le maintien<br />
<strong>et</strong> le renforcement de la cohésion nationale a été méconnue par<br />
les idéologies coloniales internalisées par les intellectuels <strong>et</strong><br />
politiciens rwandais eux-mêmes <strong>et</strong> cela a eu des conséquences<br />
néfastes depuis la crise de 1959 qui a con<strong>du</strong>it à l'implosion de la<br />
société rwandaise en 1994. C<strong>et</strong>te implosion de la société<br />
rwandaise a été initiée par la négation <strong>et</strong> le rej<strong>et</strong> de l'unité<br />
fraternelle des trois castes composant le Rwanda, abusivement<br />
transformées en races ou <strong>et</strong>hnies d'origines totalement<br />
différentes par des théories anthropologiques importées telles<br />
que le mythe hamitique comme le décrit Maniragaba Balibutsa<br />
dans l'Archéologie de la violence en Afrique des Grands Lacs.<br />
294
Tradition <strong>et</strong> Légende des Batutsi sur la Création<br />
Du Monde <strong>et</strong>leur Etablissement au Ruanda.<br />
2.1. Création <strong>du</strong> Ciel <strong>et</strong> de la terre. Bonheur <strong>du</strong> Ciel<br />
Imana (Dieu) a d'abord créé deux pays, celui d'en haut, par<br />
dessus les nuages, le soleil <strong>et</strong> les étoiles, <strong>et</strong> le pays d'en bas, qu'il<br />
fit sur le modèle de celui d'en haut, mais sans beauté ni<br />
bonheur. C'est la terre que nous habitons, pays de misère, de<br />
souffrance, de travail <strong>et</strong> de révolte.<br />
Avant c<strong>et</strong>te double création, il n'y avait rien. Imana existait<br />
seul.<br />
Au Ciel Imana créa toute espèce de plantes <strong>et</strong> d'arbres utiles<br />
<strong>et</strong> agréables <strong>et</strong> de chaque animal le frère <strong>et</strong> la sœur. Ils vivaient<br />
au Ciel dans la familiarité d'Imana <strong>et</strong> jouissaient sans travail de<br />
toutes les plantes <strong>et</strong> de tous les animaux créés. La souffrance <strong>et</strong><br />
la maladie leur étaient inconnues.<br />
2.2. La Chute<br />
La femme stérile. - Après de nombreuses années écoulées, les<br />
hommes s'étaient multipliés, il y avait dans le Paradis un<br />
homme <strong>et</strong> une femme dont le bonheur n'était pas compl<strong>et</strong>. Ils<br />
n'avaient pas d'enfants pour jouir de leurs biens <strong>et</strong> fonder une<br />
famille, car la femme était stérile. C<strong>et</strong>te femme prépara un<br />
cadeau de miel, de pombé (bière indigène), de lait, de beurre <strong>et</strong><br />
de peaux d'animaux sauvages, <strong>et</strong> s'en alla chez le Créateur.<br />
Arrivée en sa présence, elle frappa trois fois les mains <strong>et</strong> lui dit:<br />
«Imana, tu nous a créés, <strong>et</strong> tu nous a donné toutes choses, le<br />
taureau <strong>et</strong> sa sœur, le bélier <strong>et</strong> sa sœur, le coq <strong>et</strong> sa sœur <strong>et</strong> de<br />
tout animal le frère <strong>et</strong> la sœur, pour qu'ils se repro<strong>du</strong>isent, se<br />
multiplient <strong>et</strong> nous servent. Je t'offre ce cadeau composé des<br />
choses que tu nous as données. Tu as tout fait, tu es toutpuissant,<br />
tout est à toi; tu es bon, généreux <strong>et</strong> tu nous aimes.<br />
Ecoute la prière de ta fùle: Elle n'a point d'enfants, tandis que<br />
tout ce que tu as créé en pro<strong>du</strong>it. Accorde-moi ce bonheur ».<br />
295
Naissance, de Kigwa. - Imana fut touché:
Imana, lui dit-elle, tu m'as donné deux garçons, mais je n'ai pas<br />
encore de fille. Toi qui es bon <strong>et</strong> généreux, donne-moi une<br />
fille ». lmana ne rej<strong>et</strong>te pas sa demande. Il façonne le corps<br />
d'une fille, la donne à Nyinakigwa, qui l'emporte, la m<strong>et</strong> dans<br />
<strong>du</strong> lait qu'elle renouvelle deux fois par jour. Quand l'enfant fut<br />
formé, la mère avertit son mari qu'elle va enfanter, <strong>et</strong> tandis que<br />
celui-ci se rend aux champs chercher <strong>du</strong> bois <strong>et</strong> des légumes<br />
pour le ménage, elle r<strong>et</strong>ire l'enfant, le lave, l'allaite, <strong>et</strong> quand le<br />
mari rentre, elle le lui montre. C'était une fille. Elle fut appelée<br />
Nyinabatutsi.<br />
Des années s'écoulèrent, les enfants grandirent. Ils n'avaient<br />
pas leurs pareils dans les environs, en intelligence <strong>et</strong> beauté.<br />
C'étaient des enfants d'Imana.. Kigwa <strong>et</strong> Lututsi<br />
accompagnaient leur père à la chasse <strong>et</strong> ni leurs flèches ni leurs<br />
lances ne frappaient en vain. Ils tuaient beaucoup de gibier.<br />
Leur sœur Nyinabatutsi restait au foyer auprès de sa mère. Elle<br />
faisait de plus belles nattes, tressait de plus belles corbeilles que<br />
ses compagnes, <strong>et</strong> il ne se trouvait pas de beurre comparable à<br />
celui qu'elle préparait. Tout le monde était dans l'admiration <strong>et</strong><br />
félicitait les heureux parents.<br />
La faute. - Nyinakigwa avait une sœur qui, elle aussi, était<br />
stérile. Voyant Nyinakigwa devenue trois fois mère, elle en fut<br />
jalouse. Mais ce qui l'intriguait surtout, c'est qu'avant la<br />
naissance des enfants elle n'avait rien remarqué dans l'état de<br />
sa sœur. Elle soupçonna quelque mystère <strong>et</strong> voulant le connaître<br />
à tout prix, elle n'épargna ni caresses ni cadeaux; tout fut<br />
inutile: Nyinakigwa restait fidèle à sa promesse <strong>et</strong> disait qu'elle<br />
avait eu les enfants de son mari comme toutes les mères.<br />
Un jour, cependant, les deux soeurs ayant bu ensemble <strong>du</strong><br />
pombé, Nyinakigwa s'enivra, <strong>et</strong> dans son ivresse perdit toute<br />
discrétion : «0 fille de ma mère, dit-elle à sa sœur, il y a si<br />
longtemps que tu me questionnes sur mes enfants; aujourd'hui<br />
je vais te dire la vérité. Je ne te cacherai plus mon secr<strong>et</strong>. Du<br />
temps que j'étais sans enfants, j'étais triste. J'allai un jour chez<br />
Imana lui en demander <strong>et</strong> mes prières en obtinrent. Trois fois<br />
j'ai été le trouver dans ce but <strong>et</strong> trois fois il m'a exaucée. Il<br />
297
prenait de la terre, la mouillait de salive <strong>et</strong> l'ayant pétrie, il en<br />
formait le corps d'un enfant <strong>et</strong> me le donnait. Je plaçais c<strong>et</strong>te<br />
figure dans un vase, que je remplissais de lait matin <strong>et</strong> soir.<br />
Quand l'enfant était formé je le r<strong>et</strong>irais de son bain <strong>et</strong> je disais à<br />
mon mari <strong>et</strong> aux voisins que j'avais enfanté, car Imana m'avait<br />
défen<strong>du</strong> de violer le secr<strong>et</strong> ».<br />
L'entr<strong>et</strong>ien se prolongea longtemps dans la nuit; enfin elles<br />
s'endormirent côte à côte.<br />
Le lendemain avant le jour, Kigwa <strong>et</strong> Lututsi prirent leurs<br />
armes <strong>et</strong> s'en allèrent avec leur père à la forêt. laissant leur mère<br />
<strong>et</strong> leur tante endormies. C<strong>et</strong>te dernière ne tarda pas à s'éveiller.<br />
Tout entière à son proj<strong>et</strong>, elle part sans même avertir à sa sœur,<br />
prenant seulement congé de sa nièce, qui avait assisté à la<br />
conversation de la veille. Elle était pressée de préparer un<br />
cadeau <strong>et</strong> d'aller chez Imana demander des enfants.<br />
Nyinakigwa se leva enfin. Elle fut étonnée <strong>du</strong> départ rapide<br />
de sa sœur <strong>et</strong> demanda à Nyinabatutsi pourquoi elle n'avait pas<br />
voulu attendre. Celle-ci répondit: «Maman, elle a été préparer<br />
un cadeau pour porter aujourd'hui à Imana ». La mère se<br />
rappelle son indiscrétion de la veille. «J'ai tué mes enfants, ditelle,<br />
en pleurant <strong>et</strong> se déchirant la figure avec des ongles. J'ai<br />
offensé Imana, j'ai tué mes enfants» <strong>et</strong> folle de douleur elle<br />
court chez sa sœur:<br />
- «Enfant de ma mère lui dit-elle, j'ai commis un grand<br />
péché.J'ai violé le secr<strong>et</strong> d'Imana.J'ai tué mes enfants ».<br />
- «La faute <strong>et</strong> la douleur sont pour toi seule ; pour moi je<br />
suis heureuse de savoir ton secr<strong>et</strong>. J'irai, moi aussi, demandé des<br />
enfants à Imana <strong>et</strong> il m'en donnera ».<br />
- « Ma p<strong>et</strong>ite sœur, enfant de ma mère, ne fais point cela, ne<br />
vas dire à Imana que je l'ai trahi ».<br />
- «Pourquoi n'irais-je pas» ?<br />
298
-« Penses-tu qu'Imana irrité veuille t'exaucer? Ma faute<br />
n'est-elle pas la tienne ? Moi j'irai cl' abord <strong>et</strong>, s'il n'a pas<br />
enten<strong>du</strong> nos paroles de la nuit, tu iras ensuite ».<br />
C<strong>et</strong> accommodement fut accepté.<br />
La Sentence de condamnation. - Nyinakigwa prépare son<br />
cadeau <strong>et</strong> va chez Imana, le roi <strong>du</strong> ciel qu'elle trouve courroucé.<br />
Elle n'ose approcher. Imana l'appelle; elle se présente <strong>et</strong> salue<br />
en frappant des mains: «Avec qui as-tu parlé? lui dit-il aussitôt.<br />
Tu as violé mon secr<strong>et</strong>. Tes enfants te seront enlevés, ils iront<br />
dans le pays d'en bas souffrir <strong>et</strong> travailler. Ton cadeau, je le<br />
refuse. L'obéissance m'honore mieux que l'offrande des choses<br />
que j'ai créées ».<br />
Nyinakigwa repartit en pleurant.<br />
La punition. 1. La. fatigue <strong>et</strong> le chagrin. - Entre temps, Kigwa <strong>et</strong><br />
Lututsi étaient revenus de la chasse <strong>et</strong> avaient trouvé leur sœur<br />
assise sur une natte dans la cour. lis la saluèrent <strong>et</strong> s'assirent à<br />
côté d'elle. Les voyant tristes, Nyinabatutsi éprouva une grande<br />
peine. Elle essaie de les consoler, les caresse, essuie la sueur de<br />
leur visage <strong>et</strong> frise les tresses de leurs cheveux. Elle leur<br />
demande des nouvelles de leur chasse, pourquoi ils sont rentrés<br />
si tôt, sans gibier, sans leur père. Kigwa <strong>et</strong> Lututsi lui racontent<br />
brièvement que la chasse les a fatigués, que les bêtes fuyaient à<br />
leur approche, que ne pouvant les suivre, ils sont revenus sans<br />
aucune proie.<br />
A leur tour ils demandèrent où était leur mère. Nyinabatutsi<br />
leur raconta tout ce qui était arrivé depuis la conversation<br />
sacrilège de la veille. lis pleuraient en l'écoutant. «Imana va<br />
nous punir. Que deviendrons-nous» ?<br />
Expulsion <strong>du</strong> Ciel. - Ils causaient encore quand la mère revint.<br />
En la voyant, ils cachèrent leur émotion <strong>et</strong> leurs larmes.<br />
Nyinakigwa fut tout étonnée de rencontrer ses enfants:<br />
- «Comment, dit-elle, vous voilà de r<strong>et</strong>our? Vous avez <strong>du</strong><br />
moins fait une bonne chasse» ?<br />
299
- «Les bêtes, lui dirent-ils, sont devenues sauvages. Elles<br />
fuyaient à notre approche <strong>et</strong> nous étions sans forces <strong>et</strong> sans<br />
jambes pour les suivre. Notre père cependant n'éprouvait<br />
aucune difficulté, nous l'avons laissé seul poursuivre les<br />
antilopes <strong>et</strong> bientôt nous ne l'avons plus aperçu. Les autres<br />
jours, il n'en était pas ainsi, nos jambes ne refusaient pas d'aller<br />
<strong>et</strong> notre corps était alerte. Aujourd 1hui nous nous traînions<br />
sans forces, nous étions essoufflés, <strong>et</strong> une eau mauvaise coulait<br />
de tous nos membres, tandis que intérieurement nous<br />
mourions de soif. Un sort pesait sur nous ».<br />
- «Reposez-vous, mes enfants, <strong>et</strong> qu'Imana vous fasse<br />
grâce» !<br />
Et elle leur offrit <strong>du</strong> lait. Ils burent avec avidité <strong>et</strong> se<br />
sentirent réconfortés. Nyinakigwa reprend le vase <strong>et</strong> va le placer<br />
dans la maison. Pendant ce temps, un grand bruit se fait<br />
entendre, le sol tremble. C'est l'heure <strong>du</strong> châtiment. La mère<br />
sort de la hutte <strong>et</strong> voit la natte sur laquelle sont assis les trois<br />
enfants se balancer <strong>et</strong> s'enliser; mais elle n'a pas fait trois pas<br />
que la natte <strong>et</strong> les enfants ont déjà disparu <strong>et</strong> au-dessus de leur<br />
tête le sol est devenu ferme. La mère pleure <strong>et</strong> pleure beaucoup<br />
<strong>et</strong> longtemps. Elle se couche sur l'endroit où avaient disparu ses<br />
enfants <strong>et</strong> y reste toute la soirée <strong>et</strong> toute la nuit pleurant <strong>et</strong> se<br />
lamentant. Qu'ai-je fait de mes enfants, malheureuse mère que<br />
je suis?Je les ai per<strong>du</strong>s. lis sont partis pour le pays <strong>du</strong> travail <strong>et</strong><br />
de la souffrance. Imana m'a bien punie de mon péché. Que<br />
deviendrai-je sans mes enfants? Que n'ai-je pu les accompagner<br />
? Pourquoi ont-ils été punis à ma place? Mes enfants, c'est moi<br />
qui suis coupable <strong>et</strong> vous, pauvres innocents, vous expiez ma<br />
faute! Que faites-vous au pays d'en bas? Y-avez-vous trouvé des<br />
vaches, des oiseaux ? Y-a-t-il des bananes <strong>et</strong> des légumes ?<br />
Toutes les choses belles c'est au ciel qu'Imana les a placées. Làbas,<br />
il me l'a dit, c'est la misère, la faim, la soif, <strong>et</strong> le travail. Oh<br />
! Mes enfants, c'est moi, votre mère, qui vous ai rué ». Et elle<br />
pleurait.<br />
300
La promesse de pardon. - Elle pleurait encore quand le<br />
lendemain survint sa sœur, impatiente de connaître la réponse<br />
d'Imana. Elle vit Nyinakigwa couchée <strong>et</strong> se lamentant. Elle<br />
comprit qu'un grand malheur l'avait frappée <strong>et</strong> fut touchée de<br />
compassion.<br />
Nyinakigwa l'invectiva <strong>du</strong>rement:<br />
- «Maudite qui m'as tentée. Que ton sein reste stérile, <strong>et</strong> que<br />
tes bras ne portent jamais un enfant» !<br />
- «Fille de ma mère, pourquoi m'insultes-tu? C'est vrai, j'ai<br />
été la cause de ton péché, mais ne suis-je pas atteinte par le<br />
châtiment ? Tu as eu des enfants, tu as été heureuse <strong>et</strong><br />
aujourd'hui qu'ils ne sont plus, tu es malheureuse, tu les<br />
pleures; mais moi, est-ce que j'ai été heureuse un seul jour? Et<br />
le serai-je jamais? Je n'ai pas eu d'enfants <strong>et</strong> suis sans espoir<br />
d'en avoir. Fille de ma mère, Imana est bon, il punit <strong>et</strong><br />
pardonne. Va le trouver, je t'accompagnerai, <strong>et</strong> nos prières<br />
l'adouciront ».<br />
Elles partirent emportant chacune son cadeau. Imana ne les<br />
repoussa pas, les laissa exposer leur cause <strong>et</strong> parut touché. Il<br />
promit d'avoir pitié des enfants <strong>et</strong> d'améliorer leur sort : il<br />
permit même à leur mère de les voir de temps en temps à travers<br />
une fente <strong>du</strong> ciel. Tout ce qu'elle demanderait pour eux, il le<br />
leur accorderait. li ajouta qu'un jour leur grâce serait complète<br />
<strong>et</strong> qu'ils r<strong>et</strong>ourneraient au ciel à la condition toutefois de ne pas<br />
l'oublier.<br />
C'est sur c<strong>et</strong>te promesse qu'est fondée la coutume de ne pas<br />
enterrer les rois <strong>du</strong> Ruanda. Après leur mort, le cadavre est<br />
exposé dans la hutte sur une natte soutenue par des traverses<br />
attachées aux piliers de la maison. En des<strong>sous</strong> de la natte on fait<br />
<strong>du</strong> feu avec des bois odoriférants. Le cadavre sèche (se momifie).<br />
L'apparition <strong>du</strong> premier ver est le signe que le muzimu (l'esprit)<br />
<strong>du</strong> roi a fini son exil. On brûle alors la hutte <strong>et</strong> on entr<strong>et</strong>ient le<br />
feu jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien.<br />
301
Le roi est r<strong>et</strong>ourné au ciel.<br />
Nous Batutsi, nous sommes les enfants d'Imana. Notre père<br />
est venu <strong>du</strong> ciel. Il nous a punis pour un temps, mais il nous a<br />
promis le pardon. Les Bahutu <strong>et</strong> les Batwa ont été chassés <strong>du</strong><br />
ciel avant nous <strong>et</strong> Imana a refusé de leur pardonner. S'ils<br />
jouissent aujourd'hui de quelque bien-être, c'est nous qui le<br />
leur avons procuré. Le roi <strong>et</strong> les Batutsi sont le coeur <strong>du</strong> pays. Si<br />
les Bahutu nous chassaient, ils perdraient tous leurs biens, <strong>et</strong><br />
Imana les punirait.<br />
C'est parce que nous sommes les enfants d'Imana que nous<br />
ne nous initions pas à Lyangombe. Nous laissons ce travail aux<br />
Bahutu. Les Batutsi qui le font violent leurs traditions. Ni le roi,<br />
ni les grands Batutsi ne peuvent être imandwa.<br />
2.3. L'Etablissement au Ruanda.<br />
Arrivée sur terre. - Kigwa, son frère <strong>et</strong> sa sœur traversèrent la<br />
voûte <strong>du</strong> ciel, passèrent à travers les étoiles, à côté <strong>du</strong> ciel, <strong>et</strong><br />
descendant, descendant toujours, ils tombèrent dans le Buganza<br />
(Province de Ruanda) à côté de la Kagera, sur une colline en face<br />
<strong>du</strong> Karagwe. Chassés <strong>du</strong> Paradis, ils eurent beaucoup de peine à<br />
s'habituer sur la terre. Ils n'y trouvèrent aucune des plantes, ni<br />
aucun des animaux dont ils. se nourrissaient au ciel. Ils<br />
n'avaient donc ni vaches, ni chèvres, ni oiseaux, ni semence, ils<br />
n'avaient apporté ni serpe, ni couteau, ni pioche, ni lance ni<br />
flèche. De tout ce qu'ils possédaient au ciel, ils n'avaient rien<br />
emporté, tant leur chute avait été subite. Ainsi abandonnés, ils<br />
pleuraient. Ils avaient froid <strong>et</strong> ils n'avaient pas de feu pour se<br />
chauffer, ils avaient faim <strong>et</strong> ils ne trouvaient rien de bon à<br />
manger. Ils <strong>du</strong>rent se nourrir d'herbes amères qui poussaient<br />
dans le pays. Néanmoins ils ne perdirent pas le courage. Avec<br />
des branches qu'ils cassaient de leurs mains, <strong>et</strong> des herbes qu'ils<br />
arrachaient dans les champs, ils se construisirent une p<strong>et</strong>ite<br />
hutte pour s'y défendre <strong>du</strong> froid <strong>et</strong> des bêtes, car des animaux<br />
féroces rôdaient dans le pays <strong>et</strong> voulaient les dévorer.<br />
302
Le feu tombe <strong>du</strong> ciel. -Après dix jours de souffrance, malades,<br />
exténués par la faim <strong>et</strong> le froid, ils pensaient mourir. lis<br />
s'adressèrent à Imana leur père: « Imana <strong>du</strong> Ruanda, ayez pitié<br />
de nous, pardonnez-nous ». Tandis qu'ils prièrent, un grand<br />
bruit se fit entendre. Ils crurent que c'était le vent qui soufflait<br />
dans les arbres, ils levèrent la tête <strong>et</strong> leurs yeux furent éblouis:<br />
Un éclair, tombait <strong>du</strong> ciel devant eux. C'était le feu. «Notre père<br />
a eu pitié de nous », dirent-ils, <strong>et</strong> ils s'emparèrent <strong>du</strong> feu <strong>et</strong> le<br />
cachèrent dans les arbres de la forêt. Depuis, le bois brûle <strong>et</strong> les<br />
Batwa, à qui Kigwa fit connaître le feu, savent le faire sortir <strong>et</strong><br />
brûler.<br />
La semence céleste. - Trois jours après, Kigwa, Lututsi <strong>et</strong> leur<br />
sœur étaient devant leur hutte se chauffant <strong>et</strong> causant des belles<br />
choses dont ils avaient joui autrefois, quand tout à coup le ciel<br />
se fendit <strong>et</strong>, les tines après les autres, les graines des plantes <strong>du</strong><br />
paradis tombèrent devant eux par p<strong>et</strong>its tas. C'étaient des<br />
haricots, des bananes, <strong>du</strong> sorgho <strong>et</strong> tous les légumes qui sont<br />
cultivés au Ruanda.. A c<strong>et</strong>te vue ils se réjouirent <strong>et</strong> remercièrent<br />
Imana.<br />
Les instruments de travail. - Quelques jours après, le ciel<br />
s'ouvrit de nouveau <strong>et</strong> devant eux tomba un marteau de forge<br />
suivi d'un souffl<strong>et</strong>. «C'est Imana qui nous les envoie », direntils<br />
<strong>et</strong> ils s'emparèrent de ces obj<strong>et</strong>s. Un instant après, le ciel<br />
s'entrouvrit encore <strong>et</strong> un fer tranchant <strong>et</strong> recourbé, terminé par<br />
une longue tige garnie d'un manche en bois, tomba: c'était une<br />
serpe. Un autre fer large comme les deux mains réunies mais<br />
plus mince <strong>et</strong> terminé par un fer de trois doigts de largeur <strong>et</strong><br />
long d'un demi-empan le suivait. C'était une pioche. Enfin<br />
tomba un bois travaillé en forme de casse-tête <strong>et</strong> percé d'une<br />
fente transversale où s'adaptait exactement l'extrémité de la<br />
pioche. C'était le manche. Ils ramassèrent ces outils,<br />
remercièrent Imana leur père <strong>et</strong> se mirent au travail. Kigwa<br />
coupait l'herbe, Lututsi piochait, <strong>et</strong> Nyinabatutsi semait les<br />
graines tombées <strong>du</strong> ciel. Le lendemain les graines avaient déjà<br />
levé, <strong>et</strong> quelques jours après, ils firent leur première récolte. Il<br />
n'yen a pas eu depuis ni de si rapides, ni de si abondantes. Les<br />
303
grains récoltés furent de nouveau confiés à la terre, <strong>et</strong> les<br />
champs, autour de leur hutte, défrichés.<br />
Les premiers habitants <strong>du</strong> Ruanda. - Il Y avait déjà au Ruanda<br />
trois familles: les Basinga, les Bagesera <strong>et</strong> les Bazigaba. Dans la<br />
forêt, il y avait aussi les Batwa. Tous ces hommes venaient <strong>du</strong><br />
ciel, d'où leurs ancêtres avaient été chassés autrefois pour une<br />
grande faute. Ils n'avaient pas demandé leur pardon <strong>et</strong> Imana<br />
les avait laissés jusqu'alors dans le plus misérable état. Ils<br />
vivaient de feuilles d'arbre <strong>et</strong> de l'herbe des champs. Kigwa,<br />
Lututsi <strong>et</strong> Nyinabatutsi s'en nourrirent les quinze premiers<br />
jours, mais c<strong>et</strong>te nourriture était amère. Il fallait beaucoup<br />
travailler pour la trouver <strong>et</strong> elle ne rassasiait pas. Elle<br />
prolongeait la souffrance <strong>et</strong> conservait pendant quelque temps<br />
une vie malheureuse.<br />
Kigwa devient chef<strong>du</strong> pays. - Or un jour un Muzigaba cherchait<br />
sa nourriture. Il aperçut une colonne de fumée sortant de la<br />
hutte de Kigwa. Il s'approcha pour examiner <strong>et</strong> voir de plus près<br />
le phénomène, car il croyait que c'était un nuage. Il ne<br />
connaissait pas encore le feu. Il remarqua aux environs de la<br />
hutte des champs bien cultivés, des herbes <strong>et</strong> des plantes qu'il<br />
n'avait pas vues ailleurs. Il fut étonné. Puis il vit travaillant dans<br />
un coin <strong>du</strong> champ trois personnes qu'il ne connaissait pas.<br />
C'étaient Kigwa, Lututsi <strong>et</strong> leur sœur. li les interpella :<br />
«Hommes étrangers, que faites-vous ici» ? Les enfants d'Imana<br />
se r<strong>et</strong>ournèrent pour voir qui les appelait <strong>et</strong> aperçurent le<br />
Muzigaba. Comment ? Se dirent-ils, il y a ici des hommes <strong>et</strong><br />
nous ne le savions pas ? Puis s'adressant au nouveau venu,<br />
Kigwa lui demanda où il habitait <strong>et</strong> ce qu'il faisait dans le pays.<br />
La conversation s'engagea avec lui. Kigwa lui raconta qu'il<br />
arrivait <strong>du</strong> ciel, que les plantes qu'il cultivait, le Créateur les<br />
leur avait données en nourriture. Le Muzigaba demanda à y<br />
goûter.<br />
Kigwa <strong>et</strong> Lututsi le r<strong>et</strong>inrent. pour manger avec eux. En<br />
attendant que le repas fut prêt, Kigwa <strong>et</strong> Lututsi lui montrèrent<br />
leurs instruments <strong>et</strong> la manière de s'en servir. Tout<br />
304
l'émerveillait. le feu, la pioche, la serpe, <strong>et</strong> surtout ce que ses<br />
hôtes lui racontaient <strong>du</strong> pays d'en haut, <strong>du</strong> ciel.<br />
Nyinabatutsi, pendant ce temps, préparait le dîner: il trouva<br />
la nourriture excellente <strong>et</strong> pria Kigwa de lui en donner un peu<br />
pour la porter à ceux de sa famille. Kigwa en donna à son hôte<br />
qui repartit enchanter. U raconta aux gens de sa tribu qu'il avait<br />
vu des hommes nouveaux <strong>et</strong> des choses merveilleuses, <strong>et</strong> leur fit<br />
goûter les vivres que lui avait donnés Kigwa. Il fut décidé d'un<br />
commun accord qu'ils iraient le lendemain chez Kigwa pour<br />
voir les hommes d'Imana <strong>et</strong> pour demander des bonnes choses<br />
qu'ils possédaient. Le lendemain, ils se rendirent tous chez<br />
Kigwa, qui les accueillit avec bonté <strong>et</strong> leur distribua quelque<br />
nourriture. Us s'en allèrent contents. Quelques jours après, ils<br />
firent à Kigwa une nouvelle visite <strong>et</strong> le prièrent de leur donner<br />
encore de sa bonne nourriture. Kigwa voulait bien les satisfaire,<br />
mais ses provisions ne suffisaient pas pour tout le monde. Il<br />
leur dit que s'ils voulaient l'aider à cultiver, il leur donnerait de<br />
la semence. Ils acceptèrent; Kigwa leur prêta sa pioche <strong>et</strong> sa<br />
serpe à condition qu'ils cultivent ses champs. La récolte des<br />
Bazigaba fut superbe. Ils étaient dans l'abondance. Les Basinga<br />
<strong>et</strong> les Bagesera apprenant que leurs voisins avaient eu de belles<br />
récoltes, ils n'étaient plus tourmentés par la faim, allèrent, eux<br />
aussi, chez Kigwa lui demander la semence <strong>et</strong> la pioche. Kigwa<br />
agit avec eux comme il avait agi avec les Bazigaba. C'est ainsi<br />
qu'il devint le chef des uns <strong>et</strong> des autres <strong>et</strong> fut reconnu roi <strong>du</strong><br />
Ruanda.<br />
Mais la pioche s'usait. Kigwa <strong>et</strong> Lututsi cherchèrent <strong>du</strong><br />
minerai, le fondirent <strong>et</strong> forgèrent d'autres pioches sur le modèle<br />
de celle qui était tombée <strong>du</strong> ciel; puis coupant des branches<br />
d'arbre, ils emmanchèrent ces pioches <strong>et</strong> donnèrent à leurs<br />
suj<strong>et</strong>s. On vint en demander de toutes parts. Chacun voulait<br />
avoir la sienne <strong>et</strong> cultiver. Kigwa <strong>et</strong> Lututsi voyant qu'ils ne<br />
suffiraient pas, eux seuls, à fabriquer toutes les pioches<br />
nécessaires firent connaître le fer aux Bahutu <strong>et</strong> leur apprirent à<br />
forger. Depuis, les Bahutu forgent eux-mêmes. les pioches <strong>du</strong><br />
Ruanda.<br />
305
Les Batwa, qui vivent dans la forêt, vinrent également voir<br />
Kigwa <strong>et</strong> lui demandèrent de les protéger contre les bêtes<br />
féroces. Kigwa <strong>et</strong> Lututsi leur donnèrent des lances, leur<br />
apprirent à fabriquer arcs <strong>et</strong> flèches <strong>et</strong> les rendirent ainsi leurs<br />
tributaires.<br />
2.4. Le Mutabav<br />
Un envoyé <strong>du</strong> ciel. - Kigwa, son frère <strong>et</strong> sa sœur n'étaient pas<br />
encore mariés. Ils n'avaient trouvé personne de leur race avec<br />
qui s'unir. Ils ne savaient que faire. Devaient-ils rester ensemble<br />
ou bien prendre des fiancées chez les Bahutu <strong>du</strong> pays <strong>et</strong> leur<br />
donner Nyinabatutsi. Ils consultèrent Imana <strong>et</strong> leur confiance<br />
ne fut pas trompée. A la fin de leur prière, la foudre gronda <strong>et</strong><br />
un homme <strong>du</strong> ciel tomba devant eux. Les trois enfants furent<br />
effrayé, mais l'envoyé d'Imana les rassura. «Ne craignez pas,<br />
leur dit-il. C'est Imana qui m'envoie vers vous. Je suis son<br />
envoyé. Je serai votre médiateur. Vos désirs <strong>et</strong> vos prières, je les<br />
présenterai à Imana, <strong>et</strong> si ce que vous demandez est bon, Imana<br />
vous l'accordera». Kigwa, Lututsi <strong>et</strong> leur sœur voyant qu'il ne<br />
leur faisait aucun mal se rassurèrent. Ils racontèrent leurs<br />
souffrances au Mutabazi, ils lui dirent qu'ils manquaient de<br />
tout. «Envoyé d'Imana, lui dit Kigwa, que pouvons-nous<br />
désirer? Le ciel nous est fermé, tu es le premier qui viens nous<br />
donner des nouvelles de notre pays d'en haut. Puisque Imana a<br />
eu pitié de nous, qu'il t'a envoyé pour nous sauver, dis-lui que<br />
nous souffrons, que nous n'avons ni bœufs, ni chèvres, ni<br />
moutons, que le coq ne nous avertit plus quand la nuit va finir,<br />
qu'aucun oiseau ne chante dans les arbres avant le lever <strong>du</strong><br />
soleil, que de notre race il n'y a aucune famille où nous<br />
puissions demander des fiancées <strong>et</strong> placer notre sœur. Dis-lui<br />
que nous sommes tristes d'être exilés, mais reconnaissants des<br />
dons qu'il nous a faits. Dis à notre mère que la misère nous tue;<br />
qu'elle demande à Imana notre pardon ».<br />
Arrivée des animaux. Multiplicamini. - Le Mutabazi repartit<br />
pour le ciel <strong>et</strong> la foudre qui l'avait amené sur la terre le<br />
remporta chez Imana. Il lui raconta ce que Kigwa lui avait dit. Il<br />
Y eut alors conseil au ciel. La mère de Kigwa fut appelée <strong>et</strong><br />
306
plaida pour ses enfants. Le Mutabazi parla lui aussi en leur<br />
faveur. Imana rappela à Nyinakigwa la promesse qu'il lui avait<br />
faite après le châtiment. «Tes trois enfants ne seront pas<br />
oubliés. l'ai eu pitié d'eux, j'ai déjà adouci .leur sort. Je les ai<br />
sauvés de la famine en leur envoyant les plantes d'ici, je vais dès<br />
à présent leur envoyer les animaux dont ils ont besoin ». Il<br />
commanda au Mutabazi de lui amener un couple de chaque<br />
animal <strong>et</strong> oiseau <strong>du</strong> paradis. Quand ils furent rassemblés,<br />
Imana chargea le Mutabazi de les con<strong>du</strong>ire dans le pays d'en bas<br />
<strong>et</strong> d'annoncer à Kigwa. ces paroles : «Taureau <strong>et</strong> sa sœur<br />
multipliez-vous », <strong>et</strong> le Mutabazi plaçait le taureau <strong>et</strong> sa sœur<br />
sur la foudre, qui devait l'amener en bas. Imana continuait:<br />
«Bélier <strong>et</strong> sa sœur, multipliez-vous, chevreau <strong>et</strong> sa sœur<br />
multipliez-vous, coq <strong>et</strong> sa sœur multipliez-vous, grue <strong>et</strong> sa sœur<br />
multipliez-vous, bergeronn<strong>et</strong>te <strong>et</strong> sa sœur multipliez-vous» <strong>et</strong><br />
sur chaque couple passant devant lui il disait ces paroles: Frère<br />
<strong>et</strong> sœur multipliez-vous» <strong>et</strong> au fur <strong>et</strong> à mesure qu'il les<br />
nommait, il les plaçait sur la foudre qui les emportait aussitôt.<br />
Quand tous les animaux <strong>et</strong> tous les oiseaux eurent défilé, Imana<br />
ajouta: «Kigwa <strong>et</strong> sa sœur multipliez-vous.» Le Mutabazi monta<br />
de nouveau sur la foudre <strong>et</strong> suivit le défilé. Kigwa <strong>et</strong> Lututsi en<br />
voyant revenir le Mutabazi avec toute espèce d'animaux <strong>et</strong><br />
d'oiseaux se réjouirent <strong>et</strong> le félicitèrent. L'envoyé d'Imana leur<br />
rapporta les paroles d'Imana <strong>et</strong> leur montrant chaque animal, il<br />
disait : Taureau <strong>et</strong> sa sœur multipliez-vous, frère <strong>et</strong> sœur<br />
multipliez-vous, mâle <strong>et</strong> femelle multipliez-vous» ; puis<br />
s'adressant à Kigwa <strong>et</strong> à Nyinabatutsi, il ajouta: «Kigwa <strong>et</strong> sa<br />
sœur, multipliez-vous ». Kigwa se récria <strong>et</strong> dit qu'il n'épouserait<br />
pas sa soeur, que si Lututsi voulait la prendre, elle serait sa<br />
femme. Mais le Mutabazi reprit : «Mes enfants, nous devons<br />
accepter les paroles d'Imana sans les contredire. Il a dit: Kigwa<br />
<strong>et</strong> sa soeur multipliez-vous, obéissez à son commandement <strong>et</strong><br />
que Nyinabatutsi soit la femme de Kigwa ». Kigwa dit alors :<br />
«Mais Lututsi mon frère, où trouvera-t-il une femme» ?<br />
- «Imana n'a rien dit. Qu'il attende l'ordre d'Imana ».<br />
307
Mariage de Kigwa. - Kigwa épousa donc sa soeur <strong>et</strong> Lututsi<br />
resta sans femme. Il habitait chez Kigwa <strong>et</strong> possédait avec lui les<br />
biens qu'Imana leur avait donnés.<br />
Mariage de Lututsi, - Kigwa eut six enfants, trois garçons <strong>et</strong><br />
trois filles. Lututsi, qui voulait fonder une famille demanda à<br />
Kigwa de lui donner l'aînée de ses filles en mariage, mais Kigwa<br />
refusa. Il voulait marier ensemble ses garçons <strong>et</strong> ses filles.<br />
Lututsi s'adressa au Mutabazi, qui l'amena de l'autre côté de la<br />
Kagera, dans le Karagwe. Quand il y eut bâti il lui dit d'aller la<br />
nuit chez Kigwa <strong>et</strong> de lui demander une de ses filles en mariage:<br />
- «Gens de Kigwa, criait Lututsi, gens de Kigwa qui habitez<br />
le Ruanda, donnez-nous une fille en mariage ».<br />
- «Gens <strong>du</strong> Karagwe, qui demandez une de nos filles en<br />
mariage, qui êtes-vous» ?<br />
- «Nous sommes les Bega <strong>du</strong> Karagwe <strong>et</strong> nous venons <strong>du</strong> ciel.<br />
Nous étions trois, deux garçons <strong>et</strong> une mIe. Mon frère a épousé<br />
ma soeur, il n'y a plus de mIe dans le Karagwe. Imana m'envoie<br />
chez Kigwa, roi <strong>du</strong> Ruanda, qui en a trois, lui en demander<br />
une»<br />
- «Et que donnerez-vous à notre fille» ?<br />
- «Du lait <strong>et</strong> <strong>du</strong> pombé, des pois, des haricots, <strong>du</strong> pain de<br />
sorgho <strong>et</strong> de la viande de bœuf».<br />
- « C'est bien, puisque vous avez toutes ces choses, nous vous<br />
donnerons une de nos filles ».<br />
- « Quand nous l'amènerez-vous» ?<br />
- «Demain nous passerons le fleuve <strong>et</strong> le soir nous<br />
arriverons ».<br />
Le lendemain en eff<strong>et</strong> Kigwa traversait la Kagéra <strong>et</strong><br />
con<strong>du</strong>isait l'aînée de ses filles chez les Bega <strong>du</strong> Karagwe. Il<br />
trouva sur l'autre rive le Mutabazi qui l'attendait <strong>et</strong> qui lui<br />
308
proposa de la con<strong>du</strong>ire chez les Bega. Kigwa fut surpris de le<br />
rencontrer, mais n'osa pas lui demander ce qu'il faisait au<br />
Karagwe. Le Mutabazi con<strong>du</strong>isit donc Kigwa chez les Bega.<br />
Lututsi avait préparé un festin où il y avait <strong>du</strong> lait, <strong>du</strong> pombé <strong>et</strong><br />
de la viande, sans compter les autres légumes. Kigwa se disait:<br />
«Ma fille sera bien chez les Bega ». On fit donc les. cérémonies<br />
<strong>du</strong> mariage <strong>et</strong> Kigwa ne reconnut pas Lututsi que le Mutabazi<br />
avait déguisé. Le lendemain Kigwa <strong>et</strong> Lututsi causaient<br />
ensemble. Le Mutabazi vint se joindre à eux <strong>et</strong> leur dit: «Enfants<br />
d'Imana, votre père a eu pitié de vous, il a comblé tous vos<br />
désirs. Vous possédez toute espèce de plantes <strong>et</strong> d'animaux<br />
pour votre service. A toi Kigwa il a donné Nyinabatutsi pour<br />
femme <strong>et</strong> toi Lututsi, tu as épousé la fille de ton frère. Tout ce<br />
qui s'est fait aujourd'hui, c'est Imana qui l'a ordonné.<br />
Maintenant revenez au Ruanda <strong>et</strong> jouissez-yen paix des biens<br />
qu'Imana vous a donnés ».<br />
Kigwa reconnut Lututsi <strong>et</strong> l'accepta pour gendre. Le jour<br />
même tous les deux repassèrent la Kagéra <strong>et</strong> rentrèrent au<br />
Ruanda.<br />
Depuis c<strong>et</strong>te époque, les Banyiginya (descendants de Kigwa)<br />
donnent leurs filles aux Bega (descendants de Lututsi) <strong>et</strong> ceux-ci<br />
donnent leurs filles aux Banyiginya. Toutes les familles Batutsi<br />
viennent d'eux <strong>et</strong> de leurs enfants.<br />
Les hommes <strong>et</strong> les animaux se multiplièrent. Kigwa <strong>et</strong><br />
Lututsi donnèrent des vaches, des chèvres <strong>et</strong> d'autres animaux à<br />
leurs tributaires <strong>et</strong> les sauvèrent de la famine <strong>et</strong> de la misère.<br />
C'est donc Kigwa <strong>et</strong> Lututsi qui ont apporté sur la terre la<br />
bénédiction <strong>du</strong> ciel. Ils étaient les enfants <strong>du</strong> roi <strong>du</strong> ciel, l'Imana<br />
<strong>du</strong> Ruanda.<br />
Mort, résurrection <strong>et</strong> ascension <strong>du</strong> Mutabazi. - Le Mutabazi<br />
aimait Kigwa <strong>et</strong> Lututsi <strong>et</strong> voulait rester avec eux. Il fit avec<br />
Kigwa le pacte <strong>du</strong> sang <strong>et</strong> devint son frère. Il resta chez lui <strong>et</strong> son<br />
pouvoir délivrait <strong>et</strong> protégeait le Ruanda de tous les maux; mais<br />
des hommes méchants, jaloux de la protection qu'il accordait à<br />
Kigwa <strong>et</strong> à Lututsi se saisirent de lui, l'attachèrent à un arbre <strong>et</strong><br />
309
l 'y fixèrent avec des fers. Il mourut, mais Imana le délivra <strong>et</strong> le<br />
rendit à la vie; toutefois il ne le laissa plus dans le pays d'en bas.<br />
La foudre vint le prendre <strong>et</strong> le ramena au cieL Kigwa <strong>et</strong> Lututsi<br />
le regr<strong>et</strong>tèrent beaucoup <strong>et</strong> le vengèrent en punissant les<br />
meurtriers.<br />
Il n'est plus revenu au Ruanda, mais au ciel il plaide pour le<br />
pays qu'il aima <strong>et</strong> quand les malheurs fondent sur ce pays, son<br />
esprit vient habiter dans le corps d'un des ms <strong>du</strong> roi, qui<br />
devient Mutabazi, <strong>et</strong> le pays est délivré.<br />
Loupias dit que c<strong>et</strong>te l'histoire qui lui fut racontée par un<br />
mututsi pauvre qui ne voulait pas qu'il la publie. Il dit qu'il l'a<br />
repro<strong>du</strong>ite en l'abrégeant un peu <strong>et</strong> en y insérant quelques<br />
titres. Le narrateur lui aurait dit qu'il la tenait de son père,<br />
qu'elle n'était connue que des Batutsi, mais que beaucoup ne la<br />
connaissaient pas bien.<br />
3. Programme 2 : Laparente originelle des langues africaines <strong>et</strong><br />
le dialogue interculturel comme facteur de maintien de la paix<br />
L'une des thèses qu'il faudrait prendre le plus au sérieux, si<br />
l'on veut promouvoir l'unité africaine, est celle de l'unité<br />
originelle de toutes les langues dites négro-africaines. Il serait<br />
souhaitable qu'une institution scientifique africaine m<strong>et</strong>te en<br />
place les dispositifs de recherche nécessaires pour infirmer ou<br />
confirmer la thèse selon laquelle la plus grande partie des<br />
langues africaines (sinon toutes) auraient une origine<br />
commune. L'une des formulations les plus récentes de c<strong>et</strong>te<br />
thèse se trouve chez Théophile Obenga pour qui c<strong>et</strong>te langue<br />
commune d'origine porterait le nom de négroégyptien.<br />
D'après Obenga 52 , en eff<strong>et</strong>, l'extension géographique <strong>du</strong><br />
négroégyptien, en toutes ses variétés historiques, couvre<br />
S2 Dans son livre sur l'Origine commune de l'égyptien ancien, <strong>du</strong> copte <strong>et</strong> des<br />
langues négro-africaines modernes. Intro<strong>du</strong>ction à la linguistique hIStorique<br />
africaine, L'Harmattan, 1993, p. 350-354.<br />
310
aujourd'hui toute l'Afrique, à l'exception des domaines <strong>du</strong><br />
berbère, des langues sémitiques africaines (le sabéen <strong>et</strong> les parlers<br />
anciens sur lesquels reposent les différents dialectes éthiopiens,<br />
tels que le guèze, le tigré, le tigrigna, l'amharique) qui font<br />
partie <strong>du</strong> sudarabique (sabéen, minéen, qatabanique,<br />
hadramotique, awsanique, mehri, soqotri, <strong>et</strong>c.), <strong>et</strong> <strong>du</strong> domaine<br />
des langues khoisan.<br />
Dès lors, en tenant compte des acquis antérieurs qui<br />
résistent jusqu'ici à la critique scientifique (notamment les<br />
travaux de Greenberg, de Cheikh Anta Diop, de Dalby, de Heine,<br />
de Ehr<strong>et</strong> <strong>et</strong> de Phillipson), en tenant compte également des<br />
correspondances morphologiques, phonétiques, lexicologiques<br />
qui viennent cl 1être établies avec soin <strong>et</strong> précision entre<br />
l'égyptien (pharaonique <strong>et</strong> copte) <strong>et</strong> les langues négroafricaines<br />
modernes, il est légitime, scientifiquement, de proposer<br />
maintenant une nouvelle classification des langues africaines.<br />
Nous avons par conséquent les grandes familles suivantes:<br />
Le négro égyptien<br />
Le berbère<br />
Le khoisan.<br />
Le négro égyptien comprend:<br />
l'égyptien: le pharaonique <strong>et</strong> le copte;<br />
le couchitique : le couchitique septentrional, le couchitique<br />
central, le couchitique oriental, le couchitique occidental <strong>et</strong><br />
le couchitique méridional;<br />
le tchadique : le tchadique occidental, le kotoko, le<br />
batamargi, le tchaclique oriental ;<br />
le nilosaharien : le songhai, le saharien, le mabien, le fur, le<br />
charinil, le comien;<br />
le nigérokordofanien : Niger-Congo <strong>et</strong> kordofanien.<br />
L'égyptien:<br />
Le pharaonique comprend: vieil égyptien (ancien égyptien:<br />
30002200 environ avant notre ère), moyen égyptien ou<br />
311
égyptien classique, néoégyptien de la BasseEpoque,<br />
démotique.<br />
Le copte comprend: le sahïdique ou thébain, le bohaïrique<br />
ou memphite, le bachmourique, le fayoumique,<br />
l'achmouninique, le moyenégyptien, l'akhmîmique, le<br />
subakhmîmique ou lycopolitain, le paléothébain.<br />
Le couchitique:<br />
Le couchitique septentrional comprend: le beja (bedawiye,<br />
bedauye, bedawie).<br />
Le couchitique central comprend : le bogo ou bilin, le<br />
kamir, le khamta, l'awiya, le damot, le kemant, le kayla, le<br />
quara.<br />
Le couchitique oriental comprend : le sahoafar, le somali, le<br />
galla ou oromo, le konso, le geleba, le marille, le gar<strong>du</strong>la, le<br />
gidole, le gowaze, le burji, le sidamo, le kambata<br />
(kambatta), l'alaba, le hadya, le tambaro, le caffino, le gedeo<br />
(derasa, darasa, darassa).<br />
Le couchitique occidental comprend : le gangero (janjero,<br />
giangero), le wolamo, le zala, le gofa, le bask<strong>et</strong>o (bask<strong>et</strong>to),<br />
le baditu (badittu), le haruro, le zaysse (zaissé), le chara<br />
(ciara, cara), le gimira (ghimira), le benesho (beneco), le<br />
nao, le kaba, le shako (cako), le she (ce), le maji, le kafa, le<br />
garo, le mocha, l'anfiUo, le shinasha (cinaca), le bako,<br />
l'amar, le bana, le dime, le gayi, le kerre, le tsamai, le doke,<br />
le doUo.<br />
Le couchitique méridional comprend : iraqw, gorowa (goroa,<br />
fiome). alawa (uwassi), burunge (burungi. mbulungu), ma'a<br />
(mbugu), sanye.<br />
Le tchadique :<br />
- Le tchadique occidental comprend : le hausa (haoussa), le<br />
gwandara; le ngizim, le mober, l'auyokawa, le shirawa, le bede ;<br />
le warjawa, l'afawa, le diryawa, le miyawa, le sirawa, le gezawa, le<br />
312
seiyawa, le barawa ; le bolewa, le karekare, le ngamo, le gerawa,<br />
le gerumawa, le kirifawa, le dera (kanakuru), le rangale, le pia, le<br />
pero, le chongee, l'angas, l'ankwe, le bwol, le chip (cip), le<br />
dimuk, le goram, le jorro, le kwolla, le miriam, le monrol, le<br />
sura, le ral, le gerka, le ron.<br />
- Le groupe Kotoko comprend: le logone, le ngala, le bu<strong>du</strong>ma,<br />
le kuri, le gulfei, l'affade, le shoe, le kuseri.<br />
- Le groupe batamargi comprend : le bachama, le demsa, le<br />
gudo, le malabu, le njei (kobochi, nzangi, zany), le zumu (jimo),<br />
le holma, le kapsiki (kamsiki), le baza, le hiji, le gude (cheke), le<br />
fali, le margi, le chibak, le kilba, le sukur, le vizik, le vemgo, le<br />
woga, le rur, le bura, le pabir, le podokwo (podoko) ; le gabin, le<br />
hona, le rera, le jera, le hinna (hina).<br />
- Le tchadique oriental comprend:<br />
le hina, le daba, le musgoi (musgoy), le gauar (gawar) ; le<br />
gisiga, le balda, le muturua (muturwa), le mofu, le matakam, le<br />
mboku, le hurza, l'uzam, le mada ; le zelgwa (zelgwa) ;<br />
-le gidder (gider)<br />
-le mandara, le gamergu<br />
-le musgu<br />
- le bana, le banana (masa), le lame, le kulung<br />
- le somrai, le rumak, le ndam, le milru, le sarwa, le gulei ; le<br />
gabere, le chiri dormo, le nangire ; le sokoro (bedanga), le barein<br />
; le modgel ; le ruburi (rupuri) ; le mubi, le karbo.<br />
Le nilosaharien<br />
- Le songhai : langue nilosaharienne parlée avec de légères<br />
différences depuis Diene (Djéné, Dienné), sur le Bani, au sud de<br />
Mopti, en suivant les rives <strong>du</strong> Niger, jusqu1au centre <strong>du</strong> Bénin<br />
(Dahomey), à Djougou, ainsi que dans le Hombori <strong>et</strong> dans le<br />
Djerma <strong>et</strong> jusqu 1à Agadès dans l'Aïr.<br />
- Le saharien comprend : le kanuri, le kanembu, le teda, le<br />
daza, le zaghawa, le berti. Le kanuri (kanouri) est parlé par<br />
313
toutes les populations entourant le Tchad. Le Kanem, le<br />
Bornou, le Manga, le Mounio, sont des États de langue kanuri.<br />
li faut y joindre les importantes oasis <strong>du</strong> Kawar (Bilma) <strong>et</strong><br />
d'Agram (Fachi). Les Bu<strong>du</strong>ma, habitant les îlots <strong>du</strong> Tchad,<br />
parlent un dialecte Kotoko, fortement imprégné de kanuri. Le<br />
Damagarim est composé par moitié de populations de langue<br />
kanuri (
- le merarit, le tarna, le sungor ;<br />
- le dagu <strong>du</strong> Darfur (Darfour), le baygo, le sila, le dagu <strong>du</strong><br />
Dar Dagu (Wadai, Ouaddai), le Dagu <strong>du</strong> Kordofan occidental,<br />
le njalgulgule, le shatt, le liguri ;<br />
- le nilotique: le nilotique occidental: le burun, le shilluk,<br />
l'annua, l'acholi (acooli), le lango, l'alur, le Iwo (luo), le<br />
padhola, le jur (giur : Province <strong>du</strong> Bahr elGhazal, au Soudan<br />
méridional), le bor, le dinka, le nuer; le nilotique oriental :<br />
Le bari, le fajulu, le kakwa (kaukau), le mondari, le jie, le<br />
dodoth, le karamojong (kanmojong), le kumam, le teso (teuso)<br />
ou ik, le turkana, le masai (maasai) ; le nilotique méridional: le<br />
nandi, le suk, le tacoga, le kalenjin, le kipsigis, le kamasya, le<br />
marakw<strong>et</strong>, l'elgeyu, le tugen ;<br />
-le nyangiya (c<strong>et</strong>te branche ne paraît pas sûre).<br />
b) La famille <strong>du</strong> Soudan central de l'ensemble Chari-Nil :<br />
- le bongo, le baka, le morokodo, le beli, le gberi, le sara (le<br />
madjinngay, le gulai, le mbai, le gamba, le ngambai, le kaba, le<br />
dendje, le laka), le vale, le n<strong>du</strong>ka, le tana, le horo, le bagirmi<br />
(baguirmien), le kuka (dans le bassin <strong>du</strong> cours inférieur <strong>du</strong><br />
Batha Wadayen), le bulala (bulalia: les Bulala ont en fait adopté<br />
la langue des Kuka), ke :?; (les Kenga seraient venus de loin dans<br />
l'Est, d'une montagne nommée Mogum), le disa, l'ar<strong>et</strong>u (roru),<br />
le ngama, le mbaga, le bina;<br />
-le kreish;<br />
-le binga, le yulu, le kara (fer) ;<br />
- le motu, l'avukaya, le logo, le keliko, le lugbara, le madi<br />
(niakwu) ;<br />
- le mangb<strong>et</strong>u (mabiti, mando, mabisanga), le lombi, le<br />
popoi, le makere, le medje (meje), l'asua;<br />
-le mangburu, le mamvu, le lèse, le mvuba, l'efe ;<br />
-le len<strong>du</strong>.<br />
315
Le nigérokordofanien :<br />
a) Le Niger-Congo de l'ensemble nigérokordofanien (Niger-Kordofan)<br />
comprend:<br />
- Ouest-Atlantique:<br />
Septentrional : le wolof (valaf), le serer (sérère) le fula<br />
(fulani, peul), le konyagi (koniagui), le le basari (bassari), le<br />
biafada.le Badyara (pajade), le diola (dyola, dioula), le mandyak<br />
(mandjaque), le balante, le mancagne, le felup, le bayot, le<br />
cassanga, le banyum, le mu, le cobiana, le bidyogo ;<br />
Méridional : le temne, le limba, le sherbro, le baga, le<br />
landoma, le kissi, le bulom, le gola, le mende.<br />
-Mande:<br />
occidental ; le soninke, l'azer (soninke médiéval), le<br />
sarakollé, le malinke, le bambara (bamana), le dayula (dioula),<br />
le numu, le ligbi, le huela (huéla), le vai, le kono, le koranko, le<br />
khasonke (khassonké), le susu (soso), le dyalonke; le sya (sia), le<br />
mande (mandingue), l'oko, le gbandi, le gbunde, le loma (toma),<br />
le kpelle (guerzé) ;<br />
Oriental ; le mano, le dan (gio), le kweni (guro, gouro), le<br />
mwa, le nwa, le samo, le bisa, le busa. Il faut encore inclure: le<br />
lebir ou dialecte ouest <strong>du</strong> bisa, le sa, le san <strong>du</strong> Nord ou kouy<br />
(kwi), le bë, le gban, le yauré (yaure) ; le boboring.<br />
- Voltaïque (Gur): le sénoufo (senufo) : le minianka, le tagba,<br />
le foro, le tagwana (takponin), le dyimini, le nafana ; le<br />
lobidogon : le lobi, le dyan, le puguli, le gan, le gouin, le turuka,<br />
le doghosie (dorhosié), le doghosiefmg (dorhosiéfinng), le kyan,<br />
le tara, le bwamu, le wara, le narioro, le dogon, le kulango ; le<br />
grusi : l'awuna, le kasena, le numuma, le lyele, le tamprusi, le<br />
kanjaga (bulea), le degha, le siti, le kurumba (fulse), le sisala ; le<br />
mossi (môré), le dagomba, le kusasi, le nankanse, le talensi, le<br />
mamprusi, le wala, le dagari, le dagbani, le birifo, le namnam ; le<br />
tem, le kabre, le delo, le chala ; le bargu (bariba, batonu) ; le<br />
316
gurma (gourmantché, gurmanrie), le tobote (bassari), le kasele<br />
(chamba), le moba.<br />
- Kwa : le bête, le bakwe, le grebo (crebo), le bassa, le de, le<br />
kru (krawi) ; l'avatime (Sïya), le nyangbo, le taft, le logba, le<br />
likpe (Sekpele), l'ahlo, l'akposo, le lefana, le bowili, l'akpafu, le<br />
santrokofi, l'adele, le kebu, l'anyimere, l'ewe, l'aladian, l'avikam,<br />
le gwa, le kyama, l'akye, Pari, l'abe, l'adyukru, l'akan, le twi,<br />
l'asante, le fanti (fante), l'anyi, le baule (baoulé), le guang, le<br />
m<strong>et</strong>yibo, l'abure (abouré), le gà, l'adangme, le l<strong>et</strong>e, le late, le<br />
kyerepong, l'anum, le nawuri, l'anana, le nkemi, le salaga, le<br />
simpan, le cama (ebrie, ébrié), le rizima, l'effutu, le nkonya, le<br />
siwu (lolobi), le krachi, le ge ; le na:;o, le fon (fongbe), le yoruba,<br />
le bini, itsekiri, l'urhobo, l'isoko, l'ora, l'igbira, nupe, l'igbo,<br />
l'idoma, l'ijaw, le kalabari, le gbari, le gade, l'ishan, le kukuruku,<br />
le sobo, l'igala, l'agaru, l'iyala, l'ibo, l'ijo.<br />
- Benue-Congo (Bénoué-Congo) : le kambari, le <strong>du</strong>kawa, le<br />
dakakari, le basa, le kamuku, le reshe ; le piti, le janji, le kurama,<br />
le le chawai, l'anaguta, le buji, l'amap, le gure, le kahugu, le<br />
ribina, le butawa, le kudawa ; l'afusare, l'irigwe, le katab, le<br />
kagoro, le kaje, le kachicheri, le morwa, le jaba, le kamantan, le<br />
kadara, le koro, l'afo ; le birom, le ganawuri (aten) ; le rukuba, le<br />
ninzam, l'ayu, le mada, le kaninkwom ; l'eggon, le nungu, le<br />
yeskwa ; le kaleri, le pyem, le pai ; le yergam, le basherawa ; le<br />
jukun, le kentu, le nyi<strong>du</strong>, le tigong, l'eregba, le mbembe, le<br />
zumper (kutep, kutev, mbarike), le boritsu; le boki, le gayi (uge),<br />
le yakoro ; l'ibibio, l'efik, l'ogoni (kana), l'andoni, l'akoiyang,<br />
l'ododop, le korop ; l'akunakuna, l'abine, yako, l'asiga, l'ekuri,<br />
l'ukelle, l'okpotomteze, l'olulomo, le ngwe, le ngwo, le bafut, le<br />
kom ; le tiv, le bitare, le batu, le ndoro, le mambila, le bute,<br />
- bantu: plusieurs centaines de langues parlées dans toute<br />
l'Afrique centrale, orientale <strong>et</strong> australe : le bubi, le mbati,<br />
l'ewondo, le bulu, le fang, le tunen, le mpongwe, le tsogho, le<br />
punu, le teke, le kongo, le mbochi, le douala, le bobangi, le<br />
lomongo, le topoke, le ntomba, le kuba, le luba, le lunda, le<br />
mbunda, le cokwe, le pende, le herero, le kimbun<strong>du</strong>, le<br />
tumbuka, le swahili, le luganda, l'ombo, le toro, l'ankole, le<br />
317
nyom, le soga, le luhya, le haya, le zinza, le rwanda, le rundi, le<br />
kikuyu, le kamba, le meru, le chagga, le pokomo, le shambaa, le<br />
parc, le sukuma, le bende, le nyamwt$i, le nyakyusa, le fipa, le<br />
hehe, le yao ; le makonde, le makua, le shona, le ngoni, le zulu,<br />
le ronga/tonga, le soubya, le sena, le louyi, le sigwamba, <strong>et</strong>c.).<br />
- Adamawa <strong>et</strong> langues orientales: l'adamawa : le tula, le dadiya,<br />
le waja, le cham, le kamu ; le sawa, le chamba, le donga, le lekon,<br />
le wom, le mumbake ; le daka, le taram ; le vere, le namshi, le<br />
kolbila, le pape, le sari, le sewe, le woko, le kotopo, le <strong>du</strong>rru<br />
(dourou), le kutin (koutine) ou peere, le mome ; le galke, le<br />
pormi ; le pam, le mono, le mundang (moundang) ; le dama; le<br />
mbum (mboum), le mbere ; le kali, le pana, le ngumi ; le ko, le<br />
pandjama; le fali j le mumuye, le kumba, le gengle, le teme, le<br />
waka, le yendang, le zinna ; le yasing, le mangbei, le kpere, le<br />
lakka, le dek ; le yungur, le mboi, libo, le roba j le kam ; le jen, le<br />
munga ; le longuda ; le nimbari ; le bua, le niellim, le koke ; le<br />
masa.<br />
Langues orientales: le gbaya (baya, baï), le manja (mandja),<br />
le mbaka (Gmbwaga, ngbaka) ; le banda (linda, gbwende, le<br />
belingo, le moruba, le togbo, le ngura, le ka, le ndi, le ngao, le<br />
vada ; le langwasi ; le dakpwa ; le vora ; le banza j le ngobu ; le<br />
sabanga) j le ngbandi, le sango, le yakoma ; le zande, le nzakara,<br />
le barambo (<strong>du</strong>ga), le pambia ;. le bwaka, le monjombo<br />
(mondzombo, mundzombo), le gbanziri, le mun<strong>du</strong>, le mayogo,<br />
le bangba, le mangbele ; le ndogo, le bai, le bviri, le golo, le sere,<br />
le tagbo, le feroge, l'indri, le mangaya, le togoyo ; l'amadi<br />
(madyo, ma) ; le mon<strong>du</strong>nga, le mba (bamanga, kimanga, mbae),<br />
le bari, le ngbote.<br />
b) Le kordofanien de l'ensemble nigérokordofanien (NigerKordofan)<br />
comprend:<br />
- Groupe koalib : le koalib, le kanderma, l'heiban, le laro,<br />
l'otoro, le kawama, le shwai, le tira, le moro, le fungor.<br />
- Groupe tegali : le tegali, le rashad, le tagoi, le tumale.<br />
318
4.2. Les relations de parenté à plaisanterie<br />
La notion de parenté à plaisanterie:<br />
Les études faites sur les alliances ou la parenté à plaisanterie<br />
comme moyens de résolution <strong>et</strong> de prévention de conflits <strong>et</strong><br />
même comme moyens de renforcement de construction de<br />
l'unité nationale effective dans certains Etats de l'Afrique de<br />
l'Ouest tel que le Sénégal. En eff<strong>et</strong>, l'étude de Raphaël Ndiaye,<br />
chercheur à Enda Tiers Monde, intitulée «Pluralité <strong>et</strong>hnique,<br />
convergences culturelles <strong>et</strong> citoyenn<strong>et</strong>é en Afrique de l'Ouest»<br />
présentée <strong>sous</strong> forme de conférence inaugurale au <strong>Colloque</strong> sur<br />
Les éco-systèmes régionaux dans une synérgie pour un<br />
développement concerté tenue à Joal-Fadiouth les 19-20<br />
novembre 1999, est l'une des actions scientifiques <strong>et</strong> culturelles<br />
qui s'inscrivent dans le cadre <strong>du</strong> programme de l'ACD<br />
(Association culturelle Aguène Diambogne)53. D'après Ndiaye,<br />
les Festivals des origines organisés par l'ACD veulent<br />
notamment:<br />
- recentrer le regard des Africains, des limbes d'horizons<br />
divers, vers eux-mêmes grâce à l'intégration dans la quête des<br />
fils <strong>du</strong> continent, de certaines des traditions séculaires de celui·<br />
ci ; les incitant de la sorte à aller chercher en eux-mêmes les<br />
ressources <strong>et</strong> les ressorts au moyen desquels il est possible de<br />
faire face à la situation;<br />
. corriger c<strong>et</strong>te VISIOn de juxtaposition d'une pluralité<br />
d'entités <strong>et</strong>hniques, exc1usive!lles unes des autres, en m<strong>et</strong>tant en<br />
avant les mécanismes forts <strong>et</strong> subtiles qui les traversent pour les<br />
intégrer les unes aux autres, avec la chaleur de la convivialité <strong>et</strong><br />
la succulence de l'humour;<br />
• offrir un soubassement de type socioculturel <strong>et</strong> socio·<br />
historique aux structures réfionales d'intégration que sont<br />
l'UEMOA, le CILSS, CEDEAO ;<br />
53 Fondée par Saliou Sambou, gouverneur de la région <strong>du</strong> Cap Vert au<br />
Sénégal.<br />
320
promouvoir une culture de la paix <strong>et</strong> de la non<br />
violence, conformément à la décision de l'Assemblée Générale<br />
des Nations Unies.<br />
Pour atteindre ces objectifs, l'ACD entend exploiter les<br />
convergences culturelles ouest-africaines qui sont entre autres:<br />
-les correspondances <strong>et</strong>hno-patronymiques ;<br />
- les équivalences patronymiques <strong>et</strong> leurs chaînes;<br />
-la parenté plaisante.<br />
Les relations de parenté à plaisanterie existent probablement<br />
dans toutes les sociétés africaines, y compris en Afrique<br />
Centrale, mais en Afrique de l'Ouest, elles ont acquis la<br />
dimension d'une véritable politique depuis que la Charte de<br />
Kurukan-Kuga fut promulguée en 1236 par les représentants <strong>du</strong><br />
Mandé primitif<strong>et</strong> leurs alliés réunis à Kurukan-Fuga (au Mali)<br />
pour régir la vie de l'empire mandingue. En eff<strong>et</strong>, c<strong>et</strong>te charte,<br />
en son article 7, dit;<br />
«Il est institué entre les Mandekas le Sanakunya (cousinage<br />
à plaisanterie) <strong>et</strong> le Tanamanoya (forme de totémisme). En<br />
conséquence, aucun différend né entre ces groupes ne doit<br />
dégénérer, le respect de l'autre étant la règle.<br />
Ainsi, la parenté à plaisanterie joue un rôle majeur dans la<br />
coexistence pacifique des peuples d'origines <strong>et</strong>hniques<br />
différentes <strong>et</strong> dans leur intégration sur le plan supra-<strong>et</strong>hnique<br />
dans des Etats modernes en Afrique de l'Ouest.<br />
Il est également remaquable que, Saliou Sambou, à travers<br />
l'ACD le mythe d'Aguène <strong>et</strong> Diambone comme figures<br />
emblématiques de l'unité originelle des différentes<br />
communautés qui font le Sénégal actuel <strong>et</strong> qui se sentent<br />
effectivement unies par une parenté à plaisanterie, soit parvenu<br />
à apporter une contribution décive à la résolution <strong>du</strong> conflit<br />
entre les Diola <strong>et</strong> les Serere.<br />
321
la vie, de l'amour de la solidarité interindivi<strong>du</strong>elle ou<br />
clanique ».<br />
Obenga nous rappelle, à c<strong>et</strong>te occasion, qu'il existe plusieurs<br />
formes de pactes de sang:<br />
- les pactes de fidélité jusqu'à la mort,<br />
-les pactes d'union dans la mort,<br />
- des pactes de fidélité conjugale,<br />
- des pactes d'amitié.<br />
Il existe également différentes façons de les conclure:<br />
- en suçant le sang l'un de l'autre;<br />
- en mêlangeant les deux sangs dans le creux d'une feuille qui<br />
sera ensuite enterrée au pied d'un arbre.<br />
Il précise: « Le sang qui sort de l'incision (souvent au bras)<br />
n'est pas immédiatement léché ou absorbé par les parties, mais<br />
il est mêlé au préalable avec le sang de l'autre partie <strong>et</strong> des<br />
médecines spéciales dans feuille ou une corne d'antilope ou de<br />
cabri: la vie des parties est liée quand l'échange a eu lieu, c'està-dire<br />
quand le pacte est conclu, quand chaque partie mange<br />
(ku-dia, ku-lia, ku-la,)« manger l'incision, soit le sang mêlé ».<br />
Obenga nous donne ensuite une idée de la richesse <strong>du</strong><br />
vocabulaire <strong>du</strong> pacte de sang dans les langues bantu par la liste<br />
suivante:<br />
a. Mots désignant le pacte, l'alliance, la conclusion d'un pacte:<br />
Mots ou expression<br />
en langues africaines<br />
Sens en français<br />
Langue<br />
d'origine<br />
bukon; alliance, pacte hungana<br />
diabukon; faire alliance» (litt. :<br />
lakuun,<br />
«manger alliance»<br />
amour mbuun<br />
usendo amitié, solidarité, pacte luena,<br />
tchokwe;<br />
323
nyamwezi<br />
-inywa la alongo se boire le sang l'un mbochi<br />
l'autre<br />
mvwangana s'entendre l'un luba<br />
l'autre, conclure un<br />
pacte<br />
-lakangana mashi se sucer le sang l'un luba<br />
l'autre<br />
-lenza mahatshi lécher (son propre) pende<br />
sang<br />
·lésa manyiny;a lécher le sang tchokwe<br />
-ftyana menga se sucer le sang l'un kongo<br />
l'autre<br />
-wiba makila, -lyéré sucer, lécher le sang Mbochi<br />
makila l'un de l'autre<br />
lécher le sang teke<br />
itéré la alon!l,o<br />
-diaakiya se manger le sang l'un ndoko<br />
l'autre<br />
c. Mots <strong>et</strong> expression désignant le pacte defidélité <strong>et</strong> d'amitié<br />
Mots ou expression en Sens en français Langue<br />
langues africaines d'origine<br />
kalaa pacte de fidélité dans mbuun<br />
le mariage<br />
kimvwanga pacte de fidélité dans pindi<br />
le mariage<br />
tshata usendo conclure un pacte luena (Angola)<br />
d'amitié»<br />
ukom pacte de fidélité dans mbuun<br />
le mariage sanctionné<br />
par la mort<br />
325
d. Mots <strong>et</strong> expressions désignant le pacte <strong>et</strong> la magie d'union dans la<br />
mort<br />
Mots ou expression en<br />
langues africaines<br />
Sens en français<br />
Langue<br />
d'origine<br />
ekotom magie d'union dans la<br />
mort<br />
mbuun<br />
ipalanga pacte de sang <strong>et</strong> pende<br />
kongolo<br />
d'union dans la mort<br />
pacte d'union dans la<br />
mort<br />
suku<br />
lumanya, lumanyi pacte d'union dans la pende, pindi,<br />
mort, tatouage, suku<br />
musunga<br />
incision ; minerai de<br />
fer<br />
magie d'union dans la mbala,<br />
mort ngongo;<br />
mubtl magie d'union dans la<br />
mort<br />
pindi<br />
muhanaw magie d'union dans la<br />
mort<br />
tchokwe<br />
mungudi magie d'union dans la<br />
mort<br />
mbuun<br />
nkalu ni nzashi pacte d'union dans la<br />
mort<br />
tchokwe<br />
obU magie d'union dans la<br />
mort<br />
mbuun<br />
otswayi magie d'union dans la<br />
mort<br />
mbuun<br />
«Les termes sont concr<strong>et</strong>s. Il s'agit d'inciser une partie <strong>du</strong><br />
corps pour faire couler le sang - un sang vif énergique,<br />
symbole de la vie au degré suprême. Ensuite, ce sang humain<br />
frais est bu (nywa, «boire»), mangé (dia, «manger»), sucé,<br />
léché, aux fins de conclure un pacte, une union indestructible,<br />
réelle <strong>et</strong> vivante par-delà la mort ».<br />
Une étude plus détaillée <strong>du</strong> pacte de sang chez différents<br />
peuples donnerait des renseignements plus nombreux <strong>et</strong> plus<br />
326
preCIS. Ainsi, le pacte de sang chez les Obamba de l'Est <strong>du</strong><br />
Gabon s'appelle ondiyi°toyi ? (l'amitié de sang).<br />
D'après Martin Alihanga, en eff<strong>et</strong>, le pacte de sang unit, par<br />
un contrat non-résiliable, deux suj<strong>et</strong>s qui échangent leur sang:<br />
«Il se conclut au cours d'une cérémonie publique où a lieu c<strong>et</strong><br />
échange de sang. Les deux partenaires m<strong>et</strong>tent en contact leurs<br />
incisions pratiquées sur la face interne de l'avant-bras. Dans<br />
d'autres régions, chaque contractant boit le sang de l'autre. Il se<br />
crée ainsi entre les deux une fraternité de sang au sens fort <strong>du</strong><br />
terme, à un point tel qu'elle crée les mêmes relations évitatives,<br />
prohibitives <strong>et</strong> permissives que la parenté <strong>du</strong> sang. » Lorsque ce<br />
pacte de sang est pratiqué entre des personnes d'origines<br />
<strong>et</strong>hniques différentes, il contribue grandement au<br />
rapprochement des peuples, à en croire Alihanga.<br />
On connaît des cas où l'intégration parfaite réciproque<br />
des alliés dans les deux Familles par l'institution de la<br />
Fraternité de sang a été consacrée par la transmission <strong>du</strong> nom.<br />
C'est elle qui explique <strong>et</strong> éclaire ce phénomène qui de prime<br />
abord heurte nécessairement la logique d'un habitué des<br />
traditions négro.africaines, à savoir qu'un Gisira s'appelle<br />
MBENG, qu'un Fang réponde au nom de AKENDENGE <strong>et</strong><br />
qu'un Punu porte le nom de BINGANGOYE. Ce que nous<br />
disons des groupes <strong>et</strong>hniques d'un même pays vaut pour ceux<br />
des Etats différents. Alors qu'il n'y a pas eu d'alliance<br />
matrimoniale entre suj<strong>et</strong>s des deux races. C'est uniquement<br />
parce que l'amitié est devenue si profonde <strong>et</strong> l'identification des<br />
deux alliés si concrètement vécue que l'on en est arrivé à se<br />
transm<strong>et</strong>tre le nom pour perpétuer à jamais ce contrat<br />
inaliénable 56 •<br />
De même, en ce qui concerne la région des Grands Lacs, ce<br />
pacte <strong>du</strong> sang s'appelle igihango, ubunywanyi {le fait de boire <strong>du</strong><br />
56 Martin Alihanga, Structures communautaires traditionnelles <strong>et</strong> perspectilJes<br />
coopératives dans la Société Altogovéenne (Gabon) Dissertatio ad doctoracum in<br />
Facultate scientiarum socialium apud Pontificiam Universitatem S.<br />
Thomae de Urbe, Rome, 1976 p. 230.<br />
327
sang l'un de l'autre) <strong>et</strong> la ceremonie elle-même s'appelle<br />
kunywana (boire <strong>du</strong> sang l'un de l'autre). La quantité <strong>du</strong> sang<br />
ingurgité était infime <strong>et</strong> n'avait de valeur que symbolique ce qui<br />
fait qu'il serait abusif de penser, à ce propos, d'une quelconque<br />
forme de cannibalisme, d'autant plus que, dans c<strong>et</strong>te région, on<br />
croyait fermement que la chair humaine était un des<br />
composants <strong>du</strong> poison préparé par les balozi (les empoisonneurs<br />
<strong>et</strong> les sorciers).<br />
R Bourgeois 57 , décrit la façon dont il se concluait au<br />
Rwanda <strong>et</strong> au Burundi:<br />
Le pacte de sang kunywana s'opère en prenant une feuille<br />
d'érythrine dont on enlève la queue <strong>et</strong> à laquelle on donne une<br />
forme de corn<strong>et</strong> où l'on intro<strong>du</strong>it de la bouillie de sorgho. Puis,<br />
d'un coup de couteau, un peu de sang est recueilli près <strong>du</strong><br />
nombril, considéré comme l'origine de la vie, de chacun des<br />
patients. Ce sang est mêlé à la bouillie de sorgho ; le mélange<br />
s'intitule igihango (de guhanga : pro<strong>du</strong>ire, susciter une chose pour<br />
la première fois). Le sang est parfois versé dans <strong>du</strong> lait inshyushyu<br />
qui vient d'être trait. Chaque partenaire absorbe la moitié de la<br />
mixture en observant l'interdiction stricte de cracher, car ce<br />
serait rej<strong>et</strong>er l'igihango* Des recommandations personnelles sont<br />
échangées : si tu me trompes, l'igihango te tuera, <strong>et</strong>c. Les<br />
partenaires avalent ensuite quelques rasades de lait ou de la<br />
bière afin de mieux digérer le mélange; après c<strong>et</strong>te communion,<br />
ils se couchent hiérogamiquement dans une natte, se tenant par<br />
la main, signe qu'ils ne forment plus qu'un <strong>et</strong> qu'ils s'aideront<br />
mutuellement dans toutes les circonstances de la vie.<br />
Parfois, le pacte de sang était présidé par un témoin affùié à<br />
la secte religieuse des imandwa qui, après avoir opéré la<br />
scarification, faisait prendre le mélange, en prononçant les<br />
paroles suivantes:<br />
57 Banyarwanda<strong>et</strong> Barundi tome m, 1954? p. 143-144.<br />
328
«Je vous unis, que soit tué par ce pacte celui d'entre vous<br />
qui aura suscité une mésentente entre vous, votre famille ou vos<br />
amis» ; puis prenant le rasoir, il dit:<br />
« Ceci est le tranchant, qu'il tue celui qui de vous deux aura<br />
provoqué la haine, qu'il se r<strong>et</strong>ourne contre sa progéniture <strong>et</strong><br />
son cheptel, qu'en outre ses champs soient frappés de stérilité,<br />
que ses entreprises soient vaines, que tout manquement au<br />
pacte devienne une cause de malédiction ».<br />
A la fin de la cérémonie, les partenaires étaient tenus<br />
d'échanger des cadeaux.<br />
4.4. Les relations de parentéfondées sur l'initiation religieuse<br />
L'initiation, dans les sociétés secrètes africaines, créait un<br />
lien de parenté spirituel <strong>et</strong> de solidarité sociale entre les<br />
membres. En ce qui concerne le rôle de ces sociétés dans le<br />
maintien de la paix sociale <strong>et</strong> politique dans les territoires qui<br />
composent le Gabon aujourd'hui, écoutons ce que dit<br />
Mavoungou-Bouyou (Koumba-Manfoumbi) dans sa<br />
communication lors de la Conférence de Libreville sur le Dialogue<br />
interculturel <strong>et</strong> la culture de la paix en Afrique Centrale <strong>et</strong> dans le<br />
Région des Grands Lacs:<br />
«Les sociétés secrètes lUltlatiques à caractère social <strong>et</strong> de<br />
diffusion large telles que le Mwiri pratiqué dans tout le sud<br />
Gabon, d'autres comme le Mungala des Adouma, des Awandji,<br />
ainsi que le Njohi des Teke <strong>et</strong> des Ambama dont l'assise était<br />
territoriale, d'autres encore mises en place pour gouverner,<br />
comme le Ngodji des Punu, le Bwiti des Tsogo <strong>et</strong> des Apindji, le<br />
Ndokwe des Akele, l'Onkani, le Nkala des Ambama <strong>et</strong> des Teke,<br />
étaient à même de dissuader, de prévenir, de régler les conflits <strong>et</strong><br />
d'imposer la paix au regard de leurs manifestations lors des<br />
initiations <strong>et</strong> des réglements des conflits, lors des débats autour<br />
des questions engageant la communauté.<br />
Ainsi, dans le sud Gabon, les sociétés secrètes 1Ultlatlques<br />
demeuraient les derniers réceptacles, les gardiennes de<br />
329
traditions transmises de génération en génération. Les<br />
populations, dans des zones géographiques déterminées,<br />
perpétuaient ces traditions au sein des sociétés secrètes qui<br />
étaient <strong>et</strong> sont encore l'expression d'un fond traditionnel<br />
commun même s'il s'exprime dans la diversité. Elles<br />
enseignaient une sagesse dont les préceptes utilisés par les chefs<br />
traditionnels nourrissaient le dialogue nécessaire à la résolution<br />
de tout conflit. Ces préceptes que sont la tolérance,<br />
l'acceptation de l'autre, le souci <strong>du</strong> compromis étaient à la base<br />
<strong>du</strong> succès de toute négociatiation 58 • »<br />
En ce qui concerne le Cameroun, Thierno Bah donne un<br />
exemple très parlant <strong>du</strong> rôle des associations secrètes dans le<br />
maintien de la paix. Il s'agit <strong>du</strong> ngondo des Douala <strong>du</strong> Littoral<br />
chez lesquels « différents lignages j<strong>et</strong>èrent au début <strong>du</strong> XIXème<br />
siècle, les bases d'une union pour la gestion harmonieuse de<br />
leurs affaires communes ». Progressivement, dit-il, « le Ngondo<br />
prit de l'envergure, s'appropria certaines activités rituelles, avec<br />
pour objectif de faire jouer les formes mystiques à des fins<br />
judiciaires, disciplinaires <strong>et</strong> d'arbitrage» <strong>et</strong> «était à même de<br />
dissuader, de prévenir des conflits, d'imposer la paix ». Les<br />
émissaires envoyés par le Ngondo à c<strong>et</strong> eff<strong>et</strong>, «effrayants dans<br />
leur accoutrement, étaient craints <strong>et</strong> respectés. Au seul cri de<br />
moussango ils rétablissaient la paix. Le sacrifice d'un cabri<br />
(mbadi) symbole de paix clôturait la cérémonie ». De même, ditil,<br />
chez les Bassa <strong>du</strong> sud <strong>du</strong> Cameroun, la société secrète njèk<br />
constituait le principal facteur de prévention des conflits. C'est<br />
une institution qui avait son corps de prêtres <strong>et</strong> le cactus<br />
comme emblème. Par le discours hermétique <strong>et</strong> les actes<br />
symboliques de ses officiants, inspirait « une terreur<br />
redoutable », <strong>et</strong> sa vengeance contre les délinquants sociaux<br />
était « imparable ».<br />
58 Voir au tome 2, p. 158-159 des actes de la Conférence en question.<br />
330
5. Programme 4: Le role des chefs traditionnels dans la<br />
resolution <strong>et</strong>laprevention des conflits<br />
a) Dans le cadre de ce programme, l'Atelier devrait réfléchir<br />
sur les stratégies de mise en action des recommandations <strong>du</strong><br />
Panel 1 de la Conférence de Libreville sur le Dialogue<br />
interculturel <strong>et</strong> la culture de la paix en Afrique Centrale <strong>et</strong> dans<br />
la Région des Grands Lacs, particulierement les points qui<br />
concernent la prévention <strong>et</strong> la résolution des conflits, à savoir:<br />
- L'organisation d'un colloque sur le rôle des chefs<br />
traditionnels dans les mécanismes de prévention <strong>et</strong> de<br />
résolution des conflits dans les pays sortis de guerres (ROC,<br />
Angola, Butundi, Rwanda, République <strong>du</strong> Congo, RCA);<br />
(Atelier actuel)<br />
- La mise en place des mécanismes perm<strong>et</strong>tant la formation<br />
d'une synergie efficace entre les initiatives des diverses autorités<br />
traditionnelles, experts universitaires <strong>et</strong> décideurs politiques;<br />
- Le soutien <strong>et</strong> la promotion des outils de médiation <strong>et</strong> <strong>du</strong><br />
mode opératoire des mécanismes traditionnels de prévention <strong>et</strong><br />
de résolution des conflits de basse intensité, qui se sont avérés<br />
efficaces, étant enten<strong>du</strong> que les conflits de haute intensité,<br />
correspondent à la lutte pour le pouvoir d'Etat, c'est-à-dire les<br />
rébellions <strong>et</strong> les guerres civiles, qui échappent totalement au<br />
contrôle <strong>du</strong> pouvoir traditionnel;<br />
- L'attribution à l'autorité traditionnelle d'un statut<br />
constitutionnel <strong>et</strong> des compétences spécifiques à l'exemple <strong>du</strong><br />
Tchad, <strong>du</strong> Niger <strong>et</strong> <strong>du</strong> Rwanda, afin de lui garantir une<br />
meilleure expression;<br />
- L'initiation par l'UNESCO d'un programme de recherche<br />
sur le pouvoir traditionnel <strong>et</strong> son ancrage dans les institutions<br />
de l'Etat de droit;<br />
- L'enseignement de l'histoire des sociétés traditionnelles, <strong>du</strong><br />
droit traditionnel, des mécanismes de prévention <strong>et</strong> de<br />
331
d'ubushingantahe signifie une action de témoignage, de<br />
médiation <strong>et</strong> d'arbitrage en vue de rétablir la véracité des faits <strong>et</strong><br />
la justice conciliatrice ».<br />
Concernant la médiation des bashingantahe, Manirakiza dit<br />
notamment que le mushingantahe est un véritable médiateur<br />
car il aide les parties en conflits qui sont enfermés dans leurs<br />
monologues à se rencontrer <strong>et</strong> à renouer la communication <strong>et</strong> à<br />
trouver elles-mêmes des solutions créatives conformes à leurs<br />
intérêts.<br />
«Choisir la médiation plutôt que le tribunal c'est être<br />
convaincu qu'il faudra bien finir par s'entendre, que ses intérêts<br />
seront mieux préservés par c<strong>et</strong>te voie que par une décision de<br />
justice. Le médiateur offre simmplement un lieu, une<br />
procé<strong>du</strong>re, un savoir-faire <strong>et</strong> une attitude qui peuvent favoriser<br />
le dialogue, rétablir la communication. »<br />
Les bashingatahe, continue-t-il, au niveau des communautés,<br />
ont été les portes-flambeaux <strong>du</strong> règlement à l'amiable des<br />
différends liés à la crise: « les vols de bétail, le pillage des biens<br />
domestiques, la spoliation des propriétés foncières, les<br />
tentatives d'empoison-nement... » ont été réglés, dans la plupart<br />
des régions, dans le cadre de la médiation.<br />
6. Prograntme 5 : Le dialogue <strong>et</strong> la concertation entre indivi<strong>du</strong>s<br />
<strong>et</strong> entre les membres de la communaute ou les representants<br />
des communautes comme mecanismes permanents de<br />
resolution <strong>et</strong> de prevention des conflits<br />
Il est question ici des assemblées communautaires dans<br />
lesquelles on examinait tous les litiges entre les membres de la<br />
communauté avec un droit à laparole quasi illimité.<br />
En eff<strong>et</strong>, un processus similaire à celui qui s'est formé dans<br />
la Grèce antique s'est également établi dans les cultures<br />
africaines depuis des temps immémoriaux. Ceci a abouti à·<br />
l'institution que la colonisation a dénigrée <strong>et</strong> dévalorisée en<br />
333
l'appelant « palabte» alors qu'il s'agissait justement de ce que<br />
les Grecs appelaient agora, à savoir ce forum dans lequel le<br />
peuple donnait libre cours au verbe entre autre pour régler les<br />
problèmes de la communauté. Dans la société africaine<br />
traditionnelle, en eff<strong>et</strong>, les mots «tels que bwalu (malu),<br />
tshilumbu (bilumbu), mwandà (myanda), mambu (mambo)) qui<br />
désignent habituellement « la parole, le litige, le contentieux, la<br />
cause, l'affaire, le problème, le procès, le devoir, l'obligation, la<br />
responsabilité) que presque tous les dictionnaires <strong>et</strong> lexiques<br />
qui portent sur les langues africaines bantu tra<strong>du</strong>isent par<br />
« palabre », désignent précisément ce forum de communication<br />
<strong>du</strong> même type que l'arène grecque 61 • Ainsi l'expression « agora<br />
africaine» pourrait mieux convenir pour désigner c<strong>et</strong>te<br />
institution.<br />
Thierno Bah, tout en critiquant le mot «palabre» dans sa<br />
sémantique coloniale, il l'utilise cependant, mais en lui donnant<br />
une autre signification: « En vérité le concept de palabre a une<br />
toute autre signification dans les sociétés africaines<br />
traditionnelles, où différents termes, plus adéquats sont utilisés<br />
pour la désigner ». Ainsi, dit-il, les Bamiléké parleront de Tsang,<br />
dont le but est d' « apaiser les esprits» (pouhotrim).<br />
« En tant que cadre d'organisation de débats contradictoires,<br />
d'expression d'avis, de conseils, de déploiement de mécanismes<br />
divers de dissuasion <strong>et</strong> d'arbitrage, la palabre, tout au long des<br />
siècles, est apparue comme le cadre idoine de résolution des<br />
conflits en Afrique noire. La palabre, incontestablement,<br />
constitue une donnée fondamentale des sociétés africaines <strong>et</strong><br />
l'expression la plus évidente de la vitalité d'une culture de paix.<br />
Partout en Afrique noire, on r<strong>et</strong>rouve à quelques nuances près,<br />
la même conception de la palabre, considérée comme<br />
phénomène total, dans lequel s'imbriquent la sacralité,<br />
l'autorité <strong>et</strong> le savoir, ce dernier étant incarné par les vieillards<br />
qui ont accumulé, au fil des ans, sagesse <strong>et</strong> expérience. Véritable<br />
61 Voir Maniragaba Balibutsa, Eléments de noographie africaine l, Libreville,<br />
2003, p. 136-137.<br />
334
institution, la palabre est régie par des normes établies, <strong>et</strong> les<br />
principaux acteurs doivent justifier d'une grande expertise ».<br />
Thierno Bah décrit ensuite les conditions <strong>et</strong> modalités de la<br />
tenue de l'ekt/lane ayôn (l'agora) chez les B<strong>et</strong>i <strong>du</strong> sud <strong>du</strong><br />
Cameroun:<br />
a) Le nkul (tambour fait d'un tronc d'arbre évidé) annonce à<br />
tous les villages environnants, la tenue de c<strong>et</strong>te assemblée.<br />
b) Des émissaires sont envoyés dans les contrées plus<br />
éloignées.<br />
c) L'assemblée se tient toujours en un lieu chargé de symbole<br />
: <strong>sous</strong> un arbre, près d'une grotte, sur un promontoire ou<br />
dans une case édifiée spécialement à c<strong>et</strong> eff<strong>et</strong>; tous ces<br />
endroits sont marqués <strong>du</strong> sceau de la sacralité.<br />
d) Sa date n'est pas laissée au hasard car elle doit<br />
correspondre à un moment propice déterminé par les<br />
géomanciens.<br />
e) En principe, elle est ouverte à tous, « ce qui fait d'elle un<br />
cadre d'expression sociale <strong>et</strong> politique de grande liberté »62.<br />
f) On observe une hiérarchie <strong>et</strong> un protocole dans<br />
l'intervention des principaux acteurs. « Le chef cède souvent<br />
le pas à des personnalités reconnues pour leur expertise dans<br />
le domaine des traditions historiques, <strong>du</strong> droit, de<br />
l'ésotérisme ».<br />
g) Dans c<strong>et</strong>te assemblée, « les vieillards, symboles de sagesse,<br />
jouent un rôle privilégié. Leur éthique <strong>et</strong> divers tabous liés à<br />
leur âge leur interdisent de prendre des positions partisanes,<br />
<strong>et</strong> les invitent plutôt à la pondération <strong>et</strong> au compromis ».<br />
62 Il ajoute que: « Parfois cependant, pour des raisons de confidentialité,<br />
les jeunes enfants <strong>et</strong> les femmes réputées bavardes (Ekobô kobô) en sont<br />
exclus ».<br />
335
h) Pour trancher les litiges, «le chef a des notables<br />
spécialisés dans la gestion <strong>et</strong> la résolution des conflits, <strong>et</strong><br />
constituent le Eboé Bot (commandement des hommes) ».<br />
i) Les «faiseurs de paix» présentent les parties en conflit <strong>et</strong><br />
les amènent à s'expliquer. Auparavant, des «hommes<br />
intelligents», des sorciers, des magiciens avaient procédé à<br />
des investigations <strong>et</strong> délivrent leur témoignage.<br />
j) Dans l'assemblée se trouve assis un patriarche influent<br />
reconnu pour son intégrité (il porte, chez les Bulu, le nom de<br />
kasso). «D'une grande discrétion, il ne prend pas part aux<br />
débats <strong>et</strong> son regard absent, est plutôt fIxé dans les nuages.<br />
Son avis sera cependant prépondérant au moment de la<br />
délibération ».<br />
k) Le silence est ordonné <strong>et</strong> la parole commence à être<br />
distribuée selon un protocole établi. « La parole dépensée au<br />
cours de la palabre n'est pas ordinaire; elle est riche <strong>et</strong><br />
puissante, fondée sur la somme d'expériences vécues <strong>et</strong><br />
conceptualisées par la société : proverbes, paraboles, contes,<br />
généalogies, mythes, d'où se dégagent des leçons, des mises<br />
en garde <strong>et</strong> des recommandations prônant la pondération, le<br />
compromis <strong>et</strong> la concorde ».<br />
1) C'est pourquoi le chef meneur des débats (mot dzal) doit<br />
être éloquent (ndzoe) <strong>et</strong> d'une grande érudition dans le<br />
domaine de l'histoire <strong>et</strong> <strong>du</strong> droit coutumier. « Sa parole est<br />
souvent ésotérique <strong>et</strong> <strong>sous</strong> forme de paraboles (minkala ou<br />
nkenda); elle revêt des allures à la fois symbolique <strong>et</strong><br />
rythmique ».<br />
«La palabre est une affaire de longue <strong>du</strong>rée <strong>et</strong> le circuit<br />
toujours compliqué des débats invite à la patience. Outre la<br />
parole, il y a toute une symbolique de gestes ritualisés, des<br />
silences lourds de signifIcation, tout cela étant l'expression<br />
d'une é<strong>du</strong>cation <strong>et</strong> d'une culture fort élaborées. La palabre n'a<br />
pas pour finalité d'établir les tores respectifs des parties en<br />
conflit <strong>et</strong> de prononcer des sentences qui con<strong>du</strong>isent à<br />
336
l'exclusion <strong>et</strong> au rej<strong>et</strong>. La palabre apparaît plutôt comme une<br />
logothérapie qui a pour but de briser le cercle infernal de la<br />
violence <strong>et</strong> de la contre-violence afin de rétablir l'harmonie <strong>et</strong> la<br />
paix. ».<br />
7. Programme 6 : Les mecanismes particuliers de resolution <strong>et</strong><br />
de prevention des conflits<br />
Parmi les mécanismes de résolution <strong>et</strong> de prévention des<br />
conflits, l'on peut citer:<br />
7.1. L'alliance sacrificielle<br />
L'alliance sacrificielle était pratiquée autrefois dans le centre<br />
<strong>du</strong> Cameroun <strong>et</strong> était connue <strong>sous</strong> le nom de mandjara<br />
impliquant toute l'aire culturelle djukun comprenant divers<br />
groupes <strong>et</strong>hniques (les Vouté, les Mbum, les Tikar, les Bamum,<br />
<strong>et</strong>c .). On «égorgea un Vouté <strong>et</strong> un Tikar <strong>et</strong> on mélangea leur<br />
sang ». En se prêtant à ce sacrifice rituel extrême, dit l'auteur,<br />
«ces deux communautés auront enterré à jamais la hache de<br />
guerre ». Tierno Bah ajoute que le pacte <strong>du</strong> mandjara «était<br />
scrupuleusement respecté car toute transgression se soldait<br />
pour la communauté déviante, par les pires calamités ». C'en<br />
cela qu'il aura permis de prévenir ou d'atténuer la violence<br />
armée dans une vaste région <strong>du</strong> Cameroun à l'époque<br />
précoloniale. L'auteur affirme que l'eff<strong>et</strong> <strong>du</strong> mandjara<br />
« per<strong>du</strong>re aujourd'hui encore, dans les rapports intercommunautaires<br />
<strong>et</strong> constitue un facteur de paix entre indivi<strong>du</strong>s<br />
<strong>et</strong> autres collectivités ».<br />
Thierno Bah donne un exemple de c<strong>et</strong>te alliance sacrificielle<br />
en pays Bamiléké qui est l'une des régions d'Afrique dans<br />
laquelle la délimitation des frontières constitue un problème<br />
qui conditionnait l'état de guerre ou de paix. Aussi fallait-il<br />
matérialiser ces frontières par des tranchées appelées n'seep ou<br />
swen, afin de prévenir d'éventuels conflits par le procédé<br />
suivant:<br />
337
« A l'occasion, étaient scellées des alliances sacrificielles. Une<br />
fois la frontière tracée, on se procurait un chien noir. On lui<br />
attachait des cauris au cou, on l'enivrait de vin de raphia <strong>et</strong> on<br />
l'enterrait vivant dans la tranchée, en prononçant des formules<br />
sacrées. Par dessus, on plantait un arbre symbole de paix.<br />
Quiconque se hasardait à traverser, armé, les lignes de<br />
démarcation ainsi établies, s'exposait à l'implacable colère des<br />
ancêtres <strong>et</strong> des divinités. Un exemple mémorable est l'alliance<br />
conclue entre les chefferies Baham <strong>et</strong> Bandjoun. Une paix<br />
solennelle fut proclamée <strong>et</strong> symbolisée par deux arbres sacrés<br />
plantés de part <strong>et</strong> d'autre de la frontière. Au fil des ans, leurs<br />
branches s'entremêlèrent, frappant l'imaginaire des populations<br />
qui virent dans ce phénomène un signe d'union perpétuelle. »<br />
7.2. Les corps de métiers<br />
Il va de soi que les personnes qui travaillent ensemble ou qui<br />
font le même travail, ont naturellement tendance à développer<br />
entre eux soit des relations de solidarité soit des relations de<br />
compétition. Qu'en est-il dans les sociétés africaines<br />
traditionnelles <strong>et</strong> actuelles?<br />
7.3. Les jeux<br />
Les activités ludiques ont également joué un rôle de<br />
prévention des conflits armés. «On établit par exemple que le<br />
conflit sera tranché par de jeunes athlètes des deux groupes<br />
antagonistes ». Thierno Bah donne <strong>du</strong> jeu d'adresse (guien)<br />
pratiqué chez les Mabea <strong>du</strong> sud <strong>du</strong> Cameroun : «une roue de<br />
bois est lancée entre deux rangées de jeunes gens armés de<br />
sagaies. Le premier à transpercer la roue apporte le triomphe à<br />
l'ensemble de son clan pour éviter toute contestation <strong>et</strong> un<br />
embrasement possible <strong>du</strong> conflit, un serment prononcé sur le<br />
sang d'un animal immolé consacre la victoire ».<br />
Rappelons que, dans la Grèce antique également, lors des<br />
jeux olympes, une trève olympique d'un mois obligeait les Grecs<br />
à arrêter tout conflit. Pourquoi l'Afrique moderne ne<br />
recourr<strong>et</strong>iat-elle pas ses propres traditions dans les mécanismes<br />
de construction de la paix ?<br />
338
7.4. Les manoeuvres d'allégement ou de dilation de la violence lors de la<br />
belligérence:<br />
a) Sur le plan des institutions politiques chez les B<strong>et</strong>i <strong>et</strong> chez<br />
les Bamileke il existe, à la tête de la communauté, deux chefs:<br />
un chef de guerre <strong>et</strong> un chef de paix, « ce dernier ayant des<br />
prérogatives permanentes, alors que le chef de guerrllt est<br />
désigné de façon circonstancielle» (Thierno Bah).<br />
b) Les techniques de normalisation destinées à éviter ou tout<br />
au moins de freiner la violence <strong>et</strong> les conflits armés. En eff<strong>et</strong>, les<br />
formes de déclaration de guerre ont un aspect des<br />
préoccupations dissuasives laissant toujours la place au<br />
compromis <strong>et</strong> à la solution non violente des contradictions. « La<br />
déclaration de guerre est souvent différée de « plusieurs lunes »,<br />
le temps <strong>et</strong> une prise de conscience pouvant favoriser une<br />
déflation des tensions ». Ainsi, chez les Bamum de l'ouest <strong>du</strong><br />
Cameroun, «il était d'usage, avant tout conflit, de libérer un<br />
captifde guerre <strong>du</strong> groupe adverse. Rentré chez lui, il peut jouer<br />
le rôle de temporisateur, ayant une claire idée <strong>du</strong> rapport de<br />
force ». Ce prisonnier libéré pouvait également jouer le rôle de<br />
médiateur (Thierno Bah).<br />
7.5. L'interdiction faite aux femmes de prendre les armes <strong>et</strong> leur<br />
immunitépendant la guerre.<br />
A titre d'exemple, au Rwanda, la femme, porteuse de la vie,<br />
était exclue des actes de destruction de la vie <strong>et</strong> jouissait eIlemême<br />
d'une immunité pendant les guerres <strong>et</strong> les actes de<br />
vend<strong>et</strong>ta. Selon R Bourgeois 63 , en eff<strong>et</strong>, il lui était interdit « de<br />
participer à des actes de mort ou de destruction: pas de<br />
débroussaillement, pas d'abattage d'arbre, pas de guerre; lors<br />
de l'exercice <strong>du</strong> droit de vengeance, sa personne est inviolable;<br />
défense pour elle d'élaguer les bananiers, d'abattre les animaux,<br />
de toucher à des instruments qui, par destination, collaborent à<br />
supprimer la vie: lances, haches, arcs, flèches, sabres, serpes,<br />
hormis l'utilisation magico-religieuse ». Le meurtre d'une<br />
63 Op. dt. p. 150.<br />
339
femme était une grande honte <strong>et</strong> était vengé d'une façon<br />
terrible64.<br />
S.Annexe<br />
La symbolique <strong>et</strong> la terminologie de la paix <strong>et</strong> les moyens<br />
traditionnels de communication<br />
1. Les symboles de lapaix<br />
D'après Thierno Bah, chez les Vouté <strong>du</strong> centre <strong>du</strong><br />
Cameroun, avant d'ouvrir les hostilités on emploie des<br />
symboles qui laissent toujours à l'ennemi la possibilité d'un<br />
choix: « un carquois de flèches (symbole de guerre) <strong>et</strong> de deux<br />
gerbes de mil (symbole de paix) qui sont offerts par un<br />
émissaire mandaté ».<br />
Thierno Bah énumère également quelques symboles de la<br />
paix en pays Bamiléké <strong>et</strong> Bassa:<br />
a) En pays Bamiléké «c'est le nkeng ou yap nfeguem<br />
(dracoena deilstelialiane), "arbre de paix", dont les feuilles sont<br />
agitées par l'assistance. lei, la magni (mère de jumeaux) sensée<br />
incarner des pouvoirs spéciaux joue un rôle privilégié; elle<br />
parcourt le lieu de la palabre, tenant une branche de nkeng à la<br />
main. Le nkeng, dont les feuilles sont minces, de couleur foncée<br />
<strong>et</strong> d'une longueur de 20 cm environ, est censé réparer les fautes<br />
commises <strong>et</strong> est un gage sûr de bonne moralité, de vérité <strong>et</strong> de<br />
paix ».<br />
b) En pays Bassa, «l'écosystème est plutôt favorable au<br />
palmier <strong>et</strong> ce sont ses rameaux (masêê) qui symbolisent la paix<br />
<strong>et</strong> la joie. Pour célébrer la paix r<strong>et</strong>rouvée, des groupes de danse<br />
<strong>et</strong> de musique se pro<strong>du</strong>isent, magnifiant les vertus de la paix.<br />
C'est ainsi qu'un refrain célèbre dans le royaume bamum,<br />
pourtant réputé pour son activité guerrière, formule que «la<br />
femme préfère un lâche vivant à un héros mort». Chants <strong>et</strong><br />
danses apparaissent ainsi, dans diverses sociétés traditionnelles<br />
64 Voir Alexis Kagame, op. cir. p. 80-81.<br />
340
africaines, comme des supports importants d'un vouloir vivre<br />
en paix, dans lajoie ».<br />
2. La terminologie relative au règlement pacifique des conflits<br />
<strong>et</strong> à leurpréventiondans les langues d'Afrique Centrale<br />
Exemple en kikongo (d'après Laman):<br />
Mp6fi (mpovi): avocat, délégué, ambassadeur, messager,<br />
représentant, celui qui parle au nom d'autrui; (qui est honnête,<br />
probe, intègre).<br />
Ndavila: messager.<br />
Nttimi : message, messager, envoyé, consul.<br />
Nttimwa: quelqu'un qui a été envoyé; délégué, messager,<br />
légat, apôtre, missionnaire; message, ambassade.<br />
Kituma: qui est envoyé.<br />
Lumbi : messager, envoyé; délégué.<br />
Luttimu: indication, direction; ordre, gouvernement; règne;<br />
percepteur; autorité.<br />
Kuzingula 'nsamu : résoudre un conflit, mentionner,<br />
détailler les circonstances, les conditions (d'un événement, d'un<br />
crime, <strong>et</strong>c.).<br />
Muangi, ayenge : le faiseur de la paix, ce qui procure la paix,<br />
le médiateur, le (ré)concillateur.<br />
Mu6lo : paix, douceur, bonté <strong>du</strong> cœur; maître de soi-même;<br />
empire sur soi-même; r<strong>et</strong>enue, modération, mesure; qui est<br />
tranquille, paisible, calme, doux, tendre.<br />
Kusia ngémba, kubanda ngémba, kuuanga Ngémba:<br />
fonder une amitié, la paix, réconcilier.<br />
341
Nkàlu: cadeau de paix, d'amitié après un procès, un<br />
différend. Celui qui a per<strong>du</strong> <strong>et</strong> payé l'amende demande le nkalu,<br />
soit une p<strong>et</strong>ite partie de l'amende ou de l'animal qu'il a donné<br />
ou une valeur correspondante en étoffe;<br />
Kuuaana nkalu: donner un cadeau de paix, d'amitié après<br />
un procès, un différend.<br />
Nkambakani: qui est en travers; qui passe entre, qui<br />
empêche; choses qui sont en travers les unes des autres; pers.<br />
qui interrompt, qui coupe la parole à qqn pour parler ellemême;<br />
qqn qui intervient pour arranger, concilier, prévenir un<br />
conflit (vita, mvita, nsingu,' nzingu).<br />
, Nkambami : intermédiaire.<br />
Nunwa nsanga: conclure une alliance; kunwika nstinga:<br />
fonder la paix, pacifier, réconcilier; inviter des ennemis à boire<br />
ensemble pour ratifier la paix.<br />
Kuvutula venge: ramener la paix, réconcilier, m<strong>et</strong>tre<br />
d'accord, raccommoder.<br />
Kuwawana: être d'accord, tomber d'accord, approuver,<br />
s'harmoniser; être enten<strong>du</strong> avec, s'entendre, s'accorder,<br />
convenir avec; se réconcilier; prendre une décision d'un<br />
commun accord; entreprendre (une affaire).<br />
Kuwawasa: réconcilier, nouer une amitié; procurer la paix,<br />
l'harmonie.<br />
Kubambakana: s'associer, se m<strong>et</strong>tre ensemble (dans le<br />
travail) ; faire la paix, amitié, <strong>et</strong>c.<br />
Kubambakasa: prévenir une bataille (en tenant l'un de<br />
l'autre) ; procurer la paix.<br />
Kubambisa: unir, réunir; demeurer ensemble; accomplir<br />
une oeuvre de paix, provoquer l'union, la paix.<br />
342
Kub6mba: consoler; faire taire; exhorter, persuader,<br />
empêcher (quelque chose de méchant); apaiser; adoucir,<br />
réconcilier;<br />
Kub6mba yenge : établir la paix, fonder une amitié.<br />
343
Institutions <strong>et</strong> mécanismes traditionnels de<br />
prévention <strong>et</strong> de résolution pacifique des conflits au<br />
burundi 65<br />
Approche comparative 2<br />
Intro<strong>du</strong>ction<br />
Pro Philippe NTAHOMBAYE<br />
Burundi<br />
Le Burundi disposait de solides institutions, de valeurs<br />
socio-culturelles, de pratiques <strong>et</strong> rites qui garantissaient la<br />
cohésion sociale <strong>et</strong> le règlement pacifique des conflits.<br />
Parmi ces institutions, il y a lieu de mentionner:<br />
La famille: cadre idéal de base pour l'é<strong>du</strong>cation à la<br />
paix à travers l'école <strong>du</strong> soir (contes, proverbes <strong>et</strong> autres genres<br />
littéraires).<br />
Les structures de relations issues:<br />
• des liens de sang <strong>et</strong> des alliances matrimoniales;<br />
• des systèmes d'échanges de dons <strong>et</strong> contre-dons;<br />
• des célébrations de la vie comme la levée de deuil<br />
définitive (ukugan<strong>du</strong>ka) qui est une occasion de règlement<br />
définitif de litiges entre les membres de la famille <strong>du</strong> défunt ou<br />
les parentés ou les voisins <strong>et</strong> partant, de prévention des conflits;<br />
• des paroles sociales <strong>et</strong> les interdits.<br />
65 Synthèse de l'étude menée par Ntahombaye Philippe <strong>et</strong> Manirakiza<br />
Zénon: La contribution des institutions traditionnelles de résolution<br />
pacifique des conflits à la résolution pacifique de la crise burundaise,<br />
Maison de l'UNESCO, 1997.<br />
2 Avec le texte de Raphaël NDIAYE: »Pluralité <strong>et</strong>hnique, convergences<br />
culturelles <strong>et</strong> citoyenn<strong>et</strong>é en Afrique de l'Ouest<br />
345
Nous allons analyser comment l'é<strong>du</strong>cation à la paix se faisait<br />
à travers ces mécanismes.<br />
1. E<strong>du</strong>cation à lapaix par l'institution familiale <strong>et</strong> les pratiques<br />
sociales (cf. p.1S)<br />
1.1. L'école familiale <strong>du</strong> soir: l'é<strong>du</strong>cation se faisait à travers les<br />
contes, les proverbes qui donnent à l'enfant les<br />
connaissances fondamentales d'intégration dans la société.<br />
C'est le rôle de la famille restreinte, élargie, des voisins, bref<br />
de toute la communauté. On dit « umwana si uw'umwe ».<br />
C'est la famille qui fournit les piliers solides de la paix <strong>et</strong> de<br />
l'intégration sociale, partant de la réussite. Ces pratiques <strong>et</strong><br />
rites ainsi que les paroles sociales, préceptes <strong>et</strong> normes sont<br />
puisés dans le patrimoine culturel.<br />
Isaac Nguema (Sacralité, pouvoir <strong>et</strong> droit en Afrique, quinze<br />
ans après, Laboratoire d'anthropologie juridique de Paris,<br />
Bull<strong>et</strong>in de liaison, n°20, juin 1995) écrit ceci :<br />
« La prévention des actes de violence peut pourtant se faire<br />
notamment par l'é<strong>du</strong>cation, celle-ci doit commencer au sein de<br />
la famille, se poursuivre à tous les niveaux de l'enseignement:<br />
préscolaire, primaire, secondaire, supérieur dans toutes les<br />
filières de formation technique ou professionnelle (écoles<br />
nationales d'administration, écoles de police, écoles de<br />
gendarmerie, écoles de la magistrature, écoles des ingénieurs,<br />
<strong>et</strong>c. », p. 20.<br />
Toute question d'é<strong>du</strong>cation commence toujours à se poser<br />
au sein de la famille; enten<strong>du</strong>e dans le sens d'une cellule<br />
fondamentale de toute vie en société.<br />
C'est dans la famille que se transm<strong>et</strong>taient les valeurs<br />
universelles d'honnêt<strong>et</strong>é, de culte de la vérité, d'honneur, de<br />
maîtrise de soi, de respect de la vie, d'hospitalité.<br />
« Par école familiale <strong>du</strong> soir », il faut entendre le processus<br />
d'é<strong>du</strong>cation informelle de base qui était, dans la tradition<br />
346
urundaise, animé par les parents <strong>et</strong> surtout les grands-parents<br />
d'un enfant, avec l'intention de lui offrir la richesse de la sagesse<br />
contenue dans la littérature orale (contes, proverbes, énigmes,<br />
<strong>et</strong>c.).<br />
Dans l'enseignement traditionnel, la littérature orale joue un<br />
rôle de premier plan dans la transmission de la connaissance<br />
pour la simple raison qu'elle est profondément imprégnée des<br />
réalités culturelles <strong>et</strong> des valeurs sociales. Elle est un éminent<br />
véhicule de la connaissance historique, de la morale sociale <strong>et</strong><br />
des modèles inconscients. Elle exptime l'âme <strong>du</strong> peuple.<br />
Crépeau le dit bien:<br />
«C'est dans ces récits mythiques <strong>et</strong> historiques, dans ces<br />
grandes poésies, dans ces prescriptions, ces tabous <strong>et</strong> ses<br />
interdits, dans ces contes <strong>et</strong> ces fables, dans ces proverbes, ces<br />
devin<strong>et</strong>tes, ces chansons, que se reflète comme réfléchi dans un<br />
miroir, l'âme d'un peuple », p. 22. (Parole <strong>et</strong> sagesse, Valeurs<br />
sociales dans la société <strong>du</strong> Rwanda, Tervuren, 1981, 261p - p. 2<br />
3).<br />
1.1.1. E<strong>du</strong>cation à la paix à travers les contes <strong>et</strong> les fables<br />
(Imigani n'ibitito).<br />
- Facteurpédagogique:<br />
Les contes <strong>et</strong> les fables « sont le creus<strong>et</strong> des leçons morales<br />
que l'enfant apprenait p<strong>et</strong>it à p<strong>et</strong>it, fasciné par la défaite ou les<br />
victoires répétées des personnages humains, animaliers ou<br />
mythiques », p. 23.<br />
«Les héros des contes m<strong>et</strong>tent en évidence un système de<br />
valeurs <strong>et</strong> incarnent les défauts ou les vertus auxquels<br />
s'associent, selon les cas, l'échec ou la réussite dans la vie<br />
sociale », p. 23. Les noms des personnages tra<strong>du</strong>isent certains<br />
comportements sociaux, les relations sociales significatives <strong>et</strong><br />
vécues. Donc bien qu'imaginaires <strong>et</strong> ludiques, ils revêtent une<br />
signification sociale immédiate.<br />
347
Théâtralisation, imagination perm<strong>et</strong>tent de démontrer les<br />
mécanismes fondamentaux de la société pour résoudre les<br />
conflits.<br />
Le conte a une VIsee pédagogique. De nombreux contes<br />
m<strong>et</strong>tent en exergue le sens de l'hospitalité, la patience, la<br />
reconnaissance, la discrétion, la solidarité, l'acceptation des<br />
épreuves de la vie, le sens de la discipline, de la prudence, <strong>du</strong><br />
développement, <strong>et</strong>c. Nombreux sont également les contes qui<br />
condamnent la malhonnêt<strong>et</strong>é, la jalousie, l'injustice, bref tous<br />
les vices.<br />
- Facteur sociologique de cohésion:<br />
A travers le rire, le conte a le rôle de resserrer davantage les<br />
liens qui unissent les membres d'un même groupe social.<br />
« Ceux-ci participent à la même émotion que fait le conte, au<br />
même rire, <strong>et</strong> éprouvent <strong>du</strong> plaisir d'être ensemble, réunis<br />
autour d'un même jeu qui est le conte. Celui-ci agit donc<br />
comme facteur sociologique de cohésion ", p. 25.<br />
Les contes mythiques de l'ogre (igisizimwe) comme<br />
personnage central sont un exemple intéressant: « L'ogre est le<br />
symbole de la méchanc<strong>et</strong>é, de la violence gratuite, <strong>du</strong> sadisme <strong>et</strong><br />
de la naïv<strong>et</strong>é,... ", p. 26.<br />
- Contes violents <strong>et</strong>lalutte contre le mal :<br />
Les contes violents prisent la vengeance, l'arrogance, la<br />
victoire des plus forts sur les plus p<strong>et</strong>its.<br />
L'exemple de la vengeance: Le thème de la vengeance dans les<br />
contes rundi est lié à celui de l'honneur. li s'agit de rendre le<br />
mal pour le mal (loi <strong>du</strong> talion) pour sauvegarder l'honneur de la<br />
famille, de lui assurer une haute considération sociale, un<br />
respect de la part des autres, voir <strong>du</strong> chef ou <strong>sous</strong>-chef. Les<br />
proverbes suivants sont éloquents à ce suj<strong>et</strong>:<br />
* Uguheneye ntumehenere akwita ikibura nyo.<br />
* Ikibi cituzwa ikindi<br />
348
Sagesse <strong>et</strong> mémoire, les proverbes sont utilisés dans les<br />
discours de circonstance pour donner aux arguments une<br />
certaine force de persuasion ou de dissuasion.<br />
Les proverbes sont un trésor immense pour une culture de<br />
paix. Ce sont des conseils populaires pour sauvegarder les<br />
valeurs de référence comme la dignité, l'hospitalité, la maîtrise<br />
de soi, le respect <strong>du</strong> serment (indahiro) <strong>et</strong> de l'engagement<br />
totalisant (ibanga), le respect de la personne humaine, le culte<br />
de la vérité, le respect de la vie de toute créature, la cohabitation<br />
pacifique avec les voisins... », (p. 35) donc la prévention <strong>et</strong><br />
résolution pacifique des conflits.<br />
- Respect absolu de lavie humaine:<br />
Amaraso arahuma (le sang humain, une fois versé, crie toujours<br />
vengeance).<br />
- Cohabitation pacifique <strong>et</strong> hospitalité:<br />
- Umubanyi ni we muryango: un bon voisin est plus<br />
important qu'un membre de famille.<br />
- Umubanyi mubi aruta umuro;;:,i: le mauvais voisin est<br />
plus nuisible qu'un sorcier.<br />
- Ubugirigiri bugira babiri: les travaux gênants peuvent<br />
être accomplis par deux personnes qui s'entendent bien.<br />
- Valeurs <strong>du</strong> cœur avant tout:<br />
- Kami ka muntu ni umutima wiwe : le p<strong>et</strong>it roi intérieur de<br />
l'homme, c'est son cœur.<br />
- Akamenyero kica inkware: C'est à cause de ses<br />
mauvaises habitudes que la perdrix finit par tomber<br />
dans le piège.<br />
1.1.3. L'é<strong>du</strong>cation à la paix à travers lapoésie orale<br />
La poésie orale, dans un style d'animation de la vie<br />
quotidienne, sert dans « la conservation ou la préservation des<br />
valeurs qu'elle codifie» (Gourevitch, J.P.: Les enfants <strong>et</strong> la<br />
poésie », p. 11) mais aussi dans la transmission des valeurs<br />
350
mobiles tels que le respect de l'environnement, l'amour de la<br />
faune <strong>et</strong> de la flore, le souci d'une aisance économique, le culte<br />
<strong>du</strong> travail bien fait,...p.38. Le poète loue ses hauts faits (poésie<br />
guerrière), clame la beauté de ses vaches (poésie pastorale <strong>et</strong> la<br />
noblesse de ses activités (pp.38-39).<br />
* Lapoésie lyrique<br />
Nous avons les berceuses (ivyugumbiro) <strong>et</strong> des salutations<br />
mo<strong>du</strong>lées (akazeheJ akayego), les récitals <strong>et</strong> les complaintes<br />
accompagnées par la harpe (inanga).<br />
* La poésie pastorale<br />
Eloges pastoraux (ukubonekesha inka) <strong>et</strong> incantations à la<br />
vache (ukuvumereza) ou encore (ibicuba) genre propre à la<br />
transhumance. TI y a aussi l'ode <strong>du</strong> voleur. L'ode à la houe<br />
(amazina y'isuka), le chant de l'apiculteur (amazina y'inzuki), le<br />
chant de l'égugeoir (kuvugira isekuro), la poésie cynégétique<br />
(amahigi) s'inscrivent dans la poésie orale. Ainsi, toutes les<br />
activités s'accompagnent de chants.<br />
* Lapoésie guerrière:<br />
Elle célèbre les exploits militaires. Elles content divers récits<br />
r<strong>et</strong>raçant des péripéties de bataille. Elle a pour thème un chant<br />
de victoire <strong>et</strong> de gloire. C'est une parole d'auto exaltation dans<br />
un style poétique extraordinaire. Louange de héros lui-même<br />
qui loue ses hauts faits mais aussi louange <strong>du</strong> chef qui sait<br />
récompenser les services ren<strong>du</strong>s <strong>et</strong> louange de la vache<br />
récompense.<br />
En synthèse sur la poésie orale:<br />
Elle est le moteur des activités quotidiennes, anime les veillés<br />
<strong>et</strong> les travaux, en divertissant les membres de la communauté.<br />
La poésie guerrière respectait un minimum de règles.<br />
L'intervention des Bashingantahe faisait calmer le jeu <strong>et</strong><br />
favoriser la réconciliation, imposant ainsi une certaine limite à<br />
la violence. li n'y a jamais eu de guerre à caractère « <strong>et</strong>hnique»<br />
351
dans la tradition burundaise. L'opérationnalité de l'<strong>et</strong>hnicité est<br />
une réalité nouvelle.<br />
La guerre traditionnelle était une affaire des hommes (jeunes<br />
<strong>et</strong> a<strong>du</strong>ltes). Elle n'appelait jamais la participation des enfants <strong>et</strong><br />
des femmes comme aujourd'hui. Beaucoup d'enfants (8-10 ans)<br />
ou de jeunes filles participent à la guerre, surtout <strong>du</strong> côté des<br />
milicès <strong>et</strong> des bandes armées.<br />
La poésie orale est le creus<strong>et</strong> des valeurs comme l'amour <strong>du</strong><br />
travail, l'amour de la flore <strong>et</strong> de la faune, l'amour de la vie.<br />
«En proférant la poésie liée à la chasse, à l'élevage des<br />
vaches, des abeilles, à la récolte des plantes, <strong>et</strong>c., le poète<br />
inculque à l'auditeur toutes ces valeurs qui contribuent<br />
finalement à garder l'homme en bonne relation avec<br />
l'environnement », p. 46.<br />
La réhabilitation de ce patrimoine peut contribuer à une<br />
é<strong>du</strong>cation à une « véritable réconciliation écologique »,<br />
contraire à l'actualité des destructions éhontées de<br />
l'environnement. Avec c<strong>et</strong>te é<strong>du</strong>cation, la nature peut être<br />
respectée comme réservoir de vie <strong>et</strong> patrimoine des générations<br />
futures », p. 47.<br />
2. Pratiques <strong>et</strong> rites<br />
Les pratiques <strong>et</strong> rites contribuent au renforcement des<br />
relations humaines à l'intérieur des parentés proches ou par<br />
alliance. Il y a dans ces pratiques des techniques d'alliances <strong>et</strong> de<br />
réconciliation qui développent chez l'enfant le souci de<br />
sauvegarder c<strong>et</strong>te harmonie sans cesse recherchée. Ce sont des<br />
piliers solides qui garantissent la pérennité d'une tradition<br />
donnée.<br />
352
2.1. Alliances matrimoniales<br />
« Elles sont fondées sur l'application des qualités dévolues à<br />
une famille donnée, indifférentes des préférences liées à<br />
l'appartenance « <strong>et</strong>hnique» des indivi<strong>du</strong>s ».<br />
Ainsi, au fil des années, l'expérience des mariages entre<br />
Bahutu <strong>et</strong> Batutsi fait son chemin. Elle traverse, parfois avec<br />
bonheur, les cycles répétés de violences à caractère <strong>et</strong>hnicopolitique<br />
qui caractérisent les décennies post-coloniales jusqu'à<br />
nos jours, p. 49.<br />
«Aujourd'hui même, en pleine crise, c<strong>et</strong>te réalité des<br />
mariages <strong>et</strong>hniquement mixtes est observée. Elle perm<strong>et</strong>tra, à<br />
coup sûr, de donner des leçons aux intégristes qui la combattent<br />
<strong>et</strong> aux jeunes en croissance », p. 50.<br />
2.2. Le pacte de réconciliation<br />
«Le pacte de réconciliation était un traité de paix. n<br />
contrecarrait la violence <strong>et</strong> toute possibilité de vengeance. n<br />
freinait ainsi la violence intermittente <strong>et</strong> perpétuelle. n avait lieu<br />
quand les belligérants voulaient faire régner la concorde entre<br />
eux après un meurtre », p. 50.<br />
Dans la cérémonie, il y a deux symboles importants: le<br />
sorgho (amasaka) <strong>et</strong> le mouton (intama). Le sorgho est la<br />
culture qui symbolise la royauté <strong>et</strong> garantit la paix, la vie <strong>et</strong> la<br />
fécondité; le mouton est le symbole de Dieu (Imana) avec<br />
l'oreille qui représente Dieu devenant le témoin <strong>du</strong> serment.<br />
« Pour sentir c<strong>et</strong>te présence divine, il fallait s'imprégner <strong>du</strong><br />
sang qui coulait de l'oreille coupée. Le sang était même bu avec<br />
la bière...n fallait tenir à la parole sinon Dieu allait agir contre<br />
les contrevenants. C'était cela la force <strong>du</strong> pacte ", p. 57.<br />
353
2.3. Le pacte de sang (kunywana)<br />
Il n'est plus en usage aujourd'hui. C'était un facteur de paix.<br />
Il concrétisait l'intimité entre deux personnes. C'était un accord,<br />
une alliance. Il existe ailleurs notamment chez les Nandi <strong>du</strong><br />
Kenya.<br />
« L'amitié se scelle par le pacte de sang: incision sur le bras<br />
des deux jambes, tamponnée avec le sang d'une chèvre blanche,<br />
les deux amis en mangent quelques bouchées crues », p. 53.<br />
Au Burundi, «on prenait un rasoir spécial en forme de<br />
couteau <strong>et</strong> on pratiquait des incisions sur le poign<strong>et</strong> ou sur la<br />
poitrine (près <strong>du</strong> cœur). On laissait tomber la p<strong>et</strong>ite quantité de<br />
sang dans une calebasse <strong>et</strong> on en buvait avec la bière de<br />
sorgho », p. 53.<br />
2.4. Le don<br />
«Système de relations donnant-donnant fondé sur les<br />
échanges, à titre gratuit, de biens matériels, avec l'intention de<br />
tisser <strong>et</strong> de cimenter les bons rapports entre familles », p. 54. Il Y<br />
avait les rapports de clientèle (ubugabire) fondés sur la vache,<br />
sur la cession d'une portion de terre pour une exploitation<br />
temporaire (ubugererwa). Ces systèmes allaient jusqu'à fonder<br />
de véritables relations d'amitié. «L'institution <strong>du</strong> don s'inscrit<br />
dans un système d'échanges, de réciprocité <strong>sous</strong> forme de<br />
contre-dons de services <strong>et</strong> contribue à consolider les liens<br />
d'amitié <strong>et</strong> de solidarité », p. 55.<br />
2.5. Lalevée de deuil définitive (ukugan<strong>du</strong>ka)<br />
C'est l'occasion de trancher les litiges en famille <strong>et</strong> en public.<br />
«En présence des membres de tout lt; lignage (umuryango),<br />
invités à la circonstance, toute personne qui se croit avoir été<br />
lésée dans ses droits par le disparu demande publiquement la<br />
réparation des dommages à la famille <strong>du</strong> défunt. C'est<br />
l'occasion de désigner qui va répondre à toutes les demandes<br />
354
formulées <strong>et</strong> ce sont les représentants <strong>du</strong> lignage qui répondent<br />
à toute réclamation », p. 55-56.<br />
C'est l'occasion de « rassembler toutes les connaissances <strong>et</strong><br />
toutes les relations familiales de manière à liquider<br />
officiellement tous les litiges touchant à la succession d'un<br />
a<strong>du</strong>lte. Un conflit qui n'aura pas été soulevé publiquement ce<br />
jour ne pourra plus être évoqué devant aucune juridiction<br />
coutumière ni même devant le tribunal », p. 56.<br />
3. L'é<strong>du</strong>cation à lapaix à travers les paroles sociales<br />
L'imporrance de la parole sociale est capitale. Le nom, les<br />
tabous, les souhaits <strong>et</strong> les injures sont des paroles sociales qui<br />
peuvent être des techniques de prévention <strong>et</strong> de résolution<br />
pacifique des conflits.<br />
La mauvaise utilisation de la parole a pro<strong>du</strong>it des eff<strong>et</strong>s<br />
destructeurs, spécialement à travers les médias, de la haine dans<br />
la Région des Grands Lacs.<br />
3.1. Les noms 66<br />
3.1.1. Les noms indivi<strong>du</strong>els<br />
Outil d'identification de l'indivi<strong>du</strong> <strong>et</strong> de communication<br />
sociale où on lit en filigrane les rapports sociaux des parents<br />
avec la collectivité: amitié, hostilité, conseils, avertissement<br />
<strong>sous</strong> forme de prévention ou de résolution pacifique des<br />
conflits.<br />
* Niveau de lafamille - ménage:<br />
Pour tra<strong>du</strong>ire la tolérance <strong>du</strong> mari, on donnera le nom<br />
Mashakarugo (aragora umugore ntiyotutse umugabo) «le désir de<br />
fonder un foyer est difficile, l'homme n'accepterait pas d'être<br />
injurié ».<br />
66 Lire l'ouvrage de Ph. Ntahombaye. Des noms <strong>et</strong> des hommes.<br />
355
* Au niveau <strong>du</strong> voisinage:<br />
Le nom est un instrument réel de dialogue social (amaz:.ina<br />
y'imibano). Il va tra<strong>du</strong>ire les aspects positifs des efforts sociaux.<br />
* La prudence: Bukebuke ;<br />
* Le respect de la parole donnée :Ntagirabiri ;<br />
* Le refus de la vengeance: Singirankabo.<br />
Il tra<strong>du</strong>ira aussi les aspects négatifs <strong>sous</strong> forme d'ironie.<br />
* La méfiance: Ndabacekure;<br />
* L'hypocrisie: Berahino ;<br />
* Le mépris: Ngayimvugo/Ngayabose ;<br />
* L'injustice: Banzirakubusa ;<br />
* Les différentes formes de curiosité, de mensonge, de<br />
médisance à des fins de nuire: Bagwizurusaku<br />
/Hicuburundi ;<br />
* La jalousie: Bankumuhari ;<br />
* La colère <strong>et</strong> la rancune: Bendahafi, Nzigirabarya,<br />
Barindambi (ils sont rancuniers).<br />
Ces exemples montrent que le nom est un élément de<br />
dialogue, où l'on échange des opinions critiques <strong>sous</strong> forme de<br />
conseils, de rappel à l'ordre, au bon voisinage. Le nom social<br />
devient un facteur d'équilibre <strong>et</strong> d'harmonie naissant dans un<br />
contexte de communication <strong>et</strong> de dialogue où un nom-message<br />
appelle un autre nom-message stigmatisant tout ce qui entrave<br />
la solidarité, la cohabitation <strong>et</strong> la complémentarité.<br />
Le nom est un outil de lutte sociale <strong>et</strong> de garant de l'ordre:<br />
avertir le voisin que l'on est conscient de ses machinations,<br />
qu'on est méfiant <strong>et</strong> prudent; démasquer l'hypocrisie <strong>et</strong><br />
condamner la jalousie dont on connaît les ressorts; affirmer la<br />
volonté de se défendre <strong>et</strong> de défendre les siens contre une haine<br />
gratuite, p. 59.<br />
356
3.1.2. Les clans: facteurs d'intégration <strong>et</strong> de transcitoyenn<strong>et</strong>é dans la<br />
région des Grands Lacs<br />
Dans les royaumes interlacustres (Lac Kivu, Lac Albert, Lac<br />
Edouard, Lac Tanganyika, Lac Victoria).<br />
Le Burundi, le Buha-Sud <strong>du</strong> Burundi, le Rwanda au Nord, le<br />
Bushi au Sud-Est <strong>du</strong> Rwanda <strong>et</strong> Sud <strong>du</strong> Lac Kivu, le Nkore, le<br />
Toro, le Bunyoro, le Bushubi, le Buganda au Nord <strong>du</strong> Rwanda,<br />
le Karagwe à l'Est <strong>du</strong> Rwanda <strong>et</strong> au Nord <strong>du</strong> Bushubi, il y a une<br />
compénétration entre les clans <strong>et</strong> les diverses composantes de la<br />
population. C<strong>et</strong>te imbrication est une donnée essentielle des<br />
royaumes interlacustres à tel point que les Bahutu <strong>et</strong> les Batwa<br />
qui forment des catégories de la population au Burundi<br />
désignent au Buhaya des noms de clans bien déterminés (cf.<br />
Césard, le Muhaya, Anthropos).<br />
Ndaywell eCrlt ceci au suj<strong>et</strong> de c<strong>et</strong>te distribution<br />
interclanique <strong>et</strong> inter<strong>et</strong>hnique:<br />
« L'élément le plus pertinent pour notre analyse présente est<br />
le fait que l'<strong>et</strong>hnie abrite en son sein des clans qui, à leur tour,<br />
ne s'embarrassent pas d'être prolongés, comme on l'a déjà dit,<br />
au-delà de la frontière <strong>et</strong>hnique. La question est donc de savoir<br />
comment l'<strong>et</strong>hnie, par définition pluriclanique, connaissait<br />
l'existence de clans qui soient également pluri<strong>et</strong>hniques (La<br />
civilisaiton anciennedes pays des Grands Lacs, Karthala, CCB, 1981,<br />
p.276).<br />
Mworoha Emile donne l'exemple aussi <strong>du</strong> Rwanda <strong>et</strong> de<br />
l'Ankole en Ouganda où il existe «une intégration clanique<br />
totale» en ce sens que les mêmes clans se r<strong>et</strong>rouvent chez les<br />
Bahutu comme chez les Batutsi, chez les Bahima tout comme<br />
chez les Bairu », p. 32.<br />
C'est un phénomène original en Afrique des Grands Lacs<br />
avec c<strong>et</strong> éparpillement à l'intérieur d'un royaume <strong>et</strong> débordaient<br />
sur d'autres royaumes. On peut dire qu'il y a eu une<br />
distribution interne <strong>et</strong> interterritoriale des clans qui peut être<br />
357
avantageusement exploitée pour une transnationalité <strong>et</strong> une<br />
convivialité au sein de la région.<br />
Jean Labrique (Faits <strong>et</strong> légendes chez les Bashi, Archives de<br />
Tervuren, 1939, p. 7) donne les exemples de «Abacyaba,<br />
Abazigaba <strong>et</strong> Abashambo <strong>du</strong> Buhaya ou Rwanda; Abajiji,<br />
Abacyaba <strong>et</strong> Abahanza <strong>du</strong> Buha se r<strong>et</strong>rouvent au Burundi;<br />
Abega se r<strong>et</strong>rouvent au Rwanda, au Burundi, au Buha <strong>et</strong> au<br />
Bushi ».<br />
1. Abahutu b'abatsindagire bagunda amosato mu bigabiro<br />
c'umwami, n'abatsindagire b'abatutsi bakama i bwami<br />
n'ibuganwa «Philippe Nzobonariba umushingamateka avuka i<br />
Muramvya, Komine Mbuye.<br />
2. Ababanda bimuka bava i Mbo bagashika bitwa iryo zina,<br />
baba abatara muzi b'ibuganwa «ku Muzenga wa Mutaho<br />
bataramura ku kirimba kwa Ntarugera.<br />
3. Abanyagisaka atako ndanga numvire ko ari abahutu<br />
bonisangiye n'abatutsi bashingira umwami. Abahutu<br />
barisangiye baharondera umuhango w'amabanga i bwami.<br />
4. Abanyakarama b'abahutu biyitirira izina ry'abatutsi ari<br />
abitwarrire<br />
Même au niveau d'une colline, il existe plusieurs clans qui<br />
peuvent être interclaniques. Il est vrai que c<strong>et</strong>te dispersion <strong>et</strong><br />
c<strong>et</strong>te émigration posent des problèmes historiques qu'il faut<br />
résoudre; Mais c'est une autre approche historique pour<br />
laquelle les noms des groupes sociaux <strong>et</strong> les toponymes peuvent<br />
aider à faire une synthèse des migrations en Afrique.<br />
Il faut signaler qu'au Burundi, contrairement à ce que l'on<br />
observe au Nkore <strong>et</strong> au Rwanda, il n'existe pas de fusion<br />
complète entre les clans <strong>et</strong> les différentes catégories. Ces clans<br />
sont tantôt communs, tantôt particuliers. Il y a enchevêtrement<br />
<strong>et</strong> non intégration.<br />
358
L'imbrication des deux réalités (catégories <strong>et</strong> clans) est une<br />
donnée caractéristique de la région des Grands Lacs.<br />
Renforcement des mariages interclaniques <strong>et</strong><br />
inter<strong>et</strong>hniques: alliances matrimoniales plus éten<strong>du</strong>es:<br />
« Ces alliances interclaniques par le biais <strong>du</strong> mariage créent<br />
des liens de sang qui ré<strong>du</strong>isent considérablement les risques de<br />
conflits ouverts ». Au Burundi, il faudrait encourager <strong>et</strong><br />
soutenir les mariages inter-<strong>et</strong>hniques qui existent depuis<br />
longtemps.<br />
3.1.3. Souhaits <strong>et</strong>injures 67<br />
Ce sont des paroles sociales qui, comme le comique ou le<br />
fantastique, sont des textes structurés <strong>et</strong> qui manifestent un<br />
consensus sur le message à transm<strong>et</strong>tre: la lutte contre<br />
l'exclusion, la marginalisation dans la mesure où le contenu<br />
véhicule des valeurs sociales auxquelles la société burundaise est<br />
attachée <strong>et</strong> aspire; la référence à des pratiques sociales, à des<br />
coutumes, à des interdits qu'il faut respecter. Elles disent ce<br />
qu'il faut faire ou ne pas faire. C'est donc une forme<br />
d'é<strong>du</strong>cation en rapport avec les normes de la société <strong>et</strong> les codes<br />
culturels. Leur profération devient une sorte d'actualisation des<br />
normes de la société, un rappel de l'idéal commun auquel on<br />
doit s'attacher ou vers quoi on doit tendre, un comportement<br />
qu'il faut adopter ou éviter pour l'harmonie de la vie<br />
indivi<strong>du</strong>elles <strong>et</strong> <strong>du</strong> groupe, p. 60.<br />
Sur le plan psychologique, l'injure agit en instrument de<br />
violence morale. Il y a un choc, c'est une sorte de sanction<br />
morale qui invite à la sauvegarde de l'harmonie sociale. C'est<br />
fait <strong>sous</strong> forme de plaisanterie (ex: Wa mbwa we).<br />
3.1.4. Relations de plaisanterie<br />
S'agissant des relations <strong>et</strong> des attitudes de plaisanteries<br />
éventuelles, François Laplantine donne le type d'attitudes qui<br />
67 Cf. Ph. Nrahombaye, Au Cœur de l'Afrique n°2, 1996.<br />
359
ecommandent la familiarité, croire l'incorrection <strong>et</strong> la<br />
grossièr<strong>et</strong>é. C'est ce qu'on appelle la parenté à plaisanterie. Au<br />
Burundi par exemple, le neveu ne doit plus obéissance à son<br />
oncle utérin (gusengezanya). Entre le grand-père <strong>et</strong> le p<strong>et</strong>it-fils il<br />
y a des relations de taquineries diverses, en licences verbales<br />
envers un parent plus âgé que soi, entre cousins (par exemple au<br />
Burundi: entre abavyara : kuvyaruranya ou kuvyaruza).<br />
Le troisième modèle commande l'échange d'insultes entre<br />
parents (par exemple chez les Dogon de Côte d'Ivoire). D'après<br />
Marcel Mauss, « ce sont des comportements de relâchement qui<br />
constituent une détente <strong>et</strong> une compensation nécessaires à la vie<br />
<strong>du</strong> groupe ».<br />
La plaisanterie, la réserve <strong>et</strong> l'insulte s'imposent comme des<br />
obligations rituelles qui rappellent qu'entre deux groupes, un<br />
pacte d'association a été pour ainsi dire signé. Elles obligent les<br />
parties contractantes à une série de prestations mutuelles. De<br />
même que l'on doit échanger des coquillages <strong>et</strong> des services<br />
funéraires, dans le but de tisser les liens, on doit échanger des<br />
plaisanteries de familiarités, des insultes pour autant en tirer un<br />
motifde querelles comme des amis. Cela s'inscrit dans un cadre<br />
de solidarité.<br />
D'autre part, en contraignant les parents ou les alliés à<br />
l'impolitesse, tout antagonisme véritable est prévenu par une<br />
hostilité qui est jouée sur le mode comique de la plaisanterie.<br />
L'usage de la moquerie <strong>et</strong> de l'insulte concerne ainsi la<br />
résolution des tensions à l'intérieur d'un groupe particulier.<br />
Ainsi, au moyen de conflits simulés, on évite d'entrer<br />
ouvertement <strong>et</strong> réellement en lutte. Marcel Mauss a donné à ces<br />
échanges le nom d'alliance cathartique (cathartis signifie<br />
« purification de l'âme délivrée de ses passions).<br />
La prévention <strong>et</strong> la résolution des conflits se fait aUSSi a<br />
travers les noms sociaux adressés aux voisins dans un processus<br />
langages de dialogue (déjà développé).<br />
360
3.1.5. Les sanctions<br />
Elles sont <strong>sous</strong> forme d'expropriation (ukunyaga) quand un<br />
suj<strong>et</strong> se rendait coupable d'insoumission, de trahison ou de<br />
simple désobéissance devant l'autorité supérieure. Elle portait<br />
essentiellement sur la propriété foncière (amatongo) <strong>et</strong> les<br />
vaches (inka), les richesses principales d'un pays agropastoral<br />
comme l'eau <strong>et</strong> l'herbe en Afrique de l'Ouest tel que décrit dans<br />
le document.<br />
Elles se tra<strong>du</strong>isent aussi par l'exil forcé (kwangazwa) pour<br />
punir la transgression d'un tabou ou d'un interdit.<br />
Ces pratiques se faisaient pour la protection des mœurs,<br />
lutter contre leur disparition à laquelle on assiste par exemple<br />
actuellement sans rien faire (débauche sexuelle). Par exemple,<br />
une fille prise en fragrant délit de copulation, était châtiée<br />
publiquement pour avoir souillé la réputation de la famille. On<br />
la j<strong>et</strong>ait par exemple dans un précipice (igisumanyenzi). Son<br />
partenaire devait fuir la région au risque d'exposer sa propre<br />
famille au châtiment de l'expropriation totale (kunyaga<br />
urukombamazi) suivi de l'exil forcé, p. 6.<br />
C'est vrai, ces pratiques sociales peuvent être qualifiées<br />
aujourd'hui de barbares, mais elles contribuaient beaucoup à la<br />
sauvegarde de l'identité culturelle. Le coupable était radié de la<br />
société (igicibwa). Il faut voir quelles sanctions <strong>et</strong> quelle<br />
é<strong>du</strong>cation pour prévenir ces comportements. C'étaient des<br />
pratiques extrêmes de faire respecter les normes de la société.<br />
Face à l'impunité qui gangrène la société <strong>et</strong> entr<strong>et</strong>ient le cycle de<br />
violences ou de malversations, il faut trouver une autre forme<br />
de sanction actualisée à travers l'é<strong>du</strong>cation, notamment en<br />
inculquant ces normes.<br />
3.1.6. Les interdits <strong>et</strong> les tabous<br />
Les interdits ont pour rôle de con<strong>du</strong>ire la conscience dans la<br />
bonne direction en montrant la conséquence de chaque<br />
361
agissement. Des interdits montrent par exemple l'é<strong>du</strong>cation au<br />
respect de la vie.<br />
Exemple: Nta mwana yica umuserebanyi, nyina yoca acika<br />
amabere: «Il est interdit à l'enfant de tuer un lézard, sa mère<br />
verrait tomber ses seins ».<br />
Le tabou a pour fonction essentielle de protéger les bonnes<br />
mœurs contre tout égarement <strong>et</strong> de maintenir la société dans la<br />
paix. Le tabou perm<strong>et</strong>, de façon intrinsèque, de prévenir les<br />
conflits sociaux de tous ordres. Il façonne l'imaginaire <strong>et</strong> sa<br />
violation peut entraîner la mort, p.65.<br />
4. Axes des institutions traditionnelles de prévention <strong>et</strong> de<br />
résolution pacifique des conflits: le cas de l'institution des<br />
Bashingantahe<br />
Trois mécanismes essentiels fondent le fonctionnement de<br />
l'institution principalement dans la résolution pacifique des<br />
conflits:<br />
- La médiation: en cas de litige, on envoie effectivement<br />
un mushingantahe auprès de la personne pour rechercher<br />
une solution à ce conflit. En cas d'échec, on va recourir aux<br />
notables en vue de la conciliation <strong>et</strong> de l'arbitrage.<br />
- La conciliation (kumvikanisha, kunywanisha): Les<br />
Bashingantahe essaient, par des conseils, d'amener les<br />
parties en conflit à un règlement amiable. C'est une phase<br />
préalable à toute action en justice.<br />
- L'arbitrage: c'est en cas d'échec de la conciliation, les<br />
Bashingantahe sont amenés à délibérer <strong>et</strong> à trancher. Les<br />
décisions deviennent obligatoires. Mais, même c<strong>et</strong> arbitrage<br />
fait dans un esprit de conciliation <strong>et</strong> non répressif.<br />
362
Ces mécanismes pour réussir sont appuyés par des principes<br />
qui doivent être respectés <strong>et</strong> qui découlent des engagements pris<br />
lors de l'investiture. Ces principes sont:<br />
- La fidélité aux engagements: kugumya ibanga. C'est le<br />
respect <strong>du</strong> pacte d'engagement, <strong>du</strong> serment lors de<br />
l'investiture. C'est la fidélité à la parole donnée.<br />
- Le dialogue <strong>et</strong> la réconciliation (kuja inama), vertus<br />
qui, <strong>du</strong> reste, sont nécessaires pour la sauvegarde de la<br />
cohésion sociale.<br />
- Le consensus <strong>et</strong> la collégialité des décisions: c'est le<br />
principe <strong>du</strong> consensus <strong>du</strong> conseil des notables. La décision<br />
est celle d'un corps <strong>et</strong> non d'une personne. C<strong>et</strong>te collégialité<br />
garantit le caractère juste <strong>et</strong> équitable de la division <strong>et</strong> en<br />
facilite l'exécution.<br />
- Le sens de l'intérêt général<strong>et</strong> de responsabilité: il<br />
s'agit <strong>du</strong> souci de préserver la cohésion en faisant respecter<br />
les valeurs qui <strong>sous</strong>-tendent l'éthique <strong>et</strong> l'intérêt général.<br />
- L'exigence de la vérité surtout de la part des témoins<br />
qui doivent prêter serment de dire la vérité dans leurs<br />
témoignages.<br />
- La discrétion <strong>et</strong> l'impartialité (kugumya ibanga): ce<br />
qui renforcer la solidarité <strong>et</strong> la collégialité <strong>du</strong> conseil des<br />
notables dans la recherche des solutions <strong>et</strong> des décisions<br />
mais aussi la cohésion <strong>du</strong> groupe.<br />
- Les caractères de la procé<strong>du</strong>re (accusation,<br />
contradiction, oral, public).<br />
- Le caractère obligatoire <strong>du</strong> conseil des notables.<br />
- La gratuité des fonctions, c'est-à-dire l'absence de<br />
rémunération, sauf ce que l'on appelle agatutu k'abagabo :<br />
bière que l'on partage à la fin <strong>du</strong> séjour de réconciliation.<br />
363
- Le sens <strong>du</strong> compromis <strong>et</strong>latolérance_ qui perm<strong>et</strong>tent le<br />
consensus. C'est le refus des positions radicales <strong>et</strong> la<br />
recherche d'un terrain d'entente <strong>et</strong> qui se prolongent<br />
inévitablement dans la résolution pacifique des conflits.<br />
5. Pistes à exploiter<br />
- La coopérationéconomique:<br />
Comme pour le Soudan, « dans le contexte soudano-sahélien<br />
caractérisé par l'ouverture des espaces <strong>et</strong> la facilité de<br />
circulation des hommes <strong>et</strong> des biens, les marchés, les foires<br />
jouent un rôle essentiel dans le rapprochement des<br />
communautés. Le marché n'est pas seulement un espace<br />
d'échanges économiques, mais il est aussi un espace de<br />
convivialité où se nouent des relations interpersonnelles <strong>et</strong><br />
intercommunautaires ».<br />
Doulaye Konate, «les fondements endogènes d'une culture<br />
de paix au Mali: les mécanismes traditionnels de prévention <strong>et</strong><br />
de résolution des conflits », p.36 in Les fondements endogènes<br />
d'une culture de paix au Mali: les mécanismes traditionnels de<br />
prévention <strong>et</strong> de résolution des conflits.<br />
L'utilisation des mécanismes traditionnels dans la<br />
prévention<strong>et</strong> le règlement des conflits actuels :<br />
«Les conflits actuels ne révèlent pas les mêmes formes <strong>et</strong><br />
n'ont pas les mêmes causes que ceux que connaissaient les<br />
sociétés dites précoloniales », p. 38. Toutefois, il faut éviter<br />
d'opposer tradition à modernité, « référant précolonial ».<br />
Circonscrire le contexte nouveau des conflits <strong>et</strong> le champ<br />
. d'utilisation:<br />
Le contexte moderne est celui de l'Etat-Nation avec des<br />
oppositions <strong>et</strong>hniques <strong>et</strong> «<strong>sous</strong> le couvert de l'<strong>et</strong>hnicité, de<br />
nombreux conflits en Mrique tra<strong>du</strong>isent c<strong>et</strong>te crise de l' « Etat<br />
Nation» qui ne parvient pas à la définition claire d'une<br />
citoyenn<strong>et</strong>é pour tous <strong>et</strong> dont l'absence notoire de démocratie<br />
constitue un frein au développement », p. 39.<br />
364
- Nécessité de circonscrire le champ d'utilisation des<br />
mécanismes:<br />
Par exemple un conflit politique nécessite une négociation<br />
entre les acteurs politiques.<br />
- Adapter les mécanismes traditionnels au nouveau contexte<br />
politique.<br />
- Promouvoir des formes de dialogue <strong>et</strong> de concertation<br />
inspirées des traditions africaines. .<br />
On peut citer ici les débats à la base qui favorisent une prise<br />
de conscience collective au drame qui constitue un conflit.<br />
«Les cultures africaines recèlent dans leur profondeur des<br />
ressources pouvant contribuer à la promotion d'une culture de<br />
paix <strong>et</strong> d'un nouvel humanisme fondés sur la reconnaissance <strong>et</strong><br />
le respect de l'autre ».<br />
- Les compétions sportives <strong>et</strong>artistiques:<br />
Concours musicaux ou danses sont des occasions de<br />
manifestations qui contribuent au rapprochement des<br />
communautés. Elles peuvent aussi sceller des réconciliations, p.<br />
33.<br />
- Mener des études approfondies sur les facteurs socioculturels<br />
de construction de la transcitoyenn<strong>et</strong>é dans la Région<br />
des Grands Lacs.<br />
En conclusion:<br />
En matière de prévention de violence <strong>et</strong> des conflits, il faut<br />
absolument associer <strong>et</strong> impliquer la famille dans c<strong>et</strong>te<br />
é<strong>du</strong>cation traditionnelle à travers les contes <strong>et</strong> les proverbes.<br />
L'exploitation des relations matrimoniales, le système de<br />
solidarité à travers les dons <strong>et</strong> contre-dons <strong>et</strong> les alliances<br />
formelles (kunywana), les pratiques <strong>et</strong> les rites peuvent, s'ils<br />
sont adaptés, servir de cadre de consolidation des lies de<br />
solidarité <strong>et</strong> de respect de la vie <strong>et</strong> partant de promotion d'une<br />
365
culture de paix <strong>et</strong> de convivialité, de résolution pacifique des<br />
conflits <strong>et</strong> de respect des droits de l'homme.<br />
366
Integration des valeurs <strong>et</strong>des mecanismes<br />
traditionnels de resolution pacifique des conflits<br />
dans le systeme e<strong>du</strong>catif: contexte <strong>et</strong>genèse dela<br />
reflexion<br />
L'importance de l'é<strong>du</strong>cation à la culture de la paix <strong>et</strong> la<br />
résolutionpacifique des conflits:<br />
Dans la genèse d'un conflit <strong>et</strong> sa solution, l'é<strong>du</strong>cation joue<br />
un grand rôle que ce soit celle acquise des parents, que ce soit<br />
celle acquise de l'école. L'é<strong>du</strong>cation a contribué à entr<strong>et</strong>enir le<br />
conflit au lieu de le juguler de telle sorte que le conflit<br />
burundais est un conflit entre intellectuels pour accéder au<br />
pouvoir avec des manipulations, instrumentalisation <strong>et</strong><br />
<strong>et</strong>hnisation de la population, avec tous les coups bas y compris<br />
les massacres des innocents.<br />
Il Y a eu, depuis la colonisation, la falsification de l'histoire<br />
pour rendre crédibles les arguments politiques avec<br />
globalisation dans la culpabilisation des groupes entiers.<br />
Les médias aussi ont joué un rôle très néfaste dans<br />
l'inoculation <strong>du</strong> venin de la haine en transm<strong>et</strong>tant les rancœurs,<br />
les frustrations <strong>et</strong> les complexes au lieu de l'enseignement de la<br />
tolérance.<br />
Ils doivent cesser d'être un canal de diffusion d'idéologies<br />
destructrices, de spéculations <strong>et</strong>hniques <strong>et</strong> politiques.<br />
a. Création des gh<strong>et</strong>tos <strong>et</strong>hniques avec entr<strong>et</strong>ien de la<br />
méfiance <strong>et</strong>la suspicion au lieu d'une société conviviale.<br />
b.Commencer par le somm<strong>et</strong> pour que l'on enseigne ce<br />
que l'on sait.<br />
c. Promouvoir les valeurs positives d'éq,uité, de justice, de<br />
respect des droits, la conscience des devoirs.<br />
367
L'école ne doit pas être un lieu de diffusion d'idéologies<br />
destructrices mais plutôt un lieu d'ouverture, de rencontre,<br />
d'enrichissement, de convivialité, un lieu où l'excellence <strong>et</strong> le<br />
culte <strong>du</strong> meilleur constituent un objectif.<br />
Il faut consolider la paix <strong>et</strong> la tolérance dans le milieu<br />
scolaire. Pour cela, il faut, parmi les objectifs, cultiver le<br />
comportement <strong>et</strong> les attitudes de tolérance mutuelle. Parmi les<br />
stratégies, il faut intégrer l'é<strong>du</strong>cation à la paix dans les curricula<br />
à tous les nive'aux depuis la famille (école <strong>du</strong> soir). Il faut<br />
indiquer les actions concrètes à réaliser <strong>et</strong> les indicateurs de<br />
performance.<br />
Dans la Déclaration de Bamako (Organisation<br />
Internationale de la Francophonie, 3 novembre 2000), parmi les<br />
engagements pris par les Etats pour la consolidation de l'Etat<br />
de droit, pour une vie politique apaisée figure notamment:<br />
« Reconnaître la place <strong>et</strong> faciliter l'implication constante de la<br />
société civile, y compris les ONG, les médias, les autorités<br />
morales traditionnelles, pour leur perm<strong>et</strong>tre d'exercer, dans<br />
l'intérêt collectif, leur rôle d'acteurs d'une vie politique<br />
équilibrée (17, p.1S).<br />
Pour cela, il faut:<br />
- Développer l'esprit de tolérance <strong>et</strong> promouvoir la culture<br />
démocratique (intériorisée) dans toutes ses dimensions, afin de<br />
sensibiliser, par l'é<strong>du</strong>cation <strong>et</strong> la formation, les responsables<br />
publics, l'ensemble des acteurs de la vie politique <strong>et</strong> tous les<br />
citoyens aux exigences éthiques de la démocratie <strong>et</strong> des droits de<br />
l'homme.<br />
- Prêcher la réconciliarion <strong>et</strong> la cohabitation pacifique des<br />
peuples.<br />
- Envisager une institution permanente de dialogue, de<br />
concertation <strong>et</strong> de tolérance mutuels.<br />
- Diffuser <strong>et</strong> vulgariser la culture de la paix, préalable au<br />
développement économique <strong>et</strong> au bien-être social.<br />
368
L'expérience de notre pays se fait selon la démarche suivante:<br />
1- La conférence sur le rôle de l'é<strong>du</strong>cation dans la<br />
promotion d'une culture de convivialité <strong>et</strong> d'édification<br />
des communautés (23-26 février 1999), p. 10.<br />
2- <strong>Colloque</strong> sur les Programmes de l'enseignement<br />
primaire <strong>et</strong> secondaire/ <strong>Colloque</strong> de l'Enseignement<br />
Catholique.<br />
3- Ateliers de Réflexion sur le cours de Civisme/Etude avec<br />
validation:<br />
- Niveau primaire <strong>et</strong> secondaire;<br />
- Niveau enseignement supérieur.<br />
1. Conférence internationale sur le rôle de l'é<strong>du</strong>cation dans la<br />
promotion d'nne cultnre de convivialité <strong>et</strong> d'é<strong>du</strong>cation des<br />
communautés (23-26 février 1999)<br />
La Conférence internationale sur le rôle de l'é<strong>du</strong>cation dans<br />
la promotion d'une culture de convivialité <strong>et</strong> d'édification des<br />
communautés organisée par le Ministère de l'E<strong>du</strong>cation<br />
Nationale avec l'appui financier de la CONFEMEN <strong>et</strong> le State of<br />
the World Forum s'est tenu <strong>du</strong> 23 au 26 février 1999. Ouvert par<br />
le Président de la République dans le cadre <strong>du</strong> processus de<br />
paix, il a souligné que le conflit burundais est un conflit entre<br />
intellectuels pour accéder au pouvoir. C'est pourquoi l'action<br />
é<strong>du</strong>cative doit jouer un rôle important dans la réconciliation<br />
nationale.<br />
« L'école doit cesser d'être un lieu de diffusion d'idéologies<br />
destructrices pour devenir un lieu de convivialité où l'excellence<br />
<strong>et</strong> le culte <strong>du</strong> meilleur auront pour cadre la rigueur, la discipline<br />
<strong>et</strong> l'objectivité », Rapport, p.2<br />
Expériences <strong>du</strong> Burundi à travers le Proj<strong>et</strong> Bâtissons la Paix<br />
initié dans le programme de coopération entre l'Unicef <strong>et</strong> le<br />
369
Gouvernement avec la collaboration de plusieurs partenaires<br />
(<strong>Unesco</strong>, Action Aid, Oxfam Québec), RCR. Le Proj<strong>et</strong> Bâtissons<br />
la paix poursuit les objectifs suivants:<br />
- E<strong>du</strong>quer pour un comportement à long terme <strong>et</strong><br />
l'engagement en faveur de la paix ;<br />
- Apprendre aux bénéficiaires non seulement la paix négative<br />
(c'est-à-dire l'évitement de la violence) mais aussi <strong>et</strong> surtout la<br />
paix positive (c'est-à-dire l'engagement pour la paix par des<br />
actions <strong>et</strong> par la recherche des intérêts communs) ;<br />
- Eliminer les eff<strong>et</strong>s <strong>du</strong> traumatisme.<br />
Le Proj<strong>et</strong> se fait sur la base de supports pédagogiques variés:<br />
manuels, travaux de dessin de jeux, de bricolage, des émissions<br />
radiophoniques.<br />
E<strong>du</strong>cation à la paix <strong>et</strong> à la réconciliation exprimée à travers<br />
les manifestations.<br />
Expériences évoquées:<br />
Ouganda: Résolution des conflits<br />
Adoption de la philosophie de refus de la vengeance;<br />
Formation politique <strong>et</strong> civique à la population civile;<br />
Réé<strong>du</strong>quer toutes les autorités jusqu'au chefde colline.<br />
Comores: Pouvoir des notables<br />
Conditions pour être notable: maturité (marié) <strong>et</strong><br />
intégrité.<br />
Compétences: résoudre les conflits <strong>du</strong> village.<br />
Formation à la convivialité transversale, c'est-à-dire à<br />
travers les disciplines existantes.<br />
Création d'un observatoire de la citoyenn<strong>et</strong>é.<br />
370
Quatre piliers pour soutenir les murs de l'édifice qui sont:<br />
les valeurs universelles, la compréhension globale, l'excellence<br />
dans toute chose, le service à l'humanité.<br />
Coopération étroite entre école <strong>et</strong> parents:<br />
Stratégies: activités sportives, culturelles, musicales, métiers<br />
de ville.<br />
2. Centre desJeunes de Kamenge<br />
«Un des résultats les plus positifs de ce Centre est que ces<br />
jeunes deviennent des animateurs de paix <strong>et</strong> de dialogue dans<br />
les quartiers, les établissements scolaires, les lieux de travail <strong>et</strong><br />
les familles », p. 9.<br />
3. Institution des Bashingantahe<br />
Maintien de la cohésion sociale;<br />
Établir un guide des valeurs d'ubushingantahe ;<br />
Intégration de ce modèle dans le cursus scolaire<br />
(valeurs qu'elle comporte) ;<br />
Formation de la classe politique (ministres,<br />
parlementaires, militaires, administrateurs, chefs de<br />
colline,...) dans la convivialité <strong>et</strong> la bonne gouvernance.<br />
4. Comment enseigner la paix, la tolérance <strong>et</strong> la<br />
réconciliation?<br />
Illustration d'Un conflit<br />
Problèmes de compréhension de terminologie utilisée<br />
Types de curricula<br />
Méthodologie de l'é<strong>du</strong>cation à la paix.<br />
372
La cause <strong>du</strong> conflit est souvent l'appât <strong>du</strong> pouvoir qui est la<br />
force, la puissance économique <strong>et</strong> militaire.<br />
Curricula: manuels scolaires, comportements, médias.<br />
Méthodologie: dialogue excluant toute différenciation entre<br />
le centre <strong>et</strong> la périphérie.<br />
L'é<strong>du</strong>cation doit établir la confiance, adopter une attitude de<br />
compréhension <strong>et</strong> d'harmonisme.<br />
L'enseignant doit rester à l'écoute des enfants.<br />
Expériences africaines d'é<strong>du</strong>cation à la paix. L'é<strong>du</strong>cation vise à:<br />
Stratégies:<br />
apporter un appui psychologique.<br />
réunir <strong>et</strong> faire coexister des gens que la violence<br />
intercommunautaire a séparé.<br />
développer les techniques de résolution pacifique des<br />
conflits.<br />
revivification des cultures africaines;<br />
développement de l'esprit critique <strong>et</strong> ses corollaires que<br />
sont les quêtes d'une histoire plus véridique des<br />
relations intercommunautaires, la recherche des causes<br />
<strong>et</strong> d'explication rationnelle des violences ainsi que le<br />
développement d'une nouvelle éthique, celle de la<br />
responsabilité;<br />
le renouvellement des méthodes y compris le<br />
bannissement des punitions corporelles;<br />
la révision des curricula ;<br />
le développement de l'expression physique, artistique,<br />
théâtrale <strong>et</strong> sportive à l'école;<br />
373
l'établissement de nouveaux rapports entre l'école <strong>et</strong> la<br />
communauté.<br />
E<strong>du</strong>cation à la convivialité dans laplus jeune enfance: exemple<br />
de l'époque des indépendances<br />
La révision de l'histoire (démocratisation) ;<br />
Le matériel didactique utilisé vise à concrétiser<br />
l'enseignement par des jeux visuels multiformes<br />
destinés à mieux appréhender la nature des conflits;<br />
La méthodologie utilisée repose sur le dialogue:<br />
« L'é<strong>du</strong>cation doit écouter l'enfant qui doit apprendre à<br />
considérer les diversités culturelles comme des<br />
complémentarités <strong>et</strong> des éléments d'enrichissement<br />
mutuel (identification des zones de conflits: race,<br />
religion, sexes, convictions philosophes ou politiques) ;<br />
Recommander la résurgence de la convivialité<br />
revitalisation des valeurs ancestrales<br />
l'Ubushingantahe <strong>et</strong> le Gacaca.<br />
Dialogue sincère;<br />
par la<br />
dont<br />
Traitement des conflits de manière non violente: les<br />
conflits sont inévitables, la violence est à combattre car<br />
elle détruit les biens <strong>et</strong> les vies humaines;<br />
E<strong>du</strong>quer la jeunesse à la paix pour libérer les<br />
générations futures de c<strong>et</strong>te gangrène d'Apartheid.<br />
Pédagogie interculturelle <strong>et</strong> promotion de la culture en<br />
convivialité:<br />
Définition de la convivialité: « Capacité d'un groupe à<br />
favoriser un rapport de bienveillance entre les membres<br />
de ce groupe <strong>et</strong> les membres des autres groupes ».<br />
La famille <strong>et</strong> l'école sont les premières structures de<br />
transmission des comportements à l'enfant sur base <strong>du</strong><br />
principe de séniorité. Relation asymétrique marquée<br />
par l'obéissance, le respect <strong>et</strong> la soumission.<br />
374
La société africaine a promu un mécanisme de<br />
convivialité à travers la médiation traditionnelle.<br />
Le courant académique <strong>et</strong> le dialogue intereligieuse dans le<br />
renforcement de la convivialité entre les églises, les religions <strong>et</strong><br />
les croyants.<br />
Ce courant puise les convictions sur les valeurs morales <strong>et</strong><br />
spirituelles de fraternité universelle véhiculée <strong>et</strong> enseignée par<br />
les religions.<br />
Les religions fondent la fraternité <strong>et</strong> la paix sur certains<br />
principes notamment:<br />
La recherche de l'unité entre les chrétiens sur base de la<br />
reconnaissance des fautes <strong>et</strong> la demande <strong>du</strong> pardon.<br />
C'est un exercice de vérité <strong>et</strong> de sincérité:<br />
Les règles pratiques de l'œcuménisme à savoir:<br />
• la reconnaissance des erreurs;<br />
• la conversion des cœurs;<br />
• la connaissance mutuelle pour éviter la<br />
diabolisation ;<br />
• l'étude de l'histoire des religions;<br />
• la formation des formateurs à une attitude<br />
d'ouverture, d'accueil <strong>et</strong> de vérité (prêtres,<br />
évêques, pasteurs, catéchistes).<br />
L'expérience de l'Irlande <strong>du</strong> Nord qui fonctionne sur le<br />
principe de l'équilibre religieuse (50% catholiques <strong>et</strong> 50%<br />
protestants): on appelle cela l'é<strong>du</strong>cation intégrée. Les élèves<br />
sont é<strong>du</strong>qués à la médiation <strong>et</strong> pratiquement dans la gestion des<br />
conflits qui surgissent à l'école.<br />
La dynamique de l'humiliation:<br />
L'humiliation peut con<strong>du</strong>ire si elle n'est pas évitée. Les<br />
relations <strong>du</strong> monde colonisateur-colonisé, maître-esclave, blancnoir,<br />
a créé des frustrations. Il faut créer des relations d'égalité.<br />
375
La modération est l'attitude à m<strong>et</strong>tre en avant pour éviter<br />
des relations de confrontations. Pour se désengager de la<br />
relation d'humiliation, voyage psychologique, il faut<br />
transcender la situation conflictuelle. Il faut faire face aux<br />
extrémistes:<br />
éviter l'humiliation, l'exclusion:<br />
ré<strong>du</strong>ire leur influence.<br />
De façon générale, il faut:<br />
l'apprentissage de la modération;<br />
le rôle de la communauté internationale est important;<br />
le rôle des églises sur les consciences est important;<br />
la participation de l'Afrique aux valeurs universelles j<br />
l'implication <strong>et</strong> le rôle des intellectuels sont<br />
incontournables dans la recherche des solutions aux<br />
conflits;<br />
l'importance de la concertation entre l'école <strong>et</strong> son<br />
environnement;<br />
l'é<strong>du</strong>cation à la citoyenn<strong>et</strong>é comme pilier fondamental<br />
caractérisée par des rapports de respect mutuel,<br />
acceptation réciproque, tolérance <strong>et</strong> culture de la paix;<br />
une méthodologie pragmatique se basant sur des<br />
expériences de la vie;<br />
les devoirs;<br />
Développement d'un code de con<strong>du</strong>ite;<br />
La résolution non-violente des conflits;<br />
La méthodologie participative.<br />
Au niveau universitaire, c<strong>et</strong>te é<strong>du</strong>cation à la citoyenn<strong>et</strong>é sera<br />
centré sur:<br />
les droits de l'homme;<br />
la résolution pacifique des conflits <strong>et</strong> la promotion<br />
d'une culture de convivialité;<br />
une vision commune de l'histoire nationale <strong>et</strong> des défis<br />
à lever.<br />
376
Finalement, quelle é<strong>du</strong>cation pour quelle citoyenn<strong>et</strong>é? Elle<br />
est axée sur les droits de l'homme, la démocratie, le<br />
développement <strong>et</strong>la paix.<br />
Cinq critères d'approche d'après Alpha Gumar Diallo: le<br />
pluralisme, la multiplicité des niveaux, l'unicité institutionnelle,<br />
les approches intégratives <strong>et</strong> la pertinence culturelle.<br />
L'é<strong>du</strong>cation à la citoyenn<strong>et</strong>é doit faire acquérir les valeurs<br />
suivantes: le respect de l'autre, la tolérance, le dialogue <strong>et</strong> la<br />
non-violence.<br />
Il faut éviter le cycle de violence - vengeance - répression.<br />
Rupesinghe Kumar, Directeur <strong>du</strong> State of World Forum a<br />
proposé la création d'un Institut Régional pour la Résolution <strong>et</strong><br />
la Prévention des Conflits.<br />
2. <strong>Colloque</strong> sur les programmes de l'enseignement primaire <strong>et</strong><br />
secondaire (rapport, Fevrier 2003)68<br />
En 2003, le Ministère de l'E<strong>du</strong>cation a organisé un<br />
«<strong>Colloque</strong> sur les programmes de l'enseignement primaire <strong>et</strong><br />
secondaire sur le thème « Une pédagogie centrée sur<br />
l'apprenant pour l'acquisition des compétences ». Les<br />
motivations de ce colloque étaient notamment :<br />
L'absence dans les programmes des concepts nouveaux<br />
caractéristiques de notre temps <strong>et</strong> qui constituent des<br />
voies de solution à la crise que connaît le pays;<br />
L'é<strong>du</strong>cation à la paix, aux droits de l'homme <strong>et</strong> à la<br />
résolution pacifique des conflits <strong>et</strong> à l'égalité des<br />
genres;<br />
L'é<strong>du</strong>cation à l'environnement <strong>et</strong> à la mondialisation.<br />
Toutes les études menées avaient recommandé une<br />
réadaptation voire une révision profonde des<br />
68 L'Eglise a aussi organisé un <strong>Colloque</strong> sur les valeurs.<br />
377
programmes. L'objectif global ériÛt celui d'adapter les<br />
programmes aux exigences présentes <strong>et</strong> futures de<br />
l'é<strong>du</strong>cation de la société burundaise. Les étapes<br />
suivantes ont été r<strong>et</strong>enues dans l'élaboration <strong>du</strong> proj<strong>et</strong>:<br />
.. Analyse critique des programmes scolaires;<br />
• Réalisation des enquêtes sur les programmes<br />
auprès des partenaires principaux des acteurs<br />
de terrains à savoir les enseignants, les<br />
inspecteurs, les directeurs <strong>et</strong> les parents;<br />
• Confection d'un proj<strong>et</strong> à soum<strong>et</strong>tre, formation<br />
des conseillers pédagogiques sur les techniques<br />
d'élaboration <strong>et</strong> d'intégration des curricula ;<br />
• Organisation des pré-colloques.<br />
Le Rapport souligne en outre les principaux aspects qui<br />
jouent sur la qualité de l'é<strong>du</strong>cation dont les matériels<br />
d'enseignement, l'attitude des parents <strong>et</strong> de la communauté visà-vis<br />
des apprentissages, ce qui implique des méthodes<br />
pédagogiques actives, participatives <strong>et</strong> novatrices: notamment<br />
l'association des parents, engagement <strong>et</strong> dévouement des<br />
enseignants.<br />
La politique sectorielle insiste sur une formation de<br />
l'indivi<strong>du</strong> ouvert au monde, fier de sa culture <strong>et</strong> tolérante. Pour<br />
réaliser les finalités, le Rapport propose 4 phases à savoir:<br />
apprendre à connaître;<br />
apprendre à faire;<br />
apprendre à vivre ensemble;<br />
apprendre à être.<br />
La méthodologie d'analyse des thèmes, des savoirs, des<br />
savoir-faire, des savoir-vivre, modes d'évaluation <strong>et</strong> références<br />
pour les matériels didactiques.<br />
Former les conseillers pédagogiques en matière<br />
d'élaboration des programmes, de rédaction des<br />
378
manuels <strong>et</strong> de conception des méthodes d'évaluation<br />
suivant l'approche par les compétences;<br />
Assurer la formation continue des enseignants.<br />
Le Rapport donne les mots d'ordre suivants qui ont guidé les<br />
travaux: «Quelle é<strong>du</strong>cation? Pour quels indivi<strong>du</strong>s <strong>et</strong> pour<br />
quelle société? Pour quelles valeurs? Pour quels savoirs<br />
fondamentaux? Pour quels savoir-faire? Pour quels savoirêtre?<br />
Pour quelles méthodes? Pour quelles évaluations? Et<br />
enfin pour quelles compétences? », p.14.<br />
Ces interrogations soulèvent ces questions;<br />
le type de société à former;<br />
les valeurs <strong>et</strong> les savoirs fondamentaux (savoir-faire,<br />
savoir-être), quelles connaissances à transm<strong>et</strong>tre;<br />
la méthodologie;<br />
l'évaluation.<br />
A la fin de l'école primaire l'écolier doit:<br />
être capable de défendre ses droits <strong>et</strong> respecter les droits<br />
fondamentaux de la personne humaine;<br />
prévenir <strong>et</strong> résoudre pacifiquement les conflits;<br />
afficher un comportement patriotique favorable à la<br />
paix, l'unité <strong>et</strong> la réconciliation nationale.<br />
À la fin <strong>du</strong> Collège, il doit:<br />
intérioriser correctement les éléments pertinents <strong>du</strong><br />
patrimoine culturel burundais <strong>et</strong> y adopter le<br />
comportement quotidien;<br />
promouvoir les valeurs de la tolérance <strong>et</strong> de la<br />
convivialité.<br />
À la fin des humanités, l'élève doit avoir acquis les<br />
compétences suivantes;<br />
379
afficher des comportements d'un citoyen responsable:<br />
apôtre de la paix <strong>et</strong> de l'unité, défenseur des droits, des<br />
libertés <strong>et</strong> des intérêts au niveau national ;<br />
incarner <strong>et</strong> promouvoir les valeurs de la démocratie, de<br />
la tolérance <strong>et</strong> de la convivialité.<br />
380
Ateliers de reflexion surl'e<strong>du</strong>cation a la citoyenn<strong>et</strong>e, 6-9<br />
decembre 2004 69<br />
1er Atelier:<br />
Les participants <strong>et</strong>aient des professeurs de ClVlsri1e de<br />
quelques écoles secondaires, professeurs d'Universités,<br />
conseillers pédagogiques, représentants d'associations, ONG,<br />
enseignants de Se <strong>et</strong> 6 e années primaires.<br />
Le but de l'atelier était de requérir les avis <strong>et</strong> considérations<br />
des praticiens: pertinence des thèmes, cohérence verticale <strong>et</strong><br />
horizontale des programmes <strong>et</strong> leur applicabilité.<br />
La réflexion sur l'é<strong>du</strong>cation à la paix doit définir le contexte,<br />
les objectifs assignés, les stratégies d'é<strong>du</strong>cation, lei: réalisations,<br />
les forces <strong>et</strong> faiblesses ainsi que les perspectives.<br />
Apprendre à voir ensemble:<br />
Le contexte est de redonner espoir <strong>et</strong> force morale à<br />
la société burundaise déchirée par la guerre.<br />
Au niveau primaire, le programme « Bâtissons la<br />
paix.<br />
Au secondaire: E<strong>du</strong>cation à la paix<br />
Au supérieur: le cours de Civisme.<br />
L'objectif est d'amener les enseignants <strong>et</strong> les apprenants à la<br />
découverte <strong>et</strong> à la compréhension de la confiance, de la<br />
solidarité, de l'égalité <strong>et</strong> de la justice afin qu'ils développent les<br />
attitudes <strong>et</strong> comportements <strong>du</strong> respect de l'autre.<br />
Pour les 3 niveaux <strong>et</strong> autour des programmes Bâtissons la<br />
paix (primaire) <strong>et</strong> E<strong>du</strong>cation à la paix (secondaire) <strong>et</strong> Civisme<br />
(supérieur), l'objectif est le même: il s'agit d'amener les<br />
enseignants <strong>et</strong> les apprenants à découvrir la confiance, la<br />
compréhension mutuelle, la solidarité afin de développer une<br />
69 L'Eglise a initié une étude sur le programme d'é<strong>du</strong>cation aux valeurs<br />
humaines par le bureau national de l'enseignement catholique.<br />
381
attitude pOSItiVe à autrui, en définitive apprendre à voir<br />
ensemble.<br />
Parmi les stratégies, il y a :<br />
La formation des partenaires;<br />
L'élaboration <strong>du</strong> matériel didactique;<br />
L'é<strong>du</strong>cation des écoliers <strong>et</strong> des élèves dans les écoles.<br />
Réalisations: Le programme prévoit les thèmes <strong>et</strong> pour chaque<br />
thème, il se dégage: le savoir, le savoir-faite, le savoir-être, les<br />
méthodes <strong>et</strong> l'évaluation.<br />
Propositions <strong>du</strong> programme d'é<strong>du</strong>cation à la culture de la paix<br />
<strong>et</strong> à la résolution pacifique des conflits<br />
Programme de compétences personnelles à la vie courante à<br />
l'école primaire <strong>et</strong> au Collège <strong>et</strong> d'é<strong>du</strong>cation à la citoyenn<strong>et</strong>é au<br />
Lycée.<br />
1. Niveau primaire :<br />
Au terme de l'école primaire, l'écolier devra pouvoir résoudre<br />
une situation-problème significative m<strong>et</strong>tant en œuvre à la fois<br />
les savoirs sur la connaissance de soi <strong>et</strong> des autres, la sexualité <strong>et</strong><br />
la santé de la repro<strong>du</strong>ction, les droits de l'homme, l'é<strong>du</strong>cation à<br />
la paix <strong>et</strong> à l'environnement.<br />
Le programme commence au niveau de la classe de Se année.<br />
Parmi les compétences de base, l'enfant doit être capable de :<br />
résoudre une situation-problème faisant appel aux<br />
d<strong>et</strong>'oirs <strong>et</strong> droits fondamentaux de l'enfant, aux notions de<br />
traumatisme <strong>et</strong> au droit international humanitaire.<br />
résoudre une situation-problème faisant appel aux<br />
formes de paix.<br />
382
Le programme inclut les thèmes suivants:<br />
-- .._._-------------<br />
la connaissance de soi <strong>et</strong> des autres;<br />
les valeurs humaines (la notion d'ubushingantahe) ;<br />
les droits de l'homme;<br />
le droit international humanitaire;<br />
l'é<strong>du</strong>cation à la paix (résolution pacifique des conflits,<br />
arbitrage, négociation).<br />
2. Niveau secondaire:<br />
L'objectif terminal d'intégration: les connaissances acquises<br />
sur les valeurs d'ubushingantahe, les droits de l'homme,<br />
l'é<strong>du</strong>cation à la paix <strong>et</strong> à l'environnement, les fondements <strong>du</strong><br />
pouvoir <strong>et</strong> de la démocratie.<br />
Les thèmes principaux :<br />
connaissance de soi <strong>et</strong> des autres;<br />
les valeurs humaines (les valeurs d'ubushingantahe) ;<br />
les droits de l'homme;<br />
le droit humanitaire international;<br />
les fondements <strong>du</strong> pouvoir <strong>et</strong> de la démocratie;<br />
l'é<strong>du</strong>cation à la citoyenn<strong>et</strong>é.<br />
Objectifterminal :<br />
Les connaissances acquises sur les valeurs d'ubushingantahe,<br />
les droits de l'homme, l'é<strong>du</strong>cation à la paix, les fondements <strong>du</strong><br />
pouvoir <strong>et</strong> de la démocratie, le droit international humanitaire.<br />
Les thèmes principaux :<br />
les valeurs humaines (les valeurs d'ubushingantahe) ;<br />
les droits de l'homme;<br />
le droit international humanitaire;<br />
les fondements <strong>du</strong> pouvoir <strong>et</strong> de la démocratie;<br />
l'é<strong>du</strong>cation à la paix.<br />
383
2 e Atelier:<br />
Seminaire de reflexion sur le cours de civisme<br />
Dans l'enseignement superieur (chaire unesco), 23-25 mars<br />
2005<br />
* Participants: Professeurs de Civisme dans l'enseignement<br />
supérieur (Universités, Ecoles <strong>et</strong> Instituts<br />
Supérieurs): 11.<br />
* Partenaires :<br />
Contexte:<br />
ONG locales <strong>et</strong> internationales dont l'UNESCO,<br />
l'UNICEF <strong>et</strong> l'APEFE, le CICR, l'OHCDHB ;<br />
Les Ministères:<br />
Ministère des Droits de l'Homme <strong>et</strong> Mobilisation pour<br />
la paix<br />
Ministère de l'E<strong>du</strong>cation Nationale<br />
Bureaux Pédagogiques<br />
Ligues des Droits de l'Homme<br />
Organisations des Jeunes<br />
Médias<br />
Le Burundi connaît une crise profonde depuis octobre 1993.<br />
C<strong>et</strong>te crise a vu la violation des droits les plus fondamentaux de<br />
la personne humaine à commencer par le droit à la vie, à la<br />
santé, à l'é<strong>du</strong>cation, avec des conséquences comme la<br />
malnutrition, l'analphabétisme, les maladies, la destruction des<br />
infrastructures sociales, é<strong>du</strong>catives (centres de santé, écoles,<br />
habitations) <strong>et</strong> économiques.<br />
Les jeunes ont été les principales victimes de c<strong>et</strong>te crise <strong>sous</strong><br />
plusieurs formes (tués, blessés, orphelins, délinquance).<br />
L'é<strong>du</strong>cation à la paix <strong>et</strong> à la citoyenn<strong>et</strong>é s'impose donc pour<br />
aider les jeunes à reprendre confiance dans l'avenir en<br />
développant chez eux le respect des droits de la personne<br />
384
humaine <strong>et</strong> le sens de la résolution pacifique des conflits.<br />
L'école doit être un lieu de c<strong>et</strong>te é<strong>du</strong>cation <strong>et</strong> encadrement pour<br />
les aider à surmonter les traumatismes.<br />
L'Université est un cadre privilégié pour aider les étudiants à<br />
développer des habilités de médiation, d'arbitrage, de dialogue<br />
qui leur perm<strong>et</strong>tront d'approcher positivement les conflits.<br />
«Les élèves, étudiants doivent avant tout apprendre à<br />
les appliquer aux conflits qui font partie de leur vie<br />
quotidienne (famille, amis, <strong>et</strong>c.) avant de les appliquer<br />
plus tard aux conflits liés aux différences politiques,<br />
<strong>et</strong>hniques, idéologiques, partisanes », (Rapport, pA).<br />
Objectif: recueillir les avis <strong>et</strong> considérations des praticiens des<br />
programmes sur terrain (à poursuivre pendant une période<br />
expérimentale) sur le cours d'é<strong>du</strong>cation à la citoyenn<strong>et</strong>é.<br />
Analyse <strong>et</strong> réflexion sur le contenu <strong>du</strong> cours de civisme dans<br />
l'enseignement supérieur en se concentrant sur la pertinence<br />
des thèmes, la cohésion verticale <strong>et</strong> horizontale des programmes<br />
<strong>et</strong> leur applicabilité<br />
. Une commission Civisme a été mise en place<br />
. Méthodologie adoptée: . Conférences intro<strong>du</strong>ctives<br />
Expériences de terrain<br />
Analyse des cursus existants<br />
Débats en plénière<br />
Travaux en groupes sur différents thèmes<br />
Implications des associations locales de la société civile<br />
(ligues) <strong>et</strong> organismes internationaux (Unicef, Search for<br />
Common Ground).<br />
L'importance <strong>du</strong> cours de Civisme: il vise à former des<br />
citoyens responsables, intègres, honnêtes, tolérants, cultivés,<br />
remplis d'esprit humanitaire. Il perm<strong>et</strong> une ouverture au monde<br />
(compréhension, acceptation des différences), les respect des<br />
385
valeurs morales de la société burundaise <strong>et</strong> des autres sociétés<br />
en général (Rapport, p.8).<br />
C'est un cours de réarmement moral (savoir, savoir-vivre <strong>et</strong><br />
savoir-devenir). Il a une mission d'éveil des consciences sur le<br />
patrimoine <strong>et</strong> la citoyenn<strong>et</strong>é. Il s'agit d'une"nouvelle dynamique.<br />
L'intitulé E<strong>du</strong>cation à la citoyenn<strong>et</strong>é revêt un caractère<br />
universel.<br />
" Thèmes <strong>et</strong> contenus à intégrer dans le guide existant:<br />
La culture de la paix ;<br />
La prévention <strong>et</strong> la résolution pacifique des conflits;<br />
Les droits de l'homme.<br />
La méthodologie:<br />
privilégier la méthodologie participative en partant de<br />
la méthode expositive.<br />
visites à l'intérieur <strong>du</strong> pays.<br />
diversifier le matériel didactique: cartes, cass<strong>et</strong>tes,<br />
diapositives, rétroprojecteur, vidéo, <strong>et</strong>c.<br />
386
Le rôle de la Chefferie traditionnelle dans les<br />
mécanismes de prévention <strong>et</strong>de résolution des conflits<br />
dans les sociétés précoloniales <strong>du</strong> sud <strong>du</strong> Gabon<br />
Monique MAVOUNGOU-BOUYOU, née KOUMBA<br />
MANFOUMBI<br />
Maître-assistant (CAMES) en HIstoire Précoloniale Africaine<br />
Université Omar BONGO (Libreville)<br />
1. Intro<strong>du</strong>ction<br />
Nous posons le problème de la terre comme paradigme. Il<br />
s'agit d'un espace géographique sur laquelle s'établit une<br />
communauté dirigée par une chefferie qui a pour mission<br />
d'organiser la régulation de la vie quotidienne de ses membres. La<br />
terre, nous le verrons, était au cœur des conflits entre clans <strong>et</strong><br />
<strong>et</strong>hnies dans la période précoloniale. C'est dans c<strong>et</strong> espace<br />
géographique qu'il faudra prévenir les conflits par une gestion<br />
harmonieuse de la violence.<br />
Dans la plupart des sociétés <strong>du</strong> sud <strong>du</strong> Gabon, les aspirations à<br />
la paix con<strong>du</strong>isaient à développer des techniques <strong>et</strong> des<br />
mécanismes de prévention d'une part <strong>et</strong> de résolution des conflits<br />
d'autre part dont l'objectif était de parvenir au dialogue, à la<br />
coexistence <strong>et</strong> à la paix. Cela a donné naissance à une gamme<br />
variée de pratiques dissuasives <strong>et</strong> de modes de prévention des<br />
conflits. La violence étant canalisée, dans le cas de la chefferie<br />
traditionnelle, par des structures politiques <strong>et</strong> socio-économiques<br />
à caractère juridique spécifique <strong>et</strong> par des sociétés secrètes<br />
s'appuyant sur un cadre religieux.<br />
C'est pourquoi la chefferie s'impose dans l'organisation des<br />
correspondances au niveau de la parenté entre indivi<strong>du</strong>s de<br />
communautés différentes ainsi qu'au niveau <strong>du</strong> partenariat<br />
commercial. Les sociétés secrètes initiatiques organisent pour leur<br />
part le pouvoir religieux invisible qui assure l'obéissance à la règle<br />
profane.<br />
387
Nous r<strong>et</strong>enons donc que parmi les institutions qUl<br />
contribuent à prévenir les conflits, figure la chefferie<br />
traditionnelle. La chefferie traditionnelle dans le sud <strong>du</strong> Gabon<br />
constituait une réalité sociologique. L'unité de base était le village<br />
au sein <strong>du</strong>quel s'exerçait l'autorité. C<strong>et</strong>te autorité était détenue<br />
par les chefs propriétaires des terres claniques er lignagères. Chez<br />
les Punu par exemple, ceux-ci ne se réunissaient que pour le<br />
règlement d'un conflit opposant les clans entre eux, à l'intérieur<br />
de leurs terres, ou pour décider de la guerre ou de la paix avec les<br />
clans <strong>et</strong> les peuples voisins.<br />
2. Les Mécanismes de résolution des conflits <strong>et</strong> de la<br />
restauration de lapaix<br />
En eff<strong>et</strong>, au cours des phases d'implantation <strong>et</strong> d'extension des<br />
domaines claniques Punu, les chefs d'une vague migratoire de clan<br />
DidJabe déCIdèrent d'occuper une partie des terres Budjale qu'ils<br />
convoitaient.<br />
Mais, c'était sans compter sur « la loi universelle de la défense<br />
<strong>et</strong> <strong>du</strong> maintient de l'intégrité <strong>du</strong> domaine clanique ».<br />
Un conflit éclata à l'issu <strong>du</strong>quel les Didjabe tirèrent leur devise,<br />
véritable rappel de l'histoire «Didjabe di mlkualu ntsientsi baka<br />
mirumbe isiàmbuali ima lembu na kame» « Sept guerriers qui ont<br />
combattu cent adversaires» dit la devise qui illustre le caractère<br />
combatif <strong>et</strong> résistant <strong>du</strong> clan malgré l'importance numérique de<br />
leur adversaire.<br />
D'une manière générale, dans les données orales, les conflits<br />
clairement liés au problème de l'acquisition <strong>et</strong> <strong>du</strong> contrôle <strong>du</strong><br />
territoire ne se résolvaient pas par la soumission des plus faibles<br />
même numériquement <strong>et</strong>, par l'édification d'un village, en tant<br />
qu'outils de domination d'un clan sur un autre 1 • Mais soit par<br />
l'abandon ou par l'expulsion <strong>du</strong> groupe faible.<br />
Les exemples d'implication de la chefferie dans les décisions<br />
engageant la communauté sont nombreux.<br />
388
Au début <strong>du</strong> XX ème siècle, dans le cadre de la conquête<br />
coloniale Française, des affrontements, dans le pays Mocabe eurent<br />
lieu. A la suite de ceux-ci, tous les chefs des villages Mwabi J<br />
Mukabe, Musamu J Kuhu J Murindi <strong>et</strong> Buhulu après un «accord<br />
tacite» décidèrent d'affronter l'adminstration perçue alors<br />
comme leur ennemi commun 2 • De même, les chefs de<br />
communauté Tsogo <strong>et</strong> Punu <strong>du</strong>rent s'unir pour combattre<br />
l'administration coloniale dans c<strong>et</strong>te région.<br />
Un peu plus à l'est, en pays Awandj; les chefs des villages<br />
Awandji <strong>et</strong> ceux des villages Kota <strong>et</strong> Shake se joignirent à WONGO,<br />
chefde terre, pour lutter contre l'administration coloniale 3 •<br />
Il se tenait des assises solennelles auxquelles assistaient les<br />
chefs de clans, de lignages <strong>et</strong> de villages concernés. Ces rencontres<br />
ne <strong>du</strong>raient que le temps des pourparlers, pour aplanir les<br />
différends entre clans <strong>et</strong> communautés <strong>et</strong>hniques différents ou<br />
pour décider des combats à mener contre l'ennemi extérieur 4 •<br />
Ainsi, lorsqu'un conflit intervenait entre membres de la<br />
communauté ou entre deux groupes <strong>et</strong>hniques différents,<br />
l'initiative de la réconciliation entre belligérants se faisait au cours<br />
d'une cérémonie solennelle qui réunissait des chefs de la même<br />
juridiction ou ceux représentatifs des deux groupes belligérants s .<br />
Chez les Ambama, selon le Pro ALIHANGA, la réconciliation<br />
s'effectuait de la manière suivante: un ancien <strong>du</strong> groupe vaincu<br />
allait trouver son homologue vainqueur. Il était paré d'une canne,<br />
insigne de dignitaire, ainsi que d'une peau de renard. Ensemble, ils<br />
convoquaient une assemblée générale des chefs 6 • Les notables<br />
apportaient chacun une tige d'amome qu'ils déposaient par terre,<br />
témoignage de la volonté de chacun d'eux d'aboutir au<br />
rétablissement de la paix.<br />
Chez les Punu, les Gisir <strong>et</strong> les Sangu lorsqu'un conflit survenait<br />
entre peuples voisins, des procé<strong>du</strong>res multiples étaient employées.<br />
Il y avait tout au début l'envoi d'émissaires « Bikambi ». Leur rôle<br />
consistait à déterminer avec la partie adverse le lieu, les procé<strong>du</strong>res<br />
389
<strong>et</strong> les personnes habilitées à con<strong>du</strong>ire les débats 7 • Les négociateurs<br />
dans ces sociétés précoloniales jouaient un rôle capital car ils<br />
perm<strong>et</strong>taient de sortir les parties en conflit de l'impasse, de<br />
parvenir au compromis <strong>et</strong> de m<strong>et</strong>tre un terme au conflits. Pour<br />
cela, ils devraient être détenteurs <strong>du</strong> verbe <strong>et</strong> avoir une<br />
connaissance parfaite des proverbes, devises <strong>et</strong> adages, facteurs<br />
valorisant de leurs discours. Au cours de la rencontre, ces éléments<br />
leur perm<strong>et</strong>tent d'étayer, de mieux rendre le sens des propos,<br />
d'affirmer ou d'expliquer des situations.<br />
Le proverbe, en particulier était l'arme principale <strong>du</strong> « Givovi »<br />
dans ces sociétés, le meilleur étant celui qui savait l'utiliser à bon<br />
escient. Les médiateurs « Ntsontsi» étaient choisis en fonction de<br />
leur âge, souvent des vieillards, des anciens, des notables. Le critère<br />
de sagesse prévalait ainsi que celUi de la connaissance de l'histoire<br />
de leurs clans, de leurs lignages mais aussi des clans <strong>et</strong> lignages des<br />
groupes en conflit. Ces médiateurs entérinaient les décisions<br />
émanant des négociations par le collège des chefs traditionnels<br />
composé des chefs de clans, de lignages <strong>et</strong> de villages choisis par<br />
les belligérants en vue de restaurer la paix. Leur rôle était de ce fait<br />
important dans la prévention <strong>et</strong> la résolution des conflits. Car,<br />
selon l'engagement que chacun d'eux prenait, il œuvrait à<br />
l'application dans son village, son lignage <strong>et</strong> son clan des accords<br />
<strong>et</strong> des décisions r<strong>et</strong>enues par la médiation.<br />
La restauration de la paix collective découlait de l'application<br />
de ces décisions <strong>et</strong> résolutions dans chacune des aires<br />
géographiques composant l'espace où se déroulait le conflit.<br />
3. La parenté<br />
La chefferie traditionnelle dans le sud <strong>du</strong> Gabon s'appuyait sur<br />
la parenté comme facteur de paix à l'intérieur des communautés<br />
<strong>et</strong> entre elles. Au sein de celle-ci, les correspondances claniques <strong>et</strong><br />
lignagères constituaient un facteur déterminant entre les<br />
populations d'<strong>et</strong>hnies différentes. L'adage largement répan<strong>du</strong><br />
selon lequel: «ifumbe aga pange» rappelle encore aujourd'hui que<br />
« le clan ne connaît pas de frontière ».<br />
390
4. Les échanges commerciaux<br />
De la même manière, à travers des réseaux d'échanges<br />
commerciaux, auxquels elle prenait activement part, la chefferie<br />
traditionnelle s'efforçait d'assurer l'harmonie des relations entre<br />
les communautés. La fonction de ces échanges étant<br />
principalement de garantir la paix propice à la circulation des<br />
biens <strong>et</strong> des personnes.<br />
5. Les sociétés secrètes<br />
Forme culturelle par excellence des peuples <strong>du</strong> sud <strong>du</strong> Gabon,<br />
dans la période précoloniale, les sociétés secrètes initiatiques,<br />
pro<strong>du</strong>ctrices d'éléments <strong>du</strong> pouvoir religieux <strong>et</strong> invisible<br />
proposaient des mécanismes pour prévenir les conflits, maintenir<br />
la paix <strong>et</strong> éviter la violence <strong>et</strong> les conflits. Elles répondaient aux<br />
exigences de l'obéissance des lois dans la direction de la<br />
communauté. Elles veillaient au contrôle, à la gestion de la<br />
communauté, de la chose publique ainsi qu'aux contingences de<br />
violence auxquelles elles étaient confrontées. Leur nature <strong>et</strong> leur<br />
fiabilité étaient reconnues de tous. Jouant le rôle de pouvoir<br />
invisible, le champ ésotérique de leurs activités faisait d'eux des<br />
organes dominants <strong>et</strong> craints au sein de ces sociétés 9 •<br />
A vocation par conséquent politique <strong>et</strong> sociale, elles<br />
participaient au respect des institutions sur lesquelles le chef <strong>du</strong><br />
village s'appuyait pour faire respecter la loi en vue de la gestion<br />
harmonieuse de la société.<br />
Les chefs traditionnels <strong>du</strong> sud <strong>du</strong> Gabon faisaient partie des<br />
sociétés secrètes initiatiques, véritables fondements <strong>du</strong> pouvoir. Ils<br />
détenaient des pouvoirs visibles <strong>et</strong> invisibles, parce que le pouvoir<br />
politique était indissociable <strong>du</strong> pouvoir spirituel. Le premier se<br />
légitimait par le second <strong>et</strong> avait à travers ce dernier, un caractère<br />
sacré10. Les deux œuvraient dans le sens de la discipline <strong>et</strong> de<br />
l'ordre, ce qui perm<strong>et</strong>tait de réprimer toutes sortes d'arbres, de<br />
désordre, de violence <strong>et</strong> d'éviter la rupture des équilibres internes<br />
391
<strong>et</strong> externes ll pouvant entraîner les conflits <strong>et</strong> la décadence de la<br />
communauté.<br />
Un exemple de société secrète initiatique type est celle de Mwiri<br />
pratiquée dans tout le sud <strong>du</strong> Gabon <strong>et</strong> qui constituait le<br />
principal facteur de prévention des conflits. C<strong>et</strong>te société avait mis<br />
en place des bases d'une union pour la gestion harmonieuse des<br />
terres.<br />
Pour éviter tout abus, source de conflIts, le Mwiri qui a son<br />
emblème, le caïman, édictait des lois afin d'interdire les vols dans<br />
les espaces cultivés, de défendre l'exploitation de certaines zones<br />
de forêt, de pêche <strong>et</strong> de chasse, perm<strong>et</strong>tant ainsi leur<br />
reconstitution pendant un temps déterminé.<br />
Ces lieux, pendant c<strong>et</strong>te période, étaient <strong>sous</strong> la garde <strong>du</strong><br />
Mwiri. Ainsi, s'il arrivait qu'un membre de la communauté ou tout<br />
autre, notamment une femme, violait l'interdit, (en allant par<br />
exemple cueillir des ananas dans une zone frappée par l'interdit) le<br />
soir au village, la voix grave <strong>et</strong> caverneuse <strong>du</strong> Mwiri se faisait<br />
entendre, dénonçant ainsi l'auteur <strong>du</strong> vol avec preuve à l'appui<br />
(une qualité d'ananas identique à celle cueillie par l'indélicate).<br />
Ainsi, le Mwiri œuvrait au maintient des<br />
traditionnelles en s'appuyant sur l'action discrète<br />
dénoncer <strong>et</strong> à punir les coupables. Les sanctions<br />
allaient d'une simple punition à la peine de mort.<br />
structures<br />
destinée à<br />
encourues<br />
Par la crainte qu'il inspirait <strong>et</strong> sa vengeance contre tout<br />
contrevenant, le Mwiri perm<strong>et</strong>tait de prévenir <strong>et</strong> d'atténuer la<br />
violence <strong>et</strong> les conflits.<br />
D'autres sociétés secrètes InItiatiques de diffusion large<br />
comme le Mungala des Adouma) des Awandji) ainsi que le NdJobi des<br />
Teke <strong>et</strong> des Ambama dont l'assise était territoriale; d'autres encore,<br />
essentiellement <strong>du</strong> gouvernement comme le Ndjobi des Teke, le<br />
Bwiti des Tsogo <strong>et</strong> des Apindji) le Ndokwe des Akele, l'Onkani, le Nkala<br />
des Ambama <strong>et</strong> des Teke étaient à même de dissuader, de prévenir,<br />
de régler les conflits <strong>et</strong> d'imposer la paix au regard de leur<br />
392
MAVOUNGOU-BOUYOU (M.) née KOUMBA-MANFOUMBI, les<br />
mécanismes culturels de prévention <strong>et</strong> de résolution des<br />
conflits dans les sociétés précoloniales au sud <strong>du</strong> Gabon:<br />
les pratiques traditionnelles dans dialof!ue interculturel <strong>et</strong><br />
culture de la Paix. UNESCO 200S 2 . 3 • 4 • 7 .!f.10.11 ;<br />
MAVOUNGOU-BOUYOU (M.) née KOUMBA-MANFOUMBI,<br />
« La terre au cœur des conflits: cas <strong>du</strong> GABON (XVllème <br />
Xxème) ». Dans les cahiers d'histoire <strong>et</strong> Archéologie n °6<br />
Libreville 7 • s ;<br />
394
Mecanismes <strong>et</strong> strategies sodo-culturelles<br />
traditionnelles dans la resolution des conflits:<br />
l'exemple de Aguene <strong>et</strong> Diambone<br />
Saliou Sambou<br />
Le suj<strong>et</strong> dont je suis chargé de vous entr<strong>et</strong>enir aujourd'hui<br />
est vaste <strong>et</strong> complexe <strong>et</strong> d'une brûlante actualité, compte tenu<br />
des différents conflits qui ensanglantent notre continent. De<br />
l'Afrique Australe à l'Mrique Centrale en passant par l'Afrique<br />
de l'Ouest <strong>et</strong> même en Afrique de l'Est, l'Afrique est meurtrie<br />
par des Conflits dont l'origine est souvent diffuse <strong>et</strong> très<br />
difficile à cerner avec exactitude. A partir des situations aussi<br />
confuses où les antagonistes eux-mêmes ne peuvent situer avec<br />
précision les enjeux, la raison commande qu'on revisite nos<br />
traditions <strong>et</strong> les valeurs profondes qu'elles renferment.<br />
L'Afrique a été déstabilisée par des siècles d'esclavages suivis de<br />
longues périodes de colonisation. Tout cela laisse des séquelles<br />
profondes dans nos comportements de tous les jours.<br />
Nous en sommes arrivés à dévaloriser nos propres cultures,<br />
essayant de singer des comportements d'autres civilisations.<br />
II s'y ajoute que nos langues sont qualifiées de vernaculaires,<br />
d'indigènes à côté d'une langue civilisée, celle <strong>du</strong> colonisateur.<br />
Les premiers collégiens étaient de grandes personnalités en face<br />
de leurs camarades d'âges analphabètes avec qui ils avaient<br />
partagé pourtant les secr<strong>et</strong>s <strong>du</strong> bois sacré.<br />
A côté, les Etudiants revenus de la métropole avec la<br />
casqu<strong>et</strong>te blanche sont des démiurges. La classe intellectuelle<br />
africaine commença à s'embourgeoiser cl se mit à imiter les<br />
comportements <strong>du</strong> colon, qu'elle remplacera d'ailleurs dans les<br />
années 60, années des indépendances. La masse analphabète, les<br />
déch<strong>et</strong>s scolaires <strong>et</strong> les paysans voyaient déjà s'effriter les us <strong>et</strong><br />
coutumes <strong>du</strong> village au profit de comportements citadins<br />
assimilés à des attitudes d'hommes civilisés. Et la balkanisation<br />
de l'Mrique se pro<strong>du</strong>isit <strong>et</strong> rendit tout effort de fédération vain.<br />
395
La France qui avait pourtant géré ses colonies en les groupant<br />
en fédération (AOF-AEF) accorda à ses anciennes colonies des<br />
Indépendances « indivi<strong>du</strong>alisées ». Certaines tentatives de<br />
regroupement n'ont pas tenu la route (La Fédération <strong>du</strong> Mali).<br />
Des siècles d'esclavages <strong>et</strong> des périodes très longues de<br />
colonisation ont détourné l'Afrique <strong>et</strong> les Africains de la<br />
marche normale de toute société vers un développement voulu<br />
<strong>et</strong> organisé. Le temps mis par des Européens <strong>et</strong> les autres pays<br />
dits développés pour arriver au niveau actuel ne peut être<br />
accepté pour combler le r<strong>et</strong>ard de l'Afrique. On nous demande<br />
de sauter des étapes. Nous n'avons pas le droit de poser nos<br />
marques. On nous les impose pour satisfaire la mondialisation.<br />
Des programmes clefs en mains nous sont proposés sans<br />
aucune possibilité de négociation. Nous n'avons plus voix au<br />
chapitre. Dans des rencontres internationales, comme avec les<br />
organisations mondiales, on a l'habitude de ne pas tenir grand<br />
compte des positions de l'Afrique. Nous sommes entre<br />
plusieurs civilisations <strong>et</strong> Ton ne nous demande pas de choisir.<br />
Nous devons sauter les étapes el nos efforts sont appréciés par<br />
rapport au bon vouloir de nos censeurs. Puisque nous sommes<br />
entrain de perdre pied, tellement la marche forcée nous épuise,<br />
essayons de r<strong>et</strong>ourner d'où nous venons.<br />
Car, comme le dit un proverbe de chez nous, quand on ne<br />
sait pas où l'on va, on r<strong>et</strong>ourne d'où Ton vient.<br />
Notre subconscient est surcharge d'un fardeau trop lourd<br />
que nous avons de la peine à décharger. Nos ancêtres sont morts<br />
depuis longtemps, cependant il subsiste dans l'esprit des<br />
hommes de couleur, principalement des noirs, des attitudes<br />
visant à faire penser que tout ce qui est de culture noire doit être<br />
dévalorisée. De nos jours, dans certains pays africains, on<br />
accepte difficilement qu'une mission de l'ONU soit dirigée par<br />
un noir devant un parterre de Blancs.<br />
Certains de nos comportements ataviques, malgré de<br />
brillantes études dans des Universités occidentales font penser<br />
396
que l'Africain est incapable de s'organiser avec logique pour le<br />
développement de son pays. Comment comprendre autrement<br />
qu'étant le continent le plus vaste, le plus compact détenant<br />
plus de la moitié des richesses naturelles <strong>du</strong> monde, nous<br />
soyons le Continent où Ton compte plus de pauvres <strong>et</strong> où Ton<br />
meurt aujourd'hui de faim <strong>et</strong> de malnutrition. Nous avons<br />
encore des attitudes d'esclaves ou de colonisés. De telle sorte<br />
que certains ont été jusqu'à penser que l'Afrique refuse le<br />
développement.<br />
Parce qu'encore une fois, nous attendons des appréciations<br />
de l'Occident pour bomber le thorax <strong>et</strong> affirmer que nous<br />
sommes démocrates ou non.<br />
Pendant que l'Europe s'unit, la balkanisation de l'Afrique se<br />
pérennise. Des tentatives de sécessions se multiplient encore de<br />
nos jours. Tout cela fait désespérer de l'avenir de notre<br />
continent.<br />
Cependant, avec un r<strong>et</strong>our aux sources, non pas pour des<br />
slogans creux <strong>et</strong> sans lendemain, mais par des actes concr<strong>et</strong>s <strong>et</strong><br />
réfléchis, l'Afrique peut r<strong>et</strong>rouver sa stabilité <strong>et</strong> accélérer son<br />
développement.<br />
Il nous faut une rupture totalement avec ce comportement<br />
servile que nous adoptons vis-à-vis de l'autre, <strong>et</strong> qui a tendance<br />
à faire de nous des <strong>sous</strong>-hommes pour pouvoir apporter la<br />
touche noire à la mondialisation <strong>et</strong> à son équilibre.<br />
L'autre cependant, n'est pas le diable. Prenons garde de<br />
chercher des boucs émissaires. La plupart des nos erreurs <strong>et</strong><br />
déviations sont endogènes mais aggravées par le regard de<br />
l'autre.<br />
Pour servir l'humanité, comme toutes les autres<br />
composantes de notre planète, nous ne devons pas faire de<br />
complexe. Nous avons des valeurs sûres héritées de nos ancêtres<br />
qui peuvent nous aider à régler nos conflits s'uls avoir toujours<br />
besoin de l'assistance des autres. Nos sociétés renferment en<br />
397
elles-mêmes les ferments de solution des problèmes que nousmêmes<br />
avons créés. Comment voulez-vous que quelqu'un qui<br />
ne connaît pas votre culture puisse régler un problème dont le<br />
soubassement est d'ordre culturel ou cultuel? C'est donc nous,<br />
qui nous offrons en ridicules devant des autres!<br />
Prenons notre destin en charge. Soyons fiers de ce que nous<br />
sommes. Réorganisons-nous <strong>et</strong> nous jouerons le rôle qu'on<br />
attend de nous dans le concert des nations au rendez-vous <strong>du</strong><br />
donner <strong>et</strong> <strong>du</strong> recevoir. Déjà, au Sénégal, m'appuyant sur le<br />
cousinage à plaisanterie entre Sérères <strong>et</strong> Diolas, j'ai eu à<br />
entreprendre des initiatives hardies que je n'aurais jamais pu<br />
imaginer, n'eût été mon attachement <strong>et</strong> mon respect des valeurs<br />
de ma communauté. M'appuyant sur c<strong>et</strong> héritage ancestral, j'ai<br />
pu unir les Sérères après un conflit datant de plus de 20 ans qui<br />
per<strong>du</strong>rait de génération en génération. C'était entre deux îles <strong>du</strong><br />
Sine-Saloum Niodior <strong>et</strong> Dionewar : l'antagonisme entre ces<br />
deux îles étaient tel qu'ils ne pouvaient pas voyager dans la<br />
même pirogue. Il est arrive que le Président Abdou DIOUF lors<br />
d'une campagne électorale avait décide de ·visiter ces deux îles<br />
pour ne pas faire de jaloux, or, pour les habitants des deux<br />
villages voisins, il fallait que le Président choisisse. Suit l'un,<br />
soit l'autre.<br />
En voulant couper la poire en deux, mal lui en a pris <strong>et</strong> son<br />
bateau s'est trouve immobilisé au milieu des eaux malgré<br />
l'allumage des moteurs. Le plus grave, c'est que la marée basse<br />
ne tardant pas à se pro<strong>du</strong>ire, le protocole était dans tous ses<br />
états.<br />
Il a fallu beaucoup de conciliabules de pratiques mystiques<br />
pour que le bateau daigne démarrer.<br />
Une autre anecdote étant que lors d'une visite, d'un ancien<br />
Ministre de la Région Valdiodio NDIAYE la tension était telle<br />
que c'est un hélicoptère qui a été dépêché de Dakar pour le<br />
sauver.<br />
398
- Comment avais-je procédé? :<br />
J'avais posé alors ce problème en ces termes: j'ai appris que<br />
vous avez une cohabitation très heurtée entre ces deux villages.<br />
En ma qualité de Diola <strong>et</strong> de cousin de sérére, la sagesse<br />
ancestrale ne m<strong>et</strong> dans l'obligation de régler ce conflit, si conflit<br />
il y a. Qu'est-ce qui vous oppose?<br />
Personne des deux camps n'était en mesure de me dire à<br />
quoi ce conflit était dû. Et certains sages de me dissuader<br />
d'aborder ce problème vu l'élan de sympathie dont je fais<br />
l'obj<strong>et</strong> dans les deux camps. J'entrepris malgré toutes les<br />
pressions de m'engager au nom des Diolas, à régler ce<br />
problème. Après de concertations difficiles de part <strong>et</strong> d'autre, je<br />
réussis à réunir les sages des deux côtés.<br />
Une paix fut signée <strong>et</strong> les deux camps se présentèrent devant<br />
la caméra <strong>et</strong> jurèrent que c'est la fin <strong>du</strong> conflit. Jusqu'à présent<br />
la paix règne entre ces deux îles <strong>et</strong> les gens voyagent ensemble.<br />
L'autre problème était celui qui opposait les douaniers <strong>et</strong> les<br />
insulaires. Il se trouve que les insulaires avaient l'habitude, s'ils<br />
étaient nombreux, d'attaquer des agents des Douanes qui<br />
faisaient leur travail, <strong>et</strong> de les j<strong>et</strong>er à l'eau après les avoir<br />
assommés. Je me suis proposé devant les antennes de la radio<br />
nationale, lors d'une émission publique de poser le problème <strong>et</strong><br />
de laisser intervenir tout le monde afin de crever l'abcès. Ma<br />
proposition n'avait pas l'air de plaire à tout le monde. Les<br />
Douaniers craignaient d'être attaqués devant l'autorité que je<br />
représentais. Ils me faisaient savoir le risque que je prenais en<br />
les invitant dans ces îles. Le chef <strong>du</strong> village de Dionewar me<br />
demandait d'éviter de prendre <strong>sous</strong> ma responsabilité un si<br />
grand danger. J'ai insisté <strong>et</strong> les débats furent ouverts. Les<br />
Séreres de la Diaspora interviennent en direct <strong>et</strong> au bout <strong>du</strong><br />
compte les Douaniers ont été invités à passer la nuit dans l'île <strong>et</strong><br />
ils avaient les bras remplis de noix de coco en guise de cadeaux.<br />
Depuis, les douaniers font normalement leur travail sans<br />
encombre.<br />
Il Y avait aussi le problème entre le village de Toucar <strong>et</strong><br />
Ngayohène dans la région de Fatick. II s'agissait d'un Président<br />
399
de Conseil Rural qu'un village contestait. Les deux villages<br />
étaient face à face avec des fusils, des haches, des coupes-coupes,<br />
des gourdins <strong>et</strong> d'autres armes de fortune. Je fus informé en<br />
tant que Gouverneur de la région. Je me fis accompagner par<br />
une escouade de gendarmes. A la vue des antagonistes les<br />
gendarmes prennent position pour intervenir par la force. Je<br />
demande aux gendarmes de me laisser faire. Ce qu'ils jugent<br />
dangereux. J'insiste <strong>et</strong> je me m<strong>et</strong>s entre les deux camps en leur<br />
tenant ce langage: si vous osez verser <strong>du</strong> sang sérére devant moi<br />
le Diola, faites-le. Et vous savez que la tradition me<br />
recommande de ne laisser tomber aucune goutte. Allez vous me<br />
donner ce supplice de boire tout le sang que vous allez verser. Si<br />
telle est votre volonté allez-y. Je me ferai le devoir de tout boire.<br />
Les armes se baissèrent <strong>et</strong> j'eus le temps de convoquer les<br />
antagonistes dans une salle. Après quelques minutes de<br />
palabres, le problème fut réglé. Cela provient de la conviction<br />
que Séreres <strong>et</strong> Diolas sont des cousins issus de deux sœurs<br />
jumelles Aguènc <strong>et</strong> Diambone.<br />
Ces deux sœurs vivaient il y a très longtemps dans leur<br />
village d'origine appelé Kinara <strong>et</strong> situé quelque part en Afrique.<br />
Un jour que leur mère les envoya cherché <strong>du</strong> bois, elles furent<br />
surprises par une grosse tempête <strong>et</strong> leur pirogue se fendit en<br />
deux parties.<br />
Aguène s'agrippa à l'une d'elle <strong>et</strong> fut traînée jusqu'à<br />
Kalobane en Casamance où elle donna naissance au Diola.<br />
Diambone s'accrocha à l'autre partie <strong>et</strong> dériva jusqu'à<br />
Diakhanor dans le Sine <strong>et</strong> donna naissance aux Séréres. C'est<br />
pour cela que Diola <strong>et</strong> Sérère sont des « Kal » en Ouolof, «<br />
Sanawya » en Diola <strong>et</strong> Mandingue. Il leur est interdit de se faire<br />
mutuellement <strong>du</strong> mal. Et quelle que soit la tension qui règne<br />
entre Sérère <strong>et</strong> Diola, il est interdit que l'on se fâche contre<br />
l'autre. Celui qui n'obéit pas à c<strong>et</strong>te loi non écrite transgresse<br />
les interdits <strong>et</strong> se fera châtier <strong>et</strong> punir par une justice<br />
immanente. Notre conviction est donc faite que l'Afrique<br />
renferme des valeurs sûres qui n'ont jamais été exploitées à bon<br />
escient.<br />
400
L'exemple des fils d'Aguène <strong>et</strong> Diambone, bien médité <strong>et</strong><br />
bien exploité pourrait faire école. A supposer que cela ne<br />
s'arrête pas aux indivi<strong>du</strong>s ou aux groupes <strong>et</strong>hniques, mais<br />
s'étendent à des Etats, cela aurait grandement contribué à<br />
apaiser les conflits en Afrique <strong>et</strong> à laisser ie temps aux Mricains<br />
de s'occuper <strong>du</strong> Développement.<br />
Le r<strong>et</strong>our aux sources suppose la reconnaissance de soi <strong>et</strong><br />
l'acceptation de sa propre personnalité. Il est à craindre de nos<br />
jours que certains africains soient, sans le savoir les bourreaux<br />
de leur propre civilisation.<br />
En eff<strong>et</strong>, dans nos pays actuels, rares sont les africains qui<br />
s'assument. Nous sommes pour la plupart musulmans<br />
chrétiens ou de religion traditionnelle. Cependant dans les pays<br />
à forte concentration musulmane, l'on se comporte comme les<br />
catholiques car fêtant toutes les cérémonies religieuses de<br />
l'ancienne puissance coloniale. Nos lois sont directement issues<br />
des lois françaises calquées sur nos institutions alors que nos<br />
comportements relèvent d'une autre sociologie. Le dire c'est<br />
s'exposer aux critiques acerbes des tenant de la civilisation, car<br />
pour nombre d'entre nous, valoriser nos us <strong>et</strong> coutumes<br />
s'apparenterait à un comportement de sauvage tout au moins à<br />
une attitude d'arriérés <strong>et</strong> de non moderne. Les écarts qui<br />
existent entre nos lois, héritées <strong>du</strong> passé colonial <strong>et</strong> nos<br />
comportements de tous les jours tiennent tout simplement au<br />
fait que ces lois <strong>et</strong> règlements que nous avons adoptés n'ont pas<br />
tenu compte de la sociologie de nos milieux. Il n'y a qu'une<br />
élite qui peut interpréter ces lois <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te élite les utilise souvent<br />
contre la masse de la population qui n'y comprend rien.<br />
Cependant c<strong>et</strong>te élite bourgeoise dit parler au nom des<br />
populations. Bans beaucoup de cas nos élections ne sont que<br />
des faire valoir, car les résultats sont connus d'avance. Nous<br />
faisons appel à des observateurs internationaux pour valider<br />
nos scrutins. C'est que nous même, nous n'y croyons pas.<br />
Avons-nous jamais envoyé des observateurs dans des élections<br />
en France, en Belgique, au Portugal, en Espagne ou en<br />
Angl<strong>et</strong>erre?<br />
401
Nous pensons que nous devons réfléchir à nos propres lois,<br />
en nous basant sur notre héritage commun <strong>et</strong> en m<strong>et</strong>tant en<br />
harmonie ces lois <strong>et</strong> notre culture en même temps que notre<br />
culte. Ce faisant, nous pourrons supporter le regard de l'autre<br />
en tant qu'égal <strong>et</strong> humain, mais non pas en tant que maître <strong>et</strong><br />
donneur de leçons. L'Afrique a en elle même toutes les<br />
ressources de son développement. Qu'il s'agisse de ressources<br />
naturelles comme de ressources humaines. Ce qui nous<br />
manque, c'est l'organisation <strong>et</strong> la méthode à adopter. Le Japon<br />
comme la Corée étaient des pays en développement pendant là<br />
période de la colonisation. Ces pays aujourd'hui peuvent parler<br />
d'égale avec les anciennes puissances coloniales.<br />
Ce qui ne se comprend pas, c'est que Ton peut tout<br />
reprocher au pouvoir colonial, mais on doit bien reconnaître un<br />
fait, indéniable dont nous devons lui témoigner notre gratitude.<br />
Pendant les années les plus sombres <strong>du</strong> pouvoir colonial, le<br />
maître a quand même ouvert la porte <strong>du</strong> savoir à son suj<strong>et</strong>.<br />
Nous avons été dans les mêmes écoles que leurs fIls, dans les<br />
mêmes universités <strong>et</strong> dans les mêmes amphithéâtres que leurs<br />
rej<strong>et</strong>ons.<br />
D'où vient que de r<strong>et</strong>our chez nous, nous soyons incapables<br />
d'appliquer comme eux les leçons reçues dans les universités. Là<br />
réside la question fondamentale des contradictions qui ont vu<br />
le jour dans nos pays.<br />
Conclusion<br />
Nous voyons bien que l'Afrique peut saisir sa chance pour<br />
son propre développement. Des tentatives de bâtir des<br />
entreprises communes ont vécu. On se souvient d'Aire Afrique<br />
mais qu'on a sabordé par des méthodes pas très catholiques.<br />
L'OERS aussi avait existé mais n'a pas fait long feu. L'OMVS<br />
continue son bonhomme de chemin alors que l'OMVG se<br />
profIle déjà à l'horizon.<br />
Il Ya d'autres organisations <strong>sous</strong>-<strong>régional</strong>es de même acabit.<br />
Quel est leur espoir de vie ? 11 est grand temps d'opérer une<br />
402
upture totale vis à vis <strong>du</strong> nombrilisme dont nous faisons<br />
preuve. II y a pas possibilité de développement total sans<br />
l'intégration de nos pays pour un ensemble assez vaste pour<br />
pouvoir attirer les bailleurs de fonds <strong>et</strong> les convaincre de notre<br />
volonté de marcher comme tout le monde sur le droit chemin<br />
<strong>du</strong> développement. On ne nous demande pas d'inventer la roue.<br />
Nous sommes des humains, comme tous les autres, dotés de la<br />
même Intelligence, instruits dans les mêmes conditions. n n'y a<br />
donc pas de raison de désespérer de l'Mrique. Mais, il nous faut<br />
d'abord des séances d'exorcisme pour abandonner à jamais les<br />
tares qui gangrènent nos sociétés. Cela ne se fera pas sans mal.<br />
n y a en des tentatives qui n'ont pas eu, loin s /en faut, les<br />
résultats escomptés. Les conférences nationales ont vécu avec<br />
leurs lots d'espoirs déçus. n nous faut <strong>du</strong> courage <strong>et</strong> de la<br />
lucidité. Des barrières psychologiques doivent être arrachés s'il<br />
le faut par la force. L'Afrique ne refuse pas le développement.<br />
Elle ne sait plus comment s'y prendre, tellement elle a été<br />
détournée de son cheminement normal <strong>et</strong> naturel par<br />
l'esclavage d'abord <strong>et</strong> la colonisation ensuite.<br />
C'est pour c<strong>et</strong>te raison que nous demandons à nos<br />
compatriotes de revoir le chemin parcouru, d'analyser les<br />
difficultés rencontrées, les écueils afin de diagnostiquer le mal<br />
de nos sociétés. Ayons le courage de reconnaître que nos<br />
devanciers vivaient mieux malgré le manque d'outils techniques<br />
performants comme ceux dont nous disposons actuellement.<br />
La sagesse voudrait qu'une rupture se fasse pour nous<br />
perm<strong>et</strong>tre de revisiter notre patrimoine culturel pour le<br />
revaloriser <strong>et</strong> le m<strong>et</strong>tre au diapason des avancées technologiques<br />
<strong>et</strong> médiatiques. Le Gouvernement sénégalais sur ce point est en<br />
train d /expérimenter une autre procé<strong>du</strong>re de dialogue social<br />
pour régler le problème de la Casamance en m<strong>et</strong>tant en valeur<br />
les relations existant depuis l'aube des temps entre les Diolas <strong>et</strong><br />
les Séréres. n s'agît de cousinage à plaisanterie qui est une<br />
réminiscence de parenté très proche mais que le temps <strong>et</strong><br />
1/espace ont écartelée.<br />
403
La rencontre <strong>du</strong> MFDC <strong>et</strong> <strong>du</strong> Gouvernement à Foundiougne<br />
en zone sérére n'est pas le fait <strong>du</strong> hasard. Le résultat escompté,<br />
s'il se réalise, perm<strong>et</strong>trait au Sénégal de faire des avancées<br />
décisives dans le règlement d'un conflit qui a <strong>du</strong>ré plus de vingt<br />
deux ans. Les prémices de c<strong>et</strong>te procé<strong>du</strong>re ont permis de trouver<br />
le calme dans la région Sud <strong>du</strong> Sénégal. En eff<strong>et</strong> la présence<br />
seule de Séréres est une garantie pour la partie adverse, le<br />
MFDC composé en majorité de Diolas.<br />
Les Diolas savent que le lien de sang qui les unit aux Séréres<br />
ne peut les autoriser à se <strong>sous</strong>traire aux décisions prises. De<br />
l'autre côté aussi, ils sont convaincus que les Séréres ne feront<br />
jamais rien qui puisse trahir leurs intérêts. Ce lien atavique<br />
entre Séréres <strong>et</strong> Diolas ne peut souffrir de trahison de part <strong>et</strong><br />
d'autre, ni de reniement. C'est pourquoi l'espoir est permis.<br />
De la même manière, nous pensons que si entre certaines<br />
<strong>et</strong>hnies de la Côte-d'Ivoire, il existait c<strong>et</strong>te parenté à plaisanterie,<br />
l'approche pourrait être facilitée ainsi que les contacts entre les<br />
groupes antagonistes. En Afrique, l'interdit ne peut être<br />
outrepassé, sans conséquence. Nos lois ne sont pas, pour la<br />
plupart <strong>du</strong> temps, des lois écrites. Mais tout contrevenant à ces<br />
lois, non seulement s'expose mais aussi expose sa famille, sa<br />
lignée <strong>et</strong> son clan.<br />
Le r<strong>et</strong>our aux sources voudrait que nous revoyons les<br />
composItIOns des parties politiques. Sous prétexte de<br />
modernisme <strong>et</strong> de démocratie, les partis politiques ont tendance<br />
dans certains pays à se substituer aux clans, aux <strong>et</strong>hnies ou aux<br />
tribus. Le refus de notre introspection <strong>et</strong> la cécité devant nos<br />
propres défauts <strong>et</strong> insuffisance, ne faciliteront pas la rupture<br />
souhaitée. Avant de changer, il faut que Ton reconnaisse<br />
d'abord qu'on n'est pas sur la bonne voie. Autrement, ce sera<br />
toujours la politique de l'autruche. L'Afrique connaît sa<br />
maladie. Elle l'a bien diagnostiquée. Elle possède entre ses<br />
mains les remèdes à sa maladie. Mais elle ne les prend pas. Nous<br />
avons tendance à vouloir dire tant pis, s'ils veulent mourir<br />
qu'ils le fassent, mais qu'ils n'accusent personne d'être<br />
responsable de c<strong>et</strong>te faillite généralisée. Je me révolte peut-être.<br />
404
Mais peut-on faire autrement en voyant chaque jour le gâchis<br />
perpétré devant nos regards impuissants ? Est-ce une fatalité?<br />
Ne pouvons-nous pas sauter le fossé pour être de l'autre côte?<br />
Du bon côté? Si, on peut, il suffit de le vouloir tous <strong>et</strong> en même<br />
temps.<br />
Mesdames <strong>et</strong> Messieurs, si j'ai pris l'option de vous parler<br />
directement <strong>et</strong> sans plan, c'est que je ne veux pas tomber dans<br />
des clauses de style qui n'apportent rien de nouveau <strong>et</strong> qui nous<br />
confinent à des exercices d'esprit n'ayant aucune prise sur nos<br />
coutumes.<br />
A la limite j'aurai préféré improviser car, ce sera des choses<br />
qui vous arriveront telles que je les conçois, sans avoir besoin de<br />
faire des tournures comme Victor HUGO ou MODERE.<br />
Je vous dis oralement, c'est-à-dire <strong>du</strong> fond de mon cœur,<br />
tout ce que je ressens comme amertume devant autant de gâchis<br />
en tous genres. Des rencontres comme celle-ci doivent être<br />
démultipliées <strong>et</strong> doivent être suivies d'eff<strong>et</strong>. Il ne faut pas que<br />
cela soit un forum qui vient s'ajouter aux autres <strong>et</strong> sans<br />
lendemain.<br />
L'Afrique a besoin de tourner la page <strong>et</strong> l'Afrique a besoin<br />
de l'apport de tous ses fils où qu'ils se trouvent.<br />
405
L'éthique <strong>du</strong> pouvoir de l'Afrique traditionnelle à<br />
l'Afrique moderne: question surle fondement de<br />
l'Etatde droit<br />
Intro<strong>du</strong>ction<br />
Abbé Dominique Kahanga<br />
1. Questions mltIatlques de l'éveil: apprendre à<br />
communiquer de la place vide <strong>et</strong> relation thématique à<br />
<strong>et</strong> de l'être-avec.<br />
2. Pensée rituelle des mythèmes de l'homme <strong>du</strong> manque,<br />
de l'homme <strong>du</strong> lien comme reconstructeur de la place<br />
publique.<br />
3. La socialité de l'éveil <strong>du</strong> corps de la parution comme<br />
essence de la Communauté.<br />
4. L'ouverture de la scène initiatique. Pathos de l'unité <strong>et</strong><br />
crises nouées <strong>et</strong> dénouées à l'entrée de la place<br />
publique.<br />
La tâche de réinstaller l'homme africain dans la<br />
problématique de l'homme vrai en déployant pour lui la sagesse<br />
qui se dit dans les antiques rituelles, est corrélative de la lucidité<br />
sur la critique de l'<strong>et</strong>hos <strong>du</strong> politique.<br />
Ce dont il est question, lorsqu'il s'agit de réfléchir sur la<br />
constitution de la place publique, c'est de penser <strong>et</strong> de fonder<br />
l'autorité pour assurer le mouvement de rassembler les<br />
hommes.<br />
C<strong>et</strong>te autorité doit être reconnue à l'indivi<strong>du</strong>, dans une<br />
configuration sociale donnée <strong>et</strong> acceptée de leur être-ensemble<br />
comme des hommes <strong>et</strong> des hommes essentiellement héritiers.<br />
Ceux qui sont concernés d'abord ce sont ceux qui savent que la<br />
place publique est subordonnée à la conscience que les<br />
membres ont d'être àla place de...<br />
407
pour autant qu'il s'agisse d'un ordre éthique de l'habitabilité<br />
<strong>du</strong> monde.<br />
Les mythèmes de l'homme <strong>du</strong> manque, en m<strong>et</strong>tant au centre<br />
de l'action de sa recherche, de sa quête de la nourriture, la<br />
responsabilité des enfants <strong>et</strong> la violence sur la mère mais dont la<br />
mort est cachée aux enfants, m<strong>et</strong> au point de départ non pas le<br />
parricide mais le matricide des pères pour qu'ils deviennent<br />
maîtres de la scène <strong>du</strong> devenir de l'enfant lui-même. C<strong>et</strong>te<br />
condition est requise pour la mise en relation thématique de la<br />
place vide orientée vers la manifestation de l'identité. D'où le<br />
thème initiatique rejoint le grand thème de la manifestation par<br />
l'ouvert, tra<strong>du</strong>ction exacte de mupol, mais le préfIxe « mu »<br />
ajoute toujours à la dimension <strong>du</strong> lieu la relation à l'humanité<br />
qui dédouble le lieu de l'ouvert, c'est-à-dire par l'humanité le<br />
lieu ouvert l'est par l'hospitalité de la vérité <strong>et</strong> par le moyen de<br />
clarifIer la place <strong>du</strong> village, à savoir la droiture.<br />
Il est question de fonder la place publique) sur la relation à<br />
l'essence de la spatialité politique, conforme à la manifestation<br />
de la loi des lois que présuppose la territorialisation <strong>du</strong><br />
mouvement de rassembler les hommes. Il s'agit de fonder la<br />
façon sociale de s'élever. La scène de la sculpture de<br />
l'indivi<strong>du</strong>alité montre la droite socialité de nselel, <strong>du</strong> mariage,<br />
de l'alliance, comme loi donnée dans la possibilité de l'éveil<br />
intérieur <strong>et</strong> <strong>du</strong> dedans"munang" a nse!e! de l'homme de la<br />
droiture <strong>et</strong> de l'innocence paisible « muntfwa pemb ni mpenz<br />
Celle-ci est par dévers la scène <strong>du</strong> feu, la scène de la lumière,<br />
évoquée dans la fonction reconnue à la droiture pour remplir la<br />
tâche de re-construire la place publique instituée à partir de son<br />
fondement éthico-ontologique traditionnelle. C<strong>et</strong>te<br />
qualifIcation de traditionnelle renvoie immédiatement à la<br />
mémoire sociale de la parenté perpétuelle qui s'élève par<br />
différence à établir entre le mouvement imperceptible <strong>et</strong> le<br />
mouvement in-visible <strong>du</strong> visage qui manifeste par l'entrevue<br />
une qualité par laquelle quelqu'un envisage le dehors de son<br />
être-avec.<br />
409
Pour libérer c<strong>et</strong>te possibilité, la place vide est la position de<br />
l'absence de la mère. Elle est la relation de présence -absence de<br />
la mère <strong>et</strong> la médiation <strong>du</strong> récit <strong>du</strong> père à la place de. C<strong>et</strong>te<br />
forme d'être-là, constitue à son tour la relation ten<strong>du</strong>e <strong>du</strong><br />
néophyte pour parvenir à la signification de l'identité de<br />
l'enfant qu'il est, par l'arrivée de sa singularité à la maturité de<br />
son identité propre même.<br />
Le père, à la place de la mère, est aussi sur la scène à la place<br />
de l'autre. La scène <strong>du</strong> parcours temporel de l'épreuve inscrira<br />
le néophyte dans le mouvement de re-naître de soi-même à la<br />
parenté perpétuelle thématique.<br />
Ce qui implique que s'éclaircisse pour le néophyte le sens de<br />
l'alliance "en hauteur", par la condition éthique de la<br />
responsabilité première: celle-ci consiste à répondre de la vie de<br />
l'autre, par l'éveil acquis de la médiation de sa propre humanité<br />
de l'interdit à la première initiation des garçons « Mukand» <strong>et</strong><br />
de sa propre humanité par l'honneur à la seconde initiation sur<br />
le vécu en éveil.<br />
Le courage d'être soi-même se remarquera au moment de<br />
l'élévation de son nom propre, pour se relancer soi-même selon<br />
sa fierté a<strong>du</strong>lte d'être ce quelqu'un qui l'est consciemment<br />
devenu par l'éveil.<br />
Mûrir pour le néophyte, c'est accèder à c<strong>et</strong>te conscience des<br />
relations bonnes, socialement coordonnées par la responsabilité<br />
humaine entre les domaines de présence qui ne relèvent plus de<br />
l'autorité naturelle de la mère. La territorialité <strong>du</strong> Nom, <strong>du</strong> Nous<br />
en commun, par le statut de l'identité d'être un membre est un<br />
mode de l'exercice de l'identité.<br />
Que ce soit de nouveau au suj<strong>et</strong> de l'humanité de tissage des<br />
liens que les choses se rem<strong>et</strong>tent en mouvement comme pour la<br />
mère, c'est que l'enjeu est un savoir de la vie, un savoir <strong>du</strong> corps<br />
de l'identité qui affronte la lumière de l'éthique d'être-avec, par<br />
laquelle s'institue la dialectique de la communication. La force<br />
410
d'être-là de soi-même doit devenir le thème conscient d'être-là<br />
en mouvement d'effort, de résistance compris entre les<br />
domaines de présence pour ce qu'il est pour l'homme.<br />
L'intelligence des entrecroisements, des nœuds place le<br />
néophyte en situation de jonction à saisir dans leurs différentes<br />
significations. Il apprend les mouvements d'arrivée qui peuvent<br />
être mortels pour les conditions de la socialité bonne d'un<br />
milieu <strong>et</strong> pour lui-même il apprend quels sont les types des<br />
passions dans la dialectique de la communication sociale, <strong>et</strong> par<br />
la médiation des biens. Et nous r<strong>et</strong>rouvons en pratique ce qui<br />
était mis en reliefà travers les deux formes d'oubli.<br />
Celle-ci est par dévers la scène <strong>du</strong> feu, la scène de la lumière,<br />
évoquée dans la fonction reconnue à la droiture pour remplir la<br />
tâche de re-construire la place publique instituée à partir de son<br />
fondement éthico-ontologique traditionnelle. C<strong>et</strong>te<br />
qualification de traditionnelle renvoie immédiatement à la<br />
mémoire sociale de la parenté perpétuelle qui s'élève par<br />
différence à établir entre le mouvement imperceptible <strong>et</strong> le<br />
mouvement in-visible <strong>du</strong> visage qui manifeste par l'entrevue<br />
une qualité par laquelle quelqu'un envisage le dehors de son<br />
être-avec.<br />
La scène de fondation de la naissance de l'enfant à soi-même<br />
pour le compte de la socialité est convertie en moyen d'accéder<br />
au sens de l'honneur de la parole donnée par son défi sur la<br />
scène relative à la place publique. C<strong>et</strong>te répétition rituelle<br />
maintient la fraîcheur <strong>du</strong> sens de la justice qui peut passer par<br />
la violence, par la colère de la vérité sociale qui part de la vie<br />
elle-même en quête de reconnaissance par l'auto-affirmation.<br />
L'image de la mère qui initie à la naissance de la relation<br />
cosmo-vitale, à laquelle l'éveil substitue la relation à la mémoire<br />
par la voix qui resitue l'écoute au coeur de la remontée<br />
personnelle, donne une scène au défi de l'humanité de la faim,<br />
de l'invention <strong>et</strong> <strong>du</strong> lien. Le néophyte s'éveille à l'écoute<br />
sapientielle par la mise en relation pathétique <strong>du</strong> défi avec le<br />
thème de devenir par le renforcement en soi-même, en<br />
411
sollicitant la potentialité de quelqu'un en relation parmi<br />
d'autres sources de relation.<br />
S'éclaire d'emblée la signification de l'omniprésence <strong>du</strong> feu<br />
comme symbole majeur de l'initiation <strong>et</strong> <strong>du</strong> mouvement de<br />
l'abîme vers le "là"(com) intraperceptible saisi par son<br />
indifférence comme le vis à vis de la détresse de l'homme <strong>et</strong> de<br />
son travail. A travers la relation au milieu d'authenticité de soimême<br />
à la lumière de l'Ancien <strong>et</strong> <strong>du</strong> Grand, la Mémoire<br />
sapientielle réveillée par l'accès <strong>du</strong> défi à sa vérité humaine, est<br />
la matrice des schèmes de la solidarité intraperceptible dans la<br />
forme de possibilité de la sagesse <strong>et</strong> de l'éthique ordonnées de<br />
c<strong>et</strong>te clairière pour soi-même."Munang ansele1".<br />
Le procès de dédoublement de la naissance <strong>et</strong> <strong>du</strong> faire-naître,<br />
qui commence par le faire-naître de la mère jusqu'à la naissance<br />
à la vie des règles <strong>et</strong> des valeurs de la société, est ainsi lui-même<br />
subordonné à un autre dédoublement des personnages<br />
médiateuts dans leur fonction d'être à la place de, de la place<br />
vide de l'expérience, si centrale pour l'élévation de l'identité par<br />
la parole-faire qui constitue l'indivi<strong>du</strong>alité de l'être-avec.<br />
Et la scène de l'érection de l'image de soi, en partant de ce<br />
qui nous vient de la vie par la mère comme humanité <strong>du</strong> rire <strong>et</strong><br />
<strong>du</strong> souffle confrontée à l'identité de la force d'être celui qui<br />
inaugure un domaine de présence, par la clarification, oriente<br />
l'éveil dans l'indivi<strong>du</strong> en tant que tel. L'expérience sensible <strong>du</strong><br />
corps de l'éveil, sensible parce qu'interne dans son expérience<br />
de la réceptivité <strong>et</strong> de l'activité en tant qu'affirmation de soi<br />
parmi <strong>et</strong> avec les autres, en tant que quelqu'un situe bien<br />
l'épreuve initiatique comme un travail sur soi-même, médiatisée<br />
par l'expérience commune.<br />
Il est possible de comprendre la raison pour laquelle la<br />
relation double à la mère Nansomb -Na-mu-somb-, mère de<br />
l'humanité qui se nourrit <strong>et</strong> mère <strong>du</strong> don d'amour par la<br />
réaction aux pères de la scène, rencontre ce qui empêche que le<br />
néophyte, accède à la nouvelle indivi<strong>du</strong>alité d'un homme en<br />
devenir soi-même, si l'on a saisi la parution <strong>du</strong> milieu que la<br />
412
visée de maturité fait remonter à la conscience de soi comme<br />
milieu phénoménologique, qui ne commence pas par le défi<br />
arrogant mais l'hospitalité de la vérité de l'homme. Sans sa<br />
redécouverte de la mort de la mère, c'est la fonction de la place<br />
vide de l'identité qui ne reçoit pas non plus sa signification<br />
quant à la naissance à l'être de l'ouvert.<br />
Telle est la fonction de la scène <strong>et</strong> de l'instauration de la<br />
relation symbolique à la Mère-être, pour la Fécondité bonnebelle<br />
en tant que telle, en tant que thème d'être puissant révélée<br />
dans la joie de la jeunesse de la vie. Etrange situation<br />
existentielle de l'accès à la connaissance de soi <strong>et</strong> <strong>du</strong> prix de la<br />
solidarité par la responsabilité qui commence par écarter la<br />
responsabilité sur la mort de la mère pour ne s'arrêter qu'à la<br />
situation d'orphelinat, de détresse de l'enfant d'homme comme<br />
partenaire de la visée de sa maturité humaine. Nous pensons<br />
que c'est bien là une indication <strong>du</strong> lieu de la relation à<br />
l'immensité imperceptible <strong>et</strong> à l'invisible qui confère une autre<br />
envergure au pathos de l'abîme <strong>et</strong> à la naissance de l'identité.<br />
En eff<strong>et</strong>, le vrai commencement que les pères de la scène lui<br />
disent être le sien en tant que Mukanz, en tant qu'homme de<br />
manque, de la faim, c'est la réponse donnée, à la journée<br />
cosmologique <strong>et</strong> vitale <strong>du</strong> récit <strong>du</strong> commencement, à la<br />
question six <strong>et</strong> vingt <strong>du</strong> parcours initiatique, à savoir: le manque<br />
<strong>et</strong> la tristesse, c'est comme l'humanité <strong>du</strong> lien <strong>et</strong> le fait d'être<br />
reconnu par l'invention de la parole, Kalumb. L'idéologie de<br />
l'animalité <strong>et</strong> de la choséité qui domine l'interprétation<br />
<strong>et</strong>hnologique trouve là sa manifestation d'être un motif d'une<br />
culture de la chose qui peut brouiller le sens par le volume de<br />
l'éten<strong>du</strong>e <strong>et</strong> par l'abondance des obj<strong>et</strong>s, si ce ne l'est par la<br />
coordination <strong>et</strong> la domination effectuées <strong>du</strong> brouillage<br />
politique de l'<strong>et</strong>hnologie comme science politique auxiliaire de<br />
la géographie en tant que discipline militaire des conquêtes.<br />
L'être-avec est le travail de devenir celui qui dit <strong>et</strong> fait, certes<br />
selon le courage d'être-là comme quelqu'un, mais à partir de<br />
l'identité renforcée par un procès <strong>du</strong> mouvement d'êtreensemble<br />
selon une éthique de la vie: « untf » l'humanité<br />
413
onne-belle. Le sens dégagée <strong>du</strong> mouvement pur de la<br />
ressemblance <strong>et</strong> de l'identité, l'est, par la garde <strong>du</strong> sens de la<br />
vérité de la Parole-Faire, ou sens de ce qui est en commun<br />
comme contenu de la reprise responsable d'un savoir de l'unité<br />
cosmo-vitale par l'homme.<br />
Elle est donnée d'abord dans la figure de "la mère des<br />
richesses", dont se nourrit l'humanité <strong>du</strong> rire <strong>et</strong> <strong>du</strong> souffle,<br />
comme humanité au Féminin. Mais c'est par l'humanité de la<br />
justice que l'identité devient quelqu'un par la ré-appropriation<br />
de la terre, dominée par une éthique <strong>du</strong> domaine de présence à<br />
savoir la droite socialité.<br />
Ce qui est déjà concernée par la possibilité éthique de<br />
l'humanité de la multitude <strong>et</strong> de l'indifférence, ce sont des<br />
indivi<strong>du</strong>s capables de relations autres que naturelles, ce sont des<br />
relations volontaires à travers lesquelles, ils rendent manifeste<br />
leur existence. Elles sont par la force d'être-là une menace<br />
possible de l'humanité par sa propre méprise de la force qui<br />
méprise la faiblesse de l'intérieur de soi-même. Ce que sont<br />
essentiellement ces types d'hommes dévoyés par l'oubli de la<br />
nature de leur relation, à savoir l'humanité bonne-belle de la<br />
justice. C'est l'absence de la connaissance donnée par la vie<br />
accomplie de quelqu'un par laquelle l'habitabilité <strong>du</strong> monde,<br />
de la région, d'un Territoire relève de l'humanité <strong>du</strong> style <strong>du</strong><br />
Dire-faire qui fait problème entre la modernité de la dynamique<br />
de transformation <strong>et</strong> la vie sociale africaine. Le courage d'être<br />
quelqu'un affronte d'abord son propre défi de se donner à soimême<br />
ses images de s'accomplir en c<strong>et</strong> homme poussé par la vie<br />
à la manifestation.<br />
Ceux qui font faire que la naissance de soi-même se réfère à la<br />
mémoire sociale de l'essentiel <strong>et</strong> à la possibilité comme telle d'être<br />
celui qui éprouve ce devenir sont des maîtres de vie en tant<br />
qu'hommes d'expérience: Athudiang.<br />
C'est soi-même affronté au sens d'être-avec, par le prix de la<br />
solidarité qui est, par la médiation de la mémoire sociale<br />
représentée par le masque, suj<strong>et</strong> <strong>du</strong> subir par le courage la<br />
'414
naissance à la maturité par l'éveil. C'est par lui' comme<br />
médiateur, intermédiaire que les significations relatives à la<br />
transposition aux morts <strong>et</strong> à l'immensité <strong>du</strong> lien à la mère, que<br />
la portée de l'épreuve ne passera pas inaperçue, quant à la<br />
relation cosmo-vitale <strong>et</strong> sociale de la solidarité remise en<br />
question par le défi de la jeunesse de la vie exprimée par<br />
l'enfant, ou le jeune d'avant l'initiation; d'être mis à l'épreuve<br />
de soi-même, kukit <strong>et</strong> kukitish, subir l'épreuve de l'effort, de la<br />
ferm<strong>et</strong>é éthique d'être-là par la médiation de ceux d'auparavant<br />
-Athudiang, représentant sur la scène des épreuves les morts<br />
vénérés. Anvumb, ant a vumb, les hommes vénérés, comme<br />
commencement d'être auteur des liens <strong>et</strong> en même temps que<br />
de se savoir'être celui qui est à la place de,<br />
La signification d'être à la place de... qui institue <strong>et</strong> organise<br />
l'apparition des personnages <strong>et</strong> des rôles peut ainsi donner lieu<br />
à l'inculturation <strong>du</strong> défi d'être soi-même parmi les autres dans<br />
le monde. Pour inculturer le défi des jeunes par c<strong>et</strong> accès aux<br />
références <strong>et</strong> au fondement <strong>du</strong> mouvement d'être -avec, l'idée<br />
de l'origine est mise en scène comme appartenant d'emblée à la<br />
"vastitude vivante" de l'éten<strong>du</strong>e nommée par le terme<br />
indécomposable de Kalung : éten<strong>du</strong>e originelle de tout ce qui<br />
vient dans l'enroulement des mouvements non-visibles <strong>et</strong><br />
visibles <strong>et</strong> qui est abîme. L'être-là impersonnel, c'est Kalung,<br />
qui peut être dit Mère de l'être, mais dans ce sens de l'apérité<br />
impersonnelle <strong>et</strong> impercep<strong>et</strong>ible de Ciom, de l'immense <strong>et</strong><br />
étonnant Agent <strong>du</strong> "là", am; mais remarquable par l'J- ,,,"'e<br />
comme signe de "ici" <strong>et</strong> de "là", par les positions.<br />
Textes iniatiques (Technique de la santé dans la pensée rituelle<br />
de la maturité humaine)<br />
Version 1<br />
II Y avait un homme qui s'appelait Mukanz. Le nom de sa<br />
femme: Nansomb. Ils habitaient à l'embouchure, là où se<br />
rencontrent les rivières. lis avaient deux enfants <strong>et</strong> c'étaient des<br />
filles: Mujing <strong>et</strong> Kalumbu.<br />
415
) animaux: chiens - Kawangal-kangwej <strong>et</strong> Kawangalkangweji-a<br />
Makal: c'est-à-dire Ka-wang-al- ka-ngwej <br />
ka-mu-(m + we = nge)-wej-i : qui est connu par la clarté<br />
ajoutée <strong>du</strong> mois ou lumière de l'étoile; Ka-wang-al - kangweji<br />
- a - makal : qui est connu par la clarté étalée <strong>du</strong><br />
mois <strong>et</strong> qui ajoute sa lumière au foyer ou lumière <strong>du</strong> feu<br />
l'éveilleur lumineux ; oiseaux - nkolonv, nzuwu <strong>et</strong><br />
ankàng.<br />
2. Mouvement: chasse guidée par la lumière double, celle qui<br />
éclaire le foyer <strong>et</strong> celle qui éclaire la nuit, la clarté <strong>du</strong> jour,<br />
3. Lieux:<br />
a) désert: sable, Kalwinsik <strong>et</strong> Lwemb, Ka-lu-nsik rivière<br />
qui a toujours <strong>du</strong> sable, Lu-hemb rivière comme lieu désert.<br />
b) habités : Kampatang - Ka-mpat-ang milieu connu <strong>du</strong><br />
dedans par son aspect <strong>du</strong> non-accompli, Villages de Cal <strong>et</strong><br />
Muyeji - Ci-aï la vie étalée en richesse j Mu-yej-i celui qui est<br />
malade de lui-même, le village quant à la santé <strong>et</strong> à la<br />
mort.<br />
c) milieu de travail: Mwinful a nful - Mu-yi-nful-a-nful<br />
milieu de la forge à répétition, action caractérisée par sa<br />
répétition d'une espèce donnée, par exemple la plante<br />
qui soûle les poissons est caractérisée par la répétition<br />
de ka-fula-fula; donc lieu habituel des pro<strong>du</strong>its forgés.<br />
4. Partage <strong>du</strong> champ <strong>du</strong> savoir - actions <strong>et</strong> résultats : la chasse<br />
guidée, le construire <strong>et</strong> l'habiter kutzung -ku-tzung, action<br />
d'ordonner <strong>et</strong> d'arranger, kukung rassembler kulujik , ku-lujik,<br />
action qui implique la connaissance, ku-i-jik connaître de soimême,<br />
kupangan ku-pang-an danser en mouvement<br />
réciproque, suffIxe réciprocatif ang, marque indiquant l'aspect<br />
<strong>du</strong> non-accompli.<br />
5. Occasion temps <strong>et</strong> cause: kubang quémander <strong>et</strong> temps de<br />
famine pour nourrir les enfants.<br />
6. Conflit <strong>et</strong> mort de la femme;<br />
418
7. Conflit <strong>et</strong> relations pédagogiques aux enfants;<br />
8. Mémoire <strong>du</strong> conflit <strong>et</strong> commencement de l'é<strong>du</strong>cation<br />
publique de l'enfant par l'arbitrage sacrificiel.<br />
Version 2<br />
Jadis Ciwi1 était l'initiation des hommes <strong>et</strong> Mwingony était<br />
l'initiation des femmes. Survint une grande famine dans le<br />
paysage de Karnpatang. Depuis ce temps de l'arrachement par<br />
les hommes de Mwingony, elle était celle des femmes.<br />
Les femmes, à leur tour, ont pris l'initiation Ciwil des<br />
hommes. Et à l'époque de la famine survenue dans Karnpatang,<br />
Mukanz, Nansomb <strong>et</strong> leurs enfants, habitaient Karnpatang.<br />
Tous les jours, la femme allait chercher à manger pour donner à<br />
ses enfants. Il n'y avait pas autre chose de plus sinon la<br />
contrainte de chercher à manger pour ses enfants.<br />
Ils n'allaient pas pour voler le maïs dans les champs des<br />
habitants de Cal <strong>et</strong> de Mujeyi. Eux, ils cultivaient le maïs en ce<br />
lieu. Mais la femme, lorsqu'elle volait le maïs dans le champ,<br />
elle portait la couronne; elle montait sur les échasses Muyind.<br />
Lorsqu'elle voulait aller voler, elle avait l'habitude de monter<br />
sur les échasses, ayant porté une couronne de plumes sur la tête.<br />
Elle allait voler pour nourrir <strong>et</strong> élever, avec ses biens, ses enfants.<br />
Tous les jours, la femme revenait avec les paniers pleins de<br />
maïs. Les hommes cherchaient à savoir comment c<strong>et</strong>te femme<br />
réussissait à voler dans les champs. Un jour que Nansomb allait<br />
de nouveau pour voler, son mari la suivit. Et l'homme, le mari,<br />
prenait le chemin par où sa femme passait, lorsqu'elle allait<br />
voler dans les champs.<br />
Après un moment, il vit la femme dans les champs déjà<br />
montée sur le muyind (les échasses) avec une couronne sur la<br />
tête. C'est ce jour là que le mari se dit: "j'arracherai la couronne<br />
avec la Muyind, elles deviendront miennes, elles seront à moi,<br />
419
plus question de la femme. L'homme ne r<strong>et</strong>ourna pas au village<br />
le premier. Il voulait voir l'endroit où la femme cacherait la<br />
couronne de plumes NsaI <strong>et</strong> muyind les échasses qu'elle avait<br />
volées (des pièges de son mari). La femme prit le panier plein de<br />
maïs <strong>et</strong> elle r<strong>et</strong>ourna au village. Avant d'aller au village, elle prit<br />
la couronne de plumes <strong>et</strong> la muyind, les cacha au bas d'un<br />
arbre, nommé cinkuk, là où elle r<strong>et</strong>irait les oiseaux des pièges.<br />
Lorsque la femme revint au village, le mari prit la couronne<br />
<strong>et</strong> la muyind que sa femme avait cachées dans le cinkunku. Il<br />
s'en alla les cacher à un autre endroit. Lorsqu'il fit jour,<br />
Cîkwaca wu, la femme s'en r<strong>et</strong>ourna aux champs pour prendre<br />
les maïs comme elle avait l'habitude de prendre les autres jours.<br />
Arrivée auprès de cinkunku, là où elle avait caché la couronne<br />
nsaI <strong>et</strong> les échasses muyind, elle trouva que les choses étaient<br />
absentes, qu'elles avaient disparu. Toutes les choses étaient<br />
volées. Pendant que la femme cherchait ses choses, surgit<br />
l'homme. Il saisit (kukwat) sa femme <strong>et</strong> la tua.<br />
Au village on ne voyait pas la femme. Ses enfants allèrent à<br />
plusieurs reprises la chercher. Us la trouvèrent morte dans le<br />
nid de fourmis rouges. C'est ainsi que se constitua l'initiation<br />
Mwingony.<br />
A partir de ce jour-là, Mwingonyest devenu l'initiation pour<br />
les hommes <strong>et</strong> Ciwi1, l'initiation des femmes.<br />
Les femmes commencèrent à porter les maningan <strong>et</strong> les<br />
hommes commencèrent à porter anshimb, avec un Luzenz à la<br />
main. Ainsi vêtus, ils allaient tous, les hommes <strong>et</strong> les femmes, au<br />
village de CaI <strong>et</strong> Muyezi pour quémander le maïs <strong>et</strong> le manioc,<br />
pour donner à leurs enfants à manger.<br />
Tous étaient dans la joie, ils se réjouisssient tous. Et ils<br />
disaient que c'est ainsi qu'il convenait que les choses fussent,<br />
mwingony pour les hommes <strong>et</strong> Ciwi1 pour les femmes. Tout<br />
ceci n'arriva pas pour rien; c'est à cause de la faim qui survint<br />
dans le pays de kampatang.<br />
420
Tra<strong>du</strong>ction: c'est à cause de l'homme <strong>du</strong> manque <strong>et</strong> de la<br />
faim, de celui qui est reconnu par l'éten<strong>du</strong>e interne.<br />
Version 3<br />
Dans un village vivait un homme Cal avec son fils Muyeji <strong>et</strong><br />
ses deux chiens. Un jour, Cal avec son fils Muyeji <strong>et</strong> ses deux<br />
chiens, allèrent à la chasse. lis traversèrent une rivière appelée<br />
Lwik, là ils longèrent en amont <strong>et</strong> traversèrent une deuxième<br />
appelée Lwemb <strong>et</strong> une troisième appelée Kawit Kalwimbunz,<br />
un affiuent de Lwemb.<br />
Ils arrivièrent sur une p<strong>et</strong>ite île formée de trois rivières, dans<br />
le kampatang. Les chiens qui devançaient les hommes<br />
commencèrent à aboyer fort. L'homme s'approcha <strong>et</strong> vit une<br />
forme monstrueuse Nakwinkol, à la tête bien tressée mais sans<br />
les membres.<br />
Ce monstre ne bougeait pas <strong>et</strong> ne parlait pas. Pris de peur<br />
l'homme <strong>et</strong> r<strong>et</strong>ourna au village raconta aux autres ce qu'il avait<br />
vu d'insolite. Après les avoir persuadé, les autres, se décidèrent<br />
d'aller sur l'île kampatang <strong>et</strong> ils virent Nakwinkol <strong>sous</strong> les<br />
arbustes aquatiques mui zak-zakyaizenzyakawudi.<br />
Ils se décidèrent de 1remporter au village. Les hommes la<br />
protégèrent dans le poulailler mukatalang. Le lendemain matin<br />
Nakwinkol avait disparu.<br />
Les hommes accompagnés de Cal <strong>et</strong> de Muyeji se décidèrent<br />
de r<strong>et</strong>ourner où ils l'avaient trouvée. Arrivés là, ils trouvèrent<br />
une orpheline, le visage peint en noir.<br />
Elle pleurait sa mère Nankwinkol. La fille orpheline avait<br />
entre ses mains un instrument contenant des graines <strong>et</strong> percé de<br />
p<strong>et</strong>its trous luzenz ou luzwiz, elle chantait <strong>et</strong> pleurait. Les<br />
hommes décidèrent de l'amener au village. Tout au long <strong>du</strong><br />
chemin, elle ne faisait que danser <strong>et</strong> pleurer, en jouant de son<br />
instrument luzenz.Mais avant d'arriver au village, Cal <strong>et</strong> Muyeji<br />
<strong>et</strong> ses compagnons demandèrent à l'orpheline de leur<br />
421
qui étale les richesses, celui qui étale la vie par le récit<br />
d'honneur de celui qui est mort en situation de "l'homme de la<br />
blancheur", de l'humanité de la droiture.<br />
La fondation de la place publique relaie le savoir des<br />
richesses comme savoir de la mère, mais par la règle pour les<br />
acquérir, <strong>et</strong> par l'éthique pour les rendre visibles.<br />
A la place de la mère des poissons, Nansomb, qui donne<br />
n'importe comment: Nakwinkol, l'institution prend en charge<br />
le mouvement de rassembler, en refondant autrement l'origine<br />
des richesses <strong>et</strong> de leur accessibilité.<br />
En devenant thème <strong>du</strong> travail d'être-avec non naturel par la<br />
mémoire culturelle des lieux <strong>du</strong> devenir, l'identité affronte la<br />
maladie d'être enfant de l'homme en lien avec l'institué de<br />
l'institution, à savoir la volonté de perpétuer la parenté qui n'a<br />
plus la mère comme première référence. C'est pourquoi, le<br />
millieu de la découverte est le découvreur lui-même,<br />
Mutfungul, -mu-tfung-ul ce qui signifie l 'humanité de<br />
l'habiter.<br />
Kutzung-lutzung, construire pour habiter, le moyen c'est le<br />
coeur <strong>et</strong> la volonté. Les mouvements qui sont évoqués par la<br />
chasse sont ceux de la recherche de l'identité par la<br />
responsabilité qui s'affronte à la distinction <strong>du</strong> mal <strong>et</strong> <strong>du</strong> bien<br />
par la possibilité donnée en humanité.<br />
La conscience a deux sexes : actif<strong>et</strong> passif. L'actifest la sagesse<br />
qui distingue ce qui doit être. Et le passifest la pensé/o Le critère<br />
de validité de notre méthode, ensuite de la pensée de l'élément<br />
se manifestera, nous semble-t-il, à la critique, par la cohérence<br />
interne <strong>et</strong> thématique de notre grille d'interprétation. En<br />
faisant confiance d'abord aux textes <strong>et</strong> questions de la scène <strong>du</strong><br />
savoir initiatique, école de la volonté <strong>et</strong> de la perception de ceux<br />
70 Claude SUMNER, Aux sources éthiopiennes de la philosophie africaine, la<br />
philosophie de l'homme, F. T. C. K., Coll. Recherches philosophiques<br />
africaines, 1988, p. 27.<br />
424
qui se trouvent être les héritiers, comme fondés de pouvoir des<br />
fondateurs d'Etat, qui porta le nom de l'Empire Lunda, <strong>et</strong> dont<br />
les Instirutions traditionnelles <strong>et</strong> historiques subsistent tant<br />
bien que mal, <strong>et</strong> résistent au travail <strong>du</strong> temps des conquêtes des<br />
nouveaux fondateurs de la modernité problématique de l'êtreensemble<br />
de l'Afrique centrale d'abord, nous avons cherché à<br />
m<strong>et</strong>tre en dialogue critique deux mémoires de notre vie<br />
moderne, non pas en termes habituels de l'opposition factice<br />
entre une entité qui serait "Tradition" <strong>et</strong> l'autre qui serait<br />
"Rationalité", comme s'il pouvait exister l'une sans l'autre<br />
comfue possibilités de <strong>du</strong>rer, nous avons essayé d'assumer les<br />
deux possibilités, par leur potentialité. Il nous semble bien<br />
caractéristique <strong>du</strong> déclin de c<strong>et</strong>te -::ulture négro·africaine, par le<br />
sens de l'absence de l'éthos évident de la manière absolue<br />
d'être-homme, pour construire avec la solidité que requiert un<br />
éthos, un monde de la vie. Ce qui nous donne à lire ses moyens<br />
<strong>et</strong> son système de <strong>du</strong>rer selon une éthique de la vie contre la<br />
multiplication de l'humanité <strong>du</strong> vide bien entrevue par la<br />
mémoire sociale de la construction d'une société comme étant<br />
le repère d'une jonction faussée entre les moyens <strong>et</strong> le caractère<br />
d'une culture de la force d'être quelqu'un.<br />
Plus il a été possible de dégager des concepts clés, en amont<br />
de l'organisation comme la pensée éthico-ontologique <strong>du</strong><br />
politique Lunda de la création de la place publique, <strong>et</strong> de son<br />
inculturation hors de son cercle d'origine, par exemple la base<br />
de la politique de la liberté des chefs des terres des régions<br />
territorialisées par les conquêtes, plus il a été possible de<br />
dégager des concepts clés <strong>du</strong> dialogue, au-delà d'une forme de<br />
la culture négro-africaine dans la communauté <strong>du</strong> motif de<br />
tissage de l'être ensemble.<br />
L'enquête <strong>et</strong> la description attentive aux significations qui<br />
organisent thématiquement les rythmes des scènes des rites<br />
d'initiation, me donnait à percevoir la limite de la forme de<br />
configuration de l'être-avec cosmo-vitaliste, lorsque son éthique<br />
ne fournit plus le principe des interliaisons, mais, plutôt, la<br />
justification des débris géographiques de l'autotrité locale, de la<br />
même vaste géographie de la culture des Lunda.<br />
425
Il nous a semblé important de rappeler à c<strong>et</strong>te occasion la<br />
figure socio-médico-politique de Kabum, ce médecin de<br />
civilisation, en tant que dénoueur des relations faussées, comme<br />
héritier d'une mémoire de la langue des fondateurs de l'empire<br />
de l'intérieur de la Communauté Lunda, dans ses remous de la<br />
communication interne, <strong>et</strong> à l'intérieur de ce que furent les<br />
frontières de l'empire en Angola, <strong>et</strong> à l'extérieur de ce qu'ils<br />
firent de la raison concrète pour la coordination <strong>et</strong> de la<br />
domination <strong>du</strong> Territoire des Mwantyav par les provinces<br />
lunda en Angola, en Zambie, au Zimbabwe <strong>et</strong> à l'ouest <strong>du</strong> l'Etat<br />
actuel <strong>du</strong> Zaire correspondant aux Régions politiques <strong>du</strong> Zaire,<br />
le Kwahgo <strong>et</strong> le Ban<strong>du</strong>n<strong>du</strong>.<br />
Victor TURNER a pratiqué son champ <strong>et</strong>hnologique dans<br />
l'actuel Etat de la Zambie: "the Ndembu live to the west ofthe Lunga<br />
River, which divides the district roughryfrom north ta south, the Kosa live<br />
to the east ofit, both groups calling themselves Lunda and claiming to<br />
hâve corne from the land ofgreat Congo ChiefMwantiyanvwa Later,<br />
Ovimbun<strong>du</strong> slave traders and Lwena and Chokwe slave raiders from<br />
Angola, encouragea by the Portuguese, compl<strong>et</strong>ed the disintegration of<br />
thèse virtualry isolated outposts ofMwantiyanvwa's empire 71 •<br />
Nous avons tiré l'essentiel qui se dégage <strong>du</strong> sens des termes<br />
techniques <strong>du</strong> rituel <strong>et</strong> des symboles des s, que les textes utilisés<br />
pendant la cérémonie d'éveil <strong>et</strong> qui gouvernent les rythmes<br />
d'apparitions des personnages <strong>et</strong> des rôles répètent sur la scène<br />
initiatique. Par delà ou plutôt à travers les couleurs, les tons de<br />
la voix, non plus <strong>du</strong> phénomène, mais <strong>du</strong> sens de la vie <strong>et</strong> qui se<br />
garde beaucoup plus efficacement pour la pratique de<br />
l'humanité, c'est l'anamnésis des corps de la cérémonie qui<br />
offrent le savoir <strong>du</strong> corps de la parole-faire ou de l'unité <strong>du</strong><br />
soufle de vie.<br />
De ce lieu de penser le lien à l'Existant absolu, dans la<br />
tradition orale des discours sur la parution, seul un<br />
commencement réel de la vie quant à la naissance éthicoontologique,<br />
en humanité, fait saisir le mouvement de la chose<br />
71 Victor TURNER, ibidem, op. cit., p. 3.<br />
426
dans sa différence comprise dans la naissance de l'essence <strong>du</strong><br />
lien à l'humanité la plus excellente, à savoir que le sens de<br />
l'Existant est existentiellement de l'anamnésis de la justice par<br />
la nature de la beauté de la bonté qui protège l'homme <strong>et</strong> sa<br />
socialité.<br />
Tel est en réalité ce que nous voulons plutôt taire pour<br />
laisser la place à l'accès de l'unité <strong>du</strong> faire-dire par l'écoute que<br />
sollicite la pédagogie initiatique.<br />
Car l'initiation est école de <strong>et</strong> par l'écoute de la relation<br />
originelle de l'écoute à la vue. Par c<strong>et</strong>te relation, l'inscription de<br />
l'éthico-ontologique est naissance de l'obligation par le fairenaître,<br />
parla différence de l'identité d'être-avec.<br />
Par l'unité <strong>du</strong> sens <strong>du</strong> lien de tous les indivi<strong>du</strong>s des mondes<br />
multiples comme unité de la vie,.1a pensée rituelle dédouble le<br />
sens de l'entacinement par le symbole de la plante <strong>du</strong> milieu<br />
aquatique, opposée à l'arbre <strong>du</strong> milieu sec, comme elle<br />
dédouble le premier milieu de l'être vivant-homme en milieu de<br />
l'identité <strong>du</strong> Soi, par la relation mère-enfant <strong>et</strong> la jeunesse de la<br />
vie <strong>et</strong> la vie de la maturité. Elle établit la relation de signification<br />
<strong>et</strong> avec le milieu <strong>et</strong> avec la qualité de ce qui est aqueux, en tant<br />
que milieu vivant d'origine opposé au milieu sec comme qualité<br />
de la chose. Une manière· de signifier déjà la tonalité<br />
d'indifférence comme l'être de la nature en tant que chose.<br />
Et comme plante de la mort rituelle, de la mort en rites de<br />
l'anamnésis de l'humanité, celle qui est caractérisée par le terme<br />
de mukwen, "l'humanité de chez quelqu'un", "qui est chez<br />
vous", c'est la reconnaissance dans la rencontre de quelqu'un,<br />
qui est reconnue telle par le dire-faire de l'humanité qui se<br />
montre. Le savoir <strong>du</strong> corps de l'auteur <strong>du</strong> signe concerne donc:<br />
a) le déracinement pour un autre enracinement.<br />
b) l'humanité de la construction par les modes qui<br />
coopèrent à l'habitabilité.<br />
c) la relation <strong>du</strong> faire-naitre <strong>et</strong> le faire naître technique <strong>du</strong><br />
milieu.<br />
427
L'humanité de la construction <strong>du</strong> village est c<strong>et</strong>te humanité<br />
de la relation interne <strong>du</strong> faire-naitre <strong>et</strong> <strong>du</strong> faire technique<br />
kutzung, ku-tzung con-struire. "Construire un village,<br />
conquérir un territoire, c'est déployer les significations de<br />
l'être-ensemble, en portant sa lucidité sur les.<br />
Le malheur concerne l'action de disperser ce qui de sa nature<br />
est d'être-ensemble par le lien, d'une humanité déconstruite,<br />
muthungul, mu-tung-ul, déracinée par une éthique de la vie.<br />
On reconnaît le geste de la mère qui utilisa les plumes de<br />
nkolonv <strong>du</strong> piège <strong>du</strong> mari pour se faire une couronne. Et ils<br />
exhibent les testicules <strong>du</strong> bouc en signe de leur force virile. Ici<br />
René Girard est éclairant en proposant qu'on remonte l'origine<br />
<strong>du</strong> sacrifice à "un événement d'une tout autre envergure que luimême"<br />
<strong>et</strong> il donne d'après lui:" le dénominateur, c'est la<br />
violence intestine, ce sont les dissentions, les rivalités, les<br />
jalousies, les querelles entre proches que le sacrifice prétend<br />
d'abord éliminer, c'est l'harmonie de la communauté qu'il<br />
restaure, c'est l'unité sociale qu'il renforce 72 • A ce prix de la<br />
solidarité, opposons la nuance qu'apportent G. Guss <strong>et</strong><br />
Casaneuve, qui situent plutôt l'intelligence <strong>du</strong> sacrifice dans "le<br />
sentiment de dépendance qui se manifeste par le don <strong>et</strong> d'autre<br />
part, la conscience de l'insuffisance de sa condition en face de<br />
tout autre, ce qui l'amène à tenter d'obtenir une communion<br />
avec le monde numineux 73 •<br />
Notre problématique à partir des mythèmes a montré la<br />
cohérence des mythèmes dans la pensée de l'habitabilité qui<br />
comprend <strong>et</strong> la pensée <strong>du</strong> prix de la solidarité <strong>et</strong> la pensée <strong>du</strong><br />
lien au sacré par la critique <strong>du</strong> divin irré<strong>du</strong>ctible au sacré dans<br />
l'hospitalité de la vérité <strong>du</strong> don. Ce qui n'est plus une instance<br />
de l'anthropologie culturelle comme domaine <strong>du</strong> savoir mais de<br />
72 René GIRARD, La violence <strong>et</strong> le sacré, Grass<strong>et</strong>, Paris, 1972, p. 22.<br />
73 GUSS <strong>et</strong> CASANEUVE.Rites <strong>et</strong> condition humame, 1958, in Dictionnaire<br />
de spiritualité à l'article Sacrifice, p.369-371.<br />
428
la pensée éthico-ontologique permanente au fondement de<br />
l'espace de créativité négro-africaine. L' intraperceptibilité de la<br />
clairière pour soi-même <strong>et</strong> les déterminations des manières<br />
d'être-homme n'appartiennent pas à la description<br />
<strong>et</strong>hnologique, les thèmes <strong>et</strong> l'expérience en appellent à la pensée<br />
fondamentale <strong>du</strong> milieu qu'est la vie dans son travail d'êtreavec<br />
qui engage l'expérience de la totalité comme réalité de la<br />
réalité humaine.<br />
429
Allocutions<br />
431
Allocution de<br />
Monsieur Vincent Boulengui Boukossou<br />
Ministre de l'Enseignement Supérieur<br />
Mesdames <strong>et</strong> Messieurs,<br />
Les situations qui m<strong>et</strong>tent en cause la stabilité des<br />
institutions <strong>et</strong> la pais sociale sont des préoccupations<br />
constantes <strong>du</strong> Président de la République <strong>et</strong> <strong>du</strong> Gouvernement.<br />
C'est pourquoi le Chef de l'Etat a fait <strong>du</strong> dialogue un<br />
instrument fiable de résolution de conflit <strong>et</strong> de toutes les autres<br />
formes d'intolérance.<br />
Ce dialogue prend ses sources dans nos traditions qui ont<br />
souvent recherché la conciliation, la réconciliation <strong>et</strong> l'entente<br />
entre les différents membres de la société.<br />
Il est toujours utile que réfléchir sur les moyens de<br />
préservation de la paix n'est pas une perte de temps. La<br />
condition première de tout développement est bien la paix.<br />
Et la paix est garante de toute action politique responsable.<br />
C<strong>et</strong> atelier organisé par le bureau <strong>sous</strong>-<strong>régional</strong> de l'UNESCO<br />
au Gabon, <strong>et</strong> les autres organismes <strong>du</strong> Système des Nations<br />
Unies en partenariat avec le Centre National de la Recherche<br />
Scientifique <strong>et</strong> Technologique (CENAREST), doit amener à<br />
connaître toutes les stratégies nécessaires à la promotion d'une<br />
vie collective heureuse <strong>et</strong> stable.<br />
Le premier bien de l'homme est de vivre libre, dans un<br />
espaces qui le respecte sans discrimination. Ce qui est valable<br />
pour l'indivi<strong>du</strong> l'est aussi pour les cultures <strong>et</strong> les sociétés.<br />
Aussi, voudrais-je vous encourager <strong>et</strong> vous remercier<br />
d'avance de l'échange d'expérience que vous aurez entre vous,<br />
échange venant de différents horizons de l'Mrique, pour tenter<br />
d'apponer votre pierre à ce qui est, sans nul doute, la condition<br />
<strong>du</strong> développement de nos pays <strong>et</strong> de notre <strong>sous</strong> région.<br />
433
Sur ce, je déclare ouverts, les travaux de l'atelier de<br />
formation sur les Mécanismes Traditionnels de Résolution <strong>et</strong> de<br />
Prévention des Conflits en Afrique Centrale.<br />
434
Allocution<strong>du</strong> Ministre de laculture, des arts, chargé de<br />
l'é<strong>du</strong>cation populaire à l'occasion de la clôture de l'Atelier.<br />
Distingués Invités;<br />
Mesdames <strong>et</strong> Messieurs les Participants<br />
Au moment où s'achèvent les travaux de l'Atelier de<br />
Formation sur les Mécanismes Traditionnels de Prévention des<br />
Conflits en Afrique Centrale, il m'est particulièrement agréable<br />
de prendre la parole pour rendre un hommage mérité au<br />
Président de la République, Chef de l'Etat, son Excellence El<br />
HADJ OMAR BONGO ONDIMBA pour avoir soutenu l'idée<br />
majeure de voir l'UNESCO organiser en terre gabonaise, une<br />
réflexion aussi profonde qui nous rapproche de la recherche<br />
permanente de la Paix entre les peuples.<br />
Qu'il me soit permis de réitérer mes remerciement les plus<br />
sincères à l'endroit de l'UNESCO qui, après avoir pris une part<br />
active <strong>et</strong> mémorable à la relance des activités <strong>du</strong> Centre<br />
International des Civilisations Bantu (CICIBA), s'est<br />
particulièrement distinguée par un apport décisif dans<br />
l'organisation des travaux de c<strong>et</strong> Atelier en collaboration avec<br />
certains Partenaires dont le CENAREST.<br />
A tous les partiCIpants, je voudrais, au nom <strong>du</strong><br />
Gouvernement gabonais <strong>et</strong> au mien propre, saluer la qualité des<br />
travaux <strong>et</strong> des interventions qui nous perm<strong>et</strong>tent d'avancer<br />
lentement, mais sûrement, vers la confection <strong>et</strong> la maîtrise de<br />
certains mécanismes traditionnels pouvant aider à prévenir des<br />
conflits dans notre <strong>sous</strong>-région.<br />
Il faut à l'heure actuelle une bonne dose de courage <strong>et</strong><br />
d'audace pour le thème à traiter, car le risque de l'enfermement<br />
dans une conception étroite de l'identité culturelle qui rej<strong>et</strong>te la<br />
diversité culturelle est grand <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te réaction négative est<br />
souvent exploitée ou exacerbée politiquement.<br />
Deux ans après la tenue à Libreville, <strong>du</strong> 18 au 20 novembre<br />
2003 de la Conférence Internationale sur le Dialogue<br />
435
Interculturel <strong>et</strong> la Culture de la Paix en Afrique Centrale <strong>et</strong> dans<br />
la Région des Grands Lacs, organisée par le Bureau Sous<strong>régional</strong><br />
de l'UNESCO <strong>et</strong> le GouveQ:1ement gabonais, je me<br />
réjouis à l'idée de savoir que les conclusions de vos travaux, bien<br />
que s'appuyant sur des exemples typiques, perm<strong>et</strong>tront une<br />
avancée significative, afin de promouvoir une coexistence<br />
harmonieuse entre différentes communautés culturelles.<br />
Vous ne serez sans doute étonnés pourtant qu'en ma qualité<br />
de Ministre chargé de la Culture, je reste profondément attaché<br />
à l'idée que c'est dans la Culture elle-même <strong>et</strong> dans sa force<br />
intégratrice que doit être recherchée la solution des conflits<br />
attribués aux différentes cultures.<br />
C'est pourquoi, je voudrais profiter de c<strong>et</strong>te tribune pour<br />
lancer un appel solennel à tous les Etats de la <strong>sous</strong>-région, afin<br />
que la question de la valorisation des mécanismes traditionnels<br />
des résolutions des conflits soit prise en compte dans nos<br />
politiques culturelles par le renforcement de notre coopération<br />
<strong>et</strong> de nos échanges.<br />
Dans le contexte de la mondialisation <strong>et</strong> alors que s'active le<br />
débat sur la Diversité culturelle, nous avons le devoir de<br />
perm<strong>et</strong>tre la compréhension <strong>et</strong> la revitalisation des traditions<br />
africaines, afin d'éviter la montée des tensions<br />
intercommunautaires.<br />
Sur ce, je déclare clos les travaux de l'Atelier de Formation<br />
sur les mécanismes Traditionnels de Prévention <strong>et</strong> de<br />
Résolution des Conflits en Afrique Centrale.<br />
Je vous remercie de votre aimable attention.<br />
436
Rapport final de l'atelier<br />
Surle thème:<br />
Les mecanismes traditionnels de prevention <strong>et</strong> de<br />
resolution des conflits en afrique centrale<br />
437
Bureau de l'Atelier<br />
Rapportfinal de l'atelier<br />
Président:<br />
Pro Philippe NTAHOMBAYE<br />
(Burundi)<br />
Vice-Président:<br />
M. Saliou SAMBOU<br />
(Sénégal)<br />
Rapporteur:<br />
M. Bernardin MINKO MVE<br />
(Gabon)<br />
Co-Rapporteur :<br />
Mme Christime NGO BILONG ép.<br />
MOUKONDJ!<br />
(Gabon)<br />
Appui aux Rapporteurs:<br />
M. Richard EKAZAMA<br />
(Gabon)<br />
Déroulement atelier<br />
Issu <strong>du</strong> <strong>Colloque</strong> <strong>sous</strong>-<strong>régional</strong> sur les causes <strong>et</strong> moyens de<br />
prévention des crimes rituels <strong>et</strong> des conflits en Afrique Centrale<br />
organisé par le bureau <strong>sous</strong>-<strong>régional</strong> de l'UNESCO en<br />
partenariat avec le PNUD, L'UNICEF <strong>et</strong> le CENAREST, tenu à<br />
Libreville <strong>du</strong> 19 au 20 juill<strong>et</strong> 2005, l'Atelier de formation sur les<br />
mécanismes traditionnels de prévention <strong>et</strong> de résolution des<br />
conflits en Afrique Centrale a mis en évidence quelques<br />
objectifs majeurs dont l'essentiel se résume par l'adoption d'une<br />
certaine méthodologie dite participative qui partirait de la base<br />
<strong>et</strong> qui marquerait une véritable synergie entre les différents<br />
439
partenaires. Cela éviterait la dispersion des énergies. Une telle<br />
méthodologie dite participative s'appuie sur une approche<br />
comparative.<br />
A partir de l'institution des Bashingantahe, on s'aperçoit<br />
comment, dans l'exemple <strong>du</strong> Burundi, on peut renforcer <strong>et</strong><br />
orienter la culture de paix <strong>et</strong> de convivialité. C<strong>et</strong>te institution,<br />
légalement reconnue renforce les mécanismes de résolution des<br />
conflits les plus courants. Elle joue un rôle fondamental dans la<br />
justice de proximité, de réconciliation <strong>et</strong> de médiation.<br />
Aujourd'hui la jeunesse doit donc apprendre d'autres<br />
valeurs dont les plus essentielles sont le culte de la vérité, le sens<br />
de responsabilité familiale <strong>et</strong> sociale, l'esprit de justice <strong>et</strong><br />
d'équité, l'amour <strong>du</strong> travail. A ces valeurs majeures, s'ajoutent<br />
des techniques <strong>et</strong> des mécanismes de résolution pacifique des<br />
conflits. On peut en relever trois mécanismes essentiels: la<br />
médiation qui est en cas de litige renvoie aux notables en vue de<br />
la conciliation <strong>et</strong> de l'arbitrage, puis la conciliation qui<br />
privilégie le règlement à l'amiable, une phase dira-t-on préalable<br />
à toute action en justice; <strong>et</strong> enfin l'arbitrage qui en cas d'échec<br />
de la conciliation oblige la pise de décision dans un esprit<br />
conciliateur <strong>et</strong> non répressif.<br />
Ces quelques mécanismes pour réussir sont appuyés par des<br />
principes de fidélité aux engagements, le dialogue <strong>et</strong> la<br />
réconciliation, le consensus <strong>et</strong> la collégialité des décisions, le<br />
sens de l'intérêt général <strong>et</strong> de responsabilité <strong>et</strong> les caractères de<br />
la procé<strong>du</strong>re.<br />
Ils sont également appuyés par les paroles sociales - noms de<br />
personnes, noms de clans, souhaits <strong>et</strong> injures (non pas dédain<br />
mais suj<strong>et</strong> à plaisanterie), interdits <strong>et</strong> par les pratiques <strong>et</strong> rites<br />
(alliances matrimoniales, pacte de réconciliation, pacte de sang,<br />
le don <strong>et</strong> surtout la levée de deuil définitive.<br />
La question décisive est de savoir comment intro<strong>du</strong>ire ces<br />
valeurs, mécanismes <strong>et</strong> techniques dans le système é<strong>du</strong>catif,<br />
puisqu'il en va de la conservation de l'identité culturelle, de sa<br />
complémentarité avec ceux de l'Occident. La réponse à ce<br />
440
questionnement résiderait dans l'élaboration des matériels<br />
didactiques <strong>et</strong> la formation des formateurs.<br />
La légende d'Aguène <strong>et</strong> Diambone - le cousinage à<br />
plaisanterie - rappelle que Diola <strong>et</strong> Sérère se doivent amour <strong>et</strong><br />
respect comme de vrais frères; si par exemple dans une<br />
situation quelconque, le Diola comm<strong>et</strong> des actions<br />
répréhensibles, le Sérère peut le rappeler à l'ordre au besoin, en<br />
le sermonnant <strong>et</strong> même en l'insultant <strong>et</strong> il n'y aura pas de<br />
conséquence. Les deux cousins doivent toujours se porter<br />
assistance <strong>et</strong> ce, en toutes circonstances. On peut s'appuyer sur<br />
ladite légende pour réhabiliter <strong>et</strong> enseigner à la postérité pour<br />
une Afrique nouvelle <strong>et</strong> progressive afin d'attaquer les<br />
problèmes de développement. Autrement dit il nous faut<br />
d'abord nous assumer en nous enracinant dans nos valeurs<br />
profondes d'abord pour nous ouvrir ensuite au souffle<br />
fécondant des autres civilisations. L'Afrique a son apport dans<br />
le concert des nations. Elle ne doit pas être une simple<br />
consommatrice éternelle d'autres civilisations, sa survie devant<br />
la mondialisation est à ce prix.<br />
La troisième communication de l'Atelier a insisté sur les<br />
trois sens de l'oubli que la langue «lunda »a gardé / ou non.<br />
C'est ainsi que oublier, signifie « Ku-jumbal », oublier par le<br />
volume éten<strong>du</strong>e de quelque chose. Oublier: Ki-Vulmen, oublier<br />
par la quantité des choses vues. Oublier: Ku-yamb-Kesh, oublier<br />
par brouillage de la parole <strong>et</strong> de la mémoire; oublier: Kutot, se<br />
perdre soi-même par manque de mémoire généalogique.<br />
Soum<strong>et</strong>tre quelqu'un en esclavage suppose qu'on brouille sa<br />
mémoire généalogique. Ou il ignore d'où il vient. L'origine de la<br />
mémoire de la ferm<strong>et</strong>é humaine perpétuelle c'est « Dieu» luimême<br />
qualifié que les noms divins, de la solidarité, de «la<br />
parole-faire », puissante, de la lumière personnelle.<br />
Ainsi donc la solidarité est fondée comme valeur éthique<br />
fondamentale, manifestée elle-même par le sens de « la justice »,<br />
le sens de l'homme juste, homme de bien par excellence. Ce qu'il<br />
faut éviter à tout prix, c'est la gestion de rancœur comme<br />
441
méthode de gouvernement ainsi que l'institutionnalisation<br />
perverse de nos différences éthiques.<br />
Il a été également question <strong>du</strong> rôle de la chefferie<br />
traditionnelle dans l'examen des mécanismes traditionnels de<br />
prévention <strong>et</strong> de résolution des conflits. On a appris à ce niveau<br />
que dans les sociétés précoloniales <strong>du</strong> Sud Gabon, la terre était<br />
la propriété clanique <strong>et</strong> lignagère. C'est la chefferie qui la<br />
dirigeait qui avait pour mission d'organiser la régulation de la<br />
vie quotidienne. C'est donc dans c<strong>et</strong> espace géographique que la<br />
prévention des conflits était assurée pour une gestion<br />
harmonieuse de la violence.<br />
Il est difficile de dissocier présentation <strong>et</strong> résolution dans la<br />
mesure où pour la résolution des conflits on s'affirme sur les<br />
mécanismes nécessaires à la prévention. C'est pourquoi on doit<br />
s'appesantir sur les mécanismes de prévention qui sont fondées<br />
sur la communauté linguistique, de la filiation, des espaces, des<br />
rites initiatiques <strong>et</strong> valeurs recherchées par une é<strong>du</strong>cation <strong>et</strong> les<br />
échanges économiques.<br />
Enfin, l'utilisation des Nouvelles Technologies de<br />
l'Information <strong>et</strong> de la Communication (NTIC) dans la lutte<br />
contre les crimes rituels est aussi une nécessité qui se fonde sur<br />
le besoin de lever les voiles qui entourent les pratiques<br />
obscurantistes d'un autre âge.<br />
442
Annexes<br />
Proj<strong>et</strong> de création d'un observatoire sur les crimes rituels<br />
A l'issue <strong>du</strong> <strong>Colloque</strong> <strong>sous</strong>-<strong>régional</strong> sur "<strong>Causes</strong> <strong>et</strong> moyens de<br />
prévention des crimes rituels <strong>et</strong> des conflits en Afrique Centrale<br />
<strong>et</strong> de l'Atelier <strong>sous</strong>-<strong>régional</strong> de formation sur les mécanismes<br />
traditonnels de prévention des conflits <strong>et</strong> suite à une<br />
intervention de Monsieur Tesfaye Tassew de l'<strong>Unesco</strong>, lors de<br />
l'Atelier, les propositions suivantes sont parvenues au Bureau<br />
<strong>sous</strong>-<strong>régional</strong> de l'<strong>Unesco</strong> à Libreville sur la création d'un<br />
Observatoire sur les crimes rituels. En voici les textes <strong>sous</strong><br />
forme d'annexes:<br />
Annexe 1 : Mise en place de la ligue regionale de lutte contre<br />
les crimes rituels pourla dignite humaine<br />
Reflexions preliminaires<br />
(AWAZINENGO Mémé <strong>et</strong> Rév. René Futiluemba)<br />
Kinshasa/RDC<br />
1. Deladénomination<br />
D'aucun peut croire que la dénomination d'une<br />
organisation a peu d'importance car, soutient-on, seul le<br />
contenu doit r<strong>et</strong>enir l'attention.<br />
C'est ainsi qu'à Libreville déjà des voix discordantes se sont<br />
fait entendre quant à l'appellation à donner à la nouvelle<br />
structure à créer en vue d'assurer le suivi des résolutions <strong>et</strong><br />
recommandations faites par le <strong>Colloque</strong> <strong>et</strong> prendre en charge<br />
les questions de crimes rituels en Afrique Centrale; divergences<br />
qui, très malheureusement, ont influé de façon négative sur la<br />
rédaction de la déclaration finale où l'on ne voit nulle part<br />
443
apparaître c<strong>et</strong>te volonté de m<strong>et</strong>tre en place ladite structure,<br />
malgré l'insistance plusieurs fois exprimée par les participants.<br />
Simple omission ou fait délibéré, seuls les rapporteurs<br />
peuvent nous le dire.<br />
En eff<strong>et</strong>, les uns ont proposé le terme OBSERVATOIRE pour<br />
désigner la structure à créer <strong>et</strong> ce terme est même apparu dans le<br />
proj<strong>et</strong> <strong>du</strong> document qui nous a été proj<strong>et</strong>é dans la salle par<br />
Monsieur TESFAYE.<br />
Les autres cependant ont tenu à la dénomination UGUE tel<br />
que proposé dans la salle, adopté par la plénière, repris dans le<br />
texte de la Déclaration de Libreville (avant d'en être élagué,<br />
nous ne savons trop pourquoi) <strong>et</strong> même évoqué dans le discours<br />
final de Madame BINTOU, Représentante des organisations <strong>du</strong><br />
Système des Nations Unie à Libreville.<br />
De l'avis de tous les participants, la structure que tout le<br />
monde attend est un organe de combat, autant actif que<br />
dissuasif, avec en amont la mission d'é<strong>du</strong>quer les populations à<br />
titre préventif, en entrain la tâche de dénoncer tout<br />
comportement tendant à porter atteinte à l'intégrité physique<br />
<strong>et</strong>/ou morale de l'être humain pour des finalités rituelles <strong>et</strong> de<br />
faire pression sur les gouvernants afin que soient adoptées des<br />
lois aussi sévères que dissuasives visant à l'éradication définitive<br />
de ces pratiques barbares <strong>et</strong>, enfin, en aval, le pouvoir de<br />
prendre en charge devant les instances compétentes tout acte <strong>du</strong><br />
genre dont tous les éléments seraient réunis pour constituer un<br />
crime, une infraction au regard des droits <strong>et</strong> législations des<br />
pays de l'Afrique Centrale.<br />
Ainsi, la dénomination de la structure à créer doit déjà en<br />
elle-même exprimer une force dissuasive, une idée d'ensemble,<br />
de communion de tous les opérateurs religieux, sociaux,<br />
culturels <strong>et</strong> même politiques, de l'Afrique centrale, une<br />
détermination à agir contre ces crimes.<br />
Le terme OBSERVATOIRE nous paraît très mou, <strong>et</strong> faible. li<br />
manque de vivacité <strong>et</strong> exprime une certaine passivité. En<br />
444
l'adoptant on donnerait l'impression d'une simple surveillance<br />
passive qui aboutirait tout au plus à la dénonciation non suivie<br />
d'une action d'envergure.<br />
Voilà pourquoi nous lui préférons l'appellation LIGUE qui à<br />
la fois exprime un front commun, une action, un mouvement <strong>et</strong><br />
une force.<br />
Ainsi, notre structure portera la dénomination de Ligue<br />
Regionale de lutte contre les crimes rituels pour la dignite<br />
humaine.<br />
2. Desfondements juridiques<br />
Pour être efficace <strong>et</strong> avoir la possibilité d'intervenir là où il<br />
faut, comme il faut <strong>et</strong> quand il faut, la LIGUE doit reposer sur<br />
des fondements juridiques solides pour que le moment venu les<br />
actions qu'elle aura à mener ne soient pas considérées comme<br />
des actes engageant la responsabilité des indivi<strong>du</strong>s qui animent<br />
ses organes.<br />
Compte tenu de la diversité des législations des pays de<br />
l'Afrique Centrale, la LIGUE se réfugiera derrière les<br />
instruments internationaux pour se doter des pouvoirs<br />
nécessaires à son action.<br />
Les pays de l'Afrique Centrale auxquels appartiennent les<br />
forces sociales, religieuses <strong>et</strong> culturelles qui ont pris part au<br />
<strong>Colloque</strong> de Libreville <strong>et</strong> signé la Déclaration dite de Libreville<br />
2, sont tous membres de l'Organisation des Nations Unies.<br />
A ce titre, ils se reconnaissent tous dans la Charte des<br />
Nations Unies dans laquelle ils ont solennellement « proclamé<br />
leur foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la<br />
dignité <strong>et</strong> la valeur de la personne humaine, dans l'égalité des<br />
droits des hommes <strong>et</strong> des femmes» <strong>et</strong> se sont engagés « à créer<br />
des conditions nécessaires au maintien de la justice <strong>et</strong> <strong>du</strong><br />
respect des traités <strong>et</strong> autres sources de droit international »<br />
(Charte des Nations Unies: Préambule, paragraphes 2 <strong>et</strong> 3).<br />
445
De même, tous ces pays ont <strong>sous</strong>crit à tous les instruments<br />
subsidiaires relatifs aux droits de l'homme, tels que:<br />
1. La déclaration Universelle des Droits de l'Homme;<br />
2. Les diffétents pactes internationaux (Pacte relatif aux<br />
droits civils <strong>et</strong> politiques, pacte relatif aux droits<br />
économiques, sociaux <strong>et</strong> culturels...) ;<br />
3. La Convention sur les Droits de l'Enfant;<br />
4. La Convention Internationale sur l'élimination de toutes<br />
les formes de discrimination à l'égard de la Femme;<br />
5. La Convention contre la torture <strong>et</strong> autres peines ou<br />
traitements cruels, inhumains ou dégradants;<br />
6. Etc.<br />
Dans ce dernier instrument notamment, tous nos pays se<br />
sont engagés à « prendre des mesures législatives,<br />
administratives, judiciaires <strong>et</strong> autres mesures efficaces pour<br />
empêcher que des actes de tortures, des traitements cruels,<br />
inhumains ou dégradants soient commis dans tous les<br />
territoires <strong>sous</strong> leurs juridictions respectives» (art. 2 Conv.<br />
Contre la torture).<br />
De ces engagements communs, coulés <strong>sous</strong> une forme ou<br />
<strong>sous</strong> une autre dans les textes constitutionnels <strong>et</strong> légaux de nos<br />
pays respectifs, deux possibilités s'offrent à nous pour donner<br />
un fondement juridique à notre LIGUE qui peut être considérée<br />
comme « une autre mesure efficace pour empêcher les actes de<br />
torture» comme évoqué par l'article 2 dont allusion ci haut.<br />
Premièrepossibilité<br />
Passer directement à la création de la LIGUE au niveau<br />
<strong>régional</strong> <strong>sous</strong> l'égide de l'UNESCO qui en est le parrain attitré,<br />
la faire enregistrer par le Gouvernement <strong>du</strong> pays qui en abritera<br />
le siège <strong>et</strong> par la suite implanter des <strong>sous</strong> structures nationales<br />
<strong>sous</strong> forme des représentations nationales.<br />
446
Dans ce cas, on donnerait plus de poids <strong>et</strong> plus de charges à<br />
l'ensemble <strong>régional</strong> qui dicterait une ligne de con<strong>du</strong>ite aux<br />
représentations nationales.<br />
Le risque c'est de voir certains pays refuser l'accréditation à<br />
c<strong>et</strong>te structure, donc à sa représentation, qui serait considérée<br />
comme un outil de dénonciation des actes quelques fois tolérés<br />
à l'intérieur des frontières nationales.<br />
Un autre risque plus important c'est de rendre la Ligue non<br />
efficace au cas où la direction <strong>régional</strong>e brillerait par un certain<br />
laxisme, une certaine faiblesse.<br />
Deuxième possibilité<br />
Perm<strong>et</strong>tre à chaque pays d'organiser d'abord une structure<br />
nationale selon la législation en vigueur chez lui, laquelle<br />
structure suivrait le modèle standard élaboré par la commission<br />
des experts.<br />
Ensuite, les organisations nationales ainsi instituées,<br />
enregistrées auprès de leurs gouvernements respectifs <strong>et</strong> dotées<br />
de la personnalité juridiques conformément aux législations<br />
nationales, se r<strong>et</strong>rouveraient quelque part, au niveau de leurs<br />
représentants attitrés, pour signer une Charte consacrant leur<br />
regroupement en LIGUE REGIONALE <strong>et</strong> m<strong>et</strong>tre en place un<br />
Bureau chargé de l'application des politiques <strong>et</strong> stratégies<br />
communes en matière de lutte contre les crimes rituels <strong>et</strong> la<br />
défense de la dignité humaine, un peu comme la RADHO<br />
(Rencontre Africaine des Droits de l'Homme basée à Dakar).<br />
A notre avis, c<strong>et</strong>te dernière possibilité nous semble plus<br />
souple <strong>et</strong> plus pratique. La LIGUE ainsi constituée des<br />
organisations nationales enregistrées officiellement <strong>et</strong> jouissant<br />
de la personnalité civile au regard des législations nationales,<br />
pourra bénéficier <strong>du</strong> couvert de l'article 52 de la Charte des<br />
Nations Unies en ce qui concerne la possibilité d'existence<br />
d'accords <strong>et</strong> organismes régionaux <strong>et</strong> <strong>sous</strong> régionaux.<br />
447
3. De l'organisation<br />
3.1. Des structures<br />
Les partIcIpants au <strong>Colloque</strong> de Libreville ont<br />
particulièrement insisté sur le caractère <strong>régional</strong> de la LIGUE,<br />
une structure supra nationale qui devra briser le silence <strong>et</strong><br />
s'attaquer à la passivité des structures nationales devant ces<br />
agissements criminels, quelle que soit la classe de leurs auteurs.<br />
Nous continuons à soutenir c<strong>et</strong>te tendance, tout en plaidant<br />
pour une grande responsabilisation des structures nationales<br />
lesquelles, tout en ayant de la vivacité à l"ntérieur des frontières<br />
nationales, sont les seules à donner de la force à la structure<br />
<strong>régional</strong>e.<br />
La structure <strong>régional</strong>e aura certes une grande influence<br />
dissuasive quant à la prévention des crimes <strong>et</strong> exercera une forte<br />
pression sur les appareils législatifs <strong>et</strong> judiciaires nationaux des<br />
pays de l'Afrique Centrale, pour que les premiers prennent des<br />
lois qui incriminent de manière très claire <strong>et</strong> non équivoque<br />
c<strong>et</strong>te catégorie des crimes <strong>et</strong> les seconds répriment avec la<br />
dernière rigueur leurs auteurs dénoncés. Tout ceci ne sera<br />
possible qu'avec l'apport, l'appui, la complicité des structures<br />
nationales.<br />
De ce qui précède, la LIGUE pourra avoir une structure aussi<br />
simple que pratique qui se présentera de la manière suivante:<br />
a. Un Ensemble Régional regroupant toutes les structures<br />
nationales, dont le siège sera installé dans la capitale de<br />
l'un des pays engagés, au choix des délégués, doté des<br />
organes qu'il faut pour faciliter son fonctionnement;<br />
b. Des structures nationales dans chacun des pays engagés,<br />
dotées de la personnalité juridique selon les législations<br />
nationales, servant de base à la structure <strong>régional</strong>e <strong>et</strong><br />
448
dotées des organes penn<strong>et</strong>tant leur implantation sur<br />
l'ensemble des territoires <strong>sous</strong> juridiction des pays<br />
engagés.<br />
c. L'avant proj<strong>et</strong> de la Charte Régionale devant régir la<br />
structure <strong>régional</strong>e est déjà en élaboration <strong>et</strong> vous sera<br />
communiqué ultérieurement, tandis qu'un proj<strong>et</strong> de<br />
Statuts types pour les structures nationales, également en<br />
chantier, vous parviendra le moment venu.<br />
3.2. Des organes<br />
3.2.1. PourlaStructure Régionale<br />
De manière pratique, les activités de la LIGUE REGIONALÉ<br />
s'articuleront autour de trois organes ci-après<br />
a. La Conference Regionale ou la rencontre au somm<strong>et</strong> des<br />
délégués des structures nationales, organe suprême ayant<br />
des pouvoirs très éten<strong>du</strong>s sur toutes les questions se<br />
rapportant à la LIGUE.<br />
b. Le Conseil d'Administration, organe intermédiaire ayant<br />
pour tâche l'élaboration des mesures d'exécution des<br />
décisions <strong>et</strong> recommandations de la Conférence<br />
Régionale, de suivre leur exécution tant par les structures<br />
nationales que par l'exécutif <strong>régional</strong>, de veiller à<br />
l'application des stratégies <strong>et</strong> politique communas dans<br />
le cadre de la lutte contre les crimes rituels.<br />
c. Le Secr<strong>et</strong>ariat Executif, un organe permanent mis en<br />
place par la Conférence Régionale en vue de gérer au<br />
quotidien les affaires de la Ligue au niveau <strong>régional</strong>.<br />
Il convient de noter qu'en tant qu 1organe, la Conférence<br />
<strong>régional</strong>e peut organiser en son sein des commissions<br />
449
permanentes selon qu'il Y a des aspects spécifiques dans les<br />
taches qui attendent la LIGUE, notamment<br />
Une Commission de l'E<strong>du</strong>cation <strong>et</strong> pour le Dialogue<br />
des Cultures;<br />
Une CommissionJustice, Pais <strong>et</strong> Démocratie:<br />
Une Commission de la Communication;<br />
Et tant d'autres qui pourront être proposées par les<br />
délégués.<br />
La définition, la composltlon, les compétences, le<br />
fonctionnement de chaque organe seront clairement déterminés<br />
daJ:s l'avant proj<strong>et</strong> de la Charte.<br />
3.2.2. Au niveau de chaque pays engagé<br />
Tenant compte de la diversité des législations nationales,<br />
d'Une part, de l'éten<strong>du</strong>e <strong>et</strong> de la subdivision administrative <strong>et</strong><br />
politique de chaque pays, d'autre part, il sera autorisé à la<br />
structure nationale de chaque pays engagé d'adopter les<br />
organes <strong>et</strong>la nomenclature des animateurs de son choix.<br />
Cependant, il sera recommandé à ce que l'équivalence soit<br />
établie autour d'une organisation type qui découlera <strong>du</strong> proj<strong>et</strong><br />
des Statuts types en élaboration.<br />
C<strong>et</strong>te organisation s'articulera autour des organes types<br />
comme:<br />
a. Un organe central qui couvre l'ensemble <strong>du</strong> territoire<br />
national <strong>et</strong> qui réunira au moins une fois l'an tous les<br />
activistes afin de statuer sur la situation des crimes rituels<br />
à l'intérieur des frontières nationales, d'élaborer des<br />
plans nationaux au regard des politiques <strong>et</strong> stratégies<br />
<strong>régional</strong>es, de dresser des bilans des activités pour des<br />
450
échéances convenues. On pourra l'appeler assemblee,<br />
convention, conseil national, c'est selon la terminologie<br />
en vigueur dans le pays en question.<br />
b. Un deuxième organe intermédiaire chargé d'assurer le<br />
suivi des résolutions de l'organe central <strong>et</strong> leur<br />
application concrète au niveau de la base. Il pourra être<br />
dénommé comite directeur, directoire, conseil de gestion,<br />
bureau national, c'est selon.<br />
c. Une permanence chargée de l'exécution des tâches<br />
quotidiennes à qui on pourra donner l'appellation de<br />
secr<strong>et</strong>ariat permanent ou bureau permanent...<br />
d. Des représentations provinciales ou communales, selon<br />
les réalités de chaque pays <strong>et</strong> suivant le quadrillage décidé<br />
par l'organe central en vue d'assurer la présence<br />
permanente de la LIGUE sur l'ensemble des territoires<br />
<strong>sous</strong> juridiction des pays engagés.<br />
Comme pour la Conférence Régionale, l'organe central<br />
national pourra organiser en son sein autant des commissions<br />
permanentes qu'il y a des aspects sensibles dans la lutte contre<br />
les crimes rituels <strong>et</strong> la dignité humaine.<br />
De même, la définition, la composition, les compétences<br />
ainsi que le mode de fonctionnement de chaque organe seront<br />
précisés dans le proj<strong>et</strong> des statuts types qui vous parviendra<br />
incessamment.<br />
4. Dufonctionnement<br />
En tant que structure <strong>régional</strong>e, la LIGUE fonctionnera avec<br />
l'appui technique, matériel <strong>et</strong> même financier des organismes<br />
<strong>du</strong> système des Nations Unies, principalement l'UNESCO, ainsi<br />
que d'autres partenaires internationaux militant dans le même<br />
cadre.<br />
451
En eff<strong>et</strong>, l'UNESCO qui en est le principal initiateur dans le<br />
cadre combiné de l'é<strong>du</strong>cation <strong>et</strong> de la culture, fera de son mieux<br />
pour brancher la LIGUE sur d'autres partenaires susceptibles de<br />
lui apporter une aide substantielle pour mener à bien son<br />
action. On peut citer, entre autres partenaires potentiels, outre<br />
l'UNESCO qui en est le parrain attitré:<br />
L'UNICEF dans son programme de protection de l'enfant;<br />
L'UNDH dans le cadre de la sensibilisation sur les Droits de<br />
l'Homme;<br />
AMNESTY INTERNATIONAL;<br />
USAID;<br />
CHRISTIAN AID<br />
ISESCO;<br />
BANQUE ISLAMIQUE DE DEVELOPPEMENT;<br />
Etc.<br />
C<strong>et</strong> appui peut se tra<strong>du</strong>ire <strong>sous</strong> la forme des subsides<br />
directes émargeant des budg<strong>et</strong>s de ces organismes en Afrique<br />
Centrale, en apport matériel ou <strong>sous</strong> la forme <strong>du</strong> financement<br />
des proj<strong>et</strong>s initiés par la LIGUE tant au niveau <strong>régional</strong> que<br />
national.<br />
Le budg<strong>et</strong> global de la LIGUE qui devra prendre en compte le<br />
fonctionnement de la structure <strong>régional</strong>e <strong>et</strong> des structures<br />
nationales se basera sur les apports des partenaires qui se seront<br />
manifestés <strong>et</strong> des apports éventuels des structures nationales<br />
pouvant provenir des activités sectorielles à concevoir : vente<br />
des imprimés par exemple...<br />
La lutte contre ce type de criminalité qui ré<strong>du</strong>it l'Afrique<br />
Centrale à l'époque médiévale devrait être une préoccupation<br />
prioritaire pour une période donnée, une décennie par exemple,<br />
au cours de laquelle des actions efficaces seraient organisées<br />
pour l'éradication de ce fléau.<br />
Aussi, pour qu'elle soit efficace <strong>et</strong> porte des fruits<br />
escomptés, l'UNESCO devrait, après l'adoption de la Charte<br />
Régionale par les délégués des pays engagés, organiser dans l'un<br />
452
des pays engagés une Conférence des Partenaires potentiels au<br />
niveau des décideurs afin d'appeler à leur implication <strong>et</strong> à leur<br />
contribution.<br />
453
Annexe II: Ligue <strong>régional</strong>e contre les crimes rituels pour la<br />
dignité humaine<br />
Proj<strong>et</strong> de charte<br />
Texte proposé par les points focaux de la<br />
République Démocratique <strong>du</strong> Congo<br />
Kinshasa<br />
DE LA CONSTITUTION<br />
ARTICLE PREMIER<br />
Les Observatoires Nationaux de lutte contre les crimes rituels<br />
De la République <strong>du</strong> Burundi<br />
De la République <strong>du</strong> Cameroun<br />
De la République Centrafricaine<br />
De la République <strong>du</strong> Congo<br />
De la République Démocratique <strong>du</strong> Congo<br />
De la République <strong>du</strong> Gabon<br />
De la République de Guinée Equatoriale<br />
De la République de Sao Tome<br />
Ici les parties contractantes, conviennent ce jour de la<br />
constitution d'une organisation commune <strong>régional</strong>e<br />
dénommée LIGUE CONTRE LES CRIMES RITUELS POUR<br />
LA DIGNITE HUMAINE.<br />
DES OBJECTIFS<br />
ARTICLE DEUX<br />
1. La Ligue ainsi constituée poursuit les objectifs ci-après:<br />
Renforcer Faction commune des structures nationales en<br />
vue de lutter de manière efficace <strong>et</strong> sans relâche contre toutes<br />
formes de crimes rituels, à savoir toutes atteintes ou tentatives<br />
d'atteinte à l'intégrité physique <strong>et</strong>/ou morale de la personne<br />
humaine pour des fins rituelles i<br />
454
Coordonner <strong>et</strong> intensifier les programmes nationaux de<br />
protection de la société humaine, principalement les couches<br />
vulnérables, notamment les enfants, les femmes <strong>et</strong> les<br />
personnes sans défense (handicapés moteurs <strong>et</strong>lou mentaux,<br />
les personnes de troisième âge...) ;<br />
Favoriser la coopération dans la promotion <strong>et</strong> la défense<br />
des droits fondamentaux de l'homme, tels qu'ils sont définis<br />
dans les instruments internationaux, notamment les droits à<br />
la vie <strong>et</strong> à la dignité, les libertés de mouvement <strong>et</strong> d'expression<br />
Assurer en commun la protection de l'environnement<br />
culturel contre les traditions <strong>et</strong> pratiques de nature à porter<br />
atteinte à l'intégrité physique <strong>et</strong>lou mentale de l'être humain.<br />
2. A ces fins, les organisations nationales membres<br />
coordonneront <strong>et</strong> harmoniseront toutes leurs actions, plus<br />
particulièrement celles tendant à :<br />
Encourager les communautés nationales à dénoncer toute<br />
pratiques, tout crime rituel, tels que les meurtres, les viols, les<br />
incestes... en tant qu'actes attentatoires à l'intégrité physique <strong>et</strong><br />
morale de la personne humaine;<br />
Conscientiser <strong>et</strong>' persuader les adeptes de ces pratiques à<br />
substituer aux sacrifices humains d'autres sacrifices plus<br />
symboliques;<br />
Initier, avec l'appui des partenaires de développement, dans<br />
une dynamique participative, des programmes d'information,<br />
d'é<strong>du</strong>cation <strong>et</strong> de communication (IEe) par les médias <strong>et</strong> les<br />
nouvelles technologies de l'information en direction des jeunes<br />
<strong>et</strong> des a<strong>du</strong>ltes en vue d'un changement de mentalités <strong>et</strong> des<br />
comportements qui intègrent les valeurs éthiques africaines<br />
contre les dérives irrationnelles;<br />
455
Faciliter <strong>et</strong> favoriser le dialogue entre les religions <strong>et</strong> les<br />
cultures en vue d'une action commune <strong>et</strong> synergique contre les<br />
crimes rituels <strong>et</strong> les comportements similaires;<br />
Organiser, initier, participer à l'organisation <strong>et</strong>/ou à<br />
l'initiation des programmes <strong>et</strong> activités ayant pour finalité<br />
l'éradication des crimes rituels, en particulier, <strong>et</strong> des crimes en<br />
général, <strong>et</strong> la protection de la dignité humaine.<br />
3. La Ligue peut entreprendre, seule ou en connexion aux<br />
autres personnes physiques ou morales, organisation<br />
membre ou non, en demanderesse ou en partie civile, des<br />
actions énergiques en justice contre tous les crimes avérés<br />
<strong>et</strong> établis commis à l'endroit des indivi<strong>du</strong>s pour des fins<br />
rituelles <strong>et</strong> portant atteinte à leur intégrité physique <strong>et</strong>/ou<br />
morale.<br />
4. La Ligue peut entreprendre toutes autres activités<br />
lucratives autorisée dans le but de se trouver les moyens<br />
nécessaires à la réalisation de son objectif.<br />
DES PRINCIPES<br />
ARTICLE TROIS<br />
En vue d'atteindre les objectifs qu'ils s'assignent, tels que<br />
définis à l'article deux ci-dessus, les membres affirment<br />
solennellement adopter les principes suivants:<br />
1. Le dévouement sans réserve à la cause de la lutte<br />
contre les crimes rituels pourla dignité humaine;<br />
2. La condamnation sans réserve de tous actes<br />
attentatoires à l'intégrité physique <strong>et</strong>/ou morale de<br />
l'être humain, quel qu'en soitle motif;<br />
3. La solidarité parfaite <strong>et</strong> la communion totale dans les<br />
actions à mener, en prévention comme en répression<br />
des crimes en général ;<br />
4. La mise en commun de tous les moyens disponibles<br />
456
<strong>et</strong> potentiels : moyens humains, moyens matériels,<br />
moyens financiers, pour la cause de la lutte à mener<br />
contre les crimes rituels.<br />
5. Le respect strict des législations nationales pour<br />
autant qu'elles n'enfreignent pas les dispositions<br />
contraignantes des instruments internationaux<br />
ratifiés par les états dont sont originaires les<br />
membres.<br />
DES MEMBRES<br />
ARTICLE QUATRE<br />
Sont membres effectifs de la Ligue toutes les organisations<br />
nationales signataires de la présente charte.<br />
La Ligue peut s'étendre à d'autres organisations nationales,<br />
<strong>sous</strong>-<strong>régional</strong>es <strong>et</strong> <strong>régional</strong>es qui y adhéreront par la suite en<br />
s'engageant solennellement dans la lutte contre les crimes<br />
rituels pour la dignité humaine.<br />
Toute autre organisation nationale <strong>et</strong>/ou <strong>régional</strong>e peut êtte<br />
admise au sein de la Ligue avec le statut de sympathisant.<br />
La Ligue octroie aux organisations <strong>du</strong> système des Nations<br />
Unies qui la soutiennent <strong>et</strong> aux autres organismes qui<br />
parrainent ses activités, le statut de PARRAIN.<br />
Les parrains <strong>et</strong> auttes partenaires privilégiés assistent aux<br />
rencontres de la Ligue en tant que consultants <strong>et</strong> apportent leur<br />
technicité <strong>et</strong> leur savoir-faire.<br />
DES DROITS ET DEVOIRS DES MEMBRES<br />
ARTICLE CINQ<br />
Toutes les organisations membres effectifs de la ligue jouissent<br />
des mêmes droits <strong>et</strong> ont les mêmes devoirs vis-à-vis de la Ligue.<br />
Elles s'engagent toutes à respecter scrupuleusement les<br />
principes énoncés à l'article trois de la présente charte.<br />
457
DES ORGANES<br />
ARTICLE SIX<br />
Pour atteindre les objectifs qu'elle s'assigne, la Ligue agit par<br />
l'intermédiaire des organes ci-après:<br />
1. La Conférence Régionale de la Ligue<br />
2. Le Conseil d'Administration<br />
3. Le Secrétariat Exécutif<br />
4. Les Commissions spécialisées<br />
DE LA CONFERENCE REGIONALE<br />
DEFINITION ET MISSIONS<br />
ARTICLE SEPT<br />
La Conférence Régionale est l'organe suprême de la Ligue qui a<br />
des compétences très éten<strong>du</strong>es sur toutes les questions se<br />
rapportant à la Ligue.<br />
Elle doit, conformément aux dispositions de la présente charte,<br />
étudier les questions communes à l'Afrique centrale afin de<br />
coordonner <strong>et</strong> d'harmoniser les stratégies de la ligue dans le<br />
cadre des objectifs qui lui sont assignés.<br />
Elle a pouvoir de revoir la structure, les fonctions <strong>et</strong> les activités<br />
de tous les organes <strong>et</strong> des commissions spécialisées.<br />
COMPOSITION ET FONCTIONNEMENT<br />
ARTICLE HUIT<br />
a. La Conférence Régionale est composée des délégués des<br />
organisations membres effectifs, à raison de trois délégués<br />
par organisation, dûment accrédités auprès de la Ligue.<br />
b. La Conférence Régionale se réunit une fois l'an aux lieu <strong>et</strong><br />
date déterminés par ses membres dans une résolution.<br />
458
c. A la demande d'une organisation membre effectif <strong>et</strong> pour<br />
une question qui requiert urgence la Conférence Régionale<br />
peut tenir une session extraordinaire, <strong>sous</strong> réserve de<br />
l'accord des deux tiers des autres membres effectifs.<br />
d. Les réunions des sessions extraordinaires se tiennent soit au<br />
siège de la Ligue, soit dans le pays de l'organisation<br />
initiatrice.<br />
e. Chaque délégué à la Conférence dispose d'une voix tandis<br />
que les décisions sont prises à la majorité des deux tiers des<br />
délégués présents à la session. Toutefois, les décisions de<br />
procé<strong>du</strong>re sont prises à la majorité simple des voix des<br />
délégués présents.<br />
f. Le quorum des rencontres est constitué des deux tiers des<br />
organisations membres effectifs.<br />
g. La Conférence Régionale établit un Règlement Intérieur.<br />
DU CONSEIL D'ADMINISTRATION<br />
ARTICLE NEUF<br />
1. Le Conseil d'Administration est composé d'autant<br />
d'Administrateurs qu'il y a d'organisations membres effectifs.<br />
Les administrateurs sont désignés par une décision des organes<br />
compétents des organisations nationales membres effectifs <strong>et</strong><br />
accrédités auprès de la Ligue.<br />
2. Le Conseil d'administration se réunit une fois l'an, la veille<br />
de la rencontre de la Conférence Régionale. Il est responsable<br />
envers la Conférence Régionale dont il prépare les rencontres.<br />
3. Le Conseil d'administration connaît de toute question que<br />
la Conférence Régionale lui renvoie; il exécute ses décisions.<br />
4. Il ment en oeuvre les stratégies <strong>régional</strong>es selon les<br />
directives de la Conférence Régionale <strong>et</strong> en application des<br />
dispositions des articles 2 <strong>et</strong> 3 de la présente charte.<br />
459
5. Chaque administrateur dispose d'une voix <strong>et</strong> toutes les<br />
résolutions sont adoptées à la majorité simple des voix des<br />
administrateurs présents. Le quorum des conseils<br />
d'administration est constitué des deux tiers des<br />
administrateurs.<br />
6. Le Conseil d'Administration établit un Règlement<br />
Intérieur.<br />
DU SECRETARIAT EXECUTIF<br />
ARTICLE DIX<br />
DESIGNATION ET COMPOSITION<br />
La Conférence Régionale m<strong>et</strong> en place un Secrétariat Exécutif<br />
chargé de la gestion quotidienne des affaires de la Ligue.<br />
Le Secrétariat Exécutif est composé de trois Secrétaires<br />
Exécutifs,dont<br />
Un Secrétaire Exécutiftitulaire, chef<strong>du</strong> Secrétariat<br />
Exécutif;<br />
Un Secrétaire ExécutifAdjoint chargé des questions<br />
juridiques <strong>et</strong> Techniques;<br />
Un Secrétaire ExécutifAdjoint Chargé des questions<br />
administratives <strong>et</strong> financières<br />
Et d'un Secrétariat administratifdont la composition est<br />
proposée par les Secrétaires Exécutifs <strong>et</strong> adoptée parle Conseil<br />
d'Administration.<br />
Les Secrétaires Exécutifs sont désignés par la Conférence<br />
Régionale parmi les Administrateurs dans le respect des poules<br />
géographiques (Est - Centre - Ouest).<br />
STATUT ET MISSION<br />
ARTICLE ONZE<br />
Les fonctions <strong>et</strong> conditions d'emploi des Secrétaires Exécutifs<br />
<strong>et</strong> des autres membres <strong>du</strong> Secrétariat Exécutifsont régis par les<br />
dispositions de la présente charte <strong>et</strong> par le Règlement Intérieur<br />
<strong>du</strong> Secrétariat Exécutifapprouvé par la Conférence Régionale.<br />
460
Dans l'accomplissement de leurs devoirs, les Secrétaires<br />
Exécutifs <strong>et</strong> les autres membres <strong>du</strong> Secrétariat Exécutif ne<br />
sollicitent ni n'acceptent d'instructions d'aucune organisation<br />
membre ni d'aucune autorité extérieure à l'organisation.<br />
Les Secrétaires Exécutifs ont statut de fonctionnaires<br />
internationaux <strong>et</strong> le pays qui abrite le siège accepte de leur<br />
accorder tous les avantages dévolus à leur statut.<br />
La personne <strong>du</strong> Secrétariat Exécutif est recruté localement dans<br />
le pays qui abrite le siège de la Ligue <strong>et</strong> est régi par les<br />
dispositions de la législation sociale en vigueur dans ledit pays.<br />
DES COMMISSIONS SPECIALISEES<br />
ARTICLE DOUZE<br />
1. Les organisations membres effectifs acceptent de peaufiner<br />
ensemble leurs stratégies de lutte contre les crimes rituels.<br />
2. Ces stmtégies sont étudiées, montées, élaborées par des<br />
commissions spécialisées composées des membres des<br />
organisations membres effectifs ayant les matières en<br />
question dans leurs attributions, puis soumises au Conseil<br />
d'Administration pour adoption par la Conférence<br />
Régionale.<br />
3. Les commissions les plus importantes sont<br />
a. La Commission de l'E<strong>du</strong>cation <strong>et</strong> <strong>du</strong> Dialogue des<br />
cultures;<br />
b. La CommissionJustice, Paix <strong>et</strong> Démocratie;<br />
c. La commission de la communication.<br />
4. Chaque commISSIOn fonctionne conformément aux<br />
dispositions de la présente Charte <strong>et</strong> d'un Règlement<br />
Intérieur approuvé par le Conseil d'Administration.<br />
461
DU BUDGET<br />
ARTICLE TREIZE<br />
Le budg<strong>et</strong> pour le fonctionnement de la Ligue est préparé<br />
chaque année par le Secrétariat Exécutif <strong>et</strong> soumis au Conseil<br />
d'Administration pour son approbation par la Conférence<br />
Régionale. Le Budg<strong>et</strong> est alimenté par:<br />
a. Les subventions des parrains <strong>et</strong> autres partenaires<br />
ciblés<br />
b. Les contributions des organisations membres, à<br />
raison de 5 % <strong>du</strong> budg<strong>et</strong> annuel de fonctionnement<br />
de chaque organisation membre;<br />
c. Les rec<strong>et</strong>tes des services <strong>et</strong> autres tâches proposées par<br />
le Secrétariat Exécutifau regard des dispositions <strong>du</strong><br />
point quatre de l'article deux de la présente charte.<br />
DE LA SIGNATURE DE LA CHARTE<br />
ARTICLE QUATORZE<br />
1. La présente charte est ouverte à la signature des<br />
organisations nationales membres effectifs <strong>et</strong> couverte<br />
de leurs sceaux officiels pour authentification.<br />
2. Un exemplaire est déposé auprès <strong>du</strong> Gouvernement de<br />
chaque pays dont sont originaires les organisations<br />
membres par le Ministère ayant la tutelle des<br />
associations dans ses attributions, lequel en accuse<br />
réception pour confirmer son applicabilité par<br />
l'organisation membre.<br />
3. Tous les accusés de réception sont versés en copies<br />
certifiées conformes aux originaux auprès <strong>du</strong> Ministère<br />
des Affaires Etrangères <strong>du</strong> pays choisi pour abriter le<br />
siège de la Ligue.<br />
4. La présente charte ne pourra entrer en vigueur qu 1après<br />
réception par le Ministère cité au point 3 ci-dessus des<br />
462
accusés de réception des deux tiers des organisations<br />
nationales des pays cités à son article premier.<br />
DE L'ENREGISTREMENT DE LA CHARTE<br />
ARTICLE QUINZE<br />
La présente Charte résultant de la volonté commune des forces<br />
sociales des pays membres de l'Union Africaine dans le respect<br />
des libertés garanties par les instruments internationaux, est<br />
enregistrée à la Commission de l'Union Africaine par les soins<br />
<strong>du</strong> parrain de la Ligue, à savoir UNESCO/LIBREVILLE.<br />
DE L'ADHESION ET DE LA RENONCIATION<br />
ARTICLE SEIZE<br />
1. Toute organisation nationale, toute association ayant la<br />
défense des droits de l'homme dans ses objectifs, peut,<br />
à tout moment, notifier au Secrétariat Exécutif sa<br />
volonté d'adhérer à la présente Charte.<br />
2. Le Secrétariat Exécutif en fait communication à toutes<br />
les organisations membres effectifs.<br />
3. L'adhésion est adoptée à la majorité des deux tiers des<br />
voix des délégués présents à la session ayant inscrit le<br />
point à son ordre <strong>du</strong> jour. Le Secrétariat Exécutif fait<br />
part à l'organisation intéressée de la décision de la<br />
Conférenée Régionale.<br />
4. La même procé<strong>du</strong>re s'applique pour la renonciation de<br />
la qualité de membre par une organisation.<br />
DES DISPOSITIONS DIVERSES<br />
ARTICLE DIX SEPT<br />
1. La langue de travail de la Ligue est le français.<br />
Toutefois, ses documents de travail peuvent être<br />
tra<strong>du</strong>its en langues africaines, en portugais <strong>et</strong> en<br />
anglais, à la demande des organisations membres.<br />
463
2. Le Secrétariat Exécutif peut, au nom de la Ligue,<br />
accepter tous dons, donations <strong>et</strong> legs faits à la Ligue,<br />
<strong>sous</strong> réserve de 1f approbation <strong>du</strong> Conseil<br />
d'Administration.<br />
ARTICLE DIX-HUIT<br />
Le Conseil d'Administration décide des immumtes <strong>et</strong> des<br />
privilèges <strong>et</strong> avantages sociaux à accorder aux Secrétaires<br />
Exécutifs dans les territoires des pays de l'Afrique Centrale.<br />
n le négocie avec les gouvernements des pays dont sont<br />
originaires les organisations membres effectifs de la Ligue.<br />
ARTICLE DIX-NEUF<br />
L'initiative de modification de la présente charte est reconnue à<br />
toutes les organisations nationales membres effectifs.<br />
Les proj<strong>et</strong>s d'amendement sont soumis au Conseil<br />
d'Administration <strong>et</strong> les amendements ne sont définitifs que<br />
s'ils obtiennent l'adhésion des deux tiers des délégués des<br />
organisations membres effectifs.<br />
DISPOSITIONS FINALES<br />
ARTICLE VINGT<br />
Les membres signataires de la présente charte conviennent de<br />
l'implantation <strong>du</strong> siège de la Ligue à Yaoundé, Capitale de la<br />
République <strong>du</strong> Cameroun.<br />
Toutes les dispositions doivent être prises par la Conférence<br />
Constitutive, avec l'appui <strong>du</strong> parrain de la Ligue,<br />
UNESCO/LIBREVILLE, pour l'implantation effective <strong>du</strong> siège<br />
dans les trois mois qui suivent l'adoption de la présente Charte.<br />
A ,le<br />
464
LISTE DES PARTICIPANTS<br />
Burundi<br />
Prof. Philippe Ntahombaye<br />
Université <strong>du</strong> Burundi, Bujumbura<br />
Joséphine Ntahobari,<br />
UNESCO Bujumbura<br />
Cameroun<br />
Cheikh Oumarou Malam Djibril,<br />
VP. Conseil Islamique <strong>du</strong> Cameroun<br />
Rév.Jean Emile Ngue,<br />
CEPCA/Cameroun<br />
Gabon<br />
Rév. AlbertT<strong>et</strong>si,<br />
EEC/Brazzaville<br />
M.Janvier Obiang<br />
Organisation des Chercheurs <strong>et</strong> Tradi-praticiens <strong>du</strong><br />
Gabon<br />
Jean Blaise NguemaMba,<br />
Organisation des Chercheurs <strong>et</strong> Tradi-praticiens <strong>du</strong><br />
Gabon<br />
M. Berthin Géorice Madebe,<br />
Université Omar Bongo<br />
Mme Monique Mavoungou-Bouyou,<br />
Université Omar Bongo<br />
M. AbdoulJob Tama,<br />
Organisation des Chercheurs <strong>et</strong> Tradi-praticiens <strong>du</strong><br />
Gabon<br />
465
M. Paul Dzime Bengone,<br />
Agent CENAREST (Centre National de Recherche<br />
Scientifique <strong>et</strong> de Technologie)<br />
M. Abbé Casimir Ondo-Mba,<br />
Eglise catholique<br />
M. Théodore Koumba,<br />
Faculté des L<strong>et</strong>tres <strong>et</strong> des Sciences, Université Omar<br />
Bongo<br />
M. Chérubin Delicat,<br />
CENAREST (Centre National de Recherche Scientifique<br />
<strong>et</strong> de Technologie)<br />
M.J.P. Boungoulou,<br />
Association desJeunes sans Frontière<br />
M.Jean Divassa Nyama,<br />
Ecrivain<br />
M. SalifCépin Doudou,<br />
Magazine Interculruralite<br />
M. Ernest Ndong Ekouaghe,<br />
Centre National de Recherche Scientifique <strong>et</strong> de<br />
Technologie (CENAREST)<br />
M.Jean Elvis Ebang Ondo,<br />
Collectifdes familles d'enfants assassinés <strong>et</strong> mutilés<br />
M. Esther Ebang,<br />
Collectifdes familles d'enfants assassins <strong>et</strong> mutilés<br />
M. Clémentine Avomo Ndong,<br />
Association des Femmes Catholiques <strong>du</strong> Gabon<br />
Pasteur Endje Ngowe Iyanga<br />
Eglise de Béthanie<br />
466
M. Michel Biyambou-Fils,<br />
Commission Nationale UNESCO<br />
M. BernardM<strong>et</strong>ogo Awono,<br />
Ministère de la Culture, des Arts Chargé de l'E<strong>du</strong>cation<br />
Populaire<br />
Mme ChantalAïssata Bouka<br />
Collectifdes familles d'enfants assassins <strong>et</strong> mutilés<br />
M. Zeng Obame<br />
Ministère de la Culture, des Arts Chargé de l'E<strong>du</strong>cation<br />
Populaire<br />
M. Aboubakar<br />
Collectifdes familles d'enfants assassins <strong>et</strong> mutilés<br />
Rev. Rostand Essono Ella<br />
Eglise Evangélique <strong>du</strong> Gabon<br />
Mme Christine Ngo Bilong ép. Moukondji<br />
Enseignante<br />
République Démocratique <strong>du</strong> Congo<br />
M. Awazi Nengo Mémé<br />
Communauté Islamique de la RDC<br />
M. Abbé Dominique Kahanga<br />
Facultés Catholiques de Kinshasa<br />
Rév. René Fouti Luemba<br />
Eglise Christ Pain de Vie<br />
Sénégal<br />
M. Saliou Sambou,<br />
Gouverneur de Dakar, Sénégal<br />
République Centrafricaine<br />
467
M. Lucien Dambele<br />
Radio Centrafrique, RCA<br />
M.]érémie Mopili<br />
Héritier de trône en pays Zandé,<br />
UNESCO-Bureau de Libreville<br />
Makahily Gassama,<br />
Représentant résident de l'UNESCO<br />
Mme Viol<strong>et</strong>aAguiar,<br />
Spécialiste Adjoint <strong>du</strong> Programme Culture<br />
M. TassewTesfaye<br />
Spécialiste Adjoint <strong>du</strong> Programme Communication<br />
Isabelle Sandjo Nono<br />
Secrétaire<br />
Irène Bouanga<br />
Secrétaire<br />
468