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103/104 : Colloque 2003, etc. - Société des Amis d'Alfred Jarry

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Notes e(<br />

communications<br />

tion de cette farce d'État majeure. Celui qui s'imagine cette représentation et<br />

l'attitude <strong>des</strong> spectateurs ne peut que penser à cette satire géniale de Ludwig<br />

Tieck Le Chat botté dans laquelle le plus drôle de tous les romantiques fait<br />

jouer les personnages les plus dramatiques, public, critiques et essuyeurs de<br />

lampes avec la meilleure <strong>des</strong> humeurs et dans un désordre <strong>des</strong> plus charmants.<br />

Mais pour un jeu d'esprit si réfléchi manque toutefois au français moderne<br />

l'audace géniale du vieux romantique. On a également admiré le courage<br />

<strong>d'Alfred</strong> <strong>Jarry</strong> avec lequel il s'est exposé à l'indignation de la foule et à ses<br />

porte-parole critiques. Mais en vérité sa pièce aurait eu plus d'impact s'il<br />

s'était adonné avec une plus grande liberté et une plus grande insolence dans<br />

le domaine de la déraison totale.<br />

Il existe un genre malheureusement disparu d'œuvres romantiques dans<br />

lesquelles toutes les conditions de la logique sont supprimées et où l'on<br />

prend en toute tranquillité le plus insensé pour le plus naturel — œuvres<br />

dans lesquelles on peut se reposer tout comme dans un rêve de pédanterie<br />

de la causalité. Le « Roi Ubu » a encore trop de cohérence sensée afin d'avoir<br />

cet effet libérateur, il ne joue pas dans un monde d'humeur fantastique dans<br />

laquelle on pourrait totalement s'oublier. L'ironie également que les romantiques<br />

maîtrisent si souverainement n'est pas de mise ici ; <strong>Jarry</strong> ne présente<br />

pas une satire contre les conditions humaines ou apparitions littéraires particulières<br />

tel qu'on a pu le laisser entendre à tort. Toutefois, Ubu Roi donne,<br />

dans ces étroites limites que l'auteur a voulues, l'impression d'une œuvre<br />

rafraîchissante et de par sa mo<strong>des</strong>tie en devient un produit aimable. <strong>Jarry</strong><br />

ne veut rien d'autre que représenter une intrigue humaine dans sa nature<br />

la plus primitive, dans son originalité la plus expressive. Les personnages<br />

aux caractères primitifs donnent vraiment l'impression de marionnettes ou<br />

d'enfants spirituels qui auraient par contre de grands corps lourdauds. Cette<br />

manière simple de traiter qui fait penser à une gravure sur bois a pour elle<br />

l'avantage que l'on est poussé à réfléchir et à poursuivre les idées de l'auteur.<br />

Si le « Roi Ubu » était écrit en vers et si les personnages se comportaient en<br />

vrais princes comme leur rang l'exige, il s'agirait alors d'une tragédie de<br />

grand style. Cet aventurier fait penser à Demetrius et à Macbeth. L'auteur<br />

n'a sûrement pas eu l'intention de parodier de cette manière mais l'on en<br />

vient par soi-même à penser que les actes <strong>des</strong> êtres humains en vérité ne sont<br />

guère plus compliqués que ça et que toute la psychologie de la faim et de<br />

l'amour finalement en ressort comme le joyau de la vie à côté de beaucoup<br />

de bêtise et d'orgueil. C'est pour cela que ce drame burlesque dans lequel<br />

la vulgarité se conduit si grossièrement et la bêtise s'exprime si bêtement a<br />

finalement une légère répercussion mélancolique. C'est là tout son charme;<br />

mais ni l'admiration <strong>des</strong> amis ni l'outrance <strong>des</strong> adversaires n'étaient justifiées<br />

par sa signification.<br />

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